Alain Gendrault, Octave Mirbeau Et Fernand Charron

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OCTAVE MIRBEAU ET FERNAND CHARRON La préface de La 628 - £ 8 d’Octave Mirbeau est un éloge dithyrambi- que de Fernand Charron, constructeur automobile. Mirbeau paraft |ui- méme étonné de son enthousiasme et dit avoir hésité a le rendre public. Comment expliquer un tel élan ? Habitués et souvent excédés, en cette fin de siécle, par 'omniprésence de I’automobile, nous imaginons mal las passions qu’elle a suscitées 2 ses débuts. Alors qu’elle est devenue un objet de consommation produit en grande série par des sociétés ano- nymes, I’aura qui a entouré ses inventeurs et ses grands praticiens, Char- ron entre autres, parait aussi étrange que le culte voué & Pharaon ou au Roi-Soleil. Toute passion a besoin d’un point d’appul : les automobilistes du « Cher Monsieur Charron » jouent leur réle. Mais sans l’'exceptionnelle personna- lité de leur créateur, grand champion sportif, commercant avisé et inventif, industriel infatigable, et, surtout novateur encore mal connu, gageons que la «628 - E 8» n’edt pas été 2 méme, quatre vingt-dix ans aprés ses pre- miers tours de roue, de nous transporter de la meme allégresse. Nous essaierons de montrer pourquoi les automobiles produites par C.G.\V,, la Charron Ltd et Alda justifient la sympathie que leur accordait Octave Mirbeau, tout en rendant hommage a Fernand Charron, né en 1866, & Angers comme la Société Octave Mirbeau, et enterré dans cette ville d&cidément prédestinée apres son déces survenu le 13 aodt 19218 Maisons-Laffitte. En 1901, a quarante-cing ans, Ferdinand Charron, dit Fernand, crée la firme C.C.V. avec ses amis Laitons Girardot et Emile Voigt, comme lui ex-coureurs cyclistes et pilotes d’automobile. Sa vie est déja bien rem- plie. Employé d’abord chez ses parents, commercants a Angers dans la passagere rue St Aubin, il fait dans cette ville ses débuts dans le sport cycliste en 1882. Il remportera en 1886 et en 1887 le Grand Prix d’Angers. Fn 1891, a l’apogée de sa carriére de coureur cycliste, il en- lave trois des championnats de France (100 et 60 kilometres). Son pal- marés comporte au total 116 succes sur 233 courses disputées. Cavalier émeérite il a également une écurie de course dont il fait lui meme triom- pher les couleurs : casaque cerise a pois blancs (1). 222 CAHIERS OCTAVE MIRBEAW Belle vitalité que Charron va trés vite consacrer aux premiéres cour: automobiles. II gagne a Marseille, Nice, Paris, Amsterdam, Paris encore Bordeaux. Inaugurée en 1910 a Londres et magnifiquement restaurée, superbe concession MICHELIN de South Kensingthon nous offre plu sieurs représentations en mosaique de notre champion angevin, signifi catives de son prestige de coureur. Aussi bien, il remporte en 1900 ba! premiére Coupe Gordon-Bennett, laissant l'année suivante le prestigieux! trophée a son ami et associé Girardot, Entre deux courses, l’Agence générale des automobiles créée avec ses deux complices, bén de leur renom acquis en compétition et de méthodes de vente inventives qui caractérisent toute la carriére com merciale et industrielle de Fernand Charron. II représente la firme Pan- hard-Levassor qui lui doit de nombreuses victoires en compétition. C'est peut-étre lors de l’acquisition d’une Panhard par Mirbeau en 1902 que les deux hommes ont eu l’occasion de se rencontrer. Mais déja existe depuis 1901 C.G.V., firme qui disparaitra dés 1906, année de I’achat par Mirbeau de deux véhicules de sa gamme, une 30 CV, puis une 15 CV. Ainsi la marque ne profitera pas de la prestigieuse publicité qu'aurait pu lui procurer la parution de La 628 - E 8. L’insuccés de C.G.V. n’est pas | a l’origine de sa disparition : une photographie de 1904 nous permet d’admirer le splendide landaulet de Vancien et futur Président du Con seil Rouvier, monté sur un chassis 15 CV (2). Il temoigne du prestige de la firme et de sa caractéristique calandre rectangulaire percée par la Qane manivelle rituetle, parfaitement mise en évidence dans les illustra tions de Bonnard. Au contraire, la firme a intéressé le groupe financier anglais Dalziel, le m@me qui a introduit les prestigieux Pullmans en Grande-Bretagne puis sur le continent, 4 la Compagnie des Wagons-Lits chére a Valery Larbaud. Nait alors « la CHARRON Ltd » dont Fernand est le Directeur général et qui continuera la fabrication de véhicules appré- ciés jusqu’en 1930, mais sans Charron, parti en 1909 remplacer son nouveau beau-pére, le magnat du pneu et du cycle Adolphe Clément, a la direction de la firme familiale CLEMENT-BAYARD. Pour quelques CAHIERS OCTAVE MIRBEAU 223 années au moins puisque, dés 1911, notre homme fonde sa premiére firme réellement personnelle. Son nom ne lui appartenant plus, il orga- nise, dit-on, parmi les lecteurs du grand journal sportif L‘AUTO, une des premiéres enquétes de marché pour choisir une dénomination allé- chante ; ALDA sera dérivé du slogan « Ah, la délicieuse automobile »... (3). Des publicités enjouées, illustrées souvent par Gus Bofa, témoignent d’un sens commercial trés vif. Une telle bougeotte, comparable a celle qui affecte Mirbeau dans ses voyages, pourrait @tre préjudiciable aux activités d’industriel et de cher- cheur de Charron. Il n’en est rien. $’il consacre du temps a son hall d’exposition de avenue de la Grande Armée, il en réserve assez aux ateliers de C.G.V. de Courbevoie pour que la qualité des véhicules pro- posés a la clientéle soit digne du dithyrambe de Mirbeau. II en sera de méme dans ses autres firmes. Une C.G.V. est présentée au Musée national de |’automobile de Mul- house. Elle est statique. Mais en décembre 1990 la revue Rétroviseur (4) a réalisé l’essai d’une Charron 12 CV 1914. Ces spécialistes de la voiture ancienne nous offrent une promenade a 60 km/heure au bord du Léman dans un véhicule dont la carrosserie, en bois il est vrai, a été restaurée. Mais la mécanique dont la facilité d’emploi, rare pour l'Epoque, rappelle celle des Rolls-Royce contemporaines a |’origine du premier succés de cette firme, n’a demandé qu’une révision limitée. Soixante-quinze ans aprés la livraison de cette voiture, cette constatation témoigne d'un soin évident dans sa fabrication et du bonheur de sa conception. A Vepoque, une automobile est un chassis doté d’une mécanique fourni par le constructeur, sur lequel un carrossier, qui souvent a réalisé dans le passé des voitures hippomobiles, installe une caisse au godt de son client. Certaines voitures sont fermées, le plus souvent dans la partie arriére, traitée dés lors avec le luxe des meilleurs compartiments de chemin de fer et force capitonnages. En raison de la nature des maté- riaux utilisés, de la gran- de dimension des pare- brise, ce confort entraine un supplément considé- rable de poids pour une puissance disponible, la «puissance — nominale » exprimée en chevaux- vapeurs : 8, 15, 30, 40/50 Voiture Charron de 1904, 44 cylindres. et plus, dérisoire par rap-

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