Karol Cytrowski, L'Abbé Jules D'octave Mirbeau en Tant Qu'exemple de L'influence de Fiodor Dostoïevski Sur Le Roman Français de La 2e Moitié Du XIXe Siècle
Lucía Campanella, "Le Journal D'une Femme de Chambre" Et "Puertas Adentro" de Florencio Sánchez: Rencontre Interocéanique de Deux Écrivains Anarchisants
DIBS ILLS
Une visite M. Constant Coquelin s'imposait.
I me recut dans une vaste pitce, parmi les deux
mille huit cent neuf portraits et ses trois mille
quarente-six bustes, que des glaces, mystérieuse-
ent disposées, répélaientet se renvoyaient & I'in-
fini. Au centre, un pivot tournait, portanta hauteur
Whomme, une rangée circulaire de miroirs, les-
quels reflétaient jusqu’aux reflets des reflets,
— Ah! ab! s'écria joyeusement M, Constant
Coquelin... Enfin, vous voila!
Et, comme je paraissais ahuri par cette pullu-
Jante répercussion de 'Image, de I'Image immor-
telle et rasée de_notre grand Cabotin national,
celui-ci me dit, de cette voix unique qui vibre at
qui claironne :
— Mon gar¢on, vous n’en voyez qu'une minime
partic... Tous les musées de province et de
Tétranger possédent d'importantes collections
de mes bustes et portraits... Celle-ci, qui est
de choix, je la destine au Louvre, naturelle-
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ps muta Bese 4g
ment... aprés ma mort, s'il est vrai — ce qui
n’est pas encore prouvé — que je doive mourir..
Oui, mon garcon, tout cela ira au Louvre.
Mout un geste mystéricux, et il ajouta
— A moins que la reconnaissance de mes
compatriotes n’édifie, sous Ja protection de IE:
un musée spérial et fastueux, le musée Coquelin...
en quelque sorte, national, oi chaque
semaine, au milieu de mes bustes et portraits, on
eélébrerait le culte de ma personne, selon des
rites extrémement impressionnants. On mo doit
bien cela, on vérité. On doit bien cela a Coquelin...
Avec mon fils et mon frére, ne suis-je point une
hypostase autrement en vedette que la Sainte-
Trinité?... La, franchement... D’ailleurs, je sais
que Roujon y songe... Mais il ne s‘agit pas de cela
pour le moment.
Tl se tourna vers le domestique qui m/avait
introdvit, et il ordonna :
— Dites & mon seerétaire qu'il vienne immé-
diatement me faire les pieds.
Puis, s‘adressant a moi avec un sourire condes-
‘cendant et presque cordial
— Mes piods... me confia-til, e’est un honneur
que je n'accorde d'ordinaire qu'aux dames et en
wagon (1). Mais vous avez été toujours si parfait
que je consens ce que vous le partagiez avec
elles et chez moi, ee qui en double le prix. Main-
tenant, causons.
(4) Voir tee Mémoires de Schvrmann.420 coms be rake
TIsenfouit dans un moelleuxet profand fanteui
Jes jambes croisées, les genoux a hauteur du
menton, et tandis que le seerétairo Je déchanssait
respectucusement et se livrait, sur ses piods
illustres, & des manipulations savantes, notre
— de suis content de Ja Presse!... Non, v
semble ent
vie nouvelle. Elle semble vouloir abandonner Jes
tes querclles stériles, les bas potins, les dis:
ions byzantines, les odieux Davardages, of
ment, ts Press dans un
elle se complaisait, pour s’attaquer, enfin, aux
grandes questions philosophiques, aux questions
vilales, aus passionnants phénoménes sociaux!...
La Presse se relive!... Vous m’en voyez tout heu-
reus... Vous me voyez tout heureux, surtout,
Wavoir 16 la cause de cotte revolution, de ce
rajetnissoment tout a fait admirable... On ne va
plus rire de nous, en Europe, je vous le garantis !
Par quelle série de patriotiques douleurs n’ai-je
point passé, si vous saviez! Et comme souvent, a
Vétranger, j'ai eu a souffrir de Vinfériorité notoire
de notre Presse!... On me disait : « Avouez que
votre Presse resemble a une loge de concierge! »
Il m’était difficile de répondre & cela, car etait,
ma propre opinion que les étrangers exprimaient
de cette facon pittoresque et si peu flatteuse pour
mon amour-propre national, Naturellement, jeds-
fendais la Presse, demon micux. Je disais : « Mais,
non, mais non, Vous exagérez! » Personne n’était
dupe de cette générosité qui me portait, comme
pies mia Aa
Tes fils de Nod, a jeter un voile sur les impuretés
dans ma patric... Avjourd’hui, cela change, et
nous allons reconquérif, grice a moi, I'estime du
monde et notre rang dans Yhumanitél... 11 était
temps, je vous le jure... Coquelin doit-il ou ne
oit pas jouer en Nees) . Telestle redou-
table et univers
probléme,
} probleme, tel est Je sanctifiant
ui se pose!... Voila done enfin reve.
nucs les hautes spéculations métayhysiques... It
a suffi que mon nom parit, un instant, ainsi
jw'une jeane aurore aprés une Jongue, une Jourde
nuit de téndbres et de fievres m , pour
que f0t purifige Vatmosphére morale de notre
Presse!... En ai-je fait, dans ma vie, de ces
miracles!... Et il apparaft lumineusemefit que je
suis le centre, Ie pivot, et, eomment direis-jo?
Yame méme de la patrie!
Le secrétaire, penché sur les pieds nus du
grand homme, pongait avec frénésie la peau cor-
née du talon, laquelle retombait, sur le tapis, en
poussiére brillante. Et les deux mille huit cent
neuf portraits, ot les trois mille quarante-six
bustes, prenaient, & la voix vibrantedu maitre, un
aspect de gravité presque religieuse. J'étais émv.
Pourtant, avec toutes les précautions oratoires
que commande la personnalité de mon interlo-
‘cuteur, je crus devoir objecter timidementceci :
— Vous étes I'ame méme de la patrie, cela est
str. Le vieil esprit francais, qui se galvaude si
-aisément, hélas! retrouve en vous, aux heures
difficiles, son foyer, ot brolent toujours les belles122 onxs ve suizas
. flammes dela pensée et de Vart. Vous &tes, puis
je ainsi dire, quelque chose comme Yantisoptique
de nos décompositions, le vigilant gardien de nos
Guergies gaspillées, Ie phare tournant de nos
espérances compromises... Oui, vous Mes tout
cela, ef vonx étes plus que ton! cela, puisque vous
dant, il s’en favi que le Presse ait unanimement
Jutions... ly a eu bien des
serves et bien des indignations!
approwvé vor ¥é
Coquetin sovri
et je vis Ace sourire, of Je
is se tempérait @ironie, combien il avait
pilig de moi
Que me font indigaations ou réserves! dit-
il... Vous ne enter done pas la veritable signifi-
cation de cette explosion nationale! Mest tout &
fait indifféront que la Presse approuve ou désap-
prouve Yopportanité de mon voyage... L'impor-
tant est que la question en ait éi¢ posée! Le rare
et le miraculeux, c'est que la Presse ait délaissé
ses fuliles quereties pour se passionner & de tels
problémes, dont la solution contient Vavenir de
Vhumanité... Au fond, toute la question est en
ceci : Goquelin et la France, c’est la méme chose.
Jincarne la France et la France m’incarne : nous
sommes consubstantiels I'un a autre. Avec mon
fils et mon fréve, jo formais déji une Trinité
extraordinaire. Avec la France, je suis une dualité
plus extraordinaire encore. Comprenez-vous,
maintenant?... Et croyez bien, mon pauvre:gar-
gon, que je n’entreprends ce voyage que dans le
res ta 123,
‘but de faire“rayonner ces nouvelles vérités sur
Te monde. Je venx qu'on sache bien, dans l'uni-
vers, que la France a repris possession d’elle~
mame, ou que j'ai repris possession de la France,
ce qui est tout un...
Fallai
grand hs
ore Jui poser une que;
nme me devanca, car il voit tout, et i
lit, jnsque dans les plus profonds replis de
hurmai
ame
du Molidve ov da Seribe
rroyez pas i ces sottises, jeune homme,
i! sur un ton paterne!, el regardez autour
ie, comme d
me di
de yous... Y cut-il jamais un homme plus peint
que moi, plus taillé én marbre que moi, plus coulé
on bronze que moi? Non, n’estce pas? Eb bien,
alors? De Yargent? tous mes coffres«forts en
dshordent!... De la gloire? je ne sais plus ot Ia
mettre... Non, noa... Vai senti que le jour étai
enfin ven : Dies ira, dies ie...
1 ce leva, Leseerétaire avait terming sa besogne
de pédicuration, Les pieds du Maitre resplendis-
saient, comme deux archanges d’apothéose
patriotique... Je sentais peser, brOler sur moi
les cing mille six cent dix-huit regards des por-
traits, les six mille quatre-vingt-louze regards des
bustes. Je me retirai, ot c'est & peine, dans mon
émotion, si j/entendis la voix du grand Cabotin,
qui disait
= Oui, le jour est enfin venul... Ils fe savent
bien, en Allemagne.
(Le Journal, 17 juin 189%.)
Karol Cytrowski, L'Abbé Jules D'octave Mirbeau en Tant Qu'exemple de L'influence de Fiodor Dostoïevski Sur Le Roman Français de La 2e Moitié Du XIXe Siècle
Lucía Campanella, "Le Journal D'une Femme de Chambre" Et "Puertas Adentro" de Florencio Sánchez: Rencontre Interocéanique de Deux Écrivains Anarchisants