Octave Mirbeau, Chez Le Bourreau

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/ 29.chen le vourreau, 2 septembre, inédit... Aprés es adnirables événenents de Laval, 1'idée me vint que je ponrrais re- cueillir, de 1a bouche méno du bourreau, dea renseignononte intéroscanta, ot Je ne rendis, hier soir, chez M. Deibler, I1 prenait le thé, en famille; 11 fit quel ques facons pour me recevoir, Aux premiere mots que je lui dis, cet important personage objecta, tout d'abord, le secret professionnel, = Je ne puie parler, déclara-t-i1.., Je oie fonctionnaire... = Yous Stes plus que cela, ineistai-je.,, Vous tes, comme 1'a proclané un phi- Tosophe catholique, 1a ire de ja société, Ye dourreau a do“TThumour, 41 répondit + D) ~ anguiaize, triangulaire, quadrangvlaire ouheragonal, je ne vous dirai rien, fi) Je trouvai in tale pour itengager dane 1a Yole des confidences, sans ol!S2 jg'en apergit, car les bourreaux sont des mes simples ot nafves, Et je lui deman- (fai négligemment + ~Vous dever tre content do votre voyage 2... Oh ! Ion vovn a fait Ate, 1A bas Ia phystononie di borrreay stéclaira sxbitenont + = Pour ga! olf, Je aise contert.., Tt ce sont de nraves rons, dans ce pays do Iaval 1... Clest un vrei plaisir que dtexercer dans des condi tions poretiles, parnt des foulos avast aynpathiques 1... Habitvellenant, les chones ne se naceent pee ainsi... Jone sais pourquoi on ee aéfie de not, partout of jo vale... J'ai toutes les poinos du monde A trouver un nOtel qui veulle nove accuet1Lir, wa wachine, men aiden ot noi... St si Je fais, apris le dfner, un petit tour dane 1a ville, Jes gens fuient & non approche, of me reardent avec horreur... Contest pac con Yenable, vraiment... Pourtant,’Je ne fais de tort A personne; ie evis un ton cL~ toyen; je n'ai ras de dettes, Je pale loyalenent mes contribitions.., Je n'y com prends rien... IL y a 1A, évidenment, un malentendu... Mais Je n'y pense plus Laval me dédonmage de toutes les humiliations, passées,,, Quelle brave, gén’ | a las rouge et honnéte ville !.., Ft comme on y est, tout de suite, a son aise, hEtels vo disputaient 1!honnour de notre olientéle !.., Co atiton nous a coimés, choyés, ctest incroyable !.., Les plus belles chambres pour nous, pour nour les neilleure plats !,,, Nous ntavions qu'é exprimer un déstr, 11 était auasitét sa tiefait.., Vous ne le croiriez vas, mais 11 atest passé des chones qui fant que maintenant encore, a l'heure od je vous parle, mon coour déborde d¥énotion, et j'ai envie de pleurer,,, Ainsi, la petite bonne, pronue A 1'honneur de me servir, ne cessait de me rorarder, ot elle mo disait, toutes los mimites + "Ctost vrai que vous tes le tourreai'?,.. Ah 1 que vous @tes beau !,., Faut aue je vous ombrasse 1" Ft elle ntembressait, Ja jolie enfant, avac uno frénéete !,,, Vraiment, ga vous réconcilie avec 1'mmanité ! = Ala bonne heure 1 dis~Je.., VoLlA dee souvenirs quton nlovblie pas. = Bt ce nieat rien I continua M, Deibler.,. Dang 1a rue, je retronval 1a méne Politesse, les némes égards, le mfme onthousisens,.. [es pasnants ne découvraient Tespectusueonent devant moi; dos méres tendatent jusqu!a mes lévres les joues potelées de leurs enfants... C'était A qui etenpresserait de mo faire lea honneurs de la ville, me montrer lee monuments... Dans un café, je fun littéralenent acclamé, On oria t "Vive le bourreau 1..." Jiai appria que lo directeur du thétre voulait organiser une représentation de rala,,, Maia M, Arthur Noyer était en suisse, le prince de Sagan stoccupait des Tirce,,, On ntout pas le tenps... Ah I je puis le @ire, non sans un légitime orgueil, durant quelques jours, j'ai envouré les joles do la popularité,,, Ft ce ntest pas mot qui jetteral 1a pierre aux Boulanger, aux Coquelin, aux Marcel Prévost ! Ii fant un rude corvean pour résinter A cette ivresse M, Dedbler respira quelaues secondes, et 41 poursuivit : = Jiat une passion : la riche A la ligne... Conment cette admirable, incéntense et généreuse population fut-elle avertie do co rot que, J vous le jure, 40 ne manifested A personne 2... fn vérité, je ne sais pas... Toujours esteil qutun max tin Je trouval, a 1'hOtel, des assortiments de raules magnifiques, de Iignes ot @tanorces, avec les offres de plus de deux cents citoyena do me conduire aux netlloures places de la riviére:!,., Et lea fenmes, monsiour !.., Jtai requ peut= Stre plus de cing cents billets doux, parfumés, passionnés,.. 7° ntaurain jamais cra ga! = Rigre ! m'écriat-; Mais le bourrean prit un air modeste, ot rourtssant, ay ye ne suis pits jeune, et, dtailieuwrs, vous le saver, j¢ wvin marié... Nisne mistons pas aur cette queation délicate,., Ce que {ten dis, ctnat pour vous montren oe mort niest Das atone pas sur cette Mtonnnae t Youn Yoven thon que in peine de mort nteat pal Le - = yf qui en euis: la représentation cor- | rea de Finke, pitaove wol, qd 1Mincarne, no: Fe ee esse emt, tr te Ponte qui vout ai Gane, Jo croie, du veste, quvolle an aura, Ft ce ntest pap po aol un'minime orgiveil ae penser que Je mula Labontisnenent do dix-hnit cents ane de christianiane, et d'un eiacle de_révolution, ae ae TEsat devon rrave tont A coup, en pronongant cen paroles aiid POF taient sa pensée au-dela de lui-néme, ay = Ces quelques joure passés A Laval m'ont éclairé sur moi-m@me, déclama-t-il, et jtai le devoir d'étendre mon r6le social, et ma signification humaine par dela Lthorizon restreint de mon ct Jo vais me prémenter aux prochaines élections législatives, dans ce pays, Je pourrais ambitionner de plus illustresshonneurs, une fonction plus haute, et dtailleurs parfaitenent adéquate a celle que jtoccupe dé63a, Mais 11 faut bien commencer par quelque chose, J'ai déja eu plusieurs entre~ vues, A ce sujet, avec les membpeas les plus puissants du parti catholique e& du parti gouvernemental, Je dois dire que, tout d'abord, mes propositions ont été accuetiiies avec répugnance, car ces gens-1A n'ont pas de franchise, ot je crois tueot quiiie ne cosproment rion Ai FEI0 qulile fovent dane 1a rocilté, Matre noua ne pensez-vous pas que le dégoft qu'ils montrent de ma personne ost a la fois trés Allogique titres conique ? Quelle horreur puls-Je assumer dont ils ntaient la rea ponsabilité directs ? Je ne fais pas los lois, mai. si elles séroftent.de_nang, nty puis rien, Auesty ntai-je de_peine-a leur démontrer que j'étaieltex- ‘sesion Iaplus = que Je représentais - avec quel rouge T @ix-huit si@cles d'une religion de pardon et d'amour, Ils en sont tombés @accord avec moi et 1tentente est faite, Conprenoz-vous 1a netteté de ma situation ? Aucune ne préte moins que la mienne aux exégdses parlenonteires et aux conédies @lectorales, Pour faire savoir aux poptlations ce que Je suis et ce que je veux, ore -Visis et ol Je vais, je n'ai pas besoin de profession do foi; jlévite toutes les malpropres sottines dee réunions publiques; je ne préserve de tontes ee fanges par od un candidat ordinaire est obligé de passer. Sur les murs, a affiches rouges avec co seul mot imprimé en noir : LE ROURRFAU, et fo vais m'as- eoir dans co palais ol se triturent mes besognes matinales, entre M, Albert de Mun, qui représonte toute 1a religion, clest-A~dire tout 1!anour, et M, Joseph Reinach, qui représente tout le rouvernemont, clestei-dire torte 1a’ justicn, = Ia sainte Trinité | observai-je négligenment, Io thé fumeit sur la table fantliale, M, Deibler mlinvita A partarer 1a dou- ceur de cos tranquilles agape, ct sur mon assurance ovo Ie thé ne donnadt den cranpes d'estonac, 11 me recondutsit roliment jusqu'a 1a porte, at, redevemt fanilier, 41 mo éit, en me soubsitant le bonsoir = Gost Sgal ! vous saver, j'ai rapporté de Laval une famonne pinte de bon sens 1 Ce Your ual, Lteplesubre (V4

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