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Octave Mirbeau, Le Poète Et La Source
Octave Mirbeau, Le Poète Et La Source
Octave Mirbeau, Le Poète Et La Source
LE POÈTE
Ô source !
Je suis Vielé-Griffin, et voici Yeldis.
Tu nous as reconnus tous les deux... Regarde-nous.
Elle dort, au port très lasse, et je suis sur la route ;
Et nous allons vers les Atlantides et vers les Ys,
Vielé-Griffin, sur Yeldis,
Avec des lys, avec des lys .
LA SOURCE
Écoute-moi,
Je suis la source de fraîcheur et d'espérance
Que depuis si longtemps tu cherchais sous les roses
Pâles des soirs et des matins.
Arrête-toi.
Les prés sont verts, le ciel est rose, les champs sont
Bruns.
Tout est embrun et tout est brun.
Entends la cloche.
Et la route au loin est si blanche !
LE POÈTE
LA SOURCE
Et dans la forêt mauve où le Rêve s'enchante
Le hibou pleure, le hibou chante
Comme un remords.
LE POÉTE
Remords de nos âmes dépareillées,
De nos années décolorées,
De nos vertus désemparées,
Appareillons, appareillons
Vers les ailleurs et les là-bas,
Les au-dessus, les par-delà,
Les par-dessus, les au-delà,
Et les Eurythmiques, de-ci, de-là,
Gonfle ta voile
Et vers les paradis de jadis,
Vielé-Griffin sur Yeldis,
Avec des lys, avec des lys,
Appareillons.
Il se tut. Puis, se levant, étrange, passionné, mais toujours eurythmique , il se précipita dans
la source, dont l'eau rejaillit sur les indolentes pervenches et les molles clématites, qui, jusqu'au soir,
pleurèrent, pleurèrent...