Karol Cytrowski, L'Abbé Jules D'octave Mirbeau en Tant Qu'exemple de L'influence de Fiodor Dostoïevski Sur Le Roman Français de La 2e Moitié Du XIXe Siècle
Lucía Campanella, "Le Journal D'une Femme de Chambre" Et "Puertas Adentro" de Florencio Sánchez: Rencontre Interocéanique de Deux Écrivains Anarchisants
LA NATURE ET L’ART
AM. de Fourcaud
Vous étes un ctitique d'art wés Eminent, éminentissime, disent tes Latins
fot le monde aime & orner votre nom de ce superlatif rare et envig, et rout le
aende a bien raison, car aucun, parmi les critiques d’art, ne le mérita mieux que
‘sees. On vous entend discourir dans les banquets de protestation, vous figurez
*bes beaucoup de commissions libres, vous rédigez des rapports innombrables, et
is vous catalogue... Ah! vous cataloguez avec une grice non pareille. Les
zres disent de vous : « Voila notre maitre », et les sculpteurs aussi. ignore ce
disent MM. les musiciens, mais ils ne doivent pas s’exprimer autrement que
ks peintres et les sculptents ; ils n’oseraient. Du consentement unanime, yous
pez sut les empires de la brosse, de ’ébauchoir et du piano avec majesté. Je me
ens aussi que vous avez, cette année, grandement admiré M, Cabanel et sa
ce, et dans un chaud langage, vous avez féliciré la Nature, que vous
sez particulitrement, d’avoir remporté, dans la personne de M, Cabanel,
plus noble conquéze qu'elle puisse faire sur le pompier?, Tour cela est fort
Geant pour moi, je vous assure. Aussi est-ce en ttemblant que je vais me
-t i répondre respectueusement aux observations que vous avez daigné tai
Su mol et sur quelques enthousiases comme moi, Pautre jou
A propos de l’exposition internationale de peinture* vous blamez les gens de
Lisser aller, ingénument, & une admiration que vous jugez inopportune et
t irraisonnée. Pour vous, qui é1es toujours de sang-froid, qui planez dans des
sacerdotales, inaccessibles au vulgaire, cette exposition ne saurait avoir
sre signification artistique ; elle vous est méme suspecte, parce que VOUS y avez
fades tableaux de M. Roybet, de M. Charlemont, de M. Van Beers, qui dégagent
mauvaise odeut de commerce. Vous les avez donc vus ? Moi pas, je vous en
ee ma parole d'honneur. J’avais cru, au contraire, qu’une exposition qui reunit
jexuvtes des Cazin, des Claude Monet, des Renoir, des Rodin, des Besnard, des
ali - vous ajoutez méme les ceuvres de M. Edelfel, qui ne sont point
ongues, en effet, et celles de M. Gervex, qui a fait votre portrait — pouvait
pour intéressante et significative ; car, il n'y a pas si longtemps de cela, la
part de ces artistes étaient dans limpuissance d’arriver jusqu’au public ou n'y
303arrivaient qu’a travers les tires des uns et les huées des autres. Reportez-vous aux
premigres expositions des Impressionnistes, of Pon allait en partie de plaisir, ainsi
qu’on va a la foire de Neuilly, oi Ies tableaux étaient traités de la méme fagon que
les monstres & trois tétes et & dix pattes des baraques foraines, o des hommes
esprit et de gaieté déposaient des sous sur le rebord des cadres, comme on fait
dans la sébille d'un mendiant. A cette époque, MM. Claude Monet et Renoir
étaient point parmi les plus épargnés et les moins insultés. Ce qu'on a écrit d’eux,
vous vous en souvenez. Un peu plus tard, le jury du Salon refusait Age d'airain
une trés belle figure de M. Auguste Rodin, sous le prétexte excessivement comique
que le grand sculpteur avait moulé un soldat belge? ~ de ce méme Rodin dont vous
admirez si fort les bustes et dont vous n’admirez pas assez les superbes études, qui
sont d'un art tellement puissant et tellement nouveau qu’elles vont, soyez-en
persuadé, révolutionner toute la sculpture moderne. Or, voyez ce qui se passe
aujourd'hui. Jadis, les Roybet, les Charlemont et les autres, dont vous parlez si
justement, n’eussent jamais consenti & exposer cate a céte avec les Impressionnis-
tes. Aujourd’hui, ce sont les Impressionnistes qui tolerent que ces mémes peintres
exposent avec eux. La différence est notoire et significative — pardonnez-moi ce
mot que vous n’aimez pas ; ~ elle prouve au moins que nous avons fait quelques
progrés et marché de avant.
|__ Oh ! je ne prétends pas, croyez-le bien, que l'éducation du public, en matigre
d'art, soit parfaite, et qu'elle est artivée au point od nous la voudrions voir, Ces
lumiéres franches et hardies offusquent toujours un peu son ceil, enctassé pat les
bitumes anciens®, il ne peut encore se plier 3 la simplification tres compliquée et
tres difficile de ce dessin, qui dessine Pimpalpable de Tait, le frisson de Pombre,
gui met les étres et les choses en leur milieu atmosphérique’, au risque de les
enlaidir et de les déformer, comme disent les docttinards de l'Ecole. Le public a
été depuis si longtemps dérouté par le dessin & contours fixes, par 'invariable
représentation des formes convenues, par T'inflexibilité ennuyeuse et jolie des
ensembles académiques, qu'il s'étonne bien un peu, n’y étant point habitué, dés
quil se trouve en présence d’un coin de nature ou d'humanité recréé par un
cerveau et par une main @artiste*, Mais il ne crie plus, mais il ne tit plus, mais il
ne léve plus les bras au ciel de stupeur. Trouver-vous donc que ce résultat soit aussi
indifférent que vous le dites ?
Ex vous partez de li pour protester presque contre ces démonstrations de
groupes libres, ct pour vous incliner devant la souveraine autorité du Salon que
vous félicitez de ces progrés constants, du Salon a qui, dites-vous, Manet a infusé
un sang nouveau. Evidemment vous confondez. Cela vous semble une révolution
304
extraordinaire et féconde que les peintres du Salon, depuis quelques années,
peignent en blanc, au lieu de peindre en noir. Mais qu’y a-til donc de changé ?
Ils peignent en blanc ce qu’ils peignaient en noir, et voila tout ; cela n’a pas d’autre
conséquence. IIs peignent en blanc comme les femmes s’habillent en mauve, parce
gue le mauve est la couleur & la mode d'une saison. Ils peignent en blanc, méme
ce qui devrait étre peint en rouge, en bleu, en jaune, en vert, la belle affaire”
Ontils done répudié leur parti pris de dessin vulgaire, leur habileré odieuse et
photographique, leur fatigant truquage! De tout Tensemble de ces ceuvtes
semblables l'une a l'autre, de ces ceuvres qui avortent dans le distingué et le
trompeT'ceil du métier, sentez-vous craquer les vieux moules, s’effondrer les
formules surannées, se dégager un mouvement sérieux ? Certes, il existe encore au
Salon de braves artistes, des hommes du moins qui sefforcent vers un art plus libre
et plus hautain, mais ils deviennent et deviendront chaque jour plus rates, dégotités
quills sont par lodeur de cette antichambre, cette boutique, ce tripot qui est la
Société des artistes francais, Tenez, il y avait au Salon le Martelewr, de M. Constan-
tin Meunier, un morceau de sculpture telle que vous dites 'aimer ; cela était pris
sur le vif de la nature, on sentait respirer, dans ce bloc de platre, tout une vie male
et triste @ ouvrier : en avez-vous parlé ? Avez-vous parlé du Paysage de M. Lebourg
une ceuvre de premier ordre, et conforme atrx théories de milieu et « d’ambiance »
que vous ne cessez de précher ? Ah ! que vous étiez mieux inspiré quand, dans un
banquet, vous jetiez ala tere de M. Garnier les baroques platres de son Académie
de Musique, quand, dans un autre banquet, vous montriez le poing a l'Institut et
proclamiez sa déchéance prochaine ! Mais ils peignent en blanc ! Et la nature sans
doute est de peindre en blanc !
La Nature ! Voila un mot qui revient souvent dans vos manifestes ! La nature
est ceci ; la nature est cela ; la nature est tout. Il n’y a que la narure ! Sans doute.
Mais le malheur est que la nature, par elle-méme, la nature telle que vous la
comprenez n’existe pas. La Nature n’est visible, elle n’est palpable, elle n’existe
récllement qu’autant que nous faisons passer en elle notre personnalité, que nous
Panimons, que nous la gonflons de notre passion", Et comme la personnalité et
la passion sont différentes a chacun de nous, il en résulte que la nature et Part sont
différents aussi et qu’ils revétent les formes infinies de cette personnalité et de cette
passion. En att, il n'y a point de régles implacables et de vérité unigue et l'on ne
peut pas dire d’un genre qu'il est supérieur 4 un autre. A cété du métier qui
importe, certes, mais doit rester dans les limites restreintes de la technique, il y a
a sensation, Cest-i-dire Pexpression de la personnalité''. Or, le mystére d’art
consiste dans le plus ou moins de développement de cette sensation. Et je retrouve
305ceuvres, des sensations plus intenses et, par consequent, plus nature que d
M. Roll, qui se borne & copier la nature, froidement, sans émotion, dans 8
apparence photographique et morte
Crest ce qui vous explique que, moi et beaucoup de gens comme moi,
admirons des ceuvres trés dissemblables, et que tout nous semble beat
contient une patcelle de personnalité et de passion, c'est-a-dire de nature, L'a
se résume point tout entier M. Roll, a la gloire de qui vous sacrifiez le
présent et Pavenir. Je suis le premier a rendre justice & son talent et & ses eff
Je sais que M. Roll, cest déja beaucoup. Mais, en vérité, croyez-moi, ily en ea
ily ena, ily en aura d'autres que lui. 3
Gil Blas, 29 juin
(repris dans L’Art moderne, Bruxelle, 15 aout
NOTES
CE, supra « Maitres modernes », 20 juin 1885, note 4
Allusion au Portrait de M™ Jugan, exposé au Salon de 1886 [cf supra « Le Salon'
‘Allusion a Varticle de Foureaud « Peindre le vivant », para le 9 juin dans Le Gas
Cf. supra « Impressions d'art », 16 juin 1886.
. Le modele de Rodin était en effet un soldat belge, Auguste Neyt, Ibid, note6.
Mirbeau développera cetie idée dans « Camille Pissarro », infra, 1° févtier 1892,
Voir sfra « L’Exposition Monet-Rodin », 22 juin 1889,
Réminiscence de la definition de l'ceuvre d'art donnée jadis par Zola : « Un coin de
vu A travers un tempérament » Z
9. Zola développera la méme idée dans Le Figaro du 2 mai 1896, & Voccasion du
y déplorera Vabus de « la note claire » et des « linges décolorés par de longues lessivs.
10. Cela explique que Mirbeau ait pu s'enthousiasmer d’emblée pour express
Van Gogh.
11. La sensation n’est done pas pure passivté elle implique une réaction de la
du «tempérament » de chacun, Le mot « expression » est important, en ce qui
Texpressionnisme.
12. Crest ld un apport spécifique de Mirbeau. II peut, sans la moindre contradictoa,
Ja sérénité de Monet et Véchevelement de Van Gogh, la luminosité de Renoir et les noo
Whistler ou les brumes de Cartire, les paysages de réves de Puvis de Chavannes ou bi
des portraits de Vallotton.
Karol Cytrowski, L'Abbé Jules D'octave Mirbeau en Tant Qu'exemple de L'influence de Fiodor Dostoïevski Sur Le Roman Français de La 2e Moitié Du XIXe Siècle
Lucía Campanella, "Le Journal D'une Femme de Chambre" Et "Puertas Adentro" de Florencio Sánchez: Rencontre Interocéanique de Deux Écrivains Anarchisants