Dialogue d'Octave Mirbeau, paru dans "Le Journal" le 19 novembre 1899. C'est la première mouture de la scène II de l'acte I de sa grande comédie "Les affaires sont les affaires" (1903).
Karol Cytrowski, L'Abbé Jules D'octave Mirbeau en Tant Qu'exemple de L'influence de Fiodor Dostoïevski Sur Le Roman Français de La 2e Moitié Du XIXe Siècle
Lucía Campanella, "Le Journal D'une Femme de Chambre" Et "Puertas Adentro" de Florencio Sánchez: Rencontre Interocéanique de Deux Écrivains Anarchisants
Dialogue d'Octave Mirbeau, paru dans "Le Journal" le 19 novembre 1899. C'est la première mouture de la scène II de l'acte I de sa grande comédie "Les affaires sont les affaires" (1903).
Original Title
Octave Mirbeau, « Scène de la vie de famille » (II)
Dialogue d'Octave Mirbeau, paru dans "Le Journal" le 19 novembre 1899. C'est la première mouture de la scène II de l'acte I de sa grande comédie "Les affaires sont les affaires" (1903).
Dialogue d'Octave Mirbeau, paru dans "Le Journal" le 19 novembre 1899. C'est la première mouture de la scène II de l'acte I de sa grande comédie "Les affaires sont les affaires" (1903).
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Ganwarse,
Le Janooner.
Sur la terrasse du chateau... Germaine so proméne Jo long
des plates-bandes, un sécateur & la main... De temps
en temps, elle s'arréte devant un rosier, dont elle coupe
les roses mortes et fanées, Comme d’habitude, elle est
grave, triste et songeuse. Le jour d'automns est calme et
somptueus ; Ie soleil, deja has, dore les grands arbres du
Ml est vétu de ses habits du diman-
che... Timidement, il s'approche de Germaine, embar-
rassé et tournant, d'un geste gauche, son chapean dans
es mains. Couchés sur, les marches du perron, trois
‘énormes chiens danois dorment... On entend le bruit d'un
rateau, sur le sable d'une allée, an loin,
Grraatss, elle observe le jardinier. — Eh! bien,
Victor, comme vous voili beau !... Vous étes
done de noce, aujourd'hui?
Lx Janome. — De nove... Ah! mademoiselle
Germaine |... C'est bien le contraire, allez!
Gramate.— Que se passe-t-il?... I vous arrive
SCENE DE LA VIB DE FAMILLE 83
un malheur?... Pourquoi ces beaux habits ot
cotte figure triste ot généo?
Le Janouten, i fait des efforts pour parler. —
Avec votre permission, Mademoiselle Germaine,
je viens vous faire mes adieux.
Geawarse. — Vos adieux
La Sanoixumn, — Ben oui !... Ben oui...
Grawamwe, — Vous nous quitter... Ca nest
pas possible! Vous, mon brave Vietor!.
Le Jaoistex, — Pardonnez-moi... Jai donné
mes huit jours a Monsiouf; ce matin,
Guraarse. — Allons donc!
Le Janpinise. — C'est-i-dire, pour étre juste,
que Monsieur et moi, on se les est donnés, en
méme temps, tous Ies deux.
Grnaame. — Ce n'est pas vrai!
Le Janpren. — Si fait, Mademoiselle.
fait!... Ab! ca m'a fait deuil, vous pensez|...
Genuine, — Pourquoi aver-vous donné vos
huit jours? Vous ne vous plaisiez plus ici?
Le Janoisumt, timide et les yous vers la terre. —
Tl n'y a pas moyen de vivre avec Monsieur !.
Monsiour vous cherche des raisons & propos de
tout et & propos de rien!... Qu’est-ce que vous
voulez... Onne peut jamais le contenter|... Pai
patienté longtemps, parce que, bien sir, ca
miennuyait de quitter Mademoiselle, qui a 616,
toujours, si bonne pour ma femme et pour
moi... Mais Monsieur |... Il'n'y a plus moyen, il
'y @ plus moyen! C’était un enfer, ici!
sict cuz UIL.USTAE ECRIVAIN
Grnuaise. — Ditos-moi ce qui s'est passé entre
mon pére avec vous.
Ls Janoixisn. — Mon Dicu !... Il ne s'est, pour
ainsi dire, rien passé...
Gsruame. — Mais encore?
Lz Janvisree, — Comme tous les jours... Made-
moiselle sait bien | Seulement, 4 la longue... on
se lasse.
Genuame. — Parlez-moi avec franchise... Yous
pouvez me parler & moi. Ca n’est pas la premiére
fois :
‘Lx Janomren. — Bien str! Bien str! Made-
moisello comprend les choses. Elle a bon
ecpur. ., Bllene méprise personne. Oui, pour ga...
Ganuamve. — Allons!
‘Lx Janoauee, — Eh bien voila. D’abord, Mon
sieur est trop exigeant... On ne peut jamais
~-savoir ce que veut Monsieur |... Ainsi une sup-
position: quand une planche de légumes est &
| droite, il voudrait qu’elle soit & gauche. Et si
| elle est & gauche, il tempéte pour qu’elle soit &
_ droite. Bt ainsi de suite!... Monsieur yous ferait
quasiment tourner en bourrique, sauf vot’ res-
pect, Mademoiselle, Avec Monsiour, ca n'est pas
du travail |... Pour tre des petites gens, on a,
tout de méme, chacun son amour-propre, n’est-
Test parfois un peu braque. Il ne fallait pas
faire attention & ce qu'il yous disait |
SCRNE DB LA VIE DE AMILLE 85
Le Janpower. — Pas faire attention! Mais
Mademoiselle Germaine, c'est que Monsieur vous
engueule... faut voir ca!... Pardon, excuse... ga
m’a échappé!
Germaine. — Allez, allez!...
La Janome, — Et puis... Non, ls, vrail,
Monsieur a des idées comme personne... Il vou-
drait quo les chataigniers produisent des melons,
ct les laitues, des abricots... Eh bien, moi, je
no peux pas !..
Ganwaxxe. — Ni les chitaigniers non plus, ni
Jes laitues !...
Le Janomun. —,Bien str!... On a beau étre
riche, ily a bien des choses qu'on ne peut pas
avoir!... La nature est la nature, pour tout le
monde... (Un petit-silence.) Enfin voila!
Garaaxxs. — Voyons!... Vous avez été peut-
étre un peu susceptible, et, peut-étre, vous avez
mal pris une observation sans importance que
‘Yous faisait mon pére?.
Le Janome. — Susceptible !... Depuis cing
‘ans que je sers Monsiour |... Ah! Mademoiselle,
faut-il au contraire, que j’en aie avalé, sans rien
dire, dos coulenvres!... Car, c'est tous les jours
‘& recommencer!,.. Quand ce n’est pas une chose,
-e’en est une autre!.:. (Silence embarrassé.) Rien
ne.m’dtera de V'idée que Monsieur m’en voulait
@avantage depuis que l'année derniére, le jour de *
Ia féte du pays, Monsieur avait voulu faire
peindre‘en tricolore tous les arbres de Pavenue |...88 (CHEZ UILLUSTRE ECRIVAIN
Ca, c'est vrai, jo n'ai pas pum'empécher de dire &
Monsieur co que je ponsais lé-dessus... Des
chénes pareils, ot si beaux !... (Encore un petit
silence.) Je sais bien que je n’ai pas d’instruc-
tion... Pourtant, je connais mon métier, et je
Vaime, nom d'une pipe |... Mademoiselle était
contente de moi, elle?
Gunwsne. — Si j/étais contente de vous ?...
vous le savez bien, mon pauvre Victor!
Lx Janvwme. — Le petit jardin des cléma-
tites...
Gunwaine. — Ah! oui! Il était trés joli...
Lx Janpixten. — Et le flouriste?
Gunuatxe. — Oui! oui!
Le Janoucmn. — Bt la roseraie?
Garuame. — Ouil.... ovil
appris & éeussonner les rosiers..
Le Janvuuze. — Et vous, Mademoiselle, vous
mavier #ppris a faire des bouquets !... Et tous
nos beaux semis dedelphiniums
Ganwatse. — Oui! oui!..,
Le Janpowun. — C’était du bon travail!... On
s‘amusait |
Gurwate. ~ Ouil... oui!
Lx Janbuxtm. — Dieu sait, pourtant si c’était
commode!... Car Monsieur était chiche de famier
pour lo jardin, de terreau et de charbon pour la
serre... On s'arrangeait comme on pouvait...
Enfin, voila!
Grrwame. — Vous étes un brave homme...
Vous m'aviez
‘SORNE DE LA VIE DE FAMILLE 87
Lx Janonum. — Eh bien, si Mademoiselle
Germaine était contente de moi... je partirais
@'ici le coour moins gros...
1 soupire. Un petit silence.
Grrusine. — 11 n'y a peut-ttre dans tout cela
qu’un malentendu... Voulez-vous que je parle &
mon pere?
Lx Janpomn. — Merci, Mademoiselle... Ce qui
-est fait est fait...
Ganuane. — Pourtant...
‘Lx Janistte. — Demain, ce serait autre chose,
Il n'y a pas moyen de vivre avec Monsieur |...
On se met en quatre pour lui {aire plaisir, on se
tue de travail pour le contenter. C'est toujours
mal... D'abord, Monsieur m’a déclaré ce matin
qu'il ne voulait plus de leurs ici. lprétend que ca
attire les oiseaux et que ca prend la place des
plantes utiles.
Ganaatxe, — Ah I...
Le Janouin. — Et puis... (Timidemen!) faut
que je dise tout & Mademoiselle... (Résolu.)
Mademoiselle sait quema femme est enceintel...
Gxnaanse. — Oui... Bh bien?
Le Janvinun, — Et qu’elle doit accoucher dans
trois jours.
Ganauuxe. — Sans doute...
Lx Janoistmn. — Bh! bien, Monsieur ne veut
pas d’enfants chez lui, « Pas d’enfants, pas d’en-
fants... qu'il m’a dit. Ca abime les pelouses, ga
Karol Cytrowski, L'Abbé Jules D'octave Mirbeau en Tant Qu'exemple de L'influence de Fiodor Dostoïevski Sur Le Roman Français de La 2e Moitié Du XIXe Siècle
Lucía Campanella, "Le Journal D'une Femme de Chambre" Et "Puertas Adentro" de Florencio Sánchez: Rencontre Interocéanique de Deux Écrivains Anarchisants