Octave Mirbeau, Travail

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TRAVAIL Emile Zola vient de publier Travatl, le second volume de la série dite des Quatre Evangiles... Avec ce sentiment d’inquiétude qui demeure au fond des plus grands esprits et qui n’est, en somme, que l’aspiration de 1’étre humain vers toujours plus de perfection, i] me disait der- nigrement ceci.: — Je crains d’avoir donné dans ce livre trop de place & la théorie. Il me semble que les théo- ries ’encombrent, Valourdissent, lui enlévent un peu de cette impression’ de vie vécue dont | je cherche & marquer tous mes ouvrages. Qu’il se rassure | : Travail est un livre admirable, un des mieux— faits, des plus profonds... des plus vivants... un des plus émouvants aussi qui soient sortis de son imagination généreuse, de son fécond et puissant génie. Emouvant, non seulement par CVE ar Se TRAVAIL : R29 qualités_dramatiques dont i] est rempli, par @ ardente, passionnée, sans cesse créatrice Yanime de la premiére 4 la derniére page, encore — et c’est 14, 4 mon sens, la heauté velle de ce livre extraordinaire — par? la ; en ceuvre, par Ja construction forte et ‘b- que d’un idéal social : le bonheur humain dans le travail réorganisé, dans le travail devenu, ce qu’il doit étre, une joie d’homme , au lieu de rester ce qu'il fut toujours, Bs OU moins, une souffrance, une abjection esclave... Glorification sublime, magnifique | née du travail conquérant, peu A peu, avec | es les résistances humaines, toutes les forces es les richesses de la nature, pour en non plus le privilége de quelques-uns, Ja jouissance et la propriété de tous |... Tis sont peu nombreux, en n’importe quelle ~ ature, ceux qui dans une action drama- qui vous prend aux entrailles, au moyen ‘personnages qui ne sont point des person- es de féerie, ou des abstractions philoso- phiques, mais qui vivent réellement dans notre humanité, ils sont peu nombreux ceux qui furent capa™es de concréter un tel réve, et de donner & ce réve la forme d’une réalisation possible et vivante... Pour une ceuvre aussi gi- gantesque — puisqu’il ne s’agit de rien moins que de remetire 4 [a fonte tout un systéme social | d’en diriger la couléeguvelle vers des moules ouveaux — pour rendre sensible aux yeux de 224 LES ECRIVAINS tous une telle ceuvre, pour la faire vivre, enfin, d’une vie plausible, il fallait un cerveau dont nous n’avons plus guére l’habitude, un cerveau ‘ ot la conception de la science et de la philoso- phie s’alliat 2 toutes les ressources inventives, A toutes les Emotions d’un art supérieur. Et je le dis avec tranquillité. Seul, parmi les. écri- vains de notre temps, Emile Zola, potte im- mense et sociologue audacieux, pouvait assu- mer un si énorme, un si prodigieux labeur... L’ceuvre est 1a, debout, devant nous. C’est une ceuvre d’amour et de pacification... Et elle rayonne de lumiére. Et elle vit non seulement de la vie glorieuse des chefs-d’ceuvre de l'art... mais de la vie harmonieuse, immortelle, de Vidée.., Soyez sdrs qu'elle fera, pour Vavéne- ment de la société future, pour la conquéte dé Ja justice prochaine, plus que n’ont pu faire, ~ jusqu’ici, les séches démonstrations et les dis- > cussions hargneuses des révolutionnaires pro- © ; | / | fessionnels... Et c’est notre orgueil, & nous, © pour qui cd nom de Zola est comme la synthése © héroique de tout ce que nous aimons, de tout _ce en quoi nous espérons, qu’il ait réussi 1a ot tant d’autres — et je parle des plus forts — se fussent brisé les reins... Quelques-uns diront, ont dit déja de ce livre merveilleux ef prophétique, que c’est une uto-< pie... Uné utopie... C’est bien vite dit... Et cela | est facile 4 dire car cela dispense de réfléchir et de penser... En général, nous, appelons utopies — =

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