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Signe: = 46. (DOM TERME VW 57 | OCTAVE Al MIRBEAU La Comédie- Prangaise va “représenter | «ies Affaires sont les Affaires” incessam- ~ment,-;Tout Paris parlera bientét de celle ceuvre : je fus voir lauleur.*- -: = Assis’& son-vasle bureau, il se penchait sur de-grands feuillets blancs qu'il cou- vrait d'une écriture longue et réguliére. A mon entrée, il se iéve. Le jour en dre par trois fenétres qui donnent sur un jardin bien clos et qui isole ; le silence, -n’est troublé,de temps a autre, que par la . trompe d'une automobile gui passe }'ave- “nue du Boisde-Boulogneéou le cliquetis de harnais d'une voiture qui longe au pas le trotloir.. - Ti s'est accoudé & son bureau, et fume ume cigaretie; de toule latitude se * dégage quelque chose de, puissant et .de nonchalant. La bouche implacable ment ironique, la ligne réMéchie du front qui se prolonge sous des cheveux plus rares sur le crdne ; ee visage ravagé, bu- riné, ces joues oli se dessinent quelques -sillons douloureux, o6 nez trapu, a ia pointe fureteuse, co mélange de durelé, . de souffrance, d'humour épars dans les traits; ces yeux, surtout,qui semblent dé colorés a force d’avoir vu et regardé, ap- partiennent & un homme doué d'une sensibilité que l’existence exaspére, 4 un batailleur redoulable, & un observateur insatiable, & un manieur de- Sensations sublil et vigoureux. | Je ‘ne sais vraiment comment je vais lui parler > il y a dans ma pensée | de ja curiosité. mélée d'une sorle de 1 -erainte_: je le sens complexe et insaisis- | i sable. Je m’excuse da ‘Tinterrompre dans sa besogne. _ Je nedemande pas ( de 5 délails. “Yais indiscrel.Je désire So ae aa Tir] “ m'indique Te. “sentiment énéral . de son La PRESSES tales, Tarif, “qare, Rengeise — Meee ee nn voila, Fai décritun caraciéie de femnme. Tl ya long- dumps que j’y pensais. Il se trouve indi- -qué dans une nouvelle des Contes de ma , Chaumiére? Je n'ai pas développeé lidée, & vrai;dire ; je m'en suis.souvenu. Mais, _voyez-vous, * ajouteLil avec une ‘cerlaine “Aprelé,_je trouve qu’on.a abusé de I'a- mor ep. thédtreGl y a tant 4 montrer é tant & raconter... Tout ce qui.se voit, . Cest tres bien.. Mais, dites-moi, Yamour 2 ’-sans la vie ambiante, mest-ce pas tris ; menu, iges infime ? » f Je lui avoue mon admiration pour cer- :, fairs auteurs‘contemporains ; le nom de Porlo-Riche se présente {out naturelle +,, Ment el je loue, en lui, le maitre éxquis i * et lartisie de l'amour. {| Octave Mirbeau me regarde ; dans ses > .yewx passent des visions. . w— L'amour, amour, on n’arrivera jamais & montrer Lout ce que contient ce mot, nia analyser tout ce qui se concen- 4re dans ce sentiment. Jai toujours la crainte d’étre en dessous dela vérilé... etc ‘est afin d’étre certain dé lout dire que : jen ai dit davantage. On me reproche « aller trop loin... je ne sais pas... i} est j des conteurs du dix-huiligme siécle qui } en ont dit Lout autant... c'est l'horreur de i. la vie que j'ai décrite... et puis, c’est plus : fort que moi ; je ne puis mempécher de } ivoir le cols izarre des choses... J’ ai 66 ! nralheureux’ bie ne puis me défendre de déeonvrin le rid: aw — En somne, 18 catuTe 7 9 0 ions vom pris enxacte- lo grossissement. » ment ee ération.du trait dominant, |: o me Taine?» _ J 1 Reta deformation quite trahit +. pas...-J’ai horreur'de la fausseté... Cela | vient de loin:...de mon enfance. > oe ="; La cigaretie s'est éleinte. Tandis qu 2 VOis sur celle bla, ‘axe allunelle,- je yr celle Tryst < _= de mécontent qui pesse =~ joe avis: qudi @ Hien n‘est plus éloigns de ce que je suis devenu; ‘que les idées qu'on m’avait . données, poursuit-il. Jesuis né a Trévie- reset mes ancétres paternels et mater - mels sont Normands de l'Orne et-du Cal- be vados...-Je suis de ja Normandie humide i. ‘et solitaire ot, wrorte cachées, émane £° une pensée de mort et d'amour...-On m "amis, A prison -chez ies Jésuites 4 -Van- “. nes2On ne me destinait pas a la littém.- ;” ture, croyez-moilm ~ 0 fg im tal quelque temps sous-prétetSet il :" Serivit, peu aprés, ses chroniques sur De- < + gaS Rodin, Claudé Monet, etc.Spuis Le Com@aPrerentin, ses articles qui Yont mis au premier rang des polémistes con- ‘--Aemporaims~ 23 «— Je me suis révoilé,-voila, déolare +i, - : Soe tT est Seal, il me semble qu’il reste ' toujours quelque vestige de la premiére \._empreinten = - 2-0 ue ° ‘ . « — Peut-tire,-pense-til tout haut. » fo Ses regards errent dans le vague, ses i __mains nerveuses se crispent-: _ « — Ce probléme est le plus cruel, le plus angoissant .de «tous. C’est dans Avec Jules que j'ai exprimé mon sen- Le ent : vous l’'y retrouverez.» _ ‘~~—"~Je vois de volume dans la bibfiothdque > -d'ot il Va sorti-et ot il le replace. L’a- mour est-un péché, avaiton enseigné a J’écrivain, et -I'on enveloppait ce péché + de je ne sais quel. mystére qui hantait +. on enfance,-Des visions troubles se des- “sifaient 4 travers son pressentiment; sa . ;curiosité se voilait de-crainte-. et. je re- connais la ‘jeunesse--superstitieuse de - Sébastien Roch Balloties entire Ie mysti- cisme de la peur ét le mysticisme de la Joulssance,: ses. personnages ne peuvent connaltre I’éclosion simple et passion- § ! mée de Yamour. ' | . El, comme s'il devinait ma pensée, Oc- A _-laye Mirbeau.me.répond.-: . i _ 3, Je ne suis pas un romantique. Je: ‘Cherche & retrouver tout £é-qui passe! dans les yeux et-le cervyeau za symMboli-; Ser l'amour. ~~ we - fous symbolisez, soit, mais. en ( ; Trangais. » . Se oe L ~ Et, tout naturellement, je lui demande | ce qu'il pense des étrangers : —y 7A - sen, me déclaret-i) { Mais on nous T’'a défguré, en Franced. ¢ J'admire.aussi Tolstot... Mais, plus enco-- » Pe, j'admire Dostoiewski... Faime,-endin, F 4 tout ce qui-est fait avec de l'observation... I ‘Tristan Bernard, un de nos -contempo- 3; ‘Fains tres originaux... Je ne peux Pas . oe ee a - ne jvous dire.:, Non, je ne suis un yoman- tique... il y aun monde entre la toncep. : tion méme -du ‘Calvaire et une oeuvre |’ comme Sgpho, d'Alphonse Daudet Y - ~~ «—~Je sens une parenté entree Calvaire ile vos autres romans; Vy retrouve Ja dia- { Jectique mélée de mysticisme de LAbDbE que iela dévauche est la Seite Rae 1 » } i ‘de Fangoisse.» . . iy Feconnais *~ « ~ Dites de la pitié, minterromptil. sTenez, quand ¥e lis certains romaneiens anglais, je m’arréte tout & ‘coup. J'admi- Te ces femmes, qui vivent du sentiment ;de a jusice: mais, jJene puis les aimer : n'ont pags de pilié... Qu’est- la justica sand piiey ei ped shee done - El, voici, son visage a sion presque recueillie; les: main sont immobiles; ilinsiste: >. © a — Je dis bien... Allez, au fond, l'iro- Nie elle-méme est de la pifié.» y- - C’est lauteur du Portefeuille' qui me parle et je revois, tout a coup, cette ceu- vre émue et singuljére,-si grandement jouée par Gémier./#- , =f Je’me. léye:pour partir. Mes yeux se’ sont arrétés sur une toile : un paysage aux tons trancthants : - . « — Regardez, me dit Octave Mirbeau, regardez ces sapins qui s’accrochent, qui rampent... ces rochers... cette lumiére... cette impression de désolation et de fé-" condilé... et, au-dessous, celle étude d’un homme et d'une femme nus... On dirait |, des primilifs.;. Ils ressemblent & deg ba- |) tes... A’ ce propos, je lis Metchnikoft./? cela me passionne... Songez donc, on mavait mis tant d'idées fausses dans l'es- prit... N’étais-je pas un étre a part, perdu dans le monde... désemparé .?... Je me console a la pensée, de descendre du go- rille; cela’ m’explique et-m’excuse : Je ne suis plus seul dans la nature... » '~ Un sourife glisse dans ses traits et je —re-Sais: prusstl Sse rit de lexistence oi s'il a souffert pag elle... = = Je prends congé, Il me montré ‘sur la fable un manuscrit : . wed Voici-mon prochain roman... » Je lis ror’ couverture :.Le Gentil. homme. § et ee a — C’est ce que j'ai fait’de plus dur, je crois.., vous verreéz... yous verrcz.-. » le le quitte et je pense a son ceuvre, a tout le corlége d'illusions, de griseries, de hontes, de; misérés et de voluptés qui ont viré devant ses yeux; comme dans un kaléidoscope...-cependant qu'il s’en- chantait des ¢aresses nosfalgiques de la flore embaurme, goulte de sang dans un. -| pays damour\.. | -, Y Et je revois Octave Mirbeau, il y a quel- ques années, sur la céte Normande au sortir de Horfleury [1 habitait une vill juchée dans Ia verdure, devant la gréve de cailloux de laquelle montaijent, visqueu ses, les senteurs de varechs. Ce paysageq! fe convient ; Ja mer grise, le.ciel pale, le | wes fee = ramen Ney co ol morbide avec, dans les jardins, de#i

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