Thème Alexis de Tocqueville - Egalisation Des Conditions Et Démocratie

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Concepts : liberté/égalité, individualisme, despotisme

démocratique, tyrannie de la majorité

Actualité et prolongement : représentation politique, société


démocratique et uniformisation des comportements, opinion
publique

Thème 6- Alexis de Tocqueville - Egalisation


des conditions et démocratie

En ouverture pour les plus motivés : Conférences sur Tocqueville

Partie 1- L’analyse de Tocqueville

Introduction : Biographie et contexte

A. Un auteur

Document 1 : Biographie p 364 du livre.


Questions :
- Caractérisez la vie de Tocqueville, comment a- t’elle influencé son oeuvre ?

• Tocqueville est issu d’une grande famille de l’aristocratie française, il a été élevé par
un prêtre réfractaire donc très hostile à la révolution française, et pourtant malgré le
poids de la tradition familiale Tocqueville ne va pas être un partisan acharné des
régimes monarchiques ou aristocratiques.
• Au contraire, il va lors d’un voyage d’étude aux USA,, comparer les systèmes
américains et français et montrer qu’il existe une tendance structurelle à l’égalisation
des conditions qui n’est pas sans dangers.
• Tocqueville qui a combattu la politique conservatrice de la restauration monarchique
de Charles X, va s’opposer à la politique libérale de Guizot (ministre de Louis Philippe)
qui est l’auteur de la maxime « enrichissez vous « . Selon Tocqueville : « Ce
gouvernement avait pris sur la fin les allures d’une compagnie industrielle, où toutes
les opérations se font en vue du bénéfice que les sociétaires en peuvent retirer ».
• Tocqueville qui se lance dans la vie politique en 1836, devient député en 1839 et va
être ministre lors la révolution de 1848 va s’opposer au coup d’Etat anti-démocratique
de Napoléon III.

B. Un contexte

Document 2 :
Tocqueville a ses entrées partout, mais n'est prisonnier de rien ni de personne. Il n'est pas un nostalgique de l'Ancien
Régime, et il connaît les erreurs de la Restauration, mais il n'aime pas le dur monde bourgeois de l'industrie et de
l'argent qui s'installe sous ses yeux. Il a, pour parler des affaires de son temps, non pas des passions, des préjugés ou
des intérêts (bien que ces passions, ces préjugés ou ces intérêts soient manifestes dans sa vie), mais des concepts, et
des concepts à lui, qu'on chercherait en vain ailleurs, chez les intellectuels ou les hommes politiques qui sont ses
contemporains.
Ainsi de la "Démocratie", entendue à la fois comme l'égalité de plus en plus grande des conditions et comme un état
de société qui peut permettre une participation des citoyens à la gestion de leurs affaires. C'est un concept difficile,
malgré son apparente clarté, parce que les deux contenus ne sont pas forcément liés. Le premier seuil est ce qui pour
Tocqueville définit le sens de l'évolution historique, mis en évidence (mais non pas créé) par la Révolution française.
Mais cette égalité civile et sociale, qui succède au monde aristocratique dans les valeurs et dans les faits, comme
légitimité et comme agent de nivellement, il n'en recherche pas systématiquement les raisons, ou la nécessité qui le
pousse en avant : c'est une Donnée, l’objet d’un constat, un phénomène irréversible, peut-être la manière dont cette
intelligence abstraite imagine le fameux « destin » des romantiques Mais ce qu'il cherche à comprendre, en revanche,
et qui constitue la réflexion de sa vie, ce sont les conséquences de l'égalité : -Pour quoi Dieu nous entraîne-t-il ainsi
vers la démocratie, je l'ignore ; mais embarqué sur un vaisseau que je n'ai pas construit, je cherche au moins à m'en
servir pour gagner le port le plus proche" (lettre à Louis de Kergoriay, janvier 1835). D'où le glissement constant de sa
pensée vers l'autre contenu de la démocratie, qui n'est pas, lui, de l'ordre du seul constat, mais aussi de l'action :
l'égalité des conditions, qui est contradictoire avec le gouvernement aristocratique, peut amener, selon les
circonstances et les pays, au gouvernement démocratique ou au gouvernement despotique. Il s'agit d'éviter le second et
d'obtenir le premier. Tocqueville offre ainsi l'exemple, à nouveau exceptionnel dans le XIXe sièck français, d'une
pensée libérale qui ne cesse d'aborder ensemble le politique et le social, alors que l'époque où il vit, et où peut-être
nous sommes encore, tend à les dissocier comme des préoccupations incompatibles, où à simplement déduire l'une de
l'autre, ce qui revient au même (en niant l'une ou l'autre). Alors que le libéralisme classique n'envisage que le
politique, et que la pensée socialiste est obsédée par la question sociale, le problème de Tocqueville est de comprendre
à quelles conditions historiques l’égalité est compatible avec la liberté.
Source : F Furet, in J Le Goff, la nouvelle histoire, Retz, 1978.
Questions :
- Quelle est la grande question qui traverse l’œuvre de Tocqueville ?

Constat : Tocqueville va être influencé par le contexte dans lequel il a vécu :


• Issu de l’aristocratie il n’en est pas prisonnier,
• Il est au contraire un héritier de la révolution française qu’il va étudier dans un de ses
principaux livres
• Mais il gardera tout au long de sa vie un mépris pour les affaire d’argent et pour la
bourgeoisie dure et égoïste.

Conséquences : Cela va le conduire à se demander pourquoi il est si difficile en France


d’établir des institutions démocratiques, libres et durables sans connaître de révolutions
(Tocqueville va en vivre 2 celle de 1830 et celle de 1848) qui risquent de conduire au
despotisme.

Problématique du thème :

Alexis de Tocqueville, né le 29 juillet 1805 d'une famille de vieille noblesse normande, fut un
acteur mais surtout un témoin et un analyste des transformations qui touchèrent les sociétés
occidentales dans le prolongement des grandes révolutions de la fin du XVIIIe siècle. À travers
ses deux oeuvres majeures, De la démocratie en Amérique (D.A.) - 1835 et L'Ancien Régime
et la Révolution (A.R.) - 1856, il met en évidence : le processus d'égalisation des conditions.
Cette marche vers l'égalité des conditions engendre ainsi une nouvelle société que
Tocqueville voit naître et se développer sous ses yeux ; il la qualifie de « Démocratie », ou
mieux de « société démocratique », puisque l'analyse va bien au-delà des institutions
politiques. Cette nouvelle société dont il a déjà l'intuition, Tocqueville la décèle et la
caractérise au cours d'un séjour aux États-Unis où il la découvre dans sa forme américaine, la
plus achevée parce que la plus libre visà-vis des pesanteurs historiques. En effet, la société
démocratique se met également en place en Europe, notamment en France et en Angleterre
mais en y rencontrant plus de difficultés.
Le projet de Tocqueville est de construire et de développer le concept de société
démocratique. Tocqueville cherche à travers des observations minutieuses sur le terrain et
des recherches historiques à dégager les caractéristiques fondamentales de cette forme de
société ainsi que ses limites.
En effet, à travers le processus qu'il analyse, Tocqueville propose une grille de lecture du
changement social et de la modernité. En ce sens, il rentre dans une logique évolutionniste :
le mouvement vers l'égalité, commencé bien avant les révolutions américaine et française, a
un caractère inéluctable. La réflexion de Tocqueville nous amène naturellement à étudier
quelles sont les conditions et les conséquences de la démocratie et comment rendre
compatible l’idéal d’égalité et la liberté. Dans une perspective plus proche de nous, on peut
se demander sir la montée de l’individualisme à laquelle nous assistons aujourd’hui

Section I - L’irresistible marche vers la démocratie.


I. Le triomphe inéluctable de la democratie : l’analyse de Tocqueville pour la France.

Document 3:
A : 3 p 385
B:
Lorsqu'on parcourt les pages de notre histoire, on ne rencontre pour ainsi dire pas de grands événements qui depuis
sept cents ans n'aient tourné au profit de l'égalité. (....) Si, à partir du XI siècle, vous examinez ce qui se passe en
France de cinquante en cinquante années, au bout de chacune de ces périodes, vous ne manquerez point d'apercevoir
qu'une double révolution s'est opérée dans l'état de la société. Le noble aura baissé dans l'échelle sociale, le roturier s'y
sera élevé ; l'un descend, l'autre monte Chaque demi-siècle les rapproche et bientôt ils vont se toucher. (...) Partout, on
a vu les divers incidents de la vie des peuples tourner au profit de la démocratie (....).Le développement graduel de
l'égalité des conditions est donc un fait providentiel, il en a les principaux caractères : il est universel, il est durable, il
échappe chaque jour à la puissance humaine ; tous les évènements , comme tous les hommes, servent à son
développement. Serait-il sage de croire qu'un mouvement social qui vient de si loin pourra être suspendu par les
efforts d’une génération? Pense-t-on qu'après avoir détruit la féodalité et vaincu les rois, la démocratie reculera devant
les bourgeois et les riches ?
Source : A de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, GF, 1981.
Questions :
- Quel est le rôle joué par la révolution française dans le processus d’égalisation des conditions ?
- Que veut dire Tocqueville quand il écrit que le développement graduel de l’égalité est un fait providentiel ?

Constat : Tocqueville mène une étude historique et constate que :


• depuis le XIème siècle on ne rencontre quasiment pas d’évènements qui n’ait tourné au
profit de l’égalité et que progressivement une société de type démocratique s’est
substituée à une société de type aristocratique.
• Donc selon Tocqueville « tout ce que la révolution a fait se fut fait sans elle, elle n’a été
qu’un procédé violent et rapide à l’aide duquel on a adapté l’état politique à l’état
social, les faits aux idées, les lois aux mœurs »
• Tocqueville peut alors en conclure que le développement graduel de l’égalité est une
tendance structurelle de nos sociétés puisqu’il est :
- Universel
- Durable
- Et qu’il échappe à la volonté des individus.

Document 4 : doc 1 et 2 p 365

Remarque : Tocqueville développe donc :


• une analyse évolutionniste qui vise à penser le changement social et la modernité.
• Considère que le mouvement vers l’égalité a un caractère inéluctable : el le qualifie
ainsi de providentiel , c’est à dire transcendant la volonté des hommes.
Mais :
• Tocqueville n’est pas un auteur déterministe car
- le processus d’égalisation fait jouer une grande diversité de facteurs en interactions ( il
développe donc une logique systémique)
- le mouvement vers l’égalité est largement ouvert

• Il développe donc une logique probabiliste et actionniste de l’histoire : « la


providence n’a créé le genre humain ni entièrement indépendant, ni tout à fait esclave.
Elle trace, il est vrai, autour de chaque homme un cercle fatal dont-il ne peut sortir ;
mais dans ces vastes limites, l’homme est puissant et libre, ainsi des peuples. Les
nations de nos jours ne sauraient faire que dans leur sein les conditions ne soient pas
égales ; mais il dépend d’elle que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté,
aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères »


Pour y arriver il va mener une démarche de type comparatiste qui a une double
dimension :
- historique d’un coté par l’opposition systématique de la société démocratique à la société
aristocratique
- géographique : en plaçant en perspective les formes américaines, française et anglaise de
la société démocratique,
- ce qui lui permet de faire ressortir aussi bien :
+ les traits communs
+ que les différences ou les
divergences d’évolution

II. Toujours plus d’égalité ?

A. L’egalite de l’instruction et des intelligences.

Document 5 :
Mais ce ne sont pas seulement les fortunes qui sont égales en Amérique ; l'égalité s'étend jusqu'à un certain point sur
les intelligences elles-mêmes. Je ne pense pas qu'il y ait dans le monde où, proportion gardée avec la population, il se
trouve aussi peu d'ignorants et moins de savants qu'en Amérique.L'instruction primaire y est à la portée de chacun
;l'instruction supérieure n'y est presque à la portée de personne. Ceci se comprend sans peine, et est pour ainsi dire le
résultat nécessaire de ce que nous avons avancé plus haut.
Presque tous les Américains ont de l'aisance ; ils peuvent donc facilement se procurer les premiers éléments des
connaissances humaines. En Amérique, il y a peu de riches ; presque tous les Américains ont donc besoin d'exercer
une profession Or, toute profession exige un apprentissage. Les Américains ne peuvent donc donner à la culture
générale de l'intelligence que les premières années de la vie : à quinze ans, ils entrent dans une carrière ; ainsi leur
éducation finit le plus souvent à l'époque où la nôtre commence. Si elle se poursuit au-delà, elle ne se dirige plus que
vers une matière spéciale et lucrative ; on étudie une science comme on prend un métier ; et l'on n'en saisit que les
applications dont l'utilité présente est reconnue. En Amérique, la plupart des riches ont commencé par être pauvres ;
presque tous les oisifs ont été, dans leur jeunesse, des gens occupés ; d'où il résulte que, quand on pourrait avoir le
goût de l'étude, on n'a pas le temps de s'y livrer ; et que, quand on a acquis le temps de s'y livrer, on n'en a plus le goût.
Il n'existe donc point en Amérique de classe dans laquelle le penchant des plaisirs intellectuels se transmette avec une
aisance et des loisirs héréditaires, et qui tienne en honneur les travaux de l'intelligence. Aussi la volonté de se livrer à
ces travaux manque-t-elle aussi bien que le pouvoir. Il s'est établi en Amérique, dans les connaissances humaines, un
certain niveau mitoyen. Tous les esprits s'en sont rapprochés ; les uns en s'élevant, les autres en s'abaissant. Il se
rencontre donc une multitude immense d'individus qui ont le même nombre de notions à peu près en matière de
religion, d'histoire, de sciences, d'économie politique, de législation, de gouvernement. L'inégalité intellectuelle vient
directement de Dieu, et l'homme ne saurait empêcher qu'elle ne se retrouve toujours. Mais il arrive du moins de ce que
nous venons de dire, que les intelligences, tout en restant inégales, ainsi que l'a voulu le Créateur, trouvent à leur
disposition des moyens égaux. Ainsi donc, de nos Jours, en Amérique, l'élément aristocratique, toujours faible depuis
sa naissance, est sinon détruit, du moins affaibli, de telle sorte qu'il est difficile de lui assigner une influence
quelconque dans la marche des affaires. Le temps, les événements et les lois y ont au contraire rendu l'élément
démocratique, non pas seulement prépondérant, mais pour ainsi dire unique. Aucune influence de famille ni de corps
ne s'y laisse apercevoir ; souvent même on ne saurait y découvrir d'influence individuelle quelque peu durable.
L'Amérique présente donc, dans son état social, le plus étrange phénomène. Les hommes s'y montrent plus égaux par
leur fortune et par leur intelligence, ou, en d'autres termes, plus également forts qu'ils ne le sont dans aucun pays du
monde, et qu'ils ne l'ont été dans aucun siècle dont l'histoire garde le souvenir.
Source : op. cité.
Questions :
- Comment Tocqueville explique t’il le niveau mitoyen du savoir aux USA ?
- Pourquoi cette égalisation des savoirs lui semble t’elle une dimension essentielle de la démocratie ?
- En quoi, selon lui, la société américaine diffère t’elle, sur ce point, de la société française ?

Constat : Tocqueville considère que la société américaine est le modèle de la société


méritocratique :
• Certes, les hommes sont intellectuellement inégaux : « l’inégalité intellectuelle vient
directement de Dieu »
• Mais « les intelligences (…) trouvent à leur disposition des moyens égaux. » il poursuit :
« chacun ne tire sa force que de lui même »
• La société ne comportant ni très riches, ni très pauvres : « l’instruction primaire y est à
la portée de chacun, l’instruction supérieure n’y est presque à la portée de personne »
• Même ceux qui ont réussi ont commencé dans leur jeunesse à être pauvres, donc à
travailler précocement ce qui ne leur a pas permis de développer un « goût de l’étude
»
Conséquences : Donc il s’est établi en Amérique :
• dans les connaissances humaines, un certain niveau mitoyen. Tous les esprits s’en sont
rapprochés ; les uns en s’élevant, les autres en s’abaissant »
• « Ainsi donc, de nos jours, en Amérique l’élément aristocratique, toujours faible depuis
sa naissance, est sinon détruit du moins affaibli, de telle sorte qu’il est difficile de lui
assigner une influence quelconque dans la marche des affaires »
• Ce qui a assuré un développement de l’esprit démocratique : les hommes s’y montrent
plus égaux (..) qu’ils ne le sont dans aucun pays du monde, et qu’ils ne l’ont été dans
aucun siècle »

Contrairement à la France :
• qui malgré une séries de révolutions, n’a pas fait disparaître les inégalités de fortune et
de culture.
• Inversement en France il continue à exister des classes dans lesquelles le penchant des
plaisirs intellectuels se transmet avec aisance, les loisirs héréditaires et les travaux de
l’intelligence sont valorisés.

Conclusion : s’il est impossible d’égaliser les dispositions intellectuelles, il est possible par
l’instruction d’égaliser les moyens de leur mise en oeuvre.

B. Vers l’égalite des conditions économiques et sociales ?

1. La disparition des classes sociales.

Document 6 :
A:
La multiplicité des critères et des échelles de stratification sociale est pour Tocqueville une caractéristique distinctive
de la société démocratique. Dans les sociétés d'ordres ou de castes, la position d'un individu dans la structure sociale
est toujours clairement définie et aisément reconnaissable à un certain nombre d'indices matériels et symboliques. Il
n'en est pas de même dans la société démocratique ; l'opposition que constate Tocqueville entre la France et les États-
Unis est significative sous ce rapport : « En somme, les hommes en Amérique comme chez nous, sont rangés suivant
certaines catégories dans le cours de la vie sociale ; les habitudes communes, l'éducation et surtout la richesse
établissent ces classifications, mais ces règles ne sont ni absolues, ni inflexibles, ni permanentes. Elles établissent des
distinctions passagères et ne forment point de classes proprement dites. » Tocqueville ne nie pas l'existence de
principes de stratification dans la société démocratique et les isole à la fois dans les différences de modes de vie et
dans les inégalités d'éducation et de ressources économiques. Mais il refuse la constitution sur le mode réaliste de
classes constituées en fonction de l'un ou l'autre de ces éléments. En cela, Tocqueville peut être opposé radicalement à
Marx pour qui les classes sociales sont de réels acteurs collectifs sur la scène du capitalisme et l'accentuation de la
lutte des classes un trait distinctif de son histoire. Max Weber a également insisté sur la multiplicité des critères et des
formes de groupement dans la société capitaliste (classe sociale, groupe statutaire et parti politique constituent des
formes collectives non entièrement superposables et fondées sur des critères hétérogène d’agrégation)
Source : JL Fabiani, Tocqueville et les sociologues, Ellipse, 1985.
B:
Je n'ignore pas que, chez un grand peuple démocratique, il se rencontre toujours des citoyens très pauvres et des
citoyens très riches ; mais les pauvres, au lieu d'y former l'immense majorité de la nation comme cela arrive toujours
dans les sociétés aristocratiques, sont en petit nombre, et la loi ne les a pas attachés les uns aux autres par les liens
d'une misère irrémédiable et héréditaire.
Les riches, de leur côté, sont clairsemés et impuissants : ils n'ont point de privilèges qui attirent les regards ; leur
richesse même, n'étant plus incorporée à la terre et représentée par elle, est insaisissable et comme invisible. De même
qu'il n'y a plus de races de pauvres, il n'y a plus de races de riches ; ceux-ci sortent chaque jour du sein de la foule, et y
retournent sans cesse. [...]
Entre ces deux extrémités de sociétés démocratiques, se trouve une multitude innombrable d'hommes presque pareils
[...] Quand un peuple a un état social démocratique, [...] il n'existe plus dans son sein de castes ni de classes ; [...]
tous les individus y sont à peu près égaux en lumières et en biens. " […]
On n'a point encore vu de sociétés où les conditions fussent si égales, qu'il ne s'y rencontrât point de riches ni de
pauvres ; et, par conséquent, de maîtres et de serviteurs. La démocratie n'empêche point que ces deux classes
d'hommes n'existent ; mais elle change leur esprit et modifie leurs rapports. [...]
En vain la richesse et la pauvreté, le commandement et l'obéissance mettent accidentellement de grandes distances
entre deux hommes, l'opinion publique les rapproche du commun niveau et crée entre eux une sorte d'égalité
imaginaire, en dépit de l'inégalité réelle de leurs conditions. [...]
Au fond de leur âme, le maître et le serviteur n'aperçoivent plus entre eux de dissemblance profonde, et ils n'espèrent
ni ne redoutent d'en rencontrer jamais. Ils sont donc sans mépris et sans colère, et ils ne se trouvent ni humbles ni fiers
en se regardant.
Source : A de Tocqueville, op. cité
C : 6 p 366
Questions :
- Expliquez la phrase soulignée du doc B, opposez là à la conception développée par Marx en reprenant les notions
développées dans le doc A.
- Peut-on dire qu’avec le développement de la démocratie les inégalités disparaissent, pourquoi ?
- Pourquoi peut-on opposer les sociétés démocratiques aux sociétés aristocratiques (cf la théorie de la circulation des
élites de Pareto) ?

Tocqueville considère que :


• l’égalité des conditions implique l’absence de castes et de classes, tout en indiquant à
plusieurs reprises que celle ci n’équivalait pas à la suppression de la hiérarchie sociale.
• Il justifie cette apparente contradiction par le fait que dans les sociétés démocratiques
aucun des membres ne subit se destinée du fait de la position sociale qu’il occupe , que
pour cette raison même la hiérarchie sociale ne renvoie plus à un ordre social préétabli
qui assigne à chacun une place, des droits et des devoirs propres
• L’égalité des conditions constitue donc une autre appréhension de la structure sociale :
les positions sociales ne sont certes pas équivalentes , mais elles ne cristallisent pas la
totalité de l’existence sociale de l’individu.

l’opposition Tocqueville-Marx :
• Ainsi siTocqueville considère que dans les sociétés démocratiques, il n’y a plus de
classes sociales, que tous les individus sont égaux et maîtres de leur destin, qu’ils ne
sont plus déterminées par l’appartenance à une famille (comme dans l’ancien régime
pour les nobles par exemple).
• Marx au contraire rejette cette analyse en posant que les sociétés capitalistes n’ont
développé qu’une égalité formelle mais qu’en réalité les inégalités demeurent et que
rien n’a fondamentalement changé dans les rapports d’exploitation.

Relativisation : Tocqueville néanmoins ne considère pas que toutes les inégalités aient
disparues :
• car il existe des inégalités naturelles que la société ne peut remettre en cause sans
danger (cf section suivante)
• mais ces inégalités ne sont plus héréditaires, elles ne sont plus reconnues par la loi : «
il n’y a plus de races de pauvres, il n’y a plus de races de riches »
• Au contraire pour reprendre la théorie de Pareto (cf. cours) il y a une circulation des
élites c’est à dire un renouvellement continuel des élites « ceux ci (les riches) sortent
chaque jour du sein de la foule et y retournent sans cesse »

Conclusion : Dés lors Tocqueville :


• peut rejeter la conception réaliste des classes de Marx « l’opinion publique les
rapproche du commun niveau, et crée entre eux une sorte d’égalité imaginaire, en
dépit de l’inégalité réelle de leurs conditions ».
• L’égalité est donc un fait culturel, elle s’inscrit dans les esprits. C’est cette attitude
mentale qui fait de l’homme démocratique un homme nouveau
• Tocqueville anticipe que la société démocratique va générer une « passion du bien être
matériel qui est essentiellement une passion de classe moyenne ». Selon lui dans la
société démocratique, les traits culturels caractéristiques de chaque classe
s’estompent au profit d’un goût commun pour le bien être matériel. Ce matérialisme
s’affirme lorsque l’accès à la richesse devient possible pour les pauvres et que le risque
d’appauvrissement menace les riches. Un brassage social s’opère alors :
- réduisant le poids de la classe aisée, victime de la concurrence dans la course à la richesse,
des tendances égalitaristes et de la perte de son rôle politique ;
- diminuant le nombre des pauvres
- la société démocratique, aussi bien au plan culturel qu’économique tend donc à la
constitution d’une vaste classe moyenne dans laquelle les positions professionnelles
relativement différenciées par la division du travail n’alimentent pas une hiérarchie sociale
fortement marquée : c’est ce qu’on appelle aujourd’hui la moyennisation.

2. La recherche perpétuelle d’une égalite introuvable.

Document 7 :
A : 7 p 367
B:
Quand toutes les prérogatives de naissance et de fortune sont détruites, que toutes les professions sont ouvertes à tous,
et qu'on peut parvenir de soi-même au sommet de chacune d'elles, une carrière immense et aisée semble s'ouvrir
devant l'ambition des hommes, et
ils se figurent volontiers qu'ils sont appelés à de grandes destinées. Mais c'est là une vue erronnée que l'expérience
corrige tous les jours. Cette même égalité qui permet à chaque citoyen de concevoir de vastes espérances rend tous les
citoyens individuellement faibles. Elle limite de tous côtés leurs forces, en même temps qu'elle permet à leurs désirs
de s'étendre.
Non seulement ils sont impuissants par eux-mêmes: mais ils trouvent à chaque pas d'immenses obstacles qu'ils
n'avaient point aperçus d'abord. Ils ont détruit les privilèges gênants de quelques-uns de leurs semblables; ils
rencontrent la concurrence de tous. La borne a changé de forme plutôt que de place. Lorsque les hommes sont à peu
près semblables et suivent une même route, il est bien difficile qu'aucun d'entre eux marche vite et perce à travers la
foule uniforme qui l'environne et le presse. Cette opposition constante qui règne entre les instincts que fait naître
l'égalité et les moyens qu'elle fournit pour les satisfaire tourmente et fatigue les âmes. On peut concevoir des hommes
arrivés à un certain degré de liberté qui les satisfasse entièrement. Ils jouissent alors de leur indépendance sans
inquiétude et sans ardeur. Mais les hommes ne fonderont jamais une égalité qui leur suffise. Un peuple a beau faire
des efforts, il ne parviendra pas à rendre les conditions parfaitement égales dans son sein; et s'il avait le malheur
d'arriver à ce nivellement absolu et complet, il resterait encore l'inégalité des intelligences, qui, venant directement de
Dieu, échappera toujours aux lois. Quelque démocratique que soit l'état social et la constitution politique d'un peuple,
on peut donc compter que chacun de ses citoyens apercevra toujours près de soi plusieurs points qui le dominent et
l'on peut prévoir qu'il tournera obstinément ses regards de ce seul côté. Quand l'inégalité est la loi commune d'une
société, les plus fortes inégalités ne frappent point l'œil ; quant tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent.
C'est pour cela que le désir de l'égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l'égalité est plus grande. Chez les
peuples démocratiques, les hommes obtiendront aisément une certaine égalité; ils ne sauraient atteindre celle qu'ils
désirent. Celle-ci recule chaque jour devant eux, mais sans jamais se dérober à leurs regards, et, en se retirant, elle les
attire à sa poursuite. Sans cesse ils croient qu'ils vont la saisir, et elle échappe sans cesse à leurs étreintes. Ils la voient
d'assez près pour connaître ses charmes, ils ne l'approchent pas assez pour en jouir, et ils meurent avant d'avoir
savouré pleinement ses douceurs. C'est à ces causes qu'il faut attribuer la mélancolie singulière que les habitants des
contrées démocratiques font souvent voir au sein de leur abondance, et ces dégoûts de la vie qui viennent quelquefois
les saisir au milieu d'une existence aisée et tranquille.
Source : Op. Cite.
Questions :
- Explicitez le premier paragraphe.
- Expliquez la phrase : « Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent
point l’œil, quand tout est à peu près de niveau les moindres les blessent ». Quelle loi générale Tocqueville en tire
t’il ?
- Après avoir rappelé la définition du terme anomie, vous vous demanderez dans quelle mesure le développement de
l’égalité engendre des tendances anomiques dans les sociétés démocratiques ?

Constat : La société démocratique ayant fait disparaître selon Tocqueville les castes et les
classes :
• chaque homme peut espérer une élévation dans la hiérarchie sociale (les hommes
naissant libres et égaux en droit)
• Tocqueville considère donc qu’il existe une forme d’auto-entretien du mouvement
d’égalisation des conditions puisque celle ci crée chez les membres des sociétés
démocratiques un amour de l’égalité qui prend l’allure d’une passion.
• Mais on retrouve ici un effet pervers de l’agrégation des comportements individuels :
chaque individu faisant le même raisonnement, la concurrence est exacerbée et les
espoirs de la majorité sont déçus.
Conséquences : D’où le paradoxe énoncé par Tocqueville : « cette opposition constante qui
règne entre les instincts que fait naître l’égalité et les moyens qu’elle fournit pour les
satisfaire tourmente et fatigue les âmes » Cela est source de remise en cause du pacte
social :
• en effet dans une société telle que celle que celle d’ancien régime les inégalités sont
justifiées par la loi. Dés lors elles ne peuvent être remises en cause et sont donc
acceptées considérées comme naturelle.
• Par contre dans une société telle que la société américaine, l’idéal démocratique
conduit à une forte réduction des inégalités et rend toute forme d’inégalité
insupportable « c’est pour cela que le désir d’égalité devient toujours plus insatiable à
mesure que l’égalité est plus grande »,
• Sans que cet objectif soit jamais accessible « ils la voient d’assez près pour connaître
ses charmes, ils ne l’approchent jamais assez pour en jouir »

Remarque : Ceci peut–être source d’anomie au sens de Durkheim :


• c’est à dire que les individus dont les désirs d’ascension et d’égalité étaient strictement
bornés dans les sociétés d’ordres ou de castes, espèrent dans la société démocratique
accéder à une situation sociale beaucoup plus aisée, objectif qu’ils n’atteignent jamais,
• ce qui est à l’origine de : « la mélancolie singulière que les habitants des contrées
démocratiques font souvent voir au sein de leur abondance ».

3. Les contre tendances au developpement de l’égalite

Document 8 :
Dans ces sortes de sociétés, où rien n'est fixe, chacun se sent aiguillonné sans cesse par la crainte de descendre et
l'ardeur de monter ; .et comme l'argent, en même temps qu'il est devenu la principale marque qui classe et distingue
entre eux les hommes, y a acquis une mobilité singulière, passant de mains en mains sans cesse, transformant la
condition des individus, élevant ou abaissant les familles, il n'y a presque personne qui ne soit obligé d'y faire un effort
désespéré et continu pour le conserver ou l'acquérir.
Lorsque c'est la naissance seule, indépendamment de la richesse, qui classe les hommes, chacun sait précisément le
point qu'il occupe dans l'échelle sociale ; il ne cherche pas à monter, et ne craint pas de descendre. Dans une société
ainsi organisée, les hommes des différentes castes communiquent peu les uns avec les autres ; mais, lorsque le hasard
les met en contact, ils s'absorbent volontiers, sans espérer ni redouter de se confondre. Leurs rapports ne sont pas basés
sur l'égalité ; mais ils ne sont pas contraints.
[Màis] quand à l'aristocratie de naissance succède l'aristocratie d'argent, il n'en est plus de même. [...] Comme la
valeur sociale des hommes n'est plus fixée d'une manière ostensible et permanente par le sang, et qu'elle varie à l'infini
suivant la richesse, les rangs existent toujours ; mais on ne voit plus clairement et du premier coup d'œil ceux qu'ils
occupent. Il s'établit aussitôt une guerre sourde entre tous les citoyens ; les uns s'efforcent, par mille artifices, de
pénétrer en réalité ou en apparence parmi ceux qui sont au-dessus d'eux ; les autres combattent sans cesse pour
repousser ces usurpateurs de leurs droits, lou plutôt le même homme fait les deux choses, et, tandis qu'il cherche à
s'introduire dans la sphère supérieure, il lutte sans relâche contre l'effort qui vient d'en bas.
Source : Op. Cité
Questions :
- Opposez les relations qui existent entre les individus dans les sociétés aristocratiques et dans les sociétés
démocratiques.
- Pourquoi en reprenant l’analyse de P Bourdieu vue en première peut-on dire qu’il y a une stratégie de distinction
(que vous caractériserez) ?

Constat pour les sociétés aristocratiques : Dans les sociétés aristocratiques :


• c’est la naissance seule qui classe les hommes,
• les possibilités de mobilité sociale sont réduites, donc l’individu : « ne cherche pas à
monter, ne craint pas de descendre »
• les communications entre les différentes castes sont réduites,

Conséquences : mais lorsqu’elles se produisent, l’écart entre les castes est tel que les
individus se côtoient sans redouter de se confondre

Constat dans les sociétés démocratiques :


• le statut n’est pas donné à la naissance, il est acquis
• donc, chacun espère s’élever et craint de descendre

Conséquences : d’où , les individus dont l’inégale valeur sociale ne s’impose plus de fait ,
craignent de se mélanger et opère des stratégies distinctives ( cf Bourdieu ) : « le même
homme ( … ) tandis qu’il cherche à s’introduire dans la sphère supérieure lutte sans relâche
contre les pauvres qui viennent d’en-bas » .

Section II - Les maladies de la democratie.

I. L’égalite peut representer une menace pour la liberté

Document 9 :
A : 12 p 368
B:
II y a en effet une passion mâle et légitime pour l'égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés.
Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût
dépravé pour l'égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer
l'égalité dans la servitude à l'inégalité dans la liberté. Ce n'est pas que les peuples dont l'état social est démocratique
méprisent naturellement la liberté ; ils ont au contraire un goût instinctif pour elle. Mais la liberté n'est pas l'objet
principal et continu de leur désir ; ce qu'ils aiment d'un amour éternel, c'est l'égalité ; ils s'élancent vers la liberté par
impulsion rapide et par efforts soudains, et, s'ils manquent un but, ils se résignent ; mais rien ne saurait les satisfaire
sans l'égalité, et ils consentiraient plutôt à périr qu'à la perdre.
D'un autre côté, quand les citoyens sont tous à peu près égaux, il leur devient difficile de défendre leur indépendance
contre les agressions du pouvoir. Aucun d'entre eux n'étant alors assez fort pour lutter seul avec avantage, il n'y a que
la combinaison des forces de tous qui puisse garantir la liberté. Or, une pareille combinaison ne se rencontre pas
toujours. Les peuples peuvent donc tirer deux grandes conséquences politiques du même état social : ces
conséquences diffèrent prodigieusement entre elles, mais elles sortent toutes deux du même fait. Soumis les premiers à
cette redoutable alternative que je viens de décrire, les Anglo-Américains ont été assez heureux pour échapper au
pouvoir absolu. Les circonstances, l'origine, les lumières, et surtout les mœurs, leur ont permis de fonder et de
maintenir la souveraineté du peuple.
Source : Op. Cité.
Questions :
- Montrez que les hommes poursuivent simultanément deux passions dans les sociétés démocratiques. Ne risquent-
elles pas de se révéler contradictoires, pourquoi ?
- Quelle est alors la crainte exprimée par Tocqueville ?

Dans les sociétés démocratiques, les hommes poursuivent 2 passions :


• la recherche de l’égalité
• la recherche de la liberté

Ces 2 passions peuvent se révéler :


• complémentaires, ce que Tocqueville appelle la passion mâle et légitime pour l’égalité :
quand les hommes cherchent à s’élever dans la société en disposant de leur libre-
arbitre et en rentrant en concurrence
• mais elles risquent de se révéler contradictoires dès lors que les plus faibles cherchent
à attirer les plus forts à leur niveau, ce qui conduit à « préférer l’égalité dans la
servitude à l’inégalité dans la liberté »

Tocqueville s’interroge alors sur le destin des sociétés ; il constate que :


• les américains ont su préserver la liberté et échapper au pouvoir absolu qui les
menaçait,
• mais il est plutôt pessimiste, en particulier pour la société française, considérant que,
si les hommes ont certes un goût pour la liberté , elle n’est pas l’objet principal de
leurs désirs ; ils lui préfèrent l’égalité , ce qui risque de conduire à une tyrannie qui
s’opérerait au détriment de la liberté ( cf la période de la Terreur pendant la Révolution
française )
Conclusion : Tocqueville craint donc que la recherche effrénée de l’égalité devienne
liberticide.

II. La tyrannie de la majorite.

Document 10 :
A:
Dès lors qu'une mesure gouvernementale peut être prise sans l'accord de ceux qui sont, comme on dit, mis en minorité,
cette minorité n'est-elle pas au pouvoir de la majorité? Et pour peu que cette majorité décide de ne plus tenir aucun
compte de l'existence de la minorité dissidente, on pourra parler avec Tocqueville de tyrannie de la majorité. Le
premier des problèmes de la démocratie devient le respect de la défense des droits de la minorité. La souveraineté du
peuple apparaît soudain susceptible d'exercer une véritable pression sur le peuple même, ou tout au moins sur une
partie du peuple La notion même de souveraineté du peuple devient illusoire. On saisit l'importance du thème de la
tyrannie de la majorité, qui constitue en somme la perversion quasiment logique du principe de souveraineté
populaire. [...] Si maintenant il se faisait que les citoyens n'aient plus envie de paraître en désaccord avec l'avis du plus
grand nombre, cène simple crainte d'être différent pourrait être assimilée à une tyrannie. Or tel est bien le cas en
démocratie : chacun se voulant l'égal de l'autre, chacun redoute la différence d'avec l'autre, et bientôt toute différence.
Le conformisme sévit comme un tyran sur les esprits et sur les volontés. En ce sens, la cause de la tyrannie de la
majorité est le développement même de l'égalité. Elle pousse les hommes à vouloir se ressembler et les habitue ainsi à
penser que toute différence est une inégalité. Et, en égalisant les esprits, les intelligences, elle
habitue aussi à considérer que puisque tous les jugements se valent, c'est l'addition seule de ces jugements qui donne
du poids à une opinion quelconque. L'égalité a donc naturellement tendance à engendrer la soumission au plus grand
nombre, à la majorité. Et c'est bien ainsi que Tocqueville l'entend. Tyrannie signifie pour lui tyrannie avant tout
morale ou intellectuelle, tyrannie d'une opinion publique dont l'effet est que personne ne souhaite différer des idées
officielles, à la mode ou simplement courantes.
Source : C Pollin, de la démocratie en Amérique, coll. profil d’une oeuvre, Hatier, 1973.
B : 13 p 369
Questions :
- Qu’entend Tocqueville par l’expression tyrannie de la majorité ?
- Quelles en sont les causes, pourquoi C Pollin écrit-il « la tyrannie de la majorité qui constitue en somme la
perversion quasiment logique du principe de la souveraineté populaire »,

• Tocqueville est bien conscient des forces et des limites de la démocratie :


- s’il considère que la démocratie est le meilleur système qui permet au peuple d’exprimer
ses choix et de déterminer une loi juste
- il n’en sous-estime pas , pour autant , les dangers :

• dans une société qui cherche avant tout l’égalité, le conformisme risque de devenir la
règle , chacun redoutant la différence. Tocqueville a été ainsi frappé lors de son séjour
aux USA par la façon dont se forme les croyances et les goûts : le seul guide de
l’individu c’est ce que pensent les autres, il fait sienne l’opinion qui semble se dégager
de la masse, il a le réflexe démocratique qui consiste à admettre que, parmi des égaux,
c’est le nombre qui est le critère de vérité.


dès lors, apparaît un risque de remise en cause des droits de la minorité :
effectivement, parce qu’il s’exerce au nom du principe démocratique, un pouvoir peut
s’avérer oppressif à l’égard de la minorité qui a nécessairement tort puisqu’elle est
minoritaire. Ceci peut générer deux risques :
- il peut se faire que la poursuite de l’égalité s’opère au détriment exclusif d’une partie de la
population. Ce risque est selon Tocqueville limité aux USAoù la population est déjà
relativement homogène mais important en Europe.
- plus grave encore, parce que plus pernicieux, la démocratie engendrant le conformisme,
cela peut conduire à une remise ne cause des croyances et des points de vue qui s’éloignent
du plus grand nombre, à tel point qu’ils ne peuvent plus s’exprimer. Selon Tocqueville quand
toutes les opinions sont égales et que c’est celle du plus grand nombre qui prévaut, c’est la
liberté de l’esprit qui est menacée avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer pour
ce qui est de l’exercice effectif des droits politiques.
Conséquences : selon Tocqueville, une société reposant sur des principes injustes doit
conduire à la désobéissance civile : « quand je refuse d’obéir à une loi injuste , je ne dénie
point à la majorité le droit de commander , j’en appelle seulement de la souveraineté du
peuple à la souveraineté du genre humain »

Conclusion : les craintes de Tocqueville sont d’autant plus justifiées que, selon Pollin , la
tyrannie de la majorité constitue la perversion quasiment logique du principe de souveraineté
populaire .

III. L’individualisme.

Document 11 :
Le second vice essentiel de la démocratie le premier étant la tyrannie pour Tocqueville est ce qu'il a appelé
individualisme. II faut d'abord comprendre que l'individualisme n'a rien à voir avec l'égoïsme. Ce n'est pas une
passion, mais un sentiment réfléchi, ou comme le dit Tocqueville, un «jugement erroné ». Il ne pousse pas l'homme à
un amour exagéré de lui-même, mais à porter toute son attention sur sa famille et sur ses amis, à leur donner son
affection exclusive. Ce qui constitue à proprement parler l'individualisme, c'est le désintérêt pour les affaires publiques
: « II tarit la source des venus publiques. » II attaque ainsi le principe même des régimes démocratiques, dans la
mesure où la République s'établit sur la participation de tous à la chose commune et meurt de l'indifférence de chacun.
[...]L'individualisme est en somme la généralisation d'une attitude politique que nous connaissons bien, et que les
hommes politiques contemporains appelleraient l'abstentionnisme. [...] La décomposition de la démocratie en tyrannie
constitue le plus grave danger que court la démocratie
Source : C Pollin, op. cité.
Questions :
- Comment Tocqueville définit-il l’individualisme ?
- Quels dangers fait-il courir aux régimes démocratiques ?

Tocquevillle considère que la démocratie comporte un second vice : l’individualisme :


• il commence par définir l’individualisme ; et, pour cela, commence à distinguer
l’individualisme de l’égoïsme. L’individualisme, contrairement à l’égoïsme, n’est pas un
amour immodéré de soi-même, mais plutôt un repli de l’individu sur sa cellule familiale
qui le conduit à se désintéresser des affaires publiques .
• il en étudie ensuite les répercussions. L’individualisme attaque le principe même des
régimes démocratiques, car ceux-ci ne reposent que sur la participation des individus

Document 12 : 8 et 9 p 367
Questions :
- Comment Tocqueville explique t’il le développement de l’individualisme dans les régimes démocratiques ?

Selon Tocqueville :
• les sociétés aristocratiques ne sont pas menacées par l’individualisme et ses effets
pervers, car les individus se sentent les membres d’un corps social dont ils sont obligés
d’être solidaires .Exemple : « un homme connaît presque toujours ses aïeux et les
respecte ; il croit déjà voir ses arrière-petit fils et il les aime » .
• Par contre, dans les sociétés démocratiques, les hommes ne se sentent plus reliés à
une histoire familiale ; ils ne sont plus solidaires des membres d’une caste qui n’existe
plus .

Conclusion : « l’aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait
du paysan au roi ; la démocratie brise la chaîne et met chaque individu à part (… ) ; ceux-là
ne doivent rien à personne , ils n’attendent pour ainsi dire rien de personne ; ils s’habituent à
ce considéraient toujours isolément, ils se figurent volontiers que leur destinée toute entière
est entre leurs mains »

IV. Le résultat : l’omnipotence de l’Etat

Document 13 :
Lorsque je songe aux petites passions des hommes de nos jours, à la mollesse de leurs mœurs, à l'étendue de leurs
lumières, à la pureté de leur religion, à la douceur de leur morale, à leurs habitudes laborieuses et rangées, à la retenue
qu'ils conservent presque tous dans le vice comme dans la vertu, je ne crains pas qu'ils rencontrent dans leurs chefs des
tyrans, mais plutôt des tuteurs. Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés
ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde ; nos contemporains ne sauraient en trouver l'image dans
leurs souvenirs. Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise exactement l'idée que je m'en forme et la
renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle,il faut donc
tacher de la définir, puisque je ne peux la nommer.
Jezveux imaginer sous queis Traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule
innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et
vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous
les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine ; quant au demeurant de ses
concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n'existe qu'en lui-même et
pour lui seul, et, s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là
s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est
absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il, avait pour
objet de préparer les
hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance ; il aime que les
citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur mais il veut en
être l'unique agent et le seul arbitre : il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs,
conduit leurs principales affaires. dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il
leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus
are l'emploi du libre arbitre ; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque
citoven jusqu'à l'usage de lui-même. L'égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les
souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.
Source : Op. Cité.
Questions :
- Quelle est la craint exprimée par Tocqueville, en quoi se distingue t’elle de celle qui caractériserait un régime
aristocratique ?
- Comment Tocqueville l’explique t’il ?
- Dans quelles mesures ces critiques pourraient-elles s’appliquer à certains effets de l’Etat-providence ?

Selon Tocqueville :
• dans les systèmes démocratiques caractérisés par une égalisation des conditions, les
hommes ne sont plus menacés par des régimes despotiques ou tyranniques,
• mais par une forme d’oppression douce : un Etat tutélaire et omnipotent qui infantilise
les individus en pourvoyant à leur sécurité et à leurs besoins, en favorisant leurs
plaisirs, mais en ne leur laissant plus aucun libre-arbitre, aucune capacité d’action .En
effet l’Etat peut progressivement mettre les individus à l’écart des affaires publiques
(les fixer dans l’enfance) puisqu’il fait si bien à leur place ce à quoi ils aspirent
• Enfin, fort de cette légitimité, et pour toujours mieux réaliser l’égalité et le bien être, il
peut étendre sans cesse les règles compliquées, minutieuses et uniformes qui
encadrent la vie sociale jusqu’à étouffer toute velléité d’autonomie
• Le despotisme prend ainsi la forme d’un contrôle d’autant plus pernicieux qu’il se
donne les couleurs de la démocratie, respectant ses aspirations et même, en
apparence, le mode de désignation de ses dirigeants.

Remarque : Tocqueville a ici anticipé la critique que les auteurs libéraux font à l’Etat-
Providence ( cf. chapitre Etat).

Section III - Les remèdes : pourquoi aux Etats-Unis la démocratie n’a t’elle pas dégénéré en
despotisme ?

Document 14 :
A:
Quoi qu'il en soit, conformément à la conviction permanente des philosophes classiques, Tocqueville exige que l'État
soit assez grand pour disposer de la force nécessaire à la sécurité, et assez petit pour que la législation soit adaptée à la
diversité des circonstances et des milieux. Cette combinaison n'est donnée que dans une constitution fédérale ou
confédérale. Tel est, aux yeux de Tocqueville, le mérite premier des lois que les Américains se sont données. Avec
une parfaite clairvoyance, il a vu que la constitution fédérale américaine garantissait la libre circulation dus biens, des
personnes et des capitaux. En d'autres termes, le principe fédéral suffisait à prévenir la formation de douanes
intérieures et empêchait la dislocation de l'unité économique que constituait le territoire américain. En dernier lieu,
selon Tocqueville : « Deux dangers principaux menacent l'existence des démocraties : l'asservissement complet du
pouvoir législatif aux volontés du corps électoral, la concentration dans le pouvoir législatif de tous les autres pouvoirs
du gouvernement. »
Ces deux dangers sont formulés. dans des termes qui appartiennent à la tradition. Un gouvernement démocratique, aux
yeux d’un Montesquieu ou d'un Tocqueville, ne doit pas être tel que le peuple puisse s'abandonner à tous les
entraînements passionnels et déterminer les décisions du gouvernement. Et, d'autre part, selon Tocqueville, tout
régime démocratique tend à la centralisation et à la concentration du pouvoir dans le corps législatif. Or, la
constitution américaine a prévu la division du législatif en deux assemblées, elle a établi une présidence de la
République, que Tocqueville, à son époque, considère comme faible, mais qui est relativement indépendante des
pressions directes du corps, électoral ou du corps législatif. De plus, aux États-Unis,l'esprit légiste sert de subslitut à
l'aristocratie car le respect des formes juridiques est favorable à la sauvegarde des libertés. Tocqueville constate
encore la pluralité des partis qui d'ailleurs, observe-t-il justement, ne sont pas, comme les partis français, animés par
des convictions idéologiques et n'adhèrent pas à des principes contradictoires de gouvernement, mais représentent
l'organisation d'intérêts enclins à discuter pragmatiquement des problèmes qui se posent à la société.
Tocqueville ajoute deux autres circonstances politiques mi-constitutionnelles, mi-sociales, qui contribuent à la
sauvegarde de la liberté. L'une est la liberté d'association et l'autre l'usage (qui en est fait, la multiplication des
organisations volontaires. Dès que se pose une question dans une petite ville, dans un comté ou. même au niveau de
l'État fédéral tout entier, il se trouve un certain nombre de citoyens pour se grouper en organisations volontaires, dont
la fin est d'étudier, éventuellement de résoudre le problème posé. Qu'il s'agisse de construire un hôpital dans une petite
ville ou de mettre fin aux guerres, quel que soit l'ordre de grandeur du problème, une organisation volontaire
consacrera ides loisirs et de l'argent à la recherche d'une solution.
Enfin, Tocqueville traite de la liberté de la presse. Elle lui paraît chargée d'inconvénients de toutes sortes, tant les
journaux sont portés à en abuser, tant il est difficile qu'elle ne dégénère pas en licence. Mais il ajoute, selon une
formule qui ressemble à celle de Churchill à propos de la démocratie, qu'un seul régime est pire [que la licence de la
presse, c'est la suppression de cette licence. Dans les sociétés modernes, la liberté totale est encore préférable à la
suppression totale de cette liberté. Et entre ces deux formes | extrêmes, il n'existe guère d'intermédiaire.
Dans une troisième catégorie de causes, Tocqueville groupe les | mœurs et les croyances. Il développe alors l'idée
centrale de son œuvre, centrale par rapport à son interprétation de la société américaine, et dans la comparaison
explicite ou implicite à laquelle il procède chaque instant entre l'Amérique et l'Europe. ; Ce thème fondamental, c'est
qu'en dernière analyse la liberté a pour conditions les mœurs et les croyances des hommes, le facteur décisif de ces
mœurs étant la religion. La société américaine est, |aux yeux de Tocqueville, celle qui a su joindre l'esprit de religion
jet l'esprit de liberté. S'il fallait chercher la cause unique qui rend probable la survie de la liberté en Amérique et
précaire l'avenir g de la liberté en France, ce serait, d'après Tocqueville, que la société américaine joint l'esprit de
religion et l'esprit de liberté, cependant que la société française est déchirée par l'opposition .entre l'Église et la
démocratie, ou la religion et la liberté. . En France c'est le conflit de l'esprit moderne et de l'Église qui est la cause
dernière des difficultés que rencontre la démocratie à demeurer libérale, et au contraire c'est la parenté d'inspiration
entre l’esprit de liberté qui est le fondement dernier de la société américaine.
Source : R.Aron, Les étapes de la pensée sociologiques, Gallimard, 1967
B : 14 p 369
Questions :
- Recensez les caractéristiques des EU qui expliquent que la démocratie n’a pas débouché sur la tyrannie :
+ au niveau des institutions politiques
+ au niveau de l’indépendance des pouvoirs
+ au niveau des institutions sociales
+ au niveau des mœurs et des croyances

Selon Tocqueville, il existe un certain nombre de garde-fous qui permettent à la démocratie


de ne pas générer en despotisme. Afin de les étudier, il part de son modèle de référence : les
Etats-Unis :
• afin de limiter le risque d’omnipotence de l’Etat, Tocqueville considère que l’Etat doit
être suffisamment développé afin de protéger le pays et sa population, mais
suffisamment faible pour que le pouvoir de l’Etat ne conduise pas à une
homogénéisation, source de conformisme appauvrissant. Tocqueville critique donc ici
le centralisme issu de la monarchie absolutiste qui caractérise la France ( qui sera
renforcé par la Révolution et l’Empire ). La solutions est alors d’appliquer une
Constitution fédérale .
• Tocqueville qui s’inspire de Montesquieu, considère que la concentration des pouvoirs
risque de menacer l’existence des démocraties .Le peuple , par le biais des suffrages
universels , impose au corps législatif des décisions qui peuvent aller à l’encontre du
droit des minorités . Il est donc souhaitable de diviser les pouvoirs , c’est-à-dire ,
comme aux EU , de séparer l’exécutif du législatif , et de diviser le législatif en 2 corps .
• Afin de limiter la sphère d’intervention de l’Etat , il est nécessaire , selon Tocqueville ,
de créer des corps intermédiaires sous la forme d’associations qui résultent de la
coordination d’individus volontaires qui s’organisent afin de renforcer leurs capacités
d’intervention et de pouvoir résister à la toute puissance de l’Etat . Selon Tocqueville ,
une des raisons de l’omnipotence de l’Etat en France se trouve dans la disparition des
corps intermédiaires de l’Ancien Régime ( corporations , associations religieuses , … )
organisée par la Révolution française .
• Tocqueville , pour lutter contre la tendance naturelle des sociétés à sacrifier la liberté à
l’égalité , préconise alors de protéger , autant se faire que peut , la liberté ( même si
celle-ci n’est pas sans dangers) .Il propose alors de favoriser la liberté de la presse ,
mais cette politique ne lui paraît pas suffisante ; il considère que la liberté a pour
condition les mœurs et les croyance des hommes , le facteur décisif de ces mœurs
étant la religion . Inversement , en France , Eglise et démocratie s’opposent : l’Eglise
prônant un retour à l’Ancien Régime et s’opposant à toute forme nouvelle de liberté qui
menace , selon elle , le corps social .

Partie II – L’actualite de Tocqueville

Section I- la représentation politique

Document 15 : 1 et 2 p 370
Source : Le Monde 15/03/2010

Tocqueville faisait de l'apparition d'un individu libre de ses choix une des caractéristiques de
la société moderne. :

Les raisons : la disparition de toutes les obligations qui pesaient sur les sujets dans la
société aristocratique a libéré l'individu qui devient un être autonome, capable de décider de
son mode de vie.
Les vérifications : Les sociologues ont globalement conforté son point de vue.
• Pour Durkheim, la division du travail fait de chacun des membres de la société à
solidarité organique un être spécifique qui n'est plus relié aux autres que par un
rapport de complémentarité. Durkheim reconnaît, en outre, que les relations sociales
deviennent plus fragiles et que l'individu peut se replier sur lui-même.
• L'absentéisme aux élections tant politiques que syndicales semble donner raison à
Tocqueville quand il redoute l'individualisme, c'est-à-dire le repli sur soi et le désintérêt
pour la politique.
• Dans la logique de Tocqueville, l'absentéisme serait le fait d'individus appartenant aux
classes moyennes et qui feraient le choix de leurs affaires privées au détriment des
affaires publiques
• Ce phénomène pourrait être aggravé par la professionnalisation de la politique qui
consiste à faire des hommes et femmes politiques des individus formés en ce sens,
rémunérés par les partis politiques et faisant l'ensemble de leur carrière dans la
politique. Ne pouvant plus faire de la politique en « amateurs », les citoyens se
détourneraient de la politique.

Relativisation : Pourtant :
• le profil type des abstentionnistes ne correspond pas à cette image : L'abstentionnisme
le plus fréquent est le fait des jeunes, des femmes seules, des chômeurs, des salariés
précaires... C'est le fait de personnes mal insérées dans la société et qui ne se sentent
pas la compétence pour intervenir dans le domaine public. Le politologue français
Daniel Gaxie (L'Explication du vote, 1989) parle de « Cens caché » pour désigner cette
mise à l'écart à la fois volontaire et contrainte des citoyens les moins compétents en
politique.
• « la possibilité d’exercer un contrôle sur les représentants est sans doute plus grande
que Michels ne l’affirmait (…) elle est moins universelle que ne le suppose la
représentation officielle (…) elle est plus fréquente chez les hommes et à mesure que
s’élève le niveau culturel et social. Plus le sentiment d’être autorisée à intervenir dans
les questions politiques s’élève, (…)plus les agents opposent leurs propres
compétences et leur propre jugement à ceux des représentant »
• On assiste à un renouveau démocratique du au développement du tissu associatif qui
corrspond à un instrument d’expression des citoyens sans pour autant remettre en
cause l’intervention de l’Etat comme le pensait Tocqueville pour les USA : « la mise en
place de l’Etat Providence implique l’élaboration de nouvelles formes de coopération
avec le secteur associatif entre Etat et association » . De plus : « le monde associatif
n’échappe pas à la contradiction entre l’idéal républicain de la souveraineté totale et
les nécessités de la vie politique qui conduisent (y compris dans les associations) à
substituer à la volonté des citoyens celle de leurs représentants »

Section II- Societé démocratique et uniformisation des comportements

Document 16 : 6 p 371

Une vidéo présentant l’expérience de Ash : http://www.dailymotion.com/video/xajeun_experience-de-ash_school

La thèse : L'individu démocratique est-il conformiste ? Le développement des mass média a


renouvelé la crainte exprimée par Tocqueville : l'individu moderne serait un sujet privé
d'idéaux qui ne peut résister à l'influence des modèles de comportement véhiculés par les
mass média.

La relativisation : Pourtant, la diversité semble l'emporter sur le conformisme dans les


sociétés démocratiques. Cela peut s'expliquer par l'existence de groupes sociaux différents.
C'est pourquoi les médias se sont souvent spécialisés. Si conformisme il y a, il faut plutôt le
chercher à l'intérieur de groupes sociaux d'appartenance, que ces groupes soient assignés ou
acquis. L'individu moderne appartiendrait par la naissance ou par choix personnel à un ou
plusieurs groupes sociaux dans lesquels il se fonderait et qui lui permettraient de se
distinguer des membres des autres groupes.

Conclusion :Conformisme et différenciation seraient complémentaires.

Ressources complémentaires

I. Des cours :
• Sur le site du Log le cours de P.Bailly : ici
• Sur le site de R.Chartoire , Problématiques
• sur l'excellent site du lycée sud médoc :
Le support de cours - A. de Tocqueville - Année scolaire 2005/2006
Ce diaporama présente les parties 1 et 2
Les enjeux de la représentation politique (Kévin)
Egalisation des conditions et démocratie selon A. de Tocqueville (Kévin)notes de cours de Kévin année scolaire
2003/2004(PDF,

La crise de la représention politique

le phénomène de l’abstention

II. Des exercices interactifs

• Sur le site du Log , des exercices à partir du cours précédent : ici


• Des textes à trous de l’académie de Genoble : ici
• Un QCM sur le Cybermauel de Bordeaux : ici

III. Des sujets de bac :

Sur le site de Versailles, tous les sujets de bac donnés sur Tocqueville : ici

IV. Des sites pour aller plus loin :

La pensee de Tocqueville
http://tocqueville.ifrance.com/pensees/index_frame_pensees.html

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