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Na CLAUDE XONET
Que pensera-t-on de nous, plus tard, quand on ce dira que tous ceux qui
furent de grands artistes et qui porteront, dans la postérité, la gloire de
ce demi-ciecle, ont été incultés, vilipendée - pis encore, platcantés 7 Lee
oeuvres d'art, qui font naitre l'émotion et le recuetllement, au fond dee
mes naives, ne nous inspirent & nous, nation spirituelle, que des
calembours et nous pascons devant ces oeuvres, ne leur laissant de notre
passage qu'une sottise lancée sur un jet de salive. Pourtant, comprendre ce
qu'il y a de poésie, de sensidilite, de fantaisie dans un étre, dans une
chose, et rendre ce: fixer cela ; une joie, une souffrance, une lumiére,
un baiser, n'importe quoi de fugitif qui ait été de la vie, c'est beau,
allez ! mais nous sommes courds, nous sommes aveugles. Hous n'entendons
rien de ce qui chante, ni de ce qui pleure. 11 semble que tout est met
autour de nous, que les ailes n'ont pas de friesons, que le vent n'a pas de
plaintes, les voix pas de msiques, et que tout nait, se meut et meurt dans
1'éternel silence.
Yous sommes vraiment de misérables gamins, destructeurs inconscients du
beau et du vrai, A qui toute grandeur, toute éloquence, toute eincérité
échappent. Peuple de blagueurs, multitude grimagante de cabots, nous
n'aimons que l'exagération du mot, le grincement béte du rire, le drapenent
théatral des dovleurs. 11 faut que nous voyions toutes choses @ travers des
cinquidmes actes de vaudeville et de mélodrame, et que nous forcions 1a
nature et la vie & se plier @ toutes les déformations de ‘esprit - esprit
de concierge et de chroniqueur.
Claude Monet a été un des plus incultés, parmi les incultés. On le
traitait de barbouilleur insigne ; je crois méme qu'un critique - lequel
n'est pas sans autorité dans les jurys, sans influence chez les marchands -
etéoria qu'il n'y avait qu'un commmard pour faire de pareilles horreurs.
Pour un peu, 41 eGt demandé que cette peinture fit jugée par un conseil de
guerre. Sa Japonaise, une blovissante fantaisie, une véritable féte des
yeux, ot toutes lee couleurs se jouent, fondues en une harmonie exquice, et
nrse8 Dindons, blancs, une décoration savante et délicieusement exécutée -
aussi délicteusement que les plus imprévus dessins japonaic, exciterent,
Jadis, aux expositions de M. Durand-Ruel, des rires fous. On se pamait, on
se tordait, et on se tenait le ventre - j'entends des ventres respectables,
de nobles ventres, des ventres plusieurs fois électeurs.
Savez-vous - si bien qu'on connaisse 1'Ame changeante des foules - ce
qu'il faut de courage, de ténacité, de foi, pour rester, je ne dis pas
‘seulement insensible A ces insultes et & ces moqueries, mais assez fort,
assez libre de ses facultés, assez confiant en soi-méme, pour continuer la
lutte et ne point succomber, sous le découragement, brisé, come tant
d'autres, par l'ignorance éternelle et 1'éternelle routine ? I] est long et
cruel, le martyrologue des artistes : les larmes et le sang l'ont novillé
et rougi, & plus d'une page. Si meurtri qu'il pit étre, Claude Monet ne se
découragea pas. I1 ne voulut faire aucune concession & la lacheté et A la
médiocrité de son temps, et fermant ses oreilles aux cris du dehors, il se
Jeta, avec plus d'énergie que jamais, dans le travail.
Bien qu'il soit encore trés Jeune, son oeuvre est déja considerable, et
désormais respecté, Ceux qui le plaicantatent le plus amérement, commencent
de l'admirer, non que leur éducation coit meilleure, ou que leurs yeux se
sotent habitués aux belles lumiéres ; mais l'art est si puissant, qu'il
s'impose de lui~méme aux imbéciles, et qu'il finit par mettre dans leur
esprit, malgré eux, une sorte de mystérieuse admiration, qui arréte le rire
et glace d'une pudeur inconsciente 1'insulte préte A s'échapper.
Je ne connais pas, pari les paysagistes modernes, un peintre plus
complet, plus vibrant, plus divers d'impression que Claude Monet ; on
dirait que pas un fricson de la nature ne lui est inconnu. I1 lui a taté le
pouls, il l'a auscultée, come un médecin sa miade. 11 l'a surprise &
toutes les heures, A toutes les minutes, dans le jeune et odorant
déshabillé du matin, sous 1'éblouissement de ses toilettes de midi, dans
les langueurs amoureuses du soir, dans le sommeil de la nuit, blanche des
dentelles de la lune ; et 11 1'a exprimte sous ces aspects changeants, sous
ces fugitives lumiéres, et dans toutes ses penstes, mime les plus
capricieuses, avec une éloquence qui vous remie profondément, vous émeut de
toute la vie intime ou diffuse qu'il y a prise.
L'éloquence caractérise le talent de Clade Monet, une éloquence claire,
forte, harmonique, qui va, roulant ses phrases cadencées et ses sonoritesmagnifiques, comme une symphonie de Beethoven, 11 a rendu, ce que les
Japonais seuls avaient pu faire jusqu'ici, et ce qui semblait un secret
perdu, L'impalpable, 1'insaiciesable de 1a nature, c'est-a-dire ce qui est
gon ame, la pencée de con cerveau et le battement de con coeur.
Les paysagistes, en général, n'aiment pas les choses simples. Ils vont
aux motifs tourmentés, aux arbres tordus sinistrement ; et si, derriére ces
arbres, se trouve une ruine croulante de cloitre, les voila dans 1a joie.
Ie préférent le décoratif et l'artificiel & l'intime et au natur:
geste & 1a pensée.
Les motifs des paysages de Monet sont simples toujours : aucun
arrangement, aucun décor, aucune préoccupation de l'effet, aucune recherche
de la mise en scéne. L'effet, {1 le tire seul de l'exactitude des choses,
» le
mises dans leur lumiére propre et dans l'air
biant, et de ce qu'elles
donnent au coeur du poéte de réverie et d'infini. Un chemin, un arbre et le
ciel, i1 ne lui en faut pas plus pour faire un chef-d'oeuvre. Voici un de
ses tableaux.
D'abord un champ de luzerne, d'un vert pile et presque décoloré par un
ardent soleil de midi, un petit sentier court a travers la luzerne, comme
un ruban d'or ; puis des blés épais, presque roses, ce drecsent ainsi
qu'une mraille, et derriére les blés, quelques cimes d'arbres d'un vert
sombre. Ce n'est rien, vous voyez, et c'est um pur chef-d'oeurre ; tout ce
coin de nature exhale un silence, une tranquillité, un accablement de
chaleur.
La prairie a été depuis plusieurs jours fauchée, et déja 1'herbe
nouvelle, sur le champ roussi, étale le vert tendre de ses jeunes pousses.
Les meules de foin séché starrondissent par places, toutes dorées, et plus
loin, s'élevant d'un hate touffue, un rideau de trembles barre le ciel gris
ou courent de petits nuages blancs. Les feuilles frissonnent, doucenent
agitées par la brise, et le ciel, au travers des fevilles, s'apercoit et
fuit, avec une justesse de perspective et une valeur si exacte qu'on
devine, derriére ce temblement du feuillage, des profondeurs de campagne
qu'on ne voit pas.
C'est encore simple, n'est-ce pas ? et c'est un autre chef-d' oeuvre.
La nuit A Btretat. Une brume monte de la mer, une brume épaicse que la
lune rose, d'un rose sourd, colore faiblement. La porte d'Aval s'avance
dans la mer, déchiquetant la pointe de ses rochers. Bt la mer mollement se
Karol Cytrowski, L'Abbé Jules D'octave Mirbeau en Tant Qu'exemple de L'influence de Fiodor Dostoïevski Sur Le Roman Français de La 2e Moitié Du XIXe Siècle
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