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Documents pour f@ médecin dy travail, 28, 1986, ETUDES ET ENQUETES DE MEDECINS DU TRAVAIL DM 28 1F3 Une approche ergonomique globale du travail dans les magasins de marée “4. C. Mousseau (*), M. Petitot (**) Le travail portuaire, prolongement de la péche maritime. constitue un champ d'étude ergonomique original, qui demeure, & ce jour, quasiment inexploré. Lintérét de cette étude est de raisonner en termes de systémes ot de systémes étagés, hiérarchisés. Ceci a deux canséquences sur le plan méthodolagique — obligation d'une étude multicisciplinaire ; — la nécessité d'une synthése allant de l'étude du poste e travail, avec des propositions d'améliorations ergo- nomiques méme modestes, a étude des solutions techniques et organisationnelies, variables selon le mode de production qui est soit arlisanal, soit indus- trie Cotte approche doit, bien sor, s‘integrer dans le aniexte socio-économique et politique de l'industrie de ia Ache, 1. LE TRAVAIL DANS LES MAGASINS DE MAREE L’étude a été menée par une équipe de "Association :édicale interentreprises du Morbihan (AMIEM) consti- tuée de médecins du travail, d'un ergonome at technicien fen hygiéne et sécurité, élargie par le laboratoire de recherche « Sécurité et-conditions de travaib a la péche maritime » avec 'appul des services vétérinaires et du service de cardiclogie de 'hépital Bodélio de Lorient, Cotte étude intéresse quatro-vingts magasins occupant environ neuf cents personnes. Elle comporte trois volets technique, mécico-psychologique et socio-économique. (7) Mécocin cu vroval — Association médicale interentopties du Mor bonan et cag mites (AMIEM) lot 10:12, re dea Bele Fortra one ‘C71 Exgonome, techricien en nygione et sécunte — ANIEM, 1.1. Description du travail Schématiquement, le port de Lorient est alimenté en oissons par des navires industriels fournissant a'impor- {antes quantités d'espéces communes, mais aussi par une flotte arisanale diversifiée approvisionnant le marché en espéces nobles de haute qualité, Les apports globaux ont été de 71.000 tonnes en 1985, ce qui représente une valeur de 630 millions de francs plagant Lorient comme premier port de pache frangais. Aprés le débarquement du poisson, son triage ot sa mise en bacs, celui-ci est vendu aux encheres sous criée. Le mareyeur achéte, suivant ses commandes, des lots qui sont acheminés vers les magasins. Le travail y est alors fonction de lespéce, de la qualté et de a taille des poissons qui sont trallés entiers ou en filets, Le travail du poisson entier consiste conditioner directement le produit par espéce, taille et poids dans des caissettes en polystyrene expansé. Le filetage conceme certaines espéces : lieu noir, mer- lan, églefin, cabilaud... Le filetage et le pelage (séparation de la peau) sont effectués soit manuellement, soit mécani- quement Certains poissons subissent un traitement particulier, par exemple. — [aiguillat ou « chien » et la roussette dont la téte est coupée et la peau arrachée ; — fa raie dont on préléve les ailes ; — la baudroie (lotte) dont seule ia queue est commercia- lisée ; Tous ces produits sont conditionnés sous glace, par caisses, puis expédiés le plus souvent par camion frigoriti- que pour étre livrés dans toute la France. (INRS) istirur national oe neceRcHe eT DE SECUNTE 30 RUE OLVIER-NOYER 75680 PARIS CEDEX 14 1.2, Les magasins de marée Le port de péche de Lorient fonctionne sous un régime de concession, La Chambre de commerce et dindustrie du Morbihan assure l'exploitation et \'entretien des ouvragas portuaires. Les locaux sont alloués aux ma- reyeurs. Les magasins sont ‘importance trés différente et 87 % dente eux occupent moins de vingt personnes, Les petits magasins sont dans f'enceinte du port et le travail demeure artisanal. De plus grosses entreprises, installées 4 l'extérieur, sont orieniées vers un travail Industrie! (exportation de produits frais et congélation), 1.3, Les matériels ot machines Les matériels et les machines utiisés dépendent du type de travail effectué (manuel ou mécanisé, artisanal ou industrialise) Dans les petits magasins artisanaux, le matériel est simple: tables de travail plastifiées pour le filetage, Vembaliage et le glagage. Les couteaux sont {es princ’ aux instruments utlisés. La quasi-totalité des opérations sont manuelies. Les entreprises de taille industrielle s'équipent de machines dont {e fonctionnement est spécifique a certains types et certaines tailes de poissons. Les machines & fileter, ét@ter, peler, flaquer sont de plus en plus perfor mantes, organisation du travail, sommaire dans les premiers, est de plus en plus siructurée dans les seconds. 1.4. Les offectits concernés par renquéte Dans la plupart des magasins, la semaine de travail s'étend sur quatre journées qui cébutent vers 7 h 30 et se terminent suivant les apports du jour Le travail y est traditionneliement effectué par des femmes jeunes : fileteuses et employées de marée. La période d'activité dans ces entreprises est de courte curée, ce qui témoigne d'une instabilité du personnel sans Goute lige aux conditions sévéres de travail 2. ANALYSE DU TRAVAIL 2.1, Postes de travail et postures Une distinction est faite entre les postes manvels (filetage, emballage, manutention) traditiannels ou améliores d'une part et, d'autre part, les postes mécanisés. 2.41, Caractéietiques anthropométriques de fa popu lation effectif : 365 personnes moyenne ; 189,8 cm; médiane :159 om ; écart-lype : 7.4 om. 2.4.2, Le travail manuel 2.1.2.1. Le poste de fileteuse Les operations Le tragage consiste @ lever les filets des poissons et le polage @ séparer ia peau 322 Ces opérations nécessitent beaucoup de dextérité et de rapidité et font travailer essentiellement les articulations Gu poignet {alternance supination/pronation) et de Vépaule, dans une ambiance Iroide et humide. Les postures ‘= Poste traditionnel : i! s'agit d'une posture debout sta- fique face A des tables dont la hauteur varie de 82 & 101 cm; elles sont généralement de 90 om. Description de la posture — une flexion du trone vers avant de 20° a 30° — une flexion de la téte par rapport au tronc de 30° a 40°; — une absence de rotation du trone. Le maintien de I'équilbte est abtenu grace a la mise en jeu de forces d'origine musculaire ou ligamentaire. Lors- ‘que cette posture se prolonge, les fileteuses pergoivent des tensions douloureuses, particuligrement au niveau ‘des muscles dorsaux et des trapézes. Le travail en posi- tion debout est entrecoupé de couries phases de manu- tention : levée et renversement des bacs de poissons su. la table (ces bacs, dont le poids a vide est de 4kg, peuvent contenir 80 kg de poisson, plus de la glace}. Observation des pastes : dans la majorité des postes, les operateurs sont sur un caillebotis (hauteur = 5 om}. La hauteur relative des tables n’est plus que de 65 cm. Le: vues de dos et de profiis monirent que tes tables som trop basses, Pour un poste debout occupé par des femmes, une hauteur de 92cm est recommandée. Elle doit étre majorée de fa hauteur du caillebotis. Généralement, les fileteuses travaillent les unes & cote des autres sur de tres longues tables (jusqu’a 7 m). Ces tables sont paraliéles a la pente du sol. La création d'une pente relative par rapport au sol offre Vavantage d'obtenir des hauteurs différentes ; les femmes peuvent ainsi choi- sir emplacement qui leur convient. Position de la fileteuse par rapport au poisson sur ia table: on peut remarquer que l'axe du poisson sur la table forme un angle de 30° & 45° par rapport au bord de ‘a table quill jouxte, L'opératrice est positionnée de biais par rapport 2 la table et son axe acromio-frontal constitue Un angie de 30° a 45° avec le bord de la table, co qui ‘correspond aux valeurs optimales décrites expérimentale ment. + Poste améliore: une disposition plus judicieuse «“@ fables de travail perpendiculare @ plusieurs tapis roulant superposes, permet de cisposer des sieges. La fleteuse oui ainsi altere’ la postion assise et debout, suivant le type de travail et la fatigue cu'elle ressent. Oe plus, le manutention des baos, manuelie cans le poste tradition- hel, est etfectuée ici par des patans électriques. 21.22. Le poste demballage Les opératrices travaillent debout Poste traditionnel: Les personnes aménagent leur poste de travail autour d'une balance. Elies dispasent les bacs de poisons, leur stock de caissettes, le seau de glace, une palette dans un rayon datteinte autour de Tinstrument de mesure. Ces postures se caractérisent par Ges flexions importantes du tronc et de la téte. Tres ynamiques, elles sont entrecoupées de multiples phases de manutention. Les inclinaisons prononoées du rachis orso-lombaire favorisent 'es lésions discales. Des pos- tures moins contraignantes pourraient tre obtenues en appliquant quelques mesures de prévention ‘+ des hauteurs de balances adéquates ; ‘+ des (apis roulants & bonne hauteur pour emballage ; des bacs 4 glace & méme hauteur ; ‘= une position plus adéquate des rouleaux de film plas- tique ; ‘* une hauteur de lecture du poids sur la balance prache de ‘'axe visuel des opératrices ; ‘* une palettisation sur des chariots roulants a méme hau- ‘eur sur fesquels un nombre de calssettes identique aux palettes peut étte installé. En effet, les palettes ne servent Qu’au transit des caissettes. Ce type de chariots roulants peut étre pris par les chariots automoteurs : |} suffit d'améliorer la préhension par leurs fourches. Poste amélioré : dans cette nouvelle méthode, le travail Steffectue encore en position debout. Les manutentions manuelles des bacs sont quasiment supprimées. Le tri du poisson puis la pesée, lemballage, le glagage, le transit des caissettes s'effectuent 4 bonne hauteur sur des tapis roulants. Les postures sont, de ce fait, beaucoup moins contraignantes pour le dos. Par contre, la mise en place des caissetles sur les palettes nécessite toujours une flexion du tronc. Cette demiere opération peut étre amé liorée selon le principe précedemment décrit. 2.1.3. Le travall mécanisé 2.1.1, Postes & travail manvel Os consrret ts sseuss : ane, es esos tec es, ireagit toujours un tava autoregule Le travail s'effectue @ des postes munis de tapis 1ou- lants anBlogues dans leurs principes a ceux du travail manuel de type « artisanal » La posture « debout » est continuelle ; les effets en ont 6t6 précédemment decrits. Si les problames et leur résolution, jiés & lanthropomeé- trie, sont identiques, la perception de la part des opéra- trices, tres différente, est liée au mode d'organisation. 2.1.3.2. Postes sur machines Les postes les plus fréquemment rencontrés sont — positionnement des poissons sur la chaine ; — suppression des petits dysfonctionnements ; réception. Les machines utilisées, si elles fonctionnent toutes st vant le méme principe, sont différentes au niveau de Vaménagement des postes ce travail Jelques entreprises mécanisées qui témoignent d'une e: faible pourcentage de personnes travaile dans ces fdustralisation naissante, « Les opérations : elles sont répétitives, mécaniques, sté- réotypées, imposées par la cadence dé {a machine. Les postures : toutes les opérations se font en position Gebout statique et continuelle, jusqu’a douze heures par jour. On peut reiever des inclinaisons prononoées du rachis dorso-lom- baire ; des inclinaisons du rachis cervical ; des rotations du tronc ; des inclinaisons latérales de la colonne vertébrale. ‘Toutes ces postures sont susceplibles de favoriser une Pathologie verlébrale, + L'aménagement anthropométrique des postes: sur la majorté des machines, les gestes et les postures 323 ‘observés montrent une inadaptation anthropometrique des postes de travail, Sur les machines les plus récentes, i semble que ces oritéres aient été pris en compte, 2.14. Le poste de manutentionnaire Ce travail est exeroé par 9% du personnel, mais de nombreux travaux effectués dans la « marée » comportent de muttiples épisodes de manutention. Ces opérations sont aussi bien rencontrées dans le travail artisanal qu'in- dust, Laménagement des postes de filetage et d'emballage, ainsi que 'amélioration de lorganisation du travail, vise aussi a alléger la charge de travail 4 ces postes. Maigré tout, une formation aux techniques de manutention est Souhaitable pour l'ensemble de ce personnel 2.2. Analyse du travail formel et Informe! Dans toute industrie, fa production met en couvre deux organisations de travail; 'une a été planifiée par un supé- rieur hiérarchique & partir de données théoriques : c'est ‘organisation formelle du: travail ; l'autre a et élaborée par la base ouvriere a parlir de son expérience vécue afin de pallier les lacunes ou les erreurs de organisation précédente: c'est l'organisation informelle du travail organisation réelle du travail associe, dans des propor- tions variables selon les cas despéce, ces deux compo- santes. Dans le domaine étudié ici, il faut notamment faire la distinction enire le travail manuel et ‘e travail mécanisé. 2.2.1. Le travail manuel Ce travail, de type artisanal, privilégie 'informel par rapport au formel. 22.1.1, Poste de filetage Les fileteuses ne regoivent pas de consignes particu- ligres si ce r’est de faire les plus beaux filets, le plus rapidement possible en effectuant un prélevement maxi mum. Suivant les clients, tes filets seront pelés ou non. Ge travail fait appel a de nombreuses prises d'informa- tions de nature informelie : signaux visuels, olfactis et propriocepiits. 221.2. Poste d’emballage Les opératrices regoivent les commandes sur papier. Suivant le client, elles ont pour réle de choisir la qualité des poisons qui convient, Pour chaque espéce, une disposition particullére des piéces permettra leur calage et tune belle présentation. Cest en partie sur ces opératrices que repose la satisfaction du client La pesée s'effectue ar une prise d'information visuello soit par aiguilles pour les anciennes balances, soit par diodes photolumines- ccentes pour ies machines modernes. Les consignes ver- bales sont souvent utilisées pour des petites com- mandes : « cing kilos de sales pour untel » Les prises d'information sont essentiellement visuelles. Les opératiices, sans avoir une connaissance théorique Glaborée dos critéres organoleptiques des espéces ichlyo- logiques, jugent de la qualité des poisons, L'col, la couleur de la robe, I'aspect général sont les premiers indicateurs traités. ‘Ces parametres sont bien entendu cifférents suivant les especes.

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