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Claude Herzfeld, "Le Monde Imaginaire D'octave Mirbeau"
Claude Herzfeld, "Le Monde Imaginaire D'octave Mirbeau"
Claude Herzfeld, "Le Monde Imaginaire D'octave Mirbeau"
LE MONDE IMAGINAIRE
D’OCTAVE MIRBEAU
Angers - 2001
AVANT-PROPOS
Mirbeau, “ses histoires de paysans normands (Lettres de ma
chaumière, 1885 ; Le Calvaire, 1886) l’avaient révélé comme un
naturaliste inquiétant” (Dictionnaire des littératures française et
étrangères, sous la direction de Jacques Demougin, Larousse, 1985,
édition de 1992). Mais Reginald Carr a souligné ce qui distingue le
roman de Mirbeau du naturalisme ; c’était au colloque de Crouttes,
tenu en juin 1991 (Actes du Colloque Octave Mirbeau, Éditions du
Demi-Cercle, 1994) : “Mirbeau n’est point Zola, car les détails
restent en général à l’arrière plan ; ils sont peu nombreux ; il ne
s’agit point d’un réalisme outré ou d’un cinéma-vérité romanesque
(p. 69). Mirbeau n’est pas le réaliste que l’on a souvent supposé, et
Le Journal n’a rien du documentaire (p. 70). La forêt de Raillon [...]
figure [...] dans l’imagination de Célestine comme un endroit de
mystère et de crainte” (p. 72).
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et concurrencés par d’autres mythes (Dionysos, Hermès). Notre
société est entrée dans “une zone de haute pression imaginaire” (G.
Durand, Introduction à la mythodologie, Albin Michel, 1996, p. 17).
L’image conquérante
Le mythe réinvesti
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survivance des figures mythiques et de révéler le véritable rôle
spirituel du roman du XIXe siècle qui, en dépit de toutes les formules
(naturalistes, réalistes, sociales) a été “le grand réservoir des mythes
dégradés !” (ibid., p.12).Pour qu’on puisse se livrer au commentaire
mythocritique d’un texte, “l’émergence [d’un mythe], ou du moins
d’un signe assez sûr” de sa présence est nécessaire : “Cette
émergence peut être faible, indirecte”. Et Pierre Brunel forge “le
néologisme d’immergence pour exprimer comment, dans Alcools, on
peut baigner dans le mythe sans qu’il prenne un nom ou un visage”
(“Littérature comparée et étude de l’imaginaire”, I.M.I., p. 233).
L’unité et l’authenticité de l’œuvre mirbellienne sont assurées par
la figure mythique de Gorgô, la Méduse mortelle, avec sa face
terrible et sa face grotesque, conjonction des contraires qui évite au
lecteur la pétrification et l’invite à “regarder Méduse en face” (article
de 1877) à l’instar de Mirbeau, nouveau Persée.
Grimaces
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Phorkys et de Keto (Ovide, Les Métamorphoses, IV, 743, et V,
230).Elle habite, avec ses deux sœurs (Sthéno et Euryale), au-delà
des frontières du monde, du côté de la Nuit. À la grimace d’horreur
qui fend le visage de Gorgô, répond la terreur de qui la regarde. Le
titre de Contes cruels, donné au recueil de nouvelles publié par Pierre
Michel et Jean-François Nivet, nous semble bien choisi (latin crudus,
saignant, cruel ; grec creas, viande ; sanskrit krurah, sanglant ; i.-e.
krew-, chair crue).
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INTRODUCTION
La beauté du laid
“Le sang de cochon sert à fixer l’or”, écrit Claudel. Et, selon
Octave Mirbeau, “la poésie est partout et elle éclaire aussi bien un
parterre de roses qu’un tas de fumier - elle ne craint pas de pénétrer
dans la vie, dans la vie canaille même où les hommes ont des
guenilles sur le dos et où les fleurs poussent, tristes et décolorées,
parmi les gravats” (C.E. I, 122). Fleurs pâlottes (cf. M.B., 8), fleurs
du mal (“Elle est plus mal...”, M.B., ibid.), du malheur, de la maladie
et de la mort qui éclosent sur la misère prolétarienne :
“Vous savez bien qu’on a toujours la fièvre ici...” (ibid.)
“Joseph [est] mort de la poitrine à dix-neuf ans...”
“On ne respire ici que la mort...” (11).
“Le jour qu’elle s’est arrêtée, c’est qu’elle était déjà morte”
(10-11).
“... et les joues creuses... et les bouches pâles...”
“Le malheur ne peut pas sortir d’ici...” (12).
On comprend l’hommage à J.-F. Raffaëlli qui, sensible à la misère,
l’est aussi à l’émotion esthétique qu’elle suscite : “Je ne connais pas
d’art plus humain que [le sien] [...] et qui exprime, avec plus de
bravoure, avec plus de pitié dans l’humour, tout ce que la laideur
contient de sublime et douloureuse beauté (C.E., I, 490).
Éros flétri
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baudelairiens des “Premiers poèmes” et de “Un fantôme”, où l’objet
d’amour ne correspond pas aux canons de la beauté :
“Elle n’a que vingt ans ; la gorge basse,
Pend de chaque côté comme une calebasse,
Et pourtant, me traînant chaque nuit sur son corps,
Ainsi qu’un nouveau-né, je la tette et la mords.”
Le paradoxe connaît son expression achevée dans l’ oxymoron : les
ténèbres sont claires.
“C’est Elle ! noire et pourtant lumineuse.”
Et, plus largement, à Éros s’unit Thanatos. Enlacés l’un à l’autre, où
vont l’homme et la femme de la Valse de Camille Claudel : “Est-ce à
l’amour, est-ce à la mort ? Les chairs sont jeunes, elles palpitent de
vie, mais la draperie qui les entoure, qui les suit, qui tournoie avec
eux bat comme un suaire (...) Se lève de ce groupe une tristesse
poignante, si poignante qu’elle ne peut venir que de la mort, ou
peut-être de l’amour, plus triste encore que la mort” (ibid.).
Éros et Thanatos, irrémédiablement, “congénitalement” unis :
“Elle s’appuya la bouche sur mon cou, y fouillant avec d’âpres
baisers, comme une bête fauve au ventre de sa victime”, écrivait déjà
Flaubert (Novembre), mettant l’accent sur l’animalisation de la
femme-vampire, la “vamp”, et le plaisir masochiste.
Circée
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lecteur” (ibid.).
Circé plus
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Circé écartée, nous avons choisi Gorgô, la Méduse mortelle, avec
ses deux faces, le terrible et le grotesque . Ce faisant, nous
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Grimace(s)
Ne pas pétrifier...
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“complexe de Méduse”. (La Terre et les rêveries de la volonté, Corti,
1948, pp. 208-209. Les mots soulignés le sont par Bachelard). Le
phénoménologue cite Hugo : devant “ces vagues de granit qu’on
appelle les Alpes”,
“Un rêve épouvantable c’est la pensée de ce que
deviendraient l’horizon et l’esprit de l’homme si ces énormes ondes
se remettaient tout à coup en mouvement” (En Voyage. Alpes et
Pyrénées, 1890, p. 46).
Mirbeau ne partage pas cette “volonté mauvaise de projection
d’hostilité” (op. cit., 208), bien qu’il soit, lui aussi, poursuivi par le
souvenir de l’écrasement sanglant de la Commune et tenté
d’immobiliser le mouvement qui risque d’affecter le Cosmos. Son
projet est autre.
... étonner
Le colossal
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même effet que le grandiose, le colossal . En regardant Gorgô en
3
La mania et le sublime
11
tension, se situe dans les passions violentes, les indignations de
“l’imprécateur au cœur fidèle”. On imagine l’écrivain tel qu’il a vu
Maillol qui “ciselait un bronze, revenu, la veille de la fonte. Il y
mettait une ardeur, un acharnement presque furieux” (C.E., II, 389).
Beauté animale
Présence de Dionysos
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religion dionysiaque commande, “c’est le sacrifice, c’est la fête, dont
l’extase est le sommet” (L.E., 94). Règne de Dionysos, le dieu de la
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Méduse II
13
Tusson, 1990 ; Lettres à Émile Zola, Cahiers naturalistes, n° 64,
1990, pp. 7-46 ; Combats politiques, Séguier, 1990 ; L’Affaire
Dreyfus, Séguier 1991 ; Combats pour l’enfant, Cahiers de l’Institut
d’Histoire des Pédagogies libertaires, Ivan Davy, Vauchrétien,1990 ;
Sac au dos, L’Échoppe, 1991 ; Lettres de l’Inde, L’Échoppe, 1991 ;
Paris deshabillé, L’Échoppe, 1991 ; Sur la statue de Zola,
L’Échoppe, 1989 ; Lettre à Tolstoï, (1903), À l’écart, Reims, 1991 ;
Cocher de maître, À l’écart, (1990) ; Le Concombre fugitif, “Les
grands humoristes”, Arléa, 1992 [le titre donné au recueil par
l’éditeur est celui de la première nouvelle].
Nous ne nous occupons pas non plus, sauf exceptions, des œuvres
qui ont fait l’objet d’articles parus dans les Cahiers Octave Mirbeau
ou ailleurs, auxquels nous prions notre lecteur de bien vouloir se
reporter : Les Écrivains, L’Affaire Dreyfus, Les 21 jours d’un
neurasthénique, Amours cocasses (A.C.) et Noces parisiennes (N.P.),
Chroniques du Diable (Ch. D.), Contes drôles, Les Grimaces (Gr.),
Premières Chroniques esthétiques, Les Affaires sont les affaires,
Contes cruels (I & II), Contes de la Chaumière...
Nous nous référerons principalement aux œuvres suivantes de
Mirbeau, citées à l’aide des abréviations signalées :
- Les Mauvais bergers, Fayard, 1912 (M.B.).
- Un Gentilhomme, Flammarion, 1920 (G).
- Dans le Ciel, L’Échoppe, 1989 (D.L.C.).
- Paris deshabillé, L’Échoppe, 1991, (P.D.).
- Lettres à Paul Hervieu, in Littérature, P. U. du Mirail, n° 26, 1992
(L.).
- Combats esthétiques, édition de P. Michel et J.-F. Nivet, Séguier,
1993 (C.E.).
- Noirmoutier, préface de J.-F. Nivet, Séquences, Rezé, 1992 (N.).
- Croquis bretons, préface de J.-F. Nivet, Séquences, 1993 (C.).
- Petits Poèmes parisiens, préface de P. Michel, À l’écart, Alluyes,
1994 (P.).
- L’Amour de la femme vénale, présenté par P. Michel, préface d’A.
Corbin, Indigo et Côté-Femmes, 1994 (A..F.V).
- Chroniques ariégeoises, présentées par Jean Philippe, préface de P.
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Michel, l’Agasse, Labarre, 1998 (C.A.).
Nous nous référerons aussi aux Actes des trois colloques Octave
Mirbeau : colloque de Crouttes, Éditions du Demi Cercle, 1994 ;
colloque d’Angers, Presses Universitaires d’Angers, 1992 ; colloque
de Caen, Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997 ; ainsi qu’aux Cahiers
Octave Mirbeau, n° 1, 1994 (abréviation : C.O.M.).
Autres ouvrages souvent cités :
- Georges Bataille, Le Bleu du ciel, Christian Bourgois, 1957 (B.C.).
- Georges Bataille, Les larmes d’Eros, ibid., 1961 (L.E.).
- Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire,
Bordas, 1960 (S.A.I.).
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I. VISAGES DE SATURNE
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A. LE GRAND MÉCHANT LOUP
Ambiguïté(s)
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soleil, me fit l’effet d’une mare de sang” (71), “il suffisait de
regarder l’eau tranquille des fleuves pour la changer en sang” (81),
“l’Amour maudit [...] colle sur l’homme sa gueule en forme de
ventouse” (110), “mes doigts crispés, écartés, crochus comme des
serres” (184), “des femmes qui avaient l’air de chiennes” (215)...
“Gorgô conjoint aussi le mortel et l’immortel” (Mythe et
tragédie, op. cit.). Elle et ses sœurs, “nées au royaume de la nuit,
dans les régions souterraines proches du monde des morts, sont
ailées et leur vol magique leur permet de circuler sur et sous la terre,
comme au-delà, dans les airs” (ibid., 31). Gorgô partage avec les
Érinyes le privilège de posséder, en fait de cheveux, des serpents qui,
vraisemblablement, sifflent sur sa tête...
Ambivalence
En examinant les visages du temps, il faut garder présent à
l’esprit que Gorgô est ambivalente : pétrifiante, elle a aussi la
rapidité de l’éclair (cf. son fils Pégase).
Inceste et bestialité
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d’une panthère, ces corps [de prostituées] peuvent être gracieux et
sveltes, aussi bien que musclés et effrayants ; prêts à étreindre, à
embrasser, à se tordre...” (A.,F.V 54).
Oxymore
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“La saoulerie barbouillait de taches violacées les mornes faces
bestiales” (ibid., 149).
Hybrides
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grenouilles et aux partisans de la routine. De même, les romanciers
serviles sont comparés à “des chiens savants” puisque les uns et les
autres “font mille tours de gentillesse, avec grâce et précision” (C.E.,
II, 122). La prostituée, elle aussi, est bien dressée ; du moins connaît-
elle des accès de révolte : la haine et le désir de faire du mal
prennent, chez elle, des proportions impressionnantes : “à la
passivité du chien battu succède l’agressivité du fauve” (A.F.V., 62).
Avec sa double face, la prostitution est bien “cette grotesque
aberration” dont parle notre auteur (A.F.V, 70), l’hétaïre
“métamorphos[ant] les périodes de transformations sociales en une
folle et cruelle bacchanale” (A.F.V., 66).
Cavale
Larves
9 Cf. G., 85 : “Il marchait, marchait dans la pièce avec agitation.” “Il continuait de
marcher fiévreusement.” Et aussi : “Il se leva, marcha dans la pièce en grondant
comme un fauve...” (G., 124).
10 Cf. Georges Bataille, Le Bleu du ciel, Pauvert, 1954 (Bourgois, 1970, p. 69) :
“Toute la nuit, des cauchemars ou des rêves pénibles se succédèrent, achevant de
m’épuiser. [...] La tête du cadavre était un immense crâne de jument. [...] Dans ce
rêve, Dirty, devenue folle, en même temps morte, [...] se précipitait sur moi pour
m’anéantir.”
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Grenouilles, rats, vermine et chevauchée infernale (“complexe
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Bestiaire gorgonéen
de Mirbeau, ses naseaux dans les “narines battant sans cesse, comme
celles des chiens” d’un nez “extrêmement mobile” (G., 132), sa tête
d’où “ruisselle, comme une cascade, l’or fauve de sa chevelure”
(C.E., I, 260), son “visage” pâle encadré “dans l’or roux, taché
d’éclairs rouges, d’une chevelure énorme, d’une toison fauve” (ibid.
203), son “immense éclat de rire, féroce et meurtrier” (G., 58), son
cri animal, sa bave ignoble , celle des possédants qui méprisent le
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11 Dans La Peau et les os (1949), Georges Hyvernaud compare les mots qu’il écrit,
ses pattes de mouche, à une prolifératioon d’insectes : “Je ne sais jouer qu’à écrire.
Je vois les mots qui se forment l’un après l’autre, qui emplissent peu à peu la
feuille blanche d’un pullulement d’insectes, d’un enchevêtrement d’ailes, de pattes,
d’antennes. [...] Une marée d’insectes noirs et plats envahit lentement la page”
(Ramsay, 1985, p. 58). Voir Claude Herzfeld, “Octave Mirbeau et Georges
Hyvernaud, mêmes combats”, Cahiers Octave Mirbeau, n° 4, 1997.
12 Cf. Flaubert, op. cit., p. 262) : “Elle avait la lèvre rose et humide, les narines
ouvertes, l’œil en feu.”
13 Cf. G. Bataille, op. cit. : “L’extrême dégoût de ses lèvres les rendait semblable
aux lèvres d’une morte. Il en coulait une bave plus affreuse que du sang.”
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La gueule du fauve
carnassière, dans une bouche trop fendue aux lèvres trop épaisses,
trop sensuelles, et, malgré tout, ricanantes ”, expriment “des
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appétits cruels”. Ses gestes dévoilent “de la grâce et même une sorte
de souplesse, une sorte de caresse féline” (G., 80).
Voracité des machines qui ne s’attaquent pas seulement au corps
de l’ouvrier :
“Ces flammes... ces fumées... ces tortures... ces machines
maudites qui, chaque jour, à toute heure, broient et dévorant mon
cerveau, mon cœur, mon droit au bonheur et à la vie...” (M.B.,17).
C’est par le ricanement de Gorgô que l’on passe du schème
thériomorphe au symbolisme mordicant, de la gueule dévorante.
“J’essayai encore de me rappeler exactement [...] la laideur
ricanante de [la] bouche [du marquis]... le terrible martèlement de
ses mâchoires [...] et tout... tout... tout ce qui m’effrayait... (G., 109).
“Une seule expression : la bouche ricanante, restait très nette
devant moi (ibid., 110).
Avant de saisir et de dévorer sa proie, le fauve la fascine.
Le regard du fauve
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savait : peut-être le vert étrange de ses prunelles.”
Elle s’associe également à la sauvagerie : les yeux des femmes
ont parfois ce “vert impitoyable et cruel” (C., 45) de la mer. L’artiste,
l’écrivain, doit représenter la vie “absolument comme elle lui
apparaît” (C.E., II, 425) : “Qu’il fasse les bossus, bossus, les
bancroches, bancroches, les goîtreux, goîtreux” (ibid.), et surtout,
“surtout, pas d’idéal !” (ibid.), c’est Mirbeau qui souligne. Par la
force de son tempérament, l’écrivain accentue “dans la Nature” les
couleurs “qui en exprimeront le mieux le sens” (ibid.). La profondeur
est à ce prix, celle qu’atteint Paul Hervieu, par exemple :
“J’ai relu vos Yeux verts... C’est admirable. Vous descendez dans
la vie profonde, dans la vie mystérieuse, si avant que vous m’avez
procuré la sensation du vertige. Vous plongez dans les gouffres de
l’âme humaine, ce qui vaut mieux que de s’élever dans l’air, avec
des ailes courtes ; et, d’un coup d’aile, vous voilà dans l’azur (L,
244-245).
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n’exercent leur puissance de vision que la nuit” (131) “Protégé,
choyé, caressé, parce qu’il avait une âme de violence, d’infamie et
de meurtre au service d’une âme d’injustice et de proie, [il]
s’endormirait au côté de cette fille — sa fille — la face et les mains
et les cris de son désir enfouis dans la belle chevelure d’or...” (ibid.,
142). La noirceur morale suit de très près la noirceur physique, ce
que nous proposons d’examiner dans le chapitre suivant.
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B. HÉCATE
Ténèbres
“Les êtres, les choses, les pensées, les sentiments n’avaient plus
cette exagération malsaine, cette déformation impressionnante de
phantasmes que leur donnaient la nuit et ses fièvres...” (G., 67).
Dépression hespérienne
17 Cf. Michel Leiris, L’Âge d’homme, Gallimard, 1973, “Folio”, p. 52) : “D’autres
images symboliques de la femme [autres que le spectre de Marguerite dans Faust]
m’ont de bonne heure sollicité, aussi diverses que les avatars de la Stella des
Contes d’Hoffmann, fascinantes comme la Méduse, et fuligineuses comme elles.”
Conscience enténébreé : “Elle avait le regard d’une folle / Je perdais pied. / - C’est
trop noir” (B.C., 102).
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(P.P., 69). L’homme est las de piétiner dans l’“ombre inconnue” avec
“une véritable souffrance” (G., 25).
Accablement et sinistrose
La Lumière de l’Art
En un combat douteux
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la Lumière triomphera :
“Et, souvent, je me suis demandé si j’avais bien le droit
d’arracher les misérables à leurs ténèbres, pour les replonger, plus
profond, peut-être, dans ma nuit à moi” (M.B., 20).
Éros à la rescousse
Éros aveugle
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L’aveuglement, la folie, “teinte l’inconscient d’une nuance
dégradée” et “l’assimile à une conscience déchue” (S.A.I., p. 102).
Folies individuelles...
... et collectives
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L’eau hostile
Eaux noires
Encre(s)
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il fait leur place aux eaux “claires, printanières et courantes”, aux
eaux “amoureuses” mais, dans La Terre et les rêveries de la volonté,
à l’eau “pétrifiante” : “Pour un terrestre, toutes les eaux sont
pétrifiantes” (p. 222). Et : “Un rêveur de la plume sera sensible à ces
valeurs de l’encre noire sur la page blanche” (Lafcadio Hearn,
Fantômes de Chine).
C’est aussi matériellement que l’écriture est méduséenne.
Se contemplent dans ce miroir — l’eau ténébreuse et néfaste —,
les créatures infernales, sorcière, vamp, femme fatale, alors que
Gorgô, parce qu’humaine, n’offre plus, dans le “miroir” de Persée,
que son reflet inoffensif (de même, la tête de Méduse, don de Persée,
placée par Athéna sur son égide, ne pétrifie plus personne).
Larmes
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détresse que presque insensiblement Hortense se prit à pleurer. Non
plus des larmes furieuses, mais de terrassées, de dolentes” (A.C.,
83).
Chevelure tentaculaire
Sang sexuel
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Lunaisons
Sang racheté
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s’ingéniant à “tourmenter l’homme” (P.P., 42) dès que son âge le lui
permet, à l’envoûter , à le vampiriser , qu’elle soit femme dite
22 23
34
déformée, deshonorée même par le critique qui passe”
(“Avocasseries”, L., note 8, p. 254).
L’artiste exemplifie la douloureuse expérience humaine du
déséquilibre, du mouvement et du temps. Un profond malaise
s’empare de l’homme à qui un point d’appui stable fait défaut. Aux
images des ténèbres, s’ajoutent celles de la chute. Alors, fascination
exercée par Gorgô, tentation d’être pétrifié. Ambivalente, la figure de
Méduse, fusion en un seul être de l’Éros et de l’instinct de mort, est
aussi amalgame du féminin et du masculin. Le pouvoir pétrifiant
s’accompagne d’une “efficace séduction charnelle” parce qu’il joue
sur une métaphore de l’érection : les coraux, flasques, “se durcissent
en touchant la tête de Méduse” et “reçoivent dans leurs feuilles et
dans leurs branches une rougeur qui ne leur est pas ordinaire”
(Ovide, Métamorphoses ; cité par José Pierre, L’Univers symboliste.
Décadence. Symbolisme. Art nouveau. France Loisirs, 1991, p. 66).
Gorgô, malgré son refoulement et, sans doute, à cause de lui,
semble offrir, fallacieusement, par la pétrification, le moyen
d’échapper aux tribulations temporelles, aux aspects négatifs de la
vie synthétisés par l’enfer.
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C. HADÈS
Synthèse
Chute(s)
Gravitation
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Le vertige nous convainc de notre appartenance au cosmos :
“Que de fois, couché sur ces rochers [...] creusés en gouffres
mugissants et pareils à l’enfer, que de fois j’ai admiré l’admirable et
poignant spectacle de cette mer verte” (C.B., 45) ;
sur mer comme au ciel :
“Le paysage est une sarabande de nuages en volutes qui passent
vertigineux sur des oliviers et des ifs en détresse” (C.E., II, 422).
Point fixe
Egout
Bouge
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Il n’y a pas “un bouibouis de bas étage qui n’aura, cet hiver, son
quadrille naturaliste. [...] Et allez donc, la Goulue, Grille d’Égout”
(Ch. D., 141), cette dernière répandant “autour d’elle, l’ordure à
pleine bouche, quand elle ne mange pas” (ibid., 143). Mirbeau utilise
l’égout dans une comparaison à fin péjorative : les honneurs sont
venus à M. Jules Claretie “comme les égouts de la ville vont à la
rivière...” (C.O.M., p. 203). L’odeur nauséabonde est liée à la chute
morale qu’elle suggère :
“Nous montâmes trois étages, trois interminables étages [...] d’où
s’exhalait une odeur fétide” (G., 40).
Détritus
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(C.E., II, 120) ; le “spectacle ordurier qui fait le fond de ces fêtes”
rejoint dans la laideur celui donné par Grille d’Égout (ibid., 122) ;
l’odeur de l’Exposition revient à Mirbeau “en nausées intolérables”
(ibid.) ; il aspire, “avec une joie de vieux débauché les odeurs que
[les femmes] laissent en passant” (123). Rappelons que le mot
“géhenne” vient de l’hébreu ge hinnom “la vallée aux détritus”, cf.
G. Durand).
Ventre(s)
Prostitution et décadence
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richesse individuelle, le vouant pour finir au mensonge” (L.E., 86).
Les hommes ont rejeté l’érotisme de la religion ; ce faisant, ils “ont
réduit celle-ci à la morale utilitaire... L’érotisme, perdant son
caractère sacré, devint immonde...” (ibid. 96).
Plumitif
Enfer capitaliste
La révolte
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Constantin Meunier :
“Il s’émut de ce que contient d’injustice sociale, la destinée de
ces pauvres êtres (...) Ayant
toujours, sous ses yeux, le lugubre spectacle de l’enfer des
mines, le brasier dévorant des fours, le drame rouge de l’usine, il fit
des ouvriers” (C.E., II, 367) ; nous soulignons).
“De l’ombre plutonienne, avec d’étranges regards de damnés,
[surgit] la face des gueules noires” (ibid., 30-31).
Socialisme ou barbarie ?
41
II GORGÔ LA TERREUR
42
À partir de terreurs fragmentaires, de frayeurs, de répulsions
instinctives, se dresse, épouvantable, la figure de Gorgô. De l’un de
ses livres, Marcel Arland disait qu’il s’était composé en lui “comme
une figure”. L’angoisse devant le mystère de la Vie, de la Femme, de
notre ipséité prend, dans l’imaginaire de Mirbeau, la forme crue
(latin crudus, saignant, cruel), de la Méduse mortelle, représentation
brutale du sexe féminin. Le bas-centre maquillé en visage fait
masque et, à la grimace d’horreur qui fend le visage de Gorgô,
répond la terreur de qui la regarde. On comprend que P. Michel et J.-
F. Nivet aient donné au recueil de nouvelles qu’ils ont rassemblées le
titre de Contes cruels (latin cruor, sang répandu).
Gorgô la mystérieuse
43
Le mystère de la Nature se confond avec la féminité de Gorgô,
Gorgô en qui l’écrivain projette ses fantômes intérieurs,
“représentations imagées de ses fantasmes” (Cl.-G. Dubois, “Images,
signe, symbole”, in Introduction aux méthodologies de l’imaginaire,
Ellipses, Paris, 1998, p. 23) :
“Je ne savais plus si l’affreux grondement qui m’emplissait les
oreilles et faisait vibrer mon cerveau, comme une boule sonore,
venait de mes propres souffrances ou des bruits de la rue” (G., 37).
Ce qu’écrit Kierkegaard à propos de “l’éternité” s’applique au
mystère de la vie : “On ne veut pas la penser, on a peur d’elle, et
l’angoisse invente mille échappatoires : mais c’est cela le
démoniaque” (Le Concept de l’angoisse, p. 222).
L’infini, comme l’éternité, donne le vertige et, à moins de
recourir à la problématique croyance en Dieu, il faut bien en passer
par ce que le penseur danois appelle le “démoniaque”, “le vide”,
“l’ennui” (op. cit., p. 191). Ce “démoniaque” ne se montre plus que
dans les domaines de l’esprit ; il a nom : “a-spiritualité” (ibid., 196).
44
“âme”, comme Renoir (C.E., II, 521). C’est que la Nature “n’existe
réellement qu’autant que nous faisons passer en elle notre
personnalité, que nous l’animons, que nous la gonflons de notre
passion” (C.E., I, 305). On s’explique que, selon Mirbeau, “la
rusticité [de Millet] [soit] presque religieuse” (C.E., I, 197). Bastin-
Lepage rend des “impressions de lumière mystérieuse” ; ses nuits
sans étoiles, “qui baignent de leur ombre épaisse des villages
endormis, ont une profondeur mystérieuse où l’esprit s’enfonce vers
des rêves infinis” (C.E., I, 142). Dans un article du Gaulois (6 avril
1887), Mirbeau s’adresse à Jean Baffier : “Vous aimez la Nature,
vous la comprenez dans ses plus impénétrables mystères” (C.E., I,
322). François Bonvin “puis[e] ses inspirations aux sources mêmes
de la vie” si bien “qu’on se prend à rêver devant ses toiles”, à y
découvrir “les prolongements infinis” (C.E., I, 264) que donnent les
plus humbles spectacles de la Nature. “Les fuites de l’horizon, là-
bas,” donnent chez Maufra, la sensation de l’“infini poignant” (C.E.,
II, 55). Chez Pissarro, “féerie de lumière de ses ciels légers,
mouvants, profonds, infinis, respirables...” (ibid., 247).
Cosmos et angoisse
45
“Dans la forêt où tout est lutte invisible et meurtre étouffé, la
moindre chose, le moindre bruit qui rappellent l’homme prennent
aussitôt un caractère de mystère tragique et de crime” (C., 130).
Vie et mort
L’omniprésente terreur
Terreur sociale
46
“L’œuvre de Meunier, qui n’est que de beauté, atteint par la beauté
même et par la beauté seule [...] à cette intensité de vérité humaine,
à cette signification violente de terreur sociale” (C.E., II, 30). Art
méduséen. L’usine est un lieu “de supplice et de terreur” (M.B., 24).
La société prête la main à Gorgô pour aggraver la terreur inhérente à
la condition humaine. La Mort n’a pourtant besoin de personne pour
tenir sa faux. On tente d’éloigner de soi, “avec terreur”, des images
de “grimaçante et ricanante férocité” (G., 25-26). Avec soudaineté,
une “réflexion” emplit “de terreur” (G., 107). De la “crainte”, on
passe rapidement à “la terreur” (ibid.,159). L’adjectif au superlatif de
supériorité souligne la progression de l’effarement jusqu’au
paroxysme :
“Je crus voir se ratatiner et s’effarer jusqu’à la plus folle terreur
[son] visage...” (83).
Terreur des humiliés et offensés : “Devant nous gît le cadavre
souillé de la femme Idéale, que le mâle a emprisonnée et humiliée à
coup d’amour ou de terreur durant les trente derniers siècles”
(A.F.V., 70).
Le terrible
47
terribles abondent” (C.E., II, 118). Le chien Dingo gronde d’une
façon “terrible” (C.O.M., 202). Les forces occultes sont “terribles”,
qu’il s’agisse de divinités “barbares” (cf. Rimbaud) ou du Baal
industriel (cf. A. Daudet, Jack, I, E. Dentu, 1881, p. 327) :
“Parmi les végétations vierges, s’entend encore la voix terrible
des anciens dieux canaques” (C.E., II, 45).
“Il se passe ici des choses terribles” (M.B., 19).
“Vous êtes seule... toute seule... en face de choses terribles”
(ibid., 19).
Hargand, le possédant, prend la “résolution terrible” de faire
appel à la troupe pour mater les grévistes (M.B., 46). Contre
l’injustice, “les idées seules sont terribles” (ibid., 65) et, parmi elles,
“l’exemple terrible d’une grève” faite par les seuls prolétaires,
autogestionnaire avant la lettre (65). Comme les idées, la manière de
les exprimer, l’ironie, par exemple, est “terrible”, au même titre que
“les allusions” (G., 86). L’angoisse ne peut être que “terrible” (ibid.,
41). L’environnement de l’adjectif (par juxtaposition, coordination)
montre qu’il s’accommode de termes exprimant l’effet produit (cf.
“charme presque terrible”, C.E., I, 448). À “l’émotion de boulevard”
de La Dame aux camélias, Mirbeau oppose “l’amour des filles —
même des filles qui se repentent — [qui] a des conséquences
autrement terribles et poignantes” (C.E., I, 210). Suzanne, peinte par
Monet, est “étrange comme l’ombre qui l’enveloppe toute et, comme
elle, troublante, et terrible” (C.E., I, 432) ; l’on songe à “quelque
Ligeia, fantomale et réelle” (ibid., 433). L’adverbe “terriblement”
marque l’intensité : le sourire du braconnier avait quelque chose de
“si terriblement dévasté, qu’il me fit mal” (G., 134). Il peut aussi
servir à mettre l’adjectif au superlatif absolu : le métier de sculpteur
“est terriblement lourd” (C.E., II, 379).
L’horrible
48
front sanglant” (M.B., 76). “Horreur ingénue” du mot “papa” dans
la bouche de la fille incestueuse (G., 137).
L’effrayant
“Effrayant” est bien propre à suggérer l’idée que l’effroi n’est pas
toujours justifié : “effrayants vertiges” (C.E., I, 241). Coordonné à
“idiot”, “effrayant” nous achemine vers le grotesque (G., 167-8). Le
mot a à voir avec la beauté méduséenne : “La statue apparaîtra, et
ce sera, alors, quelque chose d’effrayant à voir” (C.E., II, 191-192).
Effarement
Exorciser
49
III LE GROTESQUE DE MÉDUSE
50
La satire mirbellienne, servie par des images terribles, trouve
dans l’expression du grotesque le moyen d’exorciser le Mal. Les
procédés comiques sont nombreux et variés.
Le grotesque de la société
La veine héroï-comique
51
Gravelotte et de Borny (Ch. A., 41). Le grotesque, qui ne fait pas
oublier le terrible, assure à la satire mirbellienne toute son efficacité :
“Ici se place un incident infiniment grotesque et pénible” (G.,
26).
“Et c’est avec une pitié profonde... infiniment plus douloureuse
que la haine, parce qu’elle comportait un jugement terrible contre
(mes parents), que je me souvenais de certaines particularités plus
ridicules encore que les autres” (ibid., 61).
“Des objections d’autant plus terribles qu’elles étaient ridicules”
(C.E., II, 233).
C’est l’emphase qui est la figure du style ironique.
Hyperbole et satyre
52
d’énormes sommes d’argent [...] pour couronner de rentes et de
palmes les exigences héroïques et douloureuses : [...] exquis
fonctionnaires coloniaux ; joyeux explorateurs, militaires qui font
bouillir pour leur souper des têtes, des jambes, des râbles de nègres
et parfois aussi de blancs” (C.E., II, 405).
Verve
Esprit
53
La Bruyère
Ineptie
Antiphrase
Ironie
54
Il s’agit de parvenir à la “représentation ironique d’un type, à la
synthèse satirique d’un événement ou d’une opinion” (C.E., I, 214. Je
souligne) :
“Voici venir l’ouverture de toutes les expositions dont souffre
Paris de février à juin” (C.E., I, 244).
“Le comité n’a pas encore trouvé la banalité nécessaire, la
platitude qui convient” (ibid., 225).
“Tous ces capitaines d’habillement qui s’étaient pris pour des
peintres m’avaient absolument dégoûté des tableaux militaires”
(ibid., 272).
Mise au point
Moquerie, raillerie...
55
pareillement éplorés...” (ibid., 480-481).
Faire avouer au fantoche qu’il parle pour ne rien dire est bien
dans la manière de Mirbeau (pour une fois, le bouffon parle pour dire
quelque chose ! ) :
Coups d’épingle
56
“M. Alma-Tadema [...] se plaît aux reconstitutions des intérieurs
romains [et] affuble de péplums et de décadentes tuniques de bons
Hollandais à la face soufflée de bière (C.E., II, 16),
entre leur “sujet” et le prétendu enjolivement qu’ils apportent par le
traitement qu’ils lui infligent ; ils ignorent “la brutalité” de la vie :
leurs paysannes, “frêles et roses, qui s’en vont pieds nus, sous des
ciels figés, à travers les sentiers fleuris de rubis et d’émeraudes,
connaissent tous les mystères des toilettes raffinées” (P.P., 24).
Effet de surprise
Fausse méprise
57
égales devant la loi” (L’Epidémie, 9).
Créations langagières
Fantaisie
58
“À peu près” et jeux de mots font florès. Mirbeau rapporte que
Félicien Rops répondit à un journaliste qui venait de lui dire son
intention d’écrire un volume sur les peintres pornographiques ; pile
ou face :
“— Si j’ai fait quelques dessins graveleux, comme vous
croyez, [...] c’est pour abaisser ma fesse au niveau de [la] face [du
public] (C.E., I, 241).
Panacée chevaline :
“Il s’était mis à bûcher pour s’étourdir : le cheval, il ne voyait
que ça, le cheval. La nuit, dame ! il rêvait encore de la comtesse
Paule. Ah ! l’amour, sacrelotte ! quelle colle ! à tout prix il fallait se
décoller, trouver un remède violent, puisqu’un remède... de cheval,
ça n’était pas assez fort” (N.P., 178).
Isolement... décoratif :
“Nous espérons que le khédive récompensera le dévouement de
M. Pasteur, en ajoutant aux décorations dont il est chamarré le
grand cordon sanitaire” (Les Grimaces).
Plaisanteries
59
“Je me sens tout à fait impuissant à dire quoi que ce soit des
panneaux décoratifs (décoratifs, ô mon Dieu) de M. Escalier qui doit
avoir en peinture l’esprit de son nom” (C.E., II, 18).
“M. Jules Breton, comme son nom l’indique, nous montre
d’abord un Pardon en Bretagne, ou du moins Le Chemin d’un
pardon” (ibid., 21).
“On connaît M. Carolus-Duran [...] parce qu’il porte un nom
infiniment plus beau que les autres Durand” (ibid.,440).
Pas de recettes
Intrus
60
réflexion, nous nous prenons à penser que cet intrus est peut-être à sa
place ici :
“Fut-il député, ministre, cambrioleur, banquier failli ou notaire
frauduleux ?” (C.E., II, 44).
Le doute est permis, l’éclectisme étant de rigueur (!) :
“Dans ce palais [le Salon] où je suis, on a primé des
automobiles, des cochons, des bœufs, des volailles, des officiers de
cavalerie et des juments...” (ibid., 340).
Cocasserie :
“L’hôtelière, les deux hommes d’écurie et le bull-dog
chuchotaient à voix très basse, en normand, en anglais, et en chien”
(G., 30).
Apparente facilité
Rythmes
Chute
61
approche le mieux : les plus ignobles valets” (G., 33).
Mirbeau n’ignore pas les possibilités de gradation ou
d’allongement offertes par ces rythmes :
“Des ouvriers passent dans la ruelle, pesants, courbés” (M.B.,
7).
“Suppositions absurdes, invraisemblables, inadmissibles !“ (G.,
105).
“Je hais le modelé, qui est un moyen vulgaire, bas, trompe-l’œil,
d’exprimer nos sensations” (C.E., II, 285).
L’asyndète
Adéquation
62
Mirbeau :
“J’admirai l’aisance avec laquelle le marquis pelotait, tripotait,
maniait ces âmes de paysans... (ibid., 94).
“Tour à tour, je suis resté auprès d’un républicain athée, d’un
bonapartiste militant qui ne rêvait que de coup d’état, d’un
catholique ultramontain” (ibid., 52).
Redoublements
Anaphore
63
“L’artiste plein de défauts généreux, de défauts sublimes, comme
en avait Rembrandt [...], où est-il ?” (C.E., I, 253).
Reprises
Variété
64
On saura gré à Mirbeau d’avoir su éviter la monotonie. Ici, grâce
à une intercalation :
“Ce malheureux peintre voulait fixer l’aboi désespéré d’un chien
perdu, on ne savait d’où, et
qu’on ne voyait pas...”
Là, grâce à l’emploi d’un modalisateur :
“Les opinions ont un lien commun, et je pourrais dire un même
visage : l’égoïsme” (G., 52).
Allongement du premier élément :
“Paul Dubois n’a pas, comme Carpeaux, ces coups de foudre
puissants qui secouent la vie sous le frissonnement des chairs, toutes
chaudes de passions, et font circuler le sang dans les veines de
marbre” (C.E., I, 38).
Subordonnée relative coordonnée à deux adjectifs (après une
triade) :
“On ne sait pas ce que les mariages manqués, les mauvaises
liquidations à la Bourse, les nuits de déveine au Cercle, nous ont
valu de vocations artistiques impérieuses, soudaines, et qui
s’ignoraient” (ibid. 463).
Dans un groupement ternaire, le dernier élément groupe lui-
même des verbes au nombre de trois :
“Les pelouses s’étalent, les prairies s’étendent avec mollesse, les
fleurs vivantes respirent, remuent, boivent la lumière” (ibid.,186).
On aura observé que le dernier élément du groupement binaire est
constitué par une triade.
Jeu de construction
65
musée de Cluny, dont il pourrait faire un véritable théâtre, ce qui
serait évidemment plus gai” (C.E., I, 134).
La ponctuation de Mirbeau ne laisse pas indifférent. On se
contentera, ici, de signaler l’importance des points de suspension. On
peut y déceler la tentation du silence...
Oxymore
Constantes de l’œuvre
66
Whistler, “un fond noir, de ce noir fluide, harmonieux, lumineux,
mystique” (C.E., I, 280) :
“Un horizon parisien brouillé de brumes lumineuses” (C.E., I,
122).
“La vie inconnue a de ces facilités étranges, terribles et
délicieuses” (C.E., II, 104).
“Cette exposition sera un sinistre de joie” (ibid., 126).
“Ma bienveillante outranceé (ibid., 237).
“Des cheveux noblement emmelés” (ibid., 438).
“M. Vallotton, un peu amer parce qu’extrêmement sensible”
(ibid., 497).
“L’essentiel, c’est que [les filles] soient unies par un lien à la fois
noble et immonde : leur haine des hommes” (A.F.V., 73).
L’écriture de la lumière
L’écriture frissonnante
67
Lumière liquide dont les frissons sont exprimés par une phrase
qui frissonne :
“La cause [du chef-d’œuvre de Fantin-Latour] en est aussi à la
couleur, à la manière dont la lumière est fondue, répandue comme
une eau qui coulerait, comme une vapeur qui flotterait” (C.E., I, 169)
;
Puvis de Chavannes “a rendu, avec une inexprimable expression,
avec une émotion intense, les frissons de l’eau et les frissons de l’air
qui va se voiler de crépuscule” (C.E., I, 261).
Transposition d’art propre à rendre compte de mystérieuses
correspondances :
“James Whistler : que de claires et vibrantes harmonies dans le
sombre si musical et si tentant !” (ibid., 193).
“Simplification très compliquée et très difficile de ce dessin, qui
dessine l’impalpable de l’air, le frisson de l’ombre” (ibid., 304).
Le frisson, secret de l’impressionnisme littéraire et pictural, du
globalisme incluant le pointillisme ?
“C’est déjà quelque chose de très supérieur aujourd’hui que de
rendre une impression (ibid., 194).
“En somme, l’impression est excellente (tonalité bleue, le point
rouge des disques allumés)” (ibid., 204).
L’expression de la lumière tamisée, “frissonnante”, diluée, nous
achemine dans ce kaléidoscope que constitue l’œuvre littéraire, vers
la structure “mystique” de l’imaginaire, celle qui privilégie le temps
figé, le refuge et le repos autour de “la flamme d’une chandelle”
(Bachelard) :
“Les dernières bouffées du calorifère y rendaient l’atmosphère
tiède et douce (...) une lampe, sous un abat-jour, veillait sur une
table à la droite de mon lit” (G., 108).
[Le plus sage était de] ne prendre cette place que comme un
refuge momentané, un abri provisoire contre les ordinaires et fatales
malchances de mon destin” (ibid., 51).
“Une bouillotte chauffe sur le fourneau. Madeleine allume la
lampe et se met à coudre” (M.B., 7).
68
Riche pauvreté
69
IV. LE MIROIR DE PYGMALION
70
Homo duplex
Plaire ou choquer
71
vous cela ?... À mesure que je veux leur donner une forme, elles
m’échappent, ou bien se changent en idées de tout le monde” (Rodin,
67).
En effet, le souci de la forme peut aboutir au recours à la recette
ainsi qu’à l’affaiblissement de la pensée. Comment le désir
d’authenticité y trouverait-il son compte ?
Pour se faire entendre, il faut frapper fort, mais n’est-ce pas au
risque de tomber dans “la vaine déclamation” alors qu’il faudrait
communiquer “de l’émotion et des idées ?” (Rodin, 165, à propos des
Mauvais Bergers). Et, précisément, il reproche à Rollinat des vers
qui sentent “les indigentes outrances des hydropathes “:
“On nous a récité un poème qui s’appelle : “les Peupliers”. On
s’attend à quelque musique frissonnante, svelte, légère, pour
exprimer cet élancement, cette grâce, cette sonorité aérienne, qu’est
le peuplier. Eh bien, mon cher Monet, les vers ont des tracas
terrifiants et absurdes” (Monet, 133).
72
L’ambition de l’écrivain se bornerait-elle à restituer le mystère de
la Vie, l’outil dont il dispose, les mots, les mieux combinés du
monde, ne font que passer quand toile et marbre demeurent ? De
toute manière, la quête de l’absolu est désespérante :
“Vous êtes atteint d’une maladie, d’une folie, la maladie du
toujours mieux. Mais il est un point que l’homme ne peut dépasser.
La nature est tellement merveilleuse, qu’il est impossible à n’importe
qui de la rendre comme on la ressent ; et croyez bien qu’on la
ressent, moins belle encore qu’elle n’est, c’est un mystère” (Monet,
50).
L’art en question(s)
Leçons d’esthétique
73
La fée Émotion
Endieusement
74
Flamme communicative : “Nous allons à ceux-là [...] qui, seuls,
gardent ‘le feu sacré’ “ (C.E., I, 205), ceux qui recréent la nature “en
l’animant” de leur passion” (321), traduisant ainsi leurs émotions
intimes. Avec Fortuny, “l’âme reste immobile et froide” (57), alors
que la vie emplit l’étoile de Monet de passion (cf. 378) ; parce que
Jules Serret est un artiste “d’une nature particulière”, que ses
compositions ne ressemblent à rien de commun et que ses “procédés”
n’appartiennent qu’à lui seul, il réussit “artistiquement” dans des
sujets où il importe de ne pas céder à “l’émotion naturelle, toute faite
d’avance, qu’ils comportent” (204). Distinction capitale entre
l’émotion, triviale, que fait naître le sujet traité et l’émotion véritable,
esthétique, que suscite l’œuvre du génie. On est ému devant les
Corot (cf. p. 97). Au “tableau impeccable”, Mirbeau préfère celui
devant lequel il aura une émotion (106), parce qu’il aura senti, “sous
l’inachevé de la toile, la vie qui palpite” (122).
L’esthétique du terrible
Force léonine
75
La comparaison s’impose : le génie est “un grand fauve” (C.E.,
II, 322) implacable. La beauté qu’il crée présente un caractère
d’absolue nécessité.
Sensibilité nécessité
76
autre que la sienne, dont la poignée de main pétrifiée, et dont
quelque chose du regard médusant passe avec un éclat glacial dans
un des vers les plus célèbres de Mallarmé” (Gracq, André Breton,
Corti, 1985).
Trajet anthropologique
L’impasse naturaliste
77
Réceptivité...
Art spirituel
78
sans rayons, sans âme” (ibid., 163). Il faut “la pensée qui éclaire,
l’intelligence qui ordonne, le sentiment qui enveloppe” (ibid., 161).
Avec Mirbeau, il faut prendre garde à la polysémie. Une
approche patiente permet de constater que le mot “âme” est mis en
rapport avec le mot “volonté”, appliqué à l’artiste qui crée et qui
s’efforce de convaincre (on est “persuadé” devant Ingres, ibid., 97) :
l’œuvre doit “sortir tout entière de l’homme, en gardant le parfum
d’une âme et l’empreinte d’une volonté” (ibid.).
Essentialisme
Le miroir de l’âme
79
‘miroir de l’âme’, psychologia vera. L’œuvre, comme la statue de
Galatée, est l’âme même” (ibid., 61). Mirbeau exprime-t-il autre
chose ?
Vision de Burne-Jones, dans La Tête maléfique, d’une image
réfléchie réunissant Persée, Andromède et Méduse dont la tête
coupée se reflète sur le plan d’eau à la surface d’une vasque,
troublante vision gorgonéenne.
80
CONCLUSION
Inquiétude
Névrose
Un ennemi : lui-même
81
retraite” (ibid., 26), la vie paroxystique et la vie végétative et
ataraxique (cf. ibid p. 25), la première, placée sous le signe du
grotesque, ne manque pas de grandeur :
“[Au cirque] toute une vie factice, étrange, bariolée, fantaisiste
et fantastique, [...] vous transporte dans le rêve des contes et dans
les prodiges de l’épopée” (P.D., 28) ;
[les nerveux] marquent tout ce cachet particulier de force intense
et d’extrême faiblesse, mettant dans leur vie la vie excessive,
désordonnée, grimaçante, de leurs nerfs” (ibid.).
“Le mieux est donc de diminuer le mal, en diminuant le nombre
des obligations sociales et particulières, en t’éloignant le plus
possible des hommes, en te rapprochant des bêtes, des plantes, des
fleurs, en vivant, comme elles, de la vie splendide, de la Beauté... Et
puis, ayant vécu sans les remords qui attristent, sans les passions
d’amour ou d’argent qui salissent, sans les inquiétudes
intellectuelles qui tuent, tu mourras sans secousse... Et tout le
monde, ignorant ta vie, ignorera ta mort...” (L’Abbé Jules, Albin
Michel, 1949, pp. 258-259).
Nihilisme
82
Le zéro et l’infini
Douce pétrification
83
“J’ai beaucoup étudié la vie. Elle est infiniment absurde et
infiniment douloureuse” (Gr., 125).
Alors, “quand l’idée de la mort s’est, tout d’un coup, présentée à
moi, j’ai, en même temps, senti toute la petitesse, toute la vanité de
l’effort dans lequel, stupidement, je consumais ma vie...” (21 jours,
296).
“On ne tue pas ce qui est mort... Je suis mort depuis vingt ans
que je suis ici... Et toi aussi, depuis longtemps tu es mort... Pourquoi
t’agiter de la sorte ?... Reste où tu es venu !...”(ibid.).
Dans l’œuvre de Mirbeau, on sent passer “la présence rôdeuse et
terrifiante de la mort”, peut écrire Rodenbach (cité par Jean-
Philippe, “L’herbier humain”, in Chroniques ariégeoises, p. 15).
L’homme seul
84
j’entends vivre l’âme de l’homme... Non plus de l’homme en face de
la montagne invisible et décevante, mais l’homme en face de lui-
même...” (Les 21 jours, 144).
Folie
Abîme(s)
85
dans la lumière pure ; frapper, enfin, aux Portes de vie... Hélas ! les
Portes de vie ne s’ouvrent jamais que sur de la mort, ne s’ouvrent
jamais que sur les palais et les jardins de la mort... Et l’univers
m’apparaît comme un immense, comme un inexorable jardin des
supplices...” (Le Jardin des supplices, U.G.E., 1986, p. 262).
Des lois que nous ignorons nous dirigent, la plus atroce étant la
loi du meurtre : “Je
comprenais que la loi du monde, c’était la lutte ; loi inexorable,
homicide, qui ne se contentait pas d’armer les peuples entre eux,
mais faisaient se ruer l’un contre l’autre les enfants d’une même
race, d’une même famille, d’un même ventre” (Le Calvaire, U.G.E.,
1986, p. 80).
Mystère de l’Univers qui fait planer une menace : le ciel ne va-t-
il pas nous “tomber sur la tête” ? !
“Est-ce que je n’aurais pas été toujours écrasé par le mystère de
ce ciel, par tout cet inconnu, par tout cet infini qui pèse sur moi ?
Qu’importe de vivre comme je vis ?... C’est vivre qui est l’unique
douleur ! (D.L.C., 67).
“Ici, le ciel se plombe davantage, s’appesantit, si lourd, sur mon
crâne, que j’en sens,réellement, physiquement, le poids immémorial
de l’inexorabilité cosmique...” (142)
L’angoisse est telle que les inventions humaines destinées à
prévenir les catastrophes sont perçues comme des monstres naturels :
“Et les feux tournants des phares [...] ressemblent dans le ciel à
de monstrueuses étoiles” (lettre du 5 août 1886, L. 229).
Quant à l’amour, il nous prépare les pires échéances :
“Et si vous saviez de quoi c’est fait, cet amour, de quelles rages,
de quelles ignominies, de quelles tortures ?... Si vous saviez au fond
de quels enfers la passion peut descendre, vous seriez épouvanté !...”
(Le Calvaire, p. 232).
Chère(s) angoisse(s)
86
angoisse qui vous mord le cœur, qui vous emplit la poitrine, l’on ne
sait quoi de fort, de bonheur ou de souffrance, avant les rendez-vous
d’amour...” (D.L.C., 85).
Alors, fuite en avant ; la mort fascinante est exaltée :
“Offrez votre sang !... si le sang est comme une tache hideuse sur
la face des bourreaux... il rayonne sur la face des martyrs comme un
éternel soleil... Chaque goutte de sang qui tombe de vos veines...
chaque coulée de sang qui ruisselle de vos poitrines... font naître un
héros... un saint...” (M.B., 68).
La volonté ici affirmée est la conséquence de la misère sociale.
Car Gorgô n’est pas seulement présente en nous, sur le plan
psychologique (comme en parle à propos d’autres figures mythiques
James Hillman) ; la société exhibe sa hideur, elle qui aggrave la
névrose.
Monique Bablon-Dubreuil replace le “cas Mirbeau” dans “une
Fin de siècle neurasthénique” (in Romantisme, n° 94, 1996) : ses
“angoisses personnelles rejoignent celles d’une époque marquée par
l’esprit de décadence”, “proie toute désignée pour la neurasthénie”.
La tentation de la pétrification figurée par Méduse, nous l’avons
traquée dans l’écriture mirbellienne : l’écrivain épanche “sa maladie
dans le récit” (op. cit.). Toute la “fin de siècle” fut-elle
gorgonéenne ? La mythocritique d’une œuvre appelle la mythanalyse
d’une époque. Vaste programme !
Nous avons relevé que, aux yeux de Mirbeau, la prostituée était
représentative de la décadence de son époque :
“Elle métamorphose les périodes de transformations sociales en
une folle et cruelle bacchanale” (A.F.V., 66).
La croissance de Dionysos
87
tragédie grecque allie, opposés, l’”esprit” apollinien et l’instinct
dionysiaque (que l’on reconnaît dans le dialogue et le dithyrambe).
25
88
associe, à la jeune fille pâle qui ressemble à Marguerite, l’idée de
pétrification exercée post mortem, commente ainsi (p. 44) :
“Cette tête de femme suppliciée, aux yeux vitreux, cette Méduse
horrible et fascinante, fera tout au long du [XIXe] siècle l’objet d’un
amour ténébreux de la part des romantiques et des décadents.”
José Pierre note que le thème de Méduse avait déjà profondément
troublé les artistes de la Renaissance, et plus particulièrement les
Maniéristes (cf. L’Univers symboliste, Décadence, symbolisme et art
nouveau, France Loisirs, 1991, p. 60sq.). Lui aussi mentionne
Goethe, ainsi que Shelley, Swinburne, Burne-Jones, Fernand
Khnopff, Philippe Wolfers... que Méduse a fascinés.
89
Les œuvres les plus fortes sont celles “qui laissent transparaître
ce regard de Méduse où s’exprime l’antique énigme de la vie ”. 26
90
BIBLIOGRAPHIE
(Liste des ouvrages plus spécialement consultés)
91
C.-G. JUNG, L’âme et le soi. Renaissance et individuation, Albin
Michel, 1990.
C.-G. JUNG, Essais sur la symbolique de l’esprit, Albin Michel,
1991.
Alice M. LABORDE, L’Esthétique circéenne (1686-1800), Nizet,
1969.
Michel LEMAIRE, Le Dandysme de Baudelaire à Mallarmé, Presses
de l’Université de Montréal, 1978.
Théodore A. LITMAN, Le Sublime en France (1660-1714), Nizet,
1971.
François LIVI, J.-K. Huysmans, “À Rebours” et l’esprit décadent,
La Renaissance du Livre 1976.
LONGIN, Du Sublime, traduction, présentation et notes par Jakie
Pigeaud, “Rivages”, 1991.
Pierre MICHEL et Jean-François NIVET, Octave Mirbeau,
l’imprécateur au cœur fidèle, Librairie Séguier, 1990.
Pierre MICHEL, Les Combats d’Octave Mirbeau,Les Belles Lettres,
1995.
Pierre MICHEL, éditeur, Actes du Colloque Octave Mirbeau tenu au
Prieuré Saint Michel en Pays d’Auge, 61120 Crouttes, 8 et 9 juin
1991, Éditions du Demi-Cercle, 1994.
Pierre MICHEL et Georges CESBRON, éditeurs, Actes du colloque
international Octave Mirbeau à l’Université d’Angers, organisé par
le Centre de Recherche en Littérature et Linguistique de l’Anjou et
des Bocages de l’Ouest (U.F.R. Lettres, Langues et Sciences
Humaines), 19, 20, 21 et 22 septembre 1991, Ptresses de l’université
d’Angers, 1992.
Pierre MICHEL, éditeur, Actes du colloque international “Octave
Mirbeau et la modernité”, à l’université de Caen, Cahiers Octave
Mirbeau, n° 4, 1997.
NIETZSCHE, La Naissance de la tragédie, 10/18, 1991.
Martin P. NILSSON, Les Croyances religieuses de la Grèce antique,
Payot, 1955.
Walter F. OTTO, Dionysos, le mythe et le culte, Gallimard, 1992.
Jean PIERRO, L’imaginaire décadent, P.U.F., 1977.
92
Mario PRAZ, La Chair, la Mort et le Diable, le roman noir, Denoël,
1977.
Noël RICHARD, Le mouvement décadent, Nizet, 1968.
Jean SELZ, Gustave Moreau, Flammarion, 1978.
Joël THOMAS, (sous la direction de), Introduction aux
méthodologies de l’imaginaire, Ellipse, 1998.
J.-P. VERNANT, Mythe et tragédie, 2, Edition La Découverte, 1986.
Fernande ZAYED, Huysmans peintre de son époque, Nizet, 1973.
***
Philippe Dagen, Le Combat contre le néant, in Le Monde, vendredi
28 décembre 1990.
Michel Delon, Mirbeau l’excessif, in Magazine littéraire, n° 288, mai
1991.
Jérôme Gouyette, Sacrilèges et souffrances sacrées dans Le Jardin
des supplices, in Approches de l’idéal et du réel, n° 1, 1992,
Université d’Angers.
Jean-José Marchand, Le Destin d’Octave Mirbeau, in la Quinzaine
littéraire, n° 566, 16/30 novembre 1990.
Anne Ouvrard, Etude d’une conception tragique de l’homme dans
Les Contes cruels d’Octave Mirbeau, in Recherches sur
l’imaginaire, Centre de Recherches en Littérature de l’Université
d’Angers, cahier XXII, 1991, travaux publiés sous la direction de
Georges Cesbron.
93
PUBLICATIONS DE LA
SOCIÉTÉ OCTAVE MIRBEAU
94
TABLE DES MATIÈRES
AVANT-PROPOS
7
INTRODUCTION
11
I. VISAGES DE SATURNE
21
A. LE GRAND MÉCHANT LOUP
22
B. HÉCATE
31
C. HADÈS
41
II. GORGÔ LA TERREUR
48
III. LE GROTESQUE DE MÉDUSE
57
IV. LE MIROIR DE PYGMALION
78
CONCLUSION
89
BIBLIOGRAPHIE
99
PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ MIRBEAU 102
TABLE DES MATIÈRES 103
95
Achevé d’imprimer en janvier 2001
à la Reprographie de
l’Université d’Angers
n° ISBN : 2-903075-85-9
96