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Ordonnance Du 15 Mai 2020 Du Tribunal Administratif de Papeete
Ordonnance Du 15 Mai 2020 Du Tribunal Administratif de Papeete
Ordonnance Du 15 Mai 2020 Du Tribunal Administratif de Papeete
DE LA POLYNESIE FRANCAISE
N°2000310
___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
M. et Mme L.
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. Jean-Yves Tallec
M. Stéphane Retterer
M. David Katz
Juges des référés Les juges des référés statuant dans les conditions
___________ prévues au troisième alinéa de l’article L.511-2 du
code de justice administrative
Audience du 15 mai 2020
Ordonnance du 15 mai 2020
__________
54-035-03
C
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2020, et des mémoires enregistrés le 14 mai 2020, M.
et Mme Stéphane L. doivent être regardés comme demandant au juge des référés d’enjoindre à
l’administration de les mettre en quarantaine à leur domicile.
Ils soutiennent que rentrés de métropole le 10 mai 2020, ils ont été mis en quarantaine en
dehors de leur domicile dans des « conditions catastrophiques », ce qui porte atteinte à leurs droits
fondamentaux, alors que Mme L. est enceinte de quatre mois.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
- la décision n°2020-800 DC du Conseil constitutionnel du 11 mai 2020 ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;
- la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses
dispositions ;
- l’arrêté n° 260/CM du 16 mars 2020 modifié ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l’audience publique, M. L., joint par téléphone, M. Bakowiez,
représentant le haut-commissaire de la République en Polynésie française, et M. Le Bon,
représentant la Polynésie française, qui ont repris les moyens et arguments sus analysés.
Vu le procès-verbal de l’audience.
2. Aux termes de l'article L.521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande
en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la
sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un
organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un
de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans
un délai de quarante-huit heures. » La liberté individuelle constitue une liberté fondamentale au
sens de ces dispositions.
4. La Polynésie française fait valoir que la requête de M. et Mme L. est très sommaire et ne
répond pas aux prescriptions précitées. Toutefois, cette requête, présentée sans l’aide d’un avocat et
dans les conditions particulières dans lesquelles se trouvent placés M. et Mme L., qui ont tout de
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même adressé des messages électroniques, ainsi qu’un courrier manuscrit comportant leurs deux
signatures, contient bien des conclusions et des moyens. Même si elle ne mentionne pas l’expression
« référé liberté » et ne fait pas référence à l’article L.521-2 du code de justice administrative, leur
requête peut sans grande difficulté être regardée comme fondée sur ces dispositions. En outre, M. L.
a indiqué à l’audience l’adresse de son domicile, soit servitude Teissier Manate, PK 13, à Punaauia.
Par suite, les fins de non-recevoir soulevées par la Polynésie française doivent être écartées.
5. La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19,
modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant
ses dispositions, a introduit dans le titre III du Livre Ier de la troisième partie du code de la santé
publique un chapitre Ier bis, intitulé « Etat d’urgence sanitaire », comportant notamment les articles
L. 3131-15 et L. 3131-17.
fixées par le décret prévu au premier alinéa du I, en fonction de la nature et des modes de
propagation du virus, après avis du comité de scientifiques mentionné à l'article L. 3131-19. Ce
décret précise également les conditions dans lesquelles sont assurés l'information régulière de la
personne qui fait l'objet de ces mesures, la poursuite de la vie familiale, la prise en compte de la
situation des mineurs, le suivi médical qui accompagne ces mesures et les caractéristiques des lieux
d'hébergement. / III. - Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement
proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de
lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ».
7. Aux termes de l’article L. 3131-17 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n°
2020-546 du 11 mai 2020 : « I. - Lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé
prennent des mesures mentionnées aux articles L. 3131-15 et L. 3131-16, ils peuvent habiliter le
représentant de l'Etat territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou
individuelles d'application de ces dispositions. / Lorsque les mesures prévues aux 1°, 2° et 5° à 9°
du I de l'article L. 3131-15 et à l'article L. 3131-16 doivent s'appliquer dans un champ
géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, les autorités mentionnées aux mêmes
articles L. 3131-15 et L. 3131-16 peuvent habiliter le représentant de l'Etat dans le département à
les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de
l'agence régionale de santé. / II. - Les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine
et les mesures de placement et de maintien en isolement sont prononcées par décision individuelle
motivée du représentant de l'Etat dans le département sur proposition du directeur général de
l'agence régionale de santé. Cette décision mentionne les voies et délais de recours ainsi que les
modalités de saisine du juge des libertés et de la détention. / Le placement et le maintien en
isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l'infection de la personne concernée. Ils
sont prononcés par le représentant de l'Etat dans le département au vu d'un certificat médical. / Les
mesures mentionnées au premier alinéa du présent II peuvent à tout moment faire l'objet d'un
recours par la personne qui en fait l'objet devant le juge des libertés et de la détention dans le
ressort duquel se situe le lieu de sa quarantaine ou de son isolement, en vue de la mainlevée de la
mesure. Le juge des libertés et de la détention peut également être saisi par le procureur de la
République territorialement compétent ou se saisir d'office à tout moment. Il statue dans un délai de
soixante-douze heures par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire. / Les mesures
mentionnées au même premier alinéa ne peuvent être prolongées au-delà d'un délai de quatorze
jours qu'après avis médical établissant la nécessité de cette prolongation. / Lorsque la mesure
interdit toute sortie de l'intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l'isolement se déroule, elle ne
peut se poursuivre au-delà d'un délai de quatorze jours sans que le juge des libertés et de la
détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département, ait autorisé cette
prolongation. / Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent II. Ce
décret définit les modalités de la transmission au préfet du certificat médical prévu au deuxième
alinéa du présent II. Il précise également les conditions d'information régulière de la personne qui
fait l'objet de ces mesures. / III. - Les mesures générales et individuelles édictées par le représentant
de l'Etat dans le département en application du présent article sont strictement nécessaires et
proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de
lieu. Les mesures individuelles font l'objet d'une information sans délai du procureur de la
République territorialement compétent ».
8. Enfin, aux termes de l’article L. 3841-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction
issue de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 : « Le chapitre Ier bis du titre III du livre Ier de la
troisième partie est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dans sa rédaction
résultant de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant
ses dispositions jusqu'au 1er avril 2021, sous réserve des adaptations suivantes : / 1° Les références
au département sont remplacées, selon le cas, par la référence à la Nouvelle-Calédonie ou par la
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11. Aux termes de l’article 1er de cet arrêté, dans sa version issue de l’arrêté n° 483 CM du
29 avril 2020 : « Toute personne, quelle que soit sa nationalité, en provenance d’une région
extérieure à la Polynésie française quelle qu’elle soit, doit, à l’entrée sur le territoire de la
Polynésie française, se soumettre à une mesure de quarantaine d’une période de 14 jours à compter
du jour de son arrivée sur le territoire. Le délai de quarantaine peut être prolongé sur avis
médical ». En outre, l’article 2 de l’arrêté n° 260 CM du 16 mars 2020, dans sa rédaction issue de
l’arrêté n° 456 CM du 20 avril 2020 , dispose : « Toute infraction aux dispositions de l’article
premier est punie d’une peine de 16 000 F CFP ».
12. La mise en quarantaine constitue une privation de liberté, ainsi que l’a rappelé le
Conseil constitutionnel dans sa décision n°2020-800 DC du 11 mai 2020. Il résulte de l’instruction
que la mise en quarantaine de M. et Mme L. dans une chambre universitaire a été appliquée sans que
les intéressés aient eu la possibilité de choisir d’effectuer cette quarantaine à leur domicile ou dans
un lieu d’hébergement adapté. Si la collectivité d’outre-mer fait valoir que M. et Mme L. ont signé
un “formulaire d’engagement de quatorzaine” avant d’embarquer à destination de la Polynésie
française, par lequel ils se sont engagés à effectuer une quarantaine uniquement dans un lieu
d’hébergement dédié à leur arrivée à Tahiti, le choix d’effectuer une quarantaine à domicile n’a
toutefois pas été donné aux intéressés, dès lors que le refus de signature dudit formulaire emportait
refus d’embarquement pour la Polynésie française. M. et Mme L. ont donc subi cette quarantaine
sans bénéficier des garanties introduites par la loi n°2020-546 du 11 mai 2020, dont le Conseil
constitutionnel a estimé qu’elles conditionnent la conformité aux droits et libertés garantis par la
Constitution de toutes mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement.
Dans ces conditions, eu égard aux effets qu’elle comporte pour les intéressés, cette mesure a porté à
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13. L’atteinte portée à la liberté individuelle des requérants est immédiate. Il n’apparait pas
que l’intérêt public tiré de la protection de la santé publique justifie cette atteinte, dès lors qu’il n’est
pas établi qu’une mise en quarantaine à domicile , assortie d’une surveillance de la part des autorités
compétentes, serait de nature à favoriser le développement de l’épidémie de covid-19 . La condition
d’urgence exigée par l’article L.521-2 du code de justice administrative doit par suite être regardée
comme remplie.
ORDONNE
Article 1er : Dès la notification de la présente ordonnance, il est enjoint au président de la Polynésie
française d’organiser le transfert de M. et Mme L. à leur domicile, afin qu’ils y poursuivent, sous la
surveillance des autorités compétentes et dans les conditions sanitaires appropriées, la mesure de
quarantaine exigée par leur retour sur le territoire polynésien.