'évangile fait éclater ces carcans, un jour ou Mautre. ‘Méme si nous n'en avons plus toujours conscience, la foi chrétienne est sous tendue par des fondements qui fagonnent, de manire souvent totalement inconsciente, ce que la Tradition a nommé le « sensus fidei », ce bon sens chrétien qui est capable de remettre en cause valeurs et institutions, quand il se réveille et pergoit la distance qui s'est établie avec les fondements de 1a foi. Ces fondements existent jamais & l'état brut. Les systémes théologiques, les discours sur les valeurs sont la pour incarner ceux-ci dans un espace donné, 4 un moment donné. Mais ils n'en demeurent pas moins le squelette invisible de toute réalité chrétienne. Redécouvrir les fondements du christianisme est done un travail essentiel aujourd'hui, pour ne pas se tromper de perspective. En effet, nous dépensons une énergie extraordinaire & replatrer des systémes ou & colmater des valeurs dont nous pensons qu'ils sont éternels, simplement parce que nous manquons de perspective historique. Bien souvent, nos « valeurs » ne remontent guére au-dela du XIXe siécle et sont li¢es a l'histoire politique et sociale de l'Europe. En les défendant, nous donnons T'impression qu'il s'agit d'une question de vie ou de mort, alors qu'il ne s'agit que d'un passage historique nécessaire. Le premier de ces fondements, qui le distingue radicalement d'autres visions du monde, c'est la relation que le shristianisme établit entre I'un et le multiple. Le christianisme, en effet, ne choisit ni l'un ni l'autre, mais il les harmonise dans une synthése tout a fait originale qui est essentielle pour saisir ce qui constitue Tun des fondements de la pensée occidentale. C'est la théologie de la Trinité qui nous en donne la clé essentielle. Ainsi, laltérité se révéle bien comme un des fondamentaux de la révélation biblique et du christianisme. Le monde n’est pas le prolongement de Dieu, mais il est distinct de lui. L’étre humain n’est pas une parcelle de divin, mais il est vis a vis de Dieu. L’homme est un étre composé, fait de terre et de ciel, en perpétuelle tension vers un devenir dont le visage lui a été révélé dans le Christ. L’altérité marque ainsi de son empreinte toute Vhistoire humaine. Loin de l’enfermer dans la répétition constante de ce qui a été, le christianisme pousse l'homme a se dépasser sans cesse, a aller de l'avant, A faire de cette apparente contradiction le moteur de son existence, En effet, les penseurs chrétiens, depuis les origines, ont toujours tenté de maintenir ensemble des éléments incompatibles et contradictoires, et ‘ont ainsi créé un mode de pensée tout a fait singulier. Au lieu de résoudre les contradictions dans des systémes logiques et figés, ils ont emprunté aux diverses philosophies leurs concepts et leurs outils de réflexion, mais sans jamais se laisser enfermer dans des systémes. II aurait certes été plus simple de résoudre les contradictions de la révélation en soumettant celle-ci aux fourches caudines de la raison binaire. L’aporie est ainsi devenue, au fil des siécles, le moteur de la pensée chrétienne. Au lieu de céder A la facilité, ils ont forgé des outils de plus en plus complexes pour exprimer rationnellement ce qui semblait inconcevable. L’aporie est devenue la marque de fabrique de la pensée chrétienne, qui refuse toute simplification binaire et paresseuse. La contradiction, en provoquant & penser autrement Valtérité, a i