conduit la pensée chrétienne a se remettre sans cesse en cause, L’aporie est ainsi
devenue le formidable stimulant dune pensée sans cesse en recherche, refusant de
rendre les armes aux systémes clos élaborés par les sagesses humaines,
La spiritualité n’échappe pas non plus a ce grand mouvement imprimé par le
christianisme dans I’histoire humaine. La foi chrétienne oblige a expérimenter et &
Penser, elle ne se contente pas, comme d'autres traditions religieuses, de rites
indéfiniment répétés ou d’explications simplificatrices et définitives. Paradoxalement,
le christianisme est une religion en mouvement parce qu'il n’ofire pas de réponses
aux questions que l'on se pose, contrairement & ce que Pon prétend parfois, mais
Parce qu’il induit une nouvelle maniére de poser les questions. Sans doute est-ce la
raison pour laquelle il fait tellement peur. Sans doute est-ce aussi la raison pour
laquelle on le catalogue si facilement dans les traditions dépassées et incompatibles
avec la modernité. Comme le soulignent des auteurs comme Marcel Gauchet, René
Girard, R.Vattimo ou encore A, Rorty, le christianisme est la religion de la sortie
une certaine forme de religiosité, le religion de la fin de la religion comprise
comme un systéme clos et définitif de compréhension du monde. Loin de produire un
systéme fermé et figé, le christianisme nous contraint 4 penser, a évoluer, & nous
ouvrir sans cesse. Il a été un formidable dynamisme de progrés et de renouveau
depuis des siécles, pour I’humanité, et il doit continuer de Pétre!
Le second de ces fondements oi le christianisme exprime son singularité, c'est
la maniére tout & fait singuliére avec laquelle il conjugue le rapport entre le ciel est la
terre, a travers la théologie de Incarnation. Ce qui donne au christianisme cette
vision singuliére, c'est V’époustouflante nouveauté de Vincarnation, avec la grace du
salut, son corollaire. En effet, ce qui fait ’originalité du christianisme, o’est bien le
fait que Dieu vient habiter parmi les hommes, donnant ainsi a l’existence humaine,
dans ses plus humbles dimensions, une valeur infinie. Les premiers chrétiens
développeront cela en lien avec la conscience trés vive du salut universel, En
s'incamant, Dieu a voulu remplir de sa présence et assumer tout ce qui fait notre vie.
Rien de ce qui fait notre vie n’est étranger a Dieu!
Dans cette perspective, la chair trouve une dignité nouvelle. Elle n’est plus
obstacle a la rencontre, mais au contraire le licu par excellence ot I’on rencontre
Dieu. L’eucharistie est Je sacrement de la présence du Christ dans la chair, Loin de
nous couper de Dieu, de nous éloigner de la spiritualité, les réalités conerétes, la
matiére, deviennent les vecteurs d’une expérience nouvelle. Dans les évangiles,
comme le développera Origéne dans ses commentaires et ses homélies, le fait non
seulement de voir, mais aussi de toucher le corps et le vétement de Jésus'’,
deviennent des voies ouvertes A la contemplation. L’humanité du Christ, chez les
ystiques, convoque tous les sens. Et c’est bien le génie de la liturgie chrétienne de
mettre a contribution toute la sensualité humaine pour parler de Dieu et pour louer
Dieu.
"°F, Bertrand, Mystique de Jésus chez Origne, Aubier 1951
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