Tobie Et Y Duval

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TOBIT 2:1-3:6

agglomerate of disputing and quarrelsome people. was a greater piety in loving Christ more th an
If, however, rhere is concord, they forma single one's parents. Perhaps he had read the proph .
"F et1c
soul. Scripture asserts just this when speaking passage that says, orget your people and yo
father's house." 8 So he forgot his father and Ur
about those who had received the Holy Spirit. Ir
says that "they had a single soul and heart roward remembered his Savior. Perhaps he had also
God."2 Thus it makes fifty days, which is the heard the Lord's Gospel words: "The one who
loves his father or mother more is not worrhy
mystery of Pentecost.
But why, then, do the Jews celebrate Pente- of me." 9 Thus, as Tobit is justified because he
cost, if not because in their celebration there was abandons his meal for the sake of a burial, this
something prefigured there? Pay close attention man is approved because he abandons the buria]
tome! You know that among the Jews a lamb is of his father for the sake of Christ. For the one is
killed and the Passover is celebrated thus, like a not afraid to pass over his meal because of some
figure of the passion of the Lord that would earthly work intervenes, while the other fears
happen later. No Christian can ignore what I am lest some delay cause him to omit the eating of
saying. You also know that rhey were com- heavenly bread. 10 Thus, although in consider-
manded to find a lamb among the goats and the ation of Christ we owe burial to everyone, this
sheep. 3 But cana lamb be found among goats man forsook his father's burial out oflove for
and sheep? Thar command, in itself, was im- Christ. SERMONS 41.2. 11
possible, but it pointed toward the possibility
that the Christ would corne in truth in our Lord 2:6 Feasts Turned into Mourning
Jesus, who according to the flesh was born from
JEWISH FESTIVALS TRANSFERRED TO CHRIS·
the seed of David 4 and drew his origin from
TIANS. ÜRIGEN: Once the people fell down in
both the sinners and the righteous. In the
genealogy of the Lord, according to the genera- the desert and died.12 Aaron their chief priest
tions that the Evangelist recorded, 5 we find came and "stood in the midst of those who died
many sinners, because be also came from and of those who lived," 13 so that the devastation
sinners; and the church today is assembled from of death inight not advance even further among
both the just and sinners. NEWLY D1scovERED the rest. And then came the true hig~ priest, my
SERMONS 31.2. 6 Lord, and he came into the midst between those
dying and the living. That is, he came between
2:4 Removing the Body those Jews who accepted his presence and those
who not only did not accept but also killed rhem·
FoLLOWING ]Esus MAKES Us FoRGET EvERY- selves more completely than him, saying, "The,,.14
THING E1sE. MAXIMUS OF TuRIN: We under- blood of that one be on us and on our children.
stand how devoted be was who, as be himself So also "all the righteous blood that has been
maintained, left bis dead father so as to lay hold poured forth on the earth, from the blood of rhe
of the Lord oflife. For he says, "First permit me righteous Abel to the blood of Zechariah whom
to go and bury my father." 7 The one whom he they killed bet~een the sancmary and the alrar'.
had left behind as dead he begs that he might will be required from that generation" 15 chat sa.id,
16
return and bury. Sorrow did not hold him nor "His blood on us and on our children." There·
death detain him, because he was hastening to fore, these are a part of the dead people because
life. He had not yet closed the eyes of the dead 2 3 117'L~1
5
man, not yet buried the stiff limbs, but as soon Acts 4:32. See Ex 12:5 LXX. 4See Rom 1:3. See Mt 1: •
3:23-38. 6NBA 35/2:811-13. 7Mt 8:21. 8Ps 45:11 (44:11 !,)(;/12.
as he learned that the Lord had corne he forgot 9Mt 10:37. 10see Jn 6:31-32. 11ACW 50:102. 12See Nu!ll .
the feeling of paternal piery, believing that there 13 16
Num 17:13. 14Mt 27:25. 15Mt 23:35-36. Mr 2 ~

\.
YJ/I,~ -~
NÉCESSITÉ DE LA SÉPULTURE LE REPOS DES MORTS 31
30
l'o~ligat!on "religieuse" d'enterrer les morts, de respecter leurs corps, de
Il- LE DROIT COMMUN À UNE SÉPULTURE
m~mtemr leurs tom?_es s'e~t imposée aux fidèles malgré tous les en-
seignements de la h1erarch1e sur la misère de la chair. Et cette révé-
• , · es chre'ti'ennes, et surtout l'épigraphie rence pieuse (p!etas) chrétiens à l'égard des défunts et des sépul-
To utes les sources htterair
· d'assurer u
ne tombe à tous les morts -
· tures a prolonge la trad1t1on païenne sans rupture aucune : ainsi dans sa
funéraire, illustrent le devo_lf icidés _ et surtout de leur per-
, hérétiques ou su ' . • . belle étude désormais classique sur les "aspects de la mort" d'après les
même aux réprouves, . . aix En contrepomt, la pnvat1on
, d 'y mamtemr en P · . , épitaphes romaines, A. Brelich22 est-il souvent amené à citer ensemble
mettre d y rester, e s . , par un jugement de Dieu, en cha-
inscriptions païennes et chrétiennes, pour illustrer aussi bien la réfé-
de sépulture ne peut être infhgee que surtout sacrilège. Autrement dit
. d' · grave meurtre ou . rence aux Mânes que le repos des défunts (quies) dans la tombe comme
t1ment un cnme . ' nauté reconnaissent un "droit corn- leur demeure éternelle, ou même l'immortalité de l'âme (p. 64 ). Et en
les chrétiens hiérarchie et commu ' . . . . . E
, ; lt II sauf opposition ou mterd1ct10n d1vme. t nos effet tous les témoignages de cette nécessité d'inhumer les corps - que
mun a 1a sepu ure ' ,. · · ' ar un "droit"
sources attestent clairement que I inhumation, ~mp~see p je vais étudier en milieu chrétien - trouvent un parallèle dans l'attitude
. 'pt1'ble n'a pas pour but d'aviver la mem01re et donc les suf- païenne face à la mort.
1mprescn , . 20 • b' d'
frages des survivants, comme le voudrait Augustm , mais 1en assurer
Ce droit à la sépulture, on le cerne dans le devoir fait aux chré-
au défunt lui-même des conditions (de survie? d'attente? de repos, en
tiens de procurer une tombe, si modeste soit-elle, à tous les frères
tout cas) nécessaires à son devenir dans !'Au-delà.
morts. D'abord, et surtout, devoir d'inhumer ses proches, ses parents,
Je ne reprendrai pas ici toutes les formes et manifestations, ni pour les "honorer" d'une ultime manière : Tobie, dit la Bible, enterra
l'étude des fondements de cette pietas à l'égard des corps morts, car le son père magnifiquement et quand sa mère mourut, il l'ensevelit avec
présent ouvrage voudrait s'attacher à une de ces pratiques funéraires son époux, dans un même tombeau (Tobie, 14, 11-12); les épitaphes
bien précise : mais il reste que l'inhumation ad sanctos, que j'analyserai chrétiennes annoncent très souvent les dédicants de la tombe, qui sont
dans les chapitres suivants, est un privilège, une exception dans ce droit enfants, conjoint ou parents du défunt. Mais ce devoir de piété s'étend,
qui est "commun" aux deux sens du mot, droit de tous à une sépulture au delà de la famille, à tout le groupe, et même à des inconnus, tués à
23
ordinaire, simple. Hippolyte de Rome l'exprime déjà dans la Tradition la guerre ou naufragés rejetés sur les grèves • Le modèle, là encore,
apostolique (40, De lacis sepulturae): "On n'imposera pas une lourde vient de la Bible (Tobie, 1, 18) : "Ceux que le roi Sennacherib tua
charge pour enterrer dans les cimetières, car c'est la chose de tous les q~and il revint en fuyard de la Judée, je les ensevelis à la dérobée car il
pauvres 21". en tua un grand nombre dans sa fureur ; leurs corps furent recherchés
par le roi, mais ne furent pas trouvés. Le persécuteur tente de
l) La ''pietas" de Tobie ou le devoir d'inhumer tous les fidèles s'acharner sur les cadavres, que la tombe protège". En écho à ce geste
pieux de Tobie, on connaît l'immense trouble provoqué dans toute la
Il est inutile d'insister sur les nécropoles et les dizaines de milliers chrétienté d'Occident par le sac de Rome en 410 où "des cadavres de
d'épitaphes chrétiennes recueillies en Orient comme en Occident qui
sont l'illustration de ce droit. Elles attestent à l'évidence que 22.Aspetti della morte ne/le iscrizioni sepolcrali dell'impero romano, 1935.
23. Grégoire de Nazianze, Epig. 210 : "Souvent un passant a enterré le corps d'un
20. Voir chapitre précédent, p. 7. naufragé ballotté par les flots, souvent aussi celui d'un tueur de fauves ; à la guerre
aussi, on voit un homme ensevelir celui qu'il a tué ...". Sur ces Épigrammes, voir infra
21. SC Il bis (2e éd.), 1984, trad. el notes de B. Boue, p. 122-123 : "ne grp1•et11r homo
ad sepeliendum hominem in coemeteriis : res enim est omnibus pa11peris". note 28.
tl ,J)l
-, s p et 111
LE REPOS DES MORTS 33
32 NÉCESSITÉ DE LA SÉPULTURE
crypte, avec ou sans reliques, sarcophages à une place, bisâmes ou tri-
chré~iens sont restés sans sépulture". Augustin s'empresse de rassurer sômes _ où chacun prendra place à sa mort. De son côté, Grégoire de
ses fidèles : "ce ne fut là ni une faute pour les vivants qui n'ont pu la N sse évoque souvent la chapelle des Quarante de Sébaste édifiée par
leur donner [la sépulture], ni un châtiment pour les morts qui n'ont pu : mère sur le. domaine fa~ilia~ d'lbora et dans laquelle un grand sar-
25 5
en sentir la privation24 ". Mais en fait l'explication "sensorielle " paraît phage recueille son man, pms elle-même, avant qu'on ne Je rouvre
un peu courte: l'émoi des chrétiens après ce désastre est sous-tendu par c~ur y introduire sa fille Macrine : la sépulture fut mise en place lors de
la conviction d'avoir failli à un devoir sacré envers des défunts que seul fa mort du père, mais en prévision des occupants à venir29 • On sait de
Dieu a pu condamner à l'insépulture (voir plus loin p. 34-36). Or un tel même par Jérôme que Paula construisit de son vivant sa tombe contre
"châtiment" de fidèles frappés en une foule indistincte ne peut que ren- la grotte de Bethléem30• Mais les plus démunis aussi assurent leur
voyer aux péchés de l'ensemble de la communauté, et interpelle ainsi inhumation. Les naufragés, avant de sombrer, accrochent à leur cou
tout le groupe. Augustin a d'ailleurs parfaitement perçu l'intensité du Jeurs derniers biens et bijoux dans l'espoir que ceux qui recueilleront
trouble de ses contemporains, car il revient constamment sur Jeurs cadavres se sentiront obligés de les ensevelir en échange de ce
!'"immense désastre" et la "foule de fidèles insepulti ". paiement posth~me. Autre manière, dans une situation désespérée, de
prévoir à tout pnx sa tombe.
2) Préparer sa dernière demeure
26 3) Le droit des réprouvés
Cette sépulture nécessaire, les chrétiens comme les païens s'en
assurent en la préparant avant leur mort pour eux-mêmes et leurs Ce droit à la sépulture s'étend même aux réprouvés. Les deux bri-
proches : on connaît de nombreuses épitaphes où des fidèles, modestes gands qui hantaient une maison où ils gisaient insepulti sont ensevelis
ou souvent de familles ecclésiastiques, annoncent qu'ils ont fait (fecit) par l'évêque Germain d'Auxerre chrétiennement, avec des prières • Le
31
leur tombe de leur vivant, à leurs frais 27. De telles sépultures préparées concile de Marseille de 533 fixe d'ailleurs que les criminels suppliciés
d'avance et souvent situées dans des lieux privilégiés apportent au dédi- aux termes d'un jugement ont droit à une sépulture in cymeterio chris-
cant essentiellement l'assurance, la certitude que sa dépouille sera in- tianomm32. Au contraire, dans le même temps, les suicidés et les héré-
humée, et probablement aussi le réconfort de connaître sa dernière tiques ne sont pas inhumés en terre chrétienne, si l'on en croit Grégoire
demeure. On est frappé de voir, dans les Epigrammata de Grégoire de
Nazianze28, les grandes familles d'Orient, parents, oncles, amis de de Tours 33•
l'évêque, aménager soigneusement les lieux - édifices simples ou à
. 29. Dans la mesure où elles décrivent des inhumations ad sanctos, ces sources
orientales sont étudiées en détail au chapitre suivant : sur Grégoire de Nazianze, voir p.
24. Ce passage est cité et étudié au chapitre I, p. 10-11. Cet événement douloureux,
qui a donné naissance à la Cité de Dieu, se retrouve au centre du De cura. 69-73 ; sur Grégoire de Nysse, p. 66-68.
30. Vila Paulae, M.SS. Januarii m, p. 337 : "Bet/r/emiti co11dit11r antro" ( = dans la
25. Sur l'insensibilité des cadavres, voir p. 11 sq.
~oil. Vite dei Sa11ti, éd. Mondadori, Epitap/rium sanctae Paulae, texte latin el trad. ita-
26. Cf. A. Brelich, op. cil., p. 37.
ienne, Chr. Mohrmann, AA.R. Bastiaensen et Jan W. Smit, 1975, p. 234-235).
27. Avec des formules du type se vivo fecit, sibi et suis vivo fecit, ou encore sibi ipso
sana (LSA, n° 143), de proprio suo arcam posuit (ILC 515, pour un soldat de Concordia) 31. Le récit est analysé plus loin, p. 40 sq.
ou proprio sumptu hoc aedificavit opus (ILC 1804, pour un prêtre d'lvrea, près d'Aoste) . 32. Ed. C. de Clercq, Concilia Galliae, p. 95.
28. Sur ce recueil de poèmes funéraires, voir au chapitre Ill, note 39 : cf. les Epig. 33, 33. G/or. Mart., 79, sur un prêtre arien qui fut simplement port_é da~s _une fosse et
76, 99, 118, 131, 165 et 170 pour les chapelles familiales, Epig. 1, 22, 77, 84, 154 pour les recouvert de terre • HF IV 39 sur un suicidé de Clermont que "le diable rude dans son
tombeaux communs. "acte abominable"'. "on' ne '1e ~laça pas à côté des cadavres des chrétiens et il ne mérita
~-7
LE REPOS DES MORTS
34 35
NÉCESSITÉ DE LA SÉPULTURE
, . . , , b tions refusés pierres, s~n corps; 7~is découve:t par le tonnerre et la tempête, fut
l!~r~cll
34
de Je~~ Cassien précise les_ n~es_et_cele ra n uits, per- privé de :e_pulture · Mem~ une s_epulture solide et réputée durable ne
aux Sutc1des : un v1e1l ascète égyptien s'etall Jete dans u t à tout saurait res1ster à la volante de Die~, et ce corps mis à nu, sans même
suadé par une illusion du diable que ses mérites le_ ~ouS traya,~:n retire ne couche de terre pour le couvm, apparaît comme la punition su-
38
danger (inclu.sione diaboli, angelum Satanae ... suspiciens). Odn ei'ne qu'il urême du défunt sacrilège : le but du châtiment est bien d'infliger au
, . . · 'gran ·P p t ( . .
a demi mort et 11 expire deux jours après. On obtJnt a mémoire et mort des tourmen s ou, ce qm revient au même, de le priver des se-
ne fût pas compté parmi les suicidés et jugé indi~ne d~ I: anatos repu- cours que procure la tombe).
de l'oblation qui se font pour les morts (ut non mter bwt_ 1 diunus). On
tatu.s etiam memoria et oblatione pausanllum . • d1·caretur
tu , . e .11la osépulture
1 Autre sacrilège qui justifie le même châtiment: la violation des
. emerger
, . . 1e d rmt . hum at1· on chre11enn de. prières, avec
. à une JO tombeaux. Les épitaphes portent souvent des menaces d'anathèmes,
voit 1c1
parmi les tombes des fidèles - accompagnée de chan~, tisés aux Juifs d'excommunication ou d'amendes 39 contre les violateurs éventuels. On
célébration de la messe - a pu être refusée aux no~ apvés ;ont néan- y trouve a~ssi le souh~it, au subjo~_ctif ~u à _l'optatif, que_ le profanateur
et à certains grands pécheurs. Mais . JO
· fI dèles et reprou ais ·amais aban- gise lui-meme sans sepulture : 11mprecat10n est lancee comme une
moins enterrés, hors de la terre chreuenn, · e certes, . ., . m dument1 inhumés prière à Dieu ~ui ~eu_l peut _co~da°".n~r les coupables à "l'in-sé~u-lture".
35
donnés "insepulti ": même les "hommes mauvai~ mhors du lieu consa- /sta memoria s1 quis vwlavent, vwlant 1/lum Deus, annonce une ep1taphe
ad sanctum et miraculeusement reJetes . , Par le samt de Tebessa40 • Une autre, du cimetière de Sainte-Agnès à Rome, éclaire
' 36•
cré, se retrouvent pourtant enseve l1s les conséquences redoutables de la non sépulture sur la résurrection fi.
nale : /nsepultus jaceat non resurgat41 • Le corps non enseveli ne ressusci-
tera pas.
4) Les corps mis à nu des pécheurs sacrilèges
Le seul crime qui, dans les récits "exemplaires", justifie la priva-
tion de sépulture, c'est le sacrilège, mais le châtiment est alors infligé
37. Vin. s. lui., 13.
par un jugement de Dieu qui l'impose par ses interventions miracu-
38. On trouve des récits sur ce même thème un siècle plus tard, dans les Dialogues
leuses. Ainsi, raconte Grégoire de Tours, un soldat franc qui avait forcé de Grégoire le Grand (cf. n. 36).
les portes de la basilique Saint-Julien de Brioude mourut foudroyé, et 39. Par exemple ILC 1223, 1293 et 3834-3837. A. Brelich regroupe, op. cil., p. 11-13,
ne put se maintenir dans la fosse où il avait été enterré : "bien que plu- les expressions destinées de même à écarter le violator sep11/cri dans les épitaphes
sieurs de ses compagnons eussent entassé sur lui un monceau de païennes.
40. Épitaphe sur mosaïque du troisième quart du IVe siècle, près de la memoria des
pas les solennités d'une messe". Voir aussi A. Michel, Dict. de Théo/. catholique 14 2 martyrs à Tebessa : J. Christern, Das frühclrrislliche Pilgerheiligtum 1•011 Tebessa,
s.v. Suicide, 2742-2743. ' ' ' Wiesbaden, 1976, p. 107-109. Sur la memoria, cf. LSA, p. 124-126. Voir aussi AE 1935,
34. Conférences Il, 5, SC 42, éd. E. Pichery, 1955, p. 116-117. Je dois cette référence à 59: "abeat ana/hem ossa sint (?) insepulta sa11ctis el'angelis" (graffito gravé sur une stèle
l'amitié de J.-L. Voisin. de Tebessa, IL Alg, I, 3109, mais que Gsell n'avait pas lu).
35. Dans la Gaule des invasions, aux v< el vr< siècles, la règle tacite du droit à la sé- 41. ILC 3845 : "male pereat, insepultus iaceal, 11011 resmgal, c11m luda partem habeat,
pulture es~ parfois transgressée: à la guerre (Sidoine, Epist., 111, 3, 7, 8 : Jes goths muti- si q11is sepu/ernm hune violarit". Voir aussi /LC 3850, à Saint-Vital de Ravenne : "... si
le~t et brûlent leurs morts pour empêcher de dénombrer Jeurs pertes), ou dans des quis hune sepulchrnm violaverit, partem abea(t) cwn luda traditorem el in die i11dicii 11011
cnmes_de vengeance (contre des agitateurs publics ou même des ennemis rivés : resurgat. partem suam eum infidelib 11s ponam". Ou encore ce graffito sur plâtre, dans un
Grégoire de Tours, HF, V, 5, VII, 38 et IX, 10). p cubicule en catacombe: "un(e) corpus si qui vo/uerit aperire isciat se Dom[injo ratione[m
36. "in sepulcro alio", Grégoire Je Grand Diol IV 55 1 re]dder[e]" (ICI 4, 89 a = Regio VII, Ager Capenas). Autre expression de la colère de
d'inhumations abusives ad sanctos seront an~lys,esogul es,1 . ' ' Ph· 8?·183. Ces exemples
p us om, au c ap1tre v, p. 162 sq. Dieu infra p. 150 n. 43.
-~
:-~
36 LE REPOS DES MORTS
NÉCESSITÉ DE LA SÉPULTURE 37
Cette impréc 1·
,
· · , I
a ion qm voue le violateur à la mort sans sepu ture me· me fléau. que les nécropoles
. des païens44 · Or les nombreuses sources
est le theme · ·1- · , d , · d qui stigmatisent ces v'.ols de sépultures évoquent en même temps les
. pnvi egie es nombreuses épigrammes de Gregoire e
bienfaits que les chrétiens attendent P?ur le défunt d'un repos durable
Naz1~nze contre la ruµ{3wpux{o.42 : "Celui qui nous élève des autels avec
dans la tombe. Elles nous parlent en fait de l'utilité de la sépulture.
),es ~!erres d'autrui, puisse+il ne pas obtenir une sépulture" (Epig. 173);
Puisses-tu avoir le même sort, toi qui a commis ce crime" (Epig. 192); Les sources gauloises des siècles troublés (Ve au vue s.) montrent
ou _encor~"Epig. 225 : "Puisse ta demeure à toi appartenir à un autre''., et qu e les profanateurs, , chrétiens,
. ont souvent pour seul but d'assurer à
Epig. 24 · Ne montre pas aux mortels· un cadavre nu, ou tu seras mis _à l'un des Jeurs cette necessa1re sépulture qu'ils ne peuvent lui procurer
nu par un autre"; et surtout cette prière: "Terre bien aimée, n: r:ç01 s ar manque de place ou de ressources. Plusieurs conciles gaulois du vie
pas dans ton sein après leur mort ceux qui sont heureux de s'enrichir en ~ècle reprennent les condamnations de la loi profane contre
violant les tombeaux" (Epig. 253). En vérité cet anathème promet le l'introduction d'un défunt dans un cercueil occupé45 : il s'agit de proté-
pire des maux puisqu'il compromet la résurrection du profanateur : ger à Ja fois le repos du_mort troublé par cette intrusion, et aussi le droit
châtiment post mortem et voulu par Dieu, plus redoutable qu~ les de propriété de sa famille sur le tombeau. Pour procurer aux siens une
condamnations aux tribunaux des hommes, qui est avant tout destmé à sépulture plus durable, le violateur peut "emprunter" le couvercle solide
éloigner du tombeau où il s'inscrit le danger de viol, pour assurer au dé- d'un sarcophage 46 • En cas de presse, l'abandon apparent des tombes
funt la quiétude dans sa dernière demeure. que recouvre la végétation, conduit des fossoyeurs peu scrupuleux à les
réutiliser47 • En fait, à travers ces violences, on retrouve le souci constant
de procurer une sépulture - solide si possible - à des défunts qui sans
III - LA SÉCURITÉ DES MORTS DANS LES TOMBES ces vols et ces viols ne pourraient en être pourvus. C'est ici le besoin de
sépulture qui conduit des chrétiens au sacrilège ; mais les violateurs les
Car le droit pour tous d'être ensevelis n'a aucune valeur sans son plus honnis et les plus craints sont les pillards appâtés par les richesses
corollaire, Je droit de le rester. "Si ma gloire mérite quelque faveur, que enfouies avec le défunt ou décorant son tombeau.
mon tombeau demeure toujours ...", ruµ/3oç ftd µévÉrw, proclame
l'épigramme 117 composée par Grégoire pour un dignitaire de l'Empire 1) La douleur des morts
(qui n 'a lui-même, annonce-t-il, jamais pillé les morts). La tombe doit
durer, et d'abord résister à l'usure et aux attaques du temps : Jérôme Or les épitaphes lançant l'anathème contre d'éventuels profana-
annonce à sainte Paula : ''Exegi monumentum tuum aere perennius quod teurs, et surtout les Epigrammata, plus explicites, de Grégoire, démon-
nul/a destruere passif vetustas 43 ". Mais plus que l'usure et la fragilité, trent à l'évidence que les chrétiens croyaient à la douleur des morts.
c'est Je viol qui menace les tombeaux et qui sévit dans toute la chré- Dans un tout autre contexte, Damase lui-même évoque les "nouvelles
tienté, en Occident comme en Orient : l'empire christianisé a connu Je souffrances" qui accablent les défunts quand on vient troubler leur re-
42 Sur celle oeuvre de Grégoire, voir supra n. 28. Des dizaines de pelits poèmes
. · mmata 170 à 254) contiennenl le souhait que le profanateur soit privé de sé-
(Ef'g,-: (Epig. 173,192, 208 à 225), ou, ce qui revienl au même, que son tombeau soit à 44. A. Brelich, I.e. supra n. 39, rappelle la loi qui punit la cupidité des profanateurs,
pu tutrur
son o détruit (par ex. Epig. 231, 241, 253). Les verbes sont à l'optatif, l'imprécation par delà les anathèmes.
très brève. 45, Ainsi les conciles de Mâcon (en 585, canon 17) et d'Auxerre (en 561-605, c. 14).
43 _ V,ta Paulae, AA.SS. lanuarii Ill, p. 337 = Epitaphium sanctae Paulqe, 33, 1, éd. 46. Un exemple dans Grégoire de Tours, Glor. Conf., 17.
Mondadori citée supra note 30, p. 234.
47 . Voir plus loin la lettre III de Sidoine sur la tombe de son aïeul ainsi menacée.
;J_
'
1
CONCLUSION

Le corps dans la tombe peut-il aider au salut ?

, . T~lle e~_t, en vé_rité, l'interrogation fondamentale que pose aux


theolog1ens 1 mhumat1on ad sanctos. Or "l'opinion populaire" croit que
le corps mort garde traces d'âme. Et c'est cette croyance, informulée
mais certaine, qui détermine les formes, les modes, et surtout les excès
de ces sépultures près des saints, de cette pratique funéraire qui a do-
miné la vie des c_ommunautés chrétiennes.
En réaction contre une telle croyance, Augustin s'attache à prou-
ver que le mort ne gagne rien à la conservation de son corps dans une
tombe puisque par lui, à travers cette chair privée d'âme, ne peut lui
être transmis aucun bienfait. Le salut des défunts _est lié aux seuls mé-
rites acquis sur cette terre et aux bienfaits obtenùs des saints par les suf-
frages des vivants : l'inhumation ad sanctos n'aide au salut des morts
qu'en suscitant les prières plus ferventes des fidèles pro defunctis. Cette
conception du salut représente la doctrine officielle de l'Église. Pour-
tant, on l'a vu, les sépultures près des saints sont ardemment recher-
chées par les fidèles depuis plus d'un siècle déjà quanq Paulin décide
d'interroger son collègue africain sur l'utilité de cette pratique. Or la
manière même dont est formulée sa question atteste que l'éminent
évêque accordait à ce mode d'inhumation une vertu spécifiqué distincte
de celle des prières pour les morts, ce que réfute la réponse d'Augustin.
Si cè dernier insiste tant sur l'inutilité de la sépulture pour le défunt, s'il
répète que son salut ne peut attendre aucun secours "de cette chair" (ab
ea came), c'est qu'il perçoit chez les chrétiens, simples fidèles oµ clercs,
pécheurs ou saints, des conceptions contraires aux siennes. Et en effet,
- .__,.... ïl
CONCLUSION "ANIMAE VESTIGIA "
204 205
mettent de saisir des formules, Cette lettre, .
nombreuses Per . malgré l'usage de 1a 1ltote est en fa't
1 d,ec1s1ve
..
quelques sources p~u fié t la croyance que Je corps mort garde termes vo Iontairement modérés t ( ' . car, en
cer es non esse manes
des prières, des pratiques re tdan méri'tes de ses fautes et qu'il peut non posse quod ... ), elle reconna't ,
. d groupe e ses , 1 une egale eff · , motus, ... vacare
trace de sa vie, e son ' d d'funt C'est cette croyance qui par lesquelles les chrétiens s'efforcent d'aid icac1te aux deux voies
'd au salut éterne1 u e · ce début du ye siècle . en I er au salut de leurs morts en
pour une part ai er . de sépultures près de reliques saintes
· eur procurant une sép lt , d'
détermine la _recherche à, t_out pnx s est perçu comme le vecteur de moria de saint et aussi (adiuno-is et,·a ) . u ure pres une me-
ou dans un lieu consacre . car le corp , .. ,. , . . , o· m en pnant pour eux Et l', ,
. t procurer au mort a la cond1t10n qu 11 me- pns som de, conclur!!
. que l'inhumation ad sanctum 1m. apparait
. -eveque a
comme
l'aide que les samts peuven . ' .
rite leur compagnie et leurs bienfaits (cf. la fm du chapitre V). un moye? s ~Jout~nt à la prière de l'Église universelle pour assurer aux
défunts I opllulatw sanctorum· etiam isto mod (
. . , . · o que c b'es a neghgé
om , ·
Le point de vue du théologien. La communion des saints de. tradmre)
p . . renv01e
. a talts locus, c'est-à-dire une tombe pres , d' un samt.
·
S1 au 1m msiste sur cette autre voie pour obtenir la protection des
Malgré sa concision, la question de l'évêque de N~le ~ui a suscit~ sai?ts, c'est é~!demment parce que seule est "reconnue" par l'Ecclesia
le traité d'Augustin s'avère complexe. Le prélat campame_n mterro~ea1t umversa la pnere pro defunctis - comme l'atteste la seconde partie du
son collègue sur l'utilité pour un défunt que son corps s01t enseveli au- De cura. Ce que l'on doit noter, c'est que l'évêque de Nole distingue
près de la memoria d'un saint (... quaerens a me utrum prosit cuique post bien les deux manières, les deux moyens de demander (opitulatio quae-
mortem quod corpus ejus apud sancti alicujus Memoriam sepelitur. De sita) les secours des saints pour les défunts; il leur reconnaît à chacun
cura, l, p. 462). Mais dans la même lettre il faisait aussi connaître son une efficacité propre, il ne les réduit pas l'un à l'autre. Et il avait
propre avis sur ce problème; et d'après ce qu'en cite Augustin, cet avis d'ailleurs prouvé, quelque trente ans plus tôt, qu'il accorde au voisinage
fort nuancé apparaît comme un reflet des croyances et pratiques de son des saints une vertu spécifique : il avait fait transporter à Complutum le
temps, telles que nous venons de les analyser. Le début du De cura corps de son jeune fils - né en Espagne en 392 et mort huit jours après
comporte en effet un résumé de la lettre de Paulin (I.e.) : - pour qu'il y fût enterré auprès des saints locaux Juste et Pastor.
Quelques vers de Paulin (que j'analyse ci-dessus p. 102-103) évoquent
"Nam dicis videri tibi non esse inanes motus animorum religiosorum le transfert du corps (Complutensi mandavimus urbe) et la sépulture de
atque fidelium pro suis ista curantium. Adjungis etiam vacare non
l'enfant étroitement liée à ce_lle des martyrs.
passe quod universa pro defunctis Ecclesia supplicare consuevit ut
hinc et illud conj_ici possit homini prodesse post mortem si fuie suo- L'évêque, avec sa femme Thérèse, partageait donc,_en cette_fin du
m~1 hu~zan~o e~us corpori talis provideatur locus in quo appareat ive siècle l'engouement de nombreux chrétiens pour I mhumatton ad
opuulatw ettam zsto modo quaesita Sanctorum". sanctos que tentent de décrire les chapitres préc~dents. Et d'ailleurs: au
moment même où il écrit à Augustin, vers 420, il annone~ par le n:eme
"Le mouvement, dites-vous, qui porte les âmes fidèles et pieuses à
rendre cette sorte de soins aux morts (i e l'1'nhum t' ad à
courrièr Flora, une veuve sans doute africaine, l'~ctr?1 d'~ne sepul-
, . · · a 10n sanc- ture ad Felicem pour son fils_Cynegius mort à Nole . C est ~ire que la
tum ) ne vous parait pas, vam. Vous ajoutez que l'Église ~niverselle . d' de Paulin ne semble pas altérer sa confiance dans
a la coutu1:1e, et ce ne peut être sans raison, de prier pour les dé- quest10n tar ive
fun~s. Aussi peu~~on conclure, selon vous, qu'il est utile àl'h
apres sa mort, d etre pourvu par l'amour des siens d' l' om111e,
~ulture où_ il puisse compter aussi de cette manière lieu de sé-
t1on des samts". a protec- 1. Cf. supra p. 87-88 et mon article, Flora était-elle africaine? dans Rev. Et. Aug. 34,
1988, p. 70-77.
~ -,,
~~-i.W"'"
i:!.·,.
3'
"ANI.MAE VESTIGIA"
206 207
CONCLUSION
iété de ceux qui prient pour lui· L'évêque concède • ..
Pour Jeurs mort s un emplacement dan .. qu en cho1S1ssant
l'efficacité
pandu d de ce. m 0 d e d'"mhumat10n . privilégiée, qui s'est en effet ré- . d I s 1e v01smage de .
P
vants témoignent e eur affection pour ux5 s samts, les vi-
confess ans! sa ville, sous son épiscopat, autour de la tombe du grand une consolation. Mais il précise bien . "Je et trouvent eux-mêmes
eur ocal. • e ne v01s pas 1
trouvent un soulagement, à moins que le urs amis. au so que es· morts
d y
. Malgré les nuances de la question de Paulin toute la démonstra- tombeau, ne recommandent par Jeurs prières , ' • uvemrt ed leur
a ces memes sa· 1
t 1on du De cura vise
· à prouver que les morts ne peuvent' attendre de se- prendre sous leur protection et d'intercéder P m s e es
cours_ que de la prière de l'Église et des vivants. Je n'aborderai pas ici " Et d' . t . • " our eux auprès du Sei-
gneur. . aJOU
• er, .a1,1ss1tot:
, Ils peuvent d'aill eurs faire
• cette recom-
les debats
, . · agitaient
· · à cette époque les théologiens sur le problème mandation meme s 11s n ont pu inhumer Jeurs défun ts dans ces samts .
• ,.
~e I efficac1te des prières pro mortuis 2 : peuvent-elles infléchir le destin
heUX6 .
etern~l q~e les fidèles se sont tissé d'après les mérites acquis pendant
leur vie d hommes ? et surtout, si ce destin n'est pas scellé au moment On . retrouve la même analyse qu'à propos de 1a necess1te , ·,
de la mort, pourquoi les secours doivent-ils venir des autres plutôt que d'ensevehr les morts (supra, chapitre I): le choix d'une tombe ad sanc-
de l'âme du défunt? La réponse est évidemment dans la communion tos est là encore une affaire de vivants, de survivants. C'est eux qu'elle
3
des saints (voir infra), mais on connaî.t aussi l'affirmation de Dulcitius : apaise et console ; c'est à travers eux, donc indirectement, qu'elle peut
"Beaucoup ajoutent que s'il y a place pour quelque soulagement après aider les défunts en avivant les prières de·s fidèles à la pensée du lieu
la mort, l'âme du défunt en obtiendrait elle-même en confessant ses saint où repose le mort. Ainsi formulée, l'efficacité de l'inhumation ad
propres fautes un bien plus grand que celui qui est procuré par sanctos semble se réduire à une association d'idées, qui s'exprime en un
l'offrande des autres". Ce grand débat soulevé dans l'Église et beau texte tout empreint de tendresse : "quand l'âme évoque le lieu où
qu'Augustin aborde souvent4, n'a jamais empêché la pratique de la repose un être très cher et que l'endroit où est enseveli un martyr véné-
prière pour les morts, répétée selon un calendrier des commémorations rable vient par là même à l'esprit, l'amour qui se souvient et qui prie
prévu à partir du jour de la mort, en même temps que f organise la cura recommande à ce martyr le mort bien-aimé" (cum itaque recolit animus
mortuorum, un rituel des funérailles chrétiennes. ubi sepultum sit carissimi corpus et occurrit locus nomine Martyris ve·
nerabilis, eidem Martyri animam dilectam commendat recordantis et pre-
Pour en revenir au De cura, Augustin nie que la sépulture près cantis affectus. De cura, 6, p. 476-477).
d'une memoria de martyr ait en soi une efficacité, elle ne peut aider le
défunt que dans la mesure où le souvenir du martyr proche avive la Si l'évêque d'Hippone refuse obstinément que l'âme du défunt
puisse attendre un secours direct du saint voisin du ·tombeau,· c'est que
e c'est
cette aide passerait par son cadavre,per corpus exammum, puisqu_ .
2. Voir les sources dans l'étude de J . Ntedika, L 'évocatio11 de /'Au-delà dans la prière
lui qui est placé au contact des restes saints. Augustin ne formule Jamais
, . . . ·1 d, ontre longuement que la
pour /es morts, 1971. Voir aussi P.-A. Février, Quelques aspects de la prière pour les le probleme en termes aussi clalfS, mais I em
morts, Sé11éfia11ce 10, 1981, surtout p. 257 et 260.
3. Augustin, De octo Dulcitii {[!'Oest., qu. 2, 1-3: l'ensemble du passage est analysé . . h est en1afu11era suorum".
5. De cura, 6, p. 474 : "/Jonae affect10111s uma11aed' menta
·o mor111orum 111s1
_ . ad Jwc ut,
supra p. 189 sq. En réponse, Augustin cite intégralement De cura, 1-2.
4. Ainsi, outre le De cura el les Quaest. Dulcitii, dans l'E11chiridio11 XXIX, 109-110 el
... 6. Ibid., p. 474 et 476 : "11011 video quo~ _sunt
O
1\i eisdem Sanctis il/os tanquom
dum recolunt u/Ji si11t posita eomm q110s dihgzmt corp a, deiit Quod quidem facere
dans Je De fide, spe et caritate ad La11re11ti11m XVIII, 67-69 où Augustin répète que les . . d' d orondo comme11 · .
patroms susceptos apud Dommum a guvan os ,. S la protection et l'intercessmn
âmes retenues dans de "secrets dépôts" (a/Jditis receptàculis) sont soulagées par les
passent etiamsi talibus /ocis eos humare 11011 passent · ur
prières des proc?es, lorsque pour elles est offert le sacrifice au Médiateur ou sont dis-
tribuées les aumones. des saints, voir supra p. 171 sq.
~ .
' -• r COTillll ,._ u
\'l_
it
208 "ANJMAE VESTIGIA "
CONCLUSION 209
mort situe l'â
1 qui pour le pasteur d'âmes est J'essenf 1 . .
sans correspome d et e corps dans deux mondes aveugles l'un à l'autre• ce l . • D'
du privilège m-meme. autant plus que l'é ,
ie ' tout en hm1t t 1
an a portée
d'" fl n ance, et de ce fait le corps mort a perdu tout pouvoir
in uer sur le sort d l'â Il . . . de prier pour tous les morts, même s'ils :~:te rapp~l~e _la nécessité
d ans tout l'U · e me. peut d'ailleurs se dissoudre s'éparpiller
' ctos ni même ensevelis : l'Église le fa,·t p pas ete inhumés ad
.
quitté : à pre mversJ fsans porter atteinte à la béatitude de l'âme qui
. l'a san ' . , our tous les fidèl d
0, uve e ameux exemple des Martyrs de Lyon et de Vienne. Une commémoration genérale et anonyme ( ( .. es ans
e iam tacttis nominibus
co où la _c~n~Iusion ferm_e que je citais plus haut (p. 200-201): "Qu'un Ibid,). '
rps sott ici ou là, peu importe. L'essentiel èst que l'âme trouve le re-
Enfin et surtout, l'inhumation ad sanctos ne p t &-
pos ... ~ll_e. n'attend pas de cette chair un secours pour sa vie : elle lui , . eu conierer à un
mort aucun mente autre que ceux qu'il aurait lui me'me • d
donnait 1c1 la vie qu'elle lui a retirée en la quittant, elle la lui rendra , · acqms ans sa
quand elle reviendra l'animer" ("... nec ab ea carne expectat adjuvari vi- vie,. dans la mesure
,, ,. ou les recommandations
, ., des prières ne so nt uttl es
tam suam cui praebebat ipse vitam quam detraxit excedens''. De cura, 7, p. aux défu~~~ que s 11s ont_ mente pendant Je~r vie d'en bénéficier après
480-481). Les bienfaits de l'inhumation ad sanctos ne sont demandés et leur mort . Autrement dit, la ferveur des prières suscitées par le souve-
obtenus que par les prières des vivants nourries de leur amour pour le nir du saint voisinage ne pourrait ni racheter une vie sans mérite ni ai-
défun~ et du souvenir du saint qui s'impose à leur pensée. Revenant à der au salut des grands criminels. "Chacun obtient selon sa conduite
Flora et à son fils inhumé dans la basilique de s. Felix à Nole, Augustin d'ici-bas, une éternité bonne ou mauvaise... Il faut pour que nos soins
affirme à nouveau (Ibid, p. 478): "adjuvat defuncti spiritum non mortui puissent être profitables à un homme après sa mort qu'il ait acquis lui-
corporis Locus sed ex loci memoria vivus matris affectus ", "ce qui apporte même des mérites pendant la vie9,,. Ce dogme qui domine l'ensemble
secours à l'esprit du mort, ce n'est pas le lieu de son corps mort, mais du traité, Augustin s.'en sert essentiellement pour démontrer que
l'amour vivant de sa mère au souvenir de ce lieu" (trad. Y. D.). Et il l'inhumation, privilégiée ou pas, n'est pas nécessaire au salut des morts
~onclut: "la qualité de celui qu'on recommande .et de celui à qui on le (cf. supra les deux premiers chapitres). Aussi conclut-il l'ensemble de
recommande constitue un double excitant qui rend féconde la prière cette partie répondant à la question de Paulin par un aphorisme (De
d'une âme religieuse". cura, 11, p. 490-491): "nec aliquid obest fidelibus negata eorum corpori-
bus sepultura nec aliquid si exhibeatur infidelibus prodest" (les fidèles ne
En effet l'efficacité des prières, rendues certes plus ferventes au perdent rien à être privés de la sépulture comme les infidèles ne ga-
souvenir du saint voisin, dépend des mérites du défunt. Elle est aussi
gnent rien à la recevoir).
fonction de la qualité de la foi de celui qui prie : "Si on ne prie pas pour ·
les morts avec une vraie foi et une vraie piété, il ne sert de rien, à mon
avis, pour leur âme que leur corps sans vie soit enterré dans un lieu
saint7". Une sépulture près de la memoria d'un saint ne représente donc (lbi!)."... qui, cum in corpore viverellt, talia si_bi post ha11c vitam prodesse menienmt"
pas en soi un avantage pour le défunt puisque toute son e~icience est
conditionnée par la foi et la sainteté des fidèles (le mort et ceux qui · (II ".... ferat unusqùisque secundum ea quae per corpus gessit, sive bo11um sive malum
or. V, 10), non te satis videre significas. Haec quippe apostolica se11te11tia ante mor-
prient pour lui) durant Leur vie, par l'authenticité d'une vie chrétienne :
1em ~dmo11et fieri quod possit prodesse post morlem. Vernm haec ita solvitur quaestio
quomam
465 m1odam. v,·,ae genere acqumtur,
·i- · · d1m1 111
· J10c corpore v1v11Jtr
· • " (D e cura, 2, p. 464-
. ). Dans cette mtroduction au traité Augustin définit trois groupes de défunts : les
7. "Si alllem deessell/ istae supplicationes quae fiunt recta fide ac pietate pro mortuis, c · et 1_es cnmmels
saints • • , qui les secours
pour ' des vivants sont ·mull·1es, soit· qu •·1I s n'a1en
· t au-
puto quod nihil prodesset spiritibus eorum quamlibet in locis sa11ctis exa11ima corpora po- un besom d'être soulagés, soit qu'ils ne puissent plus être secourus; et entre ces deux
nerentur" (De cura, 6, p. 476-477). groupes: ce1·m des pécheurs qui peuvent être aidés par les actes pieux · dl e eurs amis . ,a
proportion du bien qu'ils ont fait de leur vivant.
L1:Î
'
.
211
,.,4JV/MAE VEST!GIA "
·C'est aussi par la • recherche des suffrages e es pnères I"'
t d .
CONCLUSION ...,e de la communion des saints - que s'explique une évolut1onies
210 dog••· • de au
1
toP r,arapbie funéraITe surtout• à partir du ye siècle ·. les tombes sont atti-a
Ce qu'Augustin tient à prouver mais sans jamais l'exprimer clai- r e O moins par 1es restes samts que par les lieux consacres, , 11eux
. de
rement, c'est que le corps malgré l'attachement des vivants ne peut rien cU
é S e dans lesquels le nom et. le souvenir
. des morts s'i· mposent aux v1-.
pour l'âme qui l'a habité et quitté, que le salut d'un chrétien ne saurait va lt endant, les
. -célébrations· hturgiques
, et les cornmemorat10ns.
, .
dépendre de quelque lien établi en ce monde (dans la sépulture) entre nts P les ep1taphes'èannoncent
'aiJleurs , , des lors souvent in hoc loco sancto
s.~n corp~ in-animé et des reliques saintes. Le seul _ bienfait de plutôt que, com~e au s1 c1e pr~cedent, ad sanctum N. Et dans les Dia-
P
1 mhumat1on ad sanctos serait donc, par l'association du saint patron au /ogues de GrégoITe 1~ Grand, ~1erre pose à l'évêque la même question
s?uvenir du mort, d'intensifier les prières et les recommandations des que paul~n Augustl~ deux siècles plus tôt, mais dans laquelle ad _ali-
vivants et de l'Église. cujUS ,nartYflS memonam est remplacé par in ecclesiis (''Putamusne ani-
,nabus atiquid prodesse si mortuorum corpora in ecclesiis Juerint se-
Au regard de la ferveur d'innombrables chrétiens pour obtenir
pu/ta ?'). Grégoire lui répond d'ailleurs, exactement dans le sens
une tombe près des saints, de la complexité des réactions et des exi-
d'Augustin, que la seule utilité est la prière, à cette nuance près qu'il
gences que cette pratique a fait naître, de l'autorité des clercs et des
10
saints qui ont recherché pour leur corps ce privilège , l'analyse que évoque non le "souvenir du martyr", mais des loca sacra, des assemblées
propose Augustin des causes et des bienfaits de l'inhumation ad sanctos de fidèles dans les lieux consacrés et des prières collectives adressées au
peut apparaître à première vue plutôt réductrice et pauvre. Seigneur ("eorum proximi quotiens ad eadem sacra loca conveniunt,
suorum quorum sepu/cra aspiciunt recordantur et pro eis Domino preces
A première vue seulement. Car son analyse est sous-tendue par la
conception du salut la plus ouverte : salut fondé non sur la conserva- fundunt". Dia/. IV, 52, 3-4)
tion, en un lieu plus ou moins privilégié, des corps individuels, mais sur Enfin Augustin rappelle longuement (commentant Paul, II Cor. v,
la communion des saints. Ce dogme, très généralement reçu au IVe 10) que les suffrages de l'Église et des fidèles ne sont profitables aux
siècle, lie entre eux tous les fidèles vivants et morts dans un mêm~ corps défunts qu'à la mesure des mérites qu'ils ont acquis durant leur vie (De
mystique, dont ils sont les membres et dont le Christ est la tête. La mort cura, 2, cité supra n. 9). Ces mérites qui ouvrent accès à la communion
ne rompt pas le lien mystique qui unit les membra Christi et assure la des saints ont aussi, on l'a vu, un écho dans certains textes poétiques ·ou
solidarité des âmes dans la prièrè. Or on a vu au chapitre V (surtout p.
hagiographiques : l'hospitalité accordée par les saints à la tombe d'un
151 sq.) que, dans la grande masse des épitaphes chrétiennes, la plupar,t
défunt est justifiée par la ressemblance, l'attirance des semblables, ou
- y compris quand elles sont placées sur des tombes ad sanctos - témoi-
gnent de cette foi dans la communion des saints car elles demandent les simplement en soulignant les mérites du mort que Dieu récompense
prières des vivants et disent l'espérance que le défunt vit (où vive) cum par le privilège de sa tombe ( cf. les sources analysées à la fin du cha-
sanctis, inter_ sanc~os, par'.11! les él_us du corps mystique. Seuls quelques
pitre V, p. 154-168).
textes plus httéra1Tes - rec1ts hag10graphiques et surtout épitaphes mé-
triques - pr~cise~t la proximité matérielle des reliques, ou parfois évo-
Ainsi, en fait, les principaux éléments de la conception Augustin d:
ont fondé le dogme de l'Église pour Jes siècles à ve~i~. Il faut a nouvea~1
quent les hens interpersonnels tissés entre ce défunt et ses saints
le souligner, la très grande masse des épitaphes chreuennes, entre le 11~.1
voisins.
et le vue siècle, reflète en effet la foi et l'espoir que le mort e~t ~ccu: !
par et parmi les élus grâce à ses méritçs et aux suffrages des freres vi-
JO. Sur tous ces aspects du "phénomène" de l'inhumation ad sanctos, voir ci-dessus
les chapitres fil à YI.
/ .t:J' J
11,4/Vfft,fAE VESTIGIA " 213
CONCLUSION ·dèJes, il reste qu'à travers toute la période, des év'
212 {iondatllnent tous_ types de travaux qui risquent de ;ques, dont Damase,
c ce qu'ils seraient sources de nouvelles so ff alme~er les tombes
vants. Mais les allusions même du De cura et surtout quelques textes par u rances (1teru
pO les rnorts troublés dans leur repos (quie·•
. a, . )
requies : cf pm poenas)
37 s E
plus élaborés attestent qu'il existe aussi parmi les chrétiens une
Ur les épitaphes,
ans , lles anathèmes
• q._ t
contre la tu mboruch',a · - ·effraction
croyance - déviante au regard de !'Écriture, pour Augustin - mais qui
explique les excès de la pratique des sépultures ad sanctos : la croyance d• ntaire des· sepu
., l tures - visent toujours le violate ur apres
b' , sa mort.
010 que Ie- v10 est ,en perçu comme une atteinte au mort lui-même..
signe
que le corps exanimum garde une trace, une marque (vestigia) de
l'esprit qui l'animait (c'est-à-dire une certaine forme de vie?). D'où le
one . telle.. conception
, . - qui prolonge certai·nes images
• de
rôle reconnu au défunt lui-même ,- et à travers son corps mort - pour
'épigraphie pa1enne -. est evidemment sous-tendue par la croyance que
obtenir les secours des saints voisins de son tombeau.
lJe cadavi:e reste sens1b~e et que l'â~e n'est pas dans l'ignorance de ce
qu'il advient de sa chair. Est-ce à dire que le corps garde une certaine
Selon "l'opinion populaire", le corps garde des empreintes d'âme
forme de vie dans la tombe?_A. Brelich (voir supra p. 43 et n. 68) parle
Quand Augustin parle d'opinio vulgata, il désigne la croyance de d'un "état de mort" que le corps prolonge dans la tombe. Je rt'aborderai
ceux qui ne savent pas, mais qui ne sont pas forcément le plus grand pas ici le problème du "lieu" des âmes et de l'état des corps en atten-
nombre. Une telle croyance s'oppose aux enseignements de !'Écriture dant le Jugement dernier et la Résurrection. C'est un immense débat
comme l'erreur humaine à la Vérité révélée. C'est ·en ce sens que je re- pour lequel je renvoie à la troisième partie de J'ouvrage sur l'épigraphie
11
groupe sous ce titre les traces d'une conception du corps mort diamé- chrétienne que Ch. Pietri est en train d'achever •
tralement opposée à celle prêchée par Augustin au nom des Écritures,
mais qui pourtant avait cours, dès son époque, dans les milieux chré- On est aussi frappé de ce que toutes les sources nous montrent les
tiens les plus autorisés. morts chrétiens gardant par et dans les tombes leur place dans le
groupe : la localisation de leur sépulture reflète leur appartenance à
J'ai tenté de montrer dans le second chapitre, d'après l'étude des une communauté humaine (et étroite, familiale, monastique, cléricale).
pratiques funéraires, des épitaphes, des récits de morts, que les chré- On sait que sur un tout autre plan, selon le dogme de la communion des
tiens, et sans doute le plus grand nombre d'entre eux, ne croient pas saints, les fidèles défunts restent membres de l'Église au sens de corps
que les corps morts sont insensibles au sort qui leur est fait et inca- mystique du Christ : ce dogme selon lequel la mort ne rompt pas le lien
pables de souffrir. Et s'ils considèrent certes la cura mortuorum comme avec l'Église universelle et invisible peuple les récits des théologiens.
un devoir de pietas des vivants, ils y voient surtout une série d'actes né-
Ainsi par exemple, Origène évoque les âmes saintes des défunts mêlées
cessaires au repos des morts. La meilleure preuve de cette conception,
réellement aux assemblées liturgiques des chrétiens, auxquelles les
c'est la hantise du viol des tombeaux: les anathèmes (et les lois) contre
les violateurs protègent certes la propriété privée du tombeau, mais choeurs des anges unissent leurs prières (De orat. XXXI: 5, P~- ll, col.
leur violence même atteste la conviction que le mort lui-même est atta-
553) : ici, ce sont les âmes des morts qui prennent part a la pnere corn-
qué par l'effraction, que le corps a besoin d'une demeure stable, besoin
d'être inhumé et de le rester. à · d' erople la concep-
Je ne peux que renvoyer aux très nombreux témoignages de cette
croyance analysés dans le chapitre II et tout au long de cet ouvrage.
lion poétique de Prudence (Cathemerinon 10, V:
55
sq.) po: i
. 11. Cité supra p. 135, n. 3. Je roe contenterai d'évoquer, utre e\i le ~rps n'est
qu'endormi dans la tombe d'où il sera bientôt réveillé, au secon 15
0 du Christ qui
_re : le corps dort
Même si l'on n'accorde aux récits miraculeux - où certains cadavres eS proche. C'est le sommeil d'attente que la tombe protège, roa se '
t
pensent, parlent, agissent - qu'une valeur de fables pour l'éducation des non l'homme entier.
µAE vesTJGIA,,
,,J,f'll 215
saire d'Arles bfit édifier
·1· ddans. le monastère de femm d" .
CONCLUSION Cé Césarie une as1 ,que .éd1ée en 524 et destmee
eur . , auxes ,mgé par
214
sa 0 . ges : des arcae monobzles (sarcophage sepultures
aes_5 vi::out le sol de l'édifice 13• La règle césari:n~;:r u~ co~ps) cou-
mune "particulièrement agréable à Dieu". Au contraire, les tombes
vrllleod franchir la clôture (op. cit. 35 p 470) 0 mpechait 1 les mo-
groupées ou les sépultures communes - bisômes trisômes ou fosses - .a1es e 4 • ' • • r un cons(t ·•
11 è le du rnonastère 1 interdit l'inhumatlon "d'ét ,, utum 1omt
réunissent les corps de ceux qui ont appartenu à ~ne "famille" charnelle à1Ill r g . , . d è . . rangers dans la ba-
et / ou spirituelle, appartenance dont le corps mort garde la trace. . s,Mu
. . e,cirnétenale tu rnonast d re,l' et en particulier celle de pretres _ en-
1err endant un emps ans une de ses annexes1s · Cette mesure
• •
Comme dans la plus antique tradition païenne, les membres des 1
'exés P
c\usion atteste 1a .
conv1ct1on que les corps des moniales pro ongent
familles chrétiennes sont réunis dans la mort. On connaît (voir ci-dessus
dau 1·eu même de leur existence • terrestre
. (vitae unum ovi·te en ba1ance'
chapitres II et III) de très nombreux exemples de tels groupements :
nrP{l111 unam--• sepulcn ), leur
avel "'v , VIe commune en vue de Ia résurrec-
sépultures très proches (Ambroise et Satyrus, supra p. 104-106), areae,
chapelles familiales créées sibi et suis, tombeaux pour deux, voire trois tion-C Le groupement de leur~ sepultures à l'exclusion de toute autre in-
parents et enfants (que l'on rouvre à chaque décès, comme pour duit que le corps mort des Vierges reste lié par la règle, garde trace des
Macrine : supra p. 67). Tobie enterre sa mère auprès de son époux, et
Damase rejoint sa mère dans sa crypte. Ce soin pour maintenir les fa- voeux prononcés.
Ainsi, de toutes ces pratiques funéraires - habitudes ou règles,
milles nucléaires par delà la mort s'ancre bien sûr dans le désir qu'ils
soient unis dans la prière des vivants, mais aussi dans une tendresse pu- groupements de_sépultures ou exclusion d'autres - on peut conclure que
rement humaine, comme si les corps se souviennent de quelque manière le, corps garde la place du mort dans le groupe, surtout au sein de la
des liens affectifs de leur vie. Même preuve d'amour du vieux père abbé communauté familiale ou spirituelle où il avait vécu sa foi en ce monde.
qui se tourne dans son tombeau pour faire place au corps d'un prêtre,
Une des épigrammes consacrées par Grégoire de Nazianze à sa
son "fils spirituel" (supra p. 96). mère (Epig. 55) constitue une indication précieuse, vu son auteur, sur le
Bien plus, les communautés spirituelles des clercs ou des moines rôle dévolu au corps dans l'attente du Jugement: on sait que Nonna
sont, pour et par les corps des défunts, transposées au plan spatial : on a était morte en priant à l'autel et qu'elle fut ensevelie dans l'église
vu (chapitres met v) que les corps des évêques sont ramenés dans la 16
ville de leurs fonctions, comme s'ils devaient - de leur tombe et au tra- même où elle avait rendu l'âme •
vers de leur corps - continuer à veiller sur elle. On connaît aussi la né·
cessité qui s'impose aux monastères d'hommes et de femmes dès le dé-
but du ve siècle d'inhumer ensemble, parfois comme en Syrie dans des
fosses communes, les moines ou les moniales à l'intérieur du couvent,
dans une des églises de la communauté •
12 F"P" ..,,,,1,~, èd
. 13. Vila Caesarii 1 57 58
- , MGH, ".,. m. m, p 4">481. L'"'4"' y ,w< ..w •
S pr 5 e laquelle fut inhumée sa soeur.
L< "'""'""" -,"1 do et,•< 1, j,w<- Cf. G
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14· 44
eulement de s c~,i~ , Af\es Po" les mooOlo. R•· ,,,,_
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"'''"' ,,,,,., "'"' ,.,,, "'"" """"' "" ,,. " ,,., .,
, p. 5-20.
. •1,5. ibid. p. 20 .. " .
gu/am q,id "' s,p,/en. Q" p,opte, ,d """'"'"" """"',;"'" P""'" <'"""
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rpiam m /zu•iu r. ,,_.,.,... ; .i , _ . , . '"'"' . . • -1·w-
16 S m secundum eum qui dedit et vitae u11i11s contubemium-"
12. Voir supra p. 95-% et dans L'inhumation prfrilégiée, p. 233-243, l'article où amte mort et l'inhumation in /oco sancto, cf. supra P· 69-70.
Sodini regroupe tous les exemples connus pour l'Orient (sauf l'Égypte). · ur cettes ·
f, JIESTIGIA " 217
',4t-1f#fi .
écits de Grégoire, ce sont leurs corps qui aoissent d .
ces r . . é "d t d , epu1S
u ]llats 11 est VI en que 1es eux substances du m rt
<>"
216 CONCLUSION ,,.,,,ès
v0 ..r bea , o sont
Jeu! toflles · unies pour (et par) ces actes de foi posthumes: il faut
N!]àç lSô' (oô yàp .lSÀ!]v N6vvav BÉp.cç i'jEv Èpuf.a,), siJJ'l'osé s souligner le rôle prépondérant de la voix dans ces réveils mi-
<pvxi'jç otxop.Év!]Ç, p.oOvov ÈnÉcry_E liÉp.aç, d'llÎJleUT La voix est-elle perçue plus comme un attribut du souffle que
QÇ mU.,v Èypop.Évl] ic«Bapcl>-rEpov fv8Ev &:,:p8fj, rllcUleW'·. ?
' chair •
crcl>p.a-r, -rq> p.oy,:pl;, ô6E,av È<l'Ecrcrop.hl]. Je 'Ia historiettes -
na1ves sont pourtant fort éclairantes. Elles attes-
"Cette éghse
· n'ayant pas le droit de retemr . Nonn a tout. entière
, a, , ces leurs auteurs, comme 1eurs au d"1t01res, . .
mcluaient les défunts
quand son âme s'en allait gardé son corps. C ,e' tai·1 afm qu. en se 1ent que âmes dans-la communion des saints. Dans la prière pour le sa-
, .
reve11lant ' plus pure, pour reve•(tr de gloire son
elle s'envolât d'ici co~s ~t sel qui unit tous les fidèles vivants et morts, les corps gardent
corps usé par les peines". Jut1un1ver É . . "bl O 1.
·te dans l' ghse v1s1 e. n est om du corpus exanimum
Il ne faudrait. certes pas surestimer
. Je sens eschato Iogt·que
, de ces vers un ro
, stin, tota·1emen t · ' d
pnve e sens. Et surtout, ' · 1mphquent
ces rec1ts · ·
stéréotypés. Mais il est certain que Je comparatif K.a8apwupov au v. 3 dAUgu'' le mort est capabl e d' a1"der ceux qm. pnent . pour lm· et, en partici-
s'applique à la "partie" de Nonna demeurée ici-bas : c'est !'ien corps !e que t lui-même à la liturgie, de mériter les bienfaits des saints. Ainsi, à
usé de la vieille mère qui, par son séjour dans l'église (w~, afm que),
gagne en pureté. Dans l'acquisition de ces bienfaits, le peut poèm~ ne r,::e et l'autre substance est reconnue la possibilité d'oeuvrer post
précise le rôle ni des reliques qui sans doute consacraient l'autel, m de_s mortem, mais à travers le corps, pour le salut du défunt. On rejoint par
prières et de la liturgie célébrée pour les morts dans l'église - rôle qu'il là l'idée illustrée plus haut que le défunt garde sa place dans le groupe,
faut sous-entendre. Mais il évoque sans ambage que leurs bienfaits pas- surtout dans la communauté spirituelle.
sent par le corps, marquent le corps de Nonna.
, Une telle conception - même latente, informulée - du rôle des
Plusieurs récits de Grégoire de Tours décrivent eux clairement les
corps des défunts - le plus souvent des prêtres ou des moines - prenant cgms apparaît comme Je fondement de la quête fervente des sépultures
une part active aux célébrations liturgiques dans l'église où ils-sont in- ad -,sçmctos, puis pius tard in loco sancto : j'y reviendrai plus Join. Mais
humés. Ainsi un jeune frère du monastère Saint-Maurice d'Augaune elle .i11duit aussi une hiérarchisation des corps parallèlement à celles des
"fait entendre sa voix parmi le choeur des moines" (Glor. Mart. 75, cité - ~es. Les corps des saints et des justes, des grands criminels ou des
supra p. 144). Deux prêtres ensevelis en deux points opposés de l'église simples pécheurs sont décrits dans les récits hagiographiques portant
de Bouillac, en Bordelais, soutiennent )es deux choeurs de chantres qui d~s marques spécifiques. J'ai rappelé à la fin du chapitre V les corps in-
se _répondent (Glor. ~o~f 46). A Saint-Martin de Tours, un prêtre de-
dig~es, miraculeusement rejetés par les saints du lieu consacré où ils
pms son tombeau situe au chevet de l'église, prononce pendant la
messe l'oraison "Délivrez-nous du mal" (Vitae Parr. XVI 2) E f" d r· ~yaient été indûment inhumés, et punis exactement à la mesure des pé-
d'l · h · , - n m es 1- c~és de leur vivant (p. 162 sq.). Là encore ces petites histoires schéma-
e es m umés Autun près de la basilique Saint-Étienne se rassem-
blent dans le cimetière en dehors des ff tique~, destinées à l'édification des esprits simples, traduisent en fait
Dieu (Glor. Canif. 72) o'e t 1 .
· · ·
°tees, pour rendre grâces à
e s m1Tac1es ne sont po "bl • unf ~onc~ption très élaborée: Les cadavres hideux ou radieux ne sont
mérites personnels et à la sainteté d , ss1 .es que grace aux
calisation de Jeurs tombes . e ces defunts; mais c'est bien la lo- ~as une simple figure de style destinée à dépeindre les âmes dans
qm 1eur permet de participer aux offices. 1 at~ente du Jugement ; ils ont été physiquement, matériellement mo-
rd
~eles d~rant la vie par l'esprit qui les animait et dont ils ga en~
empreinte (vestigia) C'est cette empreinte de l'âme sur leur éorps qm
rend i nsupportable aux ' saints l'inhumatipn des grands pecheurs
, d ans l es
1
il
"ANIMAE VESTIG!A "
218 CONCLUSION 219
terne et sa fraîcheur n'avait pas disparu" (Deut ) Le .
éd!fices qui leur sont consacrés : d'où le "nettoyage" qu'ils opèrent eux- cette beaut é 1mmua
· bl e est 1a marque de Dieu· 34• 7. • miracle de
;e?1es, dès la prem!ère nuit, à l'encontre des indignes (cf. 164-165); t . , 1e signe que, comme
Jeurs âmes, les corps sont déjà sauvés. Les odeurs suaves1s q . ,
,ou surtout le tn assuré par les autorités ecclésiastiques avant · d . m emanent
des samts ca avres sont un autre signe de leur chair imputrescibl dé'à
d accorder une sépulture ad sanctum (voir p. 87 et 164). immortelle comme à la résurrection. e, J
Beauté, vigueur ou suavité des cadavres des saints, charognes
puantes des pécheurs, l'hagiographie contribue à établir une hiérarchie De tels récits de mir~cles, surtout ceux où les corps de pécheurs
des corps selon les mérites acquis par l'homme dans sa vie. Les récits de sont rejetés hors de la proximité des reliques, illustrent la croyance que
leur mort dans les Vies de saints évoquent tous la beauté rayonnante de le corps même exanimum garde en lui la marque physique des vertus et
leur cadavre : topos obligé, certes, mais de signification complexe. Je des vices de l'homme dans sa vie, qu'il a été modelé par l'âme en sorte
prendrai un seul exemple, la mort d'Honorat décrite par Hilaire qu'il conserve en lui son empreinte quand, par la mort, elle l'a quitté.
d'Arles 17 : Cette conception du corps, qui fonderait l'efficacité de l'aide des saints
au 1défunt dans l'inhumation ad sanctos, n'est évidemment jamais expli-
"Relù14uitur vegetatum semper spiritu, plenum gratiae corpus exa- citée. Elle transparaît pourtant dans une épitaphe romaine que Ch.
nime ; integmm siquidem vu/tus decorem facies omnibus grata ser- Pietri m'a providentiellement signalée : il s'agit d'une épigramme
vabat ' . conservée dans deux sylloge (ICUR VII, 18944 ). Ferrua, après De Rossi,
"Ayant toujours vécu de la vie de l'esprit, son corps une fois mort l'attribue au cimetière de Cyriaque 19.
demeure plein de grâce ; car son visage que tous avaient plaisir à
Qui studium tumulis rimati funera fertis
contempler conservait intacte la beauté de ses traits."
istic nasse prius busta verenda sat est:
Quelques lignes plus haut, Hilaire décrivait la mort tranquille, linquunt namque suis animae vestigia membris
l'agonie sans drame de l'évêque. La beauté du corps et surtout des traits et miscent meritum corpora mensque suum.
du visage reflète le calme d'un trépas que n'a rendu douloureux ni la 5 hic iacet a teneris Christo quae creverat annis,
peur de la mort ni la lutte contre les attaques du diable : '11 s'en alla en cui fuit in mundo nescia vita mori;
dormant sans aucune des luttes habituelles aux derniers moments", ac- hanc dum corporei premeret vicinia leti
cueilli par le choeur des anges (Ibid., 34, 1). Mais la grâce de son corps sponsa diu nubit per sacra vela deo.
vient de plus loin, de la beauté de son âme qui durant sa vie a façonné
ses traits. Cette conservation miraculeuse d'une jeunesse qui échappe
au temps est un topos que l'on retrouve dans la Vie d'Antoine (93, 1-2):
le vieil ascète garde un corps intact malgré son grand âge et les priva-
tions qu'il s'impose, et Athanase énumère que restent intacts ses 18. Sur l'odor suavitatis qui émane des restes saints, voir supra, p. 163 et n. 76. Les
membres, ses yeux, ses dents, sa force ... C'est une réminiscence biblique exemples de ce signe olfactif de sainteté sont innombrables (Grégoire de Tours, G/or.
Conf 83 : à l'ouverture du sarcophage du saint évêque Valerius, "odor suavitatis Jlagra-
de Moïse qui mourut âgé de cent vingt ans : "son oeil n'était pas devenu
bat a tumulo ').
19. Pàrce qu'on y a retrouvé sur dalles de marbre les épitaphes de plusieurs autres
vierges (Ibid., 17856 Hypatia et 18044 Simplicia) inhumées au début du v< siècle,
d'après De Rossi. Mais à vrai dire. d'autres cimetières romains ont aussi abrité des
17. Vito Honorati, SC. 235, éd. M.D. Valentin, 1977, § 34, 3, p. 162-163. tombes de vierges ...

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