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La Responsabilite Du Transporteur Maritime de Marchandise en Droit Tunisien
La Responsabilite Du Transporteur Maritime de Marchandise en Droit Tunisien
PREMIERE PARTIE :
Le principe de responsabilité du transporteur maritime de marchandises
Chapitre 1 :
Le fondement de règles de la responsabilité du transporteur maritime de
marchandises
Chapitre 2 :
la durée de responsabilité du transporteur maritime de marchandises
DEUXIEME PARTIE :
L’étendue du principe de la responsabilité du transporteur maritime de
marchandises
Chapitre 1 :
La présomption de responsabilité du transporteur maritime de marchandises
Chapitre 2 :
La limitation de responsabilité du transporteur maritime de marchandises
1
Abstract
The responsibility of the maritime merchandise transporter evolved substantially over the
years to his advantage. From the three exoneration causes of the Code of obligations and from
contracts, we’ve evolved, in a first stage, to seven causes in the beylical decree of April 16 1942 and
to 10 causes in a later stage in the Code of Maritime Commerce of April 24 1962.
In order to explain this evolution, the people who drafted the Code of Maritime Commerce
always stressed the importance of aligning the intern law with the international law.
For this reason, Tunisia has adhered to the Hambourg Convention of March 31 1978, a
convention governing the maritime merchandise transport worldwide.
The Hambourg convention has added new aspects to previous texts governing the maritime
merchandise transport, but it did not change things radically. The Hambourg Convention did not
switch back to common law when addressing the issue of responsability in maritime transport,
which grants exoneration in the case of an unforeseeable circumstance. In fact, the Hambourg
convention states (in article 5) that the transporter should prove that « he undertook all reasonable
measures in order to avoid an unfortunate event and its consequences ».
Furthermore, the Hambourg Convention did not adopt the concept of « a whole damage
reparation ». It adopted the concept of « Limited reparation », despite the fact that it was widely
expected that developing countries would have been successful in imposing the concept of « full and
total reparation ». Nevertheless, the lump sum amounts of money retained by the convention are
important and could be revised.
In this regard, the Code of Commerce should also be modified, mainly when dealing with the
validity of certain clauses limiting the responsability of a maritime merchandise transporter. The
legislator mitigates this validity by imposing important amounts of money for reparation. The code
of commerce proposes a satisfactory solution for the principle of responsibility and the strict
exoneration clauses needed in order to discharge the transporter.
2
Introduction
3
La Tunisie est africaine, mais elle s’ouvre largement sur le bassin méditerranéen qui a été
depuis les temps les plus immémoriaux, l’une des plus grandes voies de navigation et l’un des
creusets de civilisation qui a le plus marqué de son empreinte l’histoire du monde. La Tunisie est en
plein centre de cette voie de navigation avec ses côtes de 1400 km, ses baies abritées au débouché
des routes terrestres du Maghreb, ses îles, son fret exportable, et par dessus tout, sa position centrale
en Méditerranée devaient lui permettre de porter son destin sur la mer en toute confiance.
Ces considérations expliquent que l’histoire de la Tunisie a toujours été liée à la mer, ce qui a
permis de tout temps un transfert important de cultures et de technologies entre les divers grands
peuples de ce bassin :
Avec les conquêtes musulmanes et notamment celle de « Hassen Ibn Noôman » qui fût l’un
des conquérants installa à Tunis un arsenal militaire et maritime qui veillait à assurer la
souveraineté sur les côtes Tunisiennes de la Méditerranée.
Avec l’éviction des Aghlabites par les Fatimides, ceux-ci se lancèrent à la conquête du monde
méditerranéen en partant de Mahdia qui fût construite par eux en 921 Ap. J.C et qui détrôna
Kairouan non seulement parce qu’elle échappait au sceau sunnite, mais aussi en raison de sa
situation côtière importante et sa puissante flotte qui a permis de tenter des expéditions le long des
côtes Italiennes, en Sardaigne, en Corse, les Baléares, la Sicile et les îles de malte...
4
peut pas manquer de laisser ses empreintes sur les instruments juridiques utilisés dans les transports
maritimes, d’autant que les opérations de transport sont assez souvent source de dommages quant
aux marchandises transportées et par conséquent un régime juridique de responsabilité lui est
applicable, c’est à ce sujet qu’on va s’intéresser « La responsabilité du transporteur maritime de
marchandises en Droit Tunisien » ce sujet qui a connu en droit une nette évolution en faveur de ce
dernier.
Pour expliquer cette évolution, la nécessité de la retracer serait évidente, pour ensuite
examiner en une 1ère partie « Le principe de la responsabilité du transporteur maritime de
marchandises » et en 2ème partie « l’étendue du principe de la responsabilité du transporteur
maritime de marchandises».
5
2) L’ordre juridique Tunisien
Les dispositions du code des obligations et des contrats (1906) en matière de transport
maritime, nous montrent à quel point cette allégation peut être considérée comme juste (section I).
Mais avec le temps les Français vont imposer leur conception du droit commercial. C’est ainsi que
fut mise en application en Tunisie la loi française du 2 avril 1936 par le Décret Beylical du 16 avril
1942 (Section II).
Ce texte homogène et harmonieux qui peut égaler avec les meilleurs textes de droit moderne,
soumet le contrat des transports maritimes aux mêmes règles que celles, applicables au droit des
transports terrestres. Aussi le code de obligations et des contrats de 1906, définit le contrat de
transport comme étant « le contrat par lequel une personne se charge d’accomplir à titre habituel ou
non, le transport » (art. 888 et 890). Dans ce genre de contrat, le transporteur répond de la perte et
des avaries des objets qui lui sont confiés (art. 903).
Ces règles sont d’ordre public (art. 563). Ces règles ne semblent pas exclure l’application du
principe de la liberté contractuelle, (article 242 du coc) mais dans les limites autorisées par la loi car
les conventions doivent être « valablement formées, et doivent être exécutées de « Bonne Foi » et
conformément aux usages, à l’équité et aux suites attendues de la personne obligée d’après la nature
du contrat » Art 155 coc.
Les rédacteurs du code des obligations et des contrats ont maintenu une position stricte et
hostile à tout ce qui concernait les clauses d’exonération de responsabilité basée sur la réalisation
d’un aléa ou d’un risque. C’est toujours la règle d’équilibre entre les prestations dans un contrat, qui
prédomine. Or, l’aléa déséquilibre l’harmonie contractuelle parce qu’il favorise une des parties au
cas où le risque se réaliserait. En effet, la personne chargée de l’obligation de transport, ne saurait
profiter d’une rétribution et en même temps stipuler qu’elle ne serait pas responsable des dommages
qui résultent de la non exécution ou de l’exécution partielle de son obligation : « Celui qui a les
avantages doit avoir les charges et les risques » (art 554).
6
C’est là l’expression heureuse d’une règle d’ordre public qui interdit le gain injustifié (cas de
l’usure par exemple) ou mal justifié. La prohibition du contrat aléatoire en droit musulman est
fondée sur l’immoralité du gain que ne justifie pas le travail.
Quand à la doctrine occidentale et notamment la doctrine Française de l’époque elle a
influencé la rédaction de ce code.
Les thèses françaises qui ont pu influencer la solution adoptée par le code des obligations et
des contrats découleraient d’une certaine interprétation du régime légal du code de commerce
français et de l’interdiction des clauses d’exonération de responsabilité proclamée par une partie de
la doctrine.
Selon ces thèses, le transporteur est responsable des dommages survenus à la marchandise ou
à la faute du chargeur. Dans ce système les clauses d’exonération de responsabilité sont considérées
comme contraires à l’ordre public. Cette manière de voir, a été très vigoureusement soutenue par
Desjardin, cet auteurs répondait notamment aux objections qui consistaient à dire que la liberté de
contracter une assurance permettait de se garantir contre les dommages que pourrait entraîner une
clause d’exonération de responsabilité.
C’est ce genre de doctrine Française de l’époque qui a certainement influencé la rédaction de ce
code alors même que cette doctrine était partagée pour ne pas dire contestée par les adeptes de la
doctrine autonomiste.
C’est une réplique exacte de la loi Française du 2 Avril 1936 qui a instauré quelques principes
de responsabilité.
En effet les articles 5 et 9 du décret du 16 Avril 1942 interdisent les clauses qui limitent ou
suppriment la responsabilité du transporteur de marchandises. Les règles d’ordre public établies par
ce décret sont considérées comme un minimum de protection accordée au chargeur et au destinataire
de la marchandise. Ce principe reçoit néanmoins quelques exceptions, dont le transport des animaux
vivants qui est exclu du champ d’application du décret.
D’après le décret de 1942, le transporteur est responsable de plein droit des accidents survenus
au cours du transport depuis leur prise en charge de sous palan du navire au port de départ, à sous
palan au port de déchargement.
Cependant il peut prouver que les dommages proviennent d’une des clauses d’exonération
énumérées par l’article 4 (cas exceptés), ce qui le soustrait alors du payement des dommages et
intérêts.
7
Par ailleurs, si sa responsabilité est retenue, le transporteur ne sera redevable des indemnités
qu’a concurrence d’une limite légale de responsabilité qui est égale à 8000 francs par colis ou unité,
sauf si le chargeur a fait une déclaration de valeur avant l’embarquement des marchandises.
Le décret de 1942 ne s’est pas prononcé à propos de la suppression de la limitation de la
responsabilité du transporteur en cas de faute lourde ou de son dol.
Par ailleurs, l’action en responsabilité est prescrite par un délai d’un an qui court à partir de la
livraison effective de la marchandise ou en cas de perte totale, au jour prévu de la livraison.
Avec l’indépendance, un ordre juridique autonome s’est instauré en Tunisie par étapes et la
Tunisie a commencé à faire un projet de code de commerce maritime depuis 1957 mais le code a été
promulgué en 1962. Ceci dénote bien l’hésitation des autorités tunisiennes à adopter un droit
maritime directement copié sur les institutions Françaises.
Effectivement le projet de base du code de commerce maritime tunisien est l’avant - projet de
la commission de réforme du code de commerce Français de 1955 qui a été repris par une
commission tunisienne constituée au début de l’année 1956 pour rédiger un code maritime. Mais,
l’hésitation du législateur tunisien à adopter le code de commerce était justifiée car jusqu’à 1976 le
transport de fret était inférieur à 6% du total des marchandises importées ou exportées par la Tunisie
alors qu’on voulait admettre un droit large au transporteur c’est pour cette raison aussi que la
Tunisie voulait encourager des capitaux et des techniciens Français à la création d’une flotte
Tunisienne qui a fait l’objet d’une convention internationale du 28 décembre 1955 qui a été
immédiatement entrée en vigueur.
D’après cette convention, seuls les navires tunisiens et français pouvaient assurer un trafic
entre la France et la Tunisie, par ailleurs le gouvernement français a coopéré à la création de filiales
Tunisienne. Cet engagement n’a pas été suivi de réalisations pratiques. Les armateurs français et
8
notamment marseillais avaient obtenu un monopole sur les lignes Tunisie- France et aucune raison
ne les incitait plus à avoir des filiales à participation Tunisienne.
Le code de commerce maritime sera finalement adopté en 1962 en vue « de mettre la
compagnie Tunisienne de navigation dans une position d’égalité par rapport aux navires des autres
pavillons »(1).
(1)
André Bokobza « le code de commerce maritime Tunisien DMF 1962, P 760 »
9
Première Partie :
Le principe de la responsabilité
du transporteur maritime
de marchandises
10
La responsabilité du transporteur maritime telle qu’elle ressort du code de commerce maritime
est fortement inspirée de la convention de Bruxelles de 1924 dont elle reprend les dispositions dans
leur esprit plus que dans leur lettre.
Donc pour traiter le principe de responsabilité il serait nécessaire d’étudier son fondement
(chapitre 1) pour passer ensuite à la durée de responsabilité du transporteur maritime de
marchandises (chapitre 2).
Lorsque le chargeur prouve avoir subi un dommage, qui s’est produit entre la prise en charge
de la marchandise par le transporteur et sa livraison au destinataire, le transporteur est déclaré
responsable de ce dommage. Le chargeur n’est pas tenu de prouver le comportement fautif du
transporteur qui est présumé par la seule survenance du dommage. L’obligation qui pèse sur le
transporteur est en effet une obligation de résultat, et le débiteur de cette obligation est responsable
dès que le résultat promis n’est pas atteint, c’est à dire lorsque le transporteur prend un engagement,
celui de transporter une marchandise à un lieu déterminé en bon état. Son obligation ne sera
exécutée que s’il accomplit cette opération de façon satisfaisante.
Ainsi la responsabilité du transporteur est fondée sur une présomption selon laquelle, la
marchandise n’ayant pas été délivrée au destinataire telle qu’elle est décrite au connaissement, il est
l’auteur du dommage dont elle est atteinte.
Cependant, si le principe est simple, la question demeure délicate de déterminer la nature de la
présomption qui pèse sur le transporteur maritime.
11
A cet égard, la lecture des textes du code de code de commerce maritime et de la convention
de Hambourg révèle une divergence de vues : alors que la convention de Hambourg opte
expressément pour la présomption de faute, le code de commerce maritime semble moins nettement
adopter un cas de responsabilité objective.
A ce titre, les conditions de mise en oeuvre des dispositions de compromis, doivent être
strictement réglementées car la volonté du législateur et les rédacteurs de la convention est de
protéger le chargeur, partie faible du contrat de transport maritime, contre l’arbitraire du
transporteur.
Comme vous l’avons soulevé, la convention de Hambourg révèle une divergence avec le code
de commerce maritime, alors que la convention opte pour la présomption de faute, le code de
commerce maritime semble adopter un cas de responsabilité objective.
La convention de Hambourg, dite aussi « les règles de Hambourg » a été préparée dans le
cadre des nations Unies sous l’impulsion des pays en voie de développement qui considéraient que
leurs intérêts n’avaient pas été pris en compte lors de la rédaction de la convention de Bruxelles de
1924 et celles des règles de 1968.
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Le projet de l’U.N.C.T.A.D est devenu la convention des Nations-Unies relative au transport
des marchandises par mer de 1978, appelée « Les Règles de Hambourg ».
La Tunisie a ratifié la convention de Hambourg de 1978 le 28 mai 1980, par une loi n° 80-33
qui a été publiée au journal officiel Tunisien n° 6 du 3 février 1981.
La Tunisie a été ainsi parmi les quatres premiers pays à avoir signé cette convention
(l’Ouganda en 1979, La Tanzanie en 1979 et l’Égypte en 1979).
(2)
C’est dans le même sens qu’on peut placer la convention de Varsoire du 12 octobre 1929 dont l’article 20 prévoit que
« Le transporteur n’est pas responsable s’il prouve que lui et ses préposés ont pris toutes les mesures nécessaires pour
éviter le dommage ou qu’il leur était impossible de les prendre ». Ceci est d’ailleurs contraire à la position prise par la
loi du 19 Juin 1959 relative à la navigation interne dont l’art 105 prévoit que « le transporteur est responsable de la perte
ou de l’avarie des marchandise transportées hors les cas de force majeure ou de vice propre à la marchandise ».
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maritime et assurerait une protection plus efficace des chargeurs. Mais la convention de Hambourg
s’avèrent être une régression par rapport à la convention de Bruxelles et au code de commerce
maritime spécialement quant au fondement de la limitation de responsabilité du transporteur et au
mode de calcul du plafond de réparation.
A la différence des pays qui ont ratifié la convention de Bruxelles, la Tunisie a adopté dans
l’article 147 du code de commerce, une méthode simple, souple et stable puisque la réparation est
limité à une somme forfaitaire fixée et modifiable par simple décret. C’est ainsi que le décret n° 216
- 1990 du 20/01/90 publié au JORT N° 8 du 02/02/90 p 155, a rehaussé le montant de ce plafond à
400 dinars par colis ou unité de fret au lieu de 100 dinars et on peut demain, en faire autant si l’on
estime nécessaire car ce montant est modifiable par décret.
Alors que, le système instauré par la convention de Hambourg est celle du DTS, en effet le
réceptionnaire devra à chaque fois apporter la valeur du DTS, tel que fixée par la banque centrale,
qui pour ce faire, effectue une opération de calcul en même temps : elle procède d’abord à la
reconversion du DTS en Dollars puis des dollars en dinars Tunisiens.
Quant aux autres améliorations apportées par les règles de Hambourg et concernant le délai de
prescription de l’action des réceptionnaire (2 ans au lieu d’un an), des réserves, de la faute nautique,
de la faute inexcusable cause de déchéance de la limitation des réparations au lieu de la faute
intentionnelle : ce sont des mesures que le législateur Tunisien pouvait introduire, dans le cadre
d’une révision du code de commerce maritime Tunisien.
B - Les incidences des règles de Hambourg concernant le fondement de la responsabilité
du transporteur maritime
Le code de commerce maritime Tunisien dans ses articles 144 et suivants édicte à l’encontre
du transporteur une présomption de responsabilité à partir de l’appréhension des marchandises par le
capitaine ou des agents du transporteur et jusqu’à leur délivrance au destinataire. Et s’il veut s’en
exonérer le transporteur doit prouver l’existence de l’un des neufs cas d’exonération énumérés par
l’article 145.
L’application de ces articles a donné lieu à la condamnation quasi - systématique du
transporteur en tant que tel ou du transporteur en tant que responsable des fautes de ses préposés
surtout si l’on sait que l’acconier est réputé agir pour le compte du transporteur à moins que ce
dernier ne prouve qu’une clause contractuelle en a fait un préposé du réceptionnaire.
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Engager la responsabilité du transporteur, est une tâche facile pour le réceptionnaire, car
lorsqu’on passe en revue la jurisprudence tunisienne, on s’aperçoit que les cas d’exonération ont
rarement profité au transporteur : Le cas de l’incendie illustre d’ailleurs la difficulté pour le
transporteur de se dégager de la présomption de responsabilité qui pèse sur lui.
Le régime de responsabilité - tel qu’établi par les Règles de Hambourg - est un non sens
juridique, car dans un régime de responsabilité fondée sur la faute, l’énumération de deux on trois
cas d’exonération est un non-sens parce qu’il est évident que lorsque les pertes sont engendrées par
un incendie non provoqué par le transporteur ou par des mesures prises pour sauver des vies
humaines ou des biens, c’est qu’il n’a pas commis de faute mais bien au contraire, qu’il a manifesté
toute sa diligence ».
Les règles de Hambourg font comme si le transporteur ne peut s’exonérer pour les pertes que
dans ces cas (incendie, mesures prises pour sauver des biens ou des vies humaines).
Alors qu’un régime de responsabilité subjective, basé sur la faute, entraîne ipso facto la non
responsabilité du transporteur lorsqu’il est prouvé qu’il n’a pas commis de faute ou lorsqu’il n’a pas
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pu l’éviter à cause d’un cas de force majeure, d’un fait fortuit ou de la faute d’un tiers ne se trouvent
pas sous sa responsabilité.(3)
Lorsque des tribunaux appartenants à des pays différents sont appelés à trancher un litige, ils
risquent parfois de donner des solutions divergentes qui correspondent pour chaque juge, à
l’évolution et aux nécessités de la société à laquelle il appartient. En effet, dans leur interprétation de
la loi, les juges ont « souvent tendance à fonder leurs appréciations et jugements par référence à une
certaine notion d’utilité et d’efficacité de leurs décisions, qui est nécessairement inspirée des réalités
sociales et de l’éthique propre à chaque juge » (4) .
Donc dans ce cas, la loi d’un pays désigne souvent le juge du For comme juridiction
compétente en vue d’assurer le plus possible de chances d’application à la loi nationale lorsqu’elle
est intéressée par le conflit.(5)
C’est la position qu’a adaptée le législateur en matière de conflits portant sur la responsabilité
du transporteur maritime.
Pour se prémunir contre cette situation, les transporteurs prévoient en général dans leurs
connaissements des clauses conventionnelles de désignation du tribunal ou de l’arbitre compétent
pour juger les litiges qui naissent de l’exécution du contrat.
(3)
Mohamed Habib Aouida « les règles de Hambourg et leurs incidences sur le droit positif Tunisien « Reuve de Droit,
Français, commercial, maritime et fiscal» 1992, P 151 ».
(4)
Othomane Ben Fadhel l’évolution des règles de la responsabilité en droit maritime Tunisien thèse de Doctrat, Aix -
Marseille 1980. p 325.
(5)
La compétence internationale des tribunaux peut être au service de la loi applicable. comme l’affirme d’ailleurs M.
Hachem en disant à propos de l’article 161 C.C. qu’il « conduit à résoudre un problème de conflit de lois par les règles
de conflit de juridictions, puisqu’il suffit que les tribunaux tunisiens soient compétents pour que les dispositions d’ordre
public du C.C.M s’appliquent » Revue Tunisienne de Droit 1985, I p, 228.
16
Pour la détermination de la juridiction compétente en matière de contrats internationaux de
transport maritime de marchandises, l’article 162 du code de commerce maritime renvoi aux règles
de compétence établies par le code de procédure civile et commerciale en matière Internationale.
Mais tel n’est pas le cas de la convention de Hambourg qui a déterminé elle même les règles de
compétences juridictionnelle internationale.
La convention de Hambourg ayant été ratifiée par la Tunisie ses dispositions s’appliquent aux
contrat maritime de transport International à partir du 1er novembre 1992, date ou elle est entrée en
vigueur.
Le caractère International d’un litige ne résulte pas uniquement du fait que l’un des plaideurs
est étranger. Même si le litige oppose un demandeur et un défendeur tunisien, il peut être
International en raison de l’objet du litige et se sont les tribunaux tunisiens qui sont compétents, les
tribunaux tunisiens sont également compétents les tribunaux tunisiens son également compétents
lorsque le demandeur et le défendeur sont étrangers résidents en Tunisie.
La compétence des tribunaux tunisiens s’étend également aux « actions dirigées contre le
tunisien résidant à l’étranger » par application de l’article 2 paragraphe 2 du code de procédure
civile et commerciale. La compétence est ici retenue en raison de la qualité de tunisien du
défendeur.
Le fait qu’un tunisien réside à l’étranger ne le soustrait pas à la compétence des tribunaux de
son pays, lorsqu’il est assigné devant eux par un demandeur tunisien ou étranger. Il en découle que
si un transporteur tunisien a sa résidence effective à l’étranger, il pourra toujours être assigné devant
les tribunaux tunisiens par un chargeur avec qui il a contracté, sans que la nationalité de ce dernier
soit prise en considération.
a) le défendeur étranger accepte d’être jugé par les juridictions Tunisiennes. Cette acceptation
peut résulter d’une clause attributive de compétence insérée dans le connaissement.
b) le défendeur étranger a un domicile élu en Tunisie ou y a un représentant.
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c) L’action en justice est relative à un accident survenu en Tunisie, ou a un contrat conclu,
exécuté ou devant être exécuté en Tunisie (6) .
Le contrat par application de l’article 163 du code de commerce maritime sera réputé avoir été
conclu en Tunisie ou si la marchandise a subi un dommage en Tunisie pendant son arrimage, son
chargement ou son déchargement.
d) Lorsque les tribunaux du pays dont le transporteur étranger est ressortissant se déclarent
compétents par une action dirigée contre un transporteur tunisien, les tribunaux tunisiens peuvent se
déclarer compétents à l’égard de cet étranger à titre de réciprocité.
* La convention de Hambourg
D’après l’article 21 paragraphe 1 de la convention de Hambourg, celle-ci offre au chargeur le
choix entre le tribunal du pays désigné par le contrat de transport et l’une des juridictions des pays
suivants :
- Le lieu où le contrat à été conclu, à condition que le défendeur y ait un établissement, une
succursale ou une agence par l’intermédiaire duquel le contrat a été conclu.
(6)
Cass. civ n° 15820, 8 juin 1987 B 87, p 45 Navire « Jerba ».
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Lorsqu’en application des règles de compétence Internationale, il a été reconnu que la
compétence générale appartient à une juridiction tunisienne, il reste alors à déterminer la juridiction
interne effectivement compétente qui posent parfois certaines difficultés d’où le recours au droit
commun pour résoudre ces difficultés, c’est la même solution que recommande la convention de
Hambourg en effet, l’article 21 paragraphe premier de cette convention dispose que dans les litiges
soumis à l’application de la convention, le chargeur peut saisir « un tribunal qui est compétent au
regard de la loi de l’État dans lequel ce tribunal est situé...».
Selon l’article 30 du code de procédure civile et commerciale, « le défendeur, qu’il soit
personne physique ou morale, doit être actionné devant le tribunal du lieu de son domicile réel ou
élu ».
Le législateur Tunisien a voulu donner au droit maritime une contexture appropriée. Jusque là,
les textes juridiques relatifs au domaine maritime s’étaient limités notamment au décret du 16
novembre 1942. Le régime particulier de responsabilité du transporteur maritime de marchandises
déterminée par ce décret sera légèrement modifié par le code de commerce maritime qui lui
apportera de nouvelles restrictions.
Pour mieux les analyser il faudrait étudier l’étendue de la responsabilité en paragraphe 1er et
le fondement des dispositions du code de commerce maritime en paragraphe 2.
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§ 1 : L’étendue de la responsabilité du code de commerce maritime
Le code de commerce maritime institue au même titre que le décret Beylical de 1942, une
présomption de responsabilité du transporteur maritime lorsque la marchandise transportée est
perdue ou avariée, mais ouvre plus largement les possibilités d’exonération ; d’une part, il reconnaît
un effet exonératoire au cas fortuit ou de force majeure, au vice caché du navire, à la grève au Lock-
out, au vice propre de la marchandise, au défaut d’emballage et de marque, à l’assistance et au
sauvetage maritime, et à la déclaration inexacte de nature et de valeur de la marchandise. Enfin, il
ajoute au titre des causes d’exonération l’incendie et le déroutement justifié du navire effectué après
avis des officiers ou des principaux. Chaque fois que le transporteur maritime prouve que le
dommage est dû à l’une de ces circonstances, il est exonéré de sa responsabilité vis-à-vis de l’ayant
droit à la marchandise.
Néanmoins lors de l’adhésion de la Tunisie à la convention de Hambourg certain cas étaient
maintenus par la convention et qui étaient en conformité avec le code de commerce maritime (A) et
d’autre cas ont été abandonnés par la convention de Hambourg mais existent toujours dans le code
de commerce maritime (B).
A) Les cas exceptés qui sont maintenus par le code de commerce maritime et la
convention de Hambourg :
« Les cas exceptés ont fait naufrage dans la tempête des travaux préparatoires de la convention
des Nations Unies sur le transport des marchandises par mer »(7) . Parmi les cas exceptés disparus,
deux font surface dans les Règles de Hambourg et qui existent aussi dans l’article 145 du code de
commerce maritime à savoir
- L’incendie,
- Le sauvetage.
1) L’incendie :
Les règles de Hambourg disposent : Le transporteur est responsable « i) des pertes ou
dommages aux marchandises ou du retard à la livraison, causés par l’incendie, si le demandeur
prouve que l’incendie résulte d’une faute ou d’une négligence du transporteur, de ses préposés ou
mandataires » de même pour le code de commerce maritime dans son article 145 précise que « le
transporteur est garant de toutes pertes, avaries ou de tous dommages subis par les marchandises
pour lesquelles il n’aurait pas exercé une diligence raisonnable, à moins qu’il ne prouve que ces
(7)
Mohamed Habib Aouida « les règles de Hambourg et leurs incidences sur le droit positif Tunisien » Revue de Droit
Français, commercial, maritime et fiscal, 1992 p 152.
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pertes, avaries ou dommages proviennent : - de l’incendie ... » Quelque soit le système applicable,
lorsque l’incendie a causé le dommage, le transporteur ne sera responsable que si cet incendie
résulte de sa faute ; faute que devra démontrer le réclamant cela est particulièrement important, car
l’incendie est le plus souvent, d’origine inconnue et la preuve en la matière est particulièrement
difficile à apporter.
B) Les cas exceptés qui ont disparu dans les règles de Hambourg et qui sont toujours
maintenus dans le code de commerce maritime
.
La liste des cas exceptés de la loi française, bien que reprise dans la convention de Bruxelles,
n’est pas identique mais recouvre les mêmes causes, on peut les classer en quatre catégories :
- ceux qui ont une cause extérieure au navire et à la cargaison,
(8)
Les « réformes apportées par les règles de Hambourg aux exonérations de responsabilité et limutations de réparation
du transporteur maritime» Jaques Bonnaud Revue de Droit Français commercial, maritime et fiscal 1992, p 127
21
- ceux qui ont leur cause dans le navire,
- ceux qui ont leur cause dans la cargaison,
- et enfin la faute nautique.
La loi de 1966, la convention de 1924 ainsi que l’article 145 CCM précisent ces événements :
« périls, dangers ou accidents de la mer, ou d’autres eaux navigables », « acte de Dieu » « fait de
guerre », « fait d’ennemis publics », « fait constituant cas fortuit ou de force majeure », « grève ou
lock-out » « ou arrêt ou entraves apportés au travail pour quelque cause que ce soit, partiellement ou
complètement » tous ces cas ont disparu dans les Règles de Hambourg mais ont été maintenus dans
le code de commerce maritime.
L’article 145 CCM précise que le transporteur est responsable « des fait, négligence ou fautes
du capitaine, des marins, du pilote ou de ses propres préposés, dans la navigation ou le maniement
du navire ».
La convention de Hambourg n’en parle pas directement mais elle précise dans l’article 5-1 que
« le transporteur est responsable à moins qu’il ne prouve avoir pris toutes les mesures qui pouvaient
être raisonnablement exigées pour éviter l’événement et ses conséquences ».
4) La faute nautique
Définie par la convention de Bruxelles de 1924 comme : les actes, négligence ou défaut du
capitaine, marin, pilote, ou des préposés du transporteur, dans la navigation ou dans l’administration
du navire.
Ce cas excepté a été longuement débattue et notamment remis en cause lors de la tenue de la
conférence de Hambourg.
Les défenseurs des Règles de Hambourg font remarquer que cette exonération était mal
exploitée et elle est diversement appréciée selon les pays et était mal exploitée et dissimulée par
crainte d’être passible du tribunal commercial maritime.
Citons à titre d’exemple l’affaire du navire Aude, où il a été jugé que la faute de manutention
dans le déchargement du navire avait un caractère commercial, alors qu’elle affectait gravement la
sécurité du navire (10) .
Cet arrêt marque l’abandon du critère de sécurité dans la détermination de la frontière entre
faute nautique et faute commerciale ; le seul critère demeurant étant celui du but de l’opération
fautive.
La faute nautique est diversement appréciée selon les pays et même à l’intérieur d’un même
pays.
L’américain Bar Association a réclamé sa suppression. Tout cela a permis de dire à certains
que la bataille pour conserver la faute nautique était déjà perdue avec ou sans les Règles de
Hambourg.
(9)
navire Ogur-Islanoghu DMF 1991 528 Reve Scapel 1990 Page 25 « la défaillance du système de barre n’est pas une
faute nautique ».
(10)
Arrêt de la cour de cassation 26/02/91 Navire Aude DMF 1991 page 358.
23
Il est regrettable que la faute nautique ait été sacrifiée parce que les règles de Hambourg n’ont
pas été élaborées par des praticiens mais selon le doyen Rodière, « par des rédacteurs inspirés moins
encore par le souci de favoriser les chargeurs que par la haine des armateurs »(11)
Les rédacteurs du code de commerce maritime ont justifié les dispositions de ce code
conformes aux dispositions de la convention de Bruxelles de 1924 par l’unité nécessaire du droit
International et la nécessité d’aligner le droit interne sur ce droit international.
Sans nier l’importance de cet argument, nous ne pensons pas qu’il soit décisif, parce que la
convention de Bruxelles qui a inspiré profondément le droit tunisien est l’oeuvre des puissances
maritimes soucieuses avant tout de protéger leurs flottes. Selon M. BEN FADHEL, ce texte fût en
réalité imposé. En effet, dit-il « avec l’indépendance, le besoin de doter la Tunisie d’une flotte
marchande était impérieusement ressenti par les responsables du nouveau régime. Faute de moyens
Financier, ils ont essayé de réaliser cela dans le cadre de la coopération technique tuniso-française.
Dans ce but, un accord a été discuté avec la France. Cet accord qui avait pour but d’encourager la
participation des capitaux et des techniciens Français à la création d’une flotte tunisienne a fait
l’objet d’une convention du 28 décembre 1955 immédiatement entrée en vigueur.
Parmi les exigences des armateurs français, il fallait bénéficier d’un droit tunisien favorable au
transporteur maritime. Il n’était donc pas question pour les conseillers juridiques français délégués
auprès du gouvernement tunisien de soulever les anciennes querelles qui ont toujours existé en
France entre chargeurs et armateurs (12) ».
Le code de commerce maritime sera finalement voté en 1962 en vue de mettre la compagnie
tunisienne de navigation dans une position d’égalité par rapport aux navires des autres pavillons.
(11)
René Rodière traité de droit maritime, Tome II, p 325.
(12)
Othman Ben Fadhel « l’évolution des règles de Responsabilité en droit maritime Tunisien » Thèse de doctorat Aix-
Marseille 1980, p. 98-99.
24
Il n’en demeure pas moins que même si le code de commerce maritime a été ainsi élaboré
dans le but de répondre à l’idée de l’unité nécessaire du droit international, la convention de
Bruxelles de 1924 qui constitue sa source d’inspiration était incontestablement l’oeuvre des
puissances maritimes et répondait aux besoins de ces puissances.
Ceci explique que la convention a été remise en cause par les pays en voie de développement
dans la cadre de la CNUCED et qu’en mars 1978, une nouvelle convention Internationale sur les
transports par mer, aux travaux de laquelle les pays en voie de développement ont participé, a vu le
(13)
jour, et a été ratifiée en 1980 par la Tunisie qui voulait protéger ses intérêts en tant que pays
chargeur et de ce fait bien cerner la phase du transport maritime et sa durée pour pouvoir bénéficier
des causes d’exonération.
(13)
Loi n° 80 - 33 du 28 mai 1980, JORT 1980 1er sem, p 14 - 77.
25
Chapitre II : La durée de responsabilité du transporteur maritime de
marchandises
A cet égard, la question a connu une évolution intéressante en droit Tunisien. Le décret
beylical du 16 avril 1942, à l’imitation de la loi française du 2 avril 1936, prévoyait dans son article
premier que le décret « s’applique seulement depuis la prise en charge des marchandises sous palan
jusqu’à leur remise sous palan au destinataire ». Cette disposition posait des difficultés résultant du
fait que la notion de palan était tout à la fois incertaine, insuffisante et n’assurait pas l’unité du
régime juridique qu’exigeait la marchandise transportée, la notion était tout d’abord incertaine parce
que le législateur n’a pas précisé s’il visait les palans du navire ou tout autre engin de manutention,
même s’il n’appartenait pas au navire.
La notion était ensuite insuffisante car elle ne permettait pas de déterminer la personne
responsable des marchandises tant qu’elles n’avaient pas été prises en charge sous palan, alors que
la marchandise peut rester longtemps sur le quai en attente d’embarquement.
Enfin, la notion de palan n’assurait pas l’unité du régime juridique de responsabilité auquel
doit être soumise la marchandise transportée puisque la référence à la notion de palan avait pour
résultat de fractionner le transport maritime en trois phases : une phase antérieure à la mise de la
marchandise sous palan par l’expéditeur, une phase de transport maritime, et une phase postérieure à
la remise de la marchandise sous palan par le transporteur.
Seule la deuxième phase était soumise à la réglementation maritime, les autres phases
relevaient du droit commun de la responsabilité.
La notion de palan opérait aussi un sectionnement juridique du transport maritime alors qu’un
régime unique de responsabilité était souhaitable.
26
La durée de la responsabilité du transporteur s’est considérablement étendue.
Cette situation n’a pas manqué de se traduire dans les législations internes qui se sont
inspirées de la convention de Bruxelles.
Ainsi, la loi française édictait dans son article 1 alinéa 2 que la responsabilité du transporteur
s’appliquait « seulement depuis la prise sous palan jusqu’à leur remise sous palan au destinataire ».
Or, le fait pour la loi de préciser que chargement et déchargement, s’effectuent « sous palan ,
l’a sensiblement éloignée de la convention et lui a valu les critiques de la doctrine » (15) . On a ainsi
fait remarquer l’inadaptation des textes aux méthodes nouvelles de chargement et de déchargement
et la difficulté pour certaines marchandises, à déterminer le moment exact du chargement ou du
déchargement notamment lorsqu’il s’agissait de cargaisons liquides en vrac ou de marchandises
comme les grains en vrac. Il est d’ailleurs irrecevable de dire que la manutention de telles cargaisons
s’effectue sous palan, d’autre part on a reproché à la loi d’avoir introduit en droit maritime français
le sectionnement du contrat de transport (16) .
(14)
C’est le système que retient l’article 203 CCM du droit libanais.
(15)
René Rodière Bulletin des transports 1978 P 295.
(16)
G Fraikin « le transport maritime sous connaissement à l’heure du marché commun » LGDJ paris 1966 p 174.
27
§ 2 : vers une extension de la durée de responsabilité
La convention de Hambourg précise dans son article 4 que « les marchandises sont réputées
être sous la garde du transporteur : - à partir du moment où celui-ci les prend en charge des mains.
i) du chargeur ou d’une personne agissant pour son compte ; ou ii) d’une autorité ou autre
tiers auquel les marchandises doivent être remises pour expédition, conformément aux lois et
règlements applicables au port de chargement ».
En effet, si la prise en charge s’effectue par le seul fait que le transporteur accepte la chose à
lui remise pour être transportée, c’est parce qu’il ne la reçoit pas comme propriétaire d’un hangar,
entrepôt ou terre - plein, mais pour en assurer le transport à destination.
L’article 4 de la convention de Hambourg a posé une difficulté qui concerne la précision avec
laquelle a été définie la notion de prise en charge. Le représentent de la Tunisie aux travaux de la
CNUDCI sur le projet de la convention avait souhaité que l’article 4 paragraphe 2 du projet de la
convention soit simplifié à condition de rester sur un plan général.
La question qui se pose est alors de déterminer comment s’effectue dette délivrance.
La convention de Hambourg a défini expressément la notion de livraison à l’article 4, 2°, b, en
précisant que les marchandises sont réputées sous la garde du transporteur « jusqu’au moment où il
en effectue la livraison :
i) en remettant les marchandises au destinataire ; ou
ii) dans le cas ou le destinataire ne reçoit pas les marchandises du transporteur, en les mettant à
la disposition du destinataire conformément au contrat ou aux lois ou aux usages du commerce
considéré applicables au port de déchargement ; ou
iii) en remettant les marchandises à une autorité ou autre tiers auquel elle doivent être remises
conformément aux lois et réglements applicables au port de déchargement ».
Le code de commerce maritime quant à lui, n’ayant pas défini la notion de délivrance, la cour
de cassation a recouru à une notion similaire utilisée dans le contrat de vente pour décider qu’elle
s’effectue en principe lorsque le transporteur se dessaisit de la chose transportée en mettant le
destinataire en mesure d’en prendre possession. La cour de cassation dans son arrêt n° 15 683 du 23
juillt 1990 publié dans la revue de jurisprudence et de législation de 1990, page 521 affirme en effet
« Attendu que la délivraison vise l’acte Juridique qui consiste dans la transmission de la
marchandise de la main du transporteur pour la mettre sous la main de l’ayant droit, conformément
au principe découlant de l’article 592 du code des obligations et des contrats, selon lequel la
délivrance a lieu lorsque le représentant se dessaisit de la chose vendue et met l’acquéreur en mesure
d’en prendre possession sans empêchement ».
La cour de cassation précise cependant que la livraison a lieu, non seulement lorsque le
destinataire entre matériellement en possession de la chose transportée, mais aussi dès le moment où
la marchandise a été à la disposition du destinataire « Attendu que les juges du fond auraient dû ne
pas s’arrêter à la notion de livraison matérielle, pour chercher la date à laquelle la marchandise a été
à la disposition de son ayant droit, qu’il en ait pris livraison à cette date ou non, car cette date met
fin au contrat de transport et fait courir le délai de prescription ».
29
Cette position de la cour de cassation se fonde sur la distinction classique en doctrine, entre la
livraison matérielle et l’acte juridique de délivrance, pour éviter de porter indûment atteinte aux
droits du transporteur qui se transformerait alors en gardien de la chose transportée selon le bon gré
du destinataire qui pourrait retarder arbitrairement la date effective de la remise de la chose.
A cet égard une difficulté se présente lorsque le connaissement consiste en un titre au porteur,
le transporteur dans ce cas ne connaît pas le destinataire d’où d’après l’article 638 du code de
commerce le transporteur doit en informer l’expéditeur, lui demander ses instructions et attendre
celle-ci...
Ainsi, le transporteur est responsable des dommages subis par la marchandise transportée à
partir de son appréhension jusqu’à sa délivrance au destinataire, donc la phase du sectionnement a
été dépassée au profit de l’unité juridique du contrat de transport dans les règles de Hambourg.
On remarque d’abord que sur le fond, les dispositions du code de commerce maritime et les
Règles de Hambourg de 1978 semblent assez proches. Mais si l’article 144 du CCM comporte des
dispositions relatives à la responsabilité des entreprises de manutention, rien n’est dit à ce sujet dans
la convention des Nations - Unies.
A - Le transporteur est Responsable tant que la marchandise est sous sa garde (Article
4-1 convention de Hambourg et l’Article 146 code de commerce maritime )
L’article 4-1 énonce que le transporteur est responsable durant la période « pendant laquelle
les marchandises sont sous sa garde au port de chargement, durant le transport et au port de
déchargement ». Ainsi le critère du chargement et du déchargement retenu dans la convention de
1924 et du décret Beylical de 1942 a été écarté. A la suite du principe posé dans l’article 4-1, les
règles de Hambourg prévoient à l’article 4-2 dans quelles conditions le transporteur sera considéré
30
comme ayant pris en charge les marchandises et à quel moment il sera censé avoir effectué la
livraison et donc ne plus avoir la garde de la cargaison transportée.
Il résulte donc des termes de cet article 4 des règles de Hambourg, que le transporteur est
responsable tant que la marchandise est sous sa garde, depuis la prise en charge effective ou
assimilée à celle-ci, jusqu’à la livraison effective au assimilée au destinataire. Les opérations de
mise et de reprise sous hangar ou sur terre - plein, qui sont le préalable nécessaire et la suite
indispensable du contrat de transport, s’y trouvent réintégrées. Ainsi dans le système de
responsabilité de la nouvelle convention, le transporteur échappe à toute responsabilité dès lors que
la cargaison n’est plus, ou n’est pas encore, sous son contrôle et bien que le destinataire ne l’ait pas
encore reçue, ou que le chargeur ne l’ait pas encore remise au transporteur.
L’ampleur des précisions que les auteurs de la convention des Nations -Unies ont voulu
apporter, dans l’article 4, s’explique sans doute par le souci de favoriser l’harmonisation du droit des
transports, soit en s’inspirant des autres conventions relatives aux autres branches du transport, soit
en fournissant un modèle d’inspiration pour la convention des Nations-Unies sur le transport
International multimodal. Ainsi l’on retrouve les mêmes principes quant à l’étendue de la
(18)
responsabilité du transporteur dans l’article 17 de la convention de Genève de 1956 sur le
transport International de marchandises par route (CMR) et dans l’article 18 alinéa 2 de la
convention de Varsovie de 1929 régissant les transports aériens internationaux (19) .
L‘article 4-2 des Règles de Hambourg donne une conception matérielle de la prise en charge
et de la livraison. Il faut distinguer la prise en charge et la livraison qui ont lieu d’une part,
directement entre le transporteur et son cocontractant (1), d’autre part, entre le transporteur et un
tiers au contrat (2). Puis il sera nécessaire d’étudier brièvement le sort de la marchandise avant la
prise en charge et après la livraison (3).
La prise en charge est définit comme l’opération matérielle par laquelle le transporteur reçoit
la marchandise des mains du chargeur ou de son représentant au port de chargement aux fins de
transport par mer ; et la livraison comme l’opération matérielle par laquelle le transporteur se libère
de son obligation de délivrance en remettant la marchandise au destinataire ou à son représentant au
port de destination.
Cette conception matérielle des deux notions, qui met en relation les deux parties
juridiquement liées par le contrat de transport, répond à la nature même de la garde qui suppose un
transfert effectif de la détention matérielle de la marchandise. Elle évite aussi une éventuelle
distorsion entre la prise en charge matérielle et la prise en charge juridique qui peut être fixée par la
convention des parties à un stade ultérieur.
2) Prise en charge et livraison assimilées : d’après l’article 4 2 (a) (ii) et (b) (iii) :
La prise en charge de la marchandise n’a pas lieu des mains du chargeur, mais de celles d’une
tierce personne, physique ou morale, qui n’est pas partie au contrat de transport.
De même, la livraison n’est pas faite entre les mains de l’ayant-droit à la marchandise : elle est
mise à sa disposition conformément au contrat, lois ou usages du port de déchargement, ou bien elle
est remise à une autorité ou autre tiers conformément à la loi de déchargement.
Cette situation concerne non seulement l’hypothèse d’une intervention des auxiliaires de
transports pour la manutention avant la prise en charge et après la livraison, mais aussi l’intervention
de transitaires en cas de transport multimodal. Pour le compte de qui agit ce tiers ? Il faut préciser
que, dans les pays dotés d’une législation libéralisant la manutention, les auxiliaires de transport
32
agissent pour le compte du transporteur ou du chargeur pour les opérations leur incombant
respectivement.
Mais lorsque ce tiers est une autorité publique, comme c’est le cas dans nombre de pays, et que
celui-ci n’agit pour le compte ni du transporteur, ni de l’ayant droit à la marchandise la question
reste entière.
De même, au port de chargement, le transporteur ne peut pas avoir à répondre des pertes ou
des dommages causés aux marchandises tant qu’il ne les a pas prises en charge. « Un certain nombre
de précisions très utiles quant à la détermination de la période pendant laquelle le transporteur aura à
répondre des pertes ou dommages à la cargaison figure dans les règles de Hambourg, certes le
statut juridique des marchandises, au port de chargement avant que le transporteur les ait prises en
charge, et au port de déchargement après qu’il en ait effectué la livraison ; reste toujours imprécis. Il
serait donc souhaitable d’élaborer, à l’exemple de ce qui a été fait dans la loi du 18 juin 1966 et de
son décret, un statut des entreprises de manutention et des autres organismes appelés à traiter des
marchandises avant le chargement ou après le
déchargement »(22) .
On remarque donc que le but que constitue l’exclusivité de la protection, a été partiellement
atteint puisque le bénéfice des dispositions des compromis a été étendu à d’autres personnes que le
transporteur maritime et le chargeur. Notamment, l’acconier, les transporteurs successifs et les
assureurs peuvent s’en prévaloir.
(22)
Colloques IMTM 1985 P 7 et suivant « l’acconier ».
33
Si ces dispositions assurent une répartition équitable de la responsabilité, leur application large
serait alors souhaitée. Mais si elles aggravent injustement la position de l’une des parties au contrat,
il faudrait alors condamner l’extension de leur domaine.
Deuxième Partie :
L’étendue du principe
34
De la responsabilité
Du transporteur
Maritime de
marchandises
35
L’étendue de l’obligation varie d’un contrat à un autre car le débiteur ne promet pas toujours
la même chose il est tenu parfois d’une obligation de moyens ou de prudence et diligence pour un
résultat qu’il est tenu d’atteindre.
L’obligation de résultat suppose un débiteur qui promet que son action ou son abstention aura
un résultat positif ou négatif donné. Lorsque le résultat n’a pas été obtenu, le débiteur est considéré
comme ayant manqué à son obligation et le créancier peut le faire déclarer responsable sans
nécessité de démontrer qu’il a commis une faute.
L’obligation est dite de moyens quand le débiteur ne s’engage pas à réaliser un résultat donné
mais promet de fournir toute sa prudence et sa diligence en vue de l’atteindre, et ici le débiteur est
considéré comme ayant manqué à son obligation, et sera déclaré responsable lorsqu’une faute est
établie à sa charge.
Le contrat de transport est un contrat qui génère une obligation de résultat à la charge du
transporteur tant en droit commun qu’en droit maritime. Ce dernier s’engage en effet à assurer
l’acheminement en bon état d’une marchandise que lui confie un chargeur. Il s’ensuit qu’il est
responsable du seul fait de l’inexécution de son obligation.
En effet, selon le code de commerce maritime le transporteur peut s’exonérer par la preuve de
nombreuses circonstances qui dépassent le cadre traditionnel de la cause étrangère(23) .
Il peut même s’exonérer par la preuve de l’absence de faute dans le système de la convention
de Hambourg (24) .
Donc la responsabilité présumée d’une part, responsabilité limitée d’autre part, c’est dans ces
deux principes que réside toute la philosophie du code de commerce maritime et la convention de
Hambourg qui ont réussi à établir entre les divers intérêts en cause (25) .
(23)
Article 145 ccm.
(24)
Article 5 convention de Hambourg.
(25)
Acte final de la conférence des nations Unies 89 - c 1 P 9.
36
Chapitre deuxième : la limitation de responsabilité du transporteur maritime.
Le transporteur maritime est débiteur d’une obligation de résultat, celle d’acheminer en bon
état la marchandise reçue vers un port de destination.
Cependant, l’obligation de résultat qui pèse sur le transporteur maritime est de nature
particulière. Il s’agit d’une obligation de résultat atténuée.
D’une part, le législateur Tunisien et les rédacteurs de la convention de Hambourg ont établi
certaines obligations auxquelles doit se soumettre le transporteur au départ du navire, en cours de
voyage et à l’arrivée à destination.
D’autre part, le législateur permet au transporteur de se libérer par la preuve de l’une des
causes d’exonération de responsabilité.
(26)
Article 635 à 639 code de commerce.
(27)
Comme dans le contrat de transport terrestre (art 640 ccm) et aérien (art. 18 convention de vorsoire ; art. 105 loi n° 59
- 79 du 19 juin 1959 relative à la navigation aérienne interne).
(28)
René Rodière « traité général de droit maritime » Tome I p 238.
37
En effet, il pèse sur le transporteur une présomption qui dispense le chargeur ou le destinataire
de prouver l’existence d’une faute à l’origine du dommage (paragraphe premier).
Quand à la relation causale, elle se déduit de ce que la marchandise a subi comme dommage
alors qu’elle est sous la garde du transporteur pour que ce dernier puisse être déclaré responsable du
dommage constaté à la livraison (paragraphe deuxième).
Il existe trois variétés possibles de dommage qu’un chargeur peut subir lors de l’exécution
d’un contrat de transport : les pertes, les avaries aux marchandises, et les dommages dûs au retard à
la livraison (29) .
L’article 145 du code de commerce maritime prévoit que : « le transporteur est garant de
toutes pertes, avaries ou dommages subis par les marchandises... ». En vertu de ce texte, le
transporteur est responsable du préjudice subi par le chargeur et résultant de la perte ou de l’avarie
de la marchandise (A).
(29)
René Rodière « traité général de droit maritime » Tome I p 239.
(30)
Article 19 convention de Hambourg, art, 159 ccm.
38
Lorsque les dommages subis par la marchandise sont apparents, le code de commerce
maritime fait devoir au chargeur ou au destinataire de prendre des réserves écrites au moment de la
livraison de la marchandise(31) .
Le convention de Hambourg fait peser cette même obligation sur le chargeur ou le destinataire
au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le jour où les marchandises lui ont été remises (32) .
A défaut de protestation dans ces délais, la marchandise est présumée avoir été reçue par le
destinataire telle qu’elle est décrite au connaissement.
Il ne s’agit certes que d’une présomption simple, mais elle est grave pour le chargeur
puisqu’elle peut mettre un obstacle à son action en responsabilité.(33)
Ces réserves doivent être adressées au transporteur maritime ou à son représentant lorsque le
transporteur est simplement représenté dans certains ports, elles doivent être formulées par écrit
selon l’article 159 du CCM et l’article 19 paragraphe premier de la convention de Hambourg.
Les dommages non apparents ne peuvent pas être décelés par un examen extérieur du colis
selon l’article 159 alinéa 2 du ccm, les réserves doivent être formulées dans un délai de cinq jours à
partir de la livraison, alors que ce délai est porté à quinze jours en vertu de l’article 19 paragraphe 2
de la convention de Hambourg et afin de se prévaloir de ces délais, chargeur et destinataire doivent
établir que le dommage est réellement non apparent et qu’une inspection ordinaire de leur part ne
saurait permettre de le déceler dans cet égard « la cour d’appel de Paris a appliqué un critérium
souple, de type Anglo-saxon en jugeant avec raison que la loi a entendu protéger le receptionnaire
contre les conséquences d’une avarie ou d’un manquant dont la découverte lui était impossible par
des moyens normaux » (35) .
3) La perte de la marchandise
(31)
Article 159 ccm al. 1er cassation civ . n° 5040 du 17 décembre 1981 B P 261.
(32)
Article 19 convention de Hambourg § 1 er
(33)
Cette exigence est plus souple que celle de l’art 646 c.com, qui offre un délais de trois jours pour formuler des
réserves mais a peine de forclusion puisque, à l’expiration de ce délai l’action est éteinte.
(34)
G. Marais : les transports internationaux de marchandises par mer et la jurisprudence en droit comparé LGDJ paris
1949 p 227.
(35)
René Rodière traité général Tome II p 242, cass civ n° 13438, 21 Oct 1986, P 188 Navire « christel ».
39
Il faut distinguer à cet égard si la perte est totale ou si elle est partielle. Si la perte est partielle,
des protestations peuvent être élevées immédiatement ou dans le délai légal selon que la perte est
apparente ou non.
Si au contraire la perte est totale, le régime juridique des protestations devrait être différent, le
transport maritime demeure débiteur de l’obligation de délivrance tant qu’il n’a pas restitué la
marchandise au chargeur ou au destinataire.
(36)
Il semble donc qu’on ne peut pas soumettre le chargeur à un délai de protestation cependant
ce n’est pas la solution retenue par la convention de Hambourg ou le CCM, ce dernier dans l’article
159 ne distingue pas selon que la perte est totale ou partielle d’où cela est laissé à l’appréciation des
juges de fond.
La convention de Hambourg dans son article 5 paragraphe 3 a été elle aussi peut explicite. Cet
article dispose que : « l’ayant droit à la marchandise peut considérer les marchandises comme
perdues si elle n’ont pas été livrées comme il est prescrit à l’article 4 dans les soixante jours (60 j)
consécutifs qui suivent l’expiration d’un délai de livraison conforme au paragraphe 2 du présent
article ».
Le paragraphe 2 de l’article 5 définit le délai de livraison conforme comme étant celui « qu’il
serait raisonnable d’exiger d’un transporteur diligent compte tenu des circonstances de fait ».
Le retard peut causer au destinataire un dommage important. Les règles de Hambourg ont fini
par consacrer expressément la responsabilité du transporteur pour retard à la livraison dans l’art 5
dont les dispositions sont d’ordre public.
En effet l’article 5.1 des règles de Hambourg énonce le principe suivant lequel le transporteur
est responsable non seulement des pertes ou des dommages subis par la marchandise mais aussi du
retard à la livraison.
L’art 5-2 définit dans quelles conditions il y a retard et ce en l’absence de livraison des
marchandises au port de déchargement « dans le délai expressément convenu ou, à défaut d’un tel
accord, dans le délai qu’il serait raisonnable d’exiger d’un transporteur diligent compte tenu des
circonstances de fait ».
(36)
M. De Juglart « protestation, réserves et actions en justice contre le transporteur à l’arrivée de la marchandise » 1955
P 195, p 205 et suivant.
40
Selon Monsieur Tetley (37) il est regrettable que les règles de Hambourg parlent de « délai qu’il
serait raisonnable d’exiger » en raison des difficultés et de certaines interprétations fâcheuses de la
jurisprudence quant au termes de « diligent » et de « raisonnable ».
Quant au CCM il ne résoud pas la difficulté puisqu’il traite uniquement des dommages subis
par la marchandise.
Il faut noter que la responsabilité du transporteur n’est engagé que si un délai a été prévu au
contrat (38) .
A défaut de ce délai convenu le transporteur est tenu d’assurer le transport de façon approprié
et de respecter un délai normal d’acheminement et doit être qualifié d’anormalement long le délai de
2 mois pour traverser la Méditerranée (39) .
Pour déclarer le transporteur maritime responsable, il faut rapporter la preuve que le dommage
a été causé à un moment où la marchandise était sous sa garde.
Si la preuve que le dommage n’a pas eu lieu postérieurement à la livraison, celle-ci peut être
administré par la formulation de protestation de la part du chargeur au transporteur, le
connaissement permet une description détaillée de la marchandise et le transporteur doit insérer dans
le connaissement les réserves qu’il veut formuler à l’égard de la marchandise (A) mais parfois le
transporteur s’abstient à formuler des réserves pour différentes raisons (B).
Lorsqu’un contrat de transport de marchandises par mer est conclu, le transport doit délivrer
au chargeur un connaissement contenant une description détaillée des marchandises. L’article 210
du CCM et l’article 16 paragraphe premier de la convention de Hambourg reconnaissent au
transporteur le droit d’insérer dans le connaissement les réserves qu’il veut formuler à l’égard de la
marchandise la doctrine et pour certains auteurs, tel que M Fraikin « le destinataire ne peut prendre
(40)
livraison de la marchandise et adresser en même temps des réserves » Cependant cet auteur
estime que le destinataire peut le faire à la condition de refuser de prendre livraison de la
marchandise. A l’opposé de cette opinion le doyen Rodière admet qu’une lettre écrite après la
livraison doit être validée.
(37)
W tetley « measure of domages, Hage rules, unicitral, ETL. 1977, p 339 et suivants ».
(38)
Cour Appel - Versailles 2ème chambre 2 Avril 98 n° 5016 DMF 99 P 259. société ivoirienne de transport maritime #
sté AGENA.
(39)
Cour d’appel Paris 5ème chambre , 15/01/97 DMF 97 P 340 navire CMB Quadrant et Boringia.
(40)
G. Fraikin Traité de la responsabilité du transporteur maritime, 1957 N° 391.
41
Le transporteur maritime ne peut faire des réserves que lorsqu’il a des raisons sérieuses de
douter de l’exactitude des déclarations du chargeur relatives à la marchandise.
Les réserves doivent être spéciales et précises, la jurisprudence constante ne donne pas de
valeur aux réserves générales et reconnaît aux réserves spéciales la valeur d’une présomption simple
que le chargeur est en mesure de combattre par la preuve contraire.
Cela arrive notamment lorsque le chargeur s’engage par une lettre de garantie à garantir le
transporteur. Cette pratique est d’autant plus courante que les banques acceptent plus facilement de
consentir des opérations de crédit documentaire sur un connaissement net que sur un connaissement
assorti de réserves de la part du transporteur maritime.
Ainsi la description des marchandises sur le connaissement est un moyen efficace permettant
de renseigner le destinataire sur l’état de la marchandise qu’il se propose de recevoir.
Lorsque la marchandise n’est pas livrée à destination telle qu’elle a été reçue par le
transporteur, ce dernier n’a pas exécuter convenablement ses obligations et sa responsabilité est
engagée et il n’est libéré que s’il rapporte la preuve de l’une des circonstances exonératoires
retenues par le code de commerce maritime ou la convention de Hambourg.
42
cependant gardé deux cas particuliers d’exonération du transporteur : l’Incendie et l’assistance
maritime.
L’article 145 du CCM prévoit que : « ... Le chargeur pourra faire la preuve que les pertes ou
dommages sont dus à une faute du transporteur ou à une faute de ses préposés, non couverte par le
numéro un du présent article » de même l’article 5 de la convention de Hambourg qui dispose que
l’incendie est une cause d’exonération sauf si le chargeur « prouve que l’incendie résulte d’une faute
ou d’une négligence du transporteur ».
Il existe une faute du transporteur maritime qui empêche son exonération : Il s’agit du
manquement à l’exercice d’une diligence raisonnable.
Selon l’article 212 du code de commerce maritime le transporteur doit assurer le bon état de
navigabilité du navire qui comprend l’aptitude nautique à effectuer le voyage en question, de
recevoir la marchandise et d’assurer la bonne conservation.
Pour le bon état de navigabilité le transporteur doit l’armer, l’équiper et l’approvisionner
convenablement, il doit également l’équiper avec un personnel compétent et expérimenté.
Quant à la diligence raisonnable vis à vis de la cargaison le transporteur maritime doit
« approprier et mettre en état ses cales, chambres froides et toutes les autres parties du navire où les
marchandises sont déposées pour leur réception transport et conservation »(43) .Il doit aussi
« procéder de façon appropriée et soignée au chargement, à la manutention, à l’arrimage et au
déchargement »(44) . L’obligation de fournir un navire navigable est celui qui permet d’assurer le bon
(41)
Alain Sériaux « l’absence de faute du transporteur » 2éme édition préface « Pierre Bonassies » p 73.
(42
Pierre Bonassies, Etat - Unis d’Amérique, jurisprudence 1979 - 1982 DMF 1984 p 373.
(43)
Article 212 al. 1er CCM
(44)
Article 212 al. 2 CCM
43
acheminement de la marchandise pour qu’elle ne subissent pas de dommage au cours du transport.
(45)
L’exercice d’une diligence raisonnable ne constitue pas une condition préalable pour être
exonéré que lorsqu’on se prévaut de certaines causes d’exonération qui sont en rapport avec l’état de
navigabilité du navire ainsi en est il de la faute dans le maniement et l’administration du navire, du
vice caché du navire... qui n’entraînent l’exonération que lorsqu’ils ne sont pas dus à l’etat de
navigabilité du navire.
Alors que la convention de Hambourg, se fondant sur l’exonération par la preuve de l’absence
de faute de la part du transporteur maritime, n’a pas retenu de cause particulière d’exonération à
l’exception de l’incendie et de l’assistance maritime (47) , le code de commerce maritime quant à lui il
s’est inspiré de la convention de Bruxelles du 25 Août 1924, et il exige la preuve d’une cause
particulière d’exonération.
Cependant il n’en retient qu’une dizaine par rapport au dix sept causes d’exonération de la
convention de Bruxelles du 25 Août 1924.
En effet l’article 145 du CCM énonce que : Le transporteur est garant de toutes pertes, avaries,
ou de tous dommages subis par les marchandises pour lesquelles il n’aurait pas exercé une diligence
raisonnable, à moins qu’il ne prouve que ces pertes, avaries ou dommages proviennent :
- des faits négligences ou fautes du capitaine, des marins, du pilote ou de ses propres préposés,
dans la navigation ou le maniement du navire.
- des vices cachés du navire.
- de faits constituant cas fortuit ou de force majeure.
(45)
Cass civ n° 10071, 18 juin 1984 BTL 1984, 2 p 196 « navire Mariabel».
(46)
Paul chauveau traité de droit maritime, paris 1960, P 522.
(47)
Art. 5 de la convention de Hambourg de même la convention de Varsovie relative au transport international Aérien a
opté elle aussi pour l’exonération par la preuve de l’absence de faute dans l’art 20.
44
- de grèves ou lock-outs ou d’arrêts ou entraves apportés au travail pour quelque cause que ce
soit, partiellement ou complètement.
- du vice propre de la marchandise ou d’un défaut d’emballage ou de marque.
- de déchets de route en volume ou en poids d’après la nature de la marchandise, la durée du
voyage, les variations de température et la tolérance déterminée par les usagers,
- d’un acte d’assistance ou de sauvetage ou de tentative faite dans ce but ou encore du
déroutement du navire effectué à cet effet,
- de l’incendie
- du déroutement justifié du navire effectué après avis des officiers ou des principaux.
Toutefois, dans tous ces cas exceptés le chargeur pourra faire la preuve que les pertes ou
dommages sont dus à une faute du transporteur ou à une faute de ses préposés non couverts par le
numéro 1 du présent Article.
Les articles 145, 148 et 149 du CCM, prévoient une extension de la force majeure, alors que
dans les autres cas l’exonération est lié au navire, à la faute du chargeur, à la cargaison ou même au
droit maritime.
A - Les cas exceptés extérieurs tant au navire qu’à la cargaison Article 145-4 CCM
La loi Française exonère le transporteur des faits constituant un événement qui ne lui est pas
imputable, cette expression regroupe les cas fortuits, la force majeure et la fortune de mer.
De même pour l’article 145 CCM mais qui ajoute d’autres cas qui les considèrent comme
assimilés à la force majeure.
Le législateur exonère le transporteur maritime chaque fois qu’il prouve que le dommage subis
(48)
par la marchandise est dû à un cas fortuit ou de force majeure , mais la notion de force majeure
n’a pas été définie par le CCM ni le code de commerce, il convient donc de se référer au droit
commun des obligations.
Une certaine doctrine a proposé de distinguer les deux notions : « Pour certains la force
majeure serait l’événement irrésistible et le cas fortuit serait plutôt imprévisible, la première se
caractérise par une impossibilité absolue d’exécuter alors que la seconde se caractérise par une
impossibilité relative »(49) .
(48)
Article 145 - 3 CCM
(49)
A - Junod « force majeure et cas fortuit dans le système suisse de la responsabilité civile paris 1956, p 93. »
45
Le droit Tunisien ne retient pas une pareille distinction et la plupart des textes parlent
indifféremment de l’un ou de l’autre (50) .
Selon les termes des articles 654 c. com et 282 COC, le cas fortuit emporte les mêmes effets
que la force majeure quant à l’exonération de responsabilité, chacune de ces deux causes produit les
mêmes effets juridiques sans aucune distinction.
L’imprévisibilité est exigée pour que le débiteur « agisse prudemment en essayant de tout
(51)
prévoir» , quant à l’irrésistibilité elle implique l’idée « d’une force supérieure à celle du débiteur
et agissant en sens contraire ».
L’événement que l’on qualifie de force majeure n’est pas celui qui rend l’exécution plus
onéreuse ou plus difficile mais celui qui la rend impossible(52) .
L’extériorité vise quant à elle l’absence de relation entre l’activité du transporteur maritime et
l’événement qui l’a empêché de remplir ses obligations (54) .
La jurisprudence française considère que le gros temps, la tempête et autres intempéries ne
(55)
sont pas toujours à exonérer le transporteur de sa responsabilité ainsi le mauvais temps ou la
tempête ne peuvent exonérer le transporteur que s’ils ont été d’une violence exceptionnelle (56) et
difficile à surmonter.
Ne sont pas considéré comme constituant « fortune de mer » deux tempêtes atteignant la force
(57)
7 aggravées par des vents de force 11 ainsi il faut qu’elle soit d’une violence exceptionnelle
prenant un caractère cyclonique et absolument anormal(58) ceci se justifie d’autant que les
(50)
Article 96, 104, 282 et suivant, 847 coc ; article 43, 240 al. 2, 240 al. 3 CDR, article 639 et 648 c.com relatifs au
contrat de transport. Mohamed Habib Chérif « peut on distinguer la force majeure et le cas fortuit ? » RJL 1987 n° 7 p
25.
(51)
Y Keskin « la responsabilité de l’armateur et du transporteur maritime, étude de droit turc, thèse Lausanne 1961 p
102»
(52)
George Fraikin traité de la responsabilité du transporteur maritime, LGDJ paris, 1957 etP 228.
(53)
Cass. civ, n° 2544, 25 Décembre 1980, B 1980, p 233 navie « Tolga ».
( (54) (56)(5)
Article 283 AL. 3 coc.
(55)
Tribunal de commerce, Marseille 18 décembre 1998 DMF 99 , p 136.
(56)
Cour d’appel de Rouen 2ème chambre 14 novembre 1996 Égale Star et autres # sté Delmas DMF 1997 P 301.
(57)
Cour d’Appel de Versailles 12ème chambre, 30 mars 2000 BTL 2000, p 541 ( la violence des vents émane du navire
lui même et que de telles tempêtes n’ont rien d’imprévisible en Méditerranée pendant la période hivernale.
(58)
Cass. civ n° 12710, 6 mars 1986 B 1986. 1. p 209 H. cherkaoui le péril de mer, notion maritime de la force majeure
DMF 1992 P 211.
46
changements atmosphériques sont des événements connus par ceux qui effectuent de façon régulière
des expéditions maritimes (59) .
Certains événements sont assimilés à la force majeure tel que l’incendie ou la grève et le lock - out.
* L’incendie : c’est une cause fréquente d’avarie des marchandises à l’égard de laquelle les
transporteurs ont toujours tenté de se protéger par l’insertion d’une clause conventionnelle
d’irresponsabilité il suffit au transporteur d’établir que la marchandise a péri à cause de l’incendie
pour être exonéré de toute responsabilité à l’égard de l’ayant droit à la marchandise et cela selon
l’article 145 du code de commerce maritime.
La mise en oeuvre de l’exonération par l’incendie est source de difficulté en raison de la
nature particulière de cette cause d’exonération en effet le transporteur maritime et responsable de la
marchandise jusqu’à sa délivrance au destinataire. Le transporteur peut donc être exonéré par
l’incendie qu’il se soit déclaré à bord du navire ou sur le quai ou dans les magasins du transporteur,
(60)
c’est dans ce sens que s’est prononcé la jurisprudence mais pour être exonéré il faut que le
dommage « résulte directement de l’incendie » (61) . Il est bien évident que si la fumée qui a causé le
dommage était une fumée sans feu, le transporteur est responsable du dommage causé aux
marchandises par cette fumée sans pouvoir invoquer la cause d’exonération qu’est l’incendie, mais
si la dommage a été causé par la fumée qui est la suite de l’incendie ou par l’eau utilisée pour
éteindre le feu dans cette hypothèse l’incendie a été à l’origine du dommage et exonère le
transporteur de sa responsabilité (62) .
(59)
Tableau de la force du vent et sa signification selon le guide de la navigation édité en 1980 par le service
hydrographique et océanographique de la marine de Brest cité par H cher kaoui DMF 1991 P 216
Force du vent Description Vitesse km/hhauteur probable des vagues6lames, quelques embruns 39/493 à 4 m7grand
frais, mer forte 50/614 à 5,5 m 8coups de vent, mer très forte62/745,5 à 7,5 m9forts coups de vent, grosse mer75/887 à
10 m10tempête, très grosses lames89/1029 à 12,5 m 11vidente tempête, très grosses mer et lames exceptionnellement
hautes 103 / 11711,5 à 16 m12ouragan 117 et plus14 m et plus
(60)
Cass. civ n° 10387, 6 mars 1992 B 92 T 1 P 131 Navire « TAMAR ».
(61)
M. Pourcelet : « le transport maritime sous connaissement » Presses du l’université de Montréal, canada, 1972 p 118.
(62)
René Rodièce, traité général de droit maritime, Tome II, page 268.
47
Mais lorsque le chargeur prouve qu’une faute du transporteur maritime est à l’origine de la
grève, il écarte par la même l’exonération.
Le transporteur maritime et tenu comme tout débiteur d’une obligation de résultat il lui convient de
prendre les mesures nécessaires pour fournir, un navire armé et équipé convenablement donc un
navire navigable. Le CCM institue le vice caché du navire comme cause d’exonération du
transporteur maritime néanmoins il y a des difficultés quant à l’application de l’exception du vice
caché.
Le navire étant le moyen dont se sert le transporteur maritime pour exécuter son obligation et
il en répond quels que soient les vices apparents ou cachés dont celle-ci est affectée. S’il ne livre pas
en bon état l’objet qu’il s’est engagé à transporter, sa responsabilité doit en principe être retenue.
C’est l’application pure du droit commun. Malgré ces considérations, le législateur a encore une fois
pris position en faveur du transporteur maritime en le déclarant irresponsable lorsque le dommage
provient des vices cachés du navire, et cela aussi bien sous le régime du décret beylical du 16 avril
1942 que sous le régime du CCM.
En effet, l’article 145 CCM s’est inspiré de la convention de Bruxelles du 25 Août 1924 dans
son article 4 - 2° qui prévoit que « ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou
dommages résultant ou provenant : ... P ) des vices cachés échappant à une diligence raisonnable »
c’est à dire celle d’un bon père de famille, les tribunaux français ont estimé que les certificats du
(63)
bureau veritas ou du lloyd’s n’ont pas une valeur probante absolue ainsi pour s’exonérer
facilement le transporteur doit prouver qu’il a effectuer des vérifications avec le soin nécessaire par
des préposés compétents et avec une périodicité tenant compte des caractéristiques et de l’usage des
(64)
éléments visités à cet égard on cite un exemple de vice caché tel que des cassures du plafond du
peak arrière qu’aucun examen attentif ne pourrait révéler (65) .
Néanmoins le domaine d’application de l’exception du vice caché pose parfois des problèmes.
Il faut retenir le vice caché frappant le navire ou bien peut on l’étendre à l’appareillage du
transporteur d’une façon générale ?
(63)
C A Aix en Provence 15/02/78 coutunav # sté Brousse et vergez.
(64)
C A Rouen 20 / Juin 1985 DMF 86 P 694 Navire « Maritima ».
(65)
C A Aix en Provence 20 septembre 1985 Compagnie fabre # diverses compagnies d’assurance DMF 86 , P 302.
48
A priori l’article 145 - 2° du CCM vise uniquement «les vices cachés du navire » mais il faut
prendre en considération tant le navire que ses accessoires qui servent le navire et la marchandise,
ces objets au même titre que le navire lui même peuvent être à l’origine du dommage subi par la
marchandise. Si le dommage est dû à un vice caché de ces objets, il exonère le transporteur
maritime. C’est ce qui ressort d’une décision du tribunal de première instance de Tunis où il
s’agissait d’une voiture qui a subi des dommages à cause de la rupture du câble de la grue servant à
débarquer(66) . La grue a été considéré comme un accessoire du navire soumis à l’exception du vice
caché.
Autre difficulté réside dans la preuve du vice caché, en effet pour prouver que le vice est
caché les transporteurs peuvent se prévaloir de certificats récents des agents de classification, il
appartient donc au chargeur de rapporter la preuve contraire qui peut résulter des circonstances dans
les quelles l’avarie s’est produite ainsi le tribunal de première instance de Tunis a pu estimer que
contrairement au rapport de classification, les câbles d’une grue se sont rompus à cause du défaut
d’entretien qu’exige cet appareil et donc la responsabilité du transporteur a été retenue(67) .
L’article 148 CCM opte pour l’exonération mais il ne distingue pas selon que la valeur
déclarée est supérieure ou inférieure à la valeur réelle de l’objet transporté, il exonère le transporteur
chaque fois que le chargeur fait une déclaration frauduleuse de nature et de valeur de la marchandise
cette preuve doit être rapportée par le transporteur maritime car c’est ce dernier qui se prévaut de
cette clause d’exonération, il lui appartient de rapporter la preuve de tous les éléments et notamment
du caractère frauduleux.
(66)
C. Cass 13 Mars 1983 RJL 1984 P 255 « Navire Borma».
(67)
C. Cass 19 Janvier 1993 RJL 1994 P 324 « Navire El Hoceima »
49
Face à ce problème une solution a été apportée dans la mesure où les droits du transporteur
sont atteints par la minoration de valeur pour obtenir une minoration de fret et ce en insérant dans le
connaissement une clause de protection tel est le cas de l’article 6 du connaissement type de la
compagnie tunisienne de navigation qui stipule : « tout groupe ou colis de valeur qui après
vérification au lieu de destination sera reconnu contenir une somme ou valeur supérieure à celle
déclarée par l’expéditeur, sera frappé d’un double fret sur la valeur reconnue »(68) .
(68)
Article 6 du connaissement type de la compagnie tunisienne de Navigation.
50
2) Les conséquences du défaut de déclaration
Ainsi « la chute à la mer de la caisse indiquée comme contenant de la droguerie se serait aussi
bien produit si la véritable nature de la cargaison aurait été indiquée de la parfumerie (69) , ou aussi si
le chargeur n’attire pas l’attention du transporteur sur une particularité de la marchandise tel est le
cas de l’empotage compact dans les conteneurs au surplus inadapté à la marchandise» (70) . Ou même
parfois ne pas déclarer le caractère dangereux de la marchandise pour aviser le transporteur qui a le
choix de débarquer la marchandise dangereuse, la détruire ou la rendre inoffensive, à tout moment
de l’expédition. Cette déclaration doit être suffisamment explicite de manière à permettre au
transporteur de décider en connaissance de cause s’il peut effectuer ce transport ou s’il doit le
refuser, l’absence de déclaration sur le connaissement constitue une présomption simple à l’encontre
du chargeur qu’il n’a pas rempli son obligation vis à vis du transporteur maritime et par conséquent
il sera responsable des dommages qui résultent de l’embarquement de ces marchandises, le chargeur
est « grevé d’une responsabilité objective »(71) qui consiste à réparer les dommages causés par sa
cargaison dangereuse car il n’a pas aviser le transporteur pour qu’il prenne les précautions
nécessaires pour assurer la sécurité de l’expédition.
Parfois la marchandise arrive avariée soit en raison de sa propre nature, soit d’un défaut
d’emballage, ou même elle peut diminuer de son poids, ou parfois elle peut être avariée par le
condensation de l’eau dans les cales.
(69)
René Rodière, traité général de droit maritime TII p 45.
(70)
Cour d’Appel Aix-en-Provence 2ème chambre 29 Juin 2000 BTL 2000 P 603.
(71)
René Rodière, traité général de droit maritime TI P 416.
51
1) Le vice propre de la marchandise
C’est une « tare » qui affecte la marchandise et que l’on peut définir comme la propension à se
(72)
détériorer sous l’effet d’un transport maritime effectué dans des conditions normales d’où le
transporteur n’est pas déclaré comme responsable.
2) Le défaut d’emballage
(72)
Cass. com 9 juillet 96 n° 94 DMF 97 p 396 navire Zaher V.
(73)
M de Juglart « le vice propre de la marchandise dans le transport maritime DMF 1965 p 131 ».
(74)
C. A de Rouen 8 décembre 1998 DMF 2000 P 126 sur renvoi de cassation commerciale 5 mars 1996 n° 9414 627
Bulletin civil IV n° 78 p 64.
(75)
C. A de Paris 5ème chambre section A 11 Janvier 1995 Helfer et autres # Johnson line DMF 96 p 316.
(76)
La mauvaise congélation d’un lot de viande effectué par le chargeur CA Paris 5ème chambre 8 avril 99 BTL 99 p
399.
(77)
L’article 3 du connaissement type de la compagnie tunisienne de navigation prévoit que « la compagnie et le
capitaine ne sont pas responsable des pertes, avaries manquants, déchets ou retard résultant de l’absence ou causé par
l’insuffisance ou la déchirure des emballages ni des pertes ou avaries des marchandises en balles, en sacs ou à nu »
(78)
Cass. civ n° 3983 du 18 Juin 1981 B1981, 2, P 203.
52
et dans un emballage suffisant et adéquat. Cette présomption est simple et le transporteur maritime
peut en rapporter la preuve contraire par tous les moyens (79) .
C’est la condensation d’eau sur les parois du navire ou les cloisons intérieures des cales par
mouille ou humidité due au passage du navire d’une zone chaude à une zone froide pour éviter cette
buée de cale, les navires sont en général équipés de systèmes de ventilation permettant d’aérer les
cales et d’éviter toute condensation, les tribunaux ont décidé à maintes occasions que la buée de cale
ne constitue pas en elle-même une cause d’exonération à moins qu’elle ne remplisse les conditions
de la force majeure exemple le navire qui rencontre une tempête violente et qui empêche toute
ventilation des cales de ce fait la tempête est exonératoire que si elle remplit les conditions de la
force majeure et encore faut-il que le transporteur fasse le nécessaire pour éviter la buée de cale (81) .
Le transporteur maritime est exonéré de sa responsabilité chaque fois qu’il y a des événements
que le législateur qualifie de graves comme la faute nautique, l’assistance et le sauvetage maritime,
et le déroutement raisonnable du navire.
1) La faute nautique : Article 145 - 2 CCM
(79)
Cour d’appel de Tunis n° 63718, 25 Avril 1989 inédit.
(80)
C. A de bordeau 14 novembre 1990 la préservatrice 7 cigna et autres DMF 91 p 121.
(81)
Tribunal de commerce Marseille 23 Juin 92 Revue Scapel 92 P 92.
53
Le transporteur est exonéré des fautes nautiques du capitaine, des marins pilotes ou de ses
préposés et ce dans le cadre de la faute dans la navigation et l’administration du navire.
L’idée d’une exonération par la faute nautique remonte à la révolution industrielle, jusqu’à
cette époque le transporteur n’était pas libéré par la faute du capitaine au autres préposés mais à
partir de la révolution industrielle les transporteurs maritimes vont prendre l’habitude d’insérer dans
leurs connaissements des clauses qui les exonèrent des conséquences des fautes de leurs capitaines
et préposés. A cet égard le Harter Act de 1893 a réalisé une transaction entre les intérêts des
chargeurs et ceux des transporteurs : les clauses de négligences sont valables lorsqu’elles exonèrent
le transporteur maritime des conséquences de la faute purement nautique du capitaine ou des
préposés du transporteur mais s’il commet une faute de manutention, de conservation, ou de
livraison là c’est sa responsabilité personnelle qui sera retenue.
La distinction entre la faute nautique et la faute non nautique est consacrée par la convention
de Bruxelles du 25 Août 1924 dans l’article 4-2°. La distinction a été même consacré par le code de
commerce marocain du 31 Mars 1919 dans son article 264 alinéa 2. Elle est retenue aujourd’hui par
(82)
la plupart des législations . En Tunisie l’article 145 - 1° du code de commerce maritime exonère
le transporteur « des faits, négligences ou faute du capitaine, marin, pilote ou de ses propres
préposés, dans la navigation ou le maniement du navire » il distingue en effet entre la faute dans la
navigation du navire et celle du maniement du navire.
Selon Ripert « la faute dans la navigation est défini comme étant la faute technique, dans la
conduite, la marche, le mouvement du navire » (83) .
On peut citer comme exemple de fautes nautiques le heurt du navire contre le quai au moment
de l’accostage, l’abordage, ou la perte totale d’une cargaison de sucre survenue au cours d’une
opération de pilotage (84) .
La faute de navigation peut être le mauvais choix de la route, d’un mauvais mouillage, ou
même d’une mauvaise lecture de la carte.
(82)
Art 213 CCM Lybien, article 210 CCM Syrien, art 422 C Nav. Italien art. 156 § 2 code maritime polonais.
(83)
O. Ripert droit maritime 1952 T 2 n° 846 p 152.
(84)
CA Rouen 15/02/90 comarin # CAAT DMF 91 P 201.
54
Si la marchandise subit une avarie à cause de la faute dans la navigation, le transporteur est
exonéré à moins qu’il commet une faute qui intéresse la sécurité nautique ou comme par exemple le
chargement de lots de thé à proximité de lots de café défectueux c’est à dire en état de fermentation
avancée ce qui va entraîner une augmentation de condensation de l’air des cales et un processus de
détérioration de d’ensemble de la marchandise (85) .
C’est la faute dans l’administration du navire elle est commise à l’occasion des faits accessoires à la
navigation accomplis en dehors de la navigation elle - même et d’autre part complètement étrangers
(86)
à la fonction commerciale du capitaine c’est donc un acte technique qui vise à assurer la marche
du navire comme par exemple l’opération de ballastage qui intéresse la sécurité du navire
puisqu’elle vise à en assurer l’équilibre en intégrant l’eau de mer dans des lieux aménagés à cet
effet, il en est de même pour l’entretien et le nettoyage du navire. Une difficulté se pose néanmoins
quant au caractère de la faute nautique car il pèse sur le transporteur une double obligation : celle de
fournir un navire navigable et de prendre soin de la marchandise pendant le chargement la traversée
et le déchargement.
Quant à la deuxième obligation celle d’apporter les soins à la marchandise tel que l’arrimage
qui doit être effectué dans de bonnes conditions, de façon à éviter un déséquilibre dans le
chargement qui pourrait être dangereux pour l’expédition.
Ainsi, lors d’un transport maritime, un lot d’oranges en état de pourriture apparente a été
chargé à côté d’un lot d’oranges en bon état qui ont été avariées de ce fait.
(85)
CA Paris 5ème chambre sect A 7 Novembre 88 central Behur Schadeverze Kering et autres # Svedel et autre DMF 89
P 103.
(86)
G Fraikin traité de la responsabilité du transporteur maritime LGDJ paris 57 n° 208 P 202.
(87)
G Fraikin traité de la responsabilité du transporteur maritime LGDJ paris 1957 n° 216.
55
D’où dans ce cas le transporteur ne pourra plus s’exonérer de sa responsabilité et ne peut plus
se prévaloir de la faute nautique.
Les auteurs justifient que l’admission de la faute nautique comme cause d’éxonération par le
fait que dans la conduite du navire, le capitaine et l’équipage sont appelés à effectuer des
manoeuvres dans des circonstances extrêmement difficiles et dans des situations pleines de périls et
que parfois le transporteur ne peut plus surveiller les manoeuvres nautique et c’est le capitaine qui
donne des instructions et des ordres.
Les représentants des puissances maritimes aux travaux de la convention de Hambourg ont
insisté sur l’importance de ces arguments pour tenter d’imposer la faute nautique comme cause
d’exonération du transporteur maritime, ainsi, l’observateur de l’association des armateurs latino-
américains faisait observer qu’il y a des facteurs tels que la longueur du voyage, les conditions
naturelles et les décisions que doit prendre le capitaine, sur lesquelles l’armateur n’a aucune prise et
qui justifient le maintien de l’exonération par la faute nautique (88) .
C’est une prescription morale entre marins elle a une grande importance elle a été introduite
dans la convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 pour l’unification de certaines régles en
matière d’assistance et de sauvetage maritime et puis elle a été reprise plus tard par le code de
commerce maritime aux articles 244 à 254 traitant « de l’assistance et du sauvetage maritime » de ce
fait lorsqu’il y a des dommages occasionnés à la marchandise qui résultent d’un acte d’assistance, le
transporteur maritime est exonéré.
Quant à la convention de Hambourg du 31 Mars 1978 édicte à l’article 5 paragraphe 6 que « le
transporteur n’est pas responsable sauf du chef d’avarie commune, lorsque la perte, le dommage ou
le retard à la livraison résulte des mesures prises pour sauver des vies ou des mesures raisonnable
prises pour sauver des biens en mer», en effet chaque fois qu’un navire se trouve en danger, ceux
qui passent à proximité sont tenus de lui prêter le secours nécessaire et ce en faisant un déroutement
par rapport à la route maritime qui a été envisagée au début de la traversée.
Il est à noter que ni le CCM, ni la convention de Hambourg ne font de distinction entre le
sauvetage des vies ou de bien en mer.
(88)
Acte final de la conférence des nations unies sur le transport par mer, publication de l’ONU A/conf 89/C 1, p 7.
56
* Le sauvetage des vies en mer
Il arrive qu’en plus de l’assistance aux personnes un navire assiste à un autre pour le sauvetage
des biens qui s’y trouvent à bord alors qu’il n’ ya pas de vies humaine, le code de commerce
n’oblige le capitaine à porter secours qu’aux personnes en péril. Ainsi après un abordage, le navire
abordé peut être remorqué au port le plus proche au lieu d’attendre d’être réparé en mer, un navire
peut prendre soin d’une cargaison qui allait être jeté par dessus le bord d’un autre navire qui avait
besoin d’être allégé.
Cet acte d’assistance a pour effet d’exonérer le transporteur maritime des conséquences de sa
responsabilité lorsque la cargaison subit un dommage du fait de cette assistance. Mais il est à noter
que souvent le transporteur qui sauve des biens est inspiré par des considérations Lucratives
puisqu’il touche une indemnité (90) pour les biens sauvés en mer, versée par le navire assisté.
Face à cette situation les rédacteurs de la convention de Hambourg distinguent selon qu’il
s’agit de sauvetage de vies en mer, auquel cas toutes les mesures prises exonèrent le transporteur si
elles causent un dommage au chargeur.
En revanche, seules les « mesures raisonnables prises pour sauver les biens en mer permettent
d’exonérer le transporteur maritime de sa responsabilité » (91) .
(89)
Cet article 253 CCM reprend l’article 11 de la convention de Bruxelles du 23 septembre 1910 selon lequel « tout
capitaine est tenu, autant qu’il peut le faire sans danger sérieux pour son navire, son équipage, ses passagers, prêter
assistance à toute personne, même ennemie, trouvée en mer en danger de se perdre ».
(90)
Le législateur va même jusqu’à firer des critères pour la détermination du montant de l’indemnité, à défaut d’accord
entre les parties Art 251 CCM.
(91)
Art 5 - 6° convention de Hambourg.
57
Il y a déroutement quand le navire change de route lorsque, au lieu de suivre la route usitée, ou
celle qui lui est permise par le contrat, il en prend une différente, sans perdre de vue toutefois
l’endroit de sa destination.
Selon l’article 145 - 7 du CCM le déroutement est justifié lorsqu’il tend à venir en aide et à
assister un navire en danger dans ce cas le transporteur n’a pas besoin de se justifier, le déroutement
peut être effectué en vue d’éviter un cyclone, une quarantaine, une saisie judiciaire (92) ... ainsi le
déroutement d’un navire par le capitaine, certes prolongeant considérablement le voyage initial mais
effectué dans le but d’éviter un passage par le canal de Suez rendu dangereux à l’époque en raison
de la guerre du Golf est jugé un déroutement raisonnable (93) .
On peut citer aussi un autre exemple concernant un déroutement d’un navire sur le port de
Cotonou compte tenu de la situation insurrectionnelle (manifestation violente et grève menaçant le
(94)
pouvoir en place sévissant à lomé port de déchargement initialement prévu) ce cas aussi est
considéré comme un déroutement raisonnable.
Quant au déroutement déraisonnable c’est celui qui s’effectue vers un port manifestement non
adapté (95) .
Ainsi pour mettre fin à des abus qui suscitent un mécontentement grandissant dans les cercles
des chargeurs une intervention législative était nécessaire pour réparer le dommage lorsque la
responsabilité a été retenue et d’imposer des taux de réparation.
A une époque où le transport de marchandise par mer était soumis au principe de la liberté
contractuelle, les transporteurs maritimes limitaient arbitrairement le montant de la réparation qu’ils
pouvaient encourir, pour mettre fin à ces abus deux solutions étaient envisageables : soit interdire
purement les clauses limitatives de responsabilité ; soit reconnaître leur validité mais limiter leur
portée en imposant des taux minima de réparation.
Le Harter Act de 1893, pris aux États Unis d’Amérique qui étaient à cet époque un pays de
chargeurs interdisait les clauses conventionnelles d’irresponsabilité des transporteurs maritimes sans
édicter des dispositions particulières relatives à la valeur des clauses limitatives de responsabilité.
Ce silence a été interprété comme un renvoi aux principes du droit commun.
(92)
Katsigeras « le déroulement en droit maritime comparé » Paris 1970 P 39.
(93)
CA Paris 5è ch sect B, 8 mars 96 Allianz et autres # Hesnault et autres. DMF 97 p 280.
(94)
CA Paris 5e ch 6 dec 96 Delmas viel jeux # groupe concorde et autres. DMF 97 p 124.
(95)
Tribunal Marseille 26 mai 95 Bambi fruit et autres # Hapag Iloyd et autres.
58
En effet « les tribunaux ont admis que les clauses limitatives de responsabilité demeuraient
valables à condition que leur caractère dérisoire ne les fasse pas qualifier d’échappatoire aux
prohibitions du Harter Act qu’elles aient été connues du chargeur » (96) .
En Europe les transporteurs maritimes étaient en position de force et ont pu faire admettre le
principe d’une limitation légale de responsabilité dans le cadre de la convention de Bruxelles du 25
Août 1924. Cette position traduisait l’opinion de cette doctrine selon Y. KESKIN « une
responsabilité illimitée est de nature à entraver le transport maritime. De nos jours, nous avons dit,
les risques que représente la navigation maritime sont très grands. La valeur des bâtiments de mer et
des cargaisons se monte à des millions ; et plus cette valeur est grande, plus les risques augmentent.
Dans l’hypothèse d’une responsabilité illimitée, le propriétaire du navire fautif risquera peut -
être de perdre toute sa fortune et de voir ainsi son activité définitivement paralysée...
De plus, l’armateur ou le transporteur n’ont aucun moyen de surveillance sur leurs préposés
une fois le navire en mer. Le problème est surtout important pour l’armateur qui ne peut donner des
ordres au capitaine ou à l’équipage.. » (97) .
D’autre part, à cette limitation particulière au transporteur maritime, peut se greffer une autre
limitation de responsabilité qui tient à sa qualité d’armateur (98) . Il s’agit de la limitation générale de
la responsabilité de l’armateur.
QUALITÉ DE TRANSPORTEUR
Les dommages, selon l’article 278 du code des obligations et des contrats sont la perte
effective que le créancier a éprouvé, et le gain dont il a été privé et qui sont les conséquences
directes de l’inexécution de l’obligation.
Cependant, le CCM a fixé un montant de réparation qui est plafonné et qu’on ne peut dépasser
en aucun cas. Mais cela varie selon que le chargeur a fait ou a omis de faire une déclaration de
nature et de valeur de la marchandise.
En effet si le transporteur maritime a exécuté ses obligations et que le transport s’est bien
déroulé mais sans la déclaration de valeur et de nature de la marchandise, le transporteur conserve le
bénéfice de la limitation de réparation.
Si au contraire le chargeur prouve que le dommage est dû au dol du transporteur ce dernier est
(99)
tenu de réparer l’intégralité du dommage subi par le chargeur et dans ce cadre on appliquera les
règles de Droit commun comme sanction prise à son égard du transporteur qui ne bénéficira pas de
la limitation.
(99)
Christian scapel « l’aspect moralisateur des règles de responsabilité resurgit quand le mépris des obligations
souscrites par l’un des contractants apparaît tel qu’il ne justifie plus la dérogation consentie par la loi au droit commun
thèse Aix-en-Provence 1973 « le domaine des limitations légales de responsabilité du transporteur de marchandise par
mer p 17».
- l’article 147 ccm prévoit que le dol exclut le transporteur maritime du Bénéfice de la responsabilité.
60
L’article 643 du code de commerce oblige le transporteur à réparer intégralement le dommage
subi, à moins qu’une clause écrite du contrat portée à la connaissance de l’expéditeur ne prévoit la
limitation de responsabilité cela est prévu quand il n’ y a pas de déclaration de nature et de valeur de
la marchandise et qu’elle a été perdue ou arrive avariée au port de destination.
Mais la clause de limitation de la responsabilité dans ce cas est valable que si elle n’est pas
« tellement inférieure à la valeur de la chose qu’elle ne soit pas en réalité illusoire »(100) .
En droit maritime, le législateur et les rédacteurs de la convention de Hambourg ont opté pour
l’établissement d’une limitation légale de responsabilité du transporteur maritime tout en interdisant
les clauses conventionnelles qui fixent le montant de la réparation à un chiffre inférieur au montant
légal.
A - Le montant de la réparation
(100)
Art 643 - 1° code de commerce tunisien.
61
favorable aux chargeurs que le CCM elle fixe la limitation de réparation à un chiffre plus
élevé.
D’après l’article 147 CCM « la responsabilité du transporteur maritime ne peut pas dépasser la
somme de 400 dinars ».
Mais d’après les dispositions de l’article 161 du code de commerce maritime les clauses qui
augmentent le montant de la réparation sont valables. Ce texte n’interdit que les clauses « tendant à
établir des limites inférieures à celles qui sont fixées par le code ». L’article 6 paragraphe 4 de la
convention de Hambourg prévoit expressément que « le transporteur et le chargeur peuvent d’un
commun accord fixer des limites de responsabilité supérieures à celle prévues au paragraphe
premier » et cela dans le but d’éviter les clauses limitatives de responsabilité dont le montant est
souvent dérisoire, et non de créer un cas d’enrichissement sans cause.
D’après l’article 147 du CCM la limitation de responsabilité couvre seulement les dommages
subis par la cargaison transportée. En revanche, si le chargeur prouve qu’il a subi un dommage
causé par le retard dans la livraison, il est soumis au droit commun et peut obtenir une réparation
intégrale à moins que le transporteur n’ait prévu son exonération pour les dommages dus au retard.
Quant à la convention de Hambourg elle prévoit une autre solution pour le retard et considère
dans l’article 6 paragraphe premier b que « la responsabilité du transporteur maritime est limitée à
une somme correspondant à deux fois et demie le fret payable pour les marchandises ayant subi le
retard, mais n’excédant pas le montant total du fret payable en vertu du contrat de transport de
marchandise par mer » mais cette disposition est critiquable car :
- d’une part, le chargeur peut subir un dommage plus important à cause du retard que la valeur
du Fret et de la cargaison exemple une usine qui doit interrompre son activité pendant un certain
temps parce que les marchandises n’ont pas été livrées ou par exemple le transporteur qui après
avoir annoncé une date précise d’escale déclenchant la cueillette des fruits à transporter supprime
cette escale et charge la marchandise sur un autre navire 9 jours plus tard (101) .
(101)
CA versaille 12 er ch 30 sept 1999 BTL 99 p 745 sté Ivoirienne de transport maritime # sté AGENA.
62
- D’autre part, le retard n’est qu’une cause de dommage qui doit être traitée de la même
manière que les autres et rien ne justifie qu’on lui consacre un régime juridique particulier.
A cet égard, la solution du Droit positif Tunisien est plus favorable au chargeur que celle de la
convention de Hambourg et offre des possibilités de réparation plus sérieuses.
B - L’Assiette de la limitation
Le plafond légal de limitation de responsabilité s’applique par colis ou par unité de fret. Ces
deux assiettes de limitation confèrent au chargeur des droits différents selon qu’il s’agit de colis au
d’unité de fret.
Le terme colis vise des marchandises individualisées sur le titre de transport et prises comme
des entités distinctes ayant leur existence propre.
Selon le doyen Rodière « le terme colis n’est pas susceptible de soulever de grandes
difficultés. Il s’agit de marchandises qui, par leur nature, sont individualisées et dont le nombre
figure au connaissement ».
La notion d’unité est en revanche plus difficile à déterminer car plusieurs conceptions sont
possibles, le doyen Rodière propose les quatre conceptions suivantes :
Il peut s’agir :
- de l’unité matérielle d’usage compte tenu de la nature de la marchandise, dite dans le jargon
maritimiste anglais (commodity unit).
- l’unité matérielle utilisée dans la police (shipping unit).
- l’unité idéale de poids ou de mesure utilisée comme paramètre pour la fixation du fret
(freight unit), avec une sous-distinction possible entre la mesure utilisée de façon explicite (declared
freight unit) et la mesure utilisée de façon courante (customary freight unit).
Le doyen Rodière opte pour le seconde système qui retient l’unité matérielle utilisée dans la
police. En effet, selon lui, « Il répond à la sécurité des parties puisqu’elle savent de désormais à quoi
s’en tenir, et la solution répond au souci de faire du connaissement le titre littéral qui éclaire le
porteur sur ses droits »(102) .
- L’article 6 de la convention de Hambourg retient cette conception elle utilise les termes de
« colis au autre unité de chargement ».
(102)
René Rodière : traité général de droit maritime, tome 2, page 302.
63
- Le code de commerce maritime tunisien a opté dans l’article 147 du code de commerce
maritime en faveur de l’unité habituelle de Fret ce qui permet d’éviter la fraude qui pourrait
découler de l’utilisation d’une unité artificielle.
Pour éviter de rencontrer tous ces problèmes de fraude les transporteurs maritimes ont cherché
une forme moderne de transport qui se développe rapidement : qui est le transport par containers
pour acheminer le transport de la marchandise et la garder intacte malgré les risques du transport.
Pour obtenir ce résultat, il fallait concevoir « un emballage étanche pour éviter les risques de
mouille, d’incendie et de combustion ; solide pour le mettre à l’abri des spoliations et des avaries ...
inviolable, en l’espèce muni d’un système de fermeture spéciale par clé ou cadenas, avec ouverture
de panneaux afin d’assurer un vidange et un remplissage commodes, et faciliter l’accomplissement
des formalités douanières »(103)
Cependant l’utilisation profitable des containers pose quelque difficultés d’ordre juridique. Il
s’agit de savoir s’il faut considérer le container comme une unité n’engageant la responsabilité du
transporteur maritime que jusqu’à la limite légale de responsabilité ou s’il faut prendre en
considération les colis qui y sont contenus pour le calcul de la limitation.
(104)
Article 248 code des obligations et des contrats qui pose le principe que le débiteur peut exécuter l’obligation soit
personnellement, soit par l’intermédiaire d’une autre personne.
(105)
Acte final de la conférence des Nations Unies sur le transport par Mer, Publications de l’ONU, A / conf 89/c1 P 10,
dans le même sens le représentant de l’Italie p 9, des pays - Bas p 8.
65
Quant au représentant du CANADA il a refusé au transporteur le droit de limiter sa
responsabilité si l’un de ses préposés cause volontairement un préjudice. Il ne peut pas accepter par
conséquent l’alinéa 1er b de l’article 8 qui permet au transporteur de limiter sa responsabilité
lorsque la perte de la cargaison résulte d’une faute intentionnelle de navigation commise par le
capitaine ou un membre de l’équipage.
A cet égard il faut distinguer entre la faute nautique et la faute non nautique des préposés pour
la déchéance du droit à la limitation de responsabilité, selon l’article 145 du code de commerce
maritime la faute du préposé qui entraîne la réparation intégrale est une faute autre que la faute dans
la navigation ou le maniement du navire tandis que dans la convention de Hambourg, la notion
ancienne de faute nautique a été écartée et elle n’a plus aucune influence sur le droit à la réparation,
selon l’article 147 du code de commerce maritime « la responsabilité du transporteur maritime est
limitée à 400 dinars par colis ou unité habituelle de Fret sauf en cas de dol ».
L’établissement du dol est important car l’étendue du droit à la réparation qui appartient au
chargeur peut en dépendre (107) .
Le dol ne se caractérise pas seulement par une volonté de nuire, mais aussi par l’esprit de
lucre.
Selon l’article 8 de la convention de Hambourg le transporteur maritime ne peut pas se
prévaloir de la limitation de responsabilité « s’il est prouvé que la perte, le dommage ou le retard à
la livraison, résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur commis soit, avec l’intention de
provoquer cette perte, ce dommage ou ce retard soit, témérairement et en sachant que cette perte, ce
dommage ou ce retard en résulterait probablement ».
(106)
définition d’après l’article 82 code des obligations et des contrats.
(107)
J. Carbonnier, droit civil, 4, les obligations, P.U.F, Paris 1990 n° 156, p 310.
66
2) L’appréciation de la faute inéxcusable.
C’est une inexécution non intentionnelle de l’obligation avec la conscience qu’un dommage en
résulterait probablement.
La convention de Hambourg dans son Article 8 dispose que « la faute lourde est celle qui est
commise témérairement, et en sachant que cette perte, ce dommage ou ce retard en résulterait
probablement », d’où le critère est celui de la probabilité dans la réalisation du dommage. « plus ce
degré de probabilité du dommage est grand, plus lourde est la faute. Placé dans la situation du
transporteur un homme raisonnable et normal aurait prévu qu’en agissant de la sorte, le dommage
est soit certain ou très probable, soit simplement possible. Lourde dans la première hypothèse, la
faute est au contraire légère dans la seconde éventualité »(108) .
Néanmoins une question se pose : peut on assimiler le dol à la faute lourde ?
Dans le droit tunisien cette solution est admise et la jurisprudence l’a appliquée a maintes
reprises (111) en effet, la faute lourde est une faute tellement grossière qu’elle se rapproche de la faute
intentionnelle et son auteur devra une réparation complète c’est dans ce sens que s’est prononcé
l’article 4 - 5° de la convention de Bruxelles du 25 Août 1924 en introduisant la notion de faute
lourde, cet article prévoit que : « ni le transporteur, ni le navire n’auront le droit de bénéficier de la
limitation de responsabilité établie par ce paragraphe s’il est prouvé que le dommage résulte d’un
acte ou d’une omission du transporteur qui a eu lieu, soit avec l’intention de provoquer un
dommage, soit témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait probablement ».
(108)
Vu van Mau : La notion de faute lourde du transporteur à travers la jurisprudence 1968 Tome II p 20.
(111)
Cass n° 2197 1er avril 1988 B. Civ 1988, 1, P 158 inédit.
67
Donc la non déclaration de nature et de valeur de la marchandise écarte le plafond de
limitation car lorsque la cargaison a été insérée dans le connaissement sans aucune réserve du
capitaine, il y a une présomption qu’il a accepté le contenu de cette déclaration et il en est tenu.
Néanmoins cette déclaration obéit à certaines conditions de forme et de fond.
En effet, selon l’article 147 al 2 du code de commerce maritime « si le transporteur conteste
l’exactitude de la déclaration au moment où elle est effectuée, il est autorisé à insérer dans le
connaissement des réserves spéciales et motivés, colis par colis, qui mettent la preuve de la valeur
véritable à la charge de l’expéditeur ou du réceptionnaire ».
Donc la nécessité de déclarer la nature de la marchandise transportée est importante car elle
avise le transporteur pour qu’il réalise le transport dans les conditions les plus appropriées, en
fonction de la nature de la marchandise en question.
(109)
G Marais : les transports internationaux de marchandises par mer et la jurisprudence en droit comparé L G D J, Paris
1949.
68
Le chargeur doit aussi déclarer la valeur de la marchandise pour que le transporteur détermine
le montant du fret.
A cet égard une question se pose : Est-ce que la déclaration doit porter à la fois sur la nature et
la valeur de la marchandise cumulativement ou non ?
Dans un premier temps le tribunal de première instance de Tunis a eu l’occasion de se
prononcer sur cette difficulté dans une première affaire le chargeur n’a pas obtenue une réparation
intégrale, car le connaissement contient des précisions sur la nature de la marchandise transportée,
sans viser sa valeur (110) .
Mais cette décision nous semble inéquitable car dans certains type de transport la marchandise
peut être évaluée.
C’est ce qui a poussé le tribunal de première instance de Tunis dans une seconde phase à
modifier sa jurisprudence (111) et accorder la pleine et intégrale réparation au chargeur (112) .
Le législateur Tunisien définit l’armateur dans l’article 130 du code de commerce maritime il
le définit comme étant la personne qui assure l’équipement ou l’exploitation d’un navire à des fins
lucratives ou autres.
Cette limitation de responsabilité est intéressante pour le transporteur maritime mais elle
devient grave lorsqu’elle affecte les droits des chargeurs voulant obtenir la réparation intégrale.
(110)
Tribunal de première instance, Tunis n° 1256, 26 Décembre 1961, RJL 1962, p 747.
(111)
Tribunal première instance de Tunis n 3948, 13 décembre 1988 inédit.
(112)
Cass civ n° 20280 14 avril 1999 inédit.
69
La limitation générale de responsabilité est une faveur accordée à l’armateur dont il peut
bénéficier que s’il n’a pas commis de faute à l’origine du dommage, selon l’article 132 alinéa 3 du
code de commerce maritime, la limitation générale de responsabilité « est écartée dans tous les cas
où il est établi qu’un événement, donnant naissance à la créance, a été causé par le fait ou la faute de
l’armateur, ou quand il est prouvé que celui-ci a participé à l’engagement pris par le capitaine ou
qu’il l’a ratifié ». Ainsi, lorsque le dommage est dû à l’inavigabilité au départ du navire, ou a un
ordre d’expédition accompli malgré le temps particulièrement mauvais ou bien encore le mauvais
armement et équipement défectueux du navire..., dans tous ces cas, le transporteur en sa qualité
d’armateur perd le bénéfice de la limitation générale de responsabilité.
Si, en revanche la faute a été commise par l’un des préposés de l’armateur elle n’engage pas la
responsabilité de ce dernier à moins que l’armateur a participé à l’engagement pris par le capitaine
ou qu’il l’a ratifié.
On peut citer à cet égard une intéressante jurisprudence anglaise qui interprète la convention
de Bruxelles de 1957 dans le sens inverse. La charge de la preuve incombe selon cette jurisprudence
au propriétaire de navire qui doit prouver l’absence de faute pour se prévaloir de la limitation
générale de responsabilité de l’armateur.(113)
2) En ce qui concerne les créances de réparation des dommages corporels à un montant global
de deux cent cinquante dinars par tonneau de jauge brute. Pour déterminer la limitation de
(113)
E. du pontavice « le nouveau statut des navires » librairies techniques, Paris, 1976 n° 257. p 112.
70
responsabilité d’un armateur de navire, conformément aux dispositions du présent décret tout navire
de moins de 300 tonneaux de jauge brute sera assimilé à un navire de ce tonnage »(114) .
Le législateur se réfère à la notion de jauge brute. Cette référence est intéressante car elle
prend en considération les dimensions du navire c’est la capacité intérieure complète du navire et de
toutes les constructions qui se trouvent sur le pont.
C’est une opération facultative pour le transporteur qui entend se prévaloir de la limitation
générale de responsabilité des armateurs qui doit dresser une requête qu’il présente au président du
tribunal de première instance du lieu de l’immatriculation du navire ou à défaut d’immatriculation
en Tunisie, et doit joindre une liste nominative des créanciers qui lui sont connus et cela
conformément à l’article 140 du code de commerce maritime.
* Le premier est celle d’interdire aux créanciers auxquels la limitation est opposable toute
action sur d’autres biens du transporteur, car selon l’article 137 du code de commerce maritime
« aucun droit ne pourra être exercé sur tout autre bien de l’armateur, du chef des créances pour
lesquelles il est autorisé à limiter sa responsabilité ».
Donc si le navire a fait l’objet d’une saisie de la part des créanciers, la constitution des fonds
entraîne la mainlevée de la saisie, les créanciers du transporteur maritime n’ont plus d’action que sur
les sommes d’argent consignées en vertu de la constitution du fonds de limitation.
* Le deuxième effet du fonds est prévu par l’article 135 du code de commerce maritime, en
effet les sommes formant le fonds de limitation sont destinées exclusivement au recouvrement des
(114)
Décret n° 90 - 2259 du 31 décembre 1990 fixant les taux de créances relatifs à la limitation de la responsabilité de
l’armateur
71
créances nées de l’événement qui a occasionné la constitution du fonds, sans avoir égard aux autres
créances nées ou à naître d’un autre événement.
72