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Collombert, D. Lefèvre, S. Polis & J. Winand (eds), Aere


perennius. Mélanges égyptologiques en l’honneur de Pascal Vernus
(OLA 242), ISBN 978-90-429-3239-5.

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ORIENTALIA LOVANIENSIA
ANALECTA
————— 242 —————

Aere perennius

Mélanges égyptologiques en l’honneur


de Pascal Vernus

édités par

Philippe COLLOMBERT, Dominique LEFÈVRE,


Stéphane POLIS et Jean WINAND

PEETERS
LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT
2016

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TABLE des matières

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . ix

Bibliographie de Pascal Vernus


Rassemblée par Dominique Lefèvre et Stéphane Polis . . xi

James P. Allen
Subject–sḏm.f and Subject–ḥr-sḏm in Sinuhe . . . . . . 1
Michel Baud
Le nom du roi Houni . . . . . . . . . . . . . 9
Josep Cervelló-Autuori
Kom el-Khamasin. Histoire accidentée d’un site archéologique
égyptien  . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Mark Collier
Pragmatic Implication and Conditionals with the Negative Third
Future in Late Egyptian  . . . . . . . . . . . . 43
Philippe Collombert
Observations sur un usage iconique des hiéroglyphes  . . .59
Laurent Coulon
Padiaménopé et Montouemhat. L’apport d’une statue inédite à
l’analyse des relations entre les deux personnages . . . . 91
Philippe Derchain
Quatre observations sur la Stèle de Pithom  . . . . . .121
Andreas Dorn & Stéphane Polis
A Re-Examination of O. Cairo JdE 72460 (= O. Cairo SR 1475).
Ending the Quest for a 19th Dynasty Queen’s Tomb in the Valley
of the Kings  . . . . . . . . . . . . . . . .129
Christopher Eyre
Reciprocity, Retribution and Feud . . . . . . . . .163
Dominique Farout
Un monument de Ramsès ii à Edfou
. . . . . . . . .181

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VI Table des matières

Hans-Werner Fischer-Elfert
In Praise of Pi-Ramesse – A Perfect Trading Center (including
two new Semitic words in syllabic orthography; Ostr. Ashmolean
Museum HO 1187) . . . . . . . . . . . . . .195
Paul John Frandsen
To Kill or Not To Kill . . . . . . . . . . . . .219
Luc Gabolde
Observations sur un possible emploi particulier du mot sḳ . 241
Andrea M. Gnirs
Ein Hymnus in unerwartetem Kontext . . . . . . . .253
Carlos Gracia Zamacona
Verbes sans limite, verbes à limite. Étude préliminaire d’après
les données des Textes des Sarcophages  . . . . . . .303
Pierre Grandet
Un document relatif aux grèves de Deîr el-Médînéh en l’an 29
de Ramsès iii et un fragment de l’Enseignement d’Amennakhté,
§39-48 : O. IFAO 1255 A-B (ONL 514 A-B) . . . . . .327
Ivan Guermeur
Le passeport d’éternité de Tsenapollôs. Le papyrus Tübingen
2014 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .361
Dimitri Laboury
Le scribe et le peintre. À propos d’un scribe qui ne voulait pas
être pris pour un peintre  . . . . . . . . . . . .371
Dominique Lefèvre
De certains esprits excellents. La stèle du ḫ ỉḳr n rꜤ Pennoub
(quai Branly 71.1885.10.42) . . . . . . . . . . .397
Bernard Mathieu
Linguistique et archéologie : l’usage du déictique de proximité
(pn / tn / nn) dans les Textes des Pyramides . . . . . .407
Juan Carlos Moreno García
Entre lexicographie et histoire économique : les terres nꜤꜤ et la
réorganisation des domaines des temples au iie et ier millénaires
avant J.-C. [avec une note sur sprt « graine (de caroube) »] . 429
Ludwig D. Morenz
Zwischen ästhetischer Präsenz und hoch determinierter Lesbar-
keit. Der monumentale Käfer von Amen-hotep III. . . . .449

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Table des matières VII

Matthias Müller & Sami Uljas


‘He Almost Heard’: A Case Study of Diachronic Reanalysis
in Coptic Syntax . . . . . . . . . . . . . . .465
Elsa Oréal
Jugement public des morts et accès à la sépulture. Les sources
égyptiennes de Diodore I, 92 . . . . . . . . . . .493
Jürgen Osing
Zu einigen altkoptischen Wortformen . . . . . . . .513
Laure Pantalacci
Noms royaux nouvellement attestés à Balat . . . . . .521
Olivier Perdu
La statuaire privée d’Athribis aux périodes tardives. Un nouveau
témoignage et quelques ajouts  . . . . . . . . . .531
Patrizia Piacentini
Les équipements de scribe. Des fouilles aux archives . . .553
Julie Stauder-Porchet
Les actants des autobiographies événementielles de la ve et de
la vie dynastie
. . . . . . . . . . . . . . . .579
Joachim Friedrich Quack
Papyrus Heidelberg Dem. 679. Ein frühdemotischer (sub)lite-
rarischer Text? . . . . . . . . . . . . . . .593
Stephen Quirke
Eighteenth Dynasty Writing Boards in the Petrie Museum .  . 611
Tonio Sebastian Richter
Coniunctivus Multiformis. Conjunctive Morphology in Late
Coptic Recipes  . . . . . . . . . . . . . . .625
Gérard Roquet
« Mon papyrus de Tehneh ». Provenance du texte vieux-copte
Carl Schmidt d’après les manuscrits de Pierre Lacau . . .663
Serge Rosmorduc
Le discours du vizir To (P. Turin 1880, Ro 2,20-3,4)  . . .677
Helmut Satzinger
Semitic Suffix Conjugation and Egyptian Stative. A hypothetic
morpho-syntactic scenario of its origin . . . . . . . .685

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VIII Table des matières

Frédéric Servajean
Les deux arbres de l’épisode giblite . . . . . . . . .697
Ariel Shisha-Halevy
The Circumstantial Conversion in Coptic: Material towards a
syntactic profile . . . . . . . . . . . . . . .709
David P. Silverman
The Origin of the Book of the Dead Spell 159  . . . . .741
Anthony J. Spalinger
Plutarch’s “Egyptian” Dates
. . . . . . . . . . .763
Andreas Stauder
Ptahhotep 82 P . . . . . . . . . . . . . . .779
Marcella Trapani
Imitation et interprétation dans l’art égyptien : Le cas de quelques
fragments de peintures murales de Deir el-Médineh . . . .811
Michel Valloggia
À propos de la stèle Louvre C 90  . . . . . . . . .825
Youri Volokhine
Une façon égyptienne de prendre du plaisir . . . . . .837
Jean Winand
Traces d’indices actanciels en néo-égyptien . . . . . .861
Annik Wüthrich
Ihet, celle qui engendre le dieu solaire
. . . . . . . .895

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LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE :
L’USAGE DU DÉICTIQUE DE PROXIMITÉ (pn / tn / nn)
DANS LES TEXTES DES PYRAMIDES

Bernard MATHIEU
(Institut d’égyptologie François Daumas ;
UMR 5140, CNRS - Université Montpellier 3 Paul Valéry)

Résumé. L’utilisation des déictiques de proximité pn, tn, nn, étant


donné leur spécificité sémantique, implique la présence matérielle
du référent qu’ils déterminent. Leur emploi dans le corpus des
Textes des Pyramides permet ainsi d’inférer la présence concrète,
dans l’espace des appartements funéraires, de différents référents :
le corps du défunt, bien sûr, mais aussi les offrandes, le texte gravé,
les réalités topographiques, des entités divines, dont l’adversaire
neutralisé, ou encore certains éléments du mobilier funéraire.
L’analyse linguistique est ainsi susceptible de livrer des informa-
tions de nature archéologique.
Abstract. Due to their semantic contents, the pronouns of the deic-
tic series pn, tn, nn imply the actual presence of what they refer to.
Therefore, when used in Pyramid Texts, this specific series makes it
possible to conclude to the concrete presence, inside the pyramid
substructure, of various referents as the dead body, of course, but
also offerings, the engraved text, topographical realities, divine
entities — including the neutralized opponent —, or some items of
the funerary furniture. The linguistic analysis is thus likely to
deliver archaeological informations.

Le savant honoré par ce volume ne sera pas surpris que la linguistique


puisse nourrir l’enquête archéologique. C’est avec la profonde recon-
naissance d’un ancien élève que je lui dédie ce petit parcours du signe à
la chose dans les Textes des Pyramides.
L’opposition, dans la première phase de l’égyptien ancien, entre déic-
tiques (ou démonstratifs) de proximité et déictiques d’éloignement est
bien connue (« proximal deixis » vs « distal deixis »)1. Il a été montré

1
E. Edel, Altägyptische Grammatik (AnOr 34 et 39), 1955 et 1964, § 181-202 ;
C.E. Sander-Hansen, Studien zur Grammatik der Pyramidentexte (AnAeg VI), 1956,
§ 13-21 ; voir aussi P. Vernus, « La structure ternaire du système des déictiques dans les
408 BERNARD MATHIEU

récemment qu’au sein des trois séries de déictiques (pn / tn / nn ; pw / tw


/ nw ; pf / tf / nf), séries « récessives » dans l’histoire de la langue, tandis
que la série pA / tA / nA, postérieure, est « évolutive »2, la deuxième (pw /
tw / nw) pouvait être considérée comme neutre du point de vue distan-
ciel3. L’opposition distancielle fondamentale s’opère donc clairement
entre la série pn / tn / nn et ses formes plurielles j.pn / j.ptn4, d’une part,
et la série pf / tf / nf et ses formes plurielles j.pf / j.ptf, d’autre part5,
chaque série étant marquée par rapport à la série « distanciellement »
neutre pw / tw / nw.
Je me propose d’élargir ce constat linguistique sur les déterminants
déictiques en le reliant à la problématique de la spatialisation des Textes
des Pyramides dans le plan architectural des appartements funéraires6.

Textes des Sarcophages », Studi di Egittologia e di Antichità Puniche 7 (1990), p. 27-45 ;


P. Grandet & B. Mathieu, Cours d’égyptien hiéroglyphique, nouv. éd., 4e tirage, 2008,
§ 7.4 et 11.4 ; M. Malaise & J. Winand, Grammaire raisonnée de l’égyptien classique
(Ægyptiaca Leodiensia 6), 1999, p. 121-133 (« démonstratifs rapprochés » vs « démon-
stratifs éloignés »). Cette opposition est classique dans la description des langues
sémitiques : cf. R. Hasselbach, « Demonstratives in Semitic », JAOS 127 (2007), p. 1-27
(« near deixis » vs « far deixis »).
2
P. Vernus, « L’accord du neutre en égyptien classique : l’incohérence morpho-
syntaxique comme marque de cohérence catégorielle », Faits de langue 8 (1998), p. 132.
3
H. Jenni, « The Old Egyptian Demonstratives pw, pn and pf », LingAeg 17 (2009),
p. 119-137. Voir également W. Barta, « Das Demonstrativpronomen nw als
kongruierendes Subjekt im pw-Satz nach Beispielen der Pyramidentexte », GM 114
(1990), p. 31-34.
4
Pour le masculin pluriel j.pn, cf. § 22a (bis), 445d, 765a, 864b ; pour le féminin
pluriel j.ptn, cf. § 870b, 1290b, 1597b, 1649a, 1860b. Un exemple de féminin singulier
archaïque j.tjn (§ 591c).
5
Pour des exemples d’opposition entre les deux séries, cf. pf rw m-Snw pn rw, ce
lion-là étant à l’intérieur de ce lion-ci (§ 425d) ; s pf j.Sm s pn jw=j, cet individu-là est
allé, cet individu-ci est venu (§ 684b) ; m pn gs rsj n Mr-n-xA… m pf gs mHtj n Mr-n-xA,
de ce côté sud-ci du canal Mérenkha… de ce côté nord-là du canal Mérenkha (§ 1376a-
1377c) ; %xtj.t pf *A pn sjn sjn jm=Tny, cette Prise-là (= Seth), ce Mâle-ci (= Horus), celui
de vous deux qui court courra (§ 1462b). Les formes masc. plur. j.pn et j.pf sont déjà
attestées à la IIe dynastie : J.-P. Pätznick, Die Siegelabrollungen und Rollsiegel der Stadt
Elephantine im 3. Jahrtausend v. Chr.: Spurensicherung eines archäologischen Arte-
faktes (BAR International Series 1339), 2005, p. 379-380 (Kat. 212, 214). La forme fém.
plur. j.ptn est connue dès la IIIe dynastie : ibid, p. 423-424 (Kat. 302-303).
6
Sur ce sujet « d’actualité », on consultera notamment : G. Englund, « L’horizon et
quoi encore. Quelques réflexions sur l’emploi de Axt dans les Textes des Pyramides »,
dans Sundries in honour of T. Säve-Söderbergh (Acta Universitatis Upsaliensis, Boreas
13), 1984, p. 47-54 ; J. Osing, « Zur Disposition der Pyramidentexte des Unas », MDAIK
42 (1987), p. 131-144 ; J.P. Allen, « Reading a Pyramid », dans C. Berger, G. Clerc &
N. Grimal (ed.), Hommages à J. Leclant (BdÉ 106/1), 1994, p. 5-28 ; J.A. Styles, « The
Problem of Order in the Pyramid Texts: A Quantitative Approach », JARCE 42 (2005-
2006), p. 13-32 ; N. Billing, « The Corridor Chamber. An Investigation of the Function
and Symbolism of an Architectural Element in the Old Kingdom Pyramids », dans
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 409

Un certain nombre d’informations en ressortent, qui ne sont pas sans


intérêt pour la compréhension des textes et l’étude archéologique des
pyramides inscrites.
L’emploi du déictique de proximité pn / tn / nn suppose la présence
matérielle du signifié dans un contexte spatial immédiat, en fonction du
centre déictique (« deictic center »7) que constitue l’espace funéraire en
général et le défunt en particulier. Les syntagmes recourant à ce type de
déictiques font ainsi référence à une réalité concrète, présente ou repré-
sentée concrètement dans l’environnement proche ; c’est ce que l’on
pourrait nommer le caractère proximal du signifié ou sa proximalité. Le
recours à cette terminologie a sa raison d’être ; il s’agit en effet d’affir-
mer la présence du référent par la catégorisation du signifié au moyen
d’une détermination déictique : le déictique de proximité catégorise
linguistiquement le signifié comme proximal, qui renvoie lui-même à un
référent matériellement (archéologiquement !) présent.
Étant donné la portée non négligeable de cette constatation, comme
on va tenter de le montrer, on a pris le parti de signaler systéma-
tiquement la présence d’un déictique de proximité égyptien, dans la
traduction française, par le démonstratif « -ci »8.

1. LA PRÉSENCE DU DÉFUNT
L’illustration la plus évidente de cette relation particulière du signe
linguistique à son référent est l’emploi quasi systématique, dans les
Textes des Pyramides, du déictique pn après le nom du défunt : Wnjs pn,
« cet Ounas-ci », &tj pn, « ce Téti-ci », Ppy pn, « ce Pépy-ci », anx=s-
n=Ppy pn, « cet Ânkhesenpépy-ci », etc. L’absence, rare, du déictique
dans ce type de syntagme, s’explique par son remplacement possible par

J.-Cl. Goyon & Chr. Cardin (éd.), Actes du IXe Congrès international des Égyptologues:
Grenoble, 6-12 septembre 2004 (OLA 150), 2007, p. 183-193 ; H. Hays, « Old Kingdom
Sacerdotal Texts », JEOL, Ex Oriente Lux 41 (2009), p. 47-94 ; H. Hays, « Unreading the
Pyramids », BIFAO 109 (2009), p. 195-220 ; H. Hays, The Organization of Pyramid
Texts. Typology and Disposition (ProblÄg 31), 2012 ; B. Mathieu, « La paroi est de la
chambre funéraire de la reine Ânkhesenpépy II (AII/F/E). Contribution à l’étude de la
spatialisation des Textes des Pyramides », dans R. Legros (éd.), 50 ans d’éternité. Jubilé
de la Mission archéologique française de Saqqâra (BiEtud ), 2014 (sous presse).
7
H. Jenni, « The Old Egyptian Demonstratives », p. 120, qui se réfère aux analyses
de H. Diessel, Demonstratives. Form, Function, and Grammaticalization (Typological
Studies in Language 42), 1999.
8
Pour marquer l’opposition distancielle, le français a recours aux suffixes adver-
biaux -ci vs -là, ajoutés à une base commune (ceci vs cela, celui-ci vs celui-là, celle-ci vs
celle-là, etc.) ; il en est de même pour l’allemand actuel (dieser hier vs dieser dort).
D’autres langues modernes utilisent, comme l’égyptien ancien, des déictiques distincts :
anglais (this vs that), italien (questo vs quello), etc.
410 BERNARD MATHIEU

l’autre déictique pw ou, plus prosaïquement, par une contrainte de place,


souvent au bas d’une colonne.
Par extension, l’expression jj pn, « cette nomination-ci », fait allusion
au nom du défunt prononcé par les Enfants d’Horus dans le cadre de sa
comparution devant le créateur : jn m j(j) n fdw j.pw JAtj.w Hms.w Hr
Dab(.w)=sn prrj.w m gs jAb n p.t wTs=sn jj=k pn nfr n NHbw-kA.w Dd~n
n=k sA.t=k jd.t Dd NHbw-kA.w jj=k pn nfr n PsD.tj, “Apportez (le bac)”
est ce qui a été dit à ces Quatre des buttes assis sur leurs sceptres noir
de jais qui sortent du côté oriental du ciel pour qu’ils élèvent cette
tienne belle nomination vers Néhebkaou que ta fille vache t’a adressée
et pour que Néhebkaou élève cette tienne belle nomination vers les Deux
Ennéades (§ 1708a-f).
On ne rencontre jamais, à ma connaissance, *N pf, qui supposerait
une rupture spatiale, inconcevable dans le cas du défunt, entre le texte et
son honorable bénéficiaire. C’est que le défunt est présent, et cela de
plusieurs manières, si l’on adopte le point de vue des conceptions égyp-
tiennes9 : 1) sous la forme directe et sensible de son corps momifié (XA.t,
saH), 2) sous les différentes formes qu’il a acquises du fait de son
nouveau statut de défunt transfiguré (dieu nTr, esprit Ax, forme mobile
bA, etc.).
Ainsi s’expliquent les formulations suivantes, qui désignent toutes le
défunt, et s’opposent généralement à des syntagmes parallèles, usant du
déictique pw, qui se réfère quant à lui au dieu créateur :
– « cette tienne dignité-ci » (saH pn : § 412b, 743c, 800b) ;
– « ce dieu-ci » (nTr pn : § 476b, 992b, 1472b, 2209c10), à distinguer de
NTr pw, « ce Dieu » (§ 147a), qui désigne le créateur ;
– « cet esprit akh-ci » (Ax pn : § 903d, 1986b ; rapprocher sAx pn,
« cette tienne spiritualisation-ci » : § 797b), à distinguer de Ax pw,
« cet Esprit akh » (§ 754c, 1353a), qui désigne le créateur sous sa
forme osirienne ;

9
De la même manière, dans la littérature magique, le nom du patient (ou sa dési-
gnation) est presque systématiquement déterminé par le déictique de proximité ;
cf. H.-W. Fischer-Elfert, Altägyptischen Zaubersprüche, 2005, p. 18-19.
10
En P/A/S 23 = Pépy, antichambre, paroi sud, col. 23. Les conventions utilisées ici
sont celles de la Mission archéologique française de Saqqâra (MAFS) : voir notamment
C. Berger-El Naggar, J. Leclant, B. Mathieu & I. Pierre-Croisiau, Les textes de la
pyramide de Pépy Ier. Édition. Description et analyse (MIFAO 118/1), 2e éd., 2011, p. 6-
9. L’abréviation « AII » désigne la pyramide de la reine Ânkhesenpépy II, dont les textes
sont en cours de publication, cf. V. Dobrev, A. Labrousse & B. Mathieu, « La dixième
pyramide à textes de Saqqâra : Ânkhesenpépy II. Rapport préliminaire de la campagne de
fouilles 2000 », BIFAO 100 (2000), p. 275-296 ; B. Mathieu (avec la collaboration de
É. Bène et de A. Spahr), « Le registre supérieur de la paroi est de la chambre funéraire
(AII/F/E sup) », BIFAO 105 (2005), p. 129-138 ; B. Mathieu, « Le registre inférieur de la
paroi est de la chambre funéraire (AII/F/E inf) », BIFAO 108 (2008), p. 281-291.
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 411

– « cet unique-ci » (wa pn : § 254c), à distinguer de Wa pw, « cet


Unique » (§ 1078e), qui désigne le créateur ;
– « ce vénérable-ci » (wr pn : § 777c, 778b), à distinguer de Wr pw,
« ce Vénérable » (§ 819a), qui désigne le créateur sous sa forme
osirienne (voir ci-dessous, § 5. Présence d’Osiris).
Le déictique masculin singulier pn n’est pas le seul de la série proximale
à s’appliquer au défunt, ce dernier pouvant être désigné, assez fréquem-
ment, par le déictique nn, « cet être-ci », litt. « ceci », non marqué du
point de vue du genre :
– &mw sA=k pw p(j) nn, Atoum, c’est ce tien fils, cet être-ci (§ 167a ;
cf. § 168a, 169a, 170a, 171a, 172a, 173a, 174a, 175a, 176a, 177a,
178a, 179a) ;
– an.t tw nn n.t &m, c’est le pouce d’Atoum que cet être-ci (§ 229a) ;
– kA=k pw nn, c’est ton taureau que cet être-ci (§ 242c, 423c) ;
– sn=j nn jr jm=j nn j~n Gb, « Mon frère, cet être-ci, à mon côté, cet
être-ci ! », a dit Geb (§ 1114c-1115a) ;
– wab Wsx.t nn jr QbHw, la Grande Cour de cet être-ci est plus pure
que la Fraîcheur (§ 1266b) ;
– hA Gb Wsjr N pw nn, ô Geb, c’est cet Osiris N que cet être-ci
(§ 1616a ; cf. § 1872a, *2219c) ;
– @r pw nn pr m @ap Ng(A) pw nn pr m jnb.t +.t pw nn pr.t m Ra Jar.t
pw nn pr.t m %tS, c’est Horus issu du Nil en crue que cet être-ci, c’est
le Taureau nega issu de la muraille que cet être-ci, c’est le Cobra
issu de Rê que cet être-ci, c’est l’Uræus issue de Seth que cet être-ci
(§ 2047c-d).
Par extension, le déictique de proximité peut déterminer ce qui est
intimement lié au défunt, comme sa purification, les années de sa
nouvelle existence, son périple dans l’au-delà, ou ses besoins vitaux :
– sm jrj-pa.t mD wr.w aH mD wr.w Jwnw PsD.t wr.t Hms mA=Tn wab pn n
jt(=j) Wsjr N pn, Prêtre sem et prince, les dix vénérables du Palais et
dix vénérables d’Héliopolis, Ennéade vénérable, asseyez-vous pour
voir cette purification-ci de mon père, cet Osiris N (§ 848c-849b) ;
– hA N pw mj anx anx=k nn m tr=k m tr=k m rnp.wt j.ptn Htp=tj srf
mrw.t=k, ô ce N, viens, vis ta vie ainsi, de saison en saison, dans ces
années-ci où tu seras satisfait et l’amour de toi réconforté (§ 1290a-b) ;
– Sm.t=k tn, cette tienne marche-ci (§ 790a, 1730a, 1860a-c) ;
– @apy _wA-mw.t=f QbH-sn.w=f Jmstj j.dr=sn Hqr pn ntj m X.t n.t N jb.t
tn nt.t m sp.tj N, ce sont Hâpy, Douamoutef, Qébehsénouf et Imséti
qui chasseront cette faim-ci qui est dans le ventre de N, cette soif-ci
qui est sur les lèvres de N (§ 552b-d).
412 BERNARD MATHIEU

2. LA PRÉSENCE DES OFFRANDES


On ne sera pas surpris que les offrandes puissent être caractérisées
comme présentes, à l’éternelle disposition du défunt, par le moyen du
déictique de proximité. Il en est ainsi de l’eau (mw), de l’eau fraîche
(qbH), des liquides lactés (mw bsA.w), du pain (t), de la bière (Hnq.t), des
pastilles d’encens (pAD) et des morceaux de choix (stp.wt) :
– Ssp n=k mw=k j.pn wab.w pr=w m Abw, prends donc tes liquides purs
que voici issus d’Éléphantine (§ 864b) ;
– qbH=k j.pn Wsjr qbH=k j.pn hA N pr=w xr sA=k pr=w xr @r, ton eau
fraîche que voici, Osiris, ton eau fraîche que voici, ô N, est venue de
ton fils, est venue d’Horus (§ 22a ; cf. § 24a-b, 765a, 1877d) ;
– m n=k mw=k j.pn bsA.w, prends donc tes liquides lactés que voici
(§ 1873a) ;
– Htm N m t=f pn, N est pourvu de ce sien pain-ci (§ 215a) ;
– wAg Tw m t=k pn, sers-toi de ce tien pain-ci (§ *1924a [Nt]) ;
– Ssp n=k t=k pn srf H(n)q.t=k j.ptn srf.t pr.t m pr=k ddw n=k, prends
donc ce tien pain-ci tiède et ces tiennes bières-ci tièdes, issus de ton
domaine, et qui te sont donnés (§ 870b-c) ;
– pAD.wj=k j.pn, ces deux tiennes pastilles d’encens que voici (§ 905b) ;
– d-nsw-Htp d-Gb-Htp (m) stp.wt j.ptn, offrande dé-nésou-hotep et dé-
Geb-hotep consistant en ces morceaux de choix-ci (§ 1649a).
Un esprit positiviste objectera peut-être que l’eau fraîche s’évapore avec
le temps et que le pain tiède ne conserve ni sa tiédeur ni son goût ! Ce
serait méconnaître que les offrandes dont il s’agit ne sont pas celles,
matérielles et corruptibles, qui peuvent circuler rituellement dans le
monde des hommes, mais celles, inaltérables, qui sont représentées
linguistiquement et iconographiquement dans le texte hiéroglyphique.
Comme il est expliqué dans plusieurs formules, le défunt est ainsi
prémuni de la corruption des offrandes : Ts Tw r t=k pn j.xm xsD H(n)q.t=k
j.xm.t awA, dresse-toi vers ce tien pain-ci qui ignore la moisissure et ta
bière qui ignore l’aigreur (§ 655a ; cf. § 859a-b, 1226b, TP 100311). Les
déictiques de proximité, appliqués, il faut le souligner, aux vocables
génériques que sont eau, pain, bière, pastilles d’encens et morceaux de
choix, se réfèrent à ces offrandes gravées dans la pierre, exemptes de ce
fait de toute dégradation temporelle.
Comme confirmation de ce jeu de référence interne, on observera que
le même déictique détermine les termes génériques wAgw, « service
d’offrandes » (§ *1924c), pSr, « retour d’offrandes » (§ 818a), Hnk.t,
« offrande henket » (§ *1924a), et, surtout, l’expression emblématique

11
En P/F/Se 48-49.
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 413

de l’offrande qu’est « l’Œil d’Horus »12 : nHm~n @r Jr.t=f m-a %tS


rd~n=f n=k s(.j) Jr.t=f j.tjn bn(r).t, Horus a pris son Œil à Seth et il te
l’a donné, cet Œil-ci qui est le sien, devenu doux (§ 591b-c) ; Jr.t tn tw
n.t @r rd.t~n=f n Wsjr, c’est cet Œil d’Horus-ci qu’il a donné à Osiris
(§ 1643a) ; mj wn nn n=k Jr.t @r xr=k, vois, ceci t’appartient, l’Œil
d’Horus auprès de toi (§ *1958c)13 ; gm n N pn Jr.t @r gm nn jr.t @r,
l’Œil d’Horus a été trouvé pour ce N, ceci qu’a produit Horus a été
trouvé (§ 2090a).

3. LA PRÉSENCE DU TEXTE
Les déictiques de proximité, comme on vient de le voir à propos des
offrandes, sont susceptibles de renvoyer, de manière interne, à un
élément du corpus textuel, ce dernier étant par définition, présent à lui-
même (« co-texte »). Cette présence, on le soulignera, est tout aussi
matérielle que celle d’artefacts, selon les conceptions égyptiennes, dans
la mesure où le signe linguistique, comme la partie du discours ou le
discours lui-même dans lequel il fonctionne, est conçu comme un objet,
au même titre qu’un élément du mobilier funéraire. Les exemples les
plus explicites de ce cas de figure sont les suivants.
a) Emplois anaphoriques (le déictique renvoie à un discours cité anté-
rieurement) :
– rx sw rr rA pn n Ra jr=f sn HkAw.w j.pn nj.w @r Axtj wnn=f rr m Rxj n
Ra wnn=f m %mHr n @r Axtj j.rx=j sw rA pn n Ra jry(=j) sn HkAw.w j.pn
nj.w @r Axtj wnn=j jr=j m Rxj n Ra wnn=j m %mHr n @r Axtj, de même
que celui qui l’apprendra, cette formule-ci de Rê, que celui qui les
utilisera, ces formules magiques hékaou-ci d’Horus de l’Horizon, il
sera un Connu de Rê, il sera un Ami d’Horus de l’Horizon, je
l’apprendrai, cette formule-ci de Rê, je les utiliserai, ces formules
magiques hékaou-ci d’Horus de l’Horizon, je serai un Connu de Rê,
je serai un Ami d’Horus de l’Horizon (§ 855a-856e = *2138j) ; pour
le syntagme HkAw pn, cf. aussi § 1318c). La « formule de Rê » et les
« formules magiques hékaou d’Horus de l’Horizon » correspondent

12
Voir en particulier G. Rudnitzky, Die Aussage über « das Auge des Horus »,
1956 ; J.G. Griffiths, « Remarks on the Mythology of the Eyes of Horus », CdÉ XXXIII
(1958), p. 182-193 ; R. Anthes, « Das Sonnenauge in den Pyramidentexten », ZÄS 86
(1961), p. 1-21 ; A. Fehlig, « Königskrone und Horusauge », GM 90 (1986), p. 11-25 ;
G. Meurer, Die Feinde des Königs in den Pyramidentexten (OBO 189), 2002, p. 192-
207 ; A.M. Rosso, « Une nouvelle tentative pour décoder la “symbologie” de l’Œil
d’Horus », dans J.-Cl. Goyon & Chr. Cardin (éd.), Actes du IXe Congrès international des
Égyptologues II (OLA 150), 2007, p. 1621-1628.
13
En P/F/Se 80.
414 BERNARD MATHIEU

aux trois stances hymniques précédentes (§ 852a-854e = *2138d-g ;


cf. § 2062a) ;
– n jn js N pn Dd nn jr=Tn nTr.w jn @kAw Dd nn jr=Tn nTr.w N pw jrj jA.t
Xrj.t @kAw, ce n’est pas ce N qui vous adresse ces mots-ci, dieux,
c’est Hékaou qui vous adresse ces mots-ci, dieux, et c’est N, le
préposé au pavois qui porte Hékaou (§ 1324a-c) ; les mots en
question sont les menaces aux dieux qui viennent d’être prononcées ;
– Htp &mw jt nTr.w Hr mdw pn wr aAj pr m rA n +Hwtj, satisfait est
Atoum, le père des dieux (…), de ce vénérable et grand discours-ci
sorti de la bouche de Thot (§ 1521a-1523a) ; le discours ouvrait la
formule (TP 577) : Osiris est apparu, le Puissant est purifié, le
seigneur de maât s’est élevé au premier jour de l’année, le seigneur
de l’année (§ 1520a-b).
b) Emplois cataphoriques (le déictique renvoie à un discours cité
postérieurement) :
– j.gr m(j) sDm=Tn sw mdw pn Ddw N p(j) Ax=f xnt Ax.w sxm=f xnt
anx.w Hmsw=f r-smAw #ntj-jmntj.w, silence, s’il vous plaît, que vous
l’entendiez ce discours-ci que prononce ce N, (à savoir) que son
esprit akh préside aux esprits akhou, que sa puissance préside aux
vivants, que son siège hémésou est au contact de Khenti-imentiou
(§ 868c-869b) ;
– Aw mdw pn Dr Hr=k Ra sDm sw KA PsD.t, prête grande attention à ce
discours-ci, Rê, écoute-le, Taureau de l’Ennéade (§ 1238b-c) ; le
discours en question suit immédiatement : « tu ouvriras le chemin de
ce N, tu élargiras la place de ce N à l’avant des dieux » (§ 1239a) ;
– sDm sw mdw pn Ra Ddw N n=k D.t=k m N Ra sanx D.t=k m N Ra,
écoute-le, ce discours-ci, Rê, que N t’adresse : « Puisque ton corps
djet est N, Rê, fais vivre ton corps djet en N, Rê ! » (§ 1461a-b) ;
– j.Dd=j n=k nn jt(=j) Dd-mdw=j jhj, je veux te dire ceci, mon père, je
veux prononcer le mot : « Ihi » (§ 1680d) ;
– wr=w nn mA~n Hr=j aA=w nn mA~n jr.tj(=j) jw.t bA snH m nD-jt=f, que
c’est vénérable, ceci qu’a vu mon visage, que c’est grand, ceci qu’ont
vu mes yeux : la venue d’un ba, les cheveux noués, en protecteur de
son père (§ *1950e-f).
– mk nn Dd~n=sn jr N Dd~n nTr.w jr N j.xr mdw nTr.w jr N, vois ceci
qu’ils ont dit au sujet de N, que les dieux ont dit au sujet de N, quand
a été prononcé le discours des dieux au sujet de N (§ 2047a-b). Suit
le discours direct.

4. LA PRÉSENCE DES STRUCTURES ARCHITECTURALES


Plus informatifs sont les emplois de la série proximale relatifs à l’espace
architectural environnant.
L’espace maximal — l’ensemble du complexe funéraire — peut être
nommé pr, « le domaine », selon les paroles-mêmes du fils successeur et
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 415

officiant funéraire : jw~n(=j) wdn(=j) n(=j) pr pn n N pn, je suis venu


installer pour moi ce domaine-ci de ce N (§ 1266a) ; ou bien encore
grg.wt, « les fondations », en suivant le § 1597b (version N) : grg~n Tn
N pn Grg.wt=f j.ptn, ce N vous a fondées, ses siennes Fondations-ci.
Plus précisément, du § 1277b-c [TP 534] peut être déduit que les
éléments constitutifs et complémentaires du complexe funéraire, aux
yeux des Égyptiens, étaient la pyramide (mHr)14 et la demeure divine
(Hw.t-nTr). C’est ce qu’indique la graphie « en accolades » de l’expres-
sion mHr pn Hw.t-nTr tn, « cette pyramide-ci et cette demeure divine-ci »,
en P/C ant/E 23 [Fig. 1].

Fig. 1. mHr pn Hw.t-nTr tn


« cette pyramide-ci et cette demeure divine-ci »
(§ 1277b, P/C ant/E 23)
Demeure divine et pyramides forment le contexte architectural dans
lequel s’inscrivent les textes. On notera toutefois que le terme mHr,
déterminé par le signe de la pyramide, apparaît toujours dans les Textes
des Pyramides avec le déictique pn, sur le modèle du syntagme nomi-
natif N pn, ce qu’il convient d’interpréter comme le résultat d’un souci
d’actualisation du texte, de son adaptation à la situation historique15.
Cette dimension d’actualisation est flagrante dans le § 1649d-1650a,
version P, qui porte : Mn-nfr pn, « ce Mennéfer-ci », c’est-à-dire le nom
spécifique du complexe funéraire. Le syntagme, c’est évident, ne saurait

14
Pour la lecture mHr, voir J. Quack, « Zur Lautwert von Gardiner Sign-List U 23 »,
LingAeg 11 (2003), p. 113-116, suivi par Ph. Collombert, « (m)Hr, “pyramide” ? », GM
227 (2010), p. 17-22. Cette lecture est confirmée par le jeu de mots : m Hr jr=f m rn=f n
MHr, ne t’éloigne pas de lui en son nom de Pyramide (§ 1657d).
15
Pour mHr pn, cf. aussi § 1278a, 1653c, 1654b, 1656b, 1657b, 1660b, 1661c, 1662c,
1663c, 1664c, 1665c, 166C, 1667c, 1668c, 1669c, 1670c, 1671c. Sur cette question de
l’actualisation, voir B. Mathieu, « La distinction entre Textes des Pyramides et Textes des
Sarcophages est-elle légitime ? », dans S. Bickel & B. Mathieu (éd.), D’un monde à
l’autre. Textes des Pyramides & Textes des Sarcophages (BdÉ 139), 2004, p. 252-253 et
n. 53.
416 BERNARD MATHIEU

appartenir au formulaire original, qui peut être établi grâce aux autres
versions (M, N) : kA.t tn, « cet ouvrage-ci »16.
Pénétrons dans les appartements funéraires.
Il semble bien qu’on puisse désigner comme tA pn, « ce pays-ci »,
l’espace intérieur dans lequel sont inscrits les textes, à savoir un espace
divin, où règne l’éternité djet. Les passages concernés n’autorisent
guère, en effet, une interprétation de tA pn comme se référant au monde
des hommes :
– tA pn pr m &mw nSS pr m #prr, ce pays-ci issu d’Atoum, le crachat
issu de Khéprer (§ 199a) ;
– Hm.t @r nsw n tA pn, l’épouse d’Horus, roi de ce pays-ci (§ 1396a)17 ;
l’épouse est Hathor, parèdre du créateur sous sa forme astrale ;
– Ax.tj nb.tj tA pn, les deux Esprits akh, les deux dames de ce pays-ci,
c’est-à-dire Isis et Nephthys (§ 1425c) ;
– n Sw p.t m N pn n Hm Sw tA pn m N pn D.t, le ciel ne sera pas privé de
ce N, car ce pays-ci, surtout, ne sera jamais privé de ce N (§ 1455c) ;
noter l’emploi significatif de D.t.
Une expression parallèle et, sans doute, de même sens, est p.t tn, « ce
ciel-ci » : Dr Sdt=k kA n N r p.t tn xr Sps.w nTr, puisque tu as emmené le
ka de N dans ce ciel-ci, auprès des Nobles du dieu (= les Enfants
d’Horus) (§ 815c). Dans le monde des dieux, l’opposition terre vs ciel
n’a pas cours, comme le suggère le § 1455c qui vient d’être cité. On ne
peut totalement exclure, toutefois, que les syntagmes tA pn et p.t tn aient
des significations plus précises.
C’est dans cet espace interne qu’évolue (métaphoriquement,
s’entend) le défunt. Son parcours dans l’autre monde, topographique-
ment situé dans un cadre architectural standardisé depuis Djedkarê-
Isési18, est évoqué parfois spatialement par le biais des déictiques de
proximité :
– xsbb N pn m wA.t tn xsbb &mw, si ce N est retenu sur ce chemin-ci,
Atoum sera retenu (§ 492d). L’emploi de tn implique la présence
matérielle du chemin dans l’espace des appartements funéraires ;
étant donné la situation systématique du TP 310 dans l’antichambre
des pyramides royales (W/A/N 36-38, T/A/N 15-17, P/A/W 50-51,

16
Sur kA.t, « œuvre, ouvrage, travail créatif », opposé à bAk, « service, travail
assujetti », cf. K.A. Kóthay, « La notion de travail au Moyen Empire. Implications
sociales », dans B. Menu (éd.), L’organisation du travail en Égypte ancienne et en
Mésopotamie (BdÉ 151), 2010, p. 155-170.
17
En AII/F/E sup 15-16 ; cf. B. Mathieu et al., « Textes de la pyramide de la reine
Ânkhesenpépy II (1) », p. 132.
18
On se reportera bien sûr à A. Labrousse, L’Architecture des pyramides à textes,
I. Saqqara Nord (BdÉ 114/1-2), 1996.
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 417

M/A/W sup 49-55, N/A/N 51-53), on en déduira que ce chemin


correspond à celui emprunté par le défunt au sortir de la Dat (cham-
bre funéraire) ;
– xpr~n jrf n=k nn mr jsS.t j~n=sn jr N j~n Ax.w m rA=sn apr j~n=k jr
s.t tn Sps.t r s.t nb(.t), comment ceci t’est-il arrivé, ont-ils demandé à
N, ont demandé les esprits akhou avec leur bouche équipée, que tu
sois venu jusqu’à cette place-ci plus auguste que toute place ?
(§ 931a-c) ; étant donné l’emplacement spécifique du TP 473 chez
Pépy (P/A/W 17-22)19, Mérenrê (M/A/W sup 1-30), Néferkarê
(N/A/W inf 1-8) et Aba (Aba/F/E inf 1-11), « cette place-ci plus
auguste que toute place » ne peut être que l’Horizon (antichambre) ;
– wA.t Hr bxxw Xrj j.kn.t nTr.w sbn.t @r 2 sp sbn N jm m bxxw pn Xrj
j.kn.t nTr.w, le chemin de la braise qui est sous la cavité des dieux, ce
par quoi s’est glissé Horus, ce par quoi s’est glissé Horus, N s’y
glissera, par cette braise-ci qui est sous la cavité des dieux (§ 502b-
503a) ; P. Barguet a judicieusement suggéré que cette « braise », étant
donné l’emplacement spécifique du TP 313 dans la pyramide
d’Ounas (W/C/W 1-4), évoquait le granite des herses du couloir hori-
zontal20 ;
– déterminé par un démonstratif de proximité, mr pn, « ce canal-ci »
(§ 1250c), pourrait bien correspondre au couloir horizontal, la for-
mule TP 528 y étant toujours située : Pépy Ier (P/C ant/W 78-81 = P
467-470), Mérenrê (M/C med/W 87-90 = M 531-534), Pépy II (N/C
med/W 31-34 = N 1110-1113). Il est envisageable que ce canal soit à
identifier avec le canal Mérenkha : Ts.y aH.w=f smA mXn.wt=f n sA
&mw Hqr jb=y jb=y Hqr m pn gs rsj n Mr-n-xA. +Hwtj jmj Drw Sw
bA.t=f d N tp anD DnH=k m pf gs mHtj n Mr-n-xA, nouez ses cordages,
faites accoster ses bacs, pour (lui), le fils d’Atoum qui a faim et soif,
qui a soif et faim, de ce côté sud-ci du canal Merenkha ! Thot, celui
qui est dans les limites de l’ombre de son fourré, place N sur
l’extrémité de ton aile de ce côté nord-là du canal Mérenkha !
(§ 1376a-1377c). Il est difficile toutefois de décider si l’opposition
déictique pn gs rsj ≠ pf gs mHtj reflète ici une réalité topographique
concrète.
Le schéma de la Fig. 3 (en fin d’article) récapitule sur un plan-type les
données spatiales précédentes.

19
La paroi ouest de l’antichambre, chez Pépy Ier, a été regravée en petit module. Lors
de cette deuxième phase de gravure, le TP 473 fut le premier texte ajouté à la séquence
antérieure gravée en grand module (observation personnelle à partir des traces de signes
conservées sur la paroi).
20
P. Barguet, « Les chapitres 313-321 des Textes des Pyramides et la naissance de la
lumière », RdÉ 22 (1970), p. 8.
418 BERNARD MATHIEU

5. LA PRÉSENCE DU DIEU (OSIRIS) DANS LE SERDAB


Ce n’est pas le lieu de commenter ici la fonction du « serdab », nommé
entre autres « la Grande Demeure » (@w.t-aA.t : § 373b), d’après les
Textes des Pyramides. Le sujet a déjà été abordé, et les observations qui
suivent ne font que conforter la démonstration proposée naguère21. Si le
défunt, dans le rôle d’un sa-méref, officiant funéraire, se rend vers le
serdab, dans son parcours d’ouest en est, comme lors d’une « montée
royale » vers le sanctuaire, c’est pour rejoindre la forme chthonienne du
créateur — identifiée à Osiris depuis l’apparition de la théologie osiri-
enne — avant de s’unir à elle.
On ne citera ici que trois textes pour illustrer ce parcours :
– jwsw Sm.t=k tn jt(=j) N mr Sm @r n jt=f Wsjr, assurément, cette
tienne marche-ci, mon père N, est comme lorsque marche Horus vers
son père Osiris (§ 1730a ; cf. § 1860a-c) ;
– pr~n=k jr Rw.t xa=tj m nsw qA=tj m Wp-wA.wt rmn=k N-wrD~n=f, si
tu es monté vers la Porte apparu en roi, élevé en Oupouaout, c’est
pour épauler l’Infatigable (§ 1638a-c) ;
– j~n=f r=k wab=f Tw s(w)ab=f Tw sanx=f Tw jnq=f n=k qs.w=k sAq=f
n=k nb.t=k jnq=f n=k dmA.wt=k n N js pw @r nD jt=f. Hw~n=f n=k
Hw Tw jw nD~n=f Tw m-a jr mr.t r=k, il est venu vers toi pour te laver,
te purifier et te faire vivre, rassembler tes os, agréger tes chairs flot-
tantes, rassembler tes membres amputés, car c’est N, Harendotès ! Il
a frappé pour toi celui qui t’avait frappé ; il t’a vengé de celui qui
t’avait fait du mal (§ 1684a-1685b).
Le « dieu du serdab » est fréquemment invoqué par le ritualiste, car il
doit laisser approcher le défunt. Cette invocation, comme on pouvait s’y
attendre, se situe sur la paroi X/A/E, c’est-à-dire sur ce qui correspond à
la façade du sanctuaire divin. Ce dieu est nommé « Horus chef de
Maïnou » dans la formule qui ouvre la paroi P/A/E (§ 1050a [TP 489]),
« le Vénérable, fils du Vénérable » dans la formule qui ouvre M/A/E sup
et N/A/E sup (§ 852a [TP 456]), ou encore « Celui de Busiris, Pilier djed
de Gérégou-baef » dans la formule qui clôture T/A/E. Il est surtout
désigné de manière triple dans la formule qui clôture W/A/E inf et qui
ouvre M/A/E inf et N/A/E inf : ce N est venu auprès de toi, Horus de
Chat, ce N est venu auprès de toi, Horus de Chesmet, ce N est venu

21
B. Mathieu, « La signification du serdab dans la pyramide d’Ounas. L’architecture
des appartements funéraires royaux à la lumière des Textes des Pyramides », dans
C. Berger & B. Mathieu (éd.), Études sur l’Ancien Empire et la nécropole de Saqqâra
dédiées à J.-Ph. Lauer (OrMonsp IX), 1997, p. 289-304 ; B. Mathieu, « L’huissier, le
juge et le greffier. Une hypothèse sur la fonction du serdab dans les pyramides à textes »,
Méditerranées. Revue de l’Association Méditerranées 13 (1997), p. 11-28 ; J.P. Allen,
The Ancient Egyptian Pyramid Texts, 2005, p. 11 et n. 17.
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 419

auprès de toi, Horus de l’Est ! Vois, ce N t’a apporté ton vénérable œil
gauche dans son intégrité (§ 450b-451a [TP 301]).
L’emplacement de ces textes et la nature de ces théonymes ne laissent
aucun doute sur la présence du dieu dans le serdab. Voilà qui justifie
l’emploi du déictique de proximité qui aurait pu paraître, sinon, en
conflit avec ce qui a été exposé au § 1.
Le syntagme Wr pn, « ce Vénérable-ci », quand il ne désigne pas le
défunt, peut s’appliquer, exceptionnellement il est vrai, et presque
toujours lorsque le défunt se confond avec lui, au résident du serdab : hA
Wsjr N pw rd~n n=k Gb jr.tj=k Htp=k m jr.tj Wr pn jm=k, ô, cet Osiris
N, Geb t’a donné tes yeux pour que tu te satisfasses des yeux de ce
Vénérable-ci que tu es (§ 583a-b) ; wrS Wr pn xr kA=f j.bAn rf Wr pn xr
kA=f wrS N pn xr kA=f j.bAn rf N pn xr kA=f. rs Wr pn rs N pn rs nTr.w
nhs sxm.w, Si ce Vénérable-ci séjourne auprès de son ka, si ce Véné-
rable-ci s’endort auprès de son ka, ce N séjournera auprès de son ka, ce
N s’endormira auprès de son ka ! Si ce Vénérable-ci s’éveille, ce N
s’éveillera, les dieux s’éveilleront et les puissants surgiront (§ 894a-d ;
cf. § *1915f). On remarquera la coexistence du déictique de proximité et
de la mention du ka, manifestation cultuelle sensible du dieu.
De même pour %xm nn / %xm pn, « le Puissant, ici / ce Puissant-ci » :
n srx=f xr %xm pn +d-Dd ra nb, il ne sera pas accusé auprès de ce
Puissant-ci, Celui qui perdure chaque jour (§ *1677b) ; anx anx=tj jt(=j)
Wsjr N m rn=k pw xrj nTr.w xa=tj m Wpjw BA xntj anx.w %xm nn xntj
Ax.w, vis pleinement, mon père Osiris N, en ce tien nom qui est auprès
des dieux, toi qui es apparu en Oupiou, le Ba qui préside aux vivants, le
Puissant, ici, qui préside aux esprits akhou (§ 1724a-c). Et pour Nxx pn,
« ce Vieillissant-ci », une appellation méprisante du dieu du serdab qui
intervient dans le cadre du motif traditionnel de la « menace aux dieux »
qui ne se soumettraient pas à leur nouveau maître : m xm N KA p.t sT Tw
j.rx=t(j) sw sT sw rx Tw m xm N KA p.t Dd(=j) jr=k Nxx pn, n’ignore pas
N, Taureau du ciel, puisque tu le connais, puisqu’il te connaît, ne fais
pas que N t’ignore, Taureau du ciel, ou je dirai de toi : ce Vieillissant-ci
(§ 332a-c, version W) ; la menace est claire, rappelant perfidement au
seigneur des astres, le « Taureau du ciel », la lune, sa phase décrois-
sante22 !

22
Le déterminatif du taureau a été minutieusement martelé, seul cas de martelage
dans la pyramide d’Ounas. Étant donné le soin apporté à ce martelage, on est tenté d’y
voir l’application concrète de la menace contenue dans le texte : le premier taureau, dans
un simple vocatif, est laissé intact, le deuxième, que l’on menace de vieillesse, est
iconographiquement atteint ; cf. B. Mathieu, « Modifications de textes dans la pyramide
d’Ounas », BIFAO 96 (1996), p. 311 et fig. 18.
420 BERNARD MATHIEU

Il y a mieux. L’invocation triple du dieu du serdab citée plus haut


(§ 450b-451a), qui constitue, comme on l’a vu, le dernier texte de la
façade du serdab chez Ounas (W/A/E inf) et le premier texte de M/A/E
inf et de N/A/E inf, doit absolument être rapprochée de l’ouverture de la
formule TP 510. Le ritualiste s’adresse ainsi à Osiris en évoquant la
venue du défunt :
Ce n’est pas N qui demande à te voir dans cette tienne nature qui
t’a échu, Osiris, qui demande à te voir dans cette tienne nature qui
t’a échu, c’est ton fils qui demande à te voir dans cette tienne nature
qui t’a échu, c’est Horus qui demande à te voir dans cette tienne
nature qui t’a échu, selon ce que tu as dit : « Assemblées sont pour
moi ces trois statues-ci qui sont comme les oisillons hirondelles
sous la berge ! », selon ce que tu as dit : « Mon fils aimé vient sous
la manifestation d’un saméref ! » (§ 1128a-1130c).
La situation est explicite et désormais bien connue : dans sa fonction de
sa-méref, sous la forme d’Horus, le défunt s’apprête à rejoindre son père
Osiris23. Or la déclaration de ce dernier, citée verbatim par le ritualiste,
fait état de nn n twt.w, « ces trois statues-ci » (§ 1130a), avec le déic-
tique de proximité, le terme twt se référant à une représentation
masculine24. L’invocation triple du dieu du serdab et cet emploi du
déictique proximal évoquent irrésistiblement les trois « niches »
caractéristiques de l’architecture du serdab ; on formulera donc l’hypo-
thèse que la divinité du serdab y était matérialisée par des statues orien-
tées vers l’ouest, c’est-à-dire vers le défunt-officiant [voir Fig. 4 en fin
d’article]25. Est-il besoin de rappeler que le serdab des mastabas pouvait
être nommé pr-twt.w, « la maison des statues »26 ?

23
Cette situation spécifique du défunt devenu lui-même officiant funéraire pour son
père a été parfaitement décrite par H. Willems : « Being thus restored to life, the deceased
himself also becomes a ritualist and assists in the mummification of Osiris. He becomes,
as it were, a netherworldly embodiment of the “beloved son” who takes care of the
funerary rituals for Osiris, the archetypal dead father », cf. The Coffin of Heqata (Cairo
JdE 36418) (OLA 70), 1996, p. 91. Voir également H. Willems, « The Embalmer
Embalmed », dans J. van Dick (éd.), Essays on Ancient Egypt in Honour of H. Te Velde,
1997, p. 343-372 ; H. Willems, « The Social and Ritual Context of a Mortuary Liturgy of
the Middle Kingdom (CT Spells 30-41) », dans H. Willems (éd.), Social Aspects of
Funerary Culture in the Egyptian Old and Middle Kingdom (OLA 103), 2001, p. 253-
372 ; J. Assmann, Mort et au-delà dans l’Égypte ancienne (trad. par N. Baum), 2003,
p. 85-95.
24
Cf. Urk. I, 279,10-12 ; H. Goedicke, Königliche Dokumente aus dem alten Reich
(ÄgAbh 14), 1967, p. 81 et Abb. 7 ; M. Eaton-Krauss, The Representations of Statuary in
Private Tombs of the Old Kingdom (ÄgAbh 39), 1984, p. 84-85.
25
Les statues représentées sur le schéma ne sont bien sûr qu’une simple évocation ;
j’ai utilisé la représentation d’une statue twt à laquelle travaillent des artisans sur un relief
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 421

6. LA PRÉSENCE D’AUTRES DIVINITÉS ET DE L’ADVERSAIRE


La série des déictiques de proximité permet de déceler la présence
matérielle, dans les appartements funéraires, d’autres entités divines.
C’est le cas des Vaches Mhj.wt et des Vaches Mna.wt : jA Mhj.wt
jmj.wt nn jA Mna.wt jmj.wt nn, Ô les Vaches laitières qui êtes ici, ô les
Vaches nourricières qui êtes ici (§ 550a). Le syntagme réitéré jmj.wt nn,
« qui êtes ici », au lieu de l’attendu *Mhj.wt j.ptw / Mna.wt j.ptw, « ces
Vaches laitières / ces Vaches nourricières »27, implique l’existence
d’une matérialisation de ces divinités pourvoyeuses de lait. Une
localisation plus précise est même possible. On doit noter en effet le
positionnement du TP 337, qui constitue le dernier texte de la paroi
ouest de la chambre funéraire, chez Téti (T/F/W 52-57), et le premier
texte de la paroi ouest de l’antichambre chez Pépy Ier (P/A/W 1).
Considérant que les textes entourant le sarcophage (X/F/Nw / X/F/W /
X/F/Sw) ne sont pas des textes de Dat, mais des textes d’Horizon (Ax.t),
c’est-à-dire « d’antichambre »28, on en déduira que les artefacts repré-
sentant ces déesses, sous une forme ou une autre, se situaient dans cette
pièce [Fig. 4].
L’adversaire du défunt lui-même est présent, comme le souligne
l’emploi du déictique de proximité, mais sous une forme qu’on imagine
aisément rendue inoffensive :
– jn s pn psH N n psH sw N swt j r N n Sm N r=f, c’est cet individu-ci qui
a mordu N, N ne l’a pas mordu, c’est lui qui est venu contre N, N
n’est pas allé contre lui (§ 231c-232a) ;
– j #As.t tn rA A jk.t=k pj #As.t tn rA A, ô cette Khaset-ci, la bouche du
Vautour, c’est ta saisie, cette Khaset-ci, la bouche du Vautour
(§ 423a-b) ; « cette Khaset-ci » désigne un reptile féminin ;

du tombeau de Ti et reproduite par H.G. Fischer, L’écriture et l’art de l’Égypte ancienne,


1986, p. 183, fig. 58.
26
E. Brovarsky, LdÄ V, 1984, col. 874-879, s. v. « Serdab ».
27
Voir par exemple fdw.t j.ptw nms.wt, « ces quatre vases nemset » (§ 1140a, 1164a,
1180c, 1365a, 1733a, *1902a) ; fd.wt j.ptw aAb.wt, « ces quatre vases âabet » (§ *1918,
*2225a) ; mw.tj j.ptw.t(j), « ces deux mères » (§ 1118b) ; Dr.tj j.ptw.tj, « ces deux
milans » (§ 1254a) ; Ax.tj j.ptw.tj, « ces Deux Esprits akh » (§ 1973c) ; DADA.wt j.ptw, « ces
tribunaux » (TP 1032 B, en P/A/S 62).
28
La démonstration prendrait trop de place ici. On peut résumer la situation ainsi :
l’espace situé autour du sarcophage, n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire,
en relation directe avec lui. Il appartient à une autre dimension, dans un « niveau
supérieur », celui de l’Horizon (Ax.t). Le sens de lecture, quant à lui, est toujours le
même : X/F/Nw + X/F/W + X/F/Sw ; il est assuré notamment par le bandeau de titulature
qui court sur P/F/Nw A 7, puis P/F/W med 7, puis P/F/Sw A 7, mais également par la
disposition de la formule TP N690 A-B, chez Ânkhesenpépy II, qui débute sur AII/F/Nw
29-37 pour s’achever sur AII/F/W 1-3 (inédit).
422 BERNARD MATHIEU

– xa Ra Ax.t=f tp=f jr HfAw pn pr m tA, Rê apparaîtra avec sa Glorieuse


posée sur lui, (dressée) contre (toi), ce reptile-ci sorti de terre !
(§ 442a-b) ;
– Ax pn pr m tA Sa tp HAk sd, cet esprit akh-ci sorti de terre dont la tête
est tranchée et la queue coupée (§ 673b-c) ; un autre adversaire
ophidien du défunt, en l’occurrence le serpent Djéser.
Cette présence neutralisée de l’opposant, dans ces formules conjura-
toires toutes situées sur la « façade » du serdab, est exactement de même
nature que celle, dans le système graphique, des hiéroglyphes mutilés
parce que jugés susceptibles de nuire au défunt29. La question se pose,
difficile à résoudre étant donné la disparition quasi complète du mobilier
funéraire des pyramides à textes, si l’adversaire n’était représenté que
par ses désignations textuelles30 ou, aussi, par des artefacts ; on songe
notamment au rituel apotropaïque du « bris des (deux) vases rouges »
(sD dSr.tj / dSr.wt)31, évoqué dans les Textes des Pyramides (§ 249b), qui
pouvait manifester matériellement, par de la poterie cassée, la présence
concrète d’un opposant fracassé.

29
Cf. P. Lacau, « Suppressions et modifications de signes dans les textes funé-
raires », ZÄS 51 (1913), p. 1-64 ; P. Lacau, « Suppressions des noms divins dans la
chambre funéraire », ASAE 26 (1926), p. 69-81 ; A.J. Spencer, Death in Ancient Egypt,
1982, p. 156-157 ; R. Wilkinson, Symbol and Magic in Egyptian Art, 1994, p. 163 ;
I. Pierre, « Les signes relatifs à l’homme dans les Textes des Pyramides », dans C. Berger
& B. Mathieu (éd.), Études sur l’Ancien Empire, p. 357-364 ; A. Roccati, « Hieroglyphs
Concerning Royal and Private Textes », JEOL 35-36 (1997-2000), p. 27-32 ; G. Miniaci,
« The Incomplete Hieroglyphs System at the End of the Middle Kingdom », RdÉ 61
(2010), p. 113-134 ; B. Russo, « La vipère à cornes sans tête. Étude paléographique et
considérations historiques », BIFAO 110, 2010, p. 251-274.
30
Cf. B. Mathieu, « Les formules conjuratoires dans les pyramides à textes : quel-
ques réflexions », dans Y. Koenig (dir.), La magie en Égypte : à la recherche d’une
définition, Actes du Colloque international organisé par le musée du Louvre, 29-30
septembre 2000, 2002, p. 185-206.
31
Voir notamment S. Schott, « Die Zeremonie des ‘Zerbrechens der roten Töpfe’ »,
ZÄS 63 (1928), p. 101 ; L. Borchardt, « Bilder des ‘Zerbrechens der Krüge’ », ZÄS 64
(1929), p. 12-16 ; A. Moret, « Le rite de briser les vases rouges au temple de Louxor »,
RdÉ 3 (1938), p. 167 ; A.H. Gardiner, « A Unique Funerary Liturgy », JEA 41 (1955),
p. 16 et n. 4-5 ; G. Posener, « Philologie et archéologie égyptiennes », Annuaire du
Collège de France 74 (1973-1974), p. 397-405 ; J. van Dick, LdÄ VI, 1986, col. 1389-
1396, s. v. « Zerbrechen der roten Töpfe » ; R.K. Ritner, The Mechanics of Ancient
Egyptian Magical Practice (SAOC 54), 1993, p. 144-153 ; J. Assmann, « Spruch 23 der
Pyramidentexte und die Ächtung der Feinde Pharaos », dans C. Berger, G. Clerc &
N. Grimal (ed.), Hommages à J. Leclant, p. 50-52 ; J. Assmann, Mort et au-delà, p. 77-
78.
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 423

7. LA PRÉSENCE D’ÉLÉMENTS DU MOBILIER FUNÉRAIRE


L’usage des déictiques de proximité a suggéré l’existence de plusieurs
éléments constitutifs du mobilier royal. Aux objets qui pouvaient
représenter matériellement le dieu du serdab (statues ?), les Vaches
laitières et les Vaches nourricières (statuettes, meubles ?), ou encore
l’adversaire du défunt (vases, figurines ?), on peut ajouter les données
suivantes.
a) xa Ra Ax.t=f tp=f jr HfAw pn pr m tA. Xrj Dba.w N j.Sa=f tp=k m ds pn
jmj Dr.t MAfd.t, Rê apparaîtra avec sa Glorieuse posée sur lui, (dressée)
contre (toi), ce reptile-ci sorti de terre ! Toi qui es soumis aux doigts de
N, il tranchera ta tête avec ce couteau dès-ci qui est dans la main de
Mafdet (§ 442a-c) ; le début du texte a déjà été cité pour commenter la
présence physique de l’adversaire. La suite évoque la réalité concrète
d’un couteau dès ( )32. À nouveau, la localisation de ce texte (TP
298), toujours situé sur le registre inférieur de X/A/E, la façade du
serdab, dans les trois pyramides où il est conservé (W/A/E inf 22-24,
M/A/E inf 30-31, AII/F/E inf 45-46), n’est pas anodine : elle suggère
une localisation précise pour ce couteau dès. On rappellera qu’une jarre
portant la représentation animale de la déesse Mafdet armée d’un
couteau dès a été découverte dans la tombe abydénienne de l’Horus
Den33 [Fig. 2]. C’est peut-être ce type de vaisselle décorée qui était
placée à proximité de la paroi orientale de l’antichambre [Fig. 4].

Fig. 2. Mafdet armée d’un couteau dès (Jarre du règne de l’Horus Den)
(d’après W.M. Fl. PETRIE, The Royal Tombs
of the Earliest Dynasties II, pl. VII.7)

32
Cf. H. Kees, « Zu den ägyptischen Mondsagen », ZÄS 60 (1925), p. 2-5 ;
R.-A. Jean, À propos des objets égyptiens conservés au Musée d’histoire de la médecine,
1999, p. 33-74 ; C.A. Graves-Brown, « The Spitting Goddess and the Stony Eye: Divinity
and Flint in Pharaonic Egypt », dans K. Piquette & S. Love (éd.), Current Research in
Egyptology 2003, Proceedings of the Fourth Annual Symposium University College
London 2003, 2005, p. 57-70.
33
W.M. Fl. Petrie, The Royal Tombs of the Earliest Dynasties II, 1901, p. 25 et
pl. VII.7 ; T.A.H. Wilkinson, Early Dynastic Egypt, 1999, p. 289.
424 BERNARD MATHIEU

b) sn-nw j.pw jn nw n mAwD.w j.pn n.w sm.t, vous deux là, apportez les
pièces de ces palanches-ci de la colline (§ 445d [TP 300]). L’officiant
s’adresse à deux passeurs de l’au-delà, « Kherti de Nésat, et le passeur
de la barque iqéhet » (§ 445a), et précise : apportez cela (l’embarcation)
à N, car c’est N, Sokar de Ro-sétjaou ! N est destiné au lieu où se trouve
Sokar, Celui préside à Pédjou-Ché (§ 445b-c). Le contexte invite donc à
considérer ces mAwD.w, vocable traduit habituellement par « palan-
ches »34, comme s’appliquant ici à des éléments de la barque sokarienne
destinée au défunt. Étant donné la forme générale des palanches, il s’agit
vraisemblablement d’un terme technique désignant soit les armatures de
la coque, soit, plutôt, des éléments du système de portage de la barque,
en l’occurrence la barque iqéhet, ou encore la barque hénou ou djéné-
dérou35. On ne peut rien proposer, en revanche, pour la localisation
exacte de ces « palanches » et par conséquent pour celle d’une probable
barque sokarienne dans les appartements royaux ; la partie orientale de
la chambre funéraire, à l’est du sarcophage (Dat), où le défunt acquiert
sa mobilité (bA), n’est qu’une simple suggestion [Fig. 4]36.
c) Un dernier passage reste à considérer. Le ritualiste enjoint au défunt,
parmi les nombreuses formules d’offrandes situées sur la section
orientale de la paroi nord des chambres funéraires (X/F/Ne) : m n=k Drw
jb pn, prends donc la totalité de cette conscience-ci (§ 85a)37.
L’utilisation du déictique de proximité pourrait surprendre, si l’on ne
savait que dans la phase rituelle de momification et de la constitution du
nouveau corps (D.t) du défunt, la conscience (jb) fait elle-même l’objet
d’un traitement complexe et d’un processus de substitution : en effet, à
la conscience « antérieure » de l’être autrefois vivant se substitue une
34
Voir A. Varille, Inscriptions concernant l’architecte Amenhotep fils de Hapou
(BdÉ 44), 1968, p. 76-79 ; P. Vernus, « Le vizir et le balancier. À propos de l’Ensei-
gnement de Ptahhotep », dans C. Berger & B. Mathieu (éd.), Études sur l’Ancien Empire,
p. 437-443 ; D. Meeks, AnLex 77.1610. On ne peut guère affirmer que les palanches
retrouvées dans deux caveaux de Deir al-Médîna aient fait partie du mobilier funéraire ;
cf. B. Bruyère, Rapport sur les fouilles de Deir el-Médineh (1934-1935) II, Nécropole de
l’est (FIFAO 15), 1937, p. 122-123 et fig. 69.
35
Aucune mention de ce terme dans D. Jones, A Glossary of Ancient Egyptian
Nautical Titles and Terms, 1988.
36
Le TP 300, seulement attesté chez Ounas, est situé en W/A/E inf 26-27. Le texte
s’est toutefois transmis au Moyen Empire : Senousretânkh (Sen/F/E 39-40 = Sen 466-
467) ; J.P. Allen, The Egyptian Coffin Texts 8. Middle Kingdom Copies of Pyramid Texts,
(OIP 132), 2006, p. 286.
37
Les localisations de cette formule (TP 137) sont les suivantes : Ounas (W/F/Ne III
21), Téti (T/F/Ne II A 73, inédit), Pépy Ier (P/F/Ne II 86 et P/F/Ne V 36, en lacune),
Mérenrê (M/F/Ne III 30, inédit), Ânkhesenpépy II (AII/F/Ne A II 30, inédit), Pépy II
(N/F/Ne IV 30), Neit (Nt/F/Ne A III 30), Oudjebten (Oudj/F/Ne B III 30 = Oudj 74), Aba
(Aba/F/Ne A III 26 = Aba 196).
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 425

nouvelle conscience inaltérable. Ce n’est pas le lieu ici de développer ce


point ; il suffira pour l’argumentation de citer ce texte essentiel et
particulièrement éclairant. Le début du TP 512 oppose deux conscien-
ces, la « terrestre », qu’il faut ôter au défunt comme elle avait été retirée
à son père Osiris, et la « céleste », une conscience « reconstituée » qui
va favoriser son ascension, c’est-à-dire l’accès à son nouveau statut
divin : jr~n n=f jt=f jb=f ky Sd n=f SAk=f jr pr=f r=f jr p.t, son père s’est
refait sa conscience, l’autre lui ayant été retirée, car elle s’opposait à ce
qu’il montât au ciel (§ 1162a-b)38. Or, les Enfants d’Horus, matérialisés
dans le mobilier funéraire par les « vases-canopes », jouent un rôle
essentiel dans la constitution de cette nouvelle conscience divine,
comme l’a montré Th. Bardinet à partir de l’analyse des textes médi-
caux39.
Il ne serait pas incongru, dans ces conditions, que le syntagme jb pn,
« cette conscience-ci », du TP 137 fasse référence, concrètement, à la
« cuve à canopes », située justement à proximité, face à la paroi nord,
près de l’angle sud-est du sarcophage dans toutes les pyramides à textes
[Fig. 4]. Voilà qui expliquerait, en outre, l’expression jn~n(=j) n=k
nTr.w j.pn m sp, je t’amène ces dieux-ci ensemble (TP 1021)40,
remarquable par l’emploi du déictique de proximité : ces dieux présents
(j.pn) et assemblés (m sp) ont toute chance d’être les Enfants d’Horus
réunis dans la « cuve à canopes ».
Une dernière remarque s’impose. La présence de déictiques de proxi-
mité dans les Textes des Pyramides, quelle que soit la réalité physique
qu’ils évoquent, prouve que ces formules sont indissociables d’un
mobilier funéraire, avec lequel elles dialoguent et dont elles explicitent
la fonction. La plupart de ces formules ayant été conçues sans doute
bien avant la conception architecturale des pyramides « à textes »41, ce
mobilier funéraire a de bonnes chances d’avoir déjà équipé les sépul-
tures royales antérieures, comme on l’a vu à propos du couteau dès. Une

38
Rapprocher aussi § 3e [TP 5] et § 1786b [TP N628 A].
39
Th. Bardinet, Les Papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique, 1995, p. 68-80 ;
voir aussi B. Mathieu, « Les Enfants d’Horus : théologie et astronomie », ENiM 1 (2008),
p. 10-11.
40
En P/F/Ne IV 96-98.
41
Comme il a souvent été dit, à juste titre ; voir déjà K. Sethe, « Zur Datierung der
Pyramidentexte », ZÄS 38 (1900), p. 64 ; H. Kees, Der Götterglaube im alten Ägypten,
1941, p. 214-sq. ; J. Sainte-Fare Garnot, Aspects de l’Égypte antique (PIFAO), 1959,
p. 132. Plus récemment : T.A.H. Wilkinson, Early Dynastic Egypt, p. 258 : « Although
the Pyramid Texts were only written down in the late Fifth and Sixth Dynasties, their
language and content strongly suggest an earlier composition. Therefore, it is not entirely
inappropriate to use them to illuminate royal mortuary ideology of the Early Dynastic
period. »
426 BERNARD MATHIEU

fois encore, les Textes des Pyramides nous renseignent au moins autant
sur les pratiques funéraires de l’Égypte archaïque que sur le conser-
vatisme de leurs héritières de l’Ancien Empire.

Figure 3. Transcription, sur un plan-type de pyramide à texte, des données


spatiales fournies par l’emploi du déictique de proximité (pn / tn / nn)
dans les Textes des Pyramides
LINGUISTIQUE ET ARCHÉOLOGIE 427

Figure 4. Transcription, sur un plan-type de pyramide à texte, de données


archéologiques fournies par l’emploi du déictique de proximité (pn / tn / nn)
dans les Textes des Pyramides

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