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2.5.2. Méthode de Ponchon-Savarit
2.5.2.1. Bilans de matiére global
Le régime est stationnaire, cela nous permet d’établir les bilans de matigre sur une unité de
temps. Dans un premier temps, on établit un bilan sur la surface de contréle Yo, qui englobe
toute installation, en écrivant que la somme des entrées est égale & a somme des sorties. On
obtient ainsi le bilan global de I’installation, exprimé en masse.
Masse totale : Lytl+ Syutl = Lye + Syl
Constituant privilégié: Ly *xy*1+ S,,,¢0+1 = Lyex,e1 + Siry,
Solvant : Ly*Oel+ S,y lel 1+ Sry,
Ces bilans peuvent subir diverses transformations. la premigre consiste a introduire le flux M,
qui représente la somme des flux entrant qui, régime stationnaire oblige, est aussi la somme
des flux de sortie. Le flux M représente donc le mélange des flux Lo et de Sns1 d’une part, de
Ly et de S1, d’autre part. Le point représentatif de M est donc le barycentre de Lo et de Spat
d'une part, de Ly et de $1, affectés de leurs débits massiques comme masses. Comme :
x, S €, on substitue € xp, I vient :
Masse totale : Ly+ Sy = L, + 8, = M
Constituant privilégié: Ly +x, = Lise + Sy, = Mexy
Solvant : Sua = Lyx’, + Sy) = Mex'y
Sur la figure 34, ces relations permettent de placer les points M, Ly et S1.
Flux d'extrémités d'une opération a contre-courant
FIGURE 34D'une part la position de Lo est connue : sur le c6té AB du triangle et au point correspondant
la fraction massique xp. D’autre part le point représentatif de S,.1 est connu car il est
confondu avec le sommet $ du triangle, puisque c’est un solvant pur. Le point M, barycentre
de Lo et de Sn41, est done sur la droite LoSn+1. Comme nous connaissons les débits massiques
de Lo et de Sp41, nous pouvons placer sur cette droite le point M, représentatif du flux M sur
le diagramme de la figure 34.
Pour placer le point représentatif de L», nous savons d’une part que sa fraction massique en A
est égale ae, il est done sur la paralléle au cété BS a la distance € de ce cété, et d’autre part
que le point représentatif de L,, est sur la courbe binodale, car, portant le numéro de I’étage n,
il sort de cet étage et est donc en équilibre thermodynamique avec une phase riche en
solvant : en conséquence, le point représentatif de L, se trouve & l’intersection de la droite
paralléle au c6té BS de cote ¢ et de la branche gauche (riche en B) de la courbe binodale.
On peut alors placer le point $;. D’une part M est le barycentre de Ly et de M, done $1 est
aligné avec les points représentatifs de L, et de M, d’autre part, le flux S sort du premier
étage et est donc en équilibre thermodynamique avec une phase riche en B, Li. En
conséquence, le point représentatif du flux S; est V'intersection de la droite LaM et de la
branche droite de la courbe binodale.
Nous connaissons donc les positions des points représentatifs des flux de sortie $1 et Ly La
lecture du diagramme permet de déterminer leurs fractions massiques en A, B et S. Le bilan
de matiére total permet de déterminer le débit massique de M. L’application des regles du
barycentre permet de déterminer les débits matigres des flux S$; et Lp, en utilisant les deux
relations: M=L,+S, et MLL, = MS}S,
2.5.2.2. Bilans de matiére interétages et relations opératoires
Comme le régime est stationnaire, nous pouvons établir des bilans de matiére sur une unité de
temps entre une extrémité de la batterie et un plan quelconque entre deux étages : par
exemple sur la surface de controle 3) de la figure 33. On obtient ainsi, en écrivant que Ia
somme des entrées est égale a la somme des sorties sur la surface de contréle 5) un bilan
interétage de I’installation, que nous exprimons en masse.
Masse totale : Lyytlt S,,¢1 = Lyel+ Syl
Constituant privilégié: L,_,+x,,¢1+ S,.,¢O+1 = Lyex,e1 + Siy,el
Solvant : Lite eel = Lexuel + Sey’
‘Comme dans le cas précédant, nous substituons A xy. De fagon & bien gérer les équations, il
est « mathématiquement > utile de réorganiser les bilans en reportant d’un cété les flux et les.
quantités attachées a une extrémité de la batterie, et de l'autre celles liées a I’étage courant, i.
par analogie avec le mélange M introduit dans le paragraphe précédent, nous introduisons un
flux A dans les équations suivantes. On obtient ainsi des relations opératoires :
Masse totale :
Constituant privilégi
Solvant :
ny
A aide des points déja placés grace au bilan global et en utilisant les relations opératoires,
on peut placer le point représentatif de A, qui est souvent appelé « péle » de l’opération, Cette
détermination graphique est illustrée sur la figure 35.
68Dans la relation opératoire, on peut donner a i la valeur 1. Il vient :
Masse totale : A=L.-S,. = 1L)- §
Constituant privilégié: A+x, = Lys = LyX
Solvant : Aex's = Lyx, Syutl
Sty
oO Sry,
L’examen des deux premiers membres de la relation opératoire montre que A est barycentre
des points représentatifs de Ly et de Sn41, l'un affecté de son débit massique comme masse et
Fautre de l'opposé de son débit massique. Les points représentatifs de A, Ly et Sps1 sont donc
alignés. Le rapprochement des premiers et troisitmes termes montre que A est également
barycentre des points représentatifs de Lo et de S), affectés de masses égales respectivement
leurs débits massique et & leur opposé. Les points A, Lo et S; sont donc alignés. En
conséquence, le point représentatif de A est & I’intersection des droites définies par les points
L, ete S d’une part et Lo et de S; d’autre part.
Construction du péle A d'une opération & contre-courant
FIGURE 35
I1n’est pas inutile de s'interroger sur la signification physique du « mélange » A. Il est clair, &
cause des signes moins qui apparaissent dans les bilans ci-dessus, qu’il est impossible de
préparer dans un bécher un mélange ayant la méme composition que A, on le qualifie parfois
our cette raison de « mélange fictif »
1 serait dommage d’en rester 1a, car, A défaut de pouvoir étre réalisé physiquement, le
mélange A a une signification physique tres claire : le flux A exprime la quantité de matigre
qui transite algébriquement entre deux étages de la batterie. Le fait que cette quantité soit une
constante traduit une des conséquences du fait que le régime stationnaire est établi. Cette
considération simple nous montre, sans avoir besoin d’effectuer aucun calcul, que si nous
avions choisi d’appuyer la surface 3 & l'autre extrémité de la batterie, nous aurions obtenu la
méme relation opératoire (les incrédules peuvent le vérifier en utilisant le bilan global pour
passer dune expression & l'autre).
Le point représentatif de A est situé en dehors du triangle ABS. Ce fait n’est pas un hasard,
mais illustration nécessaire du fait que ce mélange n'est pas réalisable physiquement, Dans
le méme ordre d’idées, qu’au moins une des fractions massique du mélange soit négative est
lié au fait que le mélange A « incame » le contre-courant.
69Remarque :
Le fait que le point A soit situé A gauche ou droite du triangle n’a pas de signification
Particuliére, sinon que les valeurs absolues des débits massiques de L, et de Sns1 d’une part,
et de Lo et de S; d’autre part, sont plus ou moins grandes. Et si par un caprice apparent de la
géométrie, les droites LyS et LoS; sont paralléles, cela signifie simplement que le point A est
un point a Vinfini et que les débits massiques de Ly et de Sasi, d’une part et Lo et de Si,
autre part, sont €gaux en valeur absolue.
2.5.2.3. Construction graphique de Ponchon-Savarit
Grice a l’exploitation des bilans en régime stationnaire qui a été effectuée dans les
paragraphes précédents, nous connaissons tous les débits des flux d’entrée et de sortie, ainsi
que Ia position de leurs points représentatifs sur le diagramme triangulaire, c’est-d-dire leur
composition. Nous connaissons également la position du pdle A. Sur la figure 36, tous ces
points sont reportés. Pour déterminer la composition des flux interétages, nous appliquons
alternativement la relation d’équilibre (en traits forts) et la relation opératoire (en traits
légers) =
Détermination du nombre d’étages par la méthode de Ponchon-Savarit
Figure 36
‘Au moyen de la technique décrite au paragraphe 2.3.4.2., ou par toute autre (interpolation,
etc...) déterminons la droite de conjugaison qui passe par le point S,. A l'autre extrémité de
cette droite de conjugaison, se trouve le point représentatif de Ly. En effet, I’étage est idéal et
Jes flux qui en sortent (qui portent le méme numéro selon nos conventions) sont en équilibre
thermodynamique. En reprenant les relations opératoires et en assignant la valeur 2 Ai:
70Masse totale : A =L,- 8,
Constituant privilégié: Aex, = Lyex,- S,+yy
Solvant : Asx = Lyx, Syy',
On constate que A est barycentre des flux L et S2, affectés pour Li de son débit massique et
pour S2 de son opposé : les points représentatifs de L; et de S2 sont donc alignés. Le point S>
appartient done a la droite A Ly. D’autre part, le flux S2 sort d’un étage idéal et est donc en
équilibre thermodynamique avec une phase aqueuse : il appartient 4 la courbe binodale. Le
point S2 est donc a l'intersection de la courbe binodale avec la droite A L1.
On peut alors appliquer la relation d’équilibre & S, pour obtenir Lz et procéder ainsi étage
aprés étage, jusqu’a ce que la fraction massique en A d’un mélange L; soit inféricure & €, ce
qui se produit quand i=3 sur la figure 35. La construction est alors terminée, et le nombre
d’étages idéaux nécessaires pour atteindre la performance spécifiée est égal au nombre de
droites de conjugaisons effectivement utilisées par la construction.
On peut évaluer les débits matiéres des différents flux car, d’une part, le débit massique de A
est connu (par la relation opératoire avec I’une quelconque des extrémités de la batterie),
a’ autre part, les relations barycentriques pour chaque valeur de i permettent de déterminer les
débits massiques de Lj.1 et de Sj, soit en utilisant directement les équations et les valeurs des
fractions massiques lues sur le diagramme triangulaire, soit, plus élégamment, en utilisant les
Jongueurs des segments lues sur le diagramme dans la relation barycentrique :
Lt AL... =S° AS,
Dans le cas de la figure 35, on remarque que la position de L3 ne coincide pas avec celle de
Ly, bien que la construction ait été effectuée en supposant que la relation de bilan n’est
valable que si la construction est telle que La, S et A soient alignés. Cette situation est
générale et on peut conclure qu’une seule construction ne permet done pas de connaitre
exactement ni la composition des flux sur chaque étages ni leurs débits massiques, mais
seulement le nombre des étages nécessaires. Pour connaitre exactement ces valeurs, ce qui ne
présente le plus souvent que peu d’intérét, il faut itérer : I’examen de la figure montre que la
vérité se situe sur la courbe binodale, quelque part entre la position de Ls et celle de Ly. Nous
ne poursuivrons pas la discussion dans le cas de la construction de Ponchon-Savarit, en se
réservant de le faire dans le cas de la construction de Mac Cabe et Thiele, car elle s"appuie
sur une géométrie plus lisible que dans le cas présent.
Remarquons que la construction peut parfaitement étre effectuée en commengant par Ly au
lieu de $1, mais on s'abstient en général de procéder ainsi, car l’expérience montre que la
précision obtenue est moins bonne que dans le cas que nous avons exposé.
En conclusion, la construction de Ponchon-Savarit nous permet de déterminer le nombre
d'étages idéaux nécessaires, ainsi que de donner une premiére évaluation des flux qui
circulent dans la batterie et de leurs compositions. Il ne subsiste plus qu’une question, mais
elle est fondamentale, l’opération est-elle possible ? Ce point est discuté dans le paragraphe
suivant.
2.5.2.4. Condition de solvant minimal
Pour établir les conditions qui rendent possible la construction que nous avons décrit dans le
paragraphe précédent, il faut passer en revue les différentes étapes et relever les conditions
implicites qui sont exigées pour pouvoir l’effectuer concrétement.
nmLa premitre condition est que le contre-courant soit possible. C’est-a-dire, ql
mélange binaire Lo a une extrémité de la batterie et un solvant S41 2 ’autre extrémité, il y ait
effectivement deux phases qui circulent dans l'appareil. Pour évaluer les conséquences de
cette condition, il faut se reporter & la figure 34. Pour que les points S; et Ly existent, il est
nécessaire que le point M soit placé dans la zone de démixtion.
Cela impose deux limites & Sn41 : si le débit de solvant est insuffisant, celui-ci se dissout
centigrement dans le flux d’alimentation Lo, pour donner une solution monophasique de type
L. Si au contraire, le débit S,+1 est trop important, c’est le flux Lo qui se dissout entigrement
dans le solvant. En fin de compte, les conditions ainsi dégagées sont celles que l’on a déja
rencontrées avec l’opération simple. Cela n’a rien de surprenant, si l’on réduit & un étage
Fopération a contre-courant, on retrouve évidemment l’opération simple et bien sir, les
conditions d’existence qui lui sont associées. L’évidence de cette contrainte est d’ailleurs telle
que de nombreux ouvrages de génie chimique oublient de la citer.
Cette condition n'est cependant pas la seule, et il en existe une autre, spéciale & l’opération
contre-courant dont la mise en évidence géométrique est simple, mais dont I’interprétation est
plus subtile : sur la figure 37, la construction effectuée sur la figure 36 est esquissée, mais
dans un cas oi il est géométriquement impossible de l’achever.
Construction de Ponchon-Savarit : impossibilité géométrique
FIGURE 37
Sur la figure 37, on voit que le début de la construction est possible, mais qu’a mesure que la
construction va se rapprocher de la droite de conjugaison Ao, les progrés vont étre de plus en
plus limités, pour devenir nul sur A. En effet, cette droite de conjugaison passe par le
pole A: La relation d’équilibre se confond avec la relation opératoire, Ia droite de
Conjugaison Ac est un obstacle insurmontable : la conclusion est que la construction est
impossible si l'une quelconque des droites de conjugaison comprises entre celle qui est issue
de Ly et celle qui passe par Lo passe par le pole A.
2Mais cette conclusion est purement géométrique, et doit étre interprétée physiquement. Pour
cela, nous pouvons utiliser la figure 38, sur laquelle nous avons reporté, d’une part la droite
L,S et d’autre part les droites de conjugaisons « extrémes », c’est-a-dire celles qui passent par
Ly et Ly (le faisceau engendré par les droites de conjugaison évolue régulidrement, ce qui est
le cas général ; dans le cas contraire, il faut tracer toutes les droites de conjugaison). Deux cas.
sont distingués selon I’orientation du faisceau des droites de conjugaison.
zone interdite & A
BO” S=Sn1
Intersection du faisceau des droites de conjugaison A gauche du triangle
A
zone interdite & A
S=Snst
Intersection du faisceau des droites de conjugaison a droite du triangle
FIGURE 38
Dans le cas ob intersection du faisceau des droites de conjugaison est a gauche du triangle,
le fait que le péle A doit se trouver en dehors de la zone interdite se traduit par une exigence
sur le rapport des segments AL, et AS. Dans ce cas, le point A ne doit pas trop s’éloigner du
triangle pour que la construction soit possible. II vient
B14
AL,
2 > R,
AS ie
ons, griice aux relations opératoires que :
L,+AL, = S,,,°AS
‘Comme les points $ et Sy+1 sont confondus, on peut exprimer cette égalité sous la forme :
11 vient done, en rapprochant les deux relations :
Sea > Ry,
Ly
On constate que la condition géométrique se traduit par une condition de solvant minimal.
Limite de l'enrichissement de S;
FIGURE 39
Sur la figure 39, la composition et le débit de Lo sont fixes. La composition de Sy+1 (solvant
pur) et celle de Ly (fuite € imposée) sont connues. Les droites LySA et LoS sont fixes (en traits
pleins), les droites L,MS} et LoS1A sont mobiles (en traits grisés).
Quand le débit de S varie, le point M se déplace sur SL, et le point 1, intersection de LaM
avec la courbe binodale se déplace sur celle-ci. Le pole A évolue sur la droite LaSnvi. La
limite de ces déplacements se rencontre quand la droite opératoire LoS A devient confondue
avec la droite de conjugaison qui passe par Lo (représentée en trait fort). La condition de
solvant minimal a aussi pour corollaire que l’enrichissement de S; est borné, limité la teneur
en A du solvant a I’équilibre thermodynamique de la droite de conjugaison qui passe par Lo.
Nous reviendrons sur cette notion de solvant minimal dans le cas de la construction de
Mac Cabe et Thiele, oi les conclusions que !’on tire s’expriment plus facilement.