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29. Douglas McGREGOR (1906-1964) Théorie X et Théorie Y : management autoritaire contre management patticipatif Psycho-sociologue américain, spécialiste du comportement a Pinté- rieur des organisations, Douglas McGregor est célébre pour sa formu- lation de la Théorie X (le management autoritaire) et de la Théorie Y (le management participatif), qui parait pour la premiére fois dans son ouvrage publié en 1960 : The Human Side of Enterprise (La dimension humaine de Pentreprise, 1969]. Un récent ouvrage dans lequel sa contribu- tion a la pensée managériale est réévaluée (Douglas McGregor Revisited) dit de McGregor qu’il a été le premier 4 appliquer les résultats des sciences du comportement au monde de Ventreprise : « McGregor poussait les dirigeants a réfléchir 4 leurs organisations comme l’au- raient fait des biologistes plutot que des ingénieurs en mécanique ». Président d’Antioch College pendant plusieurs années, McGregor a enseigné ensuite le management au Massachusetts Institute of ‘Technology de 1954 (jusqu’a sa mort en 1964). McGregor partageait plusieurs de ses idées sur la motivation avec Abraham Maslow (voir cet auteur) et Rensis Likert (voir cet auteut). Mais Maslow a appliqué la Théorie Y dans une usine d’électronique de Californie et, en conclut qu'elle n’était pas totalement opérationnelle. Les expériences sur la motivation de l'homme que mena David McClelland (de Harvard) aprés la disparition de McGregor confirmérent ailleurs ces critiques en montrant le manque de souplesse de la Théorie Y. 222 Toutes les théories du Management Pourtant, Robert H. Waterman a révélé en 1994 dans Frontiers of Excellence que Pun des anciens étudiants de McGregor, cadre supérieur chez Procter & Gamble, David Swanson, avait demande 4 celui-ci en 1956 de concevoir l’organisation d’une usine de fabrication de pro- duits détergents selon les principes de la Théorie Y. Swanson avait fait la guerre de Corée dans larmée américaine et il en était revenu abso- lument convaincu que le modéle militaire de commandement était tout 4 fait inadapté a Vorganisation d’une entreprise, cette derniére devant au contraire se fonder sur la notion de responsabilité ct sur le potentiel de individu. Imaginée dans le cadre d'une organisation non-hiérarchique qui fonctionnait en équipes autogérées, Pusine fut construite 4 Augusta, dans ’Ftat de Géorgie, est obtint immédiatement d’excellents résul- tats. Au milieu des années 60 sa productivité était de 30 % supérieure a n’importe quel autre site de production de Procter & Gamble. Lentreprise en étendit le principe de fonctionnement a d’autres usines mais tint Phistoire secréte pendant 40 ans, certaine de détenir la un avantage compétitif. Depuis le milieu des années 90, les équipes autogérées sont deve- nues un élément reconnu du changement organisationnel et de la délégation de pouvoir. L*héritage de McGregor en tant qu’enscignant et chercheur a influencé toute une génération de théoriciens du mana~ gement, y compris Charles Handy (voir cet auteur) et Warren Bennis (voir cet auteur). C’est Pun des plus importants et des moins reconnus des gourous de ce xx° ‘iécle. Douglas McGregor pensait que la maniére dont une organisation est ditigée résulte directement de la conviction de ses dirigeants. « Dertiére chaque décision de commandement ou @action, il y a des hypothéses implicites sur la nature humaine ct le comportement des hommes», écrit-il dans The Human Side of Enterprise [La dimension humaine de Ventreprise|, probablement le livre le plus lu et le plus cité de tous les ouvrages sur la motivation publiés depuis la Seconde Guerre mondiale. Douglas McGregor 223 La recherche qui conduisit 4 la formulation de la théorie X et de la Théorie Y n’est certes pas originale mais, comme le reconnait McGregor, permit la synthése et la reformulation des idées des autres - y compris, observe Peter Drucker, celles que lui-méme avait présen- té dans trois précédents livres, Concept of the Corporation, The New Society et The Practice of Management (La pratique de la direction des entreprises. McGregor avait déja suggéré le terme de Théorie X pour définir Pensemble des postulats qui ont prévalu dans les théories classiques du management depuis Henri Fayol. La Théorie X suppose que la plupart des étres humains sont paresseux, qu’ils n’aiment pas le travail et quills ont besoin a la fois de la carotte et du baton pour avancer, quils sont fondamentalement immatures, enfin qu’ils ont besoin @étre dirigés et sont incapables de prendre des responsabilités. La Théorie Y postule au contraire que les individus ont, en réalité, psy- chologiquement besoin de travailler, qu’ils désirent s’accomplir per- sonnellement et exercer des responsabilités, bref que les dirigés sont adultes. A la lumiére de ces deux théories, PAthénes de Périclés était une société de Théorie Y, et Sparte une société de Théorie X. Pour McGregor, il faut chercher Vorigine de la Théorie X dans le bannissement d’Adam et Eve du Paradis terrestre, lorsqu’ils se sont trouvés dans un monde ot ils devaient travailler pour survivre. «’in- souciance que montre Pencadrement vis-a-vis de la productivité, sa phobie du «travail de cigale», sa peur des méfaits de la réduction de la productivité par les ouvriers et de la baisse du rendement sur les bienfaits de la performance, ne fait qu’exprimer — tout en étant logique en termes dobjectifs de Pentreprise — une conviction sous- jacente selon laquelle la direction doit s’opposer a inclination humaine qui est d’éviter naturellement tout travail.» A Pinstar de Maslow (voir cet auteur) et de sa hiérarchie des besoins, McGregor classe les désirs humains en ordre croissant, partant des impulsions physiologiques les plus fondamentales (manger, dormir; premier niveau) pour aboutir a la satisfaction des « besoins sociaux » (la dépendance, l’acceptation par ses pairs, le plaisir de donner et de recevoir de Paffection; troisiéme niveau), en passant par le désir de protection et de sécurité, en général et sur le liew de travail (deuxiéme niveau). Au quatriéme niveau, on trouve les «besoins égoistes » — 224 Toutes les théories du Management ceux qui ont trait 4 Pamour-propre de V'individu, & son besoin d’es- time de soi, de confiance en soi, d’autonomie, d’accomplissement, de compétence et de connaissance, ainsi qu’a la considération, au statut, a la reconnaissance et au respect de la part de ses pairs. Enfin, au sommet de la pyramide, ce sont les besoins d’accomplissement de soi, de réalisation de son potentiel individuel et de poursuite de son développement personnel. «L’homme est un animal de désir — dés que P'un de ses besoins est satisfait, un autre apparait a la place, écrit McGregor dans The Human Side of Enterprise [La dimension humaine de l'entreprise|. Ce processus est sans fin. Il perdure de la naissance a la mort. L’homme poursuit conti- nuellement ses efforts... pour satisfaire ses besoins.» Btant donné qu’une majorité d’entreprises modernes — & l’époque — pourvoyait relativement bien aux besoins a la fois physiologiques et de sécurité des salariés, McGregor a insisté sur la satisfaction des besoins sociaux, égoistes et d’accomplissement de soi comme facteurs de motivation. «A moins qu’ils n’aient la possibilité de satisfaire ces besoins de haut niveau dans le travail, les gens seront insatisfaits; et leur comportement reflétera ce manque» affirme McGregor. Par conséquent, si ’encadrement se focalise sur la satisfaction des besoins physiologiques, il y a peu de chances que les récompenses distribuées soient efficaces, la seule solution possible étant alors la menace de punition, C’est ainsi qu’une partie de la Théorie X se valide d’elle~ méme, «mais seulement parce que nous avons confondu les effets et les causes». McGregor poursuit : «La philosophie du management pat la direc- tion et le contrdle — que ce soit dur ou doux — ne propose aucun fac- teur de motivation, tout simplement parce que la satisfaction des besoins humains sur laquelle elle s’appuie a un effet relativement peu important sur le comportement dans notre société actuelle. La direc- tion et le contrdle motivent insuffisamment ceux dont les besoins essenticls sont sociaux et égoistes... Tant que les hypothéses de la Théorie X influenceront la stratégie des dirigeants, nous ne parvien- drons pas 4 découvrir — encore moins & utiliser ~ les potentialités de Vindividu moyen.» La Théorie Y, Palternative que propose McGregor pour exploiter ces potentialités, se fonde sur Pobservation que la pensée du manage- Douglas McGregor 225 ment s’est considétablement écartée de approche traditionnelle « dure» et de la réaction «douce» qui suivirent les années de la Dépression. Il formule ainsi les six postulats fondamentaux de la Théorie Y : 1. «La dépense deffort physique et mental dans le travail est aussi naturelle que le jeu et le repos. individu moyen n’éprouve pas d’aversion innée pour le travail. Dans certaines conditions contrélables, le travail peut étre une source de satisfaction (et sera volontairement accompli) ou une source de sanction (et sera évité, si possible). 2. Le contréle externe et la menace de sanction ne sont pas les seuls moyens pour obtenir un effort ditigé vers des objectifs. Lthomme peut se diriger et se contrdler lui-méme lorsqu’il tra- yaille pour des objectifs envers lesquels il se sent responsable. 3. La responsabilité envers certains objectifs existe en fonction des récompenses associées a leur réalisation. La plus importante de ces récompenses, c’est-A-dire la satisfaction de ego et du besoin de réalisation de soi, peut s’obtenir directement par effort ditigé vers des objectifs. 4, individu moyen apprend, dans les conditions voulu lement & accepter mais 4 rechercher des responsabilités. 5. Les ressources relativement élevées d’imagination, d’ingéniosité et de créativité pour résoudre des problémes organisationnels sont largement et non pas étroitement distribuées dans la popu- lation. 5 Non seu- 6. Dans les conditions de la vie industrielle moderne, le potentiel intellectuel de Vindividu moyen n’est que particllement employé.» De telles hypothéses, souligne McGregor, ont des implications par- ticuligres pour la direction, Alors que la Théorie X offrait 4 Pencadre- ment une excuse facile en cas d’échec — la nature innée et les limita- tions propres aux ressources humaines —, la Théorie Y replace tous ces problémes «dans le giron du management », Si des employés sont paresseux ou ne veulent pas montrer Cinitiatives ou prendre de res- ponsabilités, s’ils sont indifférents ou intransigeants, la faute en 226 ‘Toutes les théories du Management incombe aux méthodes de direction. McGregor reprend en d’autres «II n’y a pas de mauvais soldats, il n’y a termes le vieil adage militaire : que de mauvais chefs.» McGregor admet que la Théorie Y est imparfaite et qu’elle doit étre mise 4 ’épreuve dans différents types @organisation. Son disciple Abraham Maslow (voir cet auteur) la prend d’ailleurs en défaut en ten- tant une expérience significative dans une usine d’électronique en Californie, et en déduit qu’elle fait peser de trop lourdes charges sur des individus qui veulent cn réalité étre orientés, dirigés ct souhaitent une certaine forme Pautorité. Peter Drucker en conclut : «II est clair que la Théorie X et la Théorie Y ne sont pas comme le soutenait McGregor, des théories sur la nature humaine... Des expériences quotidiennes ordinaires nous apprennent que les mémes gens réagissent différemment selon les circonstances. Ils peuvent étre paresseux et résister au travail au point de le saboter dans une situation. Ils peuvent étre motivés & son accomplissement dans une autre, Il est clait que ni la nature humaine ni la structure de la personnalité ne sont en question.» Drucker se référe également aux travaux de David C. McClelland et, plus particuliérement, 4 son livre Motivating Economic Achievement (Free Press, 1969), ot ce dernier concluait que le désir de s’accomplir est largement conditionné par la culture et Pexpérience, les deux pou- vant étre modifiées. En fait, McGregor n’a jamais dit que la Théorie Y niait tout besoin dautorité, mais seulement qu’elle refusait que Pautorité s*immisce dans tous les domaines, y compris pour «obtenir des engagements Aobjectifs.» «La Théorie Y dit que les gens exercent une autodirection et un auto contrdle dans Paccomplissement des objectifs organisationnels dans la mesure oi ils sont concernés par ces objectifs... Les poli- tiques et les pratiques managériales affectent matériellement ce degré d’engagement.» Simplement, McGregor croit que les individus peuvent révéler des potenticls beaucoup plus importants que ’encadrement actuel des entreprises ne peut Pimaginer. Si la Théorie X nie Pexistence méme de Douglas McGregor 227 ce potentiel, la Théorie Y défie Pencadrement «d’innover, de décou- vtir de nouveaux moyens d’organiser et de ditiger Peffort humain, méme si nous reconnaissons que Vorganisation parfaite comme le vide total, est pratiquement hors d’atteinte.» Lhistoire, a commencer pat la révélation de Pexistence de Pusine @Augusta, ne ce de McGregor ', ¢ de démontter la justesse et la force de la pensée [y OUVRAGES CLES McGregor, D. : The Human Side of Enterprise, McGraw-Hill, 1960 [La dimension humaine de Ventreprise, trad. J, Atdoino et M. Lobrot, Gauthier-Villars, 1969]. McGregor, D. : Leadership and Motivation, MIT Press, 1966. McGregor, D. : The Professionnal Manager, McGraw-Hill, 1967 [La pro- fession de manager, trad. J, Ardoino ct M. Cherel, Gauthier-Villars, 1974]. ( BIBLIOGRAPHIE COMPLEMENTAIRE Heil, Gary, Bennis, W., and Deborah C. Stephens : Dowglas McGregor Revisited, Wiley, 2000. 1, Toutes les citations sont extraites de The Human Side of Enterprise (La dimension Jumaine de Ventreprisa.

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