Download as pdf or txt
Download as pdf or txt
You are on page 1of 8

Signes d'alerte et identification

des anomalies motrices de l'enfant


en début de vie

RÉSUMÉ I SUMMARY
L’évaluation kinésithérapique du nouveau-né au cours de son A physiotherapy assessment of a newborn baby at the hospital
hospitalisation assure, par le repérage de signes d’alerte, la ensures the detection of any motor abnormalities. Early detection Isabelle MENIER
détection d’anomalies motrices. Leur dépistage précoce apparaît seems essential although it remains difficult depending on the
indispensable mais reste un exercice complexe car dépendant du maturity status of the newborn baby. Émilie SOULIER
contexte maturatif de l’enfant en début de vie. The momentary or pathological interpretation of the problem Kinésithérapeutes
L’interprétation du caractère transitoire ou pathologique du enables one to refer the patient for management. Nonetheless, one
trouble permet d’orienter la prise en charge de l’enfant. Cepen- must remain prudent and several assessments might be required. Hôpital Robert-Debré
dant, elle doit rester prudente, nécessitant parfois plusieurs Paris
examens successifs.
Texte issu
MOTS CLÉS I KEYWORDS des 46e Journées
de l'INK
X Anomalies motrices X Dépistage X Kinésithérapie X Motor problems X Detection X Physiotherapy X Newborn Paris
X Nouveau-né X Signes d'alerte X Warning signs 19-20 septembre
2014

L
es déficiences et handicaps sévères une prise en charge précoce afin de prévenir ou limi- Les auteurs
atteignent environ 1 % d’une génération ter un handicap moteur éventuel. Elle est effectuée de déclarent ne pas
avoir un intérêt
d’enfants, soit 7 500 nouveaux cas par an manière systématique pour deux grandes catégories avec un organisme
en France [1]. Cependant, les formes modérées de nouveau-nés : ceux nés prématurément et ceux privé industriel ou
et légères représentent les atteintes les plus fré- ayant présenté une pathologie périnatale susceptible commercial en
relation avec le sujet
quentes [2]. Les origines de ces déficiences sont de menacer le développement cérébral. présenté
souvent difficiles à déterminer. La prématurité,
Le bilan kinésithérapique est réalisé initialement
l’anoxie chez le nouveau-né à terme et toute patho-
quelques jours après la naissance pour les nou-
logie menaçant le développement cérébral sont les
veau-nés à terme et à partir de 34 SA d’âge corrigé
principaux facteurs de risques périnataux [3].
pour les nouveau-nés prématurés, lorsque l’instal-
Le dépistage précoce de séquelles neurodévelop- lation de la motricité corticale a débuté [5].
pementales au sortir de l’hospitalisation paraît
incontournable mais reste un exercice difficile. Cer-
tains troubles se révèleront transitoires ; d’autres, LES PRÉ-REQUIS
plus pathologiques, seront d’installation progres- DE L'ÉVALUATION
sive, voire d’expression clinique plus tardive.
KINÉSITHÉRAPIQUE
L’évaluation kinésithérapique systématique permet
À la naissance, la motricité du nourrisson est princi-
de repérer certains signes d’alerte potentiels. Cepen-
palement régie par le système sous-cortical myéli-
dant, l’interprétation de ces derniers comme prédic-
nisé entre 24 et 34 SA. Progressivement, ce dernier
tifs d’une anomalie motrice doit être prudente et
va être relayé par le système cortico-spinal, dont la
confirmée par plusieurs examens successifs [4].
myélinisation s’effectue entre 32 SA et 2 ans. Cette
« encéphalisation progressive du contrôle neuro-
moteur » va permettre le passage d’une motricité
L'ÉVALUATION réflexe ou archaïque à une motricité volontaire. Ce
KINÉSITHÉRAPIQUE changement est décelable cliniquement [5, 6].
PRÉCOCE SYSTÉMATIQUE Par ailleurs, l’enfant en début de vie est un être
Plusieurs objectifs y sont associés : dépister les signes sensori-moteur. Autrement dit, «  toute activité
d'alerte pouvant impacter le développement du nou- sensorielle est au service d’une activité motrice » [7].
veau-né, identifier les anomalies motrices et débuter Cette dernière représente le support de la relation Kinésithér Scient 2014;558:13-20

13
Menier-Soulier.indd 13 17/09/14 17:16
Signes d'alerte et identification des anomalies motrices
de l'enfant en début de vie

X Tableau I toucher. L’observation comportementale du nou-


États de Prechtl veau-né précède les sollicitations directes de celui-
ci. Elle est souvent source d’informations parfois
Niveau I L'enfant a les yeux fermés. Sa respiration est calme. révélatrices avant même toute manipulation.
Peu ou pas de mouvement (dort).
Niveau II L'enfant a les yeux fermés mais les globes oculaires
bougent. La respiration est moins calme. n Les signes auditifs
On note quelques mouvements (sommeil agité).
Niveau III L'enfant a les yeux ouverts. Sa respiration est calme. Le discours parental représente la première des
Peu de mouvements (éveil calme). écoutes. La description du déroulement de la
Niveau IV L'enfant a les yeux ouverts. La respiration est irrégulière. grossesse, de l’accouchement et l’histoire de
On constate des mouvements (éveil agité). l’enfant depuis sa naissance sont des éléments
Niveau V L'enfant a les yeux ouverts ou fermés. Sa respiration est d’autant plus importants s’il est prématuré. En
irrégulière.
Beaucoup de mouvements (pleurs). effet, une hospitalisation prolongée représente
un facteur environnemental non négligeable pou-
vant influencer le développement du bébé : l’ins-
au stade pré-verbal. Elle est indissociable de ses tallation d’attitudes vicieuses, voire d’anomalies
facultés psychiques et émotionnelles [8]. motrices, peut y trouver son origine [10].

La qualité de l’évaluation neurocomportementale Par ailleurs, la perception que les parents ont de
dépend de cette notion fondamentale. Le nou- leur enfant peut d’ores et déjà constituer des signes
d’alerte, notamment dans les domaines : des interac-
veau-né nécessite un environnement cohérent
tions (rares échanges de regards), de l’alimentation
pour exprimer son potentiel moteur.
(difficultés lors des prises au sein ou au biberon), de
la digestion (reflux gastro-œsophagien), de la conso-
labilité (capacité d’apaisement moindre, pleurs
LES CONDITIONS OPTIMALES excessifs), la présence de mouvements anormaux
DE L'EXAMEN (trémulations, convulsions, cloni…), du comporte-
KINÉSITHÉRAPIQUE ment global (calme, énervé, stressé, hyperexcitable,
Un certain nombre d’attentions est nécessaire pour endormi), de la qualité de son sommeil (cycles irré-
optimiser les interactions avec le bébé, et obtenir de guliers), de l’installation (attitude préférentielle, por-
lui un état de vigilance maximum. L’environnement tage et couchages difficiles).
proposé doit être rassurant (sans bruit, chauffé, L’écoute passe également par celle de l’enfant. Les
éclairage doux, à distance du repas ou de soins, en pleurs (caractère aigu, monotone, excessif, incal-
présence des parents). L’examen débute lorsque le mable ou, inversement, rare, discontinu, geignard,
nourrisson est calme, détendu, éveillé correspon- faible), les cris, les bruits respiratoires (stridor, cor-
dant aux stades III et IV de Prechtl (tab. I). nage, dyspnées) sont appréciés en termes de qua-
lité et de quantité. Cependant, pris isolément, ils
Avant toute sollicitation, le nouveau-né est posi-
ne représentent pas à eux seuls un signe prédictif
tionné dans une configuration proche de la position
d’une éventuelle anomalie motrice.
fœtale. L’utilisation de ce regroupement (flexion de
la nuque et rétroversion du bassin) permet de libérer La fonction auditive de l’enfant, appréciée qualita-
sa motricité, notamment périphérique, en diminuant tivement, peut renseigner certaines organisations
l’action de la motricité réflexe [9]. Cette installation toniques de ce dernier  : l’utilisation redondante
permet un contact plus aisé avec le bébé qui favorise d’un hémicorps, une rotation préférentielle du
les échanges visuels et auditifs. rachis cervical, un manque d’intérêt, voire d’inte-
raction aux bruits. Cliniquement, les signes d’alerte
peuvent se traduire par une : absence de réponses
motrices aux sons (sursaut, mouvements globaux)
DE L'OBSERVATION
ou leur apparition pour une intensité augmen-
AU TOUCHER
tée, absence d’orientation vers la source sonore,
L’évaluation kinésithérapique repose chronolo- absence de modification de la mimique faciale (gri-
Kinésithér Scient 2014;558:13-20 giquement sur trois actions  : écouter, regarder, maces, surprise), absence d’arrêt de la succion [5].

14
Menier-Soulier.indd 14 17/09/14 17:16
n Les signes visuels  réactivité, des pleurs excessifs ou anormaux dans
leur expression (geignements, hurlements…),
n Le dossier du nouveau-né
des expressions faciales inadaptées (panique,
Certains éléments de la grossesse peuvent inquiétudes, stress...), un état d’hypervigilance
impacter l’examen clinique initial : la prise de permanent, un apaisement difficile à obtenir voire
médicaments, d’alcool, de drogue, la survenue une inconsolabilité, des conduites d’évitement,
d’une hypertension, d’un diabète gestationnel voire des mécanismes de défense (mains serrées,
ou d’infections. De même, un oligo-amnios ou détournement du regard, grimaces, lèvres pincées,
une position asymétrique in utero entraînent des irritabilité, réflexe nauséeux, raidissements corpo-
contraintes mécaniques restreignant la motilité rels, agitation, pleurs, hoquet, régurgitations, bâil-
du bébé. Ces dernières peuvent être responsables lements, cris…), une absence d’interaction avec
de postures néonatales anormales, voire de limita- l’environnement, voire l’impossibilité d’établir un
tions d’amplitudes articulaires transitoires [5]. contact.

Le déroulement de l’accouchement est détaillé L’examen du faciès du bébé, de la forme et de la


en termes de motif, durée, mode (césarienne, voie symétrie de son visage, de ses mimiques peut
basse, siège), complications (anomalie du rythme révéler certains signes d’alerte tels que : une dys-
cardio-fœtal, souffrance fœtale, anoxie cérébrale morphie, une amimie, une asymétrie du visage,
potentielle ou avérée), utilisation instrumentale une hypotonie buccale, des mouvements anor-
lors de l’extraction (forceps, spatules…). maux de la bouche (mouvements involontaires
d’ouverture et de distorsion) et de la langue (fasci-
Les données de l’examen clinique initial (APGAR,
culations périphériques au repos).
poids, taille, périmètre crânien), ainsi que les anté-
cédents familiaux (consanguinité, pathologie
familiale, grossesses antérieures ou multiples) sont n La posture et l’activité motrice spontanée
relevés.
Pendant les premières semaines de vie, le nou-
Certains signes peuvent être prédictifs : hypotro- veau-né présente physiologiquement une hypoto-
phie ou macrosomie importante, micro ou macro- nie axiale associée à une hypertonie périphérique.
céphalie, score d’APGAR bas à 5 minutes de vie. Il présente un schéma de triple flexion. Sa motri-
Concernant la période postnatale, la survenue de cité spontanée se traduit par une gesticulation
convulsions peut constituer un signe d’alerte mais riche et harmonieuse des quatre membres avec
n’est pas systématiquement à l’origine d’anoma- des mouvements segmentaires nombreux, variés
lies motrices. Elles peuvent être isolées, bénignes, et individualisés [11].
idiopathiques ou prédictives d’une encéphalopa- L’analyse morphostatique du nourrisson et de sa
thie hypoxique-ischémique. Les causes les plus motilité spontanée peut mettre en évidence un
fréquentes sont la souffrance hypoxique-isché- certain nombre de dysfonctionnements moteurs
mique, les dérèglements métaboliques, les ménin- d’ordre transitoire ou potentiellement patho-
gites ou méningo-encéphalites [5]. logique. Ces signes d’alerte sont décelables au
niveau de :

n  e comportement du bébé
L – l’activité motrice spontanée  : gesticulation
à l’environnement segmentaire pauvre, mouvements asymé-
triques, stéréotypés, répétitifs, peu complexes,
L’observation du nourrisson débute initialement
désordonnés et disharmonieux. La présence de
dans les bras de maman afin d’apprécier la qua-
mouvements anormaux de type trémulations
lité des interactions mère-enfant et du portage.
persistantes, myoclonies, crises épileptoïdes,
L’appréciation des réponses comportementales
voire convulsions répétées, mâchonnement
du bébé à l’environnement et l’établissement d’un
incessant, mouvements de pédalage ou de nage,
contact avec ce dernier sont sources d’informa-
mouvements oculaires (battement des pau-
tions multiples.
pières, fixité du regard…) peuvent être d’ores
Certains signes d’alerte peuvent apparaître  : une et déjà associés à un électroencéphalogramme
hyperexcitabilité, un état léthargique ou une hypo- pathologique [12] ; Kinésithér Scient 2014;558:13-20

15
Menier-Soulier.indd 15 17/09/14 17:16
Signes d'alerte et identification des anomalies motrices
de l'enfant en début de vie

© I. Menier - É. Soulier

© I. Menier - É. Soulier
X Figure 1 X Figure 2
Pouce adductus Attitude des membres inférieurs en « batracien »

membres inférieurs (déséquilibre du bassin), un


© I. Menier - É. Soulier

flexum ou un récurvatum de genou ;


– la position des pieds de l’enfant : malpositions
majeures ou mineures (fig. 3), attitude en équin
constant, grasping ininterrompu des orteils, che-
vauchement de ces derniers ;
– la variation des points d’appui  : l’absence
d’alternance de la position de l’escrimeur ou une
position prolongée dans ce schéma entrave la
découverte de l’espace main-bouche. L’activité
X Figure 3 motrice de ce dernier sur la ligne médiane est
Pieds bots varus équin bilatéraux entravée, ce qui altère les conditions d’organi-
sation de la coordination progressive des deux
hémicorps (hémisyndrome) [13].
– la posture globale du nourrisson  : attitude « Un trouble de la commande motrice qui s’exprime
spontanée préférentielle systématique asymé- dans des postures anormales peut entraîner des
trique (attitude en «  C  ») ou en hyperextension déformations ostéo-articulaires et des raccourcisse-
du tronc (attitude dite en «  planeur  », voire en ments musculo-ligamentaires  : il est donc clinique-
opisthotonos), une position du rachis cervical ment nécessaire de différencier le trouble d’origine
en torticolis associée à une plagiocéphalie (pos- central et ses conséquences périphériques. » [14].
térieure ou pariéto-occipitale), une attitude en
« batracien » ;
n La fonction visuelle
– l’attitude spontanée des membres supé-
rieurs  : attitude en chandelier, bras tendu le De même que la fonction auditive, l’examen qua-
long du corps en rotation interne poignet fléchi litatif de la fonction visuelle peut expliquer cer-
et pouce adductus, poignet en coup de vent taines anomalies de l’activité tonique du bébé. Les
cubital, mains fermées, pouce adductus isolé réponses aux sollicitations témoignent d’une inte-
(fig. 1), absence de mobilité unilatérale (plexus raction aisée ou, au contraire, mettent en exergue
brachial) ; une déficience potentielle.

– l’attitude spontanée des membres infé- Les signes d’alerte peuvent se traduire par l’ab-
rieurs  : attitude en extension-rotation interne sence de mimique à la stimulation ou une mimique
avec ou sans attitude en ciseaux, attitude en inadaptée, une absence de fixation du regard, une
rotation externe de hanche membres inférieurs absence de poursuite oculaire ou uniquement sur
fléchis (attitude en grenouille écrasée ou batra- un hémichamp, pas d’ouverture spontanée des
Kinésithér Scient 2014;558:13-20 cien) (fig.  2), fausse inégalité de longueur des yeux. D’autres signes sont représentés par des mou-

16
Menier-Soulier.indd 16 17/09/14 17:16
© I. Menier - É. Soulier

© I. Menier - É. Soulier
XXFigure 4 XXFigure 5
Plagiocéphalie posturale Hypotonie périphérique au test du foulard

vements anormaux des globes oculaires, tels que : Leur absence témoigne d’une atteinte de l’inté-
un strabisme, un nystagmus, des mouvements erra- grité du tronc cérébral [15].
tiques, des yeux en coucher de soleil... [14].
L’exploration des réflexes ostéo-tendineux reste
peu significative en dehors de contexte clinique
franc (maladie neuromusculaire, lésion cérébrale
n Les signes relatifs avérée...). Leur absence peut être un élément d’ap-
au toucher  point en cas de syndrome unilatéral. À l’inverse,
une réponse excessivement vive, polycinétique,
Au décours de l’observation du nouveau-né, la pré-
diffusée peut confirmer un syndrome pyramidal
sence d’anomalies toniques et fonctionnelles est
[5].
supposée. L’examen palpatoire et dynamique peut
confirmer les premières impressions cliniques.
n L'examen de la succion-déglutition

n L'examen palpatoire L’examen de la succion-déglutition  permet éven-


tuellement de dépister une absence des réflexes
La palpation du crâne du bébé apprécie d’éven-
oraux primaires (points cardinaux, succion, déglu-
tuelles déformations. Elles peuvent être dues au
tition, nauséeux, morsure, fouissement…), une
positionnement in utero (plagiocéphalie posturale)
incoordination de la séquence succion-dégluti-
(fig. 4), à l’accouchement (tête en béret basque)
tion-respiration, un trouble de la déglutition, une
ou à une pathologie hypoxique-ischémique sous- hypotonie labiale (défaut de fermeture des lèvres)
jacente (chevauchement des sutures crâniennes). asymétrique ou non, une hypotonie linguale tra-
Les mobilisations passives globales et segmentaires duisant un défaut d’expression, une fente, une
recherchent d’éventuelles déformations orthopé- glossoptose, un frein de langue [13].
diques, consécutives ou à l’origine d’un trouble
tonique, tels que des malpositions mineures (méta-
n L'examen dynamique
tarsus varus, valgus…) ou majeures du pied (pied bot
varus équin, pied convexe), une instabilité de hanche L’évaluation du tonus musculaire passif  permet
(dysplasie, luxation congénitale), un flexum ou récur- d’apprécier l’extensibilité musculaire au repos.
vatum de genou, un pouce adductus... Elle s’effectue pour les membres supérieurs par la
manœuvre du foulard (fig. 5), pour les membres
inférieurs par l’angle poplité, et pour l’axe corpo-
n La recherche des réflexes rel par la comparaison des incurvations dorsale et
ventrale.
Les réflexes archaïques sont recherchés : réflexe de
succion, agrippement des doigts, Moro, marche Pour rappel, le nouveau-né à terme présente une
automatique, réflexe d’allongement croisé, réflexe hypertonie physiologique des quatre membres,
tonique asymétrique du cou ou de l’escrimeur. qui témoigne de la domination du système sous- Kinésithér Scient 2014;558:13-20

17
Menier-Soulier.indd 17 17/09/14 17:16
Signes d'alerte et identification des anomalies motrices
de l'enfant en début de vie

© I. Menier - É. Soulier

© I. Menier - É. Soulier
X Figure 6 X Figure 7
Hypotonie axiale au tiré assis Hypotonie globale à la suspension ventrale

cortical. C’est pourquoi les mobilisations passives ficultés à initier ou suivre le mouvement engendré
doivent être répétées dans le temps, les ampli- par des bras en chandelier, une plagiocéphalie,
tudes articulaires variant en fonction de l’évolu- une hypertonie des membres inférieurs, une hype-
tion du tonus musculaire. Des amplitudes trop rextension du tronc, une hypotonie globale...
limitées ou, à l’inverse, trop importantes pour l’âge
La suspension évalue, entre autres, la marche auto-
permettront de mettre en évidence une hyper ou
matique et l’adaptation du nourrisson aux change-
une hypotonie. Des résultats asymétriques pen-
ments posturaux. Les signes d’alerte peuvent se
cheront en faveur d’un trouble tonique unilatéral.
traduire par une hypotonie globale à type de pou-
Par ailleurs, les mobilisations passives permettent pée de chiffon (fig. 7), une hypertonie du plan pos-
également de distinguer une rigidité d’une perte térieur (attitude du planeur ou opisthotonos), une
d’extensibilité musculaire liée soit à une anomalie asymétrie latérale ou antéro-postérieure, un mau-
tonique, soit à un raccourcissement musculo-liga- vais maintien antigravitaire des membres, un gras-
mentaire qui résulte de cette dernière. Exercées ping permanent des orteils uni ou bilatéral (lorsque
à vitesse rapide, les mobilisations permettent en l’enfant est placé au contact du plan d’examen).
temps normal d’apprécier un éventuel réflexe
myotatique pathologique. Cependant,  «  chez le
nouveau-né à terme normal, une spasticité physiolo-
CLASSIFICATION
gique est présente » [5]. La distinction entre spasti-
DES ANOMALIES
cité et dystonie est difficile pour cet âge.
MOTRICES
L’évaluation du tonus musculaire actif  testé par
Après avoir détecté les signes d’alerte par l’éva-
la manœuvre du tiré-assis  permet d’apprécier le
luation kinésithérapique, il est indispensable d’en
tonus des muscles extenseurs et fléchisseurs du
déterminer la signification et le risque évolutif. On
cou. Plus précisément, elle permet de vérifier la
différencie les anomalies transitoires, qui auront
maturation du contrôle cortical (activité des flé-
tendance à être résolutives, des anomalies neu-
chisseurs) et du contrôle sous-cortical (activité des
ropathologiques, qui nécessiteront une prise en
extenseurs).
charge à long terme.
Certains signes peuvent alerter : absence de par-
ticipation au mouvement (tête ballante) (fig. 6),
défaut de freinage, asymétrie de la tonicité du n Les anomalies transitoires
couple fléchisseur/extenseur, déséquilibre latéral
Les anomalies transitoires sont d’ordre mécanique,
de la tête de l’enfant.
sources de posture anormale et de trouble du
Les retournements provoqués dos-ventre/ventre- tonus. Elles prennent leur origine en anténatale
dos peuvent mettre en exergue des anomalies (malposition fœtale ou utérine, insuffisance de
cinétiques : absence de dégagement de la tête et liquide amniotique, grossesse multiple), en périna-
Kinésithér Scient 2014;558:13-20 des membres supérieurs en décubitus ventral, dif- tale (accouchement long, en siège, extraction diffi-

18
Menier-Soulier.indd 18 17/09/14 17:16
XXEncadré I
Repères selon l'INSERM

cile) ou en post-natale (environnement hospitalier,


pathologie somatique telle que le RGO ou les com- Les points de repères simples des troubles du développement chez le jeune
enfant sont (à 40 SA) :
plications respiratoires). Les formes les plus cou-
– une tête ou un corps en hyperextension (avec opisthotonos) ;
rantes sont les incurvations axiales (par exemple
– la fermeture permanente des mains associées à un pouce adductus ;
l’attitude en virgule), l’extension globale du corps,
– des épisodes de grognement, de cyanose, de pâleur ;
le torticolis, la plagiocéphalie, le valgus ou le varus
– un enfant hyperexcitable, difficilement consolable ;
des pieds, ou encore l’étirement du plexus brachial
– des difficultés de succion ;
[16]. Prises en charge rapidement, ces anomalies
– une poursuite oculaire médiocre, voire inexistante.
tendent à diminuer, voire à disparaître.

n L'adaptation au contexte
n Les anomalies maturatif de l'enfant 
neuropathologiques  La maturation progressive du système nerveux cen-
Les anomalies à caractère pathologique sont pré- tral entraîne des changements dans les acquisitions
dictives de futurs dysfonctionnements moteurs. de l’enfant au fur et à mesure de son âge. L’utilisa-
Elles sont en lien avec une atteinte neurologique tion de repères chronologiques adaptés (calendrier
des acquisitions) permet de suivre cette évolution
sous-jacente dont les étiologies peuvent être
et parfois de mettre en évidence un ensemble
d’origine génétique, infectieuse, hémorragique,
d’anomalies non détectées au préalable [5].
toxique ou hypo-ischémique.
Par exemple, des troubles identifiés lors d’exa-
Cliniquement, ce type d’anomalies se révèle soit
mens complémentaires (IRM, échographie trans-
dès la naissance, soit progressivement. D’une
fontanelle, EEG) peuvent ne pas se traduire à
manière générale, plusieurs signes d’alerte y sont
l’examen clinique du nourrisson. Ce n’est que plus
associés (encadré  I) définissant une pathologie
tard, lorsque la motricité archaïque des premiers
acquise.
mois s’effacera, que les signes d’alerte seront sus-
Les tableaux cliniques les plus fréquemment ceptibles d’apparaître.
retrouvés sont, par exemple, le schème de Little, Notons qu’un signe considéré comme alarmant
l’association d’une hypotonie axiale et périphé- chez un enfant à terme ne le sera pas forcément
rique avec des troubles alimentaires, ou encore chez un enfant prématuré du fait de son immatu-
des anomalies regroupant des troubles du main- rité cérébrale. Les capacités motrices de celui-ci
tien, des mouvements anormaux et des ampli- apparaissent souvent avec un décalage propor-
tudes de mouvements limitées [4]. tionnel à sa prématurité [19]. Leur évaluation cli-
nique se base donc sur l’âge corrigé plutôt que sur
Par ailleurs, certains facteurs peuvent influencer
l’âge réel, pour limiter les erreurs d’interprétation
l’évolution de ces deux types d’anomalies : la pré-
et cela jusqu’à l’âge de 2 ans.
sence de complications au cours de la grossesse
ou lors de la naissance, et l’environnement hospi-
talier. Ils peuvent favoriser l’installation d’anoma- n La variabilité individuelle 
lies motrices supplémentaires ou aggraver celles
Le calendrier des acquisitions sert de repère pour
préexistantes. Réversibles chez un bébé sain, elles
suivre l’enfant. Il n’en reste pas moins que chaque
seront irréversibles chez un bébé cérébro-lésé.
enfant évolue à sa façon et à son propre rythme,
laissant la possibilité d’une absence ou d’un retard
dans un domaine. Par exemple, la station assise
ÉVOLUTION (normalement acquise à 6-7 mois) non tenue à
ET INTERPRÉTATION  l’âge de 8 mois n’est pas significative d’une ano-
L’interprétation des signes d’alerte rend l’élabo- malie, la limite permise étant de 9 mois.
ration du diagnostic kinésithérapique complexe. Un décalage isolé peut être simplement le résul-
Ce dernier doit rester prudent et tenir compte de tat de la variabilité individuelle si, sur l’ensemble
deux phénomènes particuliers : le contexte matu- du bilan, les capacités motrices restent dans les
ratif du nouveau-né et la variabilité individuelle. normes de référence [17]. Kinésithér Scient 2014;558:13-20

19
Menier-Soulier.indd 19 17/09/14 17:16
Signes d'alerte et identification des anomalies motrices
de l'enfant en début de vie

Des examens successifs, espacés dans le temps


et adaptés en fonction de l’évolution de l’enfant,
conduisent à lever ou à confirmer les doutes d’un
premier examen. Seul un tel suivi du nouveau-
né, prenant en compte le contexte maturatif et
la variabilité individuelle, permet de conclure
sur l’état neurologique de l’enfant et donc sur la
nécessité d’une prise en charge.

CONCLUSION
L’évaluation kinésithérapique du nouveau-né
doit être la plus précoce possible, individualisée
et répétitive [18]. L’examen clinique est indispen-
sable pour faire un état des lieux du développe-
ment sensori-moteur, détecter des signes d’alerte
d’anomalies motrices et situer leur niveau de BIBLIOGRAPHIE
gravité.
[1] Delobel-Ayoub M, Van Bakel M, Klapouszczak D et coll. Prévalence
Les conclusions qui en découlent doivent tou- des déficiences sévères chez l’enfant en France et évolution au cours
du temps. BEH 2010 Mai;n°16-17.
jours restées prudentes compte tenu de l’évolu-
[2] Cans C, Van Bakel M. Épidémiologie des handicaps de l’enfant en
tion maturative du système nerveux central et des France. Arch Pédiatr 2012;19:202-4.
variations individuelles. En général, un décalage [3] Déficiences et handicaps d’origine périnatale  : dépistage et prise en
charge (expertise collective). Les Éditions INSERM, 2004 : 376p.
isolé dans un domaine d’acquisition incite à la vigi- [4] Le Métayer M. Rééducation cérébro-motrice du jeune enfant. In: Faus-
lance. La convergence de retards ou de manques ser C, Vinçon C. Paris : Éditions Masson, 1993 : 15-44.
dans plusieurs secteurs doit inquiéter [4]. [5] Amiel-Tison C. Pathologie neurologique périnatale et ses consé-
quences. Issy-les-Moulineaux : Éditions Masson, 2010  : 15-50,
71-129.
Le dépistage des anomalies motrices va permettre
[6] Amiel-Tison C. Développement moteur jusqu’à la marche indépen-
d’adapter et d’orienter la prise en charge. En vue dante. In: L’infirmité motrice d’origine cérébrale. Paris : Éditions Mas-
son, 1997 : 53-63.
d’un retour à domicile, la participation des parents
[7] Durand K, Lécuyer R. Activités perceptives du nourrisson. EMC 2011,
à celle-ci doit être encouragée. Un guidage paren- 37-200-D-26.
tal et des explications concernant les troubles [8] Busquet-Vanderheyden M. Les chaînes physiologiques : bébé au cœur
de vos mains. Pau : Éditions Busquet, 2011 : 41-6.
relevés et leurs conséquences potentielles sont
[9] Grenier A. La motricité libérée du nouveau-né  : ses prolongements
nécessaires. Des conseils en termes de portage, au quotidien pour le confort et la surveillance neurologique. Paris  :
Éditions Médecine et Hygiène, 2000 : 115.
d’installation, de stimulations sont prodigués par
[10] Khun P, Zores C, Astruc D, Dufour A, Casper Ch. Développement
le kinésithérapeute. sensoriel des nouveaux-nés prématurés et environnement physique
hospitalier. Arch Pédiatr 2011;18:S92-S102.
La continuité des soins, en dehors du cadre hos- [11] Le Métayer M. Bilan cérébro-moteur du jeune enfant. EMC 2009,
26-028-B-20 : 1-31.
pitalier, est indispensable pour poursuivre la prise
[12] Nguyen S, Tich T. Diagnostic des mouvements anormaux du nouveau-
en charge initiée, ou réévaluer l’enfant en cas de né. Arch Pédiatr 2011;18:S49-S55.
doute. Le travail en partenariat avec des kinési- [13] Bullinger A. Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses ava-
tars. Toulouse : Éditions Erès, 2013 : 23-44, 208-50.
thérapeutes de ville, sensibilisés aux troubles du
[14] Gosselin C, Amiel-Tison C. Évaluation neurologique de la naissance à
développement du nourrisson, assure ce relais. 6 ans. Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine, 2007.
Ils pourront, si nécessaire, réorienter l’enfant vers [15] Mancini J, Milh M, Livet M-O, Chabrol B. Développement neurolo-
gique. EMC 2008, 4-002-F-80.
d’autres professionnels (ergothérapeutes, psycho- [16] Le Métayer M. Les premiers signes cliniques de l’infirmité motrice
motriciens, orthophonistes...) ou interagir avec cérébrale et les anomalies motrices transitoires. Motricité Cérébrale
2008;29:9-14.
eux dans un projet commun. ✖
[17] Ratynski N, Cioni G, Franck L, Blanchard Y, Sizun J. L’observation du
comportement du nouveau-né  : une source pertinente d’informa-
tions médicales. Arch Pédiatr 2002;9:1274-9.
[18] Marret S. Les indications d’une intervention précoce dans la préven-
tion et la prise en charge des anomalies neurodéveloppementales.
Arch Pédiatr 2004;11:611-3.
[19] Valleur-Masson D. Séquelles neurologiques et sensorielles de
la grande prématurité. Médecine Thérapeutique/Pédiatrie 2000
Juill-Août;3(4).
Kinésithér Scient 2014;558:13-20

20
Menier-Soulier.indd 20 17/09/14 17:16

You might also like