Extrait 42383210

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M E S U R E S - A N A LY S E S

Ti630 - Techniques d'analyse

Analyses de surface
et de matériaux

Réf. Internet : 42383 | 3e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Techniques d'analyse
(Réf. Internet ti630)
composé de  :

Chimie analytique : échantillonnage, instrumentation, Réf. Internet : 42379


métrologie

Études de structure et caractérisation Réf. Internet : 42386

Techniques d'analyse par imagerie Réf. Internet : 42387

Méthodes thermiques d'analyse Réf. Internet : 42384

Chromatographie et techniques séparatives Réf. Internet : 42385

Méthodes électrochimiques Réf. Internet : 42388

Méthodes nucléaires d'analyse Réf. Internet : 42389

Spectrométries Réf. Internet : 42390

Analyse des macromolécules biologiques Réf. Internet : 42380

Analyses de surface et de matériaux Réf. Internet : 42383

La science au service de l'art et du patrimoine Réf. Internet : 42579

Analyses dans l'environnement : méthodologies Réf. Internet : 42382

Analyses dans l'environnement : eau et air Réf. Internet : 42831

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Techniques d'analyse
(Réf. Internet ti630)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Gwenola BURGOT
Professeur à l'université de Rennes 1

Pierre LE PARLOUËR
Docteur Ingénieur, Consultant société Thermal Consulting

Gérard DURAND
Professeur honoraire à l'École Centrale de Paris, Consultant

Patrick MAUCHIEN
Chef du Service de Chimie Physique au Commissariat à l'Énergie Atomique
Saclay

Philippe QUEVAUVILLER
Commission Européenne, DG Environnement

Jean-François HENNINOT
Professeur, université d'Artois, unité de Catalyse et de Chimie du Solide, équipe
Couches Minces et Nanomatériaux

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Daniel ANDRÉ Valérie DESAUZIERS Bruno MORTAIGNE


Pour l’article : P3660 Pour l’article : IN112 Pour l’article : P3768

Marc AUCOUTURIER Fabienne FARCAS Yves MOUTON


Pour les articles : P2618 – P2619 Pour l’article : P3660 Pour l’article : P3660

Pascal BERGER Marc FONTANA Jérôme NICOLLE


Pour les articles : P2563 – P2564 Pour l’article : E6322 Pour l’article : IN112

Isabelle BEURROIES Jean-Luc GARDETTE Jean-Jacques PIREAUX


Pour les articles : P1050 – P1051 Pour l’article : P3762 Pour l’article : P2635

Guy BLAISE Marie-Florence GRENIER- Gérard PLATRET


Pour l’article : P3795 LOUSTALOT Pour l’article : P3660
Pour l’article : P3764
Didier BLAVETTE Martine POTIN-GAUTIER
Pour l’article : P900 Matthieu HORGNIES Pour l’article : NM8015
Pour l’article : IN237
Patrice BOURSON Gilles REVEL
Pour l’article : E6322 Hieu-Thao HUYNH Pour les articles : P2563 – P2564
Pour l’article : P3660
Véronique BOUTEILLER André RIVIERE
Pour l’article : P3660 Thomas KAUFFMANN Pour l’article : P1310
Pour l’article : E6322
Bernard CATOIRE Françoise ROUQUEROL
Pour l’article : P3766 Colette LACABANNE Pour les articles : P1050 – P1051
Pour l’article : P3770
Roland CAUDANO Jean ROUQUEROL
Pour l’article : P2635 Isabelle LE HECHO Pour les articles : P1050 – P1051
Pour l’article : NM8015
Jacques CAZAUX Brigitte SIEBER
Pour les articles : P2620 – P2621 Patrice LEHUÉDÉ Pour l’article : P3792
Pour les articles : P2618 – P2619
David CHAPRON Gilbert TEYSSEDRE
Pour l’article : E6322 Gaëtane LESPES Pour l’article : P3770
Pour l’article : NM8015
Évelyne DARQUE-CERETTI Paul A. THIRY
Pour les articles : P2618 – P2619 Philip LLEWELLYN Pour l’article : P2635
Pour les articles : P1050 – P1051
Loïc DE ROUMILLY Stéphane VALETTE
Pour l’article : P3790 Juan-Jorge MARTINEZ-VEGA Pour l’article : N4806
Pour l’article : P1310
Bernard DECONIHOUT François VURPILLOT
Pour l’article : P900 Pierre MOCHO Pour l’article : P900
Pour l’article : IN112
Renaud DENOYEL Pierre WITIER
Pour les articles : P1050 – P1051 Pour l’article : P3660

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VI
Analyses de surface et de matériaux
(Réf. Internet 42383)

SOMMAIRE

1– Méthodes d'analyse des matériaux Réf. Internet page

Caractérisation des polymères par spectrométrie optique P3762 11

Caractérisation des polymères par RMN P3764 15

Étude des polymères par résonance paramagnétique électronique P3766 19

Caractérisation des polymères par couplage CG/SM P3768 21

Caractérisation des polymères par analyse thermique P3770 23

Spectroscopie Raman des défauts dans les matériaux E6322 25

Spectrométrie de masse d'ions secondaires : SIMS et ToF-SIMS. Principes et P2618 31


appareillages
Spectrométrie de masse d'ions secondaires : SIMS et ToF-SIMS. Procédures d'analyse et P2619 35
performances
Introduction à la technique ultrasonore multiéléments P3790 41

Cathodoluminescence. Principes physiques et systèmes de détection P3792 47

Texture des matériaux divisés. Aire spéciique des matériaux pulvérulents ou P1050 51
nanoporeux
Texture des matériaux divisés. Taille de pores des matériaux nanoporeux par P1051 57
adsorption d'azote
Mesure de frottement interne P1310 61

2– Méthodes d'analyse des surfaces Réf. Internet page

Méthode de microanalyse des surfaces et couches minces P3795 65

Spectroscopie Auger. Principes et performances en sonde ixe P2620 73

Spectroscopie Auger. Imagerie et proil en z. Applications P2621 77

Spectrométries de pertes d'énergie des électrons dans les solides P2635 81

Microsonde nucléaire. Principe et appareillage P2563 85

Microsonde nucléaire. Applications P2564 89

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VII
3– Analyse de céramiques Réf. Internet page

Techniques de caractérisation des céramiques N4806 95

4– Analyse de nanomatériaux Réf. Internet page

Déis analytiques liés aux nanomatériaux NM8015 105

Sonde atomique tomographique SAT P900 109

5– Analyse de matériaux de construction Réf. Internet page

Analyse et caractérisation de matériaux de construction P3660 115

Nouvelle méthode d'échantillonnage des COV émis par les matériaux de construction IN112 123

Caractérisation par spectroscopie infrarouge de matériaux cimentaires IN237 127

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Analyses de surface et de matériaux
(Réf. Internet 42383)


1– Méthodes d'analyse des matériaux Réf. Internet page

Caractérisation des polymères par spectrométrie optique P3762 11

Caractérisation des polymères par RMN P3764 15

Étude des polymères par résonance paramagnétique électronique P3766 19

Caractérisation des polymères par couplage CG/SM P3768 21

Caractérisation des polymères par analyse thermique P3770 23

Spectroscopie Raman des défauts dans les matériaux E6322 25

Spectrométrie de masse d'ions secondaires : SIMS et ToF-SIMS. Principes et P2618 31


appareillages
Spectrométrie de masse d'ions secondaires : SIMS et ToF-SIMS. Procédures d'analyse et P2619 35
performances
Introduction à la technique ultrasonore multiéléments P3790 41

Cathodoluminescence. Principes physiques et systèmes de détection P3792 47

Texture des matériaux divisés. Aire spéciique des matériaux pulvérulents ou P1050 51
nanoporeux
Texture des matériaux divisés. Taille de pores des matériaux nanoporeux par P1051 57
adsorption d'azote
Mesure de frottement interne P1310 61

2– Méthodes d'analyse des surfaces

3– Analyse de céramiques

4– Analyse de nanomatériaux

5– Analyse de matériaux de construction

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pSWVR

Caractérisation des polymères


par spectrométrie optique

par Jean-Luc GARDETTE
Docteur ès sciences
Directeur de recherche au CNRS
Laboratoire de Photochimie Moléculaire et Macromoléculaire
URA CNRS 433, Université Blaise-Pascal, ENS de Chimie de Clermont-Ferrand

1. Spectrométrie infrarouge....................................................................... PE 3762 - 2


1.1 Instrumentation ............................................................................................ — 2
1.2 Exemples d’applications de la spectrophotométrie infrarouge
à l’échelle macroscopique ........................................................................... — 4
1.3 Exemples d’applications de la spectrophotométrie infrarouge à l’étude
de systèmes hétérogènes............................................................................ — 7
1.4 Autres applications ...................................................................................... — 9
2. Spectrométrie Raman.............................................................................. — 10
2.1 Avantages et difficultés de la méthode ...................................................... — 10
2.2 Quelques exemples d’application aux polymères .................................... — 10
3. Spectrométrie d’absorption UV-visible .............................................. — 12
3.1 Instrumentation : sphère d’intégration, colorimétrie ................................ — 12
3.2 Exemples d’applications de la spectrométrie d’absorption UV-visible
à l’étude des polymères............................................................................... — 13
4. Conclusion.................................................................................................. — 14
Références bibliographiques.......................................................................... — 15

L a littérature consacrée aux applications des spectrométries vibrationnelles


dans le domaine des polymères est extrêmement abondante. La spectromé-
trie infrarouge est devenue une technique d’analyse de routine dans de très
nombreux laboratoires industriels. Ses possibilités d’applications se sont en
effet largement développées depuis l’apparition sur le marché des spectropho-
tomètres à transformée de Fourier. Les appareils actuels ont un coût relative-
ment faible et une facilité d’utilisation croissante.
La spectrométrie Raman apparaît, dans de nombreux cas, comme une techni-
que très performante d’analyse qualitative ou quantitative complémentaire de la
spectrométrie infrarouge.
La spectrométrie d’absorption UV-visible est couramment appliquée en ana-
lyse organique. C’est une technique d’utilisation relativement simple qui permet
une analyse efficace de nombreux adjuvants dans les polymères, et qui trouve
de multiples applications auprès des colorimétristes.
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Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 3 762 − 1

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1. Spectrométrie infrarouge féromètre. Le spectre infrarouge est calculé par transformation de


Fourier à partir de l’interférogramme.
La spectrométrie IRTF permet, grâce à son caractère multiplex,
Après avoir vu sa position privilégiée menacée par d’autres une amélioration très importante du rapport signal/bruit. De plus, de
méthodes comme la RMN ou la spectrométrie de masse, la spectro- par la conception même du banc optique, le flux lumineux qui tra-
métrie infrarouge a connu, grâce au développement de l’infrarouge verse le spectromètre est beaucoup plus important (suppression du
à transformée de Fourier (IRTF), un nouvel essor qui lui permet monochromateur). Ces avantages de la spectrométrie IRTF par rap-


d’occuper une place de choix, en particulier dans le domaine de port à la spectrométrie dispersive offrent des possibilités d’applica-
l’analyse et de la caractérisation des matériaux polymères. Les pos- tions particulièrement intéressantes pour l’analyse et la
sibilités offertes par la spectrométrie infrarouge dans le domaine caractérisation des polymères. Ces applications tirent parti soit de
des matériaux sont en effet multiples et donnent lieu à de nombreu- l’amélioration importante de la sensibilité (mesures de réflexion,
ses applications. La spectrométrie infrarouge permet ainsi d’obtenir couplage avec la microscopie infrarouge, détection photoacousti-
des informations détaillées sur : que), soit, à rapport signal/bruit constant, de la plus grande rapidité
d’exécution de la spectrométrie IRTF.
— la structure chimique des macromolécules et la composition
du polymère : identification de l’unité de base, des ramifications,
analyse des extrémités de chaînes, détermination de la nature et de
1.1.2 Méthodes expérimentales
la concentration des additifs, des défauts de structure, des impure-
tés...
— les interactions intra- ou intermoléculaires, la conformation Si l’on peut a priori admettre que tous les matériaux organiques
des chaînes, la cristallinité du polymère, l’orientation des macromo- peuvent être analysés par spectrométrie infrarouge, il subsiste tou-
lécules. tefois la difficulté essentielle liée à la mise en forme des échantillons
afin d’obtenir des spectres exploitables, donc présentant des ban-
La spectrométrie infrarouge est également un outil efficace pour des d’absorption dont l’intensité se trouve dans une gamme acces-
étudier les modifications de structure des polymères résultant de sible aux appareils, voire dans une gamme permettant des
traitements chimiques, de dégradations ou de vieillissements de applications analytiques quantitatives.
diverses origines.
La spectrométrie infrarouge est devenue une méthode d’analyse 1.1.2.1 Analyse par transmission en mode « macro »
de routine des polymères dans de très nombreux laboratoires uni-
versitaires et industriels. La technique la plus facilement accessible à l’expérimentateur
consiste à enregistrer le spectre du matériau polymère en mesurant
■ Des limitations à l’utilisation de la spectrométrie infrarouge directement la transmission de la lumière infrarouge au travers de
existent : cependant, elles sont essentiellement liées à la faible sen- l’échantillon. La surface minimale d’échantillon requise varie selon
sibilité de la technique, à la nécessité de mise en forme des échan- la superficie de la section droite du faisceau infrarouge, donc selon
tillons et aux difficultés d’analyse des échantillons de faibles le type de spectrophotomètre utilisé. Elle est généralement voisine
dimensions. de 1 cm2 (1 cm x 1 cm). En ce qui concerne l’épaisseur de l’échan-
L’apparition des premiers spectrophotomètres IRTF à la fin des tillon, donc le trajet optique, il faut la choisir en respectant les limites
années 70 et leur développement depuis le milieu des années 80 ont rappelées précédemment. Différentes techniques permettent
élargi de façon notable le domaine d’utilisation de la spectrométrie d’adapter l’épaisseur de l’échantillon aux besoins de l’analyse :
infrarouge. L’introduction des spectromètres IRTF a en effet permis, — dans le cas d’échantillons fusibles (thermoplastiques), on uti-
grâce au gain important en sensibilité, d’augmenter notablement les lise la compression à chaud du matériau pour fabriquer un film dont
possibilités d’analyse, et de valoriser de nombreuses techniques de l’épaisseur permettra de réaliser un spectre exploitable. L’épaisseur
couplage dont l’utilisation était jusqu’alors extrêmement réduite. généralement requise varie selon les caractéristiques du matériau
Dans le domaine des polymères, ces couplages, dont le détail sera polymère (structure chimique du polymère, présence de charges ou
précisé ultérieurement dans ce paragraphe, facilitent l’analyse pigments...), de quelques micromètres à quelques centaines de
d’échantillons qu’il était auparavant difficile, voire quelquefois micromètres. Cette méthode doit être réservée aux matériaux ther-
impossible, de réaliser en mode d’analyse « classique ». miquement stables dans les conditions de compression à chaud (on
ne doit pas provoquer l’oxydation de la matrice polymère, de ses
additifs, ni la migration des adjuvants...) ;
— dans le cas d’échantillons solubles, on peut utiliser une
1.1 Instrumentation méthode particulièrement simple qui consiste à dissoudre le poly-
mère dans un solvant approprié et à étaler sur un support la solution
de polymère alors obtenue. Après évaporation complète du solvant,
Le lecteur consultera les articles sur la spectrométrie d’absorption on obtient un film dont l’épaisseur est contrôlée par la concentration
dans l’infrarouge [41, 42] dans le traité Analyse et Caractérisation. de la solution de polymère et par le volume de solution déposé sur
Toutefois, on effectuera quelques brefs rappels sur la spectrométrie le support. Le choix du support est fonction des caractéristiques de
infrarouge à transformée de Fourier mettant l’accent sur les princi- l’échantillon. Si l’on doit limiter l’épaisseur du film de polymère à
pales méthodes de couplage utilisées actuellement dans le domaine quelques micromètres, on choisira un support transparent au rayon-
des polymères. nement infrarouge (NaCl, KBr, CaF2, Ge...) et on analysera par trans-
mission le complexe support-échantillon. Si l’épaisseur requise est
suffisamment importante pour permettre la manipulation du film de
1.1.1 Spectrométrie infrarouge à transformée polymère après l’avoir décollé du support, le choix est plus large.
de Fourier (IRTF) Ainsi, tout support présentant une surface plane et permettant de
décoller l’échantillon après évaporation du solvant conviendra
La spectrométrie IRTF est une spectrométrie multiplex. Le rayon- (verre, nappe de mercure...). Il faut veiller, lors de l’utilisation de
nement infrarouge transmis par l’échantillon est reçu globalement cette méthode de mise en forme de l’échantillon, à ne pas provo-
par le détecteur après avoir été « codé » par un interféromètre, qui quer la dissolution et l’extraction d’éventuels additifs. On précisera
se substitue au classique monochromateur des spectromètres dis- enfin que certains accessoires commercialisés permettent d’obtenir
persifs. Le signal enregistré, ou interférogramme, s’exprime en facilement des films d’épaisseur calibrée ;
fonction de la différence de marche entre les deux ondes de l’inter- — par découpe microtomique, on peut obtenir des échantillons
sous forme de films d’épaisseur choisie. Selon le type de matériau

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PE 3 762 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation

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et les caractéristiques techniques du microtome, l’épaisseur de situent classiquement dans une gamme de 2,4 (ZnSe, KRS-5 : cris-
l’échantillon obtenu pourra varier de quelques micromètres à quel- taux mixtes de bromure et d’iodure de thalium) à 4 (Ge) et les angles
ques centaines de micromètres. Dans le cas d’échantillons particu- d’incidence des systèmes commercialisés sont généralement 30°,
lièrement déformables à température ambiante, il faut effectuer la 45°, 60°. Le trajet optique total est fonction du nombre de réflexions
découpe en refroidissant l’échantillon de polymère ainsi que la lame internes, qui dépend lui-même de la géométrie du cristal : longueur,
du microtome, ce qui est réalisé directement si l’on utilise un micro- épaisseur et angle d’incidence.
tome cryogénique ; La difficulté majeure rencontrée lors de la mise en œuvre de cette
— les techniques de préparation des échantillons utilisées classi-


technique est l’obtention d’un contact intime entre cristal et subs-
quement en spectrométrie infrarouge pour l’analyse de poudres trat. Si dans le cas des matériaux déformables (élastomères), on ne
(inclusion dans KBr, suspension dans une huile de paraffine, ana- rencontre en principe pas de difficultés à obtenir un bon contact, il
lyse d’une solution du produit dans une cellule infrarouge) peuvent n’en va pas de même avec les matériaux plus rigides. L’augmenta-
être également mises en œuvre, mais elles ne seront pas décrites ici tion de la pression sur l’échantillon permet souvent de pallier ce pro-
car non spécifiques de l’analyse des matériaux polymères. blème, mais risque d’entraîner la déformation (KRS-5), voire la
fracture du cristal (Ge, ZnSe). La seconde difficulté est liée à l’état de
1.1.2.2 Analyse par réflexion surface des échantillons : l’analyse par ATR (en mode macro) néces-
site en effet que le contact soit réalisé sur une surface minimale clas-
Dans un certain nombre de cas, il n’est pas possible de réaliser
siquement voisine de 2,5 cm2 (2,5 cm x 1 cm). L’état de surface de la
une analyse par transmission, pour des raisons liées à l’opacité du
partie en contact avec le cristal doit être suffisamment homogène
polymère ou à des difficultés de mise en forme d’un échantillon. On
pour obtenir un spectre de bonne qualité. Ceci n’est pas toujours le
doit alors avoir recours à d’autres techniques d’analyse, qui sont
cas, par exemple avec des polymères ayant été soumis à un vieillis-
essentiellement basées sur des mesures de réflexion.
sement ou une dégradation.
■ Analyse par réflexion totale atténuée (ATR, Attenuated Total
■ Analyse par réflexion externe : les techniques de mesure par
Reflectance). L’ATR est une technique facile à mettre en œuvre, qui
réflexion interne sont plus particulièrement utilisées pour analyser
permet d’obtenir rapidement le spectre infrarouge de matériaux
des traitements de surface de métaux, des revêtements de surface
trop absorbants ou trop épais pour pouvoir être analysés par trans-
de polymères, de peintures...
mission. C’est aussi, comme nous le verrons plus loin, une techni-
que très intéressante lorsque l’on veut caractériser la surface de La réflexion spéculaire (ou régulière) est une réflexion de Fresnel
l’échantillon. à la surface du matériau, selon un angle de réflexion égal à l’angle
d’incidence (figure 2). Le faisceau réfléchi a une énergie faible et le
Le principe de l’ATR a été décrit dans ce traité [41]. On rappellera
spectre infrarouge obtenu a une allure différente de celle d’un spec-
que la profondeur de pénétration , p peut être définie comme la
tre de transmission classique. Les bandes présentent en effet une
distance depuis l’interface cristal-échantillon correspondant à une
allure de dérivées, car le spectre de réflexion résulte de la variation
diminution de l’intensité de l’onde évanescente égale au produit de
simultanée des coefficients spécifiques d’absorbance molaire et de
1/e par sa valeur initiale. Elle est donnée par la relation :
l’indice de réfraction du substrat. Cette allure des bandes complique
λ à l’évidence l’interprétation des résultats, mais le traitement mathé-
, p = ----------------------------------------------------------- matique du spectre de réflexion par une transformation de Kramers-
2π n 1 ( sin2 θ Ð n 21 2 )1 ⁄ 2
Kronig permet d’obtenir en quelques secondes un spectre d’allure
avec λ longueur d’onde de la radiation, semblable à celle d’un spectre réalisé en transmission, qui corres-
pond à la variation de l’indice d’absorption en fonction du nombre
n1 indice de réfraction du cristal, d’ondes. L’angle d’incidence est choisi en fonction de l’épaisseur et
θ angle d’incidence, de l’angle de Brewster du substrat à analyser. Ainsi, dans le cas de
n21 rapport de l’indice de réfraction de l’échantillon à revêtements dont l’épaisseur est de l’ordre du nanomètre, un angle
l’indice de réfraction du cristal (figure 1). d’environ 80° est choisi (incidence rasante), alors que pour des
applications à des substrats d’épaisseur voisine du micromètre, un
angle d’incidence de l’ordre de 30° est préféré. Les accessoires des-
tinés à la mesure de réflexion spéculaire disponibles sur le marché
permettent d’adapter les conditions de mesure aux différents types
I0 M
de substrats.

I0 IR IAR

M C

M
E IR
M miroir
E
C cristal d'ATR
E
E échantillon
I0 faisceau incident S
IR faisceau réfléchi M E échantillon IR faisceau réfléchi (spéculaire)
S support réfléchissant IAR faisceau absorbé-réfléchi
Figure 1 – Schéma de principe de la réflexion totale atténuée I0 faisceau incident

Figure 2 – Schéma de principe de la réflexion-absorption

Cette relation montre que, selon la nature du cristal et l’angle


d’incidence choisi, on peut faire varier sensiblement l’épaisseur de
la couche analysée. Les indices de réfraction des cristaux d’ATR se

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation PE 3 762 − 3

QS

QT
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Caractérisation des polymères


par RMN

par Marie-Florence GRENIER-LOUSTALOT
Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique - URA 1494
Laboratoire de physico-chimie des polymères

1. Généralités pour l’obtention d’un spectre........................................ PE 3 764 − 3


1.1 Préparation des échantillons ...................................................................... — 3
1.2 Fréquence d’analyse.................................................................................... — 3
1.3 Déterminations quantitatives ..................................................................... — 3
2. Applications de la RMN haute résolution aux polymères ............ — 3
2.1 Caractérisation de la structure chimique de systèmes polymères
en solution.................................................................................................... — 3
2.2 Caractérisation de la structure de systèmes polymères à l’état solide
par RMN13C du solide (CP/MAS)................................................................ — 8
3. Conclusion ................................................................................................. — 13
Références bibliographiques ......................................................................... — 18

L a spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) constitue main-


tenant un des outils les plus puissants d’élucidation des structures chimi-
ques. Dans le cas des polymères en solution, elle permet d’accéder facilement à
des informations structurales essentielles (microstructure, tacticité, distribution
des motifs). Cependant, l’utilisation de la RMN en phase liquide semble être limi-
tée aux polymères liquides ou solubles. En fait, un grand nombre de polymères
insolubles sont « gonflables » dans des solvants adéquats et peuvent être étu-
diés par cette technique. Seuls les polymères infusibles et «non gonflables»
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@QYYV

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QU
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nécessitent l’utilisation de la RMN en phase solide à angle magique (CP-MAS :


Croised Polarisation-Magic Angle Solid).
POLYMÈRES

Liquides - Solubles Insolubles

Q liquides gels gonflés

(H2O, solvants
infusibles,
non gonflables

organiques)

1H et 13C 13C 13C

RMN RMN
liquide ou classique solide angle
magique
(CP-MAS)
Nous avons résumé ci-dessous l’apport de la RMN pour l’étude des polymè-
res.
Cette technique permet :
— une bonne connaissance de la microstructure (tacticité du squelette, extré-
mités de chaîne, anomalie structurale, stéréorégularités...) ;
— une bonne compréhension des mécanismes réactionnels (polycondensa-
tion, polymérisation, dégradation...) qui peuvent gouverner la polymérisation,
d’une part, et, d’autre part, permettent l’établissement de relations fiables
microstructures/propriétés physiques et propriétés mécaniques, compte tenu de
la grande sensibilité de détection et de la grande résolution spectrale des spec-
tromètres à haut champ.
Depuis quelques années se développe, pour les polymères, la RMN du car-
bone 13 haute résolution dans les solides (rotation à angle magique et polarisa-
tion croisée CP/MAS). Si la RMN du carbone 13 haute résolution dans les
liquides, qui permet de faire correspondre, à chaque carbone d’une molécule en
solution, un pic du spectre, constitue une source d’information prodigieuse,
obtenir le même résultat pour un composé en phase solide n’est pas aussi
immédiat. Cependant cette technique s’est révélée intéressante pour :
— la détermination de structures de polymères tridimensionnels insolubles ;
— l’étude de l’organisation en phase solide dans les polymères. En particulier
il est possible d’étudier :
• les conformations et configurations du squelette carboné de la chaîne,
• la structure cristalline montrant le polymorphisme, les zones amorphes et
cristallines et des zones intermédiaires dans les polymères semi-cristallins,
• la compatibilité des mélanges de polymères.
Après avoir rappelé quelques généralités nécessaires pour l’obtention d’un
spectre et le choix de la technique, nous examinerons, sur quelques exemples,
l’application de la RMN haute résolution du proton 1H et du carbone 13C (en
phase liquide et solide) dans le domaine des polymères.

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1. Généralités pour qui détermine les paramètres du type angle d’impulsion α et temps
d’attente de la séquence RMN par transformée de Fourier. Connais-
l’obtention d’un spectre sant T1, le couple (α, t) optimal se calcule à l’aide de la relation
d’Ernst [2, 6] :
cos α = exp (− t / T1)

1.1 Préparation des échantillons où α est l’angle optimal.


En RMN du solide, l’obtention de spectres quantitatifs est plus
délicate. Il est nécessaire de déterminer les temps de polarisation
En solution, il est toujours très utile d’examiner deux (1H, 13C) ou croisée, qui dépendent de la force de l’interaction dipolaire CCH et
plusieurs noyaux (19F, 31P, 29Si...). Des anomalies structurales pré- de mettre en œuvre des séquences d’impulsion sélectives [10, 14,
sentes en faibles concentrations se détectent plus aisément avec 15].
des noyaux de forte abondance naturelle. Cependant en général,
même en solution diluée, la mobilité des chaînes macromoléculai-
res est faible et, du fait de l’effet dipôle-dipôle, les raies sont larges
et la résolution spectrale mauvaise. Les raies de résonance ne s’affi-
nent que si l’échantillon est porté à une température suffisante.
2. Applications de la RMN
Pour les gels gonflés, seule la RMN 13C est performante. Elle ne haute résolution
peut être utilisée que si l’échantillon est chauffé au-dessus de sa
température de transition vitreuse (Tg). La résolution spectrale
aux polymères
dépend de l’homogénéité des gels.
À l’état solide, le polymère est le plus souvent broyé. Afin
d’avoir la meilleure stabilité pour la rotation de la turbine à l’angle 2.1 Caractérisation de la structure
magique (environ de 5 à 10 kHz suivant le spectromètre), l’échan- chimique de systèmes polymères
tillon est tamisé.
en solution

1.2 Fréquence d’analyse On distingue généralement plusieurs types d’études d’applica-


tions de la technique dans le domaine des polymères. Cependant,
étant donné les nombreux exemples présentés dans la littérature
L’étude des polymères nécessite l’utilisation de spectromètres à [3], [11], nous ne décrivons que ceux qui nous semblent être les plus
haut champ pour leur pouvoir de résolution et leur sensibilité. Ces représentatifs.
champs magnétiques élevés sont en effet indispensables pour que Ainsi, nous développons l’application de la RMN à la détermina-
soient réunies la sensibilité et la résolution nécessaires à l’observa- tion et à la caractérisation de la structure chimique de systèmes
tion des phénomènes de faible intensité que sont les anomalies polymères et, en particulier, à l’étude de la microstructure (tacticité
structurales. Dans le cas d’analyse configurationnelle des chaînes, du squelette et anomalies structurales) [3], [5], [6], [7], [8], [9], [10],
l’utilisation de champs magnétiques élevés (7 à 9 T) s’accompagne [11], [12], [13] en corrélation avec l’étude de polymérisation, poly-
à la fois d’une meilleure résolution et d’une simplification des spec- condensation et dégradation.
tres (souvent l’interprétation peut se faire au premier ordre), per-
mettant l’observation et l’attribution de séquences de plus en plus Cependant, suivant l’information recherchée, on utilisera préfé-
longues. rentiellement un noyau. En général, dans les spectres 1H et/ou 13C
d’un polymère, les résolutions peuvent être classées en deux caté-
gories selon leur intensité [6] :
— les signaux de grande intensité, faciles à détecter par RMN13C
1.3 Déterminations quantitatives provenant des unités monomères semblables (homopolymères) ou
dissemblables (copolymères) qui se répètent le long de la chaîne ;
— les signaux de faible intensité, plus faciles à détecter par
En solution, les spectres 13C des polymères, même obtenus dans RMN1H (mais, quelquefois, seule la RMN13C est utilisable), qui révè-
des conditions standards et sans temps d’attente adéquat, peuvent lent la présence des structures chimiques en faible ou très faible
fournir des informations quantitatives concernant la tacticité des concentration dans le polymère.
homopolymères et la distribution des motifs dans les copolymères. Nous avons rassemblé ces différentes informations dans le
En effet, dans le premier cas, il s’agit de comparer les intensités rela- tableau 1.
tives de carbones de même classe (CH, CH2, CH3) d’un motif appar-
tenant à des séquences (diades, triades, tétrades...) de tacticités
différentes. L’effet Overhauser nucléaire (NOE) [4] est le même pour
un même type de carbone dans différentes configurations tactiques.
Par contre, lorsqu’il s’agit de comparer quantitativement les
intensités relatives de carbones différemment protonés, il faut
s’affranchir des perturbations dues au NOE, en utilisant des séquen-
ces de découplage en créneaux, et du temps de relaxation longitudi-
nal T1. Cependant, il a été montré que, pour les polymères dont les
solutions sont très visqueuses, il y a assez peu de différence d’effet
Over-hauser entre les carbones, du fait des faibles mobilités des
chaînes macromoléculaires [1, 2].
La bonne connaissance des temps de relaxation spin-réseau (T1)
est particulièrement indispensable dans la détermination quantita-
tive des taux de conversion, lors du suivi cinétique d’une polycon-
densation par exemple. Dans ce cas, c’est la plus forte valeur de T1

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Tableau 1 – Microstructures des polymères : Tableau 2 – Définitions des configurations


classification des signaux RMN 1H et 13C
X
m (méso)
r (racémique)

Q MICROSTRUCTURES des POLYMÈRES

Classification des signaux RMN 1H et 13C


triades

X X X
(solutions : 1H + 13C ; gels : 13C) α i (isotactique)
ou mm

X X
α h (hétérotactique)
ou mr + rm
Phénomènes Phénomènes X
de forte intensité de faible intensité

X
HOMOPOLYMÈRES Anomalies structurales (1H, 13C) α s (syndiotactique)
Tacticité du squelette (1H, 13C) (additions anormales, ou rr
(statistique de propagation) dégradations accidentelles...) X X

COPOLYMÈRES Extrémités de chaînes (1H, 13C)


Composition (1H, 13C) (amorçage, terminaison, COPOLYMÈRES (cotacticité)
(taux de réactivité) transfert...)
alternances
Distribution Groupements fonctionnels (1H, 13C) X
des motifs (1H, 13C) (bout de chaînes) X Y
(statistique de propagation)
Y
m' (coméso) r' (coracémique)

Mécanismes de propagation Mécanismes d'amorçage


Propriétés physico-mécaniques et de terminaison
Réactions secondaires
Fonctionnalité
en groupements réactifs
(réactivité, cinétique,
thermodynamique...)
Propriétés physico-
chimiques
■ Étude par RMN 1H et 13C du poly(chlorure de vinyle)
À titre d’exemple [17] nous avons porté, sur les figures 1 a et 1 b,
les spectres protonique et du carbone du poly(chlorure de vinyle) de
masse molaire 83 000 enregistrés avec un spectromètre à haut
2.1.1 Étude de la stéréoisomérie champ (500 MHz pour le proton). On remarque que les signaux des
dans les polymères linéaires protons méthyne (CH ; δ = 4,5 ppm) et méthylène (CH2 ; δ = 2,1 ppm)
sont bien résolus, mais qu’il n’est pas observé de simples signaux
C’est dans l’étude de la stéréoisomérie que cette technique lorentziens. Le signal dans la région des ponts méthylène (1,5 à
s’avère la plus performante [16]. En effet, elle est pratiquement la 2,5 ppm) se présente comme un massif avec plusieurs raies de réso-
seule méthode permettant d’aborder l’analyse des longueurs des nance venant de la non-équivalence des protons méthylène dans les
stéréoséquences, qui apporte des informations très importantes sur diades méso. Cependant, à partir de séquence à deux dimensions
les mécanismes de polymérisation et sur la réactivité chimique du (RMN-2D), il est possible d’attribuer toutes les raies observées.
polymère. En ce qui concerne les polymères vinyliques, acryliques L’étude du même polymère par RMN13C (figure 1 b), dans les
et apparentés, on sait que les enchaînements peuvent se faire de mêmes conditions de température, de solvant et avec un champ de
façon régulière (isotactique) ou régulière alternée (syndiotactique) 125 MHz, montre que c’est la technique de choix pour l’étude de ce
où, lorsque les probabilités de formation des deux types d’enchaî- type de polymère. On remarque que les déplacements chimiques
nement au cours de la polymérisation sont proches, ils coexistent des carbones de la chaîne sont extrêmement sensibles à la micros-
dans la même chaîne et où l’on a alors, à la jonction, entre deux tructure du polymère. En particulier, seules des diades sont obser-
séquences stéréorégulières différentes, un troisième type d’enchaî- vées sur le spectre protonique, alors que des triades sont détectées
nement (hétérotactique) (tableau 2). sur le spectre du carbone 13.

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Étude des polymères par résonance


paramagnétique électronique

par Bernard CATOIRE
Ingénieur de recherche
Docteur en chimie macromoléculaire
Responsable de la spectroscopie RPE, ENSAM, Paris

1. Principes de base de la RPE .................................................................. P 3 766 - 2


2. Applications de la RPE à l’étude des polymères............................. — 3
2.1 Polymérisation radicalaire .......................................................................... — 3
2.2 Dégradation des polymères........................................................................ — 4
2.2.1 Irradiations aux UV, aux rayons γ, aux électrons accélérés ............ — 4
2.2.2 Ozonisation ......................................................................................... — 5
2.2.3 Stabilisants.......................................................................................... — 5
3. Sondes et marqueurs paramagnétiques (spin probe, spin label) — 6
4. Conclusion ................................................................................................. — 7
Références bibliographiques ......................................................................... — 8

et article se propose de donner un aperçu non exhaustif sur l’apport de la


C résonance paramagnétique électronique (RPE) à l’étude des polymères.
Parmi les applications, citons l’étude des processus de polymérisation, de dégra-
dation, de stabilisation et d’ennoblissement. À la suite des travaux de McConnel
[1], l’emploi de sondes radicalaires nitroxydes a ouvert de nouveaux domaines
d’utilisation. Ces sondes ont permis d’obtenir des informations sur les micro-
structures des polymères et la viscosité locale des milieux dans lesquels elles se
trouvent incorporées [2] [3].
La RPE, en raison de sa spécificité et de sa grande sensibilité (10−9 mol/L), per-
met une détection directe des radicaux libres. Un radical libre est une molécule
ou une fraction de molécule comportant une couche électronique externe
incomplète, autrement dit une liaison insatisfaite. La mise sur le marché de spec-
tromètres commerciaux en a fait un outil de choix d’une recherche tant fonda-
mentale qu’appliquée.
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ÉTUDE DES POLYMÈRES PAR RÉSONANCE PARAMAGNÉTIQUE ÉLECTRONIQUE ____________________________________________________________________

1. Principes de base de la RPE


508 G
La théorie de la RPE est complexe ; de nombreux et excellents H•
ouvrages ont été publiés sur cette technique [4] [5] [6] [7]. Nous en
rappellerons ici simplement quelques rudiments de base.


La RPE traditionnelle est une méthode de la spectroscopie hert-
zienne (9 à 10 GHz). Elle permet de détecter et d’analyser les espèces
radicalaires créées dans les polymères à la suite de sollicitations
diverses : physiques, chimiques, thermiques ou mécaniques...
Rappelons qu’un électron libre tournant autour de son axe a atome d'hydrogène
possède un moment cinétique intrinsèque appelé spin et qui,
d’après les lois de la mécanique quantique, peut prendre deux
valeurs S = ±1/2. H 23 G
À ce moment cinétique correspond un moment magnétique µ ; •C H
l’électron se comporte donc comme un petit dipôle magnétique.
Soumis à un champ magnétique extérieur intense H, ces moments H
magnétiques vont s’orienter soit dans le sens du champ, soit en
sens opposé. À ces deux sens correspondent deux niveaux d’éner-
gie E1 et E2. Une source extérieure de rayonnement électromagnéti-
que de haute fréquence donne au système un supplément d’énergie
hν, capable à la résonance de faire « basculer » les spins des élec-
trons du niveau d’énergie inférieur vers le niveau supérieur. Il
s’ensuit une absorption d’énergie. b radical méthyle
La condition de résonance s’écrit : Rappel : 1 G = 10–4 T
E2 − E1 = hν = µBgH

avec h constante de PIanck, Figure 1 – Spectres RPE

µB facteur de conversion (magnéton de Bohr),


H champ magnétique extérieur (électroaimant),
g facteur caractérisant la position du spectre en
champ (défini un peu plus loin).
La courbe d’absorption, ou spectre, représente l’énergie absorbée
par la matière en fonction du champ H. Pour des raisons de sensibi-
lité de l’appareillage, la courbe enregistrée est la dérivée première
de la courbe d’absorption.

■ Structure hyperfine
Parmi les interactions auxquelles l’électron est soumis de la part
du milieu qui l’entoure, citons l’interaction entre le spin de l’électron
et celui du ou des noyaux autour duquel ou desquels l’électron
gravite (dans le cas où le noyau possède un moment magnétique
de spin). Cette interaction conduit à un spectre à plusieurs raies
(2nI + 1) où I est le spin du noyau et n le nombre de noyaux équiva-
lents appelé structure hyperfine.
La multiplicité des raies renseigne donc sur la structure chimique
du radical que l’on cherche à caractériser.
Le couplage hyperfin subdivise chacun des niveaux électroniques
en sous-niveaux correspondant aux (2nI + 1) valeurs du nombre Figure 2 – Allure du spectre RPE d’un radical nitroxyde en solution
quantique magnétique nucléaire : I = 1/2 dans le cas d’un proton ; dans du toluène, enregistré à la température ambiante
I = 1, dans celui de l’azote.
La figure 1 a montre la structure hyperfine à 2 raies (I = 1/2) dis-
tantes de 508 G du radical H d , alors que le radical méthyle R1
La figure 2 montre le spectre d’un radical nitroxyde R N •O
H 2
en phase liquide. On observe un triplet résultant de l’interaction de
•C H l’électron libre avec le noyau d’azote (I = 1). Cette molécule stable
H est couramment utilisée comme sonde paramagnétique (spin
probe, spin label).
est constitué de 4 raies (2 × 3/2 + 1 = 4). La distance entre deux raies Cette différence d’écart hyperfin est due dans le premier cas à la
consécutives est de 23 G (figure 1 b). présence de l’électron sur le proton, dans le second, à l’électron se
Nota : 1 G (gauss) est égal à 10−4 T (tesla). trouvant sur le carbone.

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Caractérisation des polymères


par couplage CG/SM

par Bruno MORTAIGNE
Docteur en Matériaux/Structures de l’École nationale supérieure des Arts et Métiers
(ENSAM)
Ingénieur responsable du laboratoire Chimie structurale et durabilité des polymères
Délégation générale pour l’Armement/Centre de recherches et d’études d’Arcueil
DGA/CREA)

1. Chromatographie en phase gazeuse/spectrométrie de masse .... PE 3 768 − 2


2. Techniques d’introduction des polymères......................................... — 3
2.1 Pyrolyse......................................................................................................... — 3
2.2 Thermogravimétrie ...................................................................................... — 3
2.3 Dégradation dans un four tubulaire........................................................... — 4
3. Constituants des polymères................................................................. — 4
3.1 Élastomères et thermoplastiques ............................................................... — 4
3.2 Thermodurcissables..................................................................................... — 4
4. Analyse des polymères après mise en œuvre................................... — 5
4.1 Élastomères et thermoplastiques ............................................................... — 6
4.2 Thermodurcissables..................................................................................... — 6
5. Étude des mécanismes de polymérisation ....................................... — 6
6. Vieillissement des polymères .............................................................. — 7
6.1 Analyse des produits d’hydrolyse............................................................... — 7
6.2 Produits de dégradation thermique............................................................ — 8
7. Conclusion .................................................................................................. — 8
Références bibliographiques .......................................................................... — 10

L a spectrométrie de masse (SM) est un outil employé dans l’analyse d’un


grand nombre de types d’échantillons. Sa haute sensibilité, associée à la fois
à une bonne sélectivité et à une bonne spécificité, en a fait, au cours des trente
dernières années, une technique d’analyse extrêmement puissante pour la
caractérisation structurale des molécules organiques.
Les composés analysés par cette technique vont des petites molécules organi-
ques jusqu’aux macromolécules. L’inconvénient, dans le cas de ces derniers
échantillons, réside dans la méthode qui sera employée pour leur introduction
dans le spectromètre de masse. Le rôle et le choix de la technique d’introduction
des échantillons étant essentiels pour l’analyse des polymères par chromatogra-
phie gazeuse couplée à la SM, cet article traite principalement de ce choix et de
l’utilisation des techniques associées.
Dans la plupart des cas, la SM nécessite une vaporisation des molécules dans
leur forme initiale pour une acquisition d’un spectre de masse représentatif de la
molécule à analyser. Cela pose un problème crucial, les polymères se dégradant
thermiquement avant leur vaporisation. Malgré cette limitation et la complexité
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des spectres de masse obtenus, la SM joue un rôle important pour l’analyse

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structurale des polymères. À partir de techniques d’introduction spécifiques


bien contrôlées comme l’analyse thermogravimétrique (ATG), la pyrolyse (PY),
l’identification des produits d’extraction solide/liquide..., la structure des poly-
mères peut être correctement identifiée par cette méthode.
Actuellement, même si d’autres techniques comme la SM couplée à des
méthodes de séparation par chromatographie en phase liquide se développent,
d’autres problèmes se posent quant à l’utilisation de ces techniques, comme
Q l’interfaçage entre les différents appareillages par exemple, et nécessitent de
développer de nouvelles bases de données pour la détermination des structures
des molécules organiques. Ces nouvelles techniques d’analyse seront surtout
employées pour l’analyse des biopolymères, qui sont très sensibles à une éléva-
tion de température. L’analyse de ces biopolymères ne sera pas abordée dans
cet article, où l’on se limitera à l’analyse des polymères élastomériques, thermo-
plastiques ou thermodurcissables.
Dans cet article, nous décrivons les avantages retirés de l’association de la
chromatographie en phase gazeuse (CG) et de la détection par spectrométrie de
masse dans l’analyse et la caractérisation des polymères, en détaillant les tech-
niques d’introduction des polymères de manière à pouvoir remonter à leur iden-
tification et à leur structure.
Après avoir décrit, dans un premier temps, les différentes techniques possi-
bles d’introduction d’un polymère dans un spectromètre de masse, nous abor-
dons les différentes méthodologies utilisables pour caractériser les constituants
de base des polymères, puis celles utilisables pour identifier leur structure après
mise en œuvre, en essayant de remonter aux mécanismes de polymérisation qui
ont pu intervenir. Enfin, dans une dernière partie, nous nous intéressons aux
possibilités offertes par cette technique pour caractériser le vieillissement des
matériaux et pour identifier les produits formés au cours de leur dégradation de
manière à pouvoir déterminer les points faibles de la structure.

1. Chromatographie en phase La volatilisation des produits en sortie du chromatographe dans le


spectromètre de masse étant assurée par le vide qui règne dans la
gazeuse/spectrométrie source de l’appareil, le problème majeur rencontré dans l’analyse
des polymères par CG/SM est celui de leur introduction dans le
de masse chromatographe ainsi que leur élution à travers la colonne capillaire
qui ne pourra être chauffée au maximum qu’à 350 °C pour une
colonne apolaire (250 °C pour une colonne polaire). Toutefois, il faut
La chromatographie en phase gazeuse (CG) sur colonne capillaire noter que, depuis quelques années, des industriels spécialistes de la
est une méthode puissante de séparation. Cette technique fait chromatographie développent des colonnes capillaires pouvant
l’objet d’un article spécialisé dans ce traité [29]. supporter des températures plus élevées (450 °C), ce qui nécessite
des colonnes et des phases stationnaires qui soient thermostables.
Comparée avec la chromatographie en phase liquide, la CG per-
met d’atteindre de grandes efficacités (plusieurs centaines de mil- La CG/SM permet d’obtenir, pour les polymères, dans le cadre de
liers de plateaux théoriques) avec des durées d’analyse leur analyse et de leur caractérisation, et en se basant sur l’ensem-
raisonnables, grâce essentiellement aux valeurs élevées des coeffi- ble des produits détectés et identifiés par SM :
cients de diffusion des solutés dans les gaz (environ 100 000 fois — un chromatogramme empreinte pour l’identification du poly-
plus grands que dans les liquides). L’association de cette technique mère analysé (à partir de la CG) ;
de séparation avec une technique de détection très sensible comme et à partir de l’exploitation des spectres de masse :
la spectrométrie de masse (SM) permet une identification molécu-
— les séquences d’enchaînement des motifs monomères ;
laire avec des seuils de détection très faibles, de l’ordre de quelques
— les branchements, les nœuds de réticulation et les substitu-
nanogrammes pour chacun des constituants à identifier, cela pour
tions latérales des chaînes polymères ;
obtenir un spectre sur une plage de masse étendue permettant une
— les séquences des copolymères et les modifications induites
identification. Les techniques de couplages chromatographiques
par les systèmes de polymérisation ;
avec la spectrométrie de masse font l’objet d’un autre article spécia-
— les additifs et les impuretés présents dans les matériaux.
lisé de ce traité [1]. Les composés analysés vont des petites molécu-
les organiques jusqu’aux macromolécules [2] [3]. L’identification des polymères nécessite de faire appel aux diffé-
rentes techniques d’ionisation [5] : d’une part l’impact électronique
Le choix des types de colonne se fait en fonction de la polarité des
(IE) et d’autre part les techniques d’ionisation chimique (IC).
produits que l’on suppose susceptibles de se former et qui dépen-
dent de la structure initiale du polymère [4] [25].

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Caractérisation des polymères


par analyse thermique

par Gilbert TEYSSÈDRE
Ingénieur Institut national des sciences appliquées de Toulouse, chercheur au CNRS
et Colette LACABANNE
Professeur à l’université Paul-Sabatier (Toulouse)

1. Analyse thermique différentielle et analyse enthalpique


différentielle............................................................................................... PE 3770 − 2
1.1 Généralités .................................................................................................... — 2
1.2 Caractérisation des polymères amorphes.................................................. — 2
1.2.1 Transition vitreuse ............................................................................... — 2
1.2.2 Structure chimique.............................................................................. — 3
1.2.3 Masse molaire ..................................................................................... — 3
1.3 Caractérisation des polymères semi-cristallins ......................................... — 3
1.3.1 Fusion et cristallisation ....................................................................... — 3
1.3.2 Structure et ségrégation de phases ................................................... — 3
1.4 Vieillissement physique ............................................................................... — 4
1.4.1 Phase amorphe.................................................................................... — 4
1.4.2 Phase cristalline................................................................................... — 4
1.5 Adjuvants ...................................................................................................... — 4
2. Analyse thermomécanique .................................................................... — 4
2.1 Principe.......................................................................................................... — 4
2.2 Caractérisation des polymères.................................................................... — 4
3. Analyse dynamique mécanique ............................................................ — 5
3.1 Principe.......................................................................................................... — 5
3.2 Caractérisation des polymères amorphes.................................................. — 5
3.3 Caractérisation des polymères semi-cristallins ......................................... — 5
4. Analyse dynamique électrique.............................................................. — 6
4.1 Principe.......................................................................................................... — 6
4.2 Caractérisation des polymères amorphes.................................................. — 6
4.3 Caractérisation des polymères semi-cristallins ......................................... — 6
5. Analyse des courants thermostimulés ............................................... — 6
5.1 Principe.......................................................................................................... — 6
5.2 Caractérisation des polymères amorphes.................................................. — 7
5.3 Caractérisation des polymères semi-cristallins ......................................... — 7
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. PE 3770

L ‘analyse thermique englobe toute une série de techniques de caractérisation


des matériaux fondées sur l’étude de la variation d’une propriété physique
en fonction de la température.
Il s’agit donc essentiellement d’approches macroscopiques du comportement
des matériaux, qui font intervenir des considérations de thermodynamique des
états d’équilibre, de thermodynamique des processus irréversibles et de cinéti-
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CARACTÉRISATION DES POLYMÈRES PAR ANALYSE THERMIQUE ________________________________________________________________________________

que, associées aux changements d’états (phénomènes de transition) et aux phé-


nomènes relaxationnels qui peuvent les accompagner.
Dans le cas spécifique des matériaux macromoléculaires ou polymères, l’ana-
lyse de la réponse thermique permet de mettre en évidence et de donner une
interprétation microscopique de phénomènes tels que la transition vitreuse, la
fusion/cristallisation, le vieillissement physique et chimique, la ségrégation de
phases... selon le système considéré.
Q Dans cet article, les principales techniques d’analyse thermique basées sur
l’étude d’un paramètre thermodynamique extensif, tel que l’enthalpie ou le
volume, ou d’une susceptibilité dynamique telle que le module mécanique en
élongation ou en cisaillement ou la permittivité diélectrique sont abordées.

1. Analyse thermique 1.2 Caractérisation des polymères


amorphes
différentielle et analyse
enthalpique différentielle Le phénomène de transition vitreuse est le principal changement
d’état intervenant dans les polymères amorphes. Il correspond au
passage d’un état liquide surfondu à un état vitreux lors du refroidis-
sement dans la région de la température de transition vitreuse (Tg).
1.1 Généralités Bien que ce phénomène ne corresponde pas à une transition de
phase au sens thermodynamique du terme [1], il se manifeste par
une variation importante des propriétés dimensionnelles, mécani-
Le principe des techniques calorimétriques différentielles [50]
ques, thermiques...
repose sur la mesure des variations d’énergie thermique fournie à
l’échantillon à analyser, par rapport à un corps inerte appelé témoin,
nécessaires pour imposer un programme de température contrôlé.
Il est donc nécessaire de disposer de deux enceintes identiques
1.2.1 Transition vitreuse
régulées en température, contenant l’échantillon à analyser et le
témoin. De nombreux paramètres structuraux influent sur la température
de transition vitreuse des polymères, parmi lesquels la tacticité, la
En analyse thermique différentielle (ATD), la grandeur mesurée masse molaire ou la présence de groupes latéraux volumineux. En
est le gradient de température entre l’échantillon et le témoin. Dans AED, la température de transition vitreuse (Tg) se manifeste par
ce cas, les flux de chaleur transmis à l’échantillon et au témoin sont une variation brusque de la capacité thermique dont un exemple
identiques. apparaît sur les figures 1 et 2. Cette variation de la capacité thermi-
La technique la plus courante, pour la caractérisation des polymè- que, ∆cp, est obtenue directement à partir de la variation du flux de
res, est l’analyse enthalpique différentielle (AED) : elle permet une chaleur, ∆W, enregistrée au passage de Tg :
analyse quantitative des transitions en termes énergétiques. On
mesure alors le gradient de puissance électrique nécessaire pour ∆W
∆ c p = ----------
maintenir l’échantillon et le témoin à une température identique, βm
variant linéairement en fonction du temps. Le système est dit à com-
pensation de puissance. avec m masse de l’échantillon,
Les faibles masses d’échantillon (quelques milligrammes), la rapi- β vitesse de balayage en température.
dité des mesures (les vitesses de variation en température sont de Tg est définie soit au point de semi-vitrification (point milieu du
l’ordre de 10 °C/min), la large diffusion de dispositifs commerciaux saut de cp), soit à la température à laquelle une variation de W (T ) se
ainsi que leur application très répandue dans les laboratoires, tant produit (onset) lors de la montée en température [2].
au niveau de la recherche que du contrôle de fabrication, font de ces Pour des mesures rigoureuses, il est nécessaire de préciser, non
techniques un outil de première importance pour l’étude des pro- seulement la méthode utilisée pour déterminer Tg, mais également
priétés thermiques des polymères. la vitesse de balayage en température et, plus généralement,
Une des contraintes liées à leur utilisation est la nécessité d’un l’histoire thermomécanique de l’échantillon. Par exemple, Tg est
étalonnage rigoureux de l’appareillage : celui-ci est réalisé à partir sensible à l’orientation mécanique subie par l’échantillon, mais éga-
de corps étalons dont la température et l’enthalpie de transition sont lement à la vitesse de refroidissement lors du passage à Tg, préala-
connues (fusion de l’indium, par exemple). blement à la mesure. Si cette vitesse augmente, la structure est figée
avec une densité moindre et un volume libre supérieur, de sorte que
la température de transition vitreuse mesurée au cours de la remon-
tée en température augmente [3].

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Spectroscopie Raman des défauts


dans les matériaux
par Marc D. FONTANA

Professeur des Universités
Laboratoire Matériaux Optiques, Photonique et Systèmes, (LMOPS EA 4423), Université de
Lorraine & CentraleSupélec, Metz, France
David CHAPRON
Maître de Conférences
Laboratoire Matériaux Optiques, Photonique et Systèmes, (LMOPS EA 4423), Université de
Lorraine & CentraleSupélec, Metz, France
Thomas H. KAUFFMANN
Ingénieur de Recherche
Laboratoire Matériaux Optiques, Photonique et Systèmes, (LMOPS EA 4423), Université de
Lorraine & CentraleSupélec, Metz, France
et Patrice BOURSON
Professeur des Universités
Laboratoire Matériaux Optiques, Photonique et Systèmes, (LMOPS EA 4423), Université de
Lorraine & CentraleSupélec, Metz, France

1. Spectroscopie Raman................................................................................. E 6 322 - 3


1.1 Fondements................................................................................................. — 3
1.1.1 Principes physiques........................................................................ — 3
1.1.2 Instrumentation Raman : aspects techniques .............................. — 3
1.1.3 Buts, avantages et inconvénients de la spectroscopie Raman... — 4
1.2 Description................................................................................................... — 4
1.2.1 Modèle classique ............................................................................ — 4
1.2.2 Description quantique .................................................................... — 5
1.3 Règles de sélection Raman ........................................................................ — 6
1.4 Profil et caractéristiques de raie Raman .................................................. — 6
1.4.1 Modèle de l’oscillateur harmonique amorti
et les autres profils de raie............................................................. — 6
1.4.2 Trois caractéristiques de la raie Raman........................................ — 8
1.5 Modes dans un réseau cristallin (phonons) et spectroscopie Raman .... — 9
1.6 Spectroscopie Raman polarisée ................................................................ — 11
1.7 Spectroscopies Raman conventionnelle et non linéaire ......................... — 12
Défauts dans les matériaux et leur détection
2. par spectroscopie Raman........................................................................... — 12
2.1 Différents défauts dans les solides............................................................ — 12
2.2 Impact des défauts sur le spectre Raman ................................................. — 13
2.3 Illustrations de caractérisation des défauts par spectroscopie Raman .. — 14
2.3.1 Matériaux optiques : exemple de LiNbO3 .................................... — 14
2.3.2 Polymères........................................................................................ — 18
2.3.3 Autres matériaux ............................................................................ — 23
3. Conclusion ................................................................................................... — 23
4. Glossaire ...................................................................................................... — 24
5. Symboles ..................................................................................................... — 24
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. E 6 322
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SPECTROSCOPIE RAMAN DES DÉFAUTS DANS LES MATÉRIAUX _____________________________________________________________________________

a spectroscopie Raman est un outil d’analyse physico-chimique de milieux


L très divers (solides ou liquides, organiques ou minéraux, semi-conducteurs
ou isolants, cristaux ou verres, polymères, etc.) qui nous renseigne sur la struc-
ture : liaisons chimiques, arrangement cristallin, symétrie, phase... À ce titre, le
spectre Raman fournit une empreinte du composé analysé permettant ainsi
une identification d’une substance dans un mélange ou un matériau hétéro-
gène. Elle est par conséquent employée dans de larges domaines

Q d’application : chimie, biologie, physique, archéologie et même sur Mars.


La structure d’un milieu étant sensible à l’environnement (contrainte, tempé-
rature…), la spectroscopie Raman peut aussi être utilisée pour extraire un
paramètre physique externe ou interne au milieu : déformation, concentration
et composition d’un produit, caractéristiques d’une transition de phase, degré
d’ordre d’une structure, anharmonicité, etc. On parle ainsi de plus en plus de
capteurs Raman. Pour cela, il est possible de mettre à profit l’une ou l’autre
des caractéristiques d’une raie Raman : position du maximum, largeur et inten-
sité. Enfin, par un choix judicieux des éléments optiques lors de la mesure, la
spectroscopie Raman est adaptée à des études multi-échelles.
Les récentes innovations technologiques (laser, filtres de réjection, détec-
teurs) confèrent désormais à la spectroscopie Raman de nombreux avantages
pour des mesures aussi bien en surface qu’en volume. La miniaturisation des
instruments a permis de diversifier les produits (appareils transportables et
portables) et les applications qui étaient cantonnées, il y a dix ans, presque
exclusivement au domaine de la recherche en laboratoire.
La spectroscopie Raman est une technique non destructive et non invasive,
permettant des mesures à la fois à travers un contenant et déportées via des
fibres optiques, avec des temps compatibles avec les réactions chimiques ou
les processus industriels. Aussi, elle est à présent parfaitement adaptée à des
études en milieu industriel, en particulier à des analyses in situ, et même en
milieux hostiles. Par ailleurs, les améliorations continues dans les capacités de
traitement des données via des logiciels (par exemple de chimiométrie)
ouvrent des champs importants d’études en temps réels. Ceci a également
permis d’importants progrès pour les études de cartographie, rendant l’ima-
gerie Raman beaucoup plus facilement accessible. La spectroscopie Raman est
donc naturellement une technique de choix pour des études de défauts four-
nissant des informations utiles sur l’incorporation et la localisation de dopants,
le mélange de phases, l’inhomogénéité, etc. Cela permet de connaître et de
mieux maîtriser les propriétés de matériaux ou d’optimiser le processus de
leur élaboration.
L’objectif de cet article est de décrire et d’expliquer les différents effets pos-
sibles de défauts sur le spectre Raman de matériaux solides. Dans une
première partie, les principes fondamentaux qui régissent la spectroscopie
Raman dans le cas « idéal », c’est-à-dire d’un milieu non perturbé, sont pré-
sentés ainsi que les règles de sélection. L’accent est mis sur le profil de raie,
ainsi que ses modifications, qui peuvent avoir des origines diverses, indépen-
damment de l’influence propre des défauts. Dans une seconde partie, l’impact
de défauts ponctuels ou étendus sur le spectre Raman est décrit en termes de
perturbation du spectre du milieu hôte, ou de l’activation de raies interdites ou
encore de la détection de raies propres au défaut. Ces différents cas sont
ensuite illustrés par des exemples choisis plus particulièrement dans le
domaine des polymères et celui des matériaux optiques.
Un glossaire de sigles et une liste des symboles utilisés sont présentés en fin
d’article.

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______________________________________________________________________________ SPECTROSCOPIE RAMAN DES DÉFAUTS DANS LES MATÉRIAUX

1. Spectroscopie Raman
Élongation Élongation
symétrique anti-symétrique Pliage
1.1 Fondements

1.1.1 Principes physiques


L’effet Raman provient de la diffusion inélastique d’un faisceau
lumineux par un milieu (gaz, liquide ou solide). La différence
d’énergie entre le photon incident de longueur d’onde λi et le pho-
Balancement Agitation Torsion Q
ton diffusé de longueur d’onde λd est exactement égale à l’énergie
de vibration (ou de rotation) de la molécule diffusante. Cet
échange d’énergie permet sous certaines conditions d’accéder
aux différents états d’énergie vibrationnelle (ou rotationnelle) + + + –
d’une molécule ou d’un réseau cristallin : l’enregistrement de
l’intensité de cette lumière diffusée en fonction de la différence
d’énergie constitue le spectre Raman [P2865]. Figure 1 – Modes de vibration d’une molécule

Cet écart ou décalage Raman (Raman shift) s’exprime non pas


en énergie, mais en nombre d’onde (en cm–1) avec :
fusés sont détectés. Le signal diffusé élastiquement (diffusion
. Rayleigh à la même énergie – même longueur d’onde – que le
faisceau incident) est filtré et le signal diffusé inélastiquement
Toutefois, il est d’usage de dire que le spectre Raman fournit les est récupéré par un détecteur (caméra CCD ou CMOS...). Ce
fréquences des modes de vibration d’une molécule ou d’un signal représente une partie infime de l’ensemble des photons
réseau cristallin. diffusés.
On décrira donc physiquement le phénomène d’interaction Il existe plusieurs géométries de diffusion Raman, c’est-à-dire
laser-milieu en termes de fréquence de mode de vibration, bien différentes configurations entre les directions des faisceaux inci-
que l’on détermine expérimentalement un nombre d’onde. Mais, dents et diffusés. La rétrodiffusion est généralement la géomé-
on prendra garde aux unités : 33 cm–1 ≈ 1 THz. La spectroscopie trie la plus utilisée (figure 2), dans laquelle les directions de
Raman (SR) fait donc partie des spectroscopies vibrationnelles propagation des faisceaux sont colinéaires, mais de sens oppo-
comme la spectroscopie Brillouin et l’absorption ou la réflectivité sés.
infrarouge. Le premier spectre Raman a été observé en 1928 par Dans certains cas, on peut utiliser la géométrie dite à 90° où les
C.V. Raman et ses collaborateurs [1]. directions des faisceaux incidents et diffusés sont normaux entre
Lorsque la longueur d’onde de la lumière diffusée par le milieu eux, ou encore la diffusion vers l’avant (diffusion trans ou trans-
est décalée vers les grandes valeurs, on parle de diffusion Stokes. Raman) où ces directions sont colinéaires et de même sens.
Lorsqu’elle est décalée symétriquement vers les courtes longueurs
d’ondes, on parle de diffusion anti-Stokes. Ce décalage en longueur On peut choisir la géométrie de mesure la plus appropriée en
d’onde ne dépend pas de la longueur d’onde d’excitation, mais uni- fonction des critères suivants :
quement du milieu analysé. Ceci a deux conséquences pratiques – rétrodiffusion : cette configuration est la plus simple à mettre
importantes. D’une part, on peut choisir la longueur d’onde excita- en œuvre, car elle ne nécessite pas d’alignement optique entre le
trice la plus appropriée selon l’absorption du milieu, pour éviter la laser incident et le faisceau Raman. Elle permet l’utilisation d’un
luminescence, et ce sans conséquence sur le contenu de l’informa- microscope confocal pour limiter le volume d’analyse pour, par
tion. D’autre part, on peut utiliser la spectroscopie Raman comme exemple, réaliser une analyse à la surface de l’échantillon ;
un outil de composition chimique d’un milieu : le spectre Raman – diffusion à 90° : certains modes de vibration du matériau ne
fournit une empreinte caractéristique du milieu. sont accessibles qu’avec une telle géométrie de mesure. L’aligne-
Chaque mode de vibration présente une fréquence qui lui est spé- ment de chacun des faisceaux étant indépendant l’un de l’autre,
cifique [2]. On distingue les vibrations internes impliquant les mou- cette configuration nécessite un temps de mise en place de la
vements à l’intérieur de la molécule et les vibrations externes mesure ;
d’entités plus importantes et liées aux interactions entre molécules. – diffusion trans : cette configuration est particulièrement adap-
Généralement, les vibrations externes ont lieu à des fréquences plus tée à une mesure Raman dans le volume de l’échantillon, et non
faibles (inférieures à 100 cm–1) que les vibrations internes. uniquement à une réponse de surface. Le plus souvent, le faisceau
Si une molécule contient N atomes elle possède 3N degrés de incident est collimaté (parallèle). La difficulté principale est la
liberté et donc 3N modes de vibration. Parmi ceux-ci, trois sont détection d’un signal Raman suffisant, de par l’alignement optique
associés à la translation du centre de masse et trois (cas d’une (diffusion élastique) et les pertes liées à l’absorption.
molécule non linéaire) ou deux (si la molécule est linéaire) corres- Historiquement, la spectroscopie Raman est une technique de
pondent à une rotation d’ensemble ; par conséquent, il existe 3N-6 caractérisation optique conçue pour les laboratoires de recherche
degrés de liberté (ou 3N-5 si la molécule est linéaire) modes de nécessitant de l’espace, une stabilité de mesure et des conditions
vibration internes. d’obscurité. Les dernières avancées technologiques, tant au
Parmi les vibrations internes, on distingue les mouvements niveau des lasers d’excitation, du système de collection ou du trai-
associés au changement de la longueur d’une liaison chimique tement du signal, ont permis le développement de systèmes
(figure 1) (vibrations d’élongation), et ceux provenant d’un chan- Raman de taille réduite. Il est possible de trouver des sondes
gement d’un angle de liaison (vibrations de déformation). Raman adaptées à la mesure reliées à un spectromètre par fibres
optiques. Il existe également des systèmes où est intégré dans un
1.1.2 Instrumentation Raman : aspects techniques même bâti l’ensemble du système Raman, du laser au spectro-
mètre. Le choix de l’appareillage dépend des conditions de
Le milieu à analyser est éclairé par un faisceau monochroma- mesure et des performances attendues pour l’analyse du spectre
tique (laser incident) et, suite à cette interaction, les photons dif- final [P2865].

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SPECTROSCOPIE RAMAN DES DÉFAUTS DANS LES MATÉRIAUX _____________________________________________________________________________

Réseau de diffraction
Laser
Détecteur
Miroir Polariseur

Q Polariseur

Filtre de réjection

Miroir

Objectif de microscope

Table de translation XY
support échantillon

Les flèches rouges représentent le chemin du laser sur l’échantillon, les flèches bleues le signal diffusé par
l’échantillon jusqu’au détecteur.

Figure 2 – Instrumentation Raman pour une configuration en rétrodiffusion

1.1.3 Buts, avantages et inconvénients d’onde) que les photons incidents. Seule une très petite fraction de
de la spectroscopie Raman la lumière (~1 photon sur 107 photons) est diffusée avec des fré-
quences optiques différentes, généralement plus basses, que celle
■ Les propriétés de la spectroscopie Raman tiennent dans un pre- des photons incidents.
mier lieu dans le fait que c’est une spectroscopie optique : mesure
non destructive sans contact. Cette technique présente de plus les Il s’agit donc d’utiliser une source excitatrice intense, ou des
avantages suivants : traitements du signal parfois lourds, pour extraire d’un signal
faible une information exploitable. Une toute autre voie consiste à
– ne nécessite pas de préparation préalable des échantillons ; amplifier le signal détecté par des processus non linéaires ou
– possibilité de définir la zone de mesure (de submicrométrique résonnants (§ 1.7).
à quelques mm2) par un choix approprié des éléments optiques ;
– résolution spatiale permettant des mesures de très faibles Les autres inconvénients de la spectroscopie Raman résultent
quantités de matière ; de la possible superposition dans le spectre du signal Raman et
– possibilité de faire des mesures à travers un contenant ; de phénomènes de luminescence ou de fluorescence présents
– possibilité de déporter la mesure par l’utilisation de fibres dans certains matériaux, et qui masquent le signal Raman. On
optiques ou des mesures à plusieurs dizaines de centimètres ; choisit une longueur d’onde excitatrice différente pour pallier
– étude possible de solutions aqueuses (l’eau diffuse peu en cette difficulté. La diversification des sources UV, visible ou IR,
spectroscopie Raman) ; permet en général de contourner ce problème. Par ailleurs,
– étude de matériaux sous différentes formes (poudre, liquide, l’absorption du rayonnement laser peut parfois entraîner des
solide massif, gaz). échauffements du matériau, particulièrement dans les échantil-
lons noirs ou fortement colorés entraînant des altérations, voire
L’un des intérêts majeurs de cette technique est qu’elle peut
des détériorations, de la surface du matériau.
fournir une identification du milieu analysé.
Les temps de mesure sont souvent compatibles avec le temps
d’un procédé industriel (quelques secondes) permettant des 1.2 Description
mesures in situ en temps réel.
De plus, les nouveaux spectromètres sont maintenant transpor-
tables ou portables pour des mesures sur site ou des couplages 1.2.1 Modèle classique
avec d’autres expériences ou techniques.
Les spectroscopies vibrationnelles (infrarouge et Raman)
■ L’inconvénient majeur de la spectroscopie Raman provient du reposent sur l’action du champ électrique oscillant de l’onde électro-
fait que le signal détecté est généralement faible ; en effet, magnétique sur les charges électriques de la molécule, générant
lorsqu’une molécule diffuse de la lumière, la plupart des photons ainsi un moment électrique oscillant (l’action du champ magné-
sont diffusés élastiquement, c’est-à-dire que les photons diffusés tique donne lieu aux spectroscopies RPE et RMN). On fait donc
ont la même énergie (donc la même fréquence, ou même longueur appel au processus d’interaction entre la lumière et la matière.

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______________________________________________________________________________ SPECTROSCOPIE RAMAN DES DÉFAUTS DANS LES MATÉRIAUX

Le moment dipolaire induit par le rayonnement incident s’écrit


dans l’approximation linéaire :

Intensité
(1) Raie
P = αE Rayleigh
avec α la polarisabilité qui décrit l’effet de polarisation du milieu
sous l’effet du champ E dans les directions x, y, z.
Les termes non linéaires omis ici ne sont plus négligeables dans Spectre Raman


le cas de champ laser intense, et sont utiles dans des cas autres que
le Raman conventionnel. Ainsi, les termes non linéaires d’ordre 2 Raies
donnent lieu au processus hyper-Raman qui permet d’obtenir le Stokes
spectre de vibration pour les milieux centro-symétriques, alors que Raies
le terme linéaire donnant le spectre Raman est nul. anti-Stokes

On se limitera par la suite au seul terme linéaire et on utilisera


indifféremment les notions équivalentes de polarisabilité de la – 1 000 0 1 000
molécule et de susceptibilité électrique du milieu. Le tenseur de Raman shift
polarisabilité est un tenseur d’ordre 2 symétrique, qui selon la (cm–1)
symétrie de la molécule ou du cristal peut être simplifié : certaines (Raman shift = décalage Raman par rapport à la raie Rayleigh)
composantes sont nulles, opposées ou égales entre elles. Si la
molécule est isotrope, les éléments diagonaux du tenseur sont Figure 3 – Raies Raman Stokes et anti-Stokes symétriques par
égaux. Ils peuvent se distinguer si la molécule est anisotrope et rapport à la raie Rayleigh
on pourra alors analyser cette variation de polarisabilité en inter-
calant un polariseur en sortie du signal diffusé.
Si le champ électrique associé à la radiation électromagnétique du ou encore :

laser incident possède la fréquence νi (en Hz) et l’amplitude E alors :


P E ν Q ν νν
Q (8)
P = αEi cos (2πνit) (2)
ν νν
Considérons un mode de vibration particulier de la molécule
dont la fréquence est νvib, la coordonnée généralisée Q qui repré- Ainsi, le dipôle induit dans un système moléculaire vibrant à la
sente le déplacement par rapport à sa positon d’équilibre sera fréquence νvib et irradié à la fréquence νi variera comme ν0 et
donnée par : aussi comme (νi + νvib) et (νi – νvib).
Q Q νvib (3) Le premier terme de l’équation correspond à la diffusion
Rayleigh, processus élastique, de même fréquence νi que la
où Q0 est l’amplitude.
source. Le second terme donne lieu à la diffusion Raman, proces-
On peut développer chaque composante de la polarisabilité de sus inélastique, avec deux contributions : la lumière diffusée à la
la molécule en fonction des amplitudes de déplacement supposée fréquence (νi + νvib) est connue sous le nom de diffusion Raman
faibles selon l’expression : anti-Stokes, alors que celle diffusée à (νi – νvib) porte le nom de
diffusion Raman Stokes.
Q Q Q (4) Les raies Stokes et anti-Stokes se situent de part et d’autre de la
Q Q Q raie Rayleigh (figure 3). Les raies Stokes sont plus intenses que
les raies anti-Stokes, pour des raisons évoquées plus loin (§ 1.2.2).
La somme sur k représente la sommation sur l’ensemble des
modes de vibration, (αij)0 est la polarisabilité de la molécule dans L’effet Raman peut être décrit comme une modulation de la
sa position d’équilibre. Le 2e terme (∂αij/∂Qk)0 est le changement polarisabilité par le déplacement associé à un mode normal de
relatif de la polarisabilité avec le déplacement autour de la posi- vibration. On voit aisément dans cette relation (équation (8)) la
tion d’équilibre, tandis que le 3e terme correspond à une diffusion condition sine qua non de l’existence d’un processus de diffusion
multiple, combinaison de deux modes de vibration. Raman. Une vibration fondamentale sera active uniquement si :
Pour faciliter l’écriture, on ne considèrera plus loin qu’un mode
de vibration unique et une seule composante du tenseur polarisa- (9)
bilité. Si on se limite dans le développement au terme linéaire, on Q Q Q
obtient :
Dans le cas d’une structure cristalline, l’ensemble des (∂α/∂Q)0
constitue les composantes du tenseur Raman traduisant les activi-
Q (5) tés d’un mode de vibration donné.
Q
Par conséquent, la variation de la polarisabilité par le mode de 1.2.2 Description quantique
vibration considéré est :
L’approche quantique permet de décrire la diffusion Raman en
Q νvib termes de transition entre états vibrationnels (ou rotationnels) et
(6)
Q ainsi d’accéder aux probabilités de transition et, par conséquent,
aux intensités relatives des raies Stokes et anti-Stokes, ce que ne
Par suite, en remplaçant α de l’équation (6) dans l’équation (2),
permet pas le traitement classique.
on obtient :
On sait que l’énergie des modes de vibration est quantifiée en
niveaux discrets ; ces états ont une densité de population obéis-
P E ν Q νvib ν (7) sant à la statistique de Boltzmann :
Q

n
(10)

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SPECTROSCOPIE RAMAN DES DÉFAUTS DANS LES MATÉRIAUX _____________________________________________________________________________

Il semble utile de mentionner ici brièvement l’autre spectrosco-


pie vibrationnelle optique qu’est la spectroscopie infrarouge (IR),
État excité E1 et de la comparer à la spectroscopie Raman. Les spectroscopies
ν1 infrarouge et Raman respectent leurs propres règles de sélection
liées à la symétrie des vibrations, de sorte que des modes
peuvent être actifs Raman et/ou infrarouge [2]. Les deux tech-
États niques sont souvent considérées comme complémentaires.
virtuels


En spectroscopie infrarouge, les vibrations sont à la même fré-
quence que la radiation, alors qu’en diffusion Raman il y a échange
de fréquence – énergie – entre la radiation et la molécule (fréquence
Énergie

de vibration). Seules les vibrations avec dipôle sont observables, et


h.ν0 h.ν0 h.(ν0 – νvib) h.(v
h(ν00 –+ ν
vvib
ib )
par conséquent les molécules diatomiques mononucléaires (O2, N2,
etc.) ne donnent pas lieu à absorption ou émission infrarouge. Dans
Diffusion Diffusion Diffusion la terminologie quantique, pour qu’une transition fondamentale soit
Rayleigh Raman Raman active en infrarouge, c’est-à-dire pour qu’elle absorbe le rayonne-
Stokes anti-Stokes ment à la fréquence correspondante, son moment de transition doit
être non nul. À partir de considérations de symétrie, on peut savoir
νvib si la transition correspondante est interdite ou autorisée.
ν0 La figure 5 donne un exemple de lecture de table de « carac-
État fondamental E0 tères » devant permettre à l’utilisateur non familier de la théorie
des groupes de trouver rapidement quels sont les modes de
vibration actifs Raman et/ou IR pour une molécule ou un site de
Figure 4 – Transitions énergétiques lors des processus de diffusion
Rayleigh et Raman symétrie donné. Pour plus d’informations sur la signification des
caractères et l’utilisation de ces tables, le lecteur pourra se repor-
ter aux ouvrages [3] [4].
avec kB constante de Boltzmann (kB = 1,38 10–23 J.K–1), Le groupe ponctuel est indiqué dans le coin supérieur gauche.
constante de Planck réduite : = Les lettres de la colonne de gauche désignent les représentations
(h = 6,62 10–34 J.s), 2π irréductibles du groupe, qui correspondent aux différentes symé-
tries des modes de vibration.
T température absolue (en K),
Dans la première ligne, la table de caractères donne les opéra-
ω fréquence vibrationnelle. tions de symétrie du groupe ponctuel. Les nombres dans la table
En mécanique quantique, la diffusion Raman se décrit comme sont les caractères.
l’excitation d’un état virtuel et sa « désexcitation » vers un état À la droite de ces nombres dans la table, un ensemble de sym-
vibrationnel réel de l’état fondamental (figure 4). Un tel évène- boles indique comment les opérations de symétrie affectent les
ment de diffusion intervient en moins de 10–14 s. transitions et les rotations. Ainsi, x, y et z sont placés dans les
Les seules transitions possibles (dans l’hypothèse harmonique) lignes appropriées pour signaler les représentations irréductibles
sont du niveau n vers le niveau n + 1 (transition la plus probable) qui conservent les translations le long de ces axes dans les opéra-
et l’état n vers n – 1. Si l’énergie du photon incident correspond à tions de symétrie du groupe de symétrie.
la transition entre niveaux électroniques, il y a résonance. De même, les symboles Rx, Ry et Rz signalent les représenta-
tions irréductibles qui conservent les rotations selon les axes cor-
L’intensité de la diffusion Raman est directement liée à la popu-
respondants. La colonne la plus à droite rapporte les opérations
lation de l’état initial n de la molécule. Cette diffusion correspond
telles les élévations au carré ou les produits binaires conservés
à un changement de l’état quantique vibrationnel : gain +1 pour
dans les représentations irréductibles correspondantes.
les raies Stokes et perte –1 pour les raies anti-Stokes.
La représentation irréductible pour la polarisabilité est la même
L’intensité d’une même raie pour les diffusions Stokes et anti- que celle de l’un des termes quadratiques mettant en jeu les coor-
Stokes est donc proportionnelle à n + 1 et n respectivement. On
peut par la suite écrire le rapport des intensités des raies Stokes données cartésiennes x2, y2, z2, xy, yz, xz ( , E’ ou E’’ en symétrie
(s) et anti-Stokes (as) correspondantes : D3h). Ces représentations irréductibles fournissent donc les modes
actifs Raman. Une transition fondamentale sera active en infra-
l n rouge (IR) si le mode normal mis en jeu appartient à la même
~_ (11) représentation irréductible que l’une au moins des coordonnées
l n
cartésiennes. Donc, les modes actifs IR se transforment comme x,
Ce rapport constitue un moyen intéressant d’accéder à la tem- y et z (E’ ou en symétrie D3h).
pérature locale d’un matériau.
Il s’agit aussi de noter que dans la description quantique le
temps de vie fini des états excités est responsable de l’élargisse- 1.4 Profil et caractéristiques
ment des raies, ce qui correspond à l’amortissement de l’oscilla- de raie Raman
teur dans la description classique
1.4.1 Modèle de l’oscillateur harmonique amorti
et les autres profils de raie
1.3 Règles de sélection Raman
La vibration interne d’une molécule peut être représentée dans
Une vibration fondamentale sera active en Raman si elle a les le cas simple d’une molécule diatomique, par un oscillateur har-
mêmes propriétés de symétrie que l’un des éléments du tenseur monique. Ainsi, considérons une molécule diatomique constituée
de polarisabilité. Pour cela, on fait appel à la théorie des groupes d’ions de masses m1 et m2, de constante de force interatomique k
pour dénombrer et classer les vibrations moléculaires dans les et dont le déplacement relatif est x. Cette vibration est équivalente
différentes représentations irréductibles d’un groupe de symétrie à celle de l’oscillateur harmonique de masse réduite μ égale à
et ainsi prévoir l’activité en diffusion Raman.  (m1 × m2) / (m1 + m2) et de constante de rappel ou raideur k. La

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E 6 322 – 6

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Spectrométrie de masse d’ions


secondaires : SIMS et ToF-SIMS
Principes et appareillages Q

par Evelyne DARQUE-CERETTI


Docteur es-science, maître de recherche à MINES-ParisTech
Chef de groupe au Centre de mise en forme des matériaux (CEMEF)
Marc AUCOUTURIER
Ancien directeur de recherche au CNRS
Chercheur au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)
et Patrice LEHUÉDÉ
Ancien ingénieur au Centre de recherche de Saint-Gobain
Chercheur au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)

1. Principes de base .................................................................................. P 2 618v4 - 4


1.1 Mécanismes physiques ............................................................................ — 4
1.2 Rendements analytiques .......................................................................... — 4
1.3 Nature et provenance des ions secondaires........................................... — 8
2. Types de détection et modes d’analyse des ions secondaires. — 9
2.1 Détection séquentielle, parallèle ou par temps de vol........................... — 9
2.2 Mode microscope et mode microsonde ................................................. — 9
3. Régimes de pulvérisation statique et dynamique ........................ — 10
4. Appareillages et paramètres principaux......................................... — 11
4.1 Composants de base ................................................................................ — 11
4.2 Production et optique des ions primaires ............................................... — 11
4.3 Traitement et spectrométrie des ions secondaires ................................ — 14
4.4 Détection et imagerie................................................................................ — 18
5. Conclusion............................................................................................... — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. P 2 618v4

’analyse ionique par spectrométrie de masse d’ions secondaires (SIMS) est


L l’une des méthodes d’analyse des matériaux fondées sur le bombardement
par des ions. Elle peut être qualifiée de méthode de microanalyse au sens où
le volume analysé instantanément possède une de ses dimensions bien infé-
rieure au micromètre (les autres dimensions étant souvent de quelques
micromètres). Elle se base sur une irradiation de la cible à analyser par des
ions lourds, ou par des amas polyatomiques chargés (clusters), éventuelle-
ment par des particules neutres. L’énergie du faisceau incident (faisceau
primaire) est de quelques centaines d’électronvolts à 50 keV. L’interaction du
faisceau incident avec le matériau se traduit par la pulvérisation de la cible
sous forme de particules, chargées ou non (ions ou particules secondaires). Ce
sont ces particules ionisées au cours du processus de pulvérisation (ou parfois
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQT

par post-ionisation des particules neutres pulvérisées) qui sont filtrées en


masse (éventuellement en énergie) pour accéder à la composition de
l’échantillon-cible.

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SPECTROMÉTRIE DE MASSE D’IONS SECONDAIRES : SIMS ET TOF-SIMS ______________________________________________________________________

Les performances générales propres à l’analyse ionique par spectrométrie de


masse d’ions secondaires des matériaux solides peuvent se résumer comme
suit :
– une très grande sensibilité (de très faibles limites de détection, dans le
domaine des ppb dans les cas favorables) pour la quasi-totalité des éléments
de la classification périodique (analyse de traces) ;


– l’accès à l’analyse isotopique élémentaire (emploi de traceurs isotopiques,
mesure des rapports isotopiques d’un même élément) ;
– la détermination de profils de concentration à partir de la surface sur des
distances qui peuvent être très variables suivant les applications, de quelques
dizaines de nm à quelques dizaines de µm (analyse de couches minces ou de
profils de diffusion) avec une excellente résolution en profondeur ;
– la possibilité, en régime statique, d’accéder à la composition, éventuelle-
ment moléculaire, des premières couches atomiques ou moléculaires ;
– la localisation spatiale et l’imagerie 2D et 3D avec une bonne résolution,
latérale (souvent mieux que 0,1 µm) et en profondeur, des éléments, ou, dans
certains cas, des espèces chimiques ;
– l’utilisation des effets chimiques dits « de matrice » pour identifier, éven-
tuellement quantifier, des composés chimiques ;
– la possibilité, dans certaines conditions, d’identifier des composés chimi-
ques ou des fractions moléculaires de ces composés contenus dans le
matériau analysé.
La complexité des spectres de masse obtenus et les difficultés de quantifica-
tion font que cette méthode est par contre mal adaptée à l’analyse quantitative
des éléments en forte concentration dans les matériaux massifs, pour laquelle
on a plus volontiers recours à des méthodes moins coûteuses et plus rapides
comme la microsonde électronique, la microscopie à balayage analytique,
l’analyse chimique, etc.
La connaissance de quelques principes des phénomènes d’émission ionique
secondaire est nécessaire pour une bonne interprétation des analyses. La des-
cription simplifiée des appareillages permettra ensuite d’expliciter les
processus d’obtention des données, pour dégager les paramètres expérimen-
taux les plus importants en analyse des matériaux.
Depuis une quinzaine d’années les appareillages d’analyse ionique secon-
daire ont bénéficié de progrès importants, en particulier dans trois domaines :
– le premier est la possibilité d’utilisation de faisceaux de particules pri-
maires (incidentes) d’énergie faible, de l’ordre de 1 keV ou même inférieure,
paramètre important pour l’interprétation des résultats d’analyse ;
– le second est la diversification des modes de spectrométrie des ions
secondaires. La spectrométrie par temps de vol (ToF-SIMS) s’est considérable-
ment développée, ce qui rend les appareils ToF-SIMS aussi répandus que les
appareils « conventionnels » à spectromètre magnétique, avec des procédures
d’emploi différentes de ces derniers ;
– le troisième est l’arrivée sur le marché de sources d’ions primaires nou-
velles, les sources d’amas ionisés polyatomiques (clusters), pour lesquelles les
mécanismes de pulvérisation ionique secondaire sont fondamentalement diffé-
rents de ceux connus depuis longtemps sous irradiation d’ions mono- ou
biatomiques. Ce type de source est actuellement principalement utilisé sur les
appareillages ToF-SIMS en détection d’ions secondaires moléculaires.
En conséquence, cet article tient compte, dès l’exposé des principes de
bases, de l’existence de ces différences : spectromètre magnétique ou spectro-
mètre à temps de vol, ions primaires mono- ou polyatomiques, et cela avant
que les appareillages correspondant ne soient décrits.

P 2 618v4 − 2 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

SR
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_______________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE DE MASSE D’IONS SECONDAIRES : SIMS ET TOF-SIMS

Glossaire Principaux symboles

Clusters Ions formés d’amas polyatomiques E Énergie des ions primaires

Dalton Unité de masse atomique M/∆M Résolution en masse à la masse atomique M

Détection parallèle Détection simultanée de plusieurs ions P Rendement d’ionisation

Détection
secondaires

Détection des ions secondaires masse


S, Si
Rendement de pulvérisation
(particules pulvérisées/ion incident) Q
séquentielle par masse successivement
tv Temps de vol des ions
Nano-SIMS SIMS à haute résolution spatiale US Énergie de liaison de surface
(appellation commerciale)
V Tension d’extraction des ions secondaires
SIMS Analyse par spectrométrie de masse
d’ions secondaires v Vitesse des ions
ToF-SIMS SIMS avec détection par spectrométrie Rendement de pulvérisation
en temps de vol Y
(volume pulvérisé/ion incident)

Triple focalisation Dispositif de spectromètre alliant un filtre Angle d’incidence du faisceau primaire
électrostatique et un filtre magnétique θ
(par rapport à la normale à l’objet)

Méthodes d’analyse de surface

AES Auger Electron Spectroscopy Spectrométrie d’électrons Auger

EDS Energy Dispersive Spectrometry Spectrométrie (d’émission X) par dispersion d’énergie

EELS Electron Energy Loss Spectroscopy Spectrométrie de perte d’énergie des électrons

ERDA Elastic Recoil Detection Analysis Analyse par détection de noyaux de recul

FAB-SIMS Fast Atom Bombardment-SIMS SIMS sous bombardement d’atomes neutres

GDMS Glow-Discharge Mass Spectroscopy Spectrométrie de masse sous décharge luminescente

GDOS Glow-Discharge Optical Spectroscopy Spectrométrie optique sous décharge luminescente

NRA Nuclear Reaction Analysis Analyse par observation directe des réactions nucléaires

PIXE Particle Induced X-ray Emission Analyse par émission de rayons X induits par les particules

RBS Rutherford Backscattering Spectroscopy Spectrométrie de rétrodiffusion d’ions

SEM Scanning Electron Microscopy Microscopie électronique à balayage

SIMS Secondary Ion Mass Spectrometry Spectrométrie de masse d’ions secondaires

SNMS Secondary Neutral Mass Spectrometry Spectrométrie de masse de neutres secondaires

STIMS Secondary Thermoionized ion Mass Spectrometry Spectrométrie de masse de particules secondaires thermo-ionisées

STEM Scanning Transmission Electron Microscopy Microscopie électronique en balayage-transmission

ToF-SIMS Time-of-Flight SIMS Spectrométrie de masse d’ions secondaires par temps de vol

UPS Ultraviolet-ray-induced Photoelectron Spectroscopy Spectrométrie de photoélectrons induits par les rayons ultraviolets

WDS Wave-length Dispersion Spectroscopy Spectrométrie (d’émission X) dispersée en longueur d’onde

XPS X-ray-induced Photoelectron Spectroscopy Spectrométrie de photoélectrons induits par rayons X

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SPECTROMÉTRIE DE MASSE D’IONS SECONDAIRES : SIMS ET TOF-SIMS ______________________________________________________________________

1. Principes de base Ga C60


t = 0 ps

Pour les principes de la spectrométrie de masse et la


méthode SIMS, consulter quelques ouvrages généraux men-
tionnés dans la bibliographie [1] [2] [3] [4] [5] [6] [P 3 795],


[P 2 645] et [M 4 395].

1.1 Mécanismes physiques


t = 1 ps
La pulvérisation ionique résulte de l’interaction des ions du
faisceau primaire avec les atomes constituant les premières cou-
ches du matériau analysé. Les processus mis en jeu dépendent de
la nature des ions primaires et de leur énergie. On différencie deux
types de mécanismes de pulvérisation.
Pour un faisceau primaire constitué d’ions monoatomiques (Ar+,
Cs+, Bi+, Ga+, etc.) ou biatomiques (O+2 , O–2 , etc.), la pulvérisation
résulte des cascades de collisions décrites dans le modèle de
Sigmund [7], développé pour des solides atomiques, élémentaires
et isotropes. Une partie de l’énergie déposée dans le solide est t = 7,5 ps
réfléchie vers la surface par l’intermédiaire des atomes de recul. Si
l’énergie de ces derniers au voisinage de la surface est supérieure
à l’énergie de liaison des atomes en surface du solide, cela conduit
à l’émission d’atomes ou d’ions de surface dans le vide. Le reste
de l’énergie déposée par les particules primaires est dissipé par la
création de défauts. Le ralentissement des particules primaires
conduit finalement à leur implantation. Le volume d’interaction
des particules primaires avec le solide dépend en premier lieu de t = 29 ps
leur énergie, et il est de l’ordre de leur profondeur d’implantation,
soit quelques nanomètres à quelques dizaines de nanomètres.
Dans le cas d’amas polyatomiques chargés, le fait que, dans un
amas, l’énergie par atome primaire est faible (de 1 à quelques
électronvolts), et surtout que les amas sont d’une taille qui leur
interdit d’entrer dans le solide, conduit à un processus de pulvéri-
sation totalement différent, qui a pu être modélisé par dynamique
moléculaire (figure 1) [8]. Le volume d’interaction concerne les
toutes premières couches atomiques ou moléculaires de la cible. Figure 1 – Simulation par dynamique moléculaire de l’impact
d’une particule monoatomique (Ga) ou d’un amas polyatomique
Dans les deux cas, les atomes ou les ensembles moléculaires (C60) accélérés à 15 keV sur une surface d’argent {111}
pulvérisés ne proviennent que des deux premières couches en incidence normale [8]
atomiques (100 % de la première et environ 30 % de la seconde
pour des particules monoatomiques incidentes).
1.2.1 Rendement de pulvérisation
La dissipation d’énergie des ions primaires dans le volume
d’interaction avec le matériau (appelé épaisseur perturbée ou cou-
che modifiée) peut provoquer une modification des compositions,
la création de défauts atomiques voire une amorphisation locale et Le rendement de pulvérisation ST est défini comme le
des déplacements parasites des constituants par recul ou par diffu- nombre total nT de particules (chargées ou non) émises par la
sion accélérée. Les conséquences analytiques de ces perturbations cible rapporté au nombre de particules N0 incidentes du fais-
sont discutées dans l’article [P 2 619]. Par ailleurs, le bombarde- ceau de bombardement reçues par la cible pendant le même
ment provoque l’émission de fortes quantités d’électrons secon- temps :
daires, ce qui conduit, pour les matériaux isolants, à des
modifications du potentiel de surface (effets de charge). n T nA + nB + nC + ...
ST = =
N0 N0

1.2 Rendements analytiques où nA , nB , nC... sont les nombres respectifs de particules


différentes émises simultanément.
Le processus d’analyse est gouverné, en dehors des rendements
de collecte des particules propres aux appareillages (rapport entre
le nombre d’ions collectés au moment de l’analyse d’une espèce 1.2.1.1 Faisceau incident d’ions monoatomiques
donnée et le nombre d’ions de cette espèce pulvérisés), par deux La formule dite de Sigmund [7] exprime le rendement de pulvé-
rendements : le rendement de pulvérisation et le rendement risation d’un corps pur, supposé non cristallin et isotrope, de
d’ionisation qui conditionnent la sensibilité et la quantitativité des numéro atomique Z2 sous bombardement par un gaz rare (pulvéri-
mesures [P 2 619]. Les interprétations théoriques de l’émission sation non réactive ) de numéro atomique Z1 et d’énergie E0 :
ionique secondaire ne sont présentement pas suffisamment
complètes pour permettre une formulation cohérente utilisable 3 FD (E0 , θ )
directement en analyse quantitative. Les paragraphes qui suivent ST =
doivent donc être considérés comme des guides pour l’analyste. 4 π 2C 0 NU s

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Spectrométrie de masse d’ions


secondaires : SIMS et ToF-SIMS
Procédures d’analyse et performances Q

par Evelyne DARQUE-CERETTI


Docteur ès sciences, maître de recherches à MINES Paristech, PSL – Research University
Chef de groupe au Centre de mise en forme des matériaux (CEMEF), Sophia-Antipolis,
France
Marc AUCOUTURIER
Ancien directeur de recherche au CNRS
Chercheur au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), Paris
et Patrice LEHUÉDÉ
Ancien ingénieur au Centre de recherche de Saint-Gobain
Chercheur au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), Paris

1. Spectrométrie, identification ............................................................ P 2 619v2 - 2


2. Analyse quantitative ............................................................................ — 6
3. Analyse de surface en SIMS statique .............................................. — 8
4. Profilage analytique ............................................................................. — 9
5. Analyses isotopiques ........................................................................... — 14
6. Analyse de phases................................................................................. — 16
7. Imagerie et acquisition à trois dimensions.................................... — 16
8. Conclusion............................................................................................... — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. P 2 619v2

et article présente une vue d’ensemble des procédures analytiques utilisées


C en SIMS (Secondary Ion Mass Spectrometry) selon l’application visée, ainsi
qu’un certain nombre d’applications, en particulier dans le domaine industriel.
Le fait que l’émission ionique secondaire à partir de matériaux solides ne puisse
être décrite de façon quantitative par une théorie complète, la diversité des
applications analytiques possibles, l’existence d’artefacts spécifiques à chaque
procédure ou à chaque catégorie de matériau rendent impossible l’énoncé de
procédures universelles. Les développements récents des équipements à temps
de vol (ToF-SIMS) et des moyens d’imagerie à deux et trois dimensions obligent
en outre à adapter les procédures au type de résultat recherché. C’est pourquoi
le plan adopté ici suit une logique basée sur une mise en application de plus en
plus complète de la méthode. Pour chaque catégorie d’analyse et/ou chaque
équipement, les performances recherchées, les limitations prévisibles et les
meilleures procédures sont résumées et illustrées par des exemples concrets.
L’ordre adopté va du plus simple au plus complexe, partant de la simple spectro-
métrie de masse qualitative pour développer ensuite les procédures plus
élaborées de l’analyse quantitative, de l’analyse d’extrême surface, du profilage
analytique en profondeur, des analyses isotopiques, de l’application aux ana-
lyses de phases, pour terminer par une partie consacrée aux développements de
l’imagerie et de l’analyse en trois dimensions que permettent les développe-
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQU

ments techniques les plus récents. Les performances et les méthodes explicitées

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SU
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SPECTROMÉTRIE DE MASSE D’IONS SECONDAIRES : SIMS ET TOF-SIMS ______________________________________________________________________

pour une procédure sont presque toutes à prendre en compte pour les procé-
dures décrites ensuite.
Cet article fait suite à l’article [P 2 618] « Spectrométrie de masse d’ions
secondaires : SIMS et ToF-SIMS. Principes et appareillages ».

Q Méthodes d’analyse de surface 1. Spectrométrie,


AES
Auger Electron
Spectroscopy
Spectrométrie d’électrons
Auger
identification
Energy Dispersive Spectrométrie (d’émission
EDS
Spectrometry X) par dispersion d’énergie 1.1 Paramètres de base
Electron Energy Loss Spectrométrie de perte La première opération en analyse par SIMS est le tracé du
EELS
Spectroscopy d’énergie des électrons spectre de masse des ions pulvérisés au cours du bombardement
de l’échantillon, qui permet l’identification des éléments présents
Elastic Recoil Analyse par détection dans le matériau et, dans certaines conditions, des composés qui
ERDA
Detection Analysis de noyaux de recul le constituent. Les performances recherchées sont une sélectivité
Fast Atom SIMS sous bombardement la meilleure possible, qui tient compte des problèmes d’interfé-
FAB-SIMS
Bombardment-SIMS d’atomes neutres rence entre plusieurs ions de masse égale, et une sensibilité la
plus grande possible (limite de détection la plus faible possible)
Glow-Discharge Mass Spectrométrie de masse pour détecter les éléments traces.
GDMS
Spectroscopy sous décharge luminescente Certains choix à la disposition de l’expérimentateur sont indé-
pendants du type d’équipement : nature et courant primaires,
Glow-Discharge Spectrométrie optique sous
GDOS signe des ions secondaires, un certain nombre de paramètres
Optical Spectroscopy décharge luminescente
d’exploitation des spectres. Certaines données dépendent du type
Analyse par observation d’équipement : résolution en masse, limites de détection, résolu-
Nuclear Reaction tion latérale ; ils sont discutés dans les paragraphes suivants 1.2
NRA directe des réactions
Analysis et 1.3. La spectroscopie moléculaire, la sensibilité, l’imagerie sont
nucléaires
traités également à part (§ 1.4, 1.5 et 7).
Analyse par émission
Particle Induced X-ray Le choix des ions primaires et de la polarité des ions
PIXE de rayons X induits
Emission secondaires découle des considérations suivantes :
par les particules
– utilisation d’ions primaires O +2 et/ou éventuellement de l’ana-
Rutherford lyse sous pression partielle d’oxygène pour la détection sous
Spectrométrie
RBS Backscattering forme d’ions positifs des espèces à faible énergie d’ionisation,
de rétrodiffusion d’ions
Spectroscopy comme les métaux facilement ionisables et certains non-métaux
(Si, C) ;
Scanning Electron Microscopie électronique – utilisation d’ions primaires alcalins (Cs+) pour la recherche
SEM
Microscopy à balayage sous forme d’ions négatifs des espèces à forte affinité
Secondary Ion Mass Spectrométrie de masse électronique, comme H, C, O, S, tous les métalloïdes, beaucoup de
SIMS non-métaux, les métaux nobles (Au, Cu, etc.) ;
Spectrometry d’ions secondaires
– utilisation d’ions primaires Cs+ et de la détection d’ions MCs+
Secondary Neutral Spectrométrie de masse (ou MCs+2) pour l’analyse de certaines espèces difficiles à ioniser
SNMS sous les deux polarités (N, Zn, Cd, Hg, etc.) ;
Mass Spectrometry de neutres secondaires
– utilisation d’une source d’ions polyatomiques lorsqu’un fort
Secondary Spectrométrie de masse rendement de pulvérisation et la collecte privilégiée d’ions molécu-
STIMS Thermoionized ion de particules secondaires laires sont souhaités pour permettre l’identification de matériaux
Mass Spectrometry thermo-ionisées organiques.
Scanning La comparaison des spectres obtenus pour les deux polarités
Microscopie électronique (figure 1) montre les variations de réponse suivant la nature des
STEM Transmission
en balayage-transmission espèces, ici pour un composé bien connu de l’industrie des semi-
Electron Microscopy
conducteurs. Cette comparaison, éventuellement avec des sources
Spectrométrie de masse primaires différentes, permet souvent de lever nombre d’ambi-
ToF-SIMS Time-of-Flight SIMS d’ions secondaires par guïtés, en particulier dues aux interférences. Elle est pratiquée
temps de vol systématiquement en ToF-SIMS, où le passage d’un mode à l’autre
est plus aisé que pour les spectromètres à déflection magnétique.
Ultraviolet-ray- Spectrométrie de photo-
UPS induced Photo- électrons induits par les Les signatures spectrales des espèces sont, pour les espèces
electron Spectroscopy rayons ultraviolets élémentaires, leurs séries d’isotopes naturels. Dès lors que des
interférences ne perturbent pas les hauteurs respectives des pics,
Wave-length Spectrométrie (d’émission les rapports d’intensités mesurées, donc d’abondances isoto-
WDS Dispersion X) dispersée en longueur piques, sur les différents isotopes d’un élément sont spécifiques et
Spectroscopy d’onde tabulés. Pour les ions polyatomiques (moléculaires), la règle du
développement du polynôme doit être appliquée : si une molécule
X-ray-induced Spectrométrie de photo- possède n atomes d’un élément possédant p isotopes d’abondan-
XPS Photoelectron électrons induits par ces ai , leur contribution est déduite des termes du polynôme
Spectroscopy rayons X (a1 + a2 + ... + ap)n. Il existe une autre forme de signature spectrale,

P 2 619v2 − 2 Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés

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_______________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE DE MASSE D’IONS SECONDAIRES : SIMS ET TOF-SIMS

Ce problème est crucial pour le contrôle industriel de dopage n du


silicium. La même méthode est utilisée pour éliminer les ions hydro-
carbures CxHy présents comme polluants.
107
La méthode la plus sûre pour identifier les interférences est la
69Ga spectrométrie de masse à haute résolution, par diminution de la
71Ga largeur des fentes d’entrée du spectromètre.
106 75As

Ga+ As–
Les exemples les plus spectaculaires sont la séparation du pic 32S
du pic 32(O2), ou l’analyse du phosphore 31P dans le silicium, ce Q
Intensité secondaire (cps)

105 dernier formant facilement les ions hydrures (28SiH3), (29SiH2), et


(30SiH). Dans ce dernier cas, la résolution requise est supérieure à
M/∆M = 4 000 (mesurée à 10 % du maximum du pic).

104 Il faut noter qu’une augmentation de la résolution en masse


s’accompagne d’une diminution importante des facteurs de trans-
mission, et donc de la sensibilité.
103
As+ 1.3 En spectrométrie de masse
Ga–
à temps de vol
102
Un spectromètre de masse à temps de vol enregistre en fonction
du temps l’ensemble du spectre des ions émis au cours d’un pulse
ou d’une série de pulses du faisceau primaire. La résolution en
10 masse M/∆M ne dépend que de la durée des pulses. Elle n’est pas
67 69 71 73 75 77 facilement modulable et toujours élevée : une valeur de
Masse (Da) 10 000 mesurée par la largeur à mi-hauteur de pic à la masse 500
est classique (on rappelle que la résolution en masse est ici inver-
ions secondaires positifs
sement proportionnelle à M1/2). Il en résulte que les problèmes
ions secondaires négatifs
d’interférences de masse sont souvent éliminés.
Da unité de masse atomique
cps coups par seconde
C’est ainsi que la séparation 32S de 32(O2) ne pose aucun pro-
blème, de même que celle de 56Fe de 56(Si2) ou 56(CaO), un pro-
Figure 1 – Spectres de masse d’ions secondaires positifs et négatifs blème souvent rencontré dans l’analyse de verres industriels
émis par GaAs sous bombardement Ar+ (5 keV)
(figure 2).

qui peut être la série d’ions polyatomiques associés à une espèce La sensibilité est beaucoup moins bonne que sur les appareils à
chimique donnée. Particulièrement intéressante en analyse des secteur magnétique parce que l’intensité moyenne du faisceau
composés moléculaires (polymères organiques), cette procédure d’analyse est beaucoup plus faible (de l’ordre de 1 pA contre
fait l’objet du paragraphe 1.4. Il faut garder à l’esprit que l’impor- 100 nA), puisque le faisceau est pulsé et la durée des pulses (1 ns)
tance relative des signaux dépend considérablement des est très faible par rapport à la durée entre les pulses (100 µs). On
conditions expérimentales et des facteurs de transmission. Un perd donc de l’ordre de 5 ordres de grandeur en mode pulsé par rap-
« atlas » n’a de validité que pour un équipement donné et des port au mode continu. On regagne cependant un ordre de grandeur
conditions d’analyse parfaitement précisées. grâce au fait qu’il n’est pas nécessaire de réduire l’aire analysée par
rapport à l’aire balayée. Dans tous les cas, la sensibilité reste beau-
coup moins bonne (quatre ordres de grandeur au moins).
1.2 En spectrométrie de masse
par déflection magnétique
Le problème principal est de maîtriser au mieux les interféren-
ces. Il s’agit en général de séparer le signal d’ions monoatomiques
des signaux d’ions moléculaires de même rapport M/q nominal.
On sait que les ions moléculaires secondaires possèdent un
Intensité

spectre d’énergie moins étendu que les ions monoatomiques.


Puisque les instruments à triple focalisation sont équipés d’un fil-
trage en énergie, il est possible d’isoler les ions secondaires
monoatomiques, d’énergie nettement supérieure à l’énergie de
franchissement de la surface, en éliminant les ions moléculaires
d’énergie plus faible. Cela se fait en modifiant la tension de polari-
sation de l’échantillon et en plaçant à la sortie du déflecteur élec- 0
trostatique une fente de sélection en énergie qui élimine les ions 55,9 55,92 55,94 55,96 55,98 56
indésirables.
Masse (Da)
Séparation des ions 56Fe (55,935 Da) de l’addition
Cette méthode est employée par exemple pour identifier la pré- 40Ca 16O (55,9575 Da) + 56Si (55,954 Da)
sence de traces d’arsenic (75As) dans le silicium, sachant que ce der- 2

nier donne facilement des ions polyatomiques


(75(Si2O) = 29Si30Si16O). Figure 2 – Spectre de masse en temps de vol d’un verre

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SPECTROMÉTRIE DE MASSE D’IONS SECONDAIRES : SIMS ET TOF-SIMS ______________________________________________________________________

Enfin, il importe de ne pas saturer le détecteur : si l’intensité Le même type de procédure peut, dans l’idéal, être appliqué aux
moyenne est de 1 pA pour des pulses de 1 ns avec un taux de répéti- corps minéraux, par exemple aux oxydes ([P 2 618], figure 6). Dans
tion de 100 µs, l’intensité instantanée durant le pulse est de 100 nA. ce cas, il a déjà été souligné que, en tout cas en SIMS dynamique,
Il peut y avoir saturation du détecteur pour les ions les plus intenses. les ions secondaires polyatomiques observés, formés souvent par
Une correction de Poisson permet de corriger l’intensité de façon recombinaison au-dessus de la surface d’espèces monoatomiques
efficace quand l’intensité est forte mais elle a ses limites et il n’est pulvérisées, ne sont pas représentatifs de la stœchiométrie des
pas possible de changer de détecteur pour un ion donné comme composés existant dans le matériau. Leur concomitance peut
cela se fait sur les appareils à secteur magnétique (commutation cependant servir de signature moléculaire, moyennant une


automatique entre le photomultiplicateur et la cage de Faraday) ; la comparaison avec des étalons.
dynamique de mesure est donc moins bonne sur les appareils à
temps de vol. Des développements récents permettent de dévier le Un exemple connu est celui de la détection de précipités de car-
faisceau secondaire vers un atténuateur (d’un facteur 10 ou 100) au bure de silicium SiC dans le silicium en cherchant les ions SiC2– et non
moment où un groupe d’ions d’intensité trop forte arrive : on aug- pas SiC–, car ce n’est que dans les précipités que la pulvérisation
mente ainsi très significativement la dynamique de mesure dans simultanée de deux atomes de carbone, à proximité d’un atome de
une proportion pouvant atteindre deux ordres de grandeurs. silicium, est probable.

1.4 Interprétation des spectres d’ions


moléculaires Ces procédures mettant en jeu les ions secondaires molécu-
laires sont un domaine de choix d’application des spectromè-
En analyse des composés moléculaires (par exemple polymères), tres à temps de vol, ce qui a beaucoup contribué à la
on sait que le SIMS statique ou quasi-statique conduit à l’émission popularité de ces équipements ; mais elles sont aussi parfaite-
de séries d’ions « parents » du composé qui permettent d’identifier ment applicables avec des spectromètres à déflection magné-
une molécule, mesurer sa masse moléculaire absolue ou différen- tique à condition de limiter fortement le courant de faisceau
cier des polymères voisins par leurs produits de fragmentation incident. Elles sont cependant rarement utilisées à cause du
(figure 3) [1]. Une analyse des spectres permet même de fournir, temps nécessaire pour obtenir un spectre complet.
par identification des fragments, des indications sur la stabilité des
liaisons présentes dans le polymère. Ces procédures, qui s’appa- Le problème se pose différemment en cas de bombarde-
rentent à celles de la spectrométrie de masse classique en chimie ment par des ions primaires polyatomiques qui pulvérisent
organique (gaz et liquides), conduisent à l’établissement de directement des molécules entières ou des fragments molécu-
véritables « atlas » de spectres [2] [3]. laires contenus dans le matériau.

16 × 103
C N
CH2 CONH2
H3C (M + H)+
H3C H
C
CH2 CH2 CONH2
H2NOC CH2 CH2 H + N
N CH
H2NOC CH2 Co
N CH3
N
H3C H3C CH3
12 × 103 C
H2NOC CH2 H H CH2 CH2 CONH2
CH3
H CH3
O C CH2 CH2 CH3
Vitamine B12 N
NH
C63H89N14O14PCo N CH3
Intensité (cps)

CH2 O (M + Ag)+
M/z : 1 356 H3C CH O P O OH
8 × 103
–O
H H
O
HO H2C H

4 × 103
(M – CN)+

0
800 1 000 1 200 1 400 1 600
Masse (Da)

Figure 3 – Spectre de masse par SIMS à temps de vol d’un dépôt de vitamine B12 sur une plaque d’argent [1]

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_______________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE DE MASSE D’IONS SECONDAIRES : SIMS ET TOF-SIMS

Tableau 1 – Limites de détection, en condition de routine, de quelques impuretés.


Spectromètre à triple focalisation, semi-conducteurs
Courant primaire Résolution Limite de détection
Élément Ion analysé Faisceau primaire en masse (M/∆M
(nA) à 10 % du max) (ppm at.)


H 1 H– Cs+ 200 à 400 300 2 à 20

D 2 H– Cs+ 200 à 400 300 0,1 à 1

C 12C– Cs+ 200 à 400 300 1 à 20

O 16O– Cs+ 200 à 400 300 1 à 50

S 32S– Cs+ 400 3 000 2 × 10–2

B 11B+ O +2 1 000 300 10–3

P dans Si 32P– Cs+ 400 4 000 1

As dans Si 75As– Cs+ 400 300 0,2 (décalage d’énergie)

Al, Cr M+ O +2 1 000 300 10–4 à 5 × 10–4

1.5 Résolution spatiale, sensibilité Tableau 2 – Limites de détection, en condition


de routine, de quelques impuretés. ToF-SIMS,
Comme pour toute méthode de microanalyse, la sensibilité dont
sur le verre. Décapage par faisceau O+2 , analyse
dépendent les limites de détection (fraction volumique ou superfi-
par faisceau Ga+, haute résolution en masse
cielle minimale mesurable pour une espèce donnée) et la répétabi-
(M /5M = 8 000 à mi-hauteur du max.),
lité (incertitude sur une mesure donnée qui fixe la possibilité de
isotope principal
séparer deux mesures très voisines) dépendent directement du
volume analysé. Toute réduction de ce volume se traduit par une Limite de détection
diminution de la quantité de particules détectées pendant le temps Élément
d’analyse, et donc par une dégradation de ces deux qualités. (ppm at.)
La justesse elle-même (qualité de la mesure d’être proche de la
Li 5
valeur réelle) peut être affectée, compte tenu de l’imprécision
accrue sur le volume analyse. B 40
De par le caractère « destructif » de l’analyse SIMS, toute tenta-
tive d’améliorer la répétabilité des mesures, ou de diminuer la Na 1
limite de détection par une prolongation de la durée d’acquisition,
Mg 3
se traduit par une augmentation du volume analysé, donc une
dégradation de la résolution spatiale. La qualité principale de l’ana- Al 3
lyse SIMS, par rapport aux autres méthodes de microanalyse,
étant sa très faible limite de détection, toutes les améliorations de K 1
résolution spatiale, telles que l’analyse de surface en SIMS stati-
que, la réduction de l’aire analysée en mode microscope, l’analyse Ca 1
ponctuelle en mode microsonde, se traduisent par une dégrada-
tion de la sensibilité, de la répétabilité des mesures et éventuelle- Ti (Fe, Mn) 5
ment de la justesse. Ni 20
La limite de détection est exprimée soit en concentration (% ou
ppm atome, at · cm–3, etc.), soit par unité de surface (at · cm–2, Zn 50
fraction de couche atomique) lorsque la profondeur analysée est
très petite (ToF-SIMS). Cette définition doit être assortie d’une indi- Pb 10
cation sur le volume analysé. Compte tenu du fait que les ions
secondaires émis instantanément proviennent de une à deux cou-
ches atomiques, et même si l’on tient compte du fait que la néces- En ToF-SIMS (tableau 2), ces basses limites de détection ne sont
saire accumulation des signaux pendant un certain temps revient, obtenues qu’au prix d’une augmentation de la surface analysée.
en SIMS dynamique, à analyser pour chaque séquence une pro-
La sensibilité dépend beaucoup de l’élément et des conditions
fondeur du matériau nettement plus grande (1 à quelques nm), la
d’analyse. Certains éléments sont très mal détectés à l’état monoa-
sensibilité dépend donc essentiellement de l’aire analysée. Les tomique (exemples : Zn, N) ; d’autres sont détectés avec une sensi-
exemples de limites de détection qui figurent dans le tableau 1, en
bilité extrême (Al, alcalins, alcalino-terreux).
conditions analytiques comparables, concernent des aires analy-
sées de 104 à 105 µm2, soit un volume de quelques dizaines de Sur des échantillons hétérogènes en surface, la meilleure façon
µm3. L’ordre de grandeur des limites de détection est donc dans la de rendre compte des espèces présentes mises en évidence quali-
gamme de 10–6 en atomes, soit environ 104 atomes ou 10–18 g tativement grâce à la spectrométrie, est d’obtenir des images
pour 1 qm3 analysé. ioniques de la surface pour les ions les plus significatifs (§ 7).

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Introduction à la technique
ultrasonore multiéléments

par Loïc DE ROUMILLY
EDF-CEIDRE, département études

1. Principes physiques ................................................................................. P 3 790 - 2


2. Méthodes ultrasonores conventionnelles ......................................... — 6
3. Techniques ultrasonores focalisées.................................................... — 8
4. Description des multiéléments ............................................................ — 8
5. Paramétrage des multiéléments .......................................................... — 14
6. Exemple industriel ................................................................................... — 15
7. Applications avancées ............................................................................ — 17
8. Freins à la mise en œuvre des multiéléments .................................. — 19
9. Conclusion.................................................................................................. — 20
10. Annexes....................................................................................................... — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 3 790

e contrôle non destructif couvre le domaine d’activité qui consiste, dans


L l’industrie, à examiner un objet dans son volume ou en surface, sans nuire
à son intégrité pour une utilisation ultérieure. Les techniques ultrasonores
figurent parmi celles les plus couramment utilisées, comme les courants de
Foucault, la radiographie, le ressuage... [R 1 400]. Elles s’appuient sur les prin-
cipes de propagation d’ondes mécaniques dans les solides et les fluides, de
fréquences situées dans le domaine ultrasonore. Plus précisément, il s’agit de
produire une vibration dans la pièce à examiner et de détecter les signaux
après interaction avec les éventuels défauts présents dans celle-ci. Dans cer-
taines configurations particulières, la technique consiste à tracer les échos
obtenus par réflexion : il s’agit littéralement d’« écho-graphie ».
La technique, utilisée depuis longtemps dans le domaine médical, mettant en
œuvre des capteurs multiéléments, se déploie dans le domaine industriel
depuis une dizaine d’années. S’il existe de nombreuses communications sur le
sujet, les possibilités, mais aussi les limites, de cette technique innovante ne
sont pas toujours précisées.
Cet article vise à fournir une meilleure compréhension des principes
physiques sur lesquels s’appuie la technique multiéléments, quelques
rudiments de calculs et un bref aperçu des applications avancées possibles.
Pour commencer, les principes généraux qui gouvernent les techniques
ultrasonores conventionnelles sont rappelés, en particulier le phénomène de
diffraction.
La technique multiéléments est introduite après une courte transition par les
ultrasons focalisés. Les principes physiques qui la régissent sont décrits, et les
différents paramètres caractéristiques des traducteurs sont présentés avec leur
impact sur le faisceau. Le principe de calcul des lois de retards est exposé,
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQR

avec les « effets parasites » éventuels.

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est strictement interdite. – © Editions T.I. P 3 790 – 1

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INTRODUCTION À LA TECHNIQUE ULTRASONORE MULTIÉLÉMENTS __________________________________________________________________________

Les possibilités offertes par les multiéléments dans des configurations classi-
ques sont présentées. Revenant, à la fin de l’article, sur la question des
ultrasons focalisés, quelques applications plus évoluées sont brièvement
décrites.
Cet article est illustré par des résultats de simulations numériques ; les
calculs ont été réalisés sous le logiciel CIVA (version commerciale 9.2) déve-


loppé par le CEA (lien dans le « Pour en savoir plus »).

1. Principes physiques Toute discontinuité du milieu de propagation se traduit par un


changement d’impédance à l’origine de phénomènes de réflexion
et de transmission [R 1 400].

1.1 Rappels généraux


Ordres de grandeur typiques :
1.1.1 Propagation des ondes mécaniques Zacier = 45 × 106 kg · m–2 · s–1
Dans les solides, deux types d’ondes mécaniques peuvent se pro- Zeau = 1,5 × 106 kg · m–2 · s–1
pager, chacune associée à des polarisations différentes ([R 1 400] Zair = 0,0004 × 106 kg · m–2 · s–1
[E 3 210]) : les ondes de compression – dites longitudinales (ou
ondes L), que l’on trouve également dans les fluides, et dont les
ondes sonores sont un cas particulier – et les ondes de cisaillement Du point de vue de la propagation des ondes mécaniques, une
– dites transverses (ou ondes T) spécifiques aux solides. En termes fissure dans un matériau peut être considérée comme une lame
mathématiques, les premières dérivent d’un potentiel scalaire, les d’air (ou de vide) et constitue une rupture brutale d’impédance
secondes d’un potentiel vecteur [AF 3 814] [1] ; dans la suite de dans le milieu de propagation. En première approche, la trans-
l’article, les illustrations obtenues par simulation sous le logiciel mission à travers cette lame d’air est quasi-nulle (ou nulle) et la
CIVA représentent l’amplitude du potentiel associé au mode réflexion de l’onde quasi-totale (ou totale) : ces deux phénomènes,
considéré. et le plus souvent le second, sont exploités pour la détection de
Ces ondes sont caractérisées par leurs célérités, qui s’expriment défauts (fissures, manques de matière...).
de la manière suivante :
En revanche, les impédances entre un solide et un liquide sont
E (1 − σ ) E dans les mêmes ordres de grandeur : les ondes mécaniques
cL = et cT = peuvent se transmettre d’un solide vers un fluide et récipro-
ρ (1 + σ ) (1 − 2σ ) 2 ρ (1 + σ ) quement.
où E et σ désignent respectivement les modules d’Young (en Pa) et Conséquence
le coefficient de Poisson, et ρ la masse volumique (en kg/m3).
ou encore : Pour pratiquer un examen par ultrasons, il est nécessaire d’assu-
rer la propagation aller-retour des ondes depuis le capteur, appelé
λ + 2µ µ aussi traducteur (figure 1a ), jusqu’aux éventuels défauts situés
cL = et cT =
ρ ρ dans la pièce, en assurant l’adaptation d’impédance qui convient :

où les notations λ et µ désignent classiquement les coefficients de – la première manière consiste à procéder à l’examen par
Lamé (en Pa ou N/m2). Dans la suite de l’article, λ désignera la lon- immersion, en plongeant dans un fluide (de l’eau par exemple) la
gueur d’onde du signal. pièce à examiner ainsi que le traducteur [BM 6 450] : les ondes
produites par le traducteur se propagent dans le fluide, se trans-
Dans les fluides : mettent dans le solide et, si un angle d’incidence est appliqué, se
réfractent en suivant la loi de Snell-Descartes connue en optique
1
c = cL = géométrique. Les indices de propagation qui apparaissent dans
ρχs cette loi sont définis comme les inverses des vitesses (d’après les
valeurs de célérité présentées ci-dessus, on note en particulier que
où χs désigne le coefficient de compressibilité isentropique. le rapport des indices entre l’eau et l’acier liant les sinus des
angles d’incidence et de réfraction des ondes longitudinales vaut
environ 4) ;
Ordres de grandeur [R 1 400] :
– dans l’acier ferritique : cL = 5 900 m/s et cT = 3 230 m/s – l’alternative consiste à mettre en œuvre, comme dans le
– dans l’acier inox : cL = 5 650 m/s et cT = 3 060 m/s domaine médical, les traducteurs au contact [BM 6 450]
– dans le plexiglas : cL = 2 750 m/s et cT = 1 100 m/s (figure 1d ). Il faut pour cela employer un couplant (du gel par
– dans l’eau : cL = 1 450 m/s exemple) entre le traducteur et le matériau à examiner pour éviter
la présence de toute lame d’air. De plus, on emploie généralement
une semelle en plexiglas, appelée sabot (figure 1b), destinée à
1.1.2 Interaction avec un défaut appliquer un angle d’incidence à la pastille ultrasonore et donc à
produire un faisceau réfracté dans la pièce à examiner [R 1 400]. Le
Le milieu de propagation des ondes mécaniques est caractérisé point d’émergence est le point théorique du sabot duquel sort le
par une grandeur appelée impédance Z = ρc, ρ étant la masse volu- faisceau ultrasonore ; il se situe à l’intersection de la semelle du
mique et c la célérité des ondes mécaniques dans le matériau. sabot et de l’axe orthogonal à la pastille (figure 1c).

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___________________________________________________________________________ INTRODUCTION À LA TECHNIQUE ULTRASONORE MULTIÉLÉMENTS

Amplitude
Pastille
Tracé théorique du faisceau
piézoélectrique
dans le sabot

Longueur du signal

Temps

a traducteur ultrasonore b sabot amovible T 45o
(diamètre 6,35 mm)

Figure 2 – Illustration du signal en réception

Exemple :
– l’acier ferritique a un coefficient linéique de l’ordre de
0,01 dB/mm sur la plage de 1 à 3 MHz [2] : il peut être considéré en
pratique comme non atténuant pour les examens réalisés sur ce
domaine de fréquences ;
– dans certaines nuances d’acier, ce coefficient peut atteindre
Point d'émergence 0,025 dB/mm [3], voire plus.

c traducteur monté d mise en œuvre manuelle


sur le sabot d'un traducteur contact
In fine, les fréquences allant de 0,5 à 10 MHz couvrent la plus
Figure 1 – Examens par ultrasons
grande partie des applications de contrôle non destructif, car
elles permettent de satisfaire à la fois les conditions de préci-
sion de mesure (de l’ordre du millimètre), et d’atténuation
En immersion comme au contact, lorsque le faisceau est réfracté négligeable ou acceptable [R 1 400]. Ces ondes mécaniques, de
dans la pièce examinée en ondes transverses (respectivement lon- même nature que le son, se trouvent dans le domaine des
gitudinales) à 45o par exemple, on qualifie de « T45o » (respecti- aigus inaudibles et sont donc ultrasonores.
vement « L45o ») le traducteur, le sabot ou le mode de
propagation.

Il arrive de pratiquer des examens par ultrasons dits en air,


1.2 Rappel sur la diffraction
c’est-à-dire sans couplant aqueux, ni immersion, mais les appli- Si un faisceau ultrasonore peut être représenté en première
cations sont très spécifiques. approche par un pinceau qui se propage, se réfléchit et se réfracte
selon les lois de l’optique géométrique, il est nécessaire de passer
par une description en termes ondulatoires pour avoir une
1.1.3 Fréquence compréhension plus complète et plus fine des phénomènes.
L’hypothèse de l’optique géométrique considère que la longueur
Le choix de la fréquence f employée est déterminé par un
d’onde λ et la courbure des fronts d’onde sont négligeables devant
compromis entre la résolution temporelle attendue de l’examen,
les dimensions caractéristiques de la propagation (longueur du tra-
c’est-à-dire le pouvoir de séparation en temps de deux échos, et
jet optique, diamètre des lentilles...). En optique ondulatoire, la
les contraintes liées à l’atténuation des matériaux.
lumière est décrite comme une onde se propageant dans un milieu
En effet, la détection d’un écho, ou plus généralement d’une dont les caractéristiques ne sont plus considérées comme infinies.
interaction de l’onde avec d’éventuels défauts, va de paire avec sa L’interaction avec toute discontinuité du milieu impacte direc-
localisation en distance, par mesure du temps de parcours – tement la « forme » de l’onde elle-même : il s’agit du phénomène
appelé temps de vol – dans la pièce. Pour cela, le signal émis, et de diffraction. Dans cette description, la dimension finie de la
donc reçu, par le traducteur (tel que celui schématisé figure 2), doit source elle-même crée de la diffraction. Ce phénomène existe éga-
avoir une durée suffisamment courte pour permettre une mesure lement pour les ondes mécaniques : en contrôle non destructif, il
de temps de vol précise. Par exemple, si le temps de vol est détermine les caractéristiques principales des faisceaux ultrasono-
mesuré au niveau du maximum de l’enveloppe du signal (il ne res – formation, limite de champ proche et divergence – et son
s’agit que d’une convention ici), la précision de la mesure est de principe, présenté dans ce paragraphe, est exploité par la suite
l’ordre de la période de la sinusoïde amortie. En distance, la dans le cadre des multiéléments.
précision est donc de l’ordre de la longueur d’onde λ ; comme
c 1.2.1 Mise en évidence de la diffraction
λ = , elle est d’autant meilleure que la fréquence est élevée (et
f
que le signal est amorti). Historiquement, l’effet de diffraction a été pointé par Huyghens
(1629-1695). La mise en évidence de ce phénomène est l’expé-
L’atténuation des matériaux quant à elle est globalement une rience classique du passage d’un rayon laser (c’est-à-dire une onde
fonction croissante de la fréquence mais dépend également du électromagnétique plane sinusoïdale « monochromatique ») à tra-
rapport entre la taille moyenne des grains du matériau et la lon- vers une fente fine. Dans une description purement géométrique,
gueur d’onde [R 1 400] [3]. Elle s’évalue donc sur des plages de fré- le faisceau émergeant de la fente fine serait un faisceau en onde
quences. plane de section égale à celle de la fente. En passant à travers la

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INTRODUCTION À LA TECHNIQUE ULTRASONORE MULTIÉLÉMENTS __________________________________________________________________________

1.2.2 Principe d’Huyghens-Fresnel


Masque
Le principe fondamental qui permet d’interpréter et de formali-
ser ce phénomène de diffraction est celui d’Huyghens-Fresnel. Il
s’énonce ainsi :
Figure de diffraction Toute source monochromatique peut être décomposée en un
ensemble de sources secondaires sphériques, rayonnant des

Q Source laser Rayon laser


ondes d’amplitude proportionnelle à leur surface, monochro-
matiques, de phase égale à celle de l’onde originelle en chacun
de ces points.

x En appliquant ce principe à l’expérience de diffraction du rayon


laser, le front d’onde dans le plan de la fente peut se décomposer
en sources ponctuelles sphériques M, M′... ayant la même phase
que l’onde incidente. Sur la figure 6, les sources M et M’ sont donc
en phase.
Dans une direction d’observation θ, il existe une différence de mar-
che δ entre les fronts des sources sphériques. Pour obtenir l’ampli-
tude de la figure de diffraction, on somme l’ensemble des
Fente contributions des sources M, M′... en tenant compte de leurs
de largeur a déphasages respectifs dans chaque direction θ. Ce calcul classique de
sommation ([4] [5]) fournit l’allure de l’amplitude lumineuse (en sinus
cardinal) : le long de l’axe de propagation, on observe un maximum
d’amplitude et, de part et d’autre, des lobes secondaires (figure 7).
Figure 3 – Schéma de la diffraction d’un faisceau laser Dans le cas d’une ouverture circulaire de diamètre a, le calcul
par une fente fine montre que le premier anneau sombre est repéré par θ tel que :
λ
sin (θ ) = 1, 22 .
a
24 mm Le calcul mené ici pour une onde électromagnétique est
identique pour une onde mécanique.
Sabot

Conséquences
Lobes secondaires
En raison des dimensions finies de la surface émettrice du
traducteur, le faisceau ultrasonore n’est pas parallèle, mais
Faisceau λ
diverge, avec un angle (en radians) de l’ordre de θ ≃ ,
principal a
d’autant plus grand que l’ouverture est petite.
Ordre de grandeur typique en acoustique
La divergence d’un faisceau ultrasonore produit dans l’acier
ferritique par une pastille piézoélectrique de diamètre
 c 
a = 6,35 mm (quart de pouce) vibrant à 2 MHz  λ = = 2, 95 mm
 f 
Figure 4 – Illustration de la diffraction dans le plan d’incidence est de l’ordre de θ = 34o.
Ordres de grandeur typiques en optique
fente fine, du fait de son caractère ondulatoire, le faisceau s’élargit, Dans le cas d’un faisceau laser rouge de longueur d’onde
et cela d’autant plus que la largeur de la fente est fine, et présente λ = 600 nm passant à travers un trou de diamètre a = 0,1 mm, le
des lobes (figure 3). On obtient une figure de diffraction dont la premier anneau sombre est repéré par l’angle θ = 0,4o.
symétrie découle de celle de la fente [4] [5]. Concernant la source laser elle-même comportant une ouver-
En acoustique, la surface émettrice du traducteur qui constitue la ture de diamètre a = 2 mm, on obtient θ = 0,02o pour une longueur
source n’est pas ponctuelle mais de dimensions finies, ce qui d’onde λ = 600 nm. Contrairement au faisceau ultrasonore, le fais-
engendre de la diffraction : un traducteur conventionnel produit ceau laser n’est quasiment pas divergent, sa section est
donc un faisceau principal et des lobes secondaires d’amplitude quasi-constante à l’échelle du laboratoire : c’est un « rayon » laser.
moindre (figure 4), positionnés selon le rapport de la longueur
d’onde sur le diamètre de la pastille (cf. plus loin figure 8). Sur les simulations présentées figures 4 et 5a, l’effet de
Les résultats de simulation présentés sur les figures 4 et 5 ont diffraction n’est pas aussi net que sur la courbe de la figure 7. En
été obtenus sous le logiciel CIVA avec des traducteurs T45o à effet, la vibration d’un traducteur ultrasonore est amortie : l’onde
3 MHz, comportant des pastilles piézoélectriques rectangulaire acoustique engendrée possède un spectre fréquentiel de largeur
(figures 4 et 5a ; dimension 8 mm × 9 mm) et circulaire (figure 5b ; non nulle, elle n’est pas monochromatique et le calcul classique
diamètre 8 mm), en choisissant un signal accentuant le phéno- menant à la courbe en sinus cardinal n’est pas immédiatement
mène de diffraction. transposable ici. La figure de diffraction du traducteur est la
somme des figures de diffraction obtenues aux différentes fré-
Sur ces simulations, on retrouve la symétrie des lobes quences contenues dans la bande passante de celui-ci, c’est-à-dire
secondaires en fonction de l’ouverture du capteur (figure 5) ; on dans la largeur de son spectre (dans les simulations ci-dessus la
note que ces lobes sont d’amplitude faible. bande passante vaut 2 MHz).

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___________________________________________________________________________ INTRODUCTION À LA TECHNIQUE ULTRASONORE MULTIÉLÉMENTS

y
Faisceau
principal
z′


y

50 mm
Lobes secondaires

50 mm
a capteur rectangulaire
y
Faisceau
principal
z′

50 mm
Lobes secondaires

50 mm
b capteur circulaire

Figure 5 – Illustration de la diffraction dans le plan orthogonal du faisceau à 40 mm de profondeur

Amplitude lumineuse
sur la figure de diffraction
Masque

1
Onde plane

0,8

Direction
d’observation 0,6
M′

θ 0,4
M
δ

0,2

0
− 10 − 9 − 8 − 7 − 6 − 5 − 4 − 3 − 2 − 1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Figure 6 – Application du principe de Fresnel au cas Figure 7 – Amplitude de la figure de diffraction à travers
de la diffraction par une fente fine une fente fine

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Cathodoluminescence
Principes physiques et systèmes
de détection Q
par Brigitte SIEBER
Docteur ès sciences physiques
Chargée de recherche CNRS à l’université Lille 1

1. Origines de la luminescence ................................................................ P 3 792 - 2


1.1 Interactions électron-matière...................................................................... — 2
1.2 Perte d’énergie. Création de paires électron-trou,
cathodoluminescence.................................................................................. — 3
1.3 Répartition spatiale de la génération des paires électron-trou................ — 3
1.4 Mécanismes de recombinaison des porteurs de charge.......................... — 5
1.4.1 Conduction, diffusion ......................................................................... — 5
1.4.2 Recombinaison des paires électron-trou .......................................... — 6
1.4.3 Équation de continuité ....................................................................... — 6
1.5 Recombinaisons radiatives ......................................................................... — 7
1.5.1 Taux de recombinaison spontanée ................................................... — 7
1.5.2 Types de recombinaison .................................................................... — 7
1.5.3 Recombinaisons radiatives intrinsèques .......................................... — 8
1.5.4 Recombinaisons radiatives extrinsèques ......................................... — 10
1.6 Recombinaison Shokley-Read-Hall (SRH) ................................................. — 13
1.7 Recombinaison Auger ................................................................................. — 14
1.8 Identification du mécanisme de recombinaison dominant...................... — 14
1.8.1 Recombinaison radiative dominante ................................................ — 14
1.8.2 Recombinaison non radiative dominante......................................... — 14
2. Systèmes de détection de la cathodoluminescence ...................... — 15
2.1 Spectroscopie de cathodoluminescence ................................................... — 15
2.2 Mesure de la durée de vie........................................................................... — 16
3. Conclusion ................................................................................................. — 16
Pour en savoir plus ............................................................................................ Doc. P 3 792

a cathodoluminescence (CL) est l’émission de lumière par un solide soumis à


L un bombardement électronique (rayon cathodique). Elle a été couramment
utilisée dans la vie de tous les jours par la télévision jusqu’à l’avènement des
écrans plats LCD. En effet, le fonctionnement des écrans cathodiques repose sur
l’émission de lumière par des phosphores émettant différentes couleurs (rouge,
vert, bleu) sous l’impact de trois faisceaux d’électrons, donc sur la cathodolumi-
nescence. Dans le domaine de la science des matériaux, le phénomène de
cathodoluminescence permet de mettre en évidence les variations spatiales des
propriétés optiques locales d’un matériau non métallique et conduit à une tech-
nique de caractérisation couramment utilisée pour l’étude des propriétés locales
des matériaux semi-conducteurs et les isolants. C’est une méthode, en principe,
non destructive dans le sens où le matériau n’est pas détruit par le faisceau d’élec-
trons. Il se peut cependant que les propriétés optiques et électroniques des
matériaux puissent être altérées de façon permanente ou temporaire par l’impact
du faisceau qui peut ioniser ou créer des défauts, ou provoquer leur diffusion.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQR

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CATHODOLUMINESCENCE ____________________________________________________________________________________________________________

Les techniques de caractérisation par cathodoluminescence ne requièrent pas,


ou très peu, de préparation de l’échantillon (surface polie et métallisée dans le
cas des isolants). L’émission lumineuse peut être observée avec un microscope
optique, mais les expériences sont réalisées très fréquemment avec un micros-
cope électronique à balayage (MEB). Il est ainsi très facile d’obtenir une image
bidimensionnelle des propriétés de luminescence de l’échantillon étudié. Cer-
tains microscopes électroniques en transmission à balayage (STEM) sont

Q équipés d’un système de détection de cathodoluminescence.


La résolution spatiale de la cathodoluminescence est déterminée principale-
ment par le volume d’émission des photons. Celui-ci dépend d’un certain nombre
de paramètres et peut varier du nanomètre cube (nm3) au micromètre cube (µm3).
Ainsi, la cathodoluminescence est une méthode spectroscopique qui permet
l’identification, à l’échelle locale, des défauts ponctuels et des impuretés res-
ponsables des propriétés de luminescence d’un matériau. La longueur d’onde
des photons détectés est située dans le domaine infrarouge (IR), visible et
ultraviolet (UV) du spectre électromagnétique.
La sensibilité de la cathodoluminescence est telle que l’on peut détecter des
variations de concentrations d’impuretés de l’ordre de 1014 atomes · cm–3, ce
qui est très supérieur à ce que l’on peut obtenir en microanalyse X. Il est ainsi
possible, en géologie, de détecter la présence de traces. Par contre, il n’existe
pas de théorie universelle de la cathodoluminescence permettant de déter-
miner de façon quantitative la concentration d’impuretés dans un matériau ;
cela provient du fait que les mécanismes donnant lieu à la luminescence ne
sont pas seulement affectés par la présence d’un type d’impuretés, mais
dépendent également de la présence de tout autre type d’impuretés et de
défauts dans le matériau. En effet, les chemins de recombinaison des paires
électron/trou générées par l’impact du faisceau électronique incident sont en
compétition les uns avec les autres. Cependant, la cathodoluminescence
constitue une méthode semi-quantitative dans le sens où l’on peut accéder à
certains paramètres qui permettent de caractériser le matériau étudié.
L’intérêt de la cathodoluminescence par rapport à la photoluminescence
(émission de lumière par un matériau soumis à une excitation lumineuse)
réside en la possibilité de modifier la profondeur d’émission du signal en
faisant varier la tension d’accélération des électrons incidents et donc en
quelque sorte de localiser les défauts dans les trois directions de l’espace.
Les matériaux massifs ne sont pas les seuls à pouvoir être étudiés par cathodo-
luminescence. L’élaboration de couches épitaxiées, et surtout de puits, fils et
boîtes quantiques semi-conducteurs, a conduit à un fort accroissement de son uti-
lisation, tout d’abord en raison de la possibilité d’obtenir facilement des images
avec une résolution spatiale bien supérieure à celles obtenues en photolumines-
cence. De plus, l’efficacité de luminescence des nanostructures est bien souvent
supérieure à celle des matériaux massifs, du fait du confinement quantique des
porteurs. Cela permet de s’affranchir en grande partie de l’influence, souvent
néfaste, des surfaces libres et autres centres de recombinaison non radiatifs.

1. Origines de la luminescence – des interactions élastiques du type électron-noyau qui induisent


une déviation de la trajectoire des électrons incidents. Elles sont à
l’origine de la génération des électrons rétrodiffusés [P 865] ;
Nous allons tout d’abord rappeler l’origine de l’apparition du – des interactions inélastiques du type électrons incidents – élec-
processus de luminescence, appelé parfois fluorescence. trons de cœur ou de valence, qui induisent une perte d’énergie des
électrons incidents le long de leur parcours dans l’échantillon. Ces
collisions produisent l’émission d’électrons secondaires, de pho-
1.1 Interactions électron-matière tons X, d’électrons Auger qui sont utilisés dans la microscopie
électronique à balayage. Elles créent également des paires élec-
Des interactions de deux types sont produites lors de la pénétration tron-trou qui sont à l’origine du phénomène de luminescence dans
d’un faisceau d‘électrons dans un échantillon solide [P 865] et figure 1 : les matériaux semi-conducteurs et isolants.

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P 3 792 − 2 est strictement interdite. − © Editions T.I.

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____________________________________________________________________________________________________________ CATHODOLUMINESCENCE

Faisceau incident
Thermalisation
2
Électrons (émission de phonons)
Électrons rétrodiffusés secondaires
3 BC

Électrons Auger

Rayons X 1
Diffusion

4 Q
Génération e/h

Recombinaison
(émission d'un photon)

BV
Paires électron/trou
Électrons absorbés

Plasmons

1 – Génération des paires électron-trou (e/h)


Figure 1 – Principaux signaux issus de l’interaction électron-matière 2 – Thermalisation des porteurs en bord de bandes
3 – Diffusion des porteurs dans leur bande respective
4 – Recombinaison des porteurs.
1.2 Perte d’énergie. Création de paires BC est la bande de conduction et BV la bande de valence

électron-trou, cathodoluminescence
Figure 2 – Bilan d’une expérience de cathodoluminescence
La fonction de perte d’énergie [1] [2] [3] [4] correspond à la dis-
tribution spatiale des trajectoires des électrons lors de la péné-
tration du faisceau dans l’échantillon. Elle tient compte des 1.3 Répartition spatiale de la génération
interactions élastiques et inélastiques. Elle se calcule numéri- des paires électron-trou
quement par la méthode de Monte-Carlo [5]. La fonction de géné-
ration des paires électron-trou correspond au nombre de paires La connaissance de la fonction de génération des paires élec-
électron-trou créées par un électron incident ; sa forme correspond tron-trou est nécessaire dans certaines applications, comme dans
à celle de la fonction perte d’énergie. le calcul de l’intensité de luminescence par exemple. Cette fonction
Un faisceau d’énergie incidente E0 crée, dans un semi-conducteur mettant en jeu les mécanismes de pertes d’énergie des électrons
(ou un isolant), un nombre de paires électron-trou proportionnel à incidents est généralement déterminée numériquement par des
E0/ei où ei est l’énergie de création d’une paire estimée à trois fois la techniques de type Monte-Carlo puis paramétrisée sous forme
largeur de bande interdite Egap. Les porteurs de charge ainsi créés analytique. Les calculs montrent que sa forme spatiale ne dépend
ont une énergie cinétique en excès supérieure à l’énergie thermique pratiquement pas de la tension d’accélération des électrons inci-
moyenne du réseau : ce sont des porteurs chauds. dents. Elle s’exprime souvent en unité réduite z/Rp où z est la pro-
fondeur et Rp la profondeur de pénétration de l’électron dans le
Il est à noter qu’une excitation optique permet également de
matériau. Une expression polynomiale [4] est souvent utilisée
créer des paires électron-trou en moins grande quantité. En effet, il
dans les matériaux peu denses dont le numéro atomique est infé-
suffit pour cela que l’énergie des photons incidents soit au moins
rieur à 15 :
égale à l’énergie de la bande interdite (Egap) ; l’énergie d’ionisation
ei est alors égale à Egap. g (z ) = 0, 6 + 6, 21 z − 12, 4 z 2 + 5, 69 z 3 (1)
Les porteurs chauds atteignent rapidement l’équilibre thermique
Citons également la fonction de génération analytique g (x,y,z )
avec le réseau en un temps de l’ordre de 10–12 s correspondant au
d’Akamatsu et al. [6] qui donne la répartition à trois dimensions
temps de libre parcours moyen défini par les collisions avec les pho-
des paires électron-trou créées dans GaAs :
nons et les différents types de centres diffuseurs (impuretés, défauts
cristallins...). Ce temps est bien inférieur à leur durée de vie limitée
par les différents mécanismes de recombinaison. Aussi, ils sont  z    x2 +y2 + z2 
g (x ,y , z ) = A 1,1+ 7,13  exp  −  (2)
quasiment instantanément situés en bord de bandes et sont indis-
 Rp / 3    σ 12 
cernables des porteurs à l’équilibre. Ils sont alors libres de se dépla-
cer dans le matériau, soit sous l’effet du gradient de leur  x2 +y2   z2   x2 +y2   z 2  
+ 3, 4 exp  − exp  − 2  + 96 exp  −  exp  − 2  
concentration (diffusion) soit sous l’effet d’un champ électrique  τ 12   σ2   τ 22   σ 3  
(conduction). Leur diffusion n’a réellement lieu qu’une fois la ther-
malisation complètement achevée. Les mouvements respectifs des • g (x,y,z) représente le nombre de paires électron-trou créées
électrons et des trous sont libres dans chaque bande et ne sont pas – par cm3 et par seconde.
ou peu – corrélés. Ils sont donc appelés « porteurs libres ». Néan-
moins, nous verrons que cela n’est pas toujours vrai, et que dans • Le coefficient A dans l’expression analytique de g (x,y,z)
certains cas on ne peut pas ignorer l’interaction coulombienne entre dépend de l’énergie cédée au matériau, soit, par unité de temps et
l’électron et le trou (excitons). Au bout d’un certain temps, appelé de volume :
durée de vie τ, les électrons et les trous se recombinent, soit de 1 Ib E 0 − f E 0
façon radiative, soit de façon non radiative. La luminescence corres- A∝
pond à la recombinaison radiative (figure 2). V q ei

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CATHODOLUMINESCENCE ____________________________________________________________________________________________________________

avec Ib courant de faisceau,


Tableau 1 – Variation de la profondeur
E0 énergie des électrons, de pénétration des électrons dans le silicium
q charge élémentaire,
et le nitrure de gallium GaN (formule de Grün)
f coefficient de rétrodiffusion, Rp Rp
E0
silicium GaN
E0 énergie moyenne des électrons rétrodiffusés, (keV)
(µm) (µm)


V volume total de génération. 2 0,066 0,025
• La profondeur de pénétration de l’électron dans le matériau Rp 5 0,33 0,12
correspond à la profondeur à laquelle l’électron incident n’a plus
assez d’énergie pour créer une paire électron-trou. Grün l’a expri- 10 1,10 0,42
mée par [7] : 20 3,7 1,4
4, 57 × 10−2 E 01,75 30 7,54 2,86
Rp (µm) = (3)
ρ

avec E0 en keV et ρ (g · cm–3) masse volumique du matériau.

g(z) (cm–1 · s–1)


• Les coefficients σ et τ sont définis par :
2,5 · 109
2 2 2 10 keV
 Rp   Rp   Rp  GaN
σ 12 = 2   ; σ 22 = 2   ; σ 32 = 2   ; 2 · 109
 3   6   12 
2 2 15 keV
 Rp   Rp 
τ 12 = 2   ; τ 22 = 2   1,5 · 109
 9  27
20 keV
Diverses expressions ont été proposées pour la profondeur de 1 · 109
pénétration mais la relation entre Rp et E0 est toujours du type : 30 keV

k y 5 · 108
Rp ∝ E (4)
ρ 0
0
avec, en général, 1 > y > 2. 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3
Profondeur de pénétration (µm)
L’exposant y dans la relation (4) ne peut être supérieur à 2. En
effet, selon la loi empirique de Thomson-Whiddington, les élec- Le courant de faisceau est de 100 pA
trons d’énergie incidente E0 ont, à la profondeur z, une énergie Ez
telle que E 02 − E z2 = Cz , où C est une constante. La profondeur de
Figure 3 – Fonction de génération dans GaN calculée
pénétration zmax correspondant à Ezmax = 0, il en résulte z max ∝ E 02. à partir de la fonction perte d’énergie d’Everhart et Hoff [4].
Évolution avec l’énergie des électrons incidents
Quelques valeurs de la profondeur de pénétration (formule de
Grün) sont rassemblées dans le tableau 1.
La connaissance de la dépendance en profondeur (z) de la fonc-
tion de génération (nombre de paires créées par électron incident)
est suffisante dans de nombreuses applications. Elle est calculée
Profondeur de pénétration. Profondeur d’information
en intégrant dans le plan (x,y), la fonction à trois dimensions
g (x,y,z). Elle est représentée sur la figure 3 [4] dans le cas de la
La profondeur de pénétration des électrons augmente avec fonction d’Everhart et Hoff [relation (1)].
la tension d’accélération des électrons incidents. Par exemple,
en utilisant l’expression (3) proposée par Grün, elle varie de Le nombre total de paires électron-trou Ne-h créées est direc-
0,066 à 7,54 µm dans le silicium (ρ = 2,33 g/cm3) et de 0,025 à tement proportionnel à la perte d’énergie de l’électron incident
2,86 µm dans GaN (ρ = 6,15 g/cm3) lorsque E0 varie de 2 à dans le matériau. Par unité de temps, on a :
30 keV. La profondeur d’information du signal CL étant en pre-
mière approximation liée à la profondeur de pénétration, il est E 0 (1− f ) Ib
Ne-h = (5)
ainsi possible de sonder la variation en profondeur des pro- qe i
priétés de luminescence d’un matériau. Mais, dans l’évalu-
ation de la profondeur d’information du signal CL, il est
nécessaire de tenir compte de l’absorption éventuelle de la Exemple (en faisant l’approximation E 0 = E 0 ) :
radiation créée dans le matériau lors de son parcours vers la E0 = 30 keV ; ei = 5 eV ; f = 0,1 ; Ib = 10–10 A ;
surface de l’échantillon. C’est la raison pour laquelle la profon- Ne-h = 4,17 × 1012 paires · s–1.
deur d’information dépend également de la longueur d’onde
de la radiation émise via son coefficient d’absorption. Si l’on considère, en première approximation, que les paires élec-
tron-trou sont créées de manière homogène dans un volume – appelé
La résolution spatiale des images CL dépend principalement volume de génération – d’environ 1 µm3, on trouve alors que la den-
du volume de génération des paires électron-trou ; elle dimi- sité de paires en excès créées par le faisceau par unité de temps est
nue lorsque la tension d’accélération augmente. Elle peut ainsi de 4,17 · 1024 cm–3 · s–1.
varier de plusieurs dizaines de nanomètres environ à faible
tension (1 kV) à 1 µm environ à forte tension (30 kV). Il est à Il peut être intéressant de comparer la densité des paires en
noter que la longueur de diffusion des porteurs peut éga- excès à la densité de porteurs majoritaires dans le matériau. Il faut
lement l’influencer. alors connaître la durée de vie des porteurs en excès. Dans le cas

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Texture des matériaux divisés


Aire spécifique des matériaux
pulvérulents ou nanoporeux Q

par Françoise ROUQUEROL


Professeur émérite à Aix-Marseille Université
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France
Jean ROUQUEROL
Directeur de recherches émérite au CNRS
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France
Isabelle BEURROIES
Maître de conférences à Aix-Marseille Université
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France
Philip LLEWELLYN
Directeur de recherches au CNRS
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France
et Renaud DENOYEL
Directeur de recherches au CNRS
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France

Cet article est la version actualisée de l’article [P 1 050] intitulé « Texture des matériaux
pulvérulents ou poreux », rédigé par ROUQUEROL (F.), LUCIANI (L.), LLEWELLYN (P.),
DENOYEL (R.), ROUQUEROL (J.) et publié en 2003.

1. Caractéristiques des matériaux divisés .......................................... P 1 050v4 - 3


2. Terminologie........................................................................................... — 3
3. Adsorption d’un gaz par un solide ................................................... — 6
4. Théories de l’adsorption...................................................................... — 8
5. Obtention des isothermes d’adsorption-désorption ................... — 9
6. Évaluation des aires spécifiques....................................................... — 12
7. Utilité et signification de l’aire spécifique d’un matériau
divisé......................................................................................................... — 21
8. Glossaire .................................................................................................. — 21
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. P 1 050v4

et article a pour objectif la détermination, par adsorption gazeuse, de


C l’une des principales caractéristiques des matériaux poreux ou
pulvérulents : l’étendue de leur aire superficielle. L’échelle considérée s’étend,
pour les particules, entre 1 nm et 1 mm et, pour les pores, entre 0,1 et 50 nm.
Les « solides divisés » (soit pulvérulents, soit poreux) sont omniprésents
dans la nature et dans les procédés industriels.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQW

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés P 1 050v4 – 1

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TEXTURE DES MATÉRIAUX DIVISÉS ____________________________________________________________________________________________________

Dans la nature, l’aire superficielle et la porosité d’un sol déterminent en


grande partie la capacité de rétention non seulement d’eau mais aussi de subs-
tances fertilisantes, désherbantes, phytosanitaires, ou encore toxiques (métaux
lourds, éventuellement radioactifs). Les sables, dans leur forme la plus divisée,
sont capables de rester en suspension dans l’air où ils constituent un aérosol de
poussière pouvant être transporté sur des milliers de kilomètres, avant d’être
précipités au sol par les pluies : c’est ainsi que la poussière rose ou jaune du

Q Sahara se retrouve, un lendemain de pluie, sur les voitures du midi de la France.


Dans les procédés industriels, le même phénomène, une fois maîtrisé,
contrôlé et, surtout canalisé, est aujourd’hui à la base du transport pneuma-
tique des poudres : farines alimentaires, ciments, soufre, talc, etc... Une autre
particularité des poudres très fines est leur aptitude au « frittage », c’est-à-dire
à une soudure des particules à une température très inférieure à la tempéra-
ture de fusion du matériau. Cette propriété est à la base de l’industrie de la
poterie et de la céramique mais elle s’applique aussi aux poudres métalliques :
c’est de cette manière que les Étrusques fabriquaient des statuettes en or dans
des fours pourtant incapables d’atteindre la température de fusion de l’or
(1 063 °C), grâce à la prise en masse de la poudre d’or compactée.
Ce sont toutefois les propriétés adsorbantes des matériaux poreux qui
ont engendré les applications les plus diversifiées. Depuis longtemps en effet,
l’homme a exploité les propriétés adsorbantes du charbon ou de pierres
poreuses volcaniques à des fins médicales (aspiration du venin d’une plaie) ou
encore la porosité des poteries pour permettre leur refroidissement par évapo-
ration de l’eau qui les traverse. Aujourd’hui, on invente des adsorbants
nouveaux qu’on ajuste le mieux possible (en granulométrie, en taille de pores,
en fonctions chimiques superficielles) aux applications visées.
Il est aisé de comprendre que l’efficacité de ces adsorbants n’est pas sans
lien avec l’étendue de leur aire superficielle, d’où l’intérêt d’une mesure fiable
de cette caractéristique. Dans ce but sont successivement examinées dans cet
article la complexité de texture des matériaux divisés et la manière dont
l’adsorption d’un gaz par un solide peut permettre d’accéder à son aire super-
ficielle à l’aide des méthodes les plus courantes. La qualité et la signification
exacte des résultats obtenus sont aussi commentées.

Principaux symboles (conventions de l’IUPAC [1] [32]) Principaux symboles (conventions de l’IUPAC [1] [32])
Unités Unités
Symbole Définition Symbole Définition
usuelles usuelles
aire spécifique, normalement rapportée p/p0 pression relative d’équilibre
a m2 · g–1
au gramme d’adsorbant dégazé
r m rayon de pore
b coefficient d’adsorption de Langmuir
t m épaisseur de la couche multimoléculaire
constante BET (Brunauer, Emmett et
C V m3 volume d’adsorbable
Teller)
w m largeur de pore
d m diamètre de molécule ou de particule
rapport de deux quantités adsorbées
énergie molaire d’adsorption à
E0 J · mol–1 αS dont l’une est utilisée comme référence
recouvrement infiniment faible
dans la méthode αS
énergie molaire d’adsorption sur la
E1 J · mol–1 ρ g · m3 masse volumique
première couche
Exposants Indices
EL J · mol–1 énergie molaire de liquéfaction
a adsorbable s solide ou site d’adsorption
m kg masse
–1 m couche monomoléculaire
M g · mol masse molaire
P pore
Na Pa nombre de molécules adsorbées
x échantillon
quantité de substance adsorbée par
na mol · g–1
gramme d’adsorbant dégazé S adsorbant de référence (méthode αS)
p0 pression de vapeur saturante liquide

P 1 050v4 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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pQPUP

_____________________________________________________________________________________________________ TEXTURE DES MATÉRIAUX DIVISÉS

1. Caractéristiques Les auteurs de cet article ont souhaité retenir pour leur
des matériaux divisés rédaction les recommandations de l’Union Internationale
de Chimie Pure et Appliquée (IUPAC), de plus en plus
appliquées par les revues scientifiques. Elles diffèrent parfois
de celles de l’AFNOR qui sont habituellement suivies dans les
Les matériaux divisés se caractérisent avant tout par l’étendue
articles des Techniques de l’Ingénieur. La principale différence
de leur surface disponible au contact du fluide environnant (gaz
se trouve dans l’expression des grandeurs physiques. En effet,


ou liquide). Disons, pour fixer les idées, que les matériaux divisés
l’IUPAC souligne que la valeur d’une grandeur physique
qui nous intéressent dans la suite de cet article ont une aire super-
s’exprime par le produit d’un nombre par une unité, ce que
ficielle comprise entre 0,1 m2 par gramme d’échantillon (soit déjà
personne ne conteste : , t = 60 s. C’est donc en divisant
plus de 150 fois supérieure à celle d’un cube compact d’un cm
la grandeur physique par l’unité choisie qu’on obtient le
d’arête) et 2 600 m2 · g–1 (qui serait l’aire spécifique d’un échantil-
nombre qui peut être introduit dans une équation ou porté sur
lon de graphite totalement exfolié, c’est-à-dire dont on aurait tota-
un graphique : , t/s = 60. C’est ce rapport qu’on porte
lement séparé tous les feuillets ; certains charbons actifs s’en
en ordonnée ou en abscisse d’un graphique : , t/s et non
approchent). Des valeurs parfois beaucoup plus élevées sont trou-
pas ou t (s ).
vées dans la littérature récente, notamment pour les matériaux
poreux organo-métalliques (MOF’s) (§ 6.1.5).

Cette aire superficielle peut provenir soit de la finesse des parti-


cules constituant la poudre soit de leur porosité, soit des deux.
2.1 Matériaux pulvérulents : poudre
La « finesse » des particules fait intervenir à la fois leur
forme et leur taille : celles-ci peuvent être en effet aussi bien sous D’une façon générale, nous dirons qu’une poudre est un
la forme des feuillets qu’on trouve dans le graphite ou dans la kao- matériau sec composé d’un grand nombre de petites particules
linite (figure 1a ) que sous la forme de grains plus ramassés, plus distinctes, plus ou moins indépendantes, dont la plus grande
ou moins polyédriques ou sphériques (figure 1b ) ou encore dimension n’excède pas 1 mm ; lorsque cette dimension n’est
d’aiguilles souvent enchevêtrées, comme dans le plâtre plus que de 1 µm on parle de poudre fine.
(figure 1c ). Les grains très fins (de l’ordre du nanomètre de dia- Les particules peuvent se lier entre elles de façon rigide pour
mètre) peuvent aussi s’attacher les uns aux autres (comme c’est le donner des agglomérats (ce terme étant utilisé avec le même
cas de la fumée de silice pyrogénique) pour constituer de véri- sens que pour les « agglomérés » de sciure de bois ou les
tables filets (figure 1d ) capables de contenir des liquides et de leur « agglomérés » de ciment et de sable tels que les parpaings).
donner l’aspect de gels : colles « gels », alcool « solide » pour Par contre, si l’assemblage des particules n’est pas rigide, on
réchauds, peintures qui ne coulent pas. parle d’agrégats.
Les particules qui ont au moins une dimension comprise entre La surface de séparation entre le matériau et la phase avec
1 nm et 1 µm présentent les propriétés caractéristiques des maté- laquelle il est en contact est appelée interface. Il est bon de
riaux « divisés ». préciser la nature des deux phases volumiques séparées par
une interface (exemple : interface solide/gaz ; interface
La nécessité de définir sans ambiguïté les caractéristiques de ces solide/liquide).
matériaux pulvérulents ou poreux nous amène à continuer leur Dans le cas particulier où l’une des phases volumiques est un
description dans le paragraphe de « terminologie » ci-dessous. liquide ou un gaz (même s’il est sous très faible pression,
c’est-à-dire « sous vide »), on parle plus simplement de la sur-
face d’un solide. L’étendue de cette surface, appelée généra-
lement « aire », est habituellement rapportée à un gramme
de solide, notée a et exprimée en m2 · g–1 : dans ce cas, pour
respecter les normes françaises [3], il faudrait parler d’aire
massique.

Le mot spécifique est utilisé internationalement à la place du


a feuillets c aiguilles
mot massique et il est courant de traduire l’expression
anglaise specific surface area par surface spécifique ou encore
aire spécifique ; tous ces termes sont strictement équivalents.

La surface géométrique des particules (séparées ou


agglomérées) est l’aire de l’interface telle qu’on peut la calculer
b grains d filets à partir de leur géométrie. Cette surface géométrique est
d’autant plus grande que le matériau est divisé.
Figure 1 – Aspect schématique de quelques matériaux divisés

Ainsi prenons un matériau de masse volumique ρ, se présentant


sous la forme d’un cube de volume V ; coupons le en petits cubes
d’arête d ; dans un gramme on obtient N = 1/(ρ d3) petits cubes ; la
2. Terminologie surface géométrique est alors égale à :

Pour décrire les matériaux divisés, il faut tout d’abord préciser (1)
les termes utilisés [1] [2] et donner des ordres de grandeur.

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avec ρ masse volumique, Plusieurs appellations sont utilisées pour décrire les matériaux
en fonction de la taille de leurs grains :
d arête du petit cube,
– au-dessous de 10 μm, on parle souvent d’un état divisé ; en
a aire spécifique. réalité, ce mot très général désigne les matériaux qui présentent
une aire spécifique non négligeable, c’est-à-dire supérieure à
On retrouve la même relation pour l’aire géométrique spécifique 1 m2 · g–1 ;
d’un matériau composé de particules sphériques de diamètre d et
de masse volumique ρ. – au-dessous de 1 μm, on a parlé pendant très longtemps d’un


état colloïdal pour désigner un matériau dont les particules ne
sont pas visibles par microscopie optique ;

Par définition, la masse volumique est le rapport de la – au-dessous de 100 nm, il est devenu habituel de parler de
masse du matériau à son volume ; ce terme est appelé densité « nanopoudres » ou de « nanoparticules ».
absolue par les Anglo-Saxons ; c’est une grandeur dimension-
née, à la différence de la densité relative qui n’a pas de dimen-
sion. La caractérisation d’une poudre commence par une étude
La valeur du volume dépend du principe de sa mesure ; c’est granulométrique. L’aire géométrique spécifique qu’on peut
pourquoi il est courant de faire la distinction entre la masse déduire de la relation précédente, n’est représentative du
volumique apparente (qui tient compte du volume occupé matériau étudié que dans le cas où ce matériau n’est pas
par la poudre qui inclut donc tous les pores) et la masse volu- poreux et peu rugueux.
mique théorique (qui prend en compte le volume du matériau
à l’exclusion des pores).

Du fait qu’à l’échelle atomique il n’est pas possible de parler


Pour un matériau composé de fibres cylindriques de diamètre d, de surfaces lisses, on convient d’appeler surface externe la
on obtiendrait la relation : surface qui comprend toutes les irrégularités et les fissures, à
condition qu’elles soient plus larges que profondes ; dans ces
conditions, on définit un facteur de rugosité par le rapport de
(2) l’aire externe à la surface géométrique du matériau considéré.

Pour donner des ordres de grandeur, l’évolution de l’aire géo- Il est donc possible d’obtenir de grandes aires spécifiques en
métrique spécifique d’une silice divisée, de masse volumique broyant les matériaux très finement. On peut aussi préparer des
ρ = 2,3 g · cm–3, en fonction du diamètre des particules supposées particules très fines par la méthode sol-gel.
sphériques est reportée figure 2. On voit que, lorsque ce diamètre
passe de 10 μm à 1 nm, cette aire passe de 0,2 m2 · g–1 à
2 000 m2 · g–1.
2.2 Matériaux poreux
Les matériaux poreux possèdent des cavités ou des canaux,
État divisé appelés pores, dont les parois sont responsables d’une augmenta-
tion de l’aire spécifique.
État colloïdal

Nanomatériaux Par définition, un pore est une cavité plus profonde que
large qui existe dans un grain de matière : on parle aussi de
pore intragranulaire.
10 000
Dans un grain poreux (figure 3), on trouve :
– les irrégularités se trouvant à la surface du grain (a) caractéris-
tiques de sa rugosité ;
1 000
a/m2 ∙ g–1

100 b
c
f

e
10 d
a

a irrégularité
1 b, c, d, e pores ouverts
0,001 0,01 0,1 1 10 f pore fermé
d/µm b, e pores borgnes
c, d pores en intercommunication
Figure 2 – Évolution de l’aire géométrique spécifique
en fonction du diamètre des particules de silice Figure 3 – Schéma d’un grain poreux

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– les pores ouverts qui débouchent à la surface du grain L’espace vide laissé entre les grains d’une poudre (pores
(b, c, d, e), ou fermés (f) ; dans ce dernier cas, ils sont inaccessibles intergranulaires) dépend de son tassement et n’est pas caracté-
aux fluides mais décelables par diffusion des rayons X aux petits ristique de celle-ci.
angles ; Un matériau poreux est aussi caractérisé par sa porosité, notée
– les pores borgnes, c’est-à-dire ouverts à une seule extrémité ε, qui est définie par le rapport du volume poreux total Vp,t (corres-
(b, e) ; pondant à la somme de la porosité ouverte, de la porosité fermée
– les pores en intercommunication (c et d). et de la porosité intergranulaire) au volume total apparemment


occupé par le solide Vp,t + Vs :
On convient d’appeler « largeur » d’un pore le diamètre de
son ouverture quand il est cylindrique et la plus faible dimension
de cette ouverture dans les autres cas. (4)

Notons que, dans tous les cas, l’accessibilité des pores ouverts à
un fluide (gazeux ou liquide) dépend du rapport de la taille de la avec Vs volume occupé par la matière dense non poreuse.
molécule à la taille du pore, ainsi que des formes relatives de la Sous sa forme quantifiée, la porosité s’exprime donc par un
molécule et de l’ouverture (une molécule grosse mais plate nombre sans dimension inférieur à 1. Il est donc souhaitable d’évi-
comme celle de benzène entre souvent facilement dans les pores ter d’utiliser ce terme pour désigner, dans un langage rapide mais
en fente d’un charbon activé). imprécis, une distribution de taille de pores.
L’étendue de l’interface existant entre un solide poreux et Le rapport entre le volume vide dû à l’espace interstitiel séparant
une phase fluide doit tenir compte de l’aire latérale de tous les les grains et le volume total apparent occupé par le solide, qui
pores : celle-ci est appelée aire interne par opposition à l’aire dépend du tassement de la poudre est souvent appelé porosité de
externe aux pores. Une deuxième définition des aires externe et lit ; elle ne doit pas être confondue avec la porosité ε définie précé-
interne est donnée dans le paragraphe 6.2.1. La somme de l’aire demment et qui concerne principalement les pores intragranu-
externe et de l’aire interne est l’aire totale. laires.
Un solide poreux peut être caractérisé à partir du volume de la Le volume poreux total spécifique peut être évalué à partir de la
substance adsorbée, supposée liquide, nécessaire pour saturer masse volumique apparente ρapp et de la masse volumique théo-
tous les pores ouverts d’un gramme de ce solide ; il est habituelle- rique ρthéo du matériau non poreux selon la relation :
ment exprimé en cm3 par gramme de solide. Ce volume poreux
n’est donc caractéristique que de la porosité ouverte.
(5)
Les propriétés d’un solide poreux dépendent essentiellement de
la géométrie et de la taille des pores ainsi que de leur distribution.
Traditionnellement, on distingue trois types de pores : avec ms masse d’adsorbant solide.
– les macropores dont la largeur est supérieure à 50 nm ; La dernière étape de la caractérisation des matériaux poreux
– les mésopores dont la largeur est comprise entre 2 et 50 nm ; consiste à évaluer la distribution de taille des pores,
– les micropores dont la largeur est inférieure à 2 nm. On c’est-à-dire leur répartition en fonction de leur largeur, qui peut
trouve souvent commode de distinguer entre les micropores être faite en considérant leur contribution soit à l’aire interne, soit
étroits (narrow micropores ) de largeur inférieure à 0,7 nm, précé- au volume poreux.
demment appelés ultramicropores, et les micropores larges Les caractéristiques des matériaux pulvérulents ou poreux (géo-
(wide micropores ) de largeur comprise entre 0,7 et 2 nm, précé- métrie des particules et des pores dans un matériau) peuvent être
demment appelés supermicropores [1] (figure 4). regroupées sous le terme de texture.
Il est courant de supposer que les pores sont assimilables à des L’aspect extérieur du matériau (granulaire, crayeux ou vitreux
cylindres et de définir un rayon moyen tel que : par exemple) est appelé morphologie.
Le mot structure, généralement réservé à la description des
(3) solides cristallisés, concerne alors l’arrangement géométrique des
atomes ou des ions qui constituent le réseau cristallin (observable
par diffraction des rayons X).
avec Vp volume poreux accessible au fluide, Trois routes principales permettent d’obtenir ces matériaux
Ap aire latérale des pores considérés. poreux.

Dans le cas de matériaux complexes, pour lesquels il est difficile ■ La première est la compression de matériaux pulvérulents. Dans
de faire une hypothèse sur la forme géométrique des pores, on une première étape, la compression permet de fabriquer des agré-
définit un rayon hydraulique, rh , par le rapport Vp/Ap . gats qui sont toutefois facilement détruits par un broyage léger et
dont la taille des pores intergranulaires n’est pas une caractéris-
tique stable du matériau. Dans une deuxième étape, ces agrégats
peuvent être consolidés par chauffage pour devenir des agglomé-
Micropores étroits Micropores larges
rats plus ou moins poreux. Le chauffage poussé de ces agglomé-
rats réduit progressivement leur porosité : on dit alors qu’ils ont
subi un frittage. Lorsque les pores ont complètement disparu, le
matériau est totalement fritté : le frittage permet de passer de l’état
pulvérulent à l’état de céramique. La porosité d’un tel matériau
d
dépend essentiellement des conditions de température et de pres-
sion choisies pour son traitement thermique.

w
■ La deuxième route passe par l’élimination d’un constituant du
matériau. Cela est à la base de « l’activation » des charbons où une
w = ouverture du pore
réaction à plus ou moins haute température avec de la vapeur
d = diamètre de la molécule sonde
d’eau, du dioxyde de carbone, de l’acide phosphorique ou du chlo-
rure de zinc assure l’élimination de carbone qui permet l’élargisse-
Figure 4 – Distinction de deux catégories de micropores ment des pores. C’est aussi ce qui permet la préparation d’oxydes

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métalliques, principalement microporeux, par thermolyse d’un Bien que permettant une interprétation plus sûre, due à la sphé-
hydroxyde ou d’un sel (carbonate, nitrate, oxalate...) : le départ ricité et à la non-polarité de la molécule [1], l’adsorption d’argon à
d’un gaz libère alors dans la structure du solide de départ des 87 K, qui est moins aisée et plus coûteuse à mettre en œuvre
pores dont la taille est directement liée aux conditions de pression (puisque l’azote liquide ne peut plus être utilisé comme bain ther-
et de température choisies pour effectuer la thermolyse. mostatique direct) n’est pas encore d’un usage répandu. En effet,
elle n’est pas nécessaire quand l’objectif principal est de comparer
C’est ainsi que l’alumine « activée » est préparée par thermolyse ou de suivre les propriétés adsorbantes de différents matériaux, ce
qui est la situation la plus fréquente aussi bien dans l’industrie que


de l’hydrargillite ou gibbsite (Al(OH)3), à une température de l’ordre de
200 °C. Le contrôle de la taille des micropores s’obtient par le dans les laboratoires universitaires.
contrôle simultané de la pression partielle de vapeur d’eau et des gra- L’expérience montre que la quantité de gaz retenue par un
dients de température, par analyse thermique à vitesse de transfor- adsorbant – on parle alors de la quantité adsorbée – dépend :
mation contrôlée [4]. – de l’étendue de l’interface ;
– de la pression du gaz ;
L’élimination peut aussi se faire par dissolution d’un – de la température.
constituant : c’est le procédé utilisé pour la préparation des verres
à mésoporosité contrôlée, par attaque acide d’un verre Par analogie avec l’équilibre qui s’établit entre un liquide et sa
diphasique ; le réseau de la phase soluble se transforme alors en vapeur, on peut dire que la phase gazeuse est en équilibre avec la
réseau poreux. « phase adsorbée ».
À une température donnée, l’ensemble des états d’équilibre cor-
■ La troisième route est la synthèse directe de matériaux à poro- respondant à la quantité adsorbée en fonction de la pression de la
sité contrôlée : soit mésoporeux par précipitation d’une matrice phase gazeuse est appelé isotherme d’adsorption : elle est
autour de micelles de taille choisie, ultérieurement éliminées [5], caractéristique du couple adsorbant/adsorbable étudié. L’iso-
soit microporeux, tels que les zéolithes ou les structures micro- therme d’adsorption obtenue expérimentalement est habituelle-
poreuses organo-métalliques [6]. ment représentée sous une forme graphique en reportant la
quantité adsorbée par gramme d’adsorbant na en fonction du
rapport de la pression d’équilibre p du gaz adsorbable sur sa pres-
sion de vapeur saturante p0, à la température considérée lorsque
3. Adsorption d’un gaz celle-ci est inférieure à la température critique. Ce rapport p/p0 est
appelé pression relative d’équilibre (ici la pression de référence
par un solide p0 est prise égale à la pression de vapeur saturante).

Il arrive encore souvent que les quantités de gaz adsorbées


3.1 Phénomène d’adsorption soient exprimées en termes de masses (si la mesure a été
faite par gravimétrie d’adsorption) ou de volumes de gaz (si
la mesure a été faite par manométrie d’adsorption), ces der-
Phénomène très général, l’adsorption est habituellement
niers étant alors rapportés aux conditions normales de tempé-
définie comme l’enrichissement de molécules, d’atomes ou
rature, et de pression (conditions NTP). Soulignons que
d’ions au voisinage d’une interface. Pour les systèmes
l’expression molaire de la quantité adsorbée, qui est recom-
gaz/solide qui nous intéressent ici, il s’agit de l’augmentation
mandée par l’IUPAC, est indépendante de la technique de
de concentration du gaz au voisinage mais à l’extérieur de la
mesure employée et facilite donc la comparaison.
surface du solide. Le terme adsorption indique qu’il s’agit d’un
phénomène de surface et il ne doit pas être confondu avec le
terme absorption qui indiquerait que le fluide a pénétré dans la
masse du solide, déformant celui-ci. 3.2 Classification des isothermes
Le solide est alors appelé adsorbant et le fluide susceptible d’adsorption physique
d’être retenu à la surface du solide est l’adsorbable.
La désorption est la libération des gaz ou vapeurs retenus L’allure des isothermes d’adsorption physiques est le meilleur
par adsorption à la surface d’un solide. révélateur des caractéristiques texturales du matériau étudié. C’est
une donnée expérimentale objective qui doit être tout d’abord
Deux types de forces sont responsables des interactions qui prise en considération avant de tenter d’obtenir des informations
peuvent s’établir entre le solide adsorbant et le fluide adsor- quantitatives. Une première classification en cinq types, proposée
bable et conduisent traditionnellement à distinguer deux types par Brunauer, Deming, Deming et Teller [7] a été par la suite
d’adsorption : l’adsorption physique (ou physisorption) et complétée et affinée en huit types [1] (figure 5).
l’adsorption chimique (ou chimisorption).
L’isotherme d’adsorption du type I est caractérisée par
l’existence d’une portion horizontale traduisant une saturation de
L’adsorption chimique qui met en jeu un échange d’électrons l’adsorbant, malgré l’augmentation de la pression : cette isotherme
entre la surface du solide et les molécules adsorbées – comme est obtenue avec des adsorbants ayant uniquement des micro-
dans le cas d’une réaction chimique – modifie les propriétés du pores qui se remplissent à des pressions d’autant plus basses que
solide et ne peut donc pas être utilisée pour caractériser la texture leur largeur est plus faible. L’isotherme I (a) révèle un adsorbant
des matériaux divisés et poreux ; c’est pourquoi, il n’est question contenant essentiellement des micropores de largeur inférieure à
dans cet article que d’adsorption physique qui ne met en jeu que 1 nm, tandis que l’isotherme I (b) révèle une distribution de taille
les forces responsables de la condensation ou des interactions de micropores beaucoup plus large. Dans les deux cas, l’aire
entre molécules de gaz réels et qui ne change donc pas les pro- externe (en dehors des micropores) est très faible puisque la
priétés du matériau adsorbant. couche multimoléculaire qui s’y adsorbe laisse pratiquement hori-
zontale la partie supérieure de l’isotherme.
L’isotherme d’adsorption du type II est caractérisée par une
En pratique, la caractérisation de la texture des matériaux augmentation très progressive de la quantité adsorbée en fonction
divisés repose aujourd’hui essentiellement sur l’adsorption de la pression relative d’équilibre. Cette isotherme est obtenue
de diazote à 77 K. avec des adsorbants non poreux ou macroporeux à la surface

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Texture des matériaux divisés


Taille de pores des matériaux nanoporeux
par adsorption d’azote Q

par Françoise ROUQUEROL


Professeur émérite à Aix-Marseille Université
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France
Jean ROUQUEROL
Directeur de recherches émérite au CNRS
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n °7246,
France
Isabelle BEURROIES
Maître de conférences à Aix-Marseille Université
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France
Philip LLEWELLYN
Directeur de recherches au CNRS
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France
et Renaud DENOYEL
Directeur de recherches au CNRS
Aix-Marseille Université-CNRS, Laboratoire MADIREL unité mixte de recherche n° 7246,
France

1. Théories de l’adsorption par les matériaux poreux.................... P 1 051 - 3


1.1 Loi de Kelvin sur la condensation capillaire .......................................... — 3
1.2 Théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT)..................................... — 3
2. Caractérisation des micropores....................................................... — 4
2.1 Mise en évidence de la microporosité ................................................... — 4
2.2 Détermination des volumes microporeux par la méthode αS — 5
2.3 Détermination de la taille des micropores par la méthode
de Horvath et Kawazoe HK...................................................................... — 6
3. Caractérisation des mésopores........................................................ — 7
3.1 Volume mésoporeux et rayon mésoporeux moyen ............................. — 7
3.2 Hystérésis de l’isotherme d’adsorption-désorption et mésoporosité . — 7
3.3 Distribution de taille des mésopores : méthode de Barrett, Joyner
et Halenda BJH......................................................................................... — 8
4. Caractérisation simultanée des micropores et des mésopores — 12
5. Conclusion ............................................................................................. — 12
6. Glossaire ................................................................................................. — 12
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. P 1 051

et article examine les méthodes les plus répandues pour caractériser, par
C adsorption d’azote, la taille des pores des matériaux nanoporeux,
dans la gamme des largeurs comprises entre 0,1 et 50 nm.
Même lorsqu’ils sont d’origine naturelle (charbons actifs, argiles activées),
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQW

ces matériaux font le plus souvent l’objet d’un traitement destiné à les

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TEXTURE DES MATÉRIAUX DIVISÉS ____________________________________________________________________________________________________

« ajuster » (en taille de pores, en aire spécifique, en fonctions chimiques super-


ficielles...) en vue de leurs applications qui sont nombreuses et parmi
lesquelles, on peut mentionner :
– l’abaissement de la pression de stockage du gaz naturel (afin d’alléger les
bouteilles et permettre leur utilisation sur véhicules propulsés au gaz naturel) ;
– la purification et le recyclage de l’atmosphère des avions ;


– la rétention et le réemploi des vapeurs d’essence dégagées par les réser-
voirs de voiture ;
– la rétention et le réemploi des vapeurs de solvants à la sortie des tunnels
de peinture ;
– la réhabilitation de sols souillés par des métaux lourds ;
– la séparation des gaz de l’air à la température ambiante, en faisant l’éco-
nomie d’une liquéfaction et d’une distillation coûteuses en énergie ;
– le stockage et le relargage progressif (ou « libération prolongée ») de prin-
cipes actifs médicamenteux, pour assurer une concentration constante dans
l’organisme malgré des prises de médicaments très espacées ;
– la réalisation de machines frigorifiques solaires exploitant le caractère for-
tement endothermique de la désorption de vapeur d’eau ou d’alcool et
utilisables pour le stockage de vaccins en pays désertique ;
– la récupération de l’hydrogène dans les rejets gazeux de raffinage (où il ne
coûte rien) pour son utilisation comme combustible propre ;
– la séquestration du dioxyde de carbone pour limiter le réchauffement
climatique.
On comprend facilement le rôle primordial de la largeur des pores dans ces
applications. C’est cette largeur qui permet en effet de développer aussi bien
des propriétés de « tamis moléculaire » ne laissant passer qu’une certaine
taille de molécules, qu’une énergie d’adsorption physique (d’autant plus
élevée que le pore est étroit) dont on peut exploiter l’effet thermique corres-
pondant, ou une perméabilité aux gaz et aux liquides (grâce à plusieurs tailles
de pores « hiérarchisées ») capable d’accélérer les opérations de génie
chimique, ou encore la capacité de stockage « utile » des gaz avec une énergie
d’adsorption suffisante pour permettre une bonne rétention mais assez faible
pour permettre une récupération facile et aussi complète que possible du gaz...
Pour caractériser la taille des nanopores, cet article fait appel à l’adsorption
d’azote, qui est l’approche la plus utilisée, surtout quand le matériau est
lui-même destiné à une application mettant en jeu l’adsorption.
L’automatisation des appareils permet aujourd’hui d’effectuer des mesures
de routine, ce qui est un avantage certain, mais on se rend vite compte que la
compréhension des résultats nécessite toujours une certaine expertise à
laquelle cet article se propose de contribuer.
Si cet article est centré sur l’une des caractéristiques de la texture des adsor-
bants poreux (la taille de leurs pores), on peut trouver dans l’article [P 1 050]
ainsi que dans les références [1] [2] :
– une importante information complémentaire sur la texture des matériaux
pulvérulents ou poreux ;
– la terminologie correspondante ;
– le phénomène d’adsorption gazeuse ;
– la mesure des aires spécifiques ;
– l’interprétation des principales isothermes d’adsorption physique ;
– les procédures expérimentales pour les obtenir.

Les auteurs de cet article ont souhaité retenir pour l’expression des gran-
deurs physiques les recommandations de l’IUPAC (Union Internationale de
Chimie Pure et Appliquée) de plus en plus appliquées par les revues scien-
tifiques. Par exemple, pour ou t = 60 s, on écrira ou
t/s = 60.

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_____________________________________________________________________________________________________ TEXTURE DES MATÉRIAUX DIVISÉS

Principaux symboles
a aire spécifique, normalement rapportée au
gramme d’adsorbant dégazé rK

d diamètre de molécule ou de particule


q
m masse
M
na
masse molaire
quantité de substance adsorbée par gramme
d’adsorbant dégazé (mol · g–1)

p pression (p/p0 : pression relative) Figure 1 – Équilibre gaz/liquide dans un tube capillaire

p0 pression de vapeur saturante


avec γ et tension superficielle et volume molaire de
rp rayon de pore l’adsorbable liquide à la température d’adsorption T,
rK rayon de Kelvin (rayon du ménisque dans un R constante des gaz.
capillaire) Cette relation permet de calculer la distribution de taille des
r distance depuis la paroi du pore mésopores par la méthode BJH (§ 3.3).

t épaisseur de la couche multimoléculaire


v volume par gramme d’adsorbant dégazé 1.2 Théorie de la fonctionnelle
w largeur de pore
de la densité DFT
αS rapport de deux quantités adsorbées dont l’une La modélisation plus fine de l’adsorption nécessite d’en faire
est utilisée comme référence dans la méthode αS une description microscopique et d’employer les méthodes de la
thermodynamique statistique. Parmi ces dernières, deux
ρ masse volumique approches sont plus particulièrement utilisées : les simulations
numériques et la théorie de la fonctionnelle de la densité DFT
σ aire occupée par une molécule adsorbée
(Density Functional Theory) dont l’intérêt est de plus en plus
θ taux de recouvrement reconnu [2].
Indices Les méthodes de simulation numérique sont elles-mêmes
divisées en deux groupes :
p pore – la dynamique moléculaire, qui consiste à résoudre pas à pas
K kelvin les équations du mouvement des atomes et molécules placés dans
le champ de force créé par elles-mêmes et par les murs de l’adsor-
état liquide bant, est plutôt utilisée pour comprendre les mécanismes
d’adsorption et évaluer ses aspects cinétiques ;
Exposants
– les méthodes de Monte Carlo (où l’état d’équilibre du sys-
a adsorbable tème est recherché à partir de déplacements et d’échanges de
molécules qui sont acceptés ou non suivant des critères énergé-
tiques), sont par contre directement utilisées pour déterminer des
isothermes d’adsorption-désorption sur des systèmes modèles
1. Théories de l’adsorption (cylindres, fentes homogènes) où même sur des systèmes plus
hétérogènes construits à partir de données chimiques et structu-
par les matériaux poreux rales.
L’application principale de ces méthodes en caractérisation est
Il existe de nombreuses théories de l’adsorption mais ne sont l’obtention d’un jeu d’isothermes d’adsorption de référence
données ici que celles qui sont considérées comme les plus direc- qui sont utilisées pour calculer des distributions de taille de pore
tement utilisables pour déterminer la distribution de taille des comme on l’explique au paragraphe 4.
pores des matériaux nanoporeux [1]. La DFT permet elle aussi de déterminer des isothermes
d’adsorption de référence sur des pores de taille et géométrie bien
définies (cylindres, pores plans, pores sphériques), mais avec des
1.1 Loi de Kelvin sur la condensation temps de calcul bien plus courts. Par contre, les hypothèses sont
capillaire bien plus restrictives en termes de géométrie du système et de
nature de l’interface.
Dans un tube capillaire, un gaz se condense sous une pression Le principe du calcul des isothermes modèles est le suivant.
de vapeur p inférieure à sa pression de vapeur saturante p0 à Dans un pore en équilibre avec un gaz, l’état d’équilibre est donné
condition que le liquide mouille les parois du capillaire, c’est-à-dire par le minimum du « Grand Potentiel » qui peut s'exprimer sous la
à condition que l’angle de contact θ formé entre le liquide et le forme suivante :
solide (figure 1), soit inférieur à 90° : c’est le phénomène de
condensation capillaire. La loi de Kelvin donne la relation per- (2)
mettant de calculer la valeur de cette pression de vapeur p en fonc-
tion du rayon de courbure du ménisque liquide, noté rK :
avec Ω [ρ(r)] grand potentiel qui dépend du profil de densité du
fluide dans le pore ρ(r), dépendant lui-même de la
(1) position r dans le pore (d’où le terme de
fonctionnelle qui signifie fonction d’une fonction),

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TEXTURE DES MATÉRIAUX DIVISÉS ____________________________________________________________________________________________________

0,09

0,08

0,07

Q 0,06

na/a (mol · m–2)


Centre 0,05
du pore
Paroi du pore

0,04

0,03

0,02
2
1 0,01

0
0 1 2 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1
r /nm
p/p0
Expérience adsorption
Expérience désorption
NLDFT dans pore de 9,8 nm

NLDFT : DFT non locale (cf. § 6)


na : quantité de substance adsorbée par gramme
d’adsorbant dégazé (mol · g–1)

a : aire spécifique par gramme d’adsorbant dégazé (m2 · g–1)

a profils de masse volumique dans un pore cylindrique (w = 4,2 nm) b isotherme d’adsorption calculée par DFT
pour des pressions d’équilibre inférieures (1) ou supérieures (2)
à la pression de condensation capillaire

Figure 2 – Profils de densité et isothermes d’adsorption pour une silice SBA15 [3]

F [ρ (r)]
énergie libre du fluide contenu dans le pore et qui marches qui n’existent pas sur les isothermes expérimentales
n’est liée qu’aux interactions fluide-fluide et qui obtenues avec les solides réels plus hétérogènes. Pour éviter cela,
dépend bien sûr elle aussi du profil de densité, différentes méthodes ont été proposées pour faire disparaître ces
μ potentiel chimique du gaz en équilibre, transitions : solide « diffus » [4], pore de taille finie [5], ondulations
de surface [6]. Certaines de ces méthodes ont été introduites dans
Vext (r) valeur du potentiel créé au point r par les murs de les jeux d’isothermes d’adsorption de référence fournies avec les
l’adsorbant. appareils du commerce.
Ce dernier potentiel ainsi que les énergies d’interaction
fluide-fluide sont obtenus à partir de sommations de potentiels de
type Lennard Jones qui correspondent aux forces de dispersion de
London. La DFT consiste donc à trouver le profil de concentra-
tion des molécules dans le pore qui minimise le grand potentiel 2. Caractérisation
pour une valeur du potentiel chimique et donc de la pression
d’équilibre. Le calcul est effectué pour des pressions croissantes
des micropores
puis décroissantes permettant de déterminer les quantités adsor-
bées, obtenues par intégration des profils de densité, à l’adsorp-
tion et à la désorption. 2.1 Mise en évidence de la microporosité
Exemple : des profils de densité et une isotherme d’adsorption cal- Remarquons pour commencer que les micropores se rem-
culée par la méthode DFT sont donnés figure 2 [3] dans le cas d’un plissent à très basse pression relative, parfois à partir de 10–7 p/p 0,
solide mésoporeux. ce qui correspond à une pression d’équilibre de diazote de 10–4
mbar. Pour pouvoir mettre en évidence une microporosité, il est
L’accord avec l’expérience est raisonnable et permet notamment donc nécessaire de s’assurer que l’appareil utilisé permet de faire
de rendre compte de l’existence de la boucle d’hystérésis. Cepen- des mesures fiables à ces faibles pressions. Pour cela, il faut dispo-
dant, la méthode présente un certain nombre de particularités liées ser non seulement d’une jauge de pression 0 à 1 mbar, mais aussi
au caractère homogène des surfaces utilisées dans la modélisa- d’un appareil suffisamment étanche pour obtenir un vide statique
tion, notamment des transitions de phase bidimensionnelles qui se pendant la durée des mesures. Par ailleurs, plus les micropores
traduisent par des marches sur les isothermes d’adsorption, sont petits, plus le temps nécessaire à l’obtention d’un équilibre

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Mesure de frottement interne

par Juan-Jorge MARTINEZ-VEGA



Professeur à l’Université Paul-Sabatier (Toulouse)
et André RIVIERE
Professeur à l’École nationale supérieure de mécanique et d’aérotechnique de Poitiers

1. Comportement viscoélastique des matériaux ................................. P 1 310 – 2


2. Frottement interne .................................................................................. — 3
3. Pic de frottement interne ...................................................................... — 4
4. Mécanismes thermiquement activés.................................................. — 5
5. Pics élargis................................................................................................. — 5
6. Métaux et alliages métalliques ............................................................ — 5
6.1 Frottement interne lié aux défauts ponctuels ........................................... — 5
6.2 Frottement interne lié aux dislocations ..................................................... — 6
7. Verres minéraux et céramiques ........................................................... — 6
8. Polymères................................................................................................... — 6
8.1 Exemples ...................................................................................................... — 7
8.2 Techniques alternatives............................................................................... — 8
9. Appareillage .............................................................................................. — 8
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. P 1 310

n matériau parfaitement élastique, donc obéissant à la loi de Hooke, soumis à


U une contrainte cyclique, vibrera, dans le domaine élastique, sans perte d’éner-
gie sauf par frottement éventuel avec l’atmosphère. En réalité, les matériaux ne pré-
sentent pas un comportement aussi idéal et leurs vibrations sont amorties plus vite
que ne peut l’expliquer la perte d’énergie due au frottement externe.
On appelle frottement interne la propriété que possèdent les matériaux solides
soumis à des contraintes cycliques, d’absorber de l’énergie, en transformant
l’énergie mécanique en chaleur. Cet effet se manifeste dans le cas des faibles
déformations caractéristiques du domaine élastique.
Les premières techniques utilisées pour mesurer le frottement interne permet-
taient généralement des mesures à fréquence fixe ou dans un domaine restreint
de fréquence. Ainsi, un pendule, le plus souvent inversé pour éviter les contrain-
tes sur l’échantillon, permet des mesures à des fréquences de l’ordre du hertz ;
dans ce cas, le frottement interne est δ/π où δ est le décrément logarithmique des
oscillations libres. Les mesures dans la gamme du kilohertz sont effectuées sur
des lames ou des barreaux résonants, le frottement interne étant cette fois relié
à la largeur à 1/e du pic de résonance. Enfin, l’atténuation des ondes ultrasono-
res permet une mesure dans la gamme du mégahertz. Avec ces techniques, il est
donc nécessaire de faire varier la température de mesure pour décrire complète-
ment les comportements anélastiques en supposant une équivalence fréquence-
température qui, en fait, est rarement vérifiée.
C’est pourquoi il est préférable de pouvoir mesurer le frottement interne direc-
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPPP

tement sur une grande gamme de fréquence (5 ou 6 décades) soit à l’aide d’ana-

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MESURE DE FROTTEMENT INTERNE _______________________________________________________________________________________________________

lyseurs dynamiques utilisés principalement pour l’étude des polymères, soit à


l’aide de pendules à très haute fréquence propre (200 Hz) utilisés en vibrations
forcées subrésonantes. Dans ces deux cas, le frottement interne est directement
relié à la tangente de l’angle de déphasage entre la contrainte appliquée et la
déformation résultante.
Le frottement interne peut être associé à divers mécanismes, parmi lesquels
en général on distingue :
Q — le processus de relaxation dans le cas d’un matériau viscoélastique ;
— l’hystérésis mécanique ;
— la résonance dans un solide pouvant être considéré comme un milieu visqueux.
Le frottement interne par hystérésis dépend de l’amplitude de vibration,
contrairement aux deux autres cas.
Nous nous limiterons ici au frottement interne par relaxation dont nous établi-
rons le formalisme après avoir défini le comportement viscoélastique ; des
exemples correspondant à divers types de matériaux seront ensuite présentés.

1. Comportement σ

viscoélastique
des matériaux σ0

Un matériau viscoélastique soumis de manière instantanée à une


contrainte constante σ0, très inférieure à la limite élastique, présen-
tera une déformation instantanée élastique ε él suivie d’une défor-
mation anélastique ε anél augmentant avec le temps d’application de
la contrainte et tendant vers une valeur limite ε tot (figure 1). La
ε t
complaisance :
JRσ0
ε (t )
J (t ) = ------------ (1)
σ0
dépendra donc du temps et pourra s’écrire : JUσ0

t
J ( t ) = J R – ( J R – J U ) exp  – -----  (2)
τσ 0 t
ε él Figure 1 – Réponse d’un matériau viscoélastique à l’application
avec J U = ------ complaisance instantanée ou non relaxée,
σ0 d’une contrainte constante σ0
ε tot
J R = --------- complaisance relaxée,
σ0 ε
τσ temps de relaxation de la déformation sous
contrainte constante.
Après suppression de la contrainte, si l’on attend suffisamment, la
déformation revient progressivement vers 0, il n’y a donc pas de ε0
déformation permanente.
Pour rendre compte de ce comportement viscoélastique,
plusieurs modèles rhéologiques ont été proposés. L’un des plus
simples est le modèle du « solide linéaire standard de Zener » [1]
qui associe un solide de Voigt et un ressort en série et qui amène à
la relation : σ t

dσ dε
J R σ + J U τ σ --------- = ε + τ σ -------- (3) EUε0
dt dt
De même, la contrainte nécessaire pour maintenir une déforma-
tion ε0 constante, lors d’un essai de relaxation, sera décroissante ERε0
avec le temps (figure 2) à partir d’une valeur instantanée σ0 et
tendra vers une valeur limite σ∞. Le module d’Young :
0 t
σ(t)
E ( t ) = ---------- (4)
ε0 Figure 2 – Relaxation de la contrainte

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P 1 310 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation

VR
Analyses de surface et de matériaux
(Réf. Internet 42383)

1– Méthodes d'analyse des matériaux R


2– Méthodes d'analyse des surfaces Réf. Internet page

Méthode de microanalyse des surfaces et couches minces P3795 65

Spectroscopie Auger. Principes et performances en sonde ixe P2620 73

Spectroscopie Auger. Imagerie et proil en z. Applications P2621 77

Spectrométries de pertes d'énergie des électrons dans les solides P2635 81

Microsonde nucléaire. Principe et appareillage P2563 85

Microsonde nucléaire. Applications P2564 89

3– Analyse de céramiques

4– Analyse de nanomatériaux

5– Analyse de matériaux de construction

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Méthode de microanalyse
des surfaces et couches minces

par Guy BLAISE


Professeur à l’Université Paris-Sud R
1. Généralités sur l’approche des méthodes ........................................ P 3 795 - 4
1.1 Détectabilité des éléments.......................................................................... — 4
1.2 Localisation spatiale de l’analyse............................................................... — 4
1.3 Limite de détection ...................................................................................... — 5
1.4 Dégâts d’irradiation ..................................................................................... — 5
1.5 Effets de charge sur les isolants soumis à un bombardement
de particules chargées ................................................................................ — 6
2. Microanalyse fondée sur l’irradiation aux électrons ..................... — 6
2.1 Considérations physiques........................................................................... — 6
2.2 Détectabilité des éléments.......................................................................... — 6
2.3 Localisation spatiale de l’analyse............................................................... — 9
2.4 Limites de détection .................................................................................... — 10
2.5 Dégâts d’irradiation ..................................................................................... — 13
2.6 Effets de charge sur les isolants soumis à un bombardement
d’électrons.................................................................................................... — 14
2.7 Choix de méthodes pour l’analyse des surfaces et des couches minces — 15
3. Microanalyse fondée sur l’irradiation aux ions............................... — 16
3.1 Considérations théoriques.......................................................................... — 16
3.2 Détectabilité des éléments.......................................................................... — 18
3.3 Limites de détection .................................................................................... — 19
3.4 Résolution spatiale de l’analyse et analyse en profondeur ..................... — 22
3.5 Dégâts d’irradiation ..................................................................................... — 24
3.6 Effets de charge ........................................................................................... — 25
3.7 Choix de méthodes pour l’analyse des surfaces et des couches minces — 25
4. Microanalyse fondée sur l’irradiation aux photons ....................... — 26
4.1 Considérations théoriques.......................................................................... — 26
4.2 Détectabilité des éléments.......................................................................... — 27
4.3 Limites de détection .................................................................................... — 28
4.4 Résolution spatiale de l’analyse ................................................................. — 29
4.5 Dégâts d’irradiation ..................................................................................... — 30
4.6 Choix de méthodes pour l’analyse des surfaces et des couches minces — 31
5. Conclusion ................................................................................................. — 31
Références bibliographiques ......................................................................... — 32

a microanalyse se propose de déterminer la composition chimique


L élémentaire d’un volume de matière aussi petit que possible. Le principe
consiste à sonder cette matière au moyen d’un pinceau plus ou moins délié de
particules énergétiques dites primaires – électrons, photons, neutrons, protons
ou ions lourds – et à analyser en retour les effets de leur interaction avec les
atomes du solide. Ces effets découlent d’un transfert de l’énergie des particules
primaires aux atomes du solide au cours de collisions qui, dans la plupart des
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@QYYP

cas, peuvent être considérées comme binaires.

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MÉTHODE DE MICROANALYSE DES SURFACES ET COUCHES MINCES ____________________________________________________________________________

À partir de ce transfert d’énergie, deux voies principales d’identification


chimique d’un atome sont offertes. La première consiste à relier la perte d’énergie
de la particule primaire à une interaction caractéristique de l’atome cible et la
seconde à suivre les effets de la relaxation de l’atome excité. Cette relaxation
s’accompagne, en effet, d’une émission de particules secondaires dont la nature
et l’énergie permettent d’identifier l’atome émetteur. Il y a ainsi deux grandes
approches de la microanalyse, très complémentaires par certains côtés.
Issue des très nombreuses méthodes de caractérisation chimique des éléments
qui se sont développées sur les traces de la microsonde électronique de
Castaing [1] depuis une trentaine d’années, la microanalyse apparaît aujourd’hui
comme un des outils majeurs de la connaissance de la matière condensée, dans

R de multiples domaines de la science. Lorsqu’elle est pratiquée de proche en


proche par balayage du faisceau de particules primaires sur la surface de
l’échantillon, elle permet d’établir une cartographie chimique de celui-ci.
Les méthodes de microanalyse évoquées dans cet article ont été regroupées
en trois grandes familles, composées d’après la nature des particules primaires
utilisées (tableaux A, B et C). Ces méthodes ont fait l’objet de très nombreuses
descriptions individuelles que l’on retrouvera notamment dans les articles de
ce traité :
— Spectroscopie de perte d’énergie des électrons dans les solides [P 2 635] ;
— Microsonde nucléaire [P 2 563] ;
— Spectroscopie des électrons Auger [P 2 620] ;
— Analyse par observation directe de réactions nucléaires. Rétrodiffusion de
particules chargées [P 2 561] ;
— Analyse par rayons X induits par particules chargées [P 2 558] ;
— Émission ionique secondaire SIMS. Principes et appareillages [P 2 618] ;
— Caractérisation des surfaces et des matériaux stratifiés par rayons X
[P 1 085] ;
— Rayonnement synchrotron et applications [P 2 700] ;
— Analyse de surface par ESCA. Principe et instrumentation [P 2 625] ;
— Spectrométrie Raman [P 2 865].
Nous renvoyons le lecteur à ces articles pour ce qui est du principe, de la tech-
nique instrumentale, de la méthodologie et des principaux domaines d’appli-
cation de ces méthodes. L’approche développée présentement vient en
complément des descriptions précédentes. Elle vise à donner à l’utilisateur les
éléments de jugement qui lui permettront de choisir, sur des bases simples et
dépouillées de tous les effets secondaires, la méthode qui répondra le mieux
au problème d’analyse auquel il est confronté, à le prévenir de ce qu’il est en
droit d’en attendre, des difficultés auxquelles il s’expose compte tenu de la nature
de ses échantillons et de la manière de conduire une expérimentation sur
plusieurs méthodes de façon à cerner au mieux le problème posé.
Dans cet ordre d’idée, le premier point examiné est celui de la détectabilité
des éléments pour permettre d’évaluer le degré de facilité avec lequel un
élément pourra être analysé. Suivra l’étude de la localisation spatiale (loca-
lisation latérale et en profondeur), de la sensibilité, des dégâts causés par
l’irradiation et des effets de charge sur les échantillons isolants.
(0)
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____________________________________________________________________________ MÉTHODE DE MICROANALYSE DES SURFACES ET COUCHES MINCES

Tableau A – Méthodes de microanalyse découlant de l’interaction électrons-matière


Effets primaires Effets secondaires Méthodes de microanalyse

Spectroscopie des pertes


Projectiles : d’énergie (EELS) pratiquée
électrons en microscopie électronique
d’énergie E par transmission (STEM)

Spectroscopie X à énergie

Cibles :
dispersive (EDS) ou à dis-
persion des longueurs
d’onde (WDS). La première

atomes est pratiquée en micro-
scopie électronique ; les
deux sont pratiquées à la
microsonde de Castaing

Spectroscopie Auger prati-


quée sur des spectromètres
d’électrons ou en micro-
scopie électronique

Tableau B – Méthodes de microanalyse découlant de l’interaction ions-matière

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MÉTHODE DE MICROANALYSE DES SURFACES ET COUCHES MINCES ____________________________________________________________________________

Tableau C – Méthodes de microanalyse découlant de l’interaction photons-matière

(0) 1.2 Localisation spatiale de l’analyse


Sigles La localisation spatiale d’une analyse est déterminée par le volume
EDS Energy Dispersion Spectroscopy de matière d’où provient le signal caractéristique des atomes excités
EELS Electron Energy Loss Spectroscopy par les particules primaires. Cette localisation est donc le résultat
ELNES Energy Loss Near Edge Spectroscopy d’une convolution entre la pénétration du faisceau primaire et son
EPMA Electron Probe Micro Analysis éclatement à la suite des diffusions multiples et la profondeur
ESCA Electron Spectroscopy for Chemical Analysis d’échappement des particules secondaires qui donnent le signal
EXAFS Extended X-ray Absorption Fine Structure caractéristique recherché.
EXELFS Extended Energy Loss Fine Structure
PIXE Particule Induced X-ray Emission On distingue trois formes de localisation de l’analyse.
RBS Rutherford Back Scattering
SAM Scanning Auger Microscopy ■ Localisation en surface sans localisation latérale : c’est ce que
SIMS Secondary Ion Mass Spectroscopy donnent les spectrométries d’électrons (Auger et ESCA) dans leur
STEM Scanning Transmission Electron Microscopy forme traditionnelle lorsque le faisceau primaire est étendu sur une
UPS Ultraviolet Photoemission Spectroscopy bonne fraction de centimètre carré. La profondeur d’échappement
WDS Wavelength Dispersion Spectroscopy des électrons secondaires d’énergie caractéristique est de l’ordre de
XANES X-ray Absorption Near Edge Structure leur libre parcours moyen qui varie selon leur énergie entre quelques
XAS X-ray Absorption Spectroscopy couches atomiques et quelques dizaines [2]. L’analyse s’applique à
XPS X-ray Photoemission Spectroscopy
des échantillons homogènes latéralement, dont on veut connaître la
composition de surface.
■ Localisation latérale très poussée sans localisation sur la
1. Généralités sur l’approche profondeur : c’est la situation que l’on rencontre en microscopie élec-
tronique à transmission à balayage où la localisation latérale peut
des méthodes être réduite à une aire de quelques dizaines d’angströms carrés,
comparable à l’aire de la sonde électronique, mais où l’information
recueillie est intégrée sur toute l’épaisseur de l’échantillon. Menée de
1.1 Détectabilité des éléments proche en proche, l’analyse très localisée latéralement permet de
dresser une cartographie chimique de l’échantillon.
Un élément apparaît détectable dès que le processus physique qui
est à la base de la méthode d’analyse est compatible avec la ■ Localisation en profondeur sans localisation latérale poussée : ce
constitution électronique et nucléaire de l’élément recherché. Il type de localisation est recherché pour dresser des profils de
convient cependant pour être plus précis de situer les éléments dans concentrations en profondeur. On la réalise par exemple en associant
une échelle de détectabilité. C’est ce que nous essaierons de faire la pulvérisation ionique aux méthodes dites d’analyse de surface
à partir d’une analyse physique très dépouillée des processus (Auger et ESCA) ou en utilisant directement l’émission ionique
physiques élémentaires mis en jeu. De ce fait, il ne faudra pas secondaire (SIMS) ou encore en recourant à des réactions nucléaires
confondre la détectabilité avec la limite de détection qui prend en résonnantes. Lorsqu’on utilise la pulvérisation, la localisation de
compte tous les paramètres physiques et instrumentaux. l’analyse en profondeur tient d’une part au calibrage de la vitesse

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____________________________________________________________________________ MÉTHODE DE MICROANALYSE DES SURFACES ET COUCHES MINCES

d’érosion et d’autre part à la rugosité induite par le phénomène de Certaines méthodes comme la spectrométrie Raman, l’ellip-
pulvérisation lui-même. Les limites de détection actuelles permettent sométrie..., qui utilisent des photons dans le spectre visible ou
de réaliser, en SIMS par exemple, des analyses en profondeur loca- proche du visible, peuvent être considérées comme à peu près non
lisées latéralement sur une centaine de micromètres carrés. destructives dans la mesure où la puissance de radiation utilisée
Les facteurs qui interviennent dans la localisation d’une analyse n’entraîne pas un chauffage excessif de l’échantillon. La limite de
sont : détection dans ce cas est limitée par des facteurs instrumentaux.
— le diamètre d 0 de la sonde primaire ; D’une manière générale, la limite de détection dépend :
— l’éclatement latéral du faisceau primaire, dû à la diffusion — de la probabilité de produire l’événement recherché,
multiple ; c’est-à-dire de la section efficace de l’interaction ; on parle souvent
— la profondeur de pénétration des particules primaires ; à ce propos de rendement ;
— la profondeur d’échappement des particules secondaires ; — de l’importance des effets secondaires tels que l’absorption ou
— la délocalisation δ 0 de l’interaction qui produit l’effet recherché : la dispersion des particules émises, qui éliminent certains événe-


cette délocalisation est à prendre en compte lorsque la taille de la ments ou, au contraire, la rétrodiffusion des particules primaires ou
sonde est de l’ordre des dimensions atomiques. la diffusion des particules secondaires, qui peuvent contribuer à
On notera enfin que la localisation ultime d’une analyse est tribu- augmenter le nombre d’événements détectés ;
taire de la limite de détection de la méthode. — de l’efficacité de collecte des particules, qui dépend de l’angle
solide dans lequel elles peuvent être recueillies et du rendement
quantique des détecteurs ;
— du rapport τ /T du temps τ consacré à la détection des particules
1.3 Limite de détection dans la fenêtre d’analyse choisie au temps total T d’irradiation ;
— de la dose de radiations D acceptable par l’échantillon ;
— de la localisation de l’analyse, c’est-à-dire du volume de matière
La microanalyse vise à identifier et, si possible, à doser les sondé par le faisceau primaire.
éléments dans un volume de matière aussi petit que possible Les progrès réalisés dans la collecte et la détection des particules
contenu à l’intérieur du volume de matière exploré par la sonde. font que l’on peut maintenant s’approcher de la limite de détection
Si S est le signal détecté et ∆S sa dispersion, la condition S/∆S ⭓ 1 ultime.
qui définit le critère de détection d’un élément peut toujours être
satisfaite pourvu que l’on réduise suffisamment la fluctuation
relative du bruit de fond en prolongeant le temps de mesure. Ainsi,
si l’on y mettait le temps, un élément serait toujours détectable aussi 1.4 Dégâts d’irradiation
faible que soit sa concentration. Mais peut-on prolonger indéfi-
niment l’irradiation d’un petit volume de matière par un faisceau de
particules énergétiques. La réponse est en général non, car l’irra- Les particules énergétiques pénétrant dans la matière produisent
diation produit des défauts qui s’accumulent avec la dose reçue et des dégâts ou induisent une contamination qui font que l’on ne peut
entraînent la dégradation, voire la destruction, de l’échantillon. Ainsi, pas poursuivre indéfiniment une mesure. On peut estimer qu’à flux
la limite de détection est-elle imposée par la dose maximale Dmax égal et à énergie comparable les dégâts produits sur des matériaux
acceptable par unité de surface d’échantillon (Dmax exprimé en denses par l’irradiation de photons X, d’électrons et de particules
nombre de particules par Å2 par exemple). À partir du moment où lourdes vont en croissant : ils sont 3 à 4 fois plus élevés pour les
le temps d’enregistrement du signal est limité en un point, on ne électrons que pour les photons et beaucoup plus importants pour
peut satisfaire le critère de détection S/∆S ⭓ 1 qu’en augmentant les particules lourdes, qui produisent des déplacements atomiques
suffisamment le volume exploré par la sonde pour réduire la fluc- en grand nombre.
tuation du bruit de fond. Un matériau qui ne restituerait pas au milieu extérieur l’énergie
des particules qu’il emmagasine finirait par s’échauffer et se
volatiliserait rapidement après avoir reçu une dose de radiations
Nous définirons la limite de détection d’une méthode de extrêmement faible. Ce stade ultime de dégradation est fort
microanalyse par la concentration minimale détectable dans un heureusement rarement atteint, sauf parfois dans certains matériaux
volume minimal de matière qui a reçu la dose maximale de biologiques particulièrement sensibles aux effets thermiques où l’on
radiations que peut supporter l’échantillon. observe une perte de masse de l’échantillon.
La première action des photons et des électrons est d’induire des
On peut considérer que toutes les méthodes actuelles de micro- transitions électroniques. Mais, alors que les photons X vont
analyse au sens de l’analyse chimique élémentaire, qui utilisent préférentiellement exciter les électrons des couches profondes, les
des faisceaux d’électrons, de photons X ou de particules lourdes, électrons, eux, vont principalement créer des plasmons et des paires
sont destructives. Il faut cependant distinguer deux types de électron-trou au niveau des bandes de valence et des conduction.
méthodes destructives : Or toute perturbation de l’édifice électronique d’un atome affecte la
— celle dont le caractère destructif est fonction de la dose de radia- stabilité moléculaire environnante. Lorsque la perturbation porte sur
tions, pour lesquelles la limite ultime de détection dépend de la dose des niveaux assez profonds, la réaction du milieu environnant se
critique acceptable par l’échantillon ; ce sont les méthodes qui manifeste par des effets de relaxation électronique qui font écran
utilisent les photons UV et X, les électrons, les protons et les ions au centre perturbé. Par contre, lorsqu’elle se produit sur les bandes
légers ou les neutrons de grande énergie ; de valence et de conduction, les liaisons moléculaires sont directe-
— celles dont le fondement même est la destruction de l’échan- ment affectées, ce qui peut initier des mouvements atomiques allant
tillon, pour lesquelles la limite ultime de détection est définie par jusqu’à des migrations. C’est la raison pour laquelle les électrons
le nombre minimal d’atomes qu’il faut « détruire » pour être en produisent plus de dégâts que les photons X. De plus, à partir d’une
mesure d’affirmer leur présence dans l’échantillon ; ce sont toutes centaine de kiloélectronvolts d’énergie, les électrons peuvent
les méthodes fondées sur la pulvérisation, dont le SIMS, les déplacer des atomes de leur site simplement par transfert d’énergie
méthodes par réaction nucléaire qui transmutent l’atome et cinétique. On trouvera à la référence [3] une approche micro-
l’évaporation de champ. scopique des dégâts d’irradiation causés par des photons X et des
électrons.

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MÉTHODE DE MICROANALYSE DES SURFACES ET COUCHES MINCES ____________________________________________________________________________

Pour les dégâts causés par les particules lourdes, il faut distinguer D’après la théorie de Bethe [4], la section efficace d’ionisation
deux cas : celui des protons et des ions hélium de grande énergie d’une orbitale (définie par les nombres quantiques n et ᐉ ) par un
et celui des ions lourds de faible ou moyenne énergie. Pour les électron d’énergie E s’écrit [1] :
premiers, la majorité des dégâts provient du fort ralentissement élec-
tronique qui conduit à la formation de « traces », c’est-à-dire de Z n ᐉ b n ln ( c n U )
σ n ᐉ ( E ) = 6,51 × 10 –14 ------------------
- ------------------------- (1)
véritables tunnels dans lesquels la matière est peu dense et forte- En ᐉ
2 U
ment désorganisée. Pour les seconds, les dégâts résultent du
ralentissement nucléaire qui entraîne des avalanches de
Dans cette expression, l’énergie de liaison E n ᐉ est exprimée en
déplacements atomiques (cascades de collisions).
L’intérêt de plus en plus grand porté à l’étude microscopique des eV, σ n ᐉ en cm2, U = E/ E n ᐉ est l’énergie réduite, Z n ᐉ est le nombre
matériaux biologiques fait que le problème des dégâts d’irradiation d’électrons de l’orbitale nᐉ , et bn et cn sont deux constantes con-
prend une acuité toute particulière. Les données dont on dispose sidérées comme indépendantes du numéro atomique, comprises


dans ce domaine sont pour le moment assez ponctuelles.
entre 0,5 et 1 [1]. La variation de σ n ᐉ en fonction du numéro
atomique de l’élément est représentée figure 1 pour l’ionisation des
couches K et LIII [10].
1.5 Effets de charge sur les isolants
soumis à un bombardement Le rendement de désexcitation par émission X ou rendement de
fluorescence w n ᐉ d’un atome ionisé sur une couche profonde nᐉ est
de particules chargées représenté figure 2 en fonction du numéro atomique [10] et figure 3,
en fonction de l’énergie de liaison de la couche ionisée [6].
Les matériaux isolants soumis à un bombardement de particules
Le rendement de désexcitation Auger wA d’un atome ionisé sur
chargées ont souvent tendance à se charger. Les paramètres macro-
une couche profonde est représenté figure 4 en fonction du numéro
scopiques à prendre en compte sont le signe et le flux des particules
atomique. Par ailleurs, on trouvera aux références [5] [6] l’énergie
primaires qui pénètrent dans l’échantillon, le signe et le flux des
des principales transitions Auger en fonction du numéro atomique
particules secondaires émises qui sortent de l’échantillon (émissions
et à la référence [11] les applications de la spectrométrie Auger.
secondaires d’électrons et d’ions) et la conductivité du matériau, qui,
aussi faible soit-elle, contribue à relaxer les charges. Les
conséquences des effets de charge sont souvent très graves pour
l’exploitation des méthodes d’analyse. Parmi les plus sévères, nous 2.2 Détectabilité des éléments
signalerons :
— le déplacement du faisceau primaire ; 2.2.1 Pertes d’énergie électronique
— le claquage sur la surface de l’échantillon ;
— l’électromigration de certaines espèces (Na, K, Cl), qui se L’aptitude d’un élément à être détecté tient essentiellement à la
présentent sous forme ionique dans les verres et les matériaux dépendance de σ n ᐉ avec l’énergie E de l’électron primaire et avec
biologiques ; l’énergie En ᐉ du niveau excité (1). La détectabilité se trouve
— le déplacement des pics caractéristiques dans les méthodes de optimisée par rapport à l’énergie de l’électron excitateur lorsque U
spectrométrie de masse et de spectrométrie d’énergie des électrons ; se situe entre 3 et 4. Cette optimisation n’est pas, en général, réalisée
— l’atténuation des signaux dans les spectrométries mentionnées en microscopie électronique à transmission où l’énergie des
précédemment lorsque la charge de l’échantillon bloque en partie électrons doit être maintenue à une valeur élevée (environ 100 keV).
l’émission des particules secondaires utilisées pour l’analyse.

2. Microanalyse fondée
sur l’irradiation
aux électrons
On trouvera le descriptif des principes physiques mis en jeu et
des méthodes d’analyse dans les articles suivants :
— Spectrométries de pertes d’énergie des électrons dans les
solides [P 2 635],
— Microsonde nucléaire [P 2 563],
— Spectroscopie des électrons Auger [P 2 620].

2.1 Considérations physiques


Les méthodes de microanalyse qui utilisent des électrons pour
sonder la matière reposent sur l’interaction inélastique de ceux-ci
avec les atomes cibles (tableau A). L’identification de ces atomes
consiste donc à exploiter les pertes inélastiques d’énergie subies
par les électrons ou à profiter de la relaxation des atomes cibles Figure 1 – Variation, en fonction du numéro atomique Z de l’élément,
excités, sous forme d’émission X et d’émission d’électrons Auger. de la section efficace d’ionisation ␴nᐉ /A des couches K et LIII
Les pertes inélastiques d’énergie des électrons primaires sont liées pour des électrons de 100 keV [10]
à l’ionisation des orbitales atomiques.

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____________________________________________________________________________ MÉTHODE DE MICROANALYSE DES SURFACES ET COUCHES MINCES

Figure 4 – Rendement de désexcitation Auger wA


calculé d’après la formule de Burhop [7]
Figure 2 – Variation du rendement de fluorescence w nᐉ
des couches K et LIII en fonction du numéro atomique Z [10]

Le choix de la perte d’énergie la plus favorable à la détection d’un


élément doit également prendre en compte sa position dans le
spectre continu des pertes d’énergie : on a intérêt à rechercher la
perte d’énergie la plus élevée possible de manière à diminuer le plus
possible l’importance du fond continu.

2.2.2 Émission X

La détectabilité d’un élément par émission X est liée à l’optimum


que peut atteindre le rendement σ nᐉ ( E ) w nᐉ de production de
rayons X, c’est-à-dire le produit de la section efficace d’ionisation
par le rendement de fluorescence. Pour un niveau d’excitation nᐉ
fixé (par exemple un niveau K) auquel correspond un rendement de
fluorescence déterminé, la variation de ce produit avec l’énergie des
électrons primaires est semblable à celle de σ n ᐉ ( E ) (1). On a donc,
pour chaque élément, un maximum du produit σ n ᐉ w n ᐉ dont la
valeur décroît rapidement avec le numéro atomique, en raison de
l’augmentation de l’énergie de liaison E n ᐉ avec celui-ci. Ce maxi-
mum se situe à une énergie d’autant plus élevée que l’élément est
plus lourd. Un exemple de ce comportement est donné figure 5 pour
l’excitation des couches K et L [10].
Il est bien évident que, dans des conditions opératoires données,
Figure 3 – Variation du rendement de fluorescence wn ᐉ
on ne peut pas optimiser la détection de tous les éléments d’un
des couches K, LIII et M V en fonction des énergies de liaison En ᐉ [6]
même échantillon. Il convient donc de se centrer sur le ou les
éléments qui présentent le plus d’intérêt, en modifiant éventuel-
lement l’énergie des électrons de manière à explorer au mieux le
D’après les courbes de la figure 1, la détectabilité d’un élément domaine des éléments recherchés.
à partir de l’excitation d’une couche électronique donnée va très vite L’énergie des électrons primaires étant fixée, la détectabilité des
décroître avec le numéro atomique, sensiblement comme Z 4. Il en éléments en fonction de leur numéro atomique est donnée par le
résulte que la microanalyse par pertes d’énergie (EELS) [8] [9] sur produit σ n ᐉ ( Z ) w n ᐉ ( Z ) tiré des figures 1 et 2. Les éléments légers
la couche K est bien adaptée à la détection des éléments de petits sont difficiles à détecter en raison du très faible rendement de
numéros atomiques ( Z [ 20 ) . Il faudra recourir aux excitations sur fluorescence, de même que les éléments lourds en raison de la chute
les couches L et M pour détecter les éléments de numéros atomiques rapide de σ nᐉ ( Z ) avec le numéro atomique. La variation du produit
moyens et grands. σ n ᐉ w n ᐉ est représentée sur la figure 6 en fonction du numéro

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Spectroscopie Auger
Principes et performances en sonde fixe
par Jacques CAZAUX
Professeur émérite à l’université de Reims


1. Principe de l’effet Auger ...................................................................... P 2 620v2 – 4
1.1 Mécanisme .................................................................................................. — 4
1.2 Nomenclature des transitions ................................................................... — 4
1.3 Rendement Auger et rendement de fluorescence .................................... — 5
1.4 Cascade Auger............................................................................................. — 6
2. Instruments, spectres et performances ........................................... — 6
2.1 Instruments ................................................................................................. — 6
2.1.1 Résolution latérale et canon à électrons .......................................... — 7
2.1.2 Analyseur et profondeur d’analyse .................................................. — 8
2.1.3 Systèmes d’acquisition des spectres ................................................ — 11
2.1.4 Accessoires ........................................................................................ — 12
2.1.5 Autres instruments Auger ................................................................. — 12
2.2 Analyse détaillée des spectres Auger ....................................................... — 12
2.2.1 Modes d’acquisition ........................................................................... — 12
2.2.2 Paramètres influençant l’intensité du signal ................................... — 12
2.2.3 Fond continu et limites de détection ................................................ — 13
3. Analyse quantitative : relation entre l’intensité et la
concentration .......................................................................................... — 14
3.1 Évaluation simplifiée des concentrations ................................................. — 14
3.1.1 Soustraction du fond continu ............................................................ — 14
3.1.2 Relation intensité-concentration ...................................................... — 15
3.2 Approche plus élaborée de la quantification ........................................... — 15
3.2.1 Soustraction du fond continu ........................................................... — 15
3.2.2 Correction du coefficient de rétrodiffusion Auger ........................... — 15
3.2.3 Correction de la longueur d’atténuation .......................................... — 15
3.3 Précision des mesures ................................................................................ — 16
3.4 Films minces et incidence oblique ............................................................ — 16
4. Synthèse des performances et limites en sonde fixe ................... — 16
4.1 Performances .............................................................................................. — 16
4.2 Limites .......................................................................................................... — 16
4.2.1 Effets topographiques ....................................................................... — 17
4.2.2 Analyse des isolants .......................................................................... — 17
4.2.3 Modifications chimiques et autres effets d’irradiation .................... — 19
5. Conclusion ................................................................................................ — 19
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. P 2 622

a spectroscopie des électrons Auger (AES : « Auger electron spectroscopy »)


L induite par les électrons est une technique d’analyse des surfaces qui permet
d’identifier les éléments (sauf H et He) constituant les toutes premières couches
atomiques (quelques nanomètres) de la surface des solides avec une résolution
latérale qui peut atteindre quelques nanomètres et une limite de détection de
quelques dizaines ou moins d’atomes identiques. Son principe repose sur le
mécanisme de l’effet Auger avec l’émission d’électrons ayant des énergies ciné-
tiques caractéristiques des éléments dont ils sont issus et indépendantes de
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SPECTROSCOPIE AUGER _________________________________________________________________________________________________________________

l’énergie des particules excitatrices incidentes. Aux fins de microanalyse des sur-
faces, le processus Auger est généralement induit par un faisceau finement foca-
lisé d’électrons incidents de quelques kiloélectronvolts (5 à 25 keV) dans un
équipement spécifique ayant une structure analogue à celle d’un microscope
électronique à balayage qui serait doté de l’ultravide et équipé d’un analyseur
d’électrons. En microanalyse locale, la sonde électronique incidente est focalisée
sur le détail à analyser et le spectre des électrons, émis entre 50 eV et 2,5 keV est
acquis. La position énergétique des raies Auger permet de déterminer la nature
des éléments constituants et la mesure de l’intensité des raies permet, elle,
d’accéder à leur concentration (dosage ou quantification). La précision sur les
concentrations peut atteindre 5 % at/at, notamment quand les protocoles suggé-

R rés par des normes ISO (qui résultent d’une coopération internationale, le pro-
gramme VAMAS) sont suivies.
Les limites de la technique sont liées aux effets perturbateurs du faisceau élec-
tronique incident qui rendent sa mise en œuvre délicate sur des matériaux iso-
lants (effets de charge) et sur les matériaux fragiles comme par exemple les
polymères (effets thermiques).
Détaillés dans le dossier suivant [P 2 621v2], les développements de la
technique concernent la possibilité d’acquérir des cartographies x, y de la
répartition des éléments superficiels (en mode balayage de la sonde inci-
dente) ou des profils en profondeur de ces mêmes éléments (en mode sonde
fixe combiné à une érosion ionique). Ses performances conduisent à des
applications privilégiées concernant les industries de la microélectronique
(analyse et contrôle des circuits à haute intégration), de la métallurgie (pour
la composition des joints de grains), de la mécanique et des traitements de
surface, voire de la catalyse (pour l’analyse ponctuelle de catalyseurs disper-
sés) ainsi que dans les laboratoires de recherche et d’application des multi-
couches métalliques, en attendant son développement prévisible dans les
différents domaines des nanotechnologies.
(0)

Notations et symboles

Symbole Unité Définition


a rendement Auger
Ax niveau x de l’atome A
c* at/at concentration atomique apparente
cA, cB at/at concentration atomique en élément A, en élément B
cm at/at concentration minimale détectable
Cm sensibilité
0
d m taille de sonde incidente
E J énergie
E0 J énergie primaire des électrons incidents
EC J énergie cinétique
EL, EX, J énergie de liaison
EY, EZ
F C ⋅ m–2 fluence
h J⋅s constante de Planck (h = 6,62 ⋅ 10–34 J ⋅ s)
h m épaisseur de l’échantillon
i rad angle d’incidence
IA A intensité du signal Auger
I0 A intensité du courant primaire

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________________________________________________________________________________________________________________ SPECTROSCOPIE AUGER

Notations et symboles (suite)

Symbole Unité Définition


–2
J A⋅m densité de courant
ᐉ m libre parcours moyen inélastique (IMFP)
N A0 densité atomique de l’élément pur A
Nm nombre minimal d’atomes détectables
q C charge élémentaire (q = –1,6 ⋅ 10–19 C)


Q C charge
R, r coefficient de rétrodiffusion Auger
RP m pénétration maximale des particules incidentes
rmax m profondeur maximale d’échappement
des électrons secondaires
S m2 surface irradiée
tirr s durée d’irradiation
T transmission énergétique et angulaire de l’analyseur
V V tension
Vess m3 volume d’échantillon d’où provient l’essentiel du signal
VS V potentiel de surface
w m dimensions de la source
z m profondeur
Z numéro atomique
α rad demi-angle d’émission maximal des électrons entrants
α paramètre Auger
δ rendement d’émission secondaire
ε F ⋅ m–1 permittivité
λ m longueur d’atténuation
ν Hz fréquence
σ (Ax, E 0) barn section efficace d’ionisation (1 barn = 10–24 cm2)
τ s durée d’acquisition par canal
η rendement de rétrodiffusion des électrons primaires
θ rad angle d’émission, de détection
ω rendement de fluorescence
Indices
A∞ élément A pur
A/A élément A pur
A/AB élément A dans un alliage binaire AB
Exposants
A Auger
C chargé

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SPECTROSCOPIE AUGER _________________________________________________________________________________________________________________

1. Principe de l’effet Auger Aperçu historique

Dans les années 1923-1925, Pierre Auger (1899-1993) a décou-


vert l’effet qui porte son nom à l’aide du dispositif expérimental
1.1 Mécanisme schématisé sur la figure 1, ce qui lui permit d’obtenir de nom-
breux clichés photographiques tels que celui schématisé sur la
figure 2 [1] [2]. Dans ce dispositif, des atomes de gaz rares (Ar,
Le mécanisme de l’effet Auger concerne tous les corps quel- Kr, Xe) successivement dilués dans de l’hydrogène moléculaire
que soit leur état, solide, liquide ou gazeux (sauf H et He), et il sont irradiés par un pinceau de rayons X et les trajectoires des
peut être provoqué par n’importe quel type de particule inci- électrons résultant de l’interaction entre un photon X et un
dente, ion, électron, positron ou photon X, dès lors que l’énergie atome sont visualisées dans une chambre de Wilson et photo-
graphiées. Pierre Auger observe que l’éjection de photoélec-


de la particule est suffisante pour arracher un électron atomique.
trons est souvent (mais non systématiquement) accompagnée
de l’émission d’un ou de plusieurs autres électrons et il bapti-
sera le phénomène « effets tertiaire (et quaternaire) » ou « effet
photoélectrique composé ». Il observe ensuite que le change-
Appareils ment de l’énergie des photons X incidents n’affecte que l’éner-
photographiques gie des photoélectrons mais non celle des électrons
supplémentaires alors que, pour une énergie donnée des pho-
tons X, l’énergie des électrons supplémentaires change avec le
numéro atomique des atomes cibles. En évaluant la fraction
d’atomes étant le siège de l’effet composé par rapport au nom-
bre total d’atomes sièges de l’effet photoélectrique, il obtiendra
aussi, et pour la première fois, une estimation très correcte du
rendement Auger a et de son complément à l’unité, le rende-
ment de fluorescence ω. L’ensemble de son étude lui permettra
Source X
de jeter les bases théoriques des phénomènes qu’il a observés.
Cette découverte, pour fondamentale qu’elle fut, n’a pas été
Chambre de immédiatement suivie d’applications pratiques en analyse des
condensation surfaces car la sensibilité superficielle de la méthode n’aurait
permis d’analyser que les couches de contamination des échan-
tillons. Il a fallu attendre la fin des années 1960 pour que la maî-
trise de l’ultravide permette de la mettre en œuvre, d’abord dans
des appareils de diffraction d’électrons lents puis dans des ins-
Lampes à étincelles
truments spécifiques.

Un faisceau de rayons X ionise les atomes d’un gaz rare contenu dans la Un faisceau de particules incidentes (électrons, rayons X ou ions)
chambre de Wilson. éjecte un électron atomique initialement lié (énergie de liaison EX).
La lacune électronique initiale est comblée par un électron moins lié
Figure 1 – Dispositif expérimental utilisé par Pierre Auger (d’après [2]) d’un niveau électronique supérieur (énergie de liaison EY) et l’éner-
gie récupérée est spontanément (10–15 s) communiquée à un troi-
sième électron (énergie de liaison EZ avant l’éjection), l’électron
Auger, qui peut s’échapper de son atome initial avec une énergie
Xe (1 %) ; H2 (99 %) cinétique, EC, sensiblement donnée par :

EC ≈ EX – EY – EZ (1)

L’effet Auger est donc un effet non radiatif (émission d’un élec-
tron) impliquant trois niveaux électroniques qui, dès lors que la
6 lacune électronique est créée, entre en compétition avec l’émission
hν 1 5 2 4 3
(radiative) d’un photon X n’impliquant que deux niveaux électroni-
ques et dont l’énergie hν serait donnée par :

h ν = EX – EY (2)

1.2 Nomenclature des transitions


photoélectrons
électrons Auger
Les atomes 1, 2 et 3 émettent simultanément un photoélectron et un En spectroscopie Auger, les symboles utilisés pour designer un
électron Auger. L´atome 6 est sujet à une cascade Auger multiple ; électron Auger incluent le symbole chimique de l’atome concerné
les atomes 4 et 5 n´émettent pas d´électrons Auger (fluorescence X). suivi de la représentation des trois niveaux et sous-niveaux
Le changement d´énergie des rayons X incidents ne modifie pas électroniques impliqués dans le mécanisme.
l´énergie (longueur de la trajectoire) des électrons Auger alors
qu´elle modifie celle des photoélectrons. À l´inverse, la longueur des Pour le nombre quantique n, on utilise une notation inspirée de
trajectoires Auger change quand on change la nature du gaz : Kr au l’émission X, soit successivement : K pour n = 1, L pour n = 2, M
lieu de Xe, par exemple. pour n = 3. Ce nombre est suivi en indice des notations 1, 2, 3 (ou I,
II, III) dans l’ordre décroissant des énergies de liaison pour distin-
Figure 2 – Représentation schématique d’une photographie guer les différents nombres quantiques orbitaux [P 2 625] [P 2 626]
des trajectoires des photoélectrons et électrons Auger [P 2 655] [P 3 795].

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Spectroscopie Auger
Imagerie et profil en z. Applications
par Jacques CAZAUX
Professeur émérite à l’université de Reims


1. Cartographie et analyse en profondeur ........................................... P 2 621v2 – 2
1.1 Microscopie Auger ..................................................................................... — 2
1.2 Exploration de la troisième dimension ..................................................... — 2
1.3 Analyse et traitement des profils et des images ...................................... — 4
2. Applications de la spectromicroscopie Auger ............................... — 5
2.1 Quelques exemples .................................................................................... — 5
2.2 Activités industrielles directement concernées ....................................... — 7
2.2.1 Métallurgie, matériaux, traitements de surface .............................. — 7
2.2.2 Microélectronique ............................................................................. — 8
2.2.3 Catalyse .............................................................................................. — 9
2.3 Répercussions sur la production de biens d’équipement et sur
la société ..................................................................................................... — 9
2.4 Autres indicateurs du développement ..................................................... — 9
3. Spécificité et perspectives de la spectromicroscopie Auger .... — 10
3.1 Comparaison avec les autres techniques ................................................. — 10
3.2 Domaines d’excellence et perspectives : les nanotechnologies ............ — 11
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. P 2 622

près avoir acquis un spectre Auger en sonde fixe (voir [P 2 620v2]), la carto-
A graphie d’un élément s’obtient aisément en mesurant l’évolution de l’inten-
sité de la raie Auger correspondante au cours du balayage de la surface de
l’échantillon par la sonde électronique incidente, alors que le profil en profon-
deur s’obtient, en sonde fixe, en suivant cette même évolution au cours de l’éro-
sion ionique de la surface.
Avec la spectroscopie des photoélectrons X (XPS : « X-ray photoelectron
spectroscopy » ou ESCA : « electron spectroscopy for chemical analysis ») et la
spectroscopie de masse des ions secondaires (SIMS), la spectromicroscopie
Auger induite par des électrons (association de la spectroscopie, généralement
désignée par l’acronyme e– AES pour « electron-induced Auger electron
spectroscopy », et de la microscopie Auger, généralement désignée par SAM
pour « scanning Auger electron microscopy ») est l’une des trois techniques pri-
vilégiées pour l’analyse élémentaire des surfaces et des interfaces.
Combiné à sa grande sensibilité superficielle, son caractère spécifique réside
d’abord dans son excellente résolution latérale qui lui permet d’analyser des
objets de taille micrométrique, voire nanométrique. Outre les perspectives
d’application dans les différents domaines des nanotechnologies, ses applica-
tions privilégiées concernent les industries de la microélectronique (analyse et
contrôle des circuits à haute intégration), de la métallurgie (pour la composition
des joints de grains), de la mécanique et des traitements de surface, voire de la
catalyse (pour l’analyse ponctuelle de catalyseurs dispersés) ainsi que dans les
laboratoires de recherche et d’application des multicouches métalliques.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPPW

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SPECTROSCOPIE AUGER _________________________________________________________________________________________________________________

1. Cartographie et analyse des éléments correspondants. On peut soit simplement soustraire


automatiquement le fond continu du pic pour chaque pixel, soit redi-
en profondeur viser ensuite le signal obtenu par le fond continu pour minimiser les
effets topographiques. Les images caractéristiques peuvent alors
être assez rapidement acquises et elles peuvent apporter une
réponse pertinente au problème technologique posé, même avec un
1.1 Microscopie Auger nombre significatif de niveaux de gris assez restreint.
Les figures 1 et 2 illustrent ce propos. Ainsi, l’image caractéris-
tique du cuivre de la figure 1 a été obtenue en une minute et permet
L’acquisition d’une image en électrons secondaires de la surface néanmoins de voir que le dépôt de cuivre sur un grenat fritté est loin
de l’échantillon par microscopie électronique à balayage (MEB) est d’être uniforme puisque le cuivre décore les joints de grains du gre-
un préalable à toute analyse Auger car cette acquisition permet de nat d’yttrium tout en s’accumulant sur certains grains.


sélectionner la zone d’intérêt pour y pratiquer ultérieurement une
analyse ponctuelle. L’acquisition d’un spectre local peut être prolon- Obtenue sur la coupe FIB (focus ion beam, faisceau d’ions foca-
gée par la cartographie xy (ou un profil le long d’une direction privi- lisé) d’un circuit électronique intégré et avec des temps d’acquisition
légiée x) d’un ou de plusieurs éléments donnés en mesurant, au relativement courts, la figure 2 montre des images caractéristiques
cours du balayage de la sonde incidente, l’évolution de l’intensité de la structure complexe de ce circuit avec une excellente résolution
des raies Auger correspondantes. La démarche est donc similaire à latérale qui permet en particulier de visualiser la continuité de la
celle relative à l’acquisition d’une image en microscopie électro- couche de molybdène de 50 nm d’épaisseur.
nique à balayage en substituant la détection des électrons secondai-
res par la détection d’un ou de plusieurs signaux, correspondant
chacun à un intervalle énergétique présélectionné du spectre Auger
délivré par l’analyseur (raie Auger ou fond continu en aval de cette 1.2 Exploration de la troisième dimension
raie). En fait, l’idéal serait d’acquérir un spectre haute résolution
énergétique pour chaque point image de façon à obtenir finalement
des spectres images à trois dimensions (x, y, EC), (comme en spec- Le nettoyage léger de la surface est souvent un préalable indis-
troscopie de perte d’énergie des électrons en transmission sur des pensable à l’analyse Auger d’échantillons industriels pour les débar-
films minces ou electron energy less spectroscopy : EELS) afin de rasser des couches de contamination susceptibles de les recouvrir.
développer ultérieurement les procédures de quantification décrites Ce nettoyage s’effectue le plus souvent à l’aide de faisceaux d’ions
dans [P 2 620v2] (§ 3) : soustraction du fond continu et correction de basse énergie (∼2 keV) qui irradient la surface pendant la rotation
des effets de matrice. Une telle acquisition est possible en EELS car azimutale de l’objet. Cette rotation permet d’homogénéiser le
la mise en œuvre de barrettes de détecteurs permet l’acquisition nettoyage ; les ions Ar+ sont quasiment systématiquement utilisés
simultanée de la totalité du spectre. En microscopie Auger, faute sauf quand on recherche la présence de cet élément dans la cible.
d’une détection totalement parallèle, un tel objectif imposerait des Depuis assez longtemps, une telle érosion ionique de l’échantillon
temps d’acquisition prohibitifs, dans le cas d’un détecteur unique, a été combinée à l’analyse Auger simultanée de couches initiale-
pour l’acquisition à haute résolution énergétique d’un spectre image ment enterrées et qui, en devenant superficielles, deviennent acces-
complet de 64 × 64 pixels car si l’acquisition d’un tel spectre ponc- sibles à l’analyse. En particulier, cette démarche permet d’étudier
tuel prend une minute, l’acquisition de 64 × 64 spectres prendrait l’évolution des profils de diffusion des divers éléments d’un échan-
presque 3 jours. Le nombre plus réduit de détecteurs impose donc tillon ayant fait l’objet d’un traitement de surface comme, par exem-
de caler l’analyseur successivement (ou simultanément dans le cas ple, l’acquisition de profils en profondeur z du chrome dans un acier
d’une détection partiellement parallèle) sur chacune des raies Auger que l’on a rendu inoxydable puis l’étude des perturbations de ce
caractéristiques des éléments que l’on souhaite cartographier et sur profil induites par divers traitements thermiques (§ 2.1). Quand les
une fenêtre du fond continu située après (côté des énergies ciné- paramètres de l’irradiation ionique sont maîtrisés (énergie et den-
tiques plus élevées) chaque raie. sité des ions sur la cible, nature de la cible) et que la cible est latéra-
Ainsi, en prenant des fenêtres énergétiques assez larges, l’acqui- lement homogène, le calcul de la vitesse d’érosion permet, via le
sition des variations des intensités des pics (signal + fond continu taux de pulvérisation, de transformer l’échelle du temps d’érosion
sous le signal) et des fonds continus (en aval des pics) en synchro- en échelle de profondeur et ainsi de convertir les intensités Auger en
nisme avec le balayage permet d’obtenir les cartographies Auger fonction du temps en profil de concentration en fonction de z.

a électrons secondaires (512 × 512 pixels) b image Auger (128 × 128 pixels) c image Auger (128 × 128 pixels) de
du cuivre Cu (LMM) à 920 eV l´yttrium Y (LMM) à 1 748 eV

Figure 1 – Cartographie Auger d’un grenat fritté Y3 – x Cux Fe5O12 montrant la décoration des joints de grains par le cuivre (E0 = 15 keV, ⌱ 0 = 8 nA,
instrument PHI 680, acquisition de chaque image Auger en une minute, soit 4 ms/pixel) (d’après F. Wyczisk, Thales TRT, Palaiseau)

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________________________________________________________________________________________________________________ SPECTROSCOPIE AUGER

Au
Mo


a image en électrons secondaires b Au (MNN) à 2 024 eV, tacq = 1,64 min c Mo (MNN) à 190 eV, tacq = 4,64 min

Ga N
Si

d Ga (LMM) à 1 070 eV, tacq = 1,37 min e N (KLL) à 385 eV, tacq = 4,1 min f Si (KLL) à 1 620 eV, tacq = 2,46 min

Au
Mo

Ga
500 nm 100 nm
200 nm
g synthèse des images en
fausses couleurs
L´image en électrons secondaires a illustre la netteté de la coupe et l´image de Mo c montre
qu´une couche de 50 nm est parfaitement détectable.

Figure 2 – Imagerie Auger (x, y) de la structure Au (200 nm)/Mo (50 nm)/GaN d’un composant électronique (128 × 128 pixels, E0 = 20 keV, ⌱ = 6 nA,
i = 30°) dont la tranche a été obtenue par la mise en œuvre d’un faisceau d’ions Ga+ (FIB : 30 keV, incidence normale) (d’après F. Wyczisk, Thales TRT,
Palaiseau)

Bien que susceptible d’artéfacts (redéposition des ions et mélange


Intensité des espèces), la méthode a été perfectionnée au point qu’elle est
désormais applicable aux matériaux de haute technologie comme
des multicouches magnétiques/non magnétiques dont l’épaisseur de
Cr Ga
chaque couche peut être inférieure au nanomètre sans que les interfa-
ces abruptes ne soient sensiblement affectées par l’érosion. La
figure 3 illustre de telles applications pour un objet multicouche Fe/Cr
[39]. Par rapport à la spectrométrie de masse des ions secondaires
(SIMS), l’intérêt de combiner érosion ionique et analyse Auger est
As que l’évaluation des concentrations est beaucoup plus précise en
spectroscopie Auger qu’en SIMS parce que cette dernière souffre de
la très grande incertitude sur les rendements d’ionisation, celui d’un
métal pur pouvant être d’un à deux ordres de grandeur plus faible
que celui du même métal dans son oxyde [P 2 618].
Fe
Dans le domaine de l’analyse en profondeur, le développement
récent le plus spectaculaire concerne la mise au point de canons
à ions à effet de champ (FIB) dont la sonde, au déplacement piloté
Temps par ordinateur, a une taille ultime qui est inférieure à 10 nm. Ces
canons, qui utilisent des ions Ga+ sous 30 keV et quelques
Figure 3 – Profil Auger en profondeur : acquisition pendant l’érosion picoampères, sont de véritables scalpels qui permettent d’obtenir
ionique d’une multicouche composée de cinq couches des lames minces d’échantillons pour la microscopie électro-
de Fe (3 nm)/Cr (3 nm) sur substrat de GaAs (d’après [39]) nique en transmission (MET) et qui, ici, permettent de dégager

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SPECTROSCOPIE AUGER _________________________________________________________________________________________________________________

I
O (KLL)

0
0,5 nm
γ

z’ z
Figure 4 – Profil Auger en profondeur le long


z d’un biseau obtenu par FIB sur un système
Si/SiO2 (0,5 nm)/Si (d’après [40])

une petite cavité pour analyser ponctuellement ou cartographier


toute partie intéressante de l’échantillon qui était initialement
enterrée. Image 2 (B) IB
IB⬁ ∆
Cet outil permet aussi d’obtenir des sections droites de l’échan- IB (x0, y0)
tillon pour y effectuer des cartographies Auger (x, z) avec une net- D
teté de coupe qui est illustrée sur la figure 2a. Enfin, illustrée sur la
figure 4, une érosion contrôlée permet d’obtenir des biseaux de
pente γ très faible de telle manière qu’une analyse ligne en z’ le long
du biseau corresponde à une analyse en profondeur z de très faible
amplitude car z’ = z/cosγ, ce qui a permis de révéler une couche de
SiO2 de 0,5 nm d’épaisseur enterrée dans une matrice de Si [40].
IA (x0, y0)
Il est évident que de telles performances ne vont pas sans risque
d’artéfact. Une légère couche de gallium à la surface peut s’oxyder
et se mettre en clusters ; aussi convient-il de passer à l’analyse C
IA
Auger le plus rapidement possible après l’utilisation du FIB. De trop
fortes densités de courant ionique peuvent provoquer le dégazage Image 1 (A) IA⬁
de l’échantillon et un cracking de molécules à base de carbone
conduisant à un dépôt de carbone, d’où la nécessité de nettoyer la
surface avec des ions Ar+. Enfin, les matériaux morphologiquement
très hétérogènes peuvent faire l’objet de pulvérisations très sélec-
tives.

Le choix de la nature et de l’énergie des ions [41] et les proto-


coles pour mettre en œuvre ces techniques d’érosion Pour la même zone imagée, le diagramme de dispersion (à droite)
(ISO 14606:2000) permettent de minimiser les artéfacts. Ainsi, est construit à partir des images caractéristiques de deux éléments A
l’érosion ionique contrôlée, en permettant l’exploration en pro- et B (à gauche), en symbolisant les intensités caractéristiques de
fondeur de l’échantillon, donne une nouvelle dimension et de chaque pixel (tel le pixel de coordonnées x0, y0) par un point de
coordonnées (IA, IB).
nouvelles perspectives à l’analyse Auger, antérieurement limi-
Pour un alliage binaire, tous les points du diagramme doivent être
tée à l’analyse des surfaces.
distribués le long de la droite reliant IA∞ à IB∞ aux écarts statistiques
près D. Chaque phase définie Ax B1 – x est donc symbolisée par un
nuage de points sur cette droite et sa position permet de déterminer
x. Les nuages de points en dehors de cette droite résultent d´artéfacts
1.3 Analyse et traitement des profils (topographiques pour le nuage D) ou permettent de suspecter la
et des images présence éventuelle d´un troisième élément (nuage C).
La démarche inverse consiste à renvoyer chaque nuage de points
dans l´espace initial (x, y) (en bas à droite) pour localiser
spatialement les différentes phases.
Les méthodes de traitement d’un spectre ayant été évoquées dans
[P 2 620v2] (§ 2.1.3), ne seront abordées ici que deux méthodes :
l’analyse factorielle et les diagrammes de dispersion, qui concer-
Figure 5 – Principe des diagrammes de dispersion
nent un peu plus spécifiquement l’analyse de série de spectres ou
de plusieurs images Auger caractéristiques.
■ La figure 5 illustre le principe des diagrammes de dispersion
dans le cas simple d’un matériau binaire AB. Ces diagrammes sont (nombre de pixels du nuage correspondant par rapport au nombre
applicables à l’analyse des images caractéristiques prises simulta- total de pixels. La méthode permet en outre d’évaluer les incertitu-
nément (même zone imagée) et relatives aux intensités IA et IB de des statistiques des signaux et de mettre en évidence certains
chacun des deux éléments A et B (de préférence après soustraction artéfacts.
du fond continu). Ils sont construits en symbolisant les intensités
caractéristiques de chacun des pixels des images initiales par un La figure 6 illustre une application de cette méthode à l’identifica-
point de coordonnées (IA, IB) dans le diagramme de dispersion. Le tion de différentes particules dans une céramique de SiC α [42]. Elle
simple examen de tels diagrammes permet de déduire le nombre a été ensuite largement généralisée toujours pour la microscopie
de phases définies Ax B1 – x constituant la surface puis de quantifier Auger [43], bien qu’elle soit transposable à l’analyse d’autres ima-
ces phases en terme de composition x et de surface relative ges caractéristiques comme celles obtenues en spectrométrie

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Spectrométries de pertes d’énergie


des électrons dans les solides

par Paul A. THIRY


Docteur ès Sciences
Chef de Travaux aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, à Namur (Belgique)

Roland CAUDANO
Docteur ès Sciences
Directeur du Laboratoire Interdisciplinaire de Spectroscopie Électronique (LISE)
Professeur ordinaire aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix,
à Namur (Belgique)
et Jean-Jacques PIREAUX
Docteur ès Sciences
Chargé de cours aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, à Namur (Belgique)

1. Principe de la mesure et caractéristiques ........................................ PE 2 635 - 2


2. Spectrométrie de pertes d’énergie des électrons (EELS) ............. — 5
2.1 Principe de la mesure et description des spectromètres ......................... — 5
2.2 Enregistrement et traitement des données ............................................... — 7
2.3 Interprétation des spectres ......................................................................... — 7
2.4 Considérations expérimentales.................................................................. — 10
3. Spectrométrie de pertes d’énergie des électrons à haute
résolution (HREELS)................................................................................. — 10
3.1 Principe de la mesure et description des spectromètres ......................... — 10
3.2 Environnement de la mesure ..................................................................... — 13
3.3 Enregistrement et traitement des données ............................................... — 13
3.4 Aspects opérationnels................................................................................. — 15
4. Mécanismes d’interaction responsables des pertes d’énergie
des électrons ............................................................................................. — 15
4.1 Diffusion dipolaire ....................................................................................... — 16
4.2 Diffusion par impact .................................................................................... — 18
5. Applications de la spectrométrie de pertes d’énergie
des électrons à haute résolution ................................................ — 19
5.1 Caractérisation d’un matériau nouveau : le carbone 60........................... — 20
5.2 Formation d’une interface polymère-métal............................................... — 21
6. Conclusion ................................................................................................. — 21
Références bibliographiques ......................................................................... Doc. PE 2 635

uand un électron d’un faisceau incident extérieur de moyenne ou basse


Q énergie entre en contact avec de la matière condensée, il peut interagir avec
celle-ci de deux façons, en cédant de l’énergie au réseau des ions ou aux élec-
trons. Les spectres de pertes d’énergie des électrons rétrodiffusés (ou éventuel-
lement transmis) par une cible solide révèlent des structures caractéristiques
liées à l’excitation de phénomènes collectifs ou individuels.
L’énergie du faisceau des électrons incidents (de quelques eV à quelques cen-
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@QYYU

taines d’eV) est choisie de façon à rendre maximale la section efficace de l’inter-

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SPECTROMÉTRIES DE PERTES D’ÉNERGIE DES ÉLECTRONS DANS LES SOLIDES ____________________________________________________________________

action avec le phénomène que l’on désire mettre en évidence. On peut établir
que les électrons incidents doivent avoir au moins trois à quatre fois l’énergie
des pertes caractéristiques pour avoir une probabilité raisonnable de les exciter.
Ces énergies correspondent à des libres parcours moyens électroniques relati-
vement courts (de l’ordre de quelques nanomètres au maximum), c’est dire que
les spectrométries de pertes d’énergie des électrons doivent être considérées
comme des techniques spécifiques d’analyse de surface des matériaux.
Les méthodes décrites ici sont non destructives : elles permettent l’identifica-
tion de composés ou d’éléments chimiques présents à la surface d’un échan-
tillon, principalement au moyen de leur signature vibrationnelle, mais
également par leurs autres excitations électroniques caractéristiques : plasmons

R et transitions interbandes. Ces informations sont essentiellement qualitatives,


mais en étalonnant à l’aide d’autres techniques, on a pu établir que, dans le cas
du monoxyde de carbone adsorbé sur un métal, la limite de détection est infé-
rieure à 0,001 monocouche (1 monocouche correspond à une densité d’environ
1014 atomes par cm2 de surface).
Contrairement aux autres spectrométries électroniques, la spectrométrie de
pertes d’énergie des électrons à haute résolution est très sensible aux éléments
légers et en particulier à l’hydrogène. L’analyse d’échantillons isolants est possi-
ble en spectrométrie HREELS, moyennant l’utilisation d’un canon à électrons de
neutralisation. Cette spectrométrie permet la détermination quantitative des
constantes diélectriques et élastiques de surface des échantillons, à partir de
l’observation respective de phonons optiques et acoustiques de surface.

1. Principe de la mesure En revanche, la mesure des pertes d’énergie mises en jeu lors de
l’excitation de vibrations nécessite, en plus, l’utilisation d’un mono-
et caractéristiques chromateur d’électrons : on parle dans ce cas de spectrométrie de
pertes d’énergie des électrons à haute résolution (en anglais
HREELS : High Resolution Electron Energy Loss Spectrometry ). La
résolution en énergie est alors de 1 à 10 meV.
Les spectres de pertes d’énergie des électrons rétrodiffusés (ou
éventuellement transmis) par une cible solide révèlent des structu- La figure 1 permet de situer ces spectrométries dans un contexte
res caractéristiques observées à E0 – Ec où E0 est l’énergie initiale plus général. La spectrométrie EELS se concentre sur les pertes
des électrons et Ec est une énergie caractéristique associée à l’exci- d’énergie caractéristiques (IV) visibles à proximité du pied du pic
tation de phénomènes collectifs ou individuels. élastique. Dans une deuxième étape d’agrandissement, la spectro-
métrie HREELS révèle, par sa haute résolution, des pics de pertes
■ Les excitations collectives sont essentiellement les vibrations du d’énergie (V) situés encore plus près du pic élastique et qui n’appa-
réseau des ions (phonons) ou les oscillations des électrons de raissaient pas préalablement.
valence (plasmons).
■ Les excitations individuelles recouvrent deux sortes de
phénomènes : vibrations de molécules, généralement adsorbées en
surface, ou de groupements moléculaires, et excitations des élec-
trons du solide. Ces dernières peuvent être de plusieurs types :
— la promotion d’un électron vers un niveau supérieur vide de sa
propre bande électronique (transition intrabande) ou d’une autre
bande (transition interbande),
— la création d’une paire électron-trou liée (exciton),
— l’émission d’un électron secondaire par ionisation d’un atome
du solide (transition vers le continuum des états non liés au solide).
Lorsqu’elles impliquent l’excitation de phénomènes périodiques,
les pertes d’énergie des électrons font intervenir un ou plusieurs
quantums d’énergie, notés " ω [où ω est la pulsation de l’oscillation
mise en jeu et " , la constante réduite de Planck (1,0546 × 10–34 J · s)].
À l’exception des phonons et vibrations de molécules dont les
énergies se trouvent dans un domaine allant de quelques meV
(1 eV = 1,6 × 10–19 J) à quelques centaines de meV, toutes les pertes
d’énergie allant de quelques eV à quelques dizaines d’eV sont acces-
sibles à la spectrométrie de pertes d’énergie des électrons (désignée
ici par ses initiales anglaises EELS : Electron Energy Loss
Spectrometry ) qui utilise un canon à électrons et un analyseur et tra- Figure 1 – Densité spectrale des énergies des électrons diffusés par
vaille avec une résolution en énergie de 0,3 à 0,5 eV. une cible bombardée par un faisceau d’électrons d’énergie E0

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PE 2 635 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation

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____________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIES DE PERTES D’ÉNERGIE DES ÉLECTRONS DANS LES SOLIDES

Notons que les spectrométries Auger et EELS se font avec des lution de l’ordre de 0,3 à 0,5 eV est largement suffisante pour mettre
énergies primaires et des résolutions en énergie comparables tan- en évidence les structures associées à ces pertes caractéristiques.
dis que la spectrométrie HREELS utilise des énergies plus faibles et Les spectromètres EELS sont identiques à ceux utilisés pour la
une haute résolution. Cela explique que, sur la figure 1, le spectre de spectrométrie des électrons Auger [32] et pour la spectrométrie de
pertes d’énergie EELS correspond rigoureusement à l’agrandisse- photoélectrons XPS ou ESCA et UPS [33]. Ce type de spectromètre
ment d’une partie du spectre des électrons Auger, tandis que la est constitué d’un analyseur dispersif et d’un canon à électrons dans
haute résolution du spectre de pertes d’énergie HREELS creuse lequel le faisceau d’électrons est produit par émission thermoélec-
l’écart entre le pic élastique et le premier pic de pertes EELS, rédui- tronique à partir d’un filament chaud. La largeur de la distribution en
sant considérablement le fond, et permet de découvrir des structu- énergie des électrons dépend de la température du filament et est
res indétectables dans le spectre EELS. donnée par la largeur à mi-hauteur de la distribution de Maxwell-
L’utilisation de faisceaux d’électrons implique que ces spectromé- Boltzmann. Cette largeur est de l’ordre de 460 meV pour un filament
tries ne peuvent être mises en œuvre que dans un environnement de tungstène thorié chauffé vers 2 100 K et de 370 meV pour un fila-
ultravide (pression < 10–6 Pa). D’autre part, la nécessité de stabiliser


ment en hexaborure de lanthane (LaB6) qui émet à partir de 1 700 K.
les surfaces des échantillons et d’éviter leur contamination pendant Les analyseurs dispersifs utilisés sont de type électrostatique. La
le temps de la mesure, exige des vides encore meilleurs (< 10–8 Pa) différence de potentiel appliquée entre les deux électrodes de l’ana-
dans le cas de surfaces réactives. lyseur (hémisphères ou cylindres) crée un champ central (analyseur
Le tableau 1 résume les principales caractéristiques des spectro- hémisphérique) ou axial (analyseur cylindrique) qui disperse les
métries de pertes d’énergie des électrons qui seront expliquées électrons en fonction de leur énergie. Seuls seront sélectionnés par
dans la suite de ce chapitre. le diaphragme de sortie de l’analyseur, et par conséquent détectés,
les électrons qui ont une énergie égale à l’énergie de passage (Ep)
dans l’analyseur, déterminée par la différence de potentiel appli-
quée entre les électrodes. Les deux analyseurs les plus répandus
Tableau 1 – Caractéristiques principales des sont l’analyseur hémisphérique et l’analyseur à miroir cylindrique
(CMA : Cylindrical Mirror Analyzer ). On en trouvera un schéma dans
spectrométries de pertes d’énergie des électrons
le chapitre consacré à la spectrométrie des électrons Auger [32], et
une description détaillée dans l’ouvrage de K.D. Sevier [1]. La réso-
Spectrométrie Spectrométrie
Caractéristiques lution en énergie ∆E, pour ces deux types d’analyseurs, est, dans
EELS HREELS
une bonne approximation, proportionnelle à l’énergie de passage
Énergie incidente Ep :
< 1 000 eV < 100 eV
(E 0 )
∆E
Intensité du courant ------- = constante (1)
0,1 µA < I0 < 100 µA 0,1 nA < I0 < 1 nA Ep
incident
Résolution ■ L’analyseur hémisphérique travaille généralement à Ep constante
en énergie (∆E ) 0,300 à 0,500 eV 1 à 10 meV
et, pour des énergies de passage suffisamment basses, la résolution
globale du spectromètre (canon et analyseur) est principalement
Monochromateur non oui
déterminée par la dispersion thermique des électrons dans le canon
Hémisphérique Hémisphérique (de 0,3 à 0,5 eV). La résolution instrumentale est déterminée par la
Analyseurs Miroir cylindrique Cylindrique à 127o largeur à mi-hauteur (FWHM) du pic élastique mesuré et, à Ep cons-
(CMA) Torique tante, elle est indépendante de l’énergie (E0) des électrons incidents.
Plasmons Vibrations Pour pouvoir travailler à Ep constante, on implante, entre la cible et
Pertes d’énergie l’analyseur hémisphérique, une lentille électrostatique destinée à
Transitions inter- moléculaires
observées bandes Phonons retarder les électrons ayant l’énergie désirée, en provenance de la
cible, jusqu’à l’énergie de passage dans l’analyseur. Le spectre de
Vide requis < 10–6 Pa de 10–6 à 10–8 Pa
pertes d’énergie est alors obtenu en faisant varier le potentiel retar-
Dans certaines avec un canon dateur imposé par cette lentille.
Échantillons isolants conditions auxiliaire
En tournant l’échantillon, on peut faire varier l’angle d’incidence
Résolution spatiale 50 µm 1 mm des électrons provenant du canon et, de cette façon, changer leur
profondeur de pénétration dans la cible. Des mesures en incidence
Limite de détection > 0,01 monocouche 0,001 monocouche
rasante limitent la pénétration des électrons et mettent en valeur les
pertes d’énergie en surface, tandis que des mesures en incidence
normale favorisent l’observation de pertes d’énergie en volume. Les
lentilles électrostatiques des spectromètres hémisphériques ont un
2. Spectrométrie de pertes angle d’acceptance relativement faible, de l’ordre de quelques
degrés, et permettent, en tournant l’échantillon ou l’analyseur,
d’énergie des électrons d’effectuer des mesures de pertes d’énergie résolues en angle. De
(EELS) telles mesures fournissent en plus de la perte d’énergie de l’élec-
tron, des informations sur le transfert de quantité de mouvement
entre l’électron et la cible.
■ Les analyseurs à miroir cylindrique (CMA) sont parfois utilisés en
2.1 Principe de la mesure et description tandem pour augmenter leur résolution. À part quelques excep-
des spectromètres tions, ils ne sont pas équipés d’une grille électrostatique retardatrice
et les électrons d’énergie différente sont mesurés en faisant varier
l’énergie de passage dans l’analyseur. La résolution en énergie (1) et
La spectrométrie de pertes d’énergie des électrons (EELS) mesure la transmission ne sont donc plus constantes dans tout le domaine
des excitations électroniques dans un domaine de 1 à 100 eV résul- analysé et c’est la raison pour laquelle, pour caractériser la précision
tant en création de plasmons, ou de transitions électroniques. Étant des mesures effectuées avec un CMA, on utilise plutôt le rapport ∆E/
donné le domaine d’énergie dans lequel elle travaille, elle ne néces- E (pouvoir de résolution) qui est déterminé expérimentalement à
site pas une haute résolution en énergie : on considère qu’une réso-

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Microsonde nucléaire
Principe et appareillage
par Pascal BERGER
Docteur ès sciences


Directeur adjoint du laboratoire Pierre-Süe (CEA/CNRS)
et Gilles REVEL
Docteur ès sciences
Directeur de recherche émérite au laboratoire Pierre-Süe (CEA/CNRS)

1. Principales interactions utilisées ........................................................ P 2 563v2 — 2


1.1 Interactions ions-matière ............................................................................ — 2
1.2 Émission X induite par des particules chargées ....................................... — 3
1.3 Méthodes par diffusion élastique............................................................... — 5
1.4 Observation directe des réactions nucléaires ........................................... — 8
1.5 Méthodes non analytiques utilisables avec une microsonde nucléaire . — 11
2. Appareillage .............................................................................................. — 13
2.1 Accélérateur ................................................................................................. — 14
2.2 Lignes de faisceau ....................................................................................... — 14
2.3 Système de focalisation et de balayage .................................................... — 14
2.4 Chambre d’analyse...................................................................................... — 15
2.5 Électronique de pilotage et de mesure ...................................................... — 16
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 564

es émissions de particules ou de rayonnement qui accompagnent la péné-


L tration des ions légers dans la matière, à une énergie incidente de l’ordre de
quelques mégaélectronvolts, ont donné lieu à plusieurs méthodes de dosage
élémentaire. Ces méthodes sont souvent utilisées pour des analyses de surface
ou de couches minces. La focalisation de ces faisceaux de particules à l’échelle
du micromètre sur les échantillons a conduit à la réalisation d’une génération
d’instruments appelés microsondes nucléaires. La première a fait son apparition
en Angleterre en 1969 [1]. Depuis, une soixantaine d’appareils de ce type ont été
développés dans le monde, principalement dans les pays à technologie
avancée : Europe, États-Unis, Japon, Australie... Les mises en service de
nouvelles installations dotées d’accélérateurs de dernière génération attes-
tent de la vitalité de ce domaine. Désormais, les tailles de faisceau atteignent
quelques centaines de nanomètres, voire moins pour les applications en courant
faible.
Une microsonde nucléaire peut être considérée comme un moyen d’analyse
élémentaire, de caractérisation structurale ou bien comme un outil de dépôt
local d’énergie ou de charges. Ces multiples visages reflètent les possibilités
exemplaires offertes par les microfaisceaux d’ions de haute énergie. Grâce au
choix des caractéristiques du faisceau (nature et énergie des ions), l’expérimen-
tateur peut maîtriser la mise en œuvre de l’interaction. Il est ainsi possible
d’atteindre une localisation latérale très fine, directement liée à la taille du fais-
ceau, et d’accéder à la microrépartition des éléments dans les trois dimensions.
Dans une deuxième partie [P 2 564], les applications des microsondes nuclé-
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPPU

aires sont exposées.

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MICROSONDE NUCLÉAIRE _______________________________________________________________________________________________________________

1. Principales interactions Réactions


utilisées nucléaires
(γ, n, p, α…)

Diffusion
élastique
1.1 Interactions ions-matière
Rétrodiffusion
élastique Cible
L’analyse à la microsonde nucléaire fait appel aux mêmes ions Projectiles
incidents (principalement protons, deutons et hélions 3 et 4) et aux (p, d, 3He…) ralentis*
mêmes détections que l’analyse avec des faisceaux de particules Recul


chargées de taille classique tels que pour l’émission X induite par élastique
particules chargées [P 2 557] [P2 558] et pour les collisions élas-
tiques et les réactions nucléaires [P 2 560] [P 2 561]. Toutefois, la
microsonde nucléaire apporte des possibilités de localisation laté-
rale plus fine, directement liées à la taille du faisceau ; elle permet
ainsi d’accéder à la répartition quantitative des éléments dans les
Réactions
trois dimensions à l’échelle micrométrique. Elle apporte aussi des atomiques
contraintes supplémentaires dues aux fortes densités locales de (e–, X…)
particules incidentes qu’il faut générer et imposer aux échantillons
pour obtenir un signal exploitable. Cette possibilité de déposer loca- * Microscopie par perte d'énergie
lement de l’énergie ou des charges est également exploitable pour
des applications non analytiques. Figure 1 – Principales interactions exploitables à des fins
analytiques dans une microsonde nucléaire
Lorsqu’un faisceau de particules chargées pénètre dans la
matière, différentes interactions peuvent se produire. Leur nature
dépend de l’énergie incidente des ions. Pour des énergies de l’ordre
de 1 MeV, ces interactions sont à l’échelle de l’atome, elles sont élec-
troniques et nucléaires. La figure 1 schématise les principales
d’entre elles qui se prêtent à l’analyse dans ce domaine d’énergie. lg (– dE )
dx
Dans le domaine d’énergie des microsondes nucléaires (0,5 à Pouvoir d'arrêt ~ √E
quelques mégaélectronvolts), l’interaction avec les atomes de la Zone 3 Zone 2
cible est principalement d’origine électronique. Les ions cèdent pro-
Interaction
gressivement leur énergie aux électrons de ces atomes, provoquant électronique Pouvoir d'arrêt ~
1
ainsi une forte ionisation. Compte tenu des différences des rapports E
de masse ions/électrons, les ions incidents sont très peu déviés et
Zone 1
leur trajectoire demeure rectiligne. La réorganisation des atomes de Interaction Relativiste
la cible se fait par émission de rayons X et d’électrons Auger. En fin nucléaire
de parcours, les ions interagissent fortement avec les noyaux, ils
subissent alors des chocs successifs et leur trajectoire est profondé-
ment modifiée. Le parcours R des ions dans la matière est donc
limité par ces deux types d’interaction et l’épaisseur maximale de ≈ 1 keV/uma ≈ 1 MeV/ uma lg E
l’échantillon concernée par l’irradiation est déterminée par la
somme des interactions électroniques et nucléaires qui déterminent ≈ 40 MeV/uma
le pouvoir d’arrêt (figure 2) :
uma : unité de masse atomique
dE dE dE
------- =  ------- +  ------- (1) Figure 2 – Représentation schématique du pouvoir d’arrêt
dx  dx électronique  dx nucléaire
en fonction de l’énergie
avec E énergie de la particule,
x épaisseur traversée.
Lorsque l’ion est ralenti, son énergie plus basse lui permet de
Le parcours de l’ion est donné par : récupérer ses électrons les plus profonds. Sa charge diminue et le
pouvoir d’arrêt électronique devient proportionnel à sa vitesse, soit
0 1 à la racine carrée de son énergie. Il est alors concurrencé par le pou-
R =
∫E
------------- dE
dE
 -------
(2) voir d’arrêt dû aux collisions ions-atomes qui se produisent en cas-
cade en fin de parcours. Ces collisions s’accompagnent de forts
 dx transferts de quantité de mouvement, de brusques changements de
direction des ions incidents et de la création de nombreux défauts
Aux énergies les plus élevées, l’interaction est essentiellement dans le matériau irradié. Il est à noter que ces effets interviennent à
électronique et le pouvoir d’arrêt varie en 1/E. Pour ces énergies éle- l’extrême fin de parcours, sur une très petite distance, en dehors de
vées, les particules dépouillées de leur cortège électronique peuvent la zone analysée.
s’approcher assez près des noyaux des atomes cibles pour diffuser Les parcours de différents ions ont été calculés et publiés pour
dans leur champ coulombien, ce qui donne lieu aux méthodes de tous les éléments [2].
diffusion élastique, ou même franchir les barrières de potentiel des
noyaux cibles et donner lieu à des réactions nucléaires qui se prê- Exemple : le parcours moyen des protons de 2 MeV est de 42 µm
tent également à l’analyse. Toutefois, les probabilités de ces interac- dans l’aluminium, de 19 µm dans le cuivre et de 16 µm dans l’or. Les
tions, exprimées en barns ou en fraction de barn sont très faibles parcours des hélions 4 sont respectivement de 6,9 ; 3,98 et 3,7 µm
(1 barn = 10−24 cm2). pour la même énergie incidente, dans les mêmes métaux (figure 3).

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XV
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100 X
Aluminium
R (µm)

Cuivre 1H
Or

10 4He


1
0 1 2 3 4 5
E (MeV)
a création d'une lacune b relaxation par comblement
Figure 3 – Parcours des protons et des ions hélions 4 profonde induite de la lacune par un électron
dans l’aluminium, le cuivre et l’or (données SRIM2004 [12]) par le passage d'un ion d'un niveau supérieur,
(excitation ou ionisation) accompagné d'une émission X
caractéristique
Pour les corps composés, la loi de Bragg s’applique en première
approximation. Elle considère que la perte d’énergie globale est Figure 4 – Principe de l’émission X induite par les particules (PIXE)
égale à la somme des pertes d’énergie dans les différents éléments,
proportionnellement à leur abondance dans le matériau :

106

Nombre d'impulsions

dE dE
------- = C i ------- (3) S
dx i dx i FeKα
NiKα
dE 105
avec ------- pouvoir d’arrêt dans chacun des composants CaKα FeKβ
dx i (MeV · g−1 · cm2), BaLα
KKα NiKβ
BaLβ1 ZnKα
Ci proportion massique de chacun des composants. 104 CaKβ
MnKα
BaLβ2 ZnKβ

103 CrKα AsKα


SeKα
1.2 Émission X induite par des particules
chargées 102
2 4 6 8 10 12 14
E (keV)
Plusieurs méthodes d’analyse à la fois qualitatives et quantita-
tives utilisent l’émission X consécutive à l’excitation du cortège Figure 5 – Micro-PIXE d’un sulfure minéral ; éléments en traces :
électronique des atomes. Ces méthodes diffèrent en premier lieu K, Ca, Ba, Cr, Mn, As, Se
par le mode d’excitation : fluorescence X, émission induite par élec-
trons ou par particules chargées. Dans ce dernier cas, la méthode
est désignée sous le sigle PIXE (particle induced X-ray emission).
Elle ne concerne pas davantage le noyau de l’atome que les autres processus, un électron d’un niveau externe vient combler la lacune
méthodes basées sur l’émission X, mais elle est néanmoins habi- initiale ; l’énergie libérée au cours de cette transition peut être :
tuellement associée aux méthodes nucléaires d’analyse car elle uti- — soit dissipée sous forme de rayonnement, c’est l’émission X
lise les mêmes outils et elle est souvent mise en œuvre (figure 4) ;
simultanément. Proposée pour la première fois en 1970 [3], l’usage — soit transférée à un autre électron de l’atome et permettre son
du PIXE s’est rapidement répandu dans de très nombreuses éjection, c’est l’effet Auger.
disciplines. Il est pratiqué auprès de toutes les microsondes nuclé- La méthode PIXE repose sur la détection des raies X émises au
aires qui ont de plus très largement contribué à étendre les cours de l’irradiation. Ces raies K ou L dépendent de la localisation
domaines d’application [4]. Certaines d’entre elles ont même été de la lacune électronique initialement créée et sont caractéristiques
spécialement conçues pour son usage [5]. de l’atome concerné. Les raies K sont utilisées pour les éléments
légers et les raies L pour les éléments lourds.

1.2.1 Mécanisme d’émission


1.2.2 Intensité de l’émission X caractéristique
Le ralentissement des ions légers, d’énergie voisine du mégaélec-
tronvolt par nucléon, se fait essentiellement par interaction inélas- La figure 5 représente un spectre PIXE enregistré sur un sulfure
tique avec les électrons du solide ; il conduit à des excitations ou des minéral. On distingue les raies étroites de fluorescence superposées
ionisations. sur un fond continu.
Lorsqu’un atome de la cible est ionisé en couche profonde, son Pour une cible mince homogène dont l’épaisseur est faible devant
cortège électronique se réorganise rapidement (10−17 à 10−13 s) pour le parcours des ions, l’intensité Ix produite par un faisceau d’énergie
retomber vers un état de plus faible énergie. Deux processus de Ep est donnée par l’expression :
relaxation de l’atome ionisé sont en compétition : l’émission d’un
rayonnement X caractéristique et l’effet Auger. Au cours de ces deux I x = N p n 0 t σ ( E p ) ω X b Xα ε (4)

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avec Np nombre d’ions frappant la cible (cm−2 · s−1),


n0 nombre d’atomes (cm−3),
t épaisseur du film (cm), UK2σK/Z 12(keV2.cm2)
σ section efficace d’ionisation (cm2), 10 –19

ωX rendement de fluorescence,
b Xα fraction de l’émission apparaissant dans la 10 –20
raie α,
ε efficacité de détection. 10 –21
Pour une cible épaisse :
10 –22


0
σ(E)
I X = N p n 0 ω X b Xα ε
∫ Ep
------------ T ( E ) dE
S(E)
(5)
10 –23

où :
10 –24

µ cos α

dE
T ( E ) = exp –  --- --------------- ------------ (6) 10 –25
 ρ sin θ S(E)
10 –3 10 –2 10 –1 1 10
1 dE E1 / λUK
et S ( E ) = --- -------- (7) BEA
ρ dX
PWA
avec µ coefficient d’absorption des rayons X,
Les points représentent les données expérimentales.
ρ densité du solide,
α angle d’incidence du faisceau, Figure 6 – Production de lacunes en couches internes
θ angle de détection. par un bombardement de protons (d’après [6])
Le paramètre important est la section efficace d’ionisation en
couche profonde. Dans le cas des protons et des ions He, cette gran- jusqu’à une énergie Emax = Tm · Tm représente l’énergie maximale
deur est relativement bien connue. L’éjection des électrons de la pouvant être transférée à un électron de la cible dans une collision
cible est gouvernée par l’interaction coulombienne entre le noyau avec un ion : Tm = 4meEp/Mp, où me, Mp et Ep sont respectivement
incident et les électrons de la cible. Cette interaction est maximale la masse de l’électron, celle de la particule et son énergie.
quand la vitesse de l’ion incident est comparable à la vitesse de Le rayonnement de freinage du proton est de plusieurs ordres de
l’électron sur son orbite. grandeur plus faible que celui des électrons. En effet, l’intensité du
Plusieurs méthodes existent pour calculer les sections efficaces rayonnement de freinage est fonction de la masse de la particule et
d’ionisation. Pour l’ionisation en couche K ou L de haute énergie, le rapport me/Mp est égal à 1 836.
elles peuvent être calculées dans le modèle de l’impulsion binaire,
Des réactions nucléaires peuvent également se produire au cours
ou BEA (binary encounter approximation), et le résultat est exprimé
de l’interaction ion-solide. En particulier, les sections efficaces
sous la forme d’une loi d’échelle (figure 6) [6] :
d’interaction sont très importantes pour le sodium et le fluor. Les
rayons produits au cours de ces réactions peuvent générer, par effet
Z 12

E1 Compton dans le détecteur, des électrons secondaires dont le spec-
σ KBEA = -------2- ----------- (8) tre est généralement plus intense que celui dû au rayonnement de
UK λ UK
freinage du projectile.
où Z1, E1, UK représentent respectivement le numéro atomique, L’ensemble de ces contributions au fond continu peut être calculé
l’énergie de la particule incidente et l’énergie du niveau à ioniser. théoriquement.
D’autres modèles utilisent la théorie des perturbations en
mécanique quantique. C’est le cas de PWA (plane wave approxima-
tion), amélioré en CPSSR en incorporant les effets de polarisation et 1.2.4 Aspects analytiques
de liaison dans l’approximation des états stationnaires perturbés
(PSS) et en corrigeant des effets de déflexion coulombienne (C) et 1.2.4.1 Instrumentation
relativiste (R). Des tabulations sont disponibles dans la littérature
pour les ionisations des niveaux K, L1, L2... par des protons ou des Dans la majorité des cas, les mesures PIXE sont mises en œuvre
ions He [7]. avec des protons de 2 à 3 MeV focalisés sur l’échantillon à une taille
de l’ordre du micron, parfois moins, la sensibilité de la méthode per-
mettant de se contenter d’intensités très faibles, par exemple 10 pA
1.2.3 Fond continu pour une taille de faisceau inférieure à 300 nm avec des protons de
2 MeV [5]. Cette taille de faisceau, associée à un balayage latéral de
Les pics de rayons X caractéristiques sont superposés sur un fond l’échantillon sur quelques centaines de micromètres carrés, permet
continu produit par : d’avoir une cartographie très fine et complète de la composition élé-
mentaire des échantillons. D’autres particules que les protons sont
— le rayonnement de freinage (Bremsstrahlung) du projectile et parfois utilisées mais ce n’est généralement avantageux que lors-
des électrons secondaires ; que l’on veut mettre en œuvre une autre méthode d’analyse simul-
— les réactions nucléaires. tanément, notamment pour doser les éléments légers ou réduire
Le rayonnement de freinage des électrons secondaires constitue intentionnellement la profondeur d’analyse. Les spectres sont géné-
l’essentiel du fond continu pour la partie basse énergie du spectre et ralement acquis en dispersion d’énergie au moyen de détecteurs à
s’étend en décroissant suivant une loi en fonction de la puissance, semi-conducteurs constitués de silicium dopé au lithium pour

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Microsonde nucléaire
Applications
par Pascal BERGER
Docteur ès sciences


Directeur adjoint du laboratoire Pierre-Süe (CEA/CNRS)
et Gilles REVEL
Docteur ès sciences
Directeur de recherche émérite au laboratoire Pierre-Süe (CEA/CNRS)

1. Comparaison avec quelques autres méthodes d’analyse locale P 2 564 — 2


2. Limites d’emploi de la microsonde nucléaire .................................. — 2
2.1 Échauffement ............................................................................................... — 3
2.2 Érosion.......................................................................................................... — 3
2.3 Migration des éléments sous irradiation................................................... — 3
2.4 Conséquences pratiques............................................................................. — 3
3. Applications .............................................................................................. — 3
3.1 Art et archéologie ........................................................................................ — 3
3.2 Sciences du vivant....................................................................................... — 4
3.3 Sciences de l’environnement ..................................................................... — 5
3.4 Sciences des matériaux .............................................................................. — 5
3.4.1 Applications analytiques.................................................................... — 5
3.4.2 Applications non analytiques ............................................................ — 6
3.5 Microélectronique........................................................................................ — 6
3.6 Sciences de la Terre...................................................................................... — 6
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 564

ne microsonde nucléaire peut être considérée comme un moyen d’analyse


U élémentaire, de caractérisation structurale ou bien comme un outil de dépôt
local d’énergie ou de charges.
Le principe et l’appareillage font l’objet d’une première partie [P 2 563].
Depuis la première édition de cette étude en 1995, le champ d’application des
microsondes nucléaires n’a cessé de croître. Ces applications concernent l’ana-
lyse élémentaire dans des disciplines aussi variées que la physique du solide, la
métallurgie, la géochimie, la biologie et la médecine, les sciences de l’environne-
ment, l’archéologie... Des évolutions spectaculaires ont aussi concerné leurs
usages non analytiques, en particulier dans les sciences de la vie (irradiation ion
par ion), sciences des matériaux (micro-usinage) ou en microélectronique
(mesures résolues en temps des charges induites sous faisceau). En 2004, il est
certain que toutes les potentialités de cet outil n’ont pas encore été explorées.
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPPU

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1. Comparaison avec destructive. Malgré cela, la sonde ionique est probablement l’outil qui
se rapproche le plus de la microsonde nucléaire par ses applications :
quelques autres méthodes dans les deux cas, pratiquement tous les éléments sont concernés,
l’analyse est locale à l’échelle micrométrique et isotopique.
d’analyse locale La microsonde laser fait aussi appel à la détection des ions par
spectrométrie de masse, mais à temps de vol. Sa résolution et sa
Le tableau 1 indique les caractéristiques des méthodes d’analyse sensibilité sont comparables à celles de la microsonde nucléaire,
élémentaire locale le plus souvent utilisées. Ce sont des caractéristi- mais, jusqu’alors, elle est utilisée pour des analyses en des points
ques moyennes et les informations apportées par les différentes précis des échantillons.
méthodes sont plus souvent complémentaires que concurrentes. En fait, l’intérêt essentiel de la microsonde nucléaire sur les autres
Ainsi, les deux premières méthodes concernent les premières cou- sondes est d’apporter de multiples possibilités de caractérisation,
ches atomiques, ce qui n’est pas le cas de la microsonde nucléaire. faisant appel à des processus physiques différents. Parmi ceux-ci,

R La microsonde électronique a le même domaine d’application les différentes interactions utilisées sont totalement indépendantes
que la méthode PIXE (particle induced X-ray emission) [P 2 558] des liaisons chimiques de l’atome et permettent donc un étalonnage
mais avec une sensibilité et une profondeur d’analyse beaucoup simple et direct. Pour les études sur les matériaux, cette propriété
plus faibles. En revanche, des observations avec une résolution de est particulièrement précieuse pour la localisation et le dosage pré-
l’ordre de 10 nm sont possibles, ce qui permet de corréler la compo- cis des éléments légers. Enfin, les microsondes nucléaires sont
sition élémentaire aux nanostructures. encore en cours de développement et toutes leurs possibilités n’ont
pas été explorées, en particulier pour leurs usages non analytiques
Toujours dans le domaine de l’analyse X, les microsondes utilisant liés au dépôt local d’énergie.
le rayonnement synchrotron peuvent désormais atteindre une taille
de faisceau de 1 µm au moyen d’un système de focalisation par len-
tilles elliptiques multicouches de Bragg-Fresnel ou de capillaires [115]
[116] [117]. Avec les nouvelles sources synchrotron, particulièrement
brillantes, en cours de développement, cette méthode devrait 2. Limites d’emploi
conduire, sans dommage pour l’échantillon, à des sensibilités
meilleures d’un ou deux ordres de grandeur que celles obtenues par
de la microsonde nucléaire
la méthode PIXE, surtout pour les éléments lourds (cf. Rayonnement
synchrotron et applications [P 2 700]). En effet, ces éléments ont des Pour les différentes méthodes de dosage utilisées avec une micro-
sections efficaces d’ionisation relativement faibles avec des protons sonde nucléaire, la sensibilité et donc la limite de détection locale sont
de quelques mégaélectronvolts, alors qu’ils peuvent être excités tributaires de la statistique de mesure. Le nombre d’événements
sélectivement par effet photoélectrique avec un rayonnement détectés étant proportionnel au nombre d’ions incidents, une statisti-
d’énergie adaptée à leur nature. Enfin, les échantillons peuvent être que convenable n’est atteinte avec un microfaisceau qu’au prix d’une
examinés sous pression, sans dégrader la qualité du faisceau. augmentation de plusieurs ordres de grandeur du nombre de charges
La microsonde ionique a aussi fait l’objet de développements reçues par unité de surface. Cela peut se traduire par des dommages
importants qui ont amélioré sa résolution latérale et sa quantitativité, susceptibles de fausser le résultat des mesures. Un gain sur l’efficacité
bien que les effets de matrice inhérents au principe même de la de détection ne permet que de repousser cette limite. Le mécanisme
méthode demeurent. Quelques nanosondes existent ayant pour des interactions particule-matière commence à être bien connu dans
objectif l’analyse d’objets de dimensions inférieures au micron [118]. le cas des faisceaux d’électrons. Il n’en est pas de même pour les fais-
L’analyse en profondeur n’est possible que par pulvérisation ionique ceaux d’ions légers ayant une énergie de l’ordre de quelques mégaé-
des couches successives de l’échantillon, aussi l’analyse est-elle lectronvolts. Plusieurs phénomènes peuvent être identifiés.
(0)

Tableau 1 – Comparaison de quelques microsondes utilisées en science des matériaux


Résolution
Épaisseur Résolution Limite de
Rayonnement Rayonnement Éléments en Information
Méthode concernée par latérale détection
incident mesuré mesurés (1) profondeur obtenue
l’analyse optimale (atomique)
optimale

XPS (2) X Photoélectrons Tous 0 à 5 nm 2 µm 1 nm > 10−2 Semi-quantitative.


Électrons Auger Liaison chimique.

Auger Électrons Électrons Auger Z>2 0 à 5 nm 20 nm 1 nm > 10−3 Qualitative.


Semi-quantitative.
Microsonde Électrons Z ⭓ 11 (DE)
électronique 100 keV Rayons X 0,1 à 1 µm 0,5 µm 0,5 µm 10−5 à 10−3 Semi-quantitative.
Z ⭓ 5 (DL)

Microsonde Rayonnement Z ⭓ 11 ou
SXRF (3) électromagnétique Rayons X 100 µm 1 µm 5 µm 10−7 à 10−5 Semi-quantitative.
Z⭓3

Microsonde Ions Abrasions Isotopique.


ionique SIMS (4) 20 keV Ions Tous successives des 0,1 µm 5 nm 10−9 à 10−5 Semi-quantitative.
couches atomiques
Microsonde Photons Ions 1 µm 0,5 µm 0,1 µm 10−7 à 10−4 Isotopique.
laser LAMMA (5) Z⭓3

Microsonde Rayons X et γ
Particules chargées Particules Quantitative.
nucléaire 1 MeV chargées Tous 1 à 10 µm 0,3 µm 5 nm 10−6 à 10−4 Isotopique possible.
Neutrons Défauts structuraux.
(1) DE : détection en énergie ; DL : détection en longueur d’onde. (4) SIMS : secondary ion mass spectroscopy [P 2 618].
(2) XPS : X-ray photoelectron spectroscopy [P 2 625] [P 2 626]. (5) LAMMA : laser microprobe mass analyzer [P 3 860].
(3) SXRF : synchroton-based X-ray fluorescence [P 2 695].

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2.1 Échauffement limiter dans la pratique, notamment en RBS (Rutherford back-scatte-


ring) et en NRA (nuclear reaction analysis), l’utilisation des fais-
ceaux de très petite taille, mais elle est indispensable pour
C’est l’effet le plus intuitif, bien qu’il ne pose pas de problème conserver un signal significatif de l’échantillon.
pour l’analyste ; la plus grande partie de l’énergie dissipée dans la Exemple : des intensités maximales de 10−11 A · µm−2 pour les
cible l’est sous forme de chaleur. La température locale de l’échan- protons de 3 Mev et de 10−14 A · µm−2 pour les particules α de 2 MeV
tillon s’élève jusqu’à ce qu’un équilibre dynamique s’établisse entre ont été recommandées pour le dosage des verres [128].
l’apport d’énergie dû au faisceau et sa dissipation par conduction et
Pour les particules chargées, l’usage de détecteurs de grande
rayonnement. Dans le cas de la mise en œuvre de faisceaux extraits,
ouverture est souvent une bonne solution avec toutefois deux
sous air ou sous atmosphère contrôlée, le refroidissement par con-
contraintes : d’une part, la moins bonne définition angulaire de la
vection joue également un rôle fondamental. Pour les microfais-
détection, conséquence de l’élévation de l’angle solide, conduit
ceaux des microsondes nucléaires, compte tenu de leur pénétration,
pour le RBS et certaines réactions nucléaires à perdre un peu de
il est généralement admis que la dissipation par conduction est


résolution en profondeur, d’autre part, le taux de comptage maxi-
dominante. En reprenant les travaux de Talmon et Thomas pour les
mal admissible par la chaîne de mesure impose de travailler à très
électrons [119], plusieurs auteurs [120] [121] [122] ont tenté d’esti-
faible courant, rendant ainsi plus délicates les mesures de charge.
mer la température maximale atteinte par un échantillon mince,
placé sur un support refroidi et irradié uniformément. Très sensibles
aux conditions aux limites, ces estimations pouvaient varier de plu-
sieurs ordres de grandeur. Pour les échantillons massifs, le calcul
complet ne pouvait être effectué sans simplifications n’autorisant 3. Applications
que la détermination de limites supérieures et inférieures [123].
Des travaux récents ont levé ces ambiguïtés. Une avancée notable
Les applications de la microsonde nucléaire ont déjà été partielle-
a été obtenue grâce à la détermination expérimentale des échauffe-
ment présentées au paragraphe 1.5 de [P 2 563] en ce qui concerne
ments locaux, mesurés à l’aide de microthermocouples [124] [125]
les usages non analytiques. Une vue d’ensemble peut être trouvée
[126]. L’échauffement moyen suit les prévisions les plus simples, à
dans plusieurs articles de synthèse [130] [131] [132] [133] pour des
savoir une décroissance de la température inversement proportion-
domaines aussi variés que les sciences de la Terre, l’archéologie, les
nelle à la distance au faisceau. Pour un mauvais conducteur thermi-
sciences du vivant, les sciences de l’environnement, la microé-
que comme SiO2, des conditions types de mesure (α de 2 MeV,
lectronique et les sciences des matériaux. Nous nous contentons de
diamètre de faisceau 1 µm et intensité 100 pA) induisent un échauf-
résumer les principales applications et de les illustrer par quelques
fement moyen sous faisceau inférieur à 50 K. Le résultat majeur de
exemples.
ces travaux est la démonstration de la nécessité de prise en compte
des instabilités temporelles de l’intensité, la température atteinte
sous le faisceau pouvant alors être pendant de très brefs instants
beaucoup plus élevée que la moyenne. La stabilité de l’accélérateur 3.1 Art et archéologie
est donc un critère essentiel pour en limiter les effets.

Les travaux menés en microanalyse nucléaire concernent majori-


2.2 Érosion tairement les objets d’art, pour des études de provenance des maté-
riaux, celles des techniques de fabrication ou des mécanismes
d’altération, ce dernier point étant devenu une préoccupation
Avec des ions légers ayant une énergie incidente de quelques majeure des conservateurs.
mégaélectronvolts, l’érosion de surface est généralement considérée ■ Un bel exemple, déjà ancien, concerne la mise en évidence des
comme négligeable, au moins pour les cibles épaisses. Toutefois, elle techniques de soudure utilisant des minerais de cadmium à bas
dépend de l’énergie de liaison et peut conduire à des erreurs dans le point de fusion dans de nombreux objets iraniens et syriens des
cas de matériaux faiblement liés comme les échantillons biologiques époques romaine et byzantine, en utilisant l’imagerie PIXE du cad-
ou organiques. L’absence de dérive du signal pendant l’acquisition est mium [134]. Des études similaires ont été menées récemment sur
un bon indice de stabilité, quoique insuffisant. les techniques employées par les orfèvres espagnols des Ve et
VIe siècles avant notre ère. La détermination par PIXE des traces de
cuivre au niveau des soudures a permis de confirmer l’utilisation
2.3 Migration des éléments sous irradiation exclusive de méthodes de brasage [135].
■ Un autre exemple a pour cadre l’anthropologie historique et par-
ticipe à la recherche d’informations sur l’état sanitaire, les structures
Cette migration a été très étudiée sous faisceau d’électrons [127]
sociales et les conditions de vie des populations. Il concerne l’étude
et elle a été souvent mise en évidence lors des analyses avec les
des vestiges osseux humains médiévaux découverts à Lyon [136].
faisceaux d’ions, notamment dans les verres [128] et les semi-con-
ducteurs. Les mécanismes sont complexes et encore mal connus, ■ Les questions de base posées au sujet des peintures concernent
mais l’ionisation le long de la trajectoire de l’ion incident joue certai- la contribution des couches successives et les possibilités de retou-
nement un rôle prépondérant. Certains éléments paraissent beau- ches postérieures à la création. La combinaison des méthodes PIXE
coup plus mobiles que d’autres. Par exemple, il a été montré que, et RBS a permis par exemple d’obtenir des informations, résolues
dans les mêmes conditions d’irradiation, l’hydrogène et l’oxygène en profondeur, sur la couleur rouge d’un détail d’une œuvre de
migrent beaucoup plus facilement que l’azote ou le carbone [129]. Lucas Cranach l’Ancien [137].
Les développements les plus spectaculaires concernent -il tu-u’
sation de faisceaux extraits [138]. Le principe général consiste
2.4 Conséquences pratiques à envoyer le faisceau d’ions à l’extérieur de l’enceinte sous vide au
travers d’une fenêtre mince. Le fort pouvoir de pénétration des ions
de quelques mégaélectronvolts permet au microfaisceau de traver-
Il paraît indispensable de limiter les densités de charge reçues par ser la fenêtre et quelques dizaines de millimètres d’atmosphère en
l’échantillon à l’échelle micrométrique. Cette limitation se fait au ne subissant qu’une dégradation limitée et acceptable de ses carac-
détriment de la sensibilité et de la précision de la méthode. Elle peut téristiques (résolution latérale et straggling en énergie). Cela ouvre

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur P 2 564 − 3

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Analyses de surface et de matériaux
(Réf. Internet 42383)

1– Méthodes d'analyse des matériaux

2– Méthodes d'analyse des surfaces



3– Analyse de céramiques Réf. Internet page

Techniques de caractérisation des céramiques N4806 95

4– Analyse de nanomatériaux

5– Analyse de matériaux de construction

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Techniques de caractérisation
des céramiques

par Stéphane VALETTE


Maître de conférences à l’Université de Limoges
Centre européen de la céramique, SPCTS UMR CNRS 7315, Université de Limoges, France

1.
1.1
Composition chimique des matériaux céramiques .....................
Analyse chimique élémentaire globale...................................................
N 4 806 - 2
— 2

1.2 Composition élémentaire locale : la microanalyse ................................ — 3
1.3 Identification des phases.......................................................................... — 4
2. Caractérisation des surfaces ............................................................. — 6
2.1 Observation des surfaces......................................................................... — 6
2.2 Caractérisation chimique des surfaces ................................................... — 10
2.3 État de surface : mesure de la rugosité................................................... — 10
3. Comportement mécanique des pièces céramiques..................... — 11
3.1 Paramètres caractéristiques de la résistance mécanique ..................... — 11
3.2 Dureté et microdureté .............................................................................. — 13
3.3 Caractérisation thermomécanique .......................................................... — 13
4. Structure et microstructure des céramiques massives ............. — 14
4.1 Taille et orientation des grains ................................................................ — 14
4.2 Porosité et porométrie.............................................................................. — 17
4.3 Répartition des phases ............................................................................. — 18
5. Méthodes de caractérisation spécifiques aux poudres
céramiques.............................................................................................. — 19
5.1 Morphologie.............................................................................................. — 19
5.2 Surface spécifique .................................................................................... — 20
5.3 Taille des grains ........................................................................................ — 20
6. Caractérisations thermiques.............................................................. — 22
6.1 Paramètres thermiques ............................................................................ — 22
6.2 Tenue en température .............................................................................. — 23
7. Caractérisations électriques et électroniques .............................. — 25
7.1 Conductivité électrique............................................................................. — 25
7.2 Permittivité et pertes diélectriques.......................................................... — 26
8. Conclusion .............................................................................................. — 28
9. Glossaire .................................................................................................. — 28
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. N 4 806

es céramiques, qu’elles soient traditionnelles ou techniques, sont des


L matériaux largement utilisés, non seulement dans la vie de tous les jours
mais aussi dans des domaines plus « pointus » tels que l’aéronautique, l’élec-
tronique, le médical...
Par conséquent, les besoins de l’industrie céramique en techniques de carac-
térisation se sont accrus afin de répondre aux exigences du concepteur (ou
élaborateur), mais également à celles de l’utilisateur.
Le concepteur cherche à déterminer la composition, c'est-à-dire les atomes
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQU

constitutifs de la céramique, afin de connaître les températures de frittage, de

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TECHNIQUES DE CARACTÉRISATION DES CÉRAMIQUES ____________________________________________________________________________________

fusion et d’utilisation maximale en condition. Cependant, les propriétés


d’usage d’un matériau céramique ne sont pas seulement gouvernées par sa
composition chimique, mais également par sa structure cristalline. En effet,
deux céramiques avec une composition identique, mais une structure cristal-
line qui diffère, peuvent se comporter très différemment lorsqu’elles sont
utilisées. Un autre élément recherché par l’élaborateur est la microstructure
(taille et forme des grains, cristaux qui constituent la céramique), elle permet
de maîtriser les caractéristiques mécaniques.
L’utilisateur souhaite, lui, caractériser le matériau céramique en sollicitations
proches des conditions d’utilisation. Pour cela, il s’intéressera au compor-
tement de la céramique en sollicitations thermique, mécanique, électrique,
chimique. Ces deux approches ne sont pas exclusives aux céramiques, mais
applicables à toutes les catégories de matériaux et notamment aux métaux.
Cependant, en comparaison aux métaux, les céramiques présentent en général
une grande dureté mécanique, un caractère isolant électrique et thermique, et

S une inertie chimique (résistance à la corrosion, aux attaques chimiques, etc.).


Par conséquent, même si les techniques de caractérisation pour ces deux
familles de solides sont généralement les mêmes, leur mise en œuvre est
souvent très différente.
Nous voyons ainsi que les approches pour traiter de la caractérisation des
céramiques sont multiples. Le but de cet article n’est pas de décrire de manière
exhaustive les différentes méthodes de caractérisation du solide, nous avons
choisi une présentation qui aide l’utilisateur ou le concepteur à retenir une
méthode de caractérisation plutôt qu’une autre, en partant des propriétés spé-
cifiques des céramiques.
Il s’agit de présenter pour chaque technique le principe et les modes opéra-
toires sans entrer dans le détail, chacune d’elles faisant l’objet en général d’un
ou plusieurs ouvrages. Pour approfondir les aspects théoriques et pratiques de
chaque technique, le lecteur est invité à consulter les articles correspondants.

1. Composition chimique pas affectés par les liaisons chimiques ; chaque photon X est donc
caractéristique de l’élément dont il est issu.
des matériaux céramiques Les spectromètres utilisés pour analyser le rayonnement émis
par l’échantillon sont de deux types en fonction de l’analyseur :
– spectromètre à dispersion en longueur d’onde WDS (wave-
1.1 Analyse chimique élémentaire globale length dispersive spectrometry). Le détecteur WDS utilise la dif-
fraction des rayons X par les plans cristallins d’un monocristal
L’analyse chimique consiste à la détermination de la composition analyseur et les éléments sont identifiés en fonction de la longueur
élémentaire totale de l’ensemble de l’échantillon céramique à analy- d’onde ;
ser, mais également à la détection des traces lorsque la limite de – spectromètre à dispersion d’énergie EDS (energy dispersive
détection le permet. Les méthodes les plus couramment utilisées spectrometry). Ce type de détecteur est sensible à l’énergie des
sont les spectroscopies de fluorescence X, d’émission ou d’absorp- photons X et permet une analyse en énergie du rayonnement de
tion. fluorescence X. Ces spectromètres permettent une analyse rapide
du spectre complet, mais avec une résolution plus défavorable que
1.1.1 Spectrométrie de fluorescence X les spectromètres WDS.
L’analyse qualitative consiste au balayage en longueur d’onde
La spectrométrie de fluorescence X (FX, ou XRF pour X-ray
ou en énergie d’un large domaine angulaire et à l’identification des
fluorescence) est une technique d’analyse élémentaire qualitative
longueurs d’ondes ou de l’énergie des radiations émises par les
et quantitative des céramiques très utilisée. Son principe, détaillé
éléments présents. La préparation des échantillons n’oppose pas
aux articles [P 2 695] [P 3 795] [1] consiste à irradier par un rayon-
de difficultés particulières. Les échantillons se présentent sous
nement X l’échantillon à analyser. L’énergie des photons X inci-
forme de pastilles dont les surfaces sont polies de façon à offrir au
dents permet d’extraire les électrons des couches les plus proches
rayonnement une surface plane et lisse [P 2 695].
du noyau. Ensuite, les électrons des couches supérieures redes-
cendent sur les places vacantes afin que l’atome se désexcite. Ce L’analyse quantitative repose sur la détermination de la loi qui
processus s’accompagne de l’émission de photons X dont les lie l’intensité d’une raie de fluorescence émise par un élément à sa
énergies sont équivalentes aux différences d’énergies des niveaux concentration au sein de l’échantillon. La méthode la plus cou-
considérés et constituent ainsi le rayonnement de fluorescence X ramment utilisée consiste à comparer les intensités de l’échan-
détecté. Dans le cas des éléments de numéro atomique élevé tillon avec celles d’étalons de concentration connue. Lors d’une
(Z > 20) [1], les électrons des couches proches du noyau ne sont analyse quantitative, les principaux facteurs qui influent sur le

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____________________________________________________________________________________ TECHNIQUES DE CARACTÉRISATION DES CÉRAMIQUES

rayonnement X secondaire sont l’état de surface de l’échantillon, 1.2.1 Composition ponctuelle


son homogénéité, sa granulométrie, et les effets de matrice : par
exemple, les autres éléments que celui à doser peuvent émettre La microanalyse pour déterminer la composition élémentaire
des raies sous l’effet du rayonnement X incident qui sont suscepti- ponctuelle est régulièrement utilisée dans l’analyse des céramiques.
bles d’exciter l’élément à doser et ainsi augmenter artificiellement Elle permet notamment de connaître la composition chimique des
l’intensité du rayonnement de fluorescence qu’il émet [P 2 695]. grains dans un massif ou dans une poudre, les impuretés localisées
aux joints de grain, mais également la composition des interphases
pouvant se former. On présente ainsi l’exemple de l’analyse, par
1.1.2 Autres techniques spectrométriques microsonde électronique (EDS) couplée à un MEB (Microscope élec-
tronique à balayage), de l’interphase qui se forme lors de la jonction
Les spectroscopies d’absorption atomique (AAS pour atomic céramique-métal entre du cuivre préoxydé et un substrat d’alumine
absorption spectroscopy) [P 2 825] et la spectroscopie d’émission [4] [5].
atomique avec plasma induit ICP-AES (inductively coupled plasma-
atomic emission spectrometry) [P 2 719] sont deux techniques qui La figure 1 donne la composition élémentaire de l’interphase qui
reposent sur les conséquences de l’interaction des rayonnements est constituée de cuivre, d’aluminium et d’oxygène. On montre
avec la matière : ainsi que c’est probablement la formation d’un oxyde mixte de
type CuAlO2 qui permet l’assemblage. Une précaution à prendre
– en absorption, on envoie un rayonnement sur le matériau et lors de la réalisation de ce type d’analyse est de s’assurer que la
on mesure la quantité absorbée par les éléments ;
– en émission, on excite les atomes constituant le matériau et on
mesure le rayonnement qu’il émet en retour.
zone caractérisée possède un volume plus important que celui de
la « poire » d’analyse (1 µm3) (§ 2.1.2) ; ainsi, le diamètre de la sur-
face analysée doit être supérieur à 1 µm. Pour déterminer la

composition ponctuelle d’une zone de taille inférieure, il faut utili-
Ces deux techniques permettent de détecter et quantifier des ser le Microscope électronique en transmission (MET) qui permet
éléments sous forme de trace avec des teneurs inférieures au ppm d’explorer des zones de quelques nanomètres de diamètre
(partie par million) [2]. Cependant, elles nécessitent, contrairement (§ 4.1.2).
à la spectroscopie de fluorescence X, une mise en solution préala-
ble de l’échantillon et la réalisation d’une gamme d’étalons pour
chaque élément que l’on souhaite quantifier. Pour plus d’informa-
tions, le lecteur se reportera aux articles spécialisés [P 222] [P 223]
sur les techniques de mise en solution des matériaux.

1.2 Composition élémentaire locale :


la microanalyse
Lorsque l’on souhaite réaliser une analyse locale des éléments
présents dans une céramique, les techniques précédentes ne sont
plus adaptées, il faut alors utiliser la technique de microanalyse X
par sonde électronique [P 885] [P 886] [3]. Cette méthode est basée
sur l’analyse du spectre de rayons X émis par un échantillon sous
l’effet d’un faisceau d’électrons incident. Ce dernier est focalisé, ce
qui permet de sonder la matière pour un volume de l’ordre du
µm3. L’appareil dédié à la microanalyse élémentaire est la micro-
sonde électronique EPMA (electron probe micro analysis) plus
couramment dénommée « microsonde de Castaing ». Cet appareil
utilise un analyseur à dispersion en longueur d’onde WDS, ce qui
permet d’atteindre des limites de détection de l’ordre de la dizaine
de ppm [P 886], on lui associe généralement une imagerie optique
100 µm
et électronique à balayage.

Outre les appareils spécialisés, les microsondes sont associées


aux microscopes électroniques à balayage ou à transmission. Dans
ce cas, l’analyseur utilisé est à dispersion d’énergie (EDS) qui pré-
sente une utilisation plus souple que ceux à dispersion en longueur
d’onde (WDS) (§ 1.1.1) malgré une limite de détection plus élevée
de l’ordre du pour cent.
Cu
Pour l’analyse par microsonde électronique, il est généralement Al
nécessaire de « métalliser » les surfaces des céramiques isolantes
Cu
afin de les rendre conductrices. Pour cela, on réalise un dépôt de
carbone amorphe, notamment pour la quantification des éléments O
légers (§ 2.1.2). La surface des échantillons doit être également
plane et il est préférable de réaliser un polissage mécanique au Cu
diamant (plutôt qu’au SiC), afin d’éviter d’introduire des éléments
étrangers faussant l’analyse. 0 2 4 6 8 10 12
keV
La composition élémentaire par microanalyse des matériaux et
particulièrement des céramiques peut être effectuée de trois
Figure 1 – Mise en évidence par microanalyse EDS couplé au MEB
manières : composition ponctuelle, profil de concentration et de la composition ponctuelle (cercle rouge) de l’interphase créée
cartographie. lors de la jonction entre l’oxyde de cuivre et l’alumine (d’après [4])

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70 a c
Fe
60
50
Coups

40
30
b
20 Fe
Cu a
10
0
0 5 10
keV 200 nm

b 500 c


60 Ti Al
50 400

Coups
40 300
Coups

30
200
O Ti
20 O
Cu
10 Fe 100
Fe Cu
0 0
0 5 10 0 5 10
keV keV

Figure 2 – Spectres EDS sur des zones proches de l’interface substrat/dépôt pour un revêtement d’une suspension d’Al2O3-TiO2 (d’après [6])

La figure 2 présente l’étude par MET des différents spectres EDS représentation est effectuée en fonction de l’intensité X mesurée
effectués sur les lamelles d’un dépôt d’Al2O3-TiO2 réalisé par pro- (échelle de couleur à droite). On note sur la figure 4 que le maxi-
jection plasma d’une suspension [6]. Ainsi, le spectre (c) montre mum d’arsenic est localisé dans une couronne située à environ
que les lamelles claires sont constituées des éléments Al, Ti et O, 50 µm du bord du catalyseur (zone colorée en vert) et que cet élé-
alors que les plus sombres (spectre (b)) sont composées uni- ment est quasi absent du cœur (coloration bleu).
quement des éléments Ti et O. Le substrat est localisé par le
spectre (a). Les faibles pics de fer et de cuivre identifiés aux
spectres (a), (b) et (c) sont liés à la colonne du microscope et 1.3 Identification des phases
doivent donc être négligés.
Les techniques les plus couramment utilisées pour l’identification
des phases présentes dans une céramique sont la diffraction des
1.2.2 Profil de concentration rayons X (DRX) et la spectroscopie Raman. Ces deux techniques ont
La réalisation d’un profil de concentration nécessite le dépla- fait l’objet de nombreux articles [P 1 080] [P 1 085] [P 1 076] pour la
cement du faisceau d’électrons en spectrométrie EDS ou le dépla- DRX, et [P 2 865] et [RE 5] en ce qui concerne la spectroscopie
cement mécanique de l’échantillon en spectrométrie WDS. Le Raman.
principe est de mesurer la variation d’intensité caractéristique
d’un élément le long d’une ligne d’analyse. Le profil est générale- 1.3.1 Diffraction des rayons X
ment semi-quantitatif car le signal analysé est constitué de l’émis-
sion X de l’élément mesurée et du fond continu [P 886]. De la Le principe de la DRX repose sur l’interaction d’un faisceau inci-
même manière que pour la détermination de la composition ponc- dent de rayons X avec le matériau céramique. À chaque fois que la
tuelle, il faut prendre en compte le diamètre de la « poire » d’ana- condition de Bragg [équation (1)] est respectée, le faisceau est dif-
lyse et, par conséquent, les informations sont exploitables pour fracté majoritairement dans une direction donnée par chacune des
des distances supérieures au micromètre. La figure 3 présente le familles des plans réticulaires (h ,k , ℓ) :
profil de concentration réalisé sur la zone interfaciale de l’assem-
blage CuO2-Al2O3 . Ce profil met clairement en évidence la forma- n λ = 2d hk ℓ sin θ (1)
tion d’un oxyde mixte de type CuAlO2 [4] [5] pour des distances de
120 à 150 µm, ce qui permet la réalisation de l’assemblage. avec n un nombre entier, généralement 1,
λ longueur d’onde des rayons X,
1.2.3 Cartographie d hk ℓ distance interréticulaire d’une famille de plan (h ,k , ℓ) ,
La cartographie représente la répartition d’un ou plusieurs θ angle d’incidence des rayons X sur le solide.
éléments sur une surface d’analyse. Elle est obtenue par balayage On obtient alors un diagramme de diffraction où les pics corres-
de la surface par déplacement du faisceau d’électrons en EDS, ou pondent à des phases cristallisées. La caractérisation des céra-
bien par celui de l’échantillon en spectrométrie WDS. La figure 4 miques par DRX ne demande pas de préparation particulière des
donne la répartition de l’arsenic au sein d’un catalyseur à base échantillons. Cependant, dans le cas des poudres, il faut faire
d’alumine utilisé par l’industrie pétrolière pour la purification du attention à ne pas créer des orientations préférentielles des grains
pétrole [7]. Cette cartographie, obtenue par acquisition automati- lors du tassement de celle-ci sur le porte-échantillon, ce qui pour-
que de données, a été effectuée par microsonde de Castaing, les rait entraîner un effet de texture et ainsi fausser l’interprétation des
échantillons ont été polis et recouverts d’un dépôt de carbone. La diagrammes de diffraction [P 1 080].

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Coups
Al

200

Cu

100

300 µm O

0
0 100 200
µm

Figure 3 – Profil de concentration en cuivre, aluminium et oxygène au travers de l’interphase de l’échantillon présenté à la figure 2 (d’après [4])

350

318 *

286

254

222
+
191 +
*
159
+ *
127 * +* +
* * *+ +
+ * * + *+ *
95 *+ + *
500 µm As Ka 20 kV 0 10 20 30 40 50 60 70 80
Angle 2θ (o)
Figure 4 – Cartographie X par microsonde de Castaing de la * Zircon : ZrSiO4 (01-070-9053)
répartition de l’arsenic au sein d’un catalyseur à base d’alumine + FexAlyO3 (04-005-8669)
utilisé dans l’industrie pétrolière
AlxFeySiz (00-045-1205)

L’identification des phases s’effectue par comparaison des dia- Figure 5 – Mise en évidence par DRX des phases constituant une
grammes de diffraction des rayons X avec la base de données poudre de céramique
internationale JCPDS (joint committee on powder diffraction
standards). La figure 5 illustre la caractérisation d’une poudre de
l’effet Raman [P 2 865] [RE 5]. On obtient ainsi un spectre de raies
céramique par DRX permettant d’identifier les différents composés
de diffusion Raman, dont les fréquences sont reliées aux vibra-
chimiques la constituant.
tions se produisant au sein de l’échantillon, et qui sont fonction
des distances et forces interatomiques, de la masse des atomes, et
1.3.2 Spectrométrie Raman de la structure cristalline dans laquelle ils sont engagés [P 2 865].
Cette technique optique permet ainsi d’identifier les phases d’un
Lorsqu’un échantillon est éclairé par une source lumineuse matériau, mais également leur degré de désordre et leur
monochromatique puissante (laser), une faible partie de la lumière texture [RE 5]. Elle est bien adaptée à l’étude des matériaux céra-
est alors diffusée avec un changement de longueur d’onde : c’est miques. En effet, elle est non destructive et ne demande aucune

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Seuil de fatigue de la céramique

1 000
5 000 2 000 Bout de craquelure
e
4 000 3 000
3 000 4 000
2 000 5 000
1 000 6 000
7 000
0 8 000
0
40
0 4
40
linique

35 35
5
% monoc

30 30

25 25

20 20

15 15
50 µm

S 10
0
1 000
5 000
4 000
(µ s
)
r
m

2 000
lu ve

Dis 3 000
tan 3 000
ue tra

ce
re

2 000
le l 4 000 Les cristaux se présentent en feuillets d’aspect lamellaire, ce qui résulte
aq au

ong 5 000
de 1 000 d’une orientation similaire des grains sous-jacents.
la nce

la c 6 000
raq
de ista
cr

uel 7 000 0
ure Figure 7 – Micrographie optique de la microstructure de surface
D

(µm 8 000
) d’un échantillon recouvert d’une couche de wüstite [8]

Figure 6 – Transformation de phase de la zircone induite par une La microscopie par transmission ne peut être utilisée que si
craquelure (extrait de [P 2 865]) l’échantillon est transparent aux longueurs d’onde utilisées. C’est
le mode employé en biologie par exemple, mais également dans
le cas de céramiques dites transparentes notamment les verres
préparation contraignante de l’échantillon, contrairement aux
dont le pouvoir réflecteur R est inférieur à 0,001 [10] [11].
méthodes de microscopie électronique. De plus, cette technique
permet d’analyser des volumes d’échantillon comparables aux La microscopie optique classique en réflexion ne permet d’obser-
dimensions des grains et inclusions (de l’ordre du µm) dans les ver que la morphologie de la surface (figure 7) et de mesurer, lors-
matériaux céramiques, ce que ne permet pas la diffraction des que le microscope est muni d’un repère gradué, la taille des grains
rayons X [P 2 865]. et celle des objets observés [R 6 714].
Un exemple d’utilisation de la microscopie Raman est l’étude de Cette méthode d’observation est généralement non destructive
la transformation de phase sous contrainte au sein de la zircone et ne nécessite aucune préparation particulière notamment pour
stabilisée. La figure 6 montre le spectre Raman à température les matériaux céramiques. Cependant, lorsque l’on veut révéler
ambiante de la structure tétragonale de la zircone stabilisée, ainsi l’existence de phases à la surface de l’échantillon, il est nécessaire
que celui de sa structure monoclinique, la transformation structu- d’avoir une surface plane et polie, et d’effectuer une attaque micro-
rale étant induite par apparition de contraintes mécaniques au sein graphique. La révélation de la microstructure de surface peut se
de la céramique. faire par différentes méthodes : thermique, bombardement
ionique ou chimique. En chauffant l’échantillon à température éle-
D’autres exemples d’applications aux céramiques sont présentés vée, les joints de grains se creusent par diffusion préférentielle ou
aux articles [RE 5] et [P 2 865]. par évaporation [9] [10], mais il y a possibilité également d’une
oxydation ménagée. Le bombardement ionique permet aussi, par
une vitesse d’abrasion différentielle suivant les phases, de révéler
la microstructure de surface [11]. De la même manière, les métho-
2. Caractérisation des des chimiques permettent l’attaque préférentielle des joints de
grains dont la composition est généralement différente des grains.
surfaces Lorsque la topographie de surface n’est pas suffisamment impor-
tante pour pouvoir l’observer directement en microscopie classique,
on utilise alors la microscopie optique interférométrique. Le prin-
cipe de cette technique [R 6 710] [R 6 712] [10] consiste à diviser en
2.1 Observation des surfaces deux le faisceau de lumière incident que l’on fait interférer, après
réflexion à la surface de l’échantillon. Cela permet d’amplifier les
2.1.1 Microscopie optique reliefs de surface et ainsi d’obtenir une image plus contrastée par
rapport à un microscope optique classique.
La microscopie optique est basée sur l’interaction entre une La microscopie optique est une technique d’analyse simple mais
onde lumineuse (électromagnétique) avec le matériau à limitée en matière de résolution (inférieure à 1 µm) et en champ
observer [R 6 710]. La réponse de ce dernier à cette excitation est (entre 0,2 et 2 mm) par la longueur d’onde utilisée. Dans de
la formation de l’image à l’aide d’un microscope optique (encore nombreux cas, et notamment les céramiques, elle est complétée
appelé microscope photonique) dont les différents éléments sont ou remplacée par la microscopie électronique où les électrons inci-
décrits dans les articles [R 6 710] [R 6 711]. Il existe deux modes dents ont une longueur d’onde beaucoup plus faible que la
d’observation en microscopie optique classique : la microscopie lumière visible et permet donc de meilleures résolutions et un tra-
par transmission et la microscopie par réflexion. vail à des grossissements 100 à 1 000 fois supérieurs.

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2.1.2 Microscopie électronique


Faisceau d’électrons primaires
Le microscope électronique est basé sur le même principe de
lentilles et de faisceaux qu’un microscope optique. Ce qui les diffé-
rencie est que la colonne du microscope électronique est compo-
sée de lentilles électromagnétiques (en verre pour le microscope
optique) et que ce dernier utilise un faisceau d’électrons,
contrairement au microscope optique qui utilise un faisceau de
lumière. Le principe de la microscopie est donc basé sur l’inter-
action électron- matière [A 214]. Les électrons primaires sont pro-
duits par un canon à électron, puis sont accélérés (dans un vide de
10–5 Pa) pour venir interagir avec l’échantillon. En fonction des
interactions entre le faisceau d’électrons et la matière, on distingue
deux types de microscopie électronique [P 865] :
– la microscopie électronique en transmission (MET ou TEM, Électrons
transmission electron microscopy) est l’équivalent de la micro- rétrodiffusés Électrons
scopie optique en mode transmis. En MET, on ne s’intéresse secondaires
qu’aux électrons transmis (diffusé ou diffractés par l’échantillon).
Par leur énergie de 100 à 200 keV, l’échantillon doit donc avoir une
épaisseur maximale de l’ordre de la centaine de nanomètres ;
– la microscopie électronique à balayage MEB ou SEM (scanning

electronic microscopy) est l’équivalent du mode réflexion en
microscopie optique conventionnelle. Le faisceau d’électrons
moins énergétique (1 à 40 keV) balaye l’échantillon à analyser et
permet, à partir des électrons secondaires et/ou rétrodiffusés émis, Poire
de former une image point par point de la surface [P 865] [11]. d’interaction

§ De ces deux modes de microscopie électronique, seule la MEB,


permet une observation de la surface, nous la détaillerons par la Céramique 1 µm
suite.
Lorsque le faisceau d’électrons primaire interagit avec la surface
de l’échantillon, le volume d’interaction prend la forme d’une poire Figure 8 – Électrons émis lors de l’interaction faisceau d’électrons
primaire/céramique
(figure 8). On remarque l’émission, au voisinage de la surface,
d’électrons secondaires qui sont arrachés aux atomes par
ionisation [P 865]. Il y a également les électrons rétrodiffusés qui
proviennent d’un volume plus éloigné de la surface et qui résultent
de l’interaction élastique des électrons primaires avec le noyau des
atomes de l’échantillon et possèdent une énergie proche de celle
du faisceau incident.
§ En fonction des électrons (secondaires ou rétrodiffusés)
considérés, il est possible d’observer différents contrastes : topo-
graphique (relief de l’échantillon) ou de composition chimique
(contraste de numéro atomique).
Le contraste topographique est important pour les deux types
d’électrons, cependant l’image en électrons secondaires (mode SE,
secondary electrons) possède une meilleure définition de la topo-
graphie de surface (figure 9).
Le contraste de composition est principalement obtenu à l’aide 20 µm
des électrons rétrodiffusés (mode BSE, back scattered electrons) et
avec une énergie des électrons primaires supérieure à 20 keV.
Ainsi, le nombre d’électrons rétrodiffusés augmente avec le
numéro atomique des éléments constituants l’échantillon : un Figure 9 – Observation au MEB en mode SE de la topographie de
élément de numéro atomique élevé apparaîtra clair sur l’image car surface d’un dépôt plasma d’alumine
il donnera un signal intense, alors qu’un élément léger apparaîtra
sombre (figure 10). Lorsque l’échantillon présente un fort relief,
c’est principalement un contraste de topographie que l’on obser- une contamination du microscope qui altère la qualité et la fiabilité
vera, et si l’on veut favoriser le contraste de composition chimique, des images et analyses effectuées ;
il est préférable de travailler sur des échantillons polis [P 966] – la tenue au faisceau d’électrons : l’énergie du faisceau incident
[P 866] [11]. est dissipée dans l’échantillon sous forme de chaleur. La majorité
des céramiques sont peu sensibles à ce phénomène. Cependant,
§ Pour réaliser des images de bonne qualité en microscopie élec- dans le cas des céramiques amorphes, elles peuvent localement
tronique, les échantillons doivent respecter les conditions cristalliser sous l’effet du faisceau ; dans ce cas, il est nécessaire
suivantes : de travailler avec des tensions d’accélération de l’ordre de quel-
– la compatibilité avec le vide : le microscope est sous vide ques keV afin d’éviter la modification, voire la destruction de
poussé entre 10–2 à 10–5 Pa [P 866]. Dans le cas des céramiques, l’échantillon ;
du fait de leur stabilité chimique, cet aspect ne pose généralement – une bonne conductibilité électronique superficielle : cette
pas de problème. Par contre, il est important qu’il n’y ait pas de condition est la plus contraignante au niveau des matériaux céra-
substances adsorbées (eau, hydrocarbures...) à la surface des miques. En effet, les céramiques étant pour la plupart des maté-
échantillons, sous peine d’entraîner un dégazage important et ainsi riaux non conducteurs électriques, il y a accumulation d’électrons

Copyright © –Techniques de l’Ingénieur –Tous droits réservés N 4 806 – 7

QPQ

QPR
Analyses de surface et de matériaux
(Réf. Internet 42383)

1– Méthodes d'analyse des matériaux

2– Méthodes d'analyse des surfaces

3– Analyse de céramiques

4– Analyse de nanomatériaux Réf. Internet page

Déis analytiques liés aux nanomatériaux NM8015 105

Sonde atomique tomographique SAT P900 109

5– Analyse de matériaux de construction

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Défis analytiques liés


aux nanomatériaux
par Isabelle LE HECHO
Maı̂tre de Conférences
Université de Pau et des pays de l’Adour/CNRS, LCABIE, IPREM UMR 5254, Pau
Martine POTIN-GAUTIER
Professeur
Université de Pau et des pays de l’Adour/CNRS, LCABIE, IPREM UMR 5254, Pau
et Gaëtane LESPES
Professeur
Université de Pau et des pays de l’Adour/CNRS, LCABIE, IPREM UMR 5254, Pau

Résumé : Les systèmes colloïdaux se réfèrent à des particules dispersées dans une
phase liquide. Leurs propriétés remarquables de stabilité et/ou de couleur ont suscité

depuis plusieurs siècles la curiosité des alchimistes qui ont développé de nombreuses pré-
parations dans des domaines aussi variés que ceux liés à la métallurgie ou à la médecine.
Le terme colloïde n’a pourtant été utilisé pour la première fois qu’en 1861 par le chimiste
britannique Thomas Graham qui caractérisa la dispersion de fines particules d’or respon-
sables de la coloration de certains rubis artificiels [1]. La première observation de systè-
mes colloïdaux fut réalisée en 1903, par le chimiste austro-hongrois Richard
Zsigmondy [2]. Ce chimiste a en effet conçu le premier ultra-microscope permettant d’ob-
server des particules de tailles inférieures à 400 nm dispersées dans un milieu aqueux.
Plus récemment, dans la deuxième moitié du vingtième siècle, les scientifiques ont pour-
suivi leur investigation avec des moyens de plus en plus performants tels que la microsco-
pie électronique. Il est alors devenu possible d’explorer la matière et les particules à
l’échelle nanométrique.
Aujourd’hui, les nanomatériaux suscitent plus que jamais l’intérêt des scientifiques de par
leur taille et leurs propriétés physico-chimiques. Ils sont désormais au cœur de ce que
certains scientifiques n’hésitent pas à qualifier de révolution technologique [3]. Dans ce
contexte, les enjeux liés aux outils d’investigation sont extrêmement importants. En
effet, pour comprendre et maîtriser la matière, il faut être capable de l’observer finement.
Ceci nécessite de disposer de techniques performantes non seulement en terme de réso-
lution en taille, mais également, en termes de précision, de vitesse d’acquisition des don-
nées, de pertinence et de complémentarité des données acquises. Dès lors, les dévelop-
pements analytiques de pointe représentent une réponse à ces exigences ainsi qu’aux
besoins exprimés dans des domaines d’applications aussi variés que la biopharmacie, la
médecine, l’électronique, l’énergétique ou l’environnement.
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est strictement interdite. — © Editions T.I.

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1. Les nanomatériaux Les hommes ont également de tout temps, de par leurs activi-
tés, produit volontairement (produits manufacturés) ou involon-
Les nanomatériaux (NM) ou nano-objets sont définis comme tairement des nano-objets (résidus de procédés de fabrication
des objets dont la taille dans au moins une de leurs dimensions ou conséquences de l’exploitation du sol et du sous-sol, par
est comprise entre 1 et 100 nm [4]. Parmi les nanomatériaux, on exemple). L’avènement des nanotechnologies participe égale-
peut trouver les nanofilms ou nanoplats (dont au moins une des ment à la production de nanomatériaux manufacturés de nature
dimensions est comprise dans cette gamme de taille), les nano- très variée (tableau 1). À base de carbone et/ou de métaux, ils
tubes (se référant à au moins deux de leurs dimensions) et les sont utilisés dans des domaines industriels très différents. Ainsi,
nanoparticules (leurs trois dimensions sont comprises entre 1 et les nanomatériaux font partie intégrante du quotidien de
100 nm). Cette terminologie est essentiellement employée en l’homme comme constituants de base de nombreux objets ou
sciences des matériaux. D’autre part, le terme colloïde décrit produits domestiques tels que les produits d’entretien, les vête-
toute entité dispersée dans un milieu et dont la taille est com- ments, les équipements sportifs et informatiques, les cosméti-
prise entre 1 nm et 1 mm dans au moins une de ses trois dimen- ques, certains médicaments et compléments alimentaires…
sions [5]. En sciences environnementales, les expressions parti- La dissémination des nanomatériaux manufacturés dans l’en-
cule colloïdale (1 nm-1 mm) et nanoparticule (1-100 nm) sont vironnement doit également aujourd’hui être considérée, d’au-
couramment utilisées, le plus souvent sans considération du tant plus que les quantités produites augmentent de façon expo-
nombre de dimensions [6]. nentielle [8] [12] [13]. Cette dissémination peut intervenir non
seulement durant la fabrication mais également lors de l’utilisa-
Compte tenu de ces définitions uniquement basées sur la


tion ou en fin de vie (recyclage, traitement) de matériaux en
taille, il est évident que tous ces termes peuvent définir de très contenant. Leur devenir environnemental reste cependant très
nombreux objets, de nature et de provenance très différentes. mal connu ; il est pourtant crucial de l’appréhender. En effet, en
La figure 1 illustre la grande variété des compartiments environ- s’accumulant dans le compartiment colloïdal décrit dans la
nementaux colloïdaux. figure 1, les nanomatériaux peuvent participer à la réactivité
Les colloïdes naturels peuvent être inorganiques, tels que les générale des entités y étant déjà présentes et modifier ainsi le
oxydes de fer ou de manganèse. Ils proviennent alors de l’altéra- fonctionnement et les propriétés du milieu [13].
tion des matériaux minéraux solides issus de la roche mère, des
processus d’érosion des sols et de réactions physico-chimiques
intervenant dans les eaux. La partie organique du compartiment
2. Pourquoi étudier les nanomatériaux
colloïdal peut contenir des êtres vivants, des macromolécules 2.1 Dans l’environnement et le vivant
issues du métabolisme des êtres vivants ou de l’altération de
débris végétaux et animaux [6] [7] [8] [9] [10]. Les colloïdes D’un point de vue environnemental, de par leur petite taille,
sont ainsi omniprésents dans l’environnement, air, eau ou sol. leur surface spécifique parfois importante et leur ubiquité, les
Par exemple, dans l’atmosphère d’un site forestier, des nanopar- colloïdes jouent un rôle majeur dans les cycles biogéochimiques
des éléments [4] [7] [8] [10]. Quelle que soit leur origine, la
ticules ou particules ultrafines (taille d’environ quelques nano-
taille et la forme déterminent leurs propriétés bio-physico-chimi-
mètres) ont été détectées, avec des concentrations de 103 à
ques et apparaissent être des facteurs clés dans leur mobilité et
104 particules cm–3 et des vitesses de formation de 0,01 à
leur réactivité, en particulier aux interfaces avec le vivant [8].
10 particules cm-3 · s-1 [11]. Dans d’autres compartiments, tels Deux articles scientifiques de synthèse mettent clairement en
que les eaux souterraines et interstitielles, leurs concentrations évidence l’importance du transport des contaminants chimiques
peuvent être relativement importantes. Les eaux d’aquifères et/ou biologiques par les colloïdes [9] [14]. Parmi les exemples
peuvent, par exemple, contenir jusqu’à 5 % de particules argi- donnés par les auteurs, les colloïdes peuvent être eux-mêmes
leuses de taille inférieure à 2 mm [9]. des contaminants ou être considérés comme participant au
transport de contaminants. Ainsi, des bactéries ou des fibres
d’amiante ont pu migrer de plusieurs centaines de mètres dans
Dissous Colloïdal Particulaire des aquifères ; des substances humiques, dont la forte affinité
pour les métaux lourds et les actinides est connue, se sont éga-
Aminoacides lement déplacées très rapidement dans ce même type de
Protéine milieux. Les auteurs soulignent la nécessité d’identifier les vec-
Organiques

Acides teurs et les processus de migration impliqués, afin de les antici-


fulviques Virus Bactéries Algues per dans des actions visant à mieux gérer les déchets ou à
décontaminer un site [9].
Acides
humiques Composés organiques adsorbés L’impact des nanomatériaux manufacturés sur les être vivants
sur particules inorganiques
est également un sujet d’actualité, en particulier en santé
humaine et en écotoxicologie [4] [8]. Les NM ont en effet la
Argiles
faculté de franchir les parois cellulaires. Ils peuvent être interna-
Inorganiques

Ions
Oxyhydroxydes Carbonate, phosphate
lisés, stockés dans le matériel cellulaire (mitochondries par
hydratés exemple) et être à l’origine d’une réponse toxique de l’organisme
de Fe
vivant. Les effets dépendent essentiellement de leur taille et de
Oxydes de Mn leur surface spécifique [4] [15]. D’après Nowack et Bucheli [8],
les « particules de petite taille et de grande surface spécifique »
SiO2
sont à l’origine de stress oxydants et génèrent des espèces oxy-
dantes très réactives qui peuvent conduire entre autres à des
0,1 nm 1 nm 10 nm 100 nm 1 µm 10 µm 100 µm
phénomènes d’inflammation. Les nanoparticules « ultrafines »
Taille peuvent migrer dans l’organisme vivant et, comme dans l’envi-
ronnement, être les vecteurs de transport de contaminants chi-
Figure 1 – Positionnement des colloïdes naturels (gris clair) miques adsorbés à leur surface. Les effets toxiques sont alors
dans le continuum de taille environnemental (d’après [6], [7]) accrus du fait de la toxicité des contaminants chimiques [8]. Au

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Tableau 1 – Quelques exemples de nanomatériaux manufacturés (d’après [8], [12])

Exemples Applications

À base de carbone Nanotubes (NTC) simples ou fonctionnalisés Automobile, aéronautique, sport, électronique, textiles,
plastiques…

Fullerènes simples ou fonctionnalisés Amélioration des propriétés optiques ou électroniques de


polymères, applications médicales et pharmaceutiques

Nanoglobules et nanosphères Vecteurs pour produits pharmaceutiques

Nanoparticules de latex à base de polymères Microencapsulation (applications cosmétiques, médicales,


pharmaceutiques…)

À base de métaux Nanopoudres d’oxydes métalliques TiO2, ZnO : filtres/absorbants UV dans les crèmes solai-
res, polymères et textiles

Fe2O3 : imagerie médicale RMN


SiO2 : abrasif/CuO : bactéricide T
Nanopoudres de métaux Au : thérapie, biologie, catalyse…
Ag : bactéricide
Fe : matériaux magnétiques

Aluminosilicates Zéolites : catalyse, filtration (air/eau)


Céramiques : photocalatyse, biologie
Argiles : lubrifiants, amélioration des propriétés thermi-
ques des polymères…

niveau moléculaire, les effets induits par les nanomatériaux et distribution et/ou les caractéristiques attendues de la produc-
identifiés à ce jour sont en relation avec l’ADN et les protéi- tion [16]. Au travers de cet exemple et de beaucoup d’autres, il
nes [4]. Au travers de ces différents exemples, il est indéniable est évident, compte tenu de la complexité des procédés d’élabo-
que la caractérisation des nanomatériaux est aujourd’hui incon- ration, que les nanomatériaux manufacturés doivent absolument
tournable. D’un point de vue environnemental, il est en particu- être caractérisés.
lier essentiel de prendre en compte le continuum de taille entre
la phase dissoute et la phase particulaire pour mieux maîtriser le
devenir et l’impact sur la qualité d’un milieu des nanomatériaux 3. Caractérisation des nanomatériaux
et des contaminants associés. La caractérisation des nanomatériaux implique la détermina-
tion de plusieurs paramètres physico-chimiques :
2.2 Dans le milieu industriel
— la taille et/ou la masse et la forme. La distribution en taille
Aujourd’hui, les industriels cherchent à fabriquer plus petit, et/ou en masse peut également être essentielle, du fait de la
pour disposer d’outils moins chers, plus robustes, plus légers ou polydispersité des échantillons et/ou du besoin d’évaluer le
plus rapides, d’où l’essor des nanotechnologies. Pour les objets degré de cette dernière ;
dont les dimensions sont de l’ordre du nanomètre ou de quel-
— le taux d’agrégation/agglomération ;
ques dizaines de nanomètres et qui approchent l’échelle ato-
mique, les propriétés quantiques des atomes composant la — les propriétés de solubilité ;
matière deviennent prépondérantes [3]. Il est alors possible de — les propriétés de surface (charge, surface spécifique…) ;
jouer sur les états quantiques de la matière pour élaborer des — la structure (cristalline, amorphe…) ;
matériaux aux qualités optiques, catalytiques, mécaniques, — la composition chimique (éléments, groupements
magnétiques, thermiques ou électriques, incomparables. Dans fonctionnels) ;
ces jeux de construction, les nanomatériaux sont à la fois des
— la concentration (en milieu dispersé).
éléments de base et des pièces maîtresses. Maîtriser parfaite-
ment leurs procédés de synthèse ainsi que leurs dimensions et La plupart des techniques utilisées pour déterminer ces para-
leur composition est donc un enjeu crucial, d’autant plus que les mètres requièrent une mise en suspension des particules dans
procédés d’élaboration ne conduisent jamais directement à l’ob- un solvant. Dans les études environnementales, le solvant est
tention du matériau pur. Par exemple, dans les cas des nanotu- généralement de l’eau. Pour la caractérisation de nanomatériaux
bes de carbone (NTC), le matériau brut obtenu est un mélange manufacturés, le solvant, le plus souvent aqueux, peut aussi être
de nanotubes plus ou moins « en pelote » et d’impuretés organique. Par exemple, les fullerènes et plus largement les
comme des nanoparticules de carbone amorphe et des particules nanomatériaux carbonés peuvent être mis en suspension dans
de métal utilisées comme catalyseurs [16] [17]. Différents trai- du toluène [12]. Dans ces conditions, l’obtention de suspensions
tements basés sur des mélanges d’acides et des procédés d’oxy- stables et ne dénaturant pas les nano-objets est cruciale pour la
dation sont utilisés pour éliminer ces résidus. D’autres traite- qualité et la fiabilité des informations obtenues. Cependant, bien
ments à base d’ultrasons sont également employés pour que des travaux soient en cours dans le cadre de projets euro-
disperser les NTC et supprimer les enchevêtrements de nanotu- péens et internationaux, à notre connaissance aucune étude
bes. Ces traitements post-synthèse peuvent modifier la exhaustive n’a encore abouti au développement et à la validation

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Sonde atomique tomographique SAT

par Didier BLAVETTE


Professeur des Universités
Groupe de Physique des Matériaux – UMR CNRS 6634
Normandie Université, Université et INSA de Rouen
UFR Sciences et Techniques
François VURPILLOT
Maître de conférences
Groupe de Physique des Matériaux – UMR CNRS 6634
Normandie Université, Université et INSA de Rouen
UFR Sciences et Techniques
et Bernard DECONIHOUT
Professeur des Universités
Groupe de Physique des Matériaux – UMR CNRS 6634
Normandie Université, Université et INSA de Rouen
UFR Sciences et Techniques T
Cet article est la réédition actualisée des articles P 900 « Microscopie ionique à effet
de champ et sonde atomique », rédigé par Didier BLAVETTE et Alain MENAUD, et IN83
« La sonde atomique tridimensionnelle laser », rédigé par Bernard DECONIHOUT,
François VURPILLOT, Alain MENAND et Didier BLAVETTE.

1. Évaporation par effet de champ ....................................................... P 900v2 - 2


2. Identification chimique des ions ...................................................... — 3
3. Mode d’évaporation et résolution en masse ................................. — 4
3.1 Application d’une impulsion de champ électrique ................................ — 4
3.2 Application d’une impulsion laser ........................................................... — 5
4. Localisation des impacts d’ions
et reconstruction des images ............................................................ — 6
4.1 Localisation des impacts .......................................................................... — 6
4.2 Reconstruction des images ...................................................................... — 6
5. Résolution spatiale ............................................................................... — 9
6. Mesure d’une composition ................................................................. — 10
6.1 Quantitativité ............................................................................................. — 10
6.2 Statistiques ................................................................................................ — 10
7. Imagerie tridimensionnelle en SAT .................................................. — 11
8. Applications en métallurgie ............................................................... — 11
9. Rôle en nanoscience et nano-électronique .................................... — 12
10. Conclusion............................................................................................... — 14
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. P 900v2

es progrès constants réalisés dans le domaine des nanosciences et de


L leurs applications, les nanotechnologies, n’ont pu se faire que grâce au
développement de techniques d’analyse et d’imagerie de plus en plus perfor-
p。イオエゥッョ@Z@、←」・ュ「イ・@RPQS

mantes. Pendant longtemps, les nanostructures telles que les transistors, les
vannes de spin, les LED étaient structurées en deux dimensions en densité
croissante sur les substrats de silicium (wafers). Aujourd’hui, l’industrie de la

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés P 900v2 – 1

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SONDE ATOMIQUE TOMOGRAPHIQUE SAT _______________________________________________________________________________________________

nanoélectronique se heurte à une limite importante empêchant l’intégration en


surface des nano-objets. Un pas vient d’être franchi cette année 2013 avec le
lancement par INTEL de la technologie 3D sans laquelle la densité d’intégration
ne peut plus croître. Alors que les techniques d’analyses et d’imagerie en deux
dimensions sont légions (spectrométrie de masse d’ions secondaires, micros-
copie électronique haute résolution, techniques de champs proche...), aucune,
jusqu’à l’avènement de la sonde atomique tomographique assistée par laser
ne permettait l’étude des interfaces et de la chimie de ces nouveaux
nano-objets à l’échelle atomique et en trois dimensions.
La sonde atomique est un instrument assez ancien qui est née trois fois.
Pendant longtemps, elle fut limitée à l’étude des métaux. Elle a récemment
subi une révolution permettant son utilisation sur des matériaux isolants et
conducteurs. Cela a ouvert la voie à l’imagerie analytique 3D avec une résolu-
tion inférieure au nanomètre.
Dans cet article sont décrits les principes fondamentaux sur lesquels repo-
sent la technique et les technologies développées au cours de ces dernières
années pour aboutir à la version moderne de l’instrument suite à de nombreux
développements ingénieux développés dans le cadre des nanosciences.
Aujourd’hui, c’est dans le domaine des nanotechnologies que la sonde ato-

T mique tomographique SAT continue d’être développée et de trouver des


applications variées sur des problématiques modernes.

1. Évaporation par effet


de champ L = 10cm

Ion
Le principe de la sonde atomique tomographique repose sur Impact
l’ionisation et l’évaporation par effet de champ [1] [2] des ato- X, Y, tvol
Échantillon
mes situés à la surface d’un matériau.
Point de θ'
projection P θ
L’échantillon taillé sous la forme d’une fine pointe est porté à un mR C
potentiel V positif élevé de plusieurs kilovolts (figure 1). Le champ
électrique ainsi généré au bout de la pointe est de la forme :
R~ L
G=
E = V /β R (1) 50 nm (b) (M + 1)R

avec R rayon de courbure de la pointe,


HV pulse
β constante de l’instrument (β = 3 à 8).
VDC +
Cette constante dépend de la forme de la pointe et de son Laser pulse
10nm
environnement électrostatique. Un champ électrique atteignant
50 V/nm peut ainsi être créé pour R = 50 nm et V = 10 kV (β = 4). Ce
champ très intense polarise les atomes en surface et conduit à leur
évaporation sous la forme d’ions positifs n fois chargés.
Pour évaporer les atomes de surface, il faut les arracher de la Figure 1 – Principe d’une sonde atomique tomographique
surface et les ioniser positivement. L’énergie nécessaire Q0 est
donc la somme de l’énergie de sublimation Λ et de première
ionisation de l’atome I0 . Cette ionisation produit un électron Pour un champ critique Es (seuil), que l’on définit comme champ
transmis à l’échantillon en sorte que l’énergie finale à fournir est d’évaporation, Q devient nulle. Ce champ dépend des constantes
diminuée du travail de sortie de l’électron Φ : physiques Λ, Φ et I0 du matériau considéré. Pour cette valeur
critique, le matériau s’évapore de façon continue même à une tem-
Q0 = Λ + I0 − Φ (2) pérature nulle théoriquement car il n’y a plus de barrière. En pre-
mière approximation, on peut montrer que la barrière varie
La barrière d’énergie Q0 (E = 0) qu’il faut franchir pour ioniser linéairement avec le champ E pour des valeurs proches de Es . On
l’atome est réduite sous l’action du champ intense de surface peut donc écrire :
suivant une fonctionnelle f :

E  Q (E )  E 
Q (E ) = Q0 f   (3) ∝  1−  (4)
Es  Q0  Es 

P 900v2 − 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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_______________________________________________________________________________________________ SONDE ATOMIQUE TOMOGRAPHIQUE SAT

exponentielle avec le champ électrique appliqué E selon une loi de


Historique Boltzmann dépendant de la barrière Q (E) :

Atteindre l’analyse chimique à l’échelle de l’atome est un  Q (E ) 


défi constant de l’histoire des sciences et des microscopies. Le K e = ν 0 exp  −  (5)
 kB T0 
microscope ionique à effet de champ FIM, (Field Ion
Microscope ), inventé dès les années 1950 par Erwin Müller, avec υ0 fréquence de vibration des atomes de surface,
fut le premier instrument capable d’imager les atomes à la
surface d’un matériau, et ce, bien avant le microscope électro- T0 température absolue de l’échantillon (entre 20 K et 100 K),
nique inventé par Ruska ou le microscope à effet tunnel (STM) kB constante de Boltzmann.
de Rohrer et Binnig (tous trois prix Nobel 1986).
Notons que l’atome s’évapore initialement sous la forme d’un
La nature cristalline des solides avait été mise en évidence ion une fois chargé. Il perd ensuite un ou plusieurs électrons
dès la fin du XIXe siècle mais de manière indirecte par diffrac- supplémentaires par post-ionisation par effet tunnel à proximité de
tion des rayons X ou des électrons dans l’espace réciproque et la surface [3].
non réel. Muller franchit une nouvelle étape à la fin des années
La sonde atomique tomographique est un microscope analyti-
soixante en inventant la sonde atomique (atom-probe) qui per-
que 3D à projection. Le champ électrique pulsé ou l’impulsion de
mit d’identifier la nature chimique des atomes par spectromé-
lumière (figure 1) intense engendre l’évaporation atome par atome
trie de masse. Ces deux techniques étaient intégrées dans un
de l’échantillon préparé sous la forme d’une pointe. Les atomes de
seul instrument APFIM (Atom Probe Field Ion Microscopy).
surface ainsi évaporés, par effet de champ, sont identifiés par
La sonde atomique tomographique APT (Atom Probe Tom- spectrométrie de masse à temps de vol. La trajectoire des ions
ography) est un microscope analytique 3D qui produit une émis est indiquée en tiretés sur la figure 1. L’angle sous lequel est


image 3D à l’échelle atomique de la répartition des espèces émis un ion θ′ est proportionnel à l’angle θ. Le grandissement G
chimiques dans le petit élément de volume analysé est voisin du rapport entre la distance de la pointe au détecteur
(100 × 100 × 100 nm3) et donne de manière quantitative la spatial et le rayon de courbure de la pointe (théorème de Thales).
composition dans une petite zone arbitraire du volume ana- La position (X, Y) des impacts ioniques sur le détecteur permet
lysé. Cette imagerie subnanométrique est un outil qui joue donc de remonter à la position (X/G, Y/G) qu’occupaient les ato-
aujourd’hui un grand rôle en sciences des matériaux dans mes sur l’extrémité hémisphérique de l’échantillon.
l’étude de la précipitation ou de la ségrégation sur les défauts
cristallins. Plusieurs industriels de la métallurgie ou de l’éner-
gie nucléaire disposent déjà de cet appareil. La sonde atomique tomographique est donc une sonde
unidimensionnelle à laquelle est intégré un détecteur sensible
Les premiers prototypes, issus des laboratoires académi- à la position et résolu en temps à la nanoseconde près.
ques, sont nés fin des années 1980 à Oxford, à Oak Ridge
(USA) et à Rouen (GPM, France). Le prototype français, la
sonde atomique tomographique TAP (Tomographic Atom
Probe ), a été commercialisé par CAMECA (Genevilliers, 2. Identification chimique
France) dès la fin des années 1990.
Depuis, d’autres instruments plus évolués sont apparus,
des ions
augmentant progressivement les performances de l’appareil. Les ions positifs An+ produits par évaporation par effet de champ
Ainsi, une nouvelle génération d’instrument a vu le jour à Madi- sont projetés depuis la pointe par le champ électrique intense de
son (USA) au début des années 2000. Cet instrument appelé surface. Les ions sont accélérés en suivant sensiblement les lignes
LEAP (Local Electrode Atom Probe ) repose sur l’utilisation d’une de champ vers un détecteur sensible à la position et résolu en temps
électrode locale d’extraction rendant ainsi possible l’analyse de (figure 2). L’énergie cinétique acquise est de la forme :
volumes d’analyse bien plus importants atteignant de manière
routinière environ 100 × 100 × 100 nm3) et des vitesses d’ana- Wc = n eV
lyse inégalées. Il est aujourd’hui commercialisé par CAMECA
société Française du groupe AMETEK qui est aujourd’hui la avec n état de charge,
seule société commercialisant la sonde atomique 3D. e charge de l’électron).
Dès 2004, la sonde atomique a connu un développement Elle est de plusieurs keV. Le temps de vol des ions tvol nous ren-
majeur, avec l’utilisation d’impulsions laser ultrabrèves pour seigne sur la nature chimique des ions. On parle alors de
éplucher la matière. Cela a permis l’analyse des matériaux spectrométrie de masse à temps de vol. Les ions les plus légers,
peu ou non conducteurs de l’électricité et a étendu le champ c’est-à-dire les plus rapides, arrivent en premier sur le détecteur.
d’application de la technique aux semi-conducteurs et oxydes,
L’énergie cinétique étant acquise dans les premiers micromètres
qui sont des matériaux clés de la spintronique, de la photoni-
du vol, le rapport masse sur charge (m/n) est déduit de l’équation
que ou de la microélectronique.
de conservation de l’énergie et de la mesure du temps de vol :
Avec l’augmentation continue des densités d’intégration des
circuits intégrés (loi de Moore, barrière de Fourier) et la diminu- 2
tion consécutive de la taille des transistors (≈ 22 nm en 2011), la M t 
≈ 2eV  vol  (6)
sonde atomique tomographique SAT (Atom Probe Tomogra- n  L 
phy APT) devient un outil indispensable pour imager la distri-
bution 3D des dopants dans les dispositifs microélectroniques. avec e charge de l’électron,
M/n en unité de masse atomique (uma) ou en Dalton (Da),
M masse de l’ion mesurée par temps de vol,
Pour une température non nulle, les vibrations du réseau
cristallin sont suffisantes pour permettre le passage par saut de la V en KV.
barrière d’énergie existant en surface. Le processus est donc
thermiquement activé et la vitesse d’évaporation Ke (fréquence Le temps de vol pour une distance de vol L de 10 cm est d’une
d’évaporation pour un atome par unité de temps) croît de manière fraction de µs.

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SONDE ATOMIQUE TOMOGRAPHIQUE SAT _______________________________________________________________________________________________

La résolution en masse est quantifiée en pratique par M/δM le


pouvoir séparateur du spectromètre de masse, δM étant :
– soit la largeur à mi-hauteur du pic : résolution en masse
FWHM (Full Width Half Maximum) ;
– soit la largeur à un dixième de la hauteur du pic : résolution en
masse FWTM (Full Width Tenth Maximum).
En pratique, la résolution en masse dépend des erreurs de
mesures sur le temps de vol δt et sur la tension δV. En reprenant
l’équation (6), δM/M peut s’écrire :

(δM /M )2 = (2δt /t vol)2 + (δV /V )2 (7)

L’erreur sur le temps de vol est la somme quadratique des


erreurs sur l’instant de départ δtstart et sur l’instant de détection δts-
top. La chaîne de mesure (compteurs de temps) possède une incer-
titude de mesure δt de l’ordre de 100 ps. Les erreurs sur l’instant
de départ et sur la dispersion en tension δV dépendent quant à
elles des modes impulsionnels d’évaporation utilisés.
L’évaporation peut être déclenchée de deux manières (ou
Détecteur modes) différentes dans les sondes modernes :
– soit en abaissant brutalement la hauteur de la barrière Q (E)


par l’application d’une impulsion de champ électrique ;
– soit en augmentant la température par une impulsion
Électrode locale thermique créée par une impulsion laser femtoseconde.

3.1 Application d’une impulsion


Spécimens (assemblage de pointes)
de champ électrique
Dans ce premier mode, on superpose au potentiel continu V0
Le LEAP (Local Electrode Atom Probe) est une sonde atomique
des impulsions de plusieurs kilovolts durant quelques nano-
tomographique dans laquelle le champ électrique est localisé et exalté
secondes. Ce mode n’est utilisable que pour les matériaux bons
à l’extrémité d’un échantillon choisi (pointe) à l’aide d’une micro-
électrode d’ouverture ~ 50 µm placée à quelques dizaines de
conducteurs de l’électricité. Ces impulsions électriques conduisent
micromètre de son apex. L’électrode compresse ainsi les lignes de à des déficits en énergie des ions qui se traduisent par une dété-
potentiels permettant l’utilisation de tensions d’évaporation moins rioration de la résolution en masse. Tous les ions ne s’évaporent
importantes que pour une sonde atomique standard. pas à l’énergie nominale :

W0 = e (V0 + Vp )
Figure 2 – Schéma de principe d’une sonde atomique
à électrode locale LEAP
avec Vp amplitude de haute tension superposée à V0.
Il existe un déficit en énergie δW = eδV qui se traduit par une
La mesure du temps de vol impose bien sûr de connaître l’instant dispersion en temps de vol (traîne derrière les pics de masse). De
de départ des ions. Le top départ est donné par une impulsion pro- plus, le potentiel électrique près de la pointe varie pendant le vol
voquant l’évaporation alors qu’un détecteur donne le top arrivée. des ions, ce qui accentue encore la dispersion mesurée (effets
Ces impulsions (électriques ou laser) sont répétées périodiquement dynamiques). La conséquence est une détérioration de la
(10 kHz à 1 MHz selon l’instrument). L’échantillon est maintenu à un résolution en masse (δM/M ≈ 1/300).
champ continu E0 au-dessous du champ d’évaporation Es en sorte
qu’aucun atome ne s’évapore entre chaque impulsion appliquée. Deux technologies permettent néanmoins d’améliorer sensible-
C’est la condition pour permettre des mesures quantitatives de ment la résolution en masse en mode électrique.
composition. Le rendement d’ionisation est de 100 %, tous les ions Dans la technologie LEAP (figure 2), l’évaporation est provoquée
étant éjectés de la surface quelle que soit leur masse. par des impulsions négatives appliquées à une électrode annulaire
(ouverture ≈ 50 µm) placée à environ 50 µm de la pointe [4]. Les ions
traversent le dispositif pendant un temps bien plus court que la
durée de l’impulsion, ce qui réduit les effets dynamiques de
3. Mode d’évaporation dispersion en énergie. De plus, la présence de cette contre-électrode
et résolution en masse augmente localement le champ électrique pour une même tension
appliquée. Des impulsions électriques moins intenses et de
meilleure qualité sont utilisées (durée de l’ordre de la nanoseconde).
Une bonne précision sur le temps de vol et sur l’énergie acquise
Comme dispositifs de compensation en énergie, des miroirs
par l’ion permet d’obtenir une excellente mesure du rapport masse
électrostatiques peuvent être adaptés pour améliorer la résolution
m sur charge n de l’ion émis. L’important est bien sûr de séparer
spectrale (figure 3). On atteint une résolution en masse δm/m de
deux pics de masse proches.
l’ordre de 1/1000. Le prix à payer est une réduction de la
Exemple : dans un alliage FeMn, le Mn2+ transparence du dispositif (grille sur les trajets des ions qui filtre
55 (M/n = 27,47) est
environ 40 % des ions pouvant atteindre le détecteur).
détecté entre deux isotopes du Fe Fe254+ = 26, 97, Fe256+ = 27, 97) .
Le réflectron est un dispositif électrostatique de compensation
Afin de distinguer tous les pics, leur largeur doit être inférieure à des déficits en énergie. Les ions entrent dans une zone de champ
0,5 Da, soit une résolution relative d’environ 1,8 % électrique qui retourne les trajectoires ioniques vers le détecteur
(δM/M = 0,5/27,47). comme dans un miroir. Les ions sans déficit d’énergie sont retour-

P 900v2 – 4 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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Analyses de surface et de matériaux
(Réf. Internet 42383)

1– Méthodes d'analyse des matériaux

2– Méthodes d'analyse des surfaces

3– Analyse de céramiques

4– Analyse de nanomatériaux

5– Analyse de matériaux de construction Réf. Internet page

Analyse et caractérisation de matériaux de construction P3660 115

Nouvelle méthode d'échantillonnage des COV émis par les matériaux de construction IN112 123

Caractérisation par spectroscopie infrarouge de matériaux cimentaires IN237 127

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Analyse et caractérisation
de matériaux de construction

par Pierre WITIER


Gérard PLATRET
Hieu-Thao HUYNH
Fabienne FARCAS
Véronique BOUTEILLER
Daniel ANDRÉ
Yves MOUTON
Laboratoire central des Ponts et Chaussées, service Physico-chimie des matériaux, Paris
et Jean-Marie ANTOINE
Membre du Laboratoire régional des Ponts et Chaussées de Nancy,
Centre d’études techniques de l’équipement de l’Est U
1. Matériaux d’origine essentiellement minérale ................................ P 3 660 - 3
1.1 Matériaux de base ....................................................................................... — 3
1.2 Coulis, mortiers et bétons........................................................................... — 6
1.3 Autres matériaux ......................................................................................... — 7
2. Aciers de construction ........................................................................... — 7
2.1 Généralités. Définitions............................................................................... — 7
2.2 Caractérisation des produits....................................................................... — 8
3. Matériaux organiques ............................................................................. — 10
3.1 Polymères organiques utilisés en construction ........................................ — 10
3.2 Bitumes et matériaux bitumineux.............................................................. — 16
4. Matériaux composés ............................................................................... — 22
4.1 Généralités ................................................................................................... — 22
4.2 Peintures et produits assimilés .................................................................. — 22
4.3 Produits de réparation et de protection du béton..................................... — 25
4.4 Matériaux et complexes d’étanchéité ........................................................ — 27
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 3 660

n projet de construction, qu’il s’agisse de faire du neuf ou de réparer de


U l’ancien, fait nécessairement appel à des matériaux dont la définition entre
dans le cahier des charges. À ce niveau on peut se demander comment préciser
la commande, étant entendu que le concepteur s’intéresse d’abord à la fonction
constructive du matériau qu’il a choisi, ses propriétés mécaniques, protectrices,
voire esthétiques, et se fonde sur le postulat que le matériau en place remplira
correctement le rôle qui lui est imparti.
La réalité se charge de rappeler qu’il n’est pas possible de tout demander en
même temps à un matériau et qu’un minimum de connaissances sur sa struc-
ture physico-chimique s’impose. On peut s’adresser pour cela à des ouvrages
spécialisés mais il peut aussi rester des questions non résolues pour un usage
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@QYYY

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ANALYSE ET CARACTÉRISATION DE MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION ____________________________________________________________________________

donné. De bonnes méthodes d’analyse chimique ou physico-chimique s’avèrent


nécessaires pour compléter les essais de convenance dans certains cas difficiles.
Mais la véritable place de l’analyse, là où elle se révèle un allié puissant, c’est
pour vérifier que le matériau livré est bien celui que l’on attend, c’est-à-dire qu’il
peut être considéré comme identique à celui qui a été défini dans le projet : le
recours aux analyses chimiques part alors du principe que, si deux échantillons
sont de composition identique, ils ont de fortes chances d’avoir les mêmes pro-
priétés d’usage.
Un deuxième apport important de l’analyse consiste en sa capacité à donner
des éléments pour comprendre ou anticiper, dans certains cas, le comportement
du matériau par analogie avec des cas semblables rencontrés antérieurement.
C’est l’étude des pathologies des matériaux d’une part, la caractérisation fonc-
tionnelle (aptitude à remplir une fonction) d’autre part. La première application
est de pratique courante. La seconde requiert beaucoup de précautions de la part
de celui qui l’utilise.
Dans tous les cas, il convient de considérer les méthodes de caractérisation
des matériaux comme un ensemble où chaque élément doit trouver sa place, les
méthodes chimiques comme les essais mécaniques ou rhéologiques. Il n’est
généralement pas utile d’analyser complètement un produit pour le caractériser
dans le contexte où il est utilisé et même dans certains cas il est préférable
d’abandonner l’analyse pour un essai global basé sur une grandeur physique


pertinente et significative.
Les méthodes qui sont décrites ci-après tentent de répondre à ces prémisses,
famille par famille de matériaux. Si les paragraphes sont de longueur inégale
c’est que l’utilisation des méthodes décrites est plus ou moins courante, voire
remplacée par une autre procédure dans le plan qualité considéré. C’est le prin-
cipe de complémentarité énoncé plus haut qui s’applique ici.
Nota : à propos du référentiel normatif, il faut préciser que l’activité déployée depuis une dizaine d’années par la normalisa-
tion européenne des produits de construction est considérable et arrive au point où de nouvelles normes sont publiées actuel-
lement à un rythme très soutenu. Les références citées dans l’article en [Doc. P 3 660] sont donc datées et devront être
actualisées autant que de besoin.

Tableau des abréviations


AED (1) Analyse enthalpique différentielle
ATD Analyse thermique différentielle
ATG Analyse thermogravimétrique
CLHP Chromatographie liquide à haute performance
DCP Direct Current Plasma (arc continu en plasma d’argon)
DRX Diffractométrie de rayons X
DSC (1) Differential Scanning Calorimetry (calorimétrie différentielle à balayage)
ICP Inductively Coupled Plasma (plasma induit à haute fréquence)
IR Spectrométrie d’absorption infrarouge
MEB Microscopie électronique à balayage
RMN Résonance magnétique nucléaire
SAA Spectrométrie d’absorption atomique
SAM Spectrométrie d’absorption moléculaire
SEC Size Exclusion Chromatography (chromatographie d’exclusion stérique)
SFX Spectrométrie de fluorescence X
TAC Titre alcalimétrique complet
UV Spectrométrie ultraviolette
(1) AED et DSC désignent la même technique

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____________________________________________________________________________ ANALYSE ET CARACTÉRISATION DE MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION

1. Matériaux d’origine Pour les gravillons, elle est testée selon la norme P 18-591 et cor-
respond à une absence de matières terreuses, d’argiles et de pous-
essentiellement minérale sières provenant du concassage.

1.1.1.2 Caractérisation

1.1 Matériaux de base 1.1.1.2.1 Analyse chimique


L’analyse chimique peut être réalisée soit par voie chimique soit
par voie physique.
1.1.1 Granulats et sables
Sauf dans le cas de la spectrométrie de fluorescence X, l’analyse
nécessite une mise en solution complète du matériau. Cette der-
Les granulats utilisés dans les mortiers et les bétons sont appelés nière est effectuée au moyen d’une fusion à l’aide de métaborate
fines, sables, gravillons, cailloux et graves en fonction de leurs et/ou de tétraborate de lithium, à 1 100 - 1 200 °C, soit en creusets de
dimensions qui varient de 0 à 80 mm (XP P 18-540) [26]. graphite pyrolytique et de préférence dans un four à induction, soit
La granularité est la distribution dimensionnelle des grains. Cette en creusets de platine iridié dans un four à moufle. La masse en
dernière est déterminée par l’analyse granulométrique ou granulo- fusion est coulée dans une solution d’acide nitrique ou chlorhydri-
métrie. La norme P 18-560 permet de déterminer, au moyen d’une que dilué et sa dissolution sous agitation dure de 15 à 20 min. Sur
série de tamis, la granularité de granulats de dimensions comprises cette solution amenée à un volume connu, on prélève des aliquotes
entre 0,063 mm et 80 mm. pour le dosage des principaux constituants.
■ Analyse élémentaire par voie physique
1.1.1.1 Classification
Les méthodes physiques couramment utilisées sont au nombre
En fonction de leurs teneurs en silice, alumine et chaux, les granu- de trois : la spectrométrie d’absorption atomique (SAA), la spectro-
lats peuvent être classés en quatre catégories (tableau 1). métrie d’émission atomique par plasma (ICP) et la spectrométrie de
fluorescence X (SFX).


Les spectromètres utilisés comportent tous une source lumineuse
(SAA) ou une source d’excitation (ICP et SFX), un monochromateur,
Tableau 1 – Classification des granulats en fonction un système de comptage et très souvent un micro-ordinateur pour
de leur composition l’acquisition et le traitement des données.
(teneurs en % massique) Ces méthodes physiques sont des méthodes comparatives qui
nécessitent des étalonnages réalisés soit à partir de matériaux éta-
SiO2 CaO Al2O3 lons de composition connue avec précision, soit à partir de
mélanges synthétiques préparés avec des produits de pureté analy-
Siliceux 70 à 90 0,1 à 1 1 à 10
tique ou bien encore en utilisant des solutions prêtes à l’emploi. Ces
Silico-alumineux 50 à 70 1à5 10 à 25 étalons servent à l’établissement de courbes d’étalonnage qui per-
mettent de déterminer la concentration de l’élément dans le produit
Silico-calcaires 15 à 20 15 à 30 3 à 10
à analyser.
Calcaires 2 à 10 30 à 50 0,5 à 2
Pour les méthodes SAA et ICP, les analyses sont réalisées après
mise en solution des matériaux. Par contre, pour la SFX, les analy-
ses sont effectuées directement sur les perles réalisées à partir de
Les différentes teneurs peuvent être déterminées en laboratoire fusions aux borates alcalins.
par diverses méthodes d’analyses. Les méthodes décrites au para- ■ Analyse élémentaire par voie chimique
graphe 1.1.1.2.1 sont utilisables pour obtenir des analyses complètes
des granulats. Parmi les méthodes chimiques utilisées en analyse, on peut citer
la gravimétrie, la complexométrie et la volumétrie. Cependant, ces
La formulation de bétons spécifiques a entraîné l’apparition de diverses méthodes sont de plus en plus abandonnées au profit des
granulats spéciaux qui sont essentiellement de deux types : méthodes physiques. De ce fait, elles ne seront que fort peu
— des granulats légers, utilisés pour la confection de bétons développées dans ce document.
légers de structure, de chapes ou d’isolation. Les granulats les plus
usuels sont à base d’argile ou de schiste expansés (NF P 18-309) ou 1.1.1.2.2 Analyse minéralogique
de laitier expansé (NF P 18-307). Leurs masses volumiques varient
entre 400 et 800 kg/m3 et permettent d’obtenir des bétons de masse Elle a pour objet l’identification et le dosage des minéraux consti-
volumique comprise entre 1 200 et 2 000 kg/m3. Les bétons d’isola- tutifs du matériau. Son processus est très différent de celui de l’ana-
tion peuvent faire appel à des granulats comme le polystyrène lyse chimique qui ne donne que la composition élémentaire des
expansé, le liège et la vermiculite ; matériaux, exprimée en oxydes, à l’exception de quelques cas où
— des granulats à hautes caractéristiques qui peuvent être soit les teneurs de certaines espèces minérales peuvent être calculées
des sous-produits de l’industrie soit des produits élaborés spéciale- directement à partir des données de l’analyse élémentaire (chloru-
ment suivant des critères spécifiques pour répondre à des besoins res alcalins, carbonates de calcium).
particuliers comme des bétons lourds, des bétons présentant une L’analyse minéralogique utilise les résultats de plusieurs métho-
forte résistance à l’usure ou des bétons réfractaires, en utilisant des des instrumentales qui sont utilisées pour caractériser un minéral
granulats ayant cette particularité. par :
Les granulats et les sables doivent être propres. Cette propreté est — sa structure cristalline (répartition des atomes dans des
le garant d’une bonne adhérence avec les hydrates issus de l’hydra- réseaux géométriques), qui est mise en évidence par la diffraction
tation du liant et elle est traitée par la norme XP 18-540. Pour les de rayons X ;
sables, elle est déterminée par l’essai "d’équivalent de sable" selon — son réseau cristallin, qui peut être extrait du spectre de diffrac-
la norme P 18-598 et un essai au bleu de méthylène (P 18-592, P 18- tion de rayons X obtenu sur l’échantillon pulvérulent (méthode de
595). Debye et Scherrer) ;

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ANALYSE ET CARACTÉRISATION DE MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION ____________________________________________________________________________

— sa teneur dans un mélange, qui peut être déterminée, dans 1.1.2.1 Classification des ciments et des chaux
certains cas par diffractométrie quantitative de rayons X, par les
méthodes dites de l’étalon interne, de l’étalon externe et d’addition ; 1.1.2.1.1 Ciments
les choix des raies et des étalons peuvent parfois poser des problè-
mes délicats dans le cas de composés comportant plusieurs miné- Les ciments se répartissent en cinq types selon la nature et la pro-
raux, ce qui entraîne une erreur relative souvent élevée sur les portion des constituants et sont régis par la norme NF P 15-301 :
résultats obtenus ; Ciments Porland : ................................... CPA-CEM I
— sa morphologie (taille et forme des particules), ainsi que ses Ciments Portland composés :................ CPJ-CEM II/A ou B
défauts (dislocation, joints de grains, etc.), qui peuvent être obser-
vés ou évalués par microscopies optique et électronique ; Ciments de haut-fourneau :................... CHF-CEM III/A ou B
— sa microcomposition élémentaire approchée, qui peut être CLK-CEM III/C
déterminée par l’analyse à la sonde électronique (dite sonde de Cas- Ciments pouzzolaniques :...................... CPZ-CEM V/A ou B
taing) ou au microscope électronique à balayage équipé d’un spec-
tromètre X soit à dispersion de longueur d’onde soit à dispersion Ciments au laitier et aux cendres :........ CLC-CEM V/A ou B
d’énergie ; La proportion des constituants autres que le clinker est donnée
— son comportement thermique (polymorphisme en fonction de par les lettres A, B et C.
la température, identification et dosage de certaines phases cristal- De plus, les ciments sont répartis en trois classes de résistance
lines et surtout amorphes, états de l’eau dans les hydrates), qui peut notées 32.5, 42.5 et 52.5 qui sont définies par la valeur minimale de
être mis en évidence principalement par analyse thermogravimétri- la résistance normale du ciment à 28 jours.
que (ATG) , par analyse thermique différentielle (ATD), par analyse
enthalpique différentielle (AED) et aussi par dilatométrie ;
1.1.2.1.2 Chaux
— les énergies de réaction, d’oxydation et de décomposition,
exprimées en variation d’enthalpie, qui peuvent être mesurées par Les chaux sont de deux types (NF P 15-312 et NF P 15-311) :
microcalorimétrie, par analyse enthalpique différentielle et même Chaux hydrauliques artificielles : .......... XHA
par analyse thermique différentielle. Les énergies de liaison intra-
moléculaires et interatomiques peuvent être révélées, dans certains Chaux hydrauliques naturelles : ........... NHL

U cas, par la spectrométrie d’absorption dans l’infrarouge.

■ Calcul minéralogique
1.1.2.2 Analyse chimique
L’analyse chimique des ciments et des chaux est destinée à la
L’analyse minéralogique précédemment décrite peut être rempla- détermination soit de leur composition élémentaire, soit de leur
cée par une composition minéralogique quantitative obtenue en composition minéralogique. Elle permet notamment :
combinant l’exploitation rationnelle des résultats de l’analyse chimi- — de déterminer la composition des crus de cimenterie utilisés
que et des méthodes physiques (diffraction de rayons X, ATD, pour la fabrication de ciments d’une qualité requise ;
ATG, etc.) et en informatisant le calcul suivant Deloye [1, 2]. Ce
— de juger de la conformité d’un produit fini ;
calcul minéralogique aboutit à une plus grande justesse et à une
rapidité supérieure pour l’établissement de la composition minéra- — de prévoir l’utilisation rationnelle des matériaux.
logique d’un matériau. Les ciments Portland, les chaux et les laitiers se dissolvent dans
les acides forts même dilués. Par contre, les fumées de silice, les
La masse d’échantillon nécessaire est de l’ordre de 10 g. La limite cendres volantes et les pouzzolanes ne sont que très partiellement
de détection et la précision des dosages varient en fonction des solubles dans les acides forts. Leur mise en solution est effectuée au
espèces minérales présentes de 0,5 à 5 %. moyen d’une fusion selon le paragraphe 1.1.1.2.1.
Les méthodes chimiques constituent la base de l’analyse norma-
tive (NF EN 196-2) des ciments et des composés apparentés (clinker,
1.1.2 Ciments, chaux, laitiers, cendres volantes, laitiers, etc.). Les techniques utilisées sont la gravimétrie, la volumé-
fumées de silice et pouzzolanes trie et la photométrie.
Les méthodes physiques sont de plus en plus employées et, de
Les ciments usuels contiennent du clinker et ce dernier est issu de plus, elles ont fait la preuve qu’elles donnent des résultats équiva-
la cuisson à haute température (1 450 °C) dans des fours rotatifs lents aux résultats des méthodes de références (méthodes chimi-
d’un mélange de calcaire et d’argile dans des proportions proches ques).
de 80 % - 20 %. Du sulfate de calcium, essentiellement sous forme
Les trois méthodes utilisées sont la fluorescence X (P 15-467) et
de gypse (CaSO4, 2 H2O), est ajouté au clinker en faible quantité
les spectrométries SAA et ICP dans les mêmes conditions que pour
pour réguler la prise.
les granulats. Pour les ciments et apparentés, l’analyse peut être
Les chaux hydrauliques peuvent être soit naturelles soit artificiel- effectuée tant sur la solution provenant d’une attaque acide que sur
les. la solution issue d’une fusion.
Pour tous ces matériaux, l’analyse élémentaire consiste à déte-
Les laitiers sont des scories fondues issues de la fusion du mine- rminer les éléments tels que le silicium, l’aluminium, le calcium, le
rai de fer dans un haut-fourneau. magnésium, le fer, le titane, le sodium, le potassium. Les résultats
Les cendres volantes sont des poussières fines produites par des sont exprimés en oxyde correspondant. D’autres déterminations
centrales thermiques brûlant du charbon pulvérisé. sont réalisées comme la perte au feu, la teneur en résidu insoluble,
en sulfates, en soufre et en chlorures.
Les fumées de silice sont des sous-produits de la fabrication du L’analyse thermogravimétrique doit être préférée à la simple cal-
silicium métallique et de divers alliages ferrosiliceux. cination à 1 000 °C car elle permet de quantifier l’eau, le CO2 et
éventuellement des matières organiques.
Les pouzzolanes sont des matières naturelles issues des volcans.
Elles sont formées d’une partie bien cristallisée et d’une partie Pour les ciments, il est possible de calculer, à partir de l’analyse
vitreuse qui est la phase réactive. chimique élémentaire, une composition minéralogique potentielle

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____________________________________________________________________________ ANALYSE ET CARACTÉRISATION DE MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION

(c’est-à-dire celle qui serait atteinte à l’équilibre) selon la formule de Les sulfates, présents à des teneurs supérieures à celles tolérées
Bogue [5]. Selon la notation cimentière, on pose : pour les eaux potables (250 à 350 mg par litre exprimés en SO 42− ),
risquent d’entraîner avec certains ciments la formation de sulfoalu-
C = CaO S = SiO2 A = Al2O3 F = Fe2O3 minate tricalcique qui, cristallisant avec trente-deux molécules
S = SO 3 H = H 2O C = CO 2 d’eau, est expansif et peut provoquer des gonflements dans les
bétons. De telles eaux sont dites séléniteuses.
On calcule alors les teneurs en C3S, C2S, C3A, C4AF et chaux libre L’excès de magnésie libre présente le danger de sa substitution
pour le clinker, augmentées de celles en gypse et en calcite d’éven- possible au calcium dans les cristaux qui se forment au cours de la
tement pour le ciment. prise.
Le dosage de l’alumine est particulièrement important dans le cas Les chlorures au-dessus du seuil de 250 mg/L peuvent entraîner la
des ciments Portland, étant donné que les valeurs trouvées peuvent corrosion des armatures métalliques.
être utilisées pour le calcul de la teneur en aluminate tricalcique C3A Les matières organiques telles que les tensioactifs et les acides
suivant Bogue, pour les ciments prise-mer. Ce calcul donne en effet humiques et fulviques peuvent provoquer un ralentissement ou une
la teneur potentielle du ciment en C3A par opposition à la diffracto- inhibition de la prise. Des teneurs supérieures à 0,1 % constituent
métrie quantitative de rayons X qui atteint les phases minéralogi- une limite à ne pas dépasser.
ques cristallisées réellement présentes (substitutions atomiques
comprises). Il s’ensuit, en particulier pour C3A, des écarts possibles Le pH des eaux de gâchage ne devra pas être inférieur à 5, car en
entre les valeurs obtenues soit selon Bogue soit par la DRX. dessous de ce seuil, elles peuvent être considérées comme acides
tant vis-à-vis du béton que des armatures.

1.1.3 Plâtre 1.1.4.2 Analyse chimique


Elle est régie par un ensemble de normes :
Une température de 150 °C étant suffisante pour fabriquer du plâ- — le pH est mesuré par une électrode de verre (NF T 90-008) ;
tre par déshydratation du gypse, ce matériau a été largement utilisé. — le titre alcalimétrique est déterminé par volumétrie avec un
acide minéral dilué (NF EN ISO 9963-1) ;
CaSO4 , 2 H2O CaSO4 , 1/2 H2O (α et β) — les sulfates sont dosés par gravimétrie sous forme de sulfate


de baryum (NF T 90-009) ;
gypse plâtre — le magnésium et le calcium sont déterminés par absorption
atomique (SAA) [NF T 90-005) ;
Ce liant bon marché, à prise rapide, assure également une bonne — les ions chlorure sont dosés par une solution de nitrate
protection contre le feu. d’argent (NF T 90-014) ;
— les hydrocarbures peuvent être dosés par spectrométrie infra-
Actuellement, les installations industrielles produisent essentiel- rouge (T 90-114) ou par chromatographie en phase gazeuse après
lement du semi-hydrate β. Les plâtres sont utilisés en construction une extraction par un solvant approprié.
comme enduits tant intérieurs qu’extérieurs, ainsi que pour la
réalisation de cloisons, plaques de parement, etc. Il est également possible de doser les principaux anions inorgani-
ques (chlorures, nitrates, sulfates,...) par chromatographie ionique.

1.1.4 Eaux de gâchage


1.1.5 Adjuvants et produits de cure
1.1.4.1 Spécifications
1.1.5.1 Adjuvants
Afin de ne pas gêner la prise, de ne pas corroder les armatures ni
Des adjuvants sont de plus en plus souvent incorporés au béton,
d’altérer le béton, l’eau employée pour le gâchage des mortiers et
à la dose maximale de 5 % par rapport au ciment, afin de modifier
bétons doit être exempte d’éléments comme l’anhydride carboni-
ses propriétés à l’état frais ou durci.
que libre, les sulfates, la magnésie libre, les chlorures, les nitrates,
les tensioactifs et les acides humiques et fulviques. Les adjuvants sont des composés organiques ou minéraux, pré-
sentés en général sous forme de solution aqueuse mais existent
Le CO2 libre en excès peut rendre l’eau agressive vis-à-vis du aussi sous forme solide.
béton. Dans une eau en équilibre, le calcium et l’anhydride carboni-
que sont liés par la réaction : Il existe plusieurs familles d’adjuvants :
— les plastifiants et les fluidifiants ou superplastifiants, qui aug-
CO 2 + H 2 O + CaCO 3 £ Ca ( CO 3 H ) 2 mentent la maniabilité du béton ;
— les entraîneurs d’air, qui agissent sur la répartition et la forme
Si la quantité de CO2 libre qu’elle contient est supérieure à la des bulles d’air occlus ;
quantité de CO2 équilibrant, l’eau sera agressive et dissoudra le car- — les hydrofuges, qui permettent de diminuer l’absorption
bonate de calcium et le béton pour former de l’hydrogénocarbonate capillaire ;
de calcium soluble. Dans le cas inverse, elle sera incrustante et lais- — les accélérateurs et les retardateurs de prise et de durcisse-
sera déposer du carbonate de calcium insoluble. Les déterminations ment.
du pH et du titre alcalimétrique complet (TAC), correspondant à la
Les principales déterminations effectuées sur les adjuvants sont
teneur de l’eau en alcalis libres, en carbonates et en hydrogénocar-
la teneur en extrait sec, pour les solutions aqueuses (NF EN 480-8),
bonates, sur l’eau initiale (pH0 et TAC0) et sur la même eau après un
le spectre infrarouge (NF EN 480-6), et la teneur en ions chlorure
contact de 48 h avec de la poudre de marbre (pHs et TACs , s = satu-
(NF EN 480-10).
ration), permettent de déterminer si une eau est agressive ou non
[3]. Les trois cas suivants sont possibles :
1.1.5.2 Produits de cure
si pHs > pH0 et TACs > TAC0 ⇒ l’eau est agressive,
Les produits de cure protègent les matériaux à base de ciment
si pHs = pH0 et TACs = TAC0 ⇒ l’eau est inerte ou en équili- venant d’être mis en place de l’évaporation trop rapide de l’eau.
bre, Celle-ci entraînerait une baisse de résistance mécanique, la forma-
si pHs < pH0 et TACs < TAC0 ⇒ l’eau est incrustante. tion de fissures de retrait ainsi qu’une décohésion de la pâte de

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ciment et des granulats. Ces produits ne sont pas à proprement par- mettent en solution le ciment et les granulats calcaires, en altérant
ler des adjuvants car ils sont pulvérisés à la surface du matériau, où au minimum les autres granulats [2] ;
ils forment un film continu imperméable qui s’élimine de lui-même — un dosage de la silice soluble : dès 1926, Florentin a choisi
après quelques semaines. Ce sont essentiellement des émulsions comme traceur la silice soluble du ciment. Son dosage est effectué
aqueuses ou des solutions organiques de résines, de cires, de paraf- soit par gravimétrie soit par les méthodes physiques (SAA ou ICP)
fines ou de caoutchouc chloré, avec parfois quelques pour-cent de après une attaque du béton par un acide fort dilué (HCl ou HNO3)
charge minérale. 1:50 [2] ;
Ces produits sont caractérisés par les essais suivants : — une désagrégation du béton par un traitement thermique suivi
d’un tamisage et de l’analyse chimique des différentes fractions.
— analyse infrarouge selon NF P 18-370 (Annexe A) ;
— détermination de l’extrait sec selon NF EN ISO 3251 ; Le principe de la méthode du Cembureau [4] consiste à admettre
— détermination du taux de cendres selon NF T 30-012 ; que la fraction inférieure à 63 µm est uniquement constituée par les
— détermination du temps d’écoulement selon NF EN ISO 2431. hydrates du ciment déshydraté. L’analyse chimique est effectuée
après une mise en solution par une attaque par HCl (1:5) à froid
(entre 0 et 5 °C).
La méthode du CETIC [2] peut être considérée comme une
1.2 Coulis, mortiers et bétons variante allégée de la méthode du Cembureau car elle repose sur le
dosage de la silice soluble de la fraction inférieure à 80 µm après
une attaque de cette dernière par HCl au voisinage de 0 °C.
1.2.1 Définitions
1.2.2.2 Analyse minéralogique
Un coulis est un mélange de ciments, d’eau et d’adjuvants.
Un mortier est un mélange de liant, de sable, d’eau et éventuelle- Comme dans le cas des granulats, elle a pour but d’identifier et de
ment d’adjuvants. Le liant utilisé peut être du ciment (mortiers de quantifier les phases cristallisées contenues dans le béton, appor-
ciment), de la chaux ( mortiers de chaux) ou un mélange de ciment tant ainsi des éléments qui permettront de reconstituer l’histoire du
et de chaux (mortiers bâtards). béton depuis sa mise en place jusqu’au moment du prélèvement.
Le béton est un mélange de granulats (sables, gravillons ou Cependant, l’interprétation des résultats obtenus n’est pas tou-
jours facile et Deloye a développé une méthode d’interprétation


cailloux), de ciment, d’eau et éventuellement d’adjuvants [27].
informatique [2, 6], nommée calcul minéralogique qui, par l’examen
Les coulis et les mortiers sont donc des cas particuliers − plus sim- des bilans chimico-minéralogiques, permet de mettre en évidence, à
ples − du béton. Dans la suite, seul le vocable béton apparaîtra. la vue de teneurs déficitaires ou excédentaires en certains éléments,
des phénomènes de dégradation du béton dus à des agressions
extérieures en dehors du seul vieillissement.
1.2.2 Caractérisation des bétons durcis
■ Principe du calcul minéralogique
Les dosages respectifs des constituants du béton varient en fonc- Le calcul d’une composition minéralogique quantitative a pour
tion des propriétés mécaniques exigées. À titre d’exemple, un béton but d’établir celle-ci à partir de la composition minéralogique quali-
d’ouvrage d’art est dosé à environ 1 100 kg de gravillons, 700 kg de tative (diffraction de rayons X) et de l’analyse chimique élémentaire
sable, 350 à 400 kg de ciment et 130 à 200 litres d’eau par m3. de l’échantillon, le tout étayé par des données quantitatives annexes
L’ajout d’adjuvants, généralement en très faible quantité (infé- données par l’ATG par exemple.
rieure à 5 % par rapport au poids de ciment), permet d’améliorer En partant du principe qu’aucune espèce minérale inconnue
certaines caractéristiques des bétons. n’existe dans un béton sain, on peut postuler a priori une composi-
tion minéralogique quantitative dite « virtuelle » fondée sur le
1.2.2.1 Teneur en ciment découpage entraîné par une attaque à l’acide nitrique (tableau 2).
Initialement, l’analyse du béton durci avait principalement pour
but de savoir si, lors de sa fabrication, le béton contenait la teneur
requise en ciment. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le
béton durci n’est pas un matériau inerte. Qu’il soit le constituant
Tableau 2 – Découpage entraîné par une attaque
d’un édifice, d’un ouvrage d’art, d’une chaussée ou d’une canalisa- à l’acide nitrique
tion, il subit des contraintes et l’épreuve du temps dans le milieu Ciment anhydre
plus ou moins agressif qui l’entoure. En fait, dans un béton durci, le
ciment n’est plus sous sa forme initiale, mais sous forme d’un Liant Eau d’hydratation
mélange de cristaux et de gels issus de l’hydratation du ciment. CO2 de carbonatation
L’analyse du béton durci cherche à dépasser le seul stade du dosage
en ciment pour aider à comprendre le devenir du liant, des granulats Insoluble siliceux
et de l’eau dans le matériau au cours du temps. Granulats Calcite
Dans un béton, le ciment et les granulats (siliceux, silico-calcaires
Dolomite
et calcaires) sont constitués pratiquement par différentes combinai-
sons des mêmes oxydes (silice, alumine, magnésie, chaux). Une
analyse globale du béton ne pourra pas renseigner sur la teneur en
ciment du matériau. Ce calcul est fondé sur la résolution d’un système d’équations
Les méthodes de dosage de ciment dans un béton durci utilisent linéaires comprenant en général plus d’équations (relation existant
soit : entre les différents oxydes dans chaque espèce) que d’inconnues
— une attaque par les acides : l’attaque idéale ne devrait faire (nombres d’espèces).
passer en solution que le liant et laisser intacts tous les granulats. Le fil conducteur consiste à construire les minéraux directement
Cette attaque idéale n’existe pas. Cependant, il existe des attaques dosés puis ceux pour lesquels une analyse chimique après attaque
sélectives par des acides faibles (salicylique ou picrique en milieu ménagée a permis de connaître la teneur en oxyde spécifique et
méthanol), ne mettant en solution que les silicates calciques, ou par enfin ceux dont les oxydes constitutifs n’ont pas été consommés
les acides forts très dilués (HCl ou HNO3) (1:50 soit 0.24 mol/L) qui dans les constructions précédentes.

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Le programme demande donc l’analyse chimique élémentaire du phase liquide, ou bien à la pyrolyse couplée à la chromatographie
béton ainsi que celle du ciment utilisé ou, à défaut, une hypothèse en phase gazeuse.
pour ce dernier, puis effectue dans l’ordre les déterminations des
sept espèces qui donnent la composition virtuelle :
Ciment anhydre : calculé par la silice soluble et une formule
itérative
1.3 Autres matériaux
Insoluble siliceux : insoluble restant
Dolomite : calculée à partir de MgO soluble ■ Tuiles et briques
Calcite : calculée à partir de CaO restant Les matériaux de terre cuite sont utilisés depuis plusieurs siècles
dans le bâtiment [28], principalement sous la forme de tuiles et de
Halite (NaCl) : calculé à partir de la teneur en chlorures briques. Ces matériaux sont fabriqués à partir d’argiles communes,
Eau basse température : après déduction de celle du ciment par cuisson à des températures variant en général de 900 à 1 050 °C.
CO2 de carbonatation : calculé par itération Les méthodes utilisées pour la caractérisation des tuiles et bri-
et fournit une composition recalculée du ciment qui équilibrerait ques sont similaires à celles utilisées pour les autres produits
chaque balance. minéraux :
— analyse élémentaire par ICP après fusion au tétraborate de
■ Investigations pour le calcul minéralogique lithium ;
Avant de réaliser le calcul minéralogique, les échantillons de — analyse des phases cristallisées par diffractométrie de
béton doivent être soumis à différentes investigations, à savoir : rayons X, notamment pour le dosage du quartz ;
— un broyage à 315 µm ; — analyse thermique ATD/ATG/dilatométrie.
— une mise en solution par une attaque à l’acide nitrique au 1:50 ; ■ Verres
— une analyse chimique complète de la fraction soluble ;
— une analyse thermique différentielle et thermogravimétrique ; Ce matériau trouve une large utilisation dans le bâtiment sous
— une analyse par diffractométrie de rayons X ; forme de verre à vitre. Il existe différents types de vitrage et combi-
— une analyse de texture par microscopie électronique à naisons de vitrages pour améliorer le confort thermique et acousti-
que ainsi que la résistance aux effractions. Nous ne traiterons pas ici


balayage (MEB) ;
des nombreuses méthodes mécaniques, thermiques et optiques de
— une mesure de la densité et de la porosité.
caractérisation des verres.
■ Interprétation des résultats Pour l’analyse élémentaire des verres, il existe diverses méthodes
Il faut rappeler que ce calcul fournit les résultats suivants : de référence : DIN 52 340, ASTM C 169-92, BS 2649.
— la teneur en ciment par deux méthodes indépendantes ; Les méthodes traditionnelles d’analyse par chimie en voie
— la répartition quantitative des granulats entre siliceux et humide, après fusion alcaline ou acide, ont été remplacées par
calcaires ; l’analyse par ICP ou la spectrométrie de fluorescence X. Cette der-
— la teneur en eau d’hydratation du liant (eau basse nière technique nécessite des échantillons étalons et une courbe
température) ; d’étalonnage par type de matrice.
— la teneur en CO2 de carbonatation ;
— la restitution de l’analyse probable du ciment employé ou la
confirmation de la validité de celle fournie par le dossier de
l’ouvrage. 2. Aciers de construction
Le bilan et les balances d’oxydes sont normalement équilibrés
pour un béton présumé minéralogiquement sain.
Le bilan et les balances relatives à certains oxydes ne sont pas
équilibrés et présentent des restes positifs ou négatifs. Cela signifie
2.1 Généralités. Définitions
que le filtrat contient non seulement le liant d’origine et la partie cal-
caires des granulats mais aussi le résultat des interactions entre le
Parmi les différents matériaux utilisés dans le domaine de la cons-
milieu et le béton. La nature et le sens des restes sont capables de
truction, l’acier intervient pour une part de plus en plus importante
fournir des renseignements sur les origines de la dégradation.
(bâtiments, ouvrages d’art, etc.) dans la constitution des structures
On peut citer un certain nombre de types de dégradations : [29].
— une activité sulfatique se traduit par un reste positif de SO3 ; Les produits sidérurgiques rencontrés appartiennent à trois gran-
— une teneur anormale en halite accompagnée d’un manque de des familles :
Na2O indique la présence de chloroaluminates de calcium hydratés
— les produits plats et longs laminés (bâtiments, ponts,
dans le béton ;
barrages) ;
— une réaction alcali-granulats induit un excès de silice soluble
— les armatures actives (béton précontraint) et passives (haute
accompagné parfois d’un reste d’alumine.
adhérence pour béton armé) ;
Enfin, si l’analyse a porté sur plusieurs échantillons d’une même — les produits d’équipement des superstructures (glissières de
carotte, l’examen des résultats peut mettre en évidence des sécurité, éclairage, signalisation verticale...).
ségrégations ou le changement de fourniture de ciment lors d’une
reprise de bétonnage par exemple. On appelle acier un matériau dont le fer est l’élément prédomi-
nant, dont la teneur en carbone est généralement inférieure à 2 % et
qui contient d’autres éléments.
1.2.3 Identification et dosage des adjuvants Les aciers sont caractérisés sur le plan physique par des essais
mécaniques tels que : dureté, résilience, traction, etc. ainsi que par
L’identification et le dosage des adjuvants dans les bétons durcis des examens métallographiques.
ne sont pas possibles pour tous les adjuvants. Les principales Sur le plan chimique, ils sont caractérisés par la détermination de
méthodes utilisées [7, 8] font appel à l’analyse des solutions d’atta- la teneur massique des différents constituants (composition centési-
que acide du béton par spectrométrie UV ou chromatographie en male).

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INNOVATION

Nouvelle méthode
d’échantillonnage des COV émis
par les matériaux de construction
par Valérie DESAUZIERS, Jérôme NICOLLE et Pierre MOCHO

Les matériaux de construction constituent une source importante de COV


dans l’air intérieur et contribuent donc à sa dégradation. Étant donné l’évolu-
tion du contexte réglementaire, il devient prioritaire de disposer d’outils
d’échantillonnage sur site adaptés, afin de faciliter et, à terme, généraliser le
diagnostic de la qualité de l’air intérieur. Dans ce but, un système de prélève-
ment, basé sur le couplage d’une cellule d’émission FLEC‚ avec la micro-

extraction sur phase solide (SPME), a été développé.

dans l’apparition du syndrome des bâtiments malsains


Valérie Desauziers est docteur en chimie, (SBS ou Sick Building Syndrome) a été démontré. La
habilitée à diriger des recherches, maître-assistant plupart des COV font donc partie des 51 substances
à l’École des mines d’Alès, en activité au laboratoire prioritaires définies à l’issue de la hiérarchisation sani-
génie de l’environnement industriel (site de Pau). taire d’une centaine de polluants mesurés dans les
Jérôme Nicolle est docteur en chimie analy- bâtiments par l’OQAI. Trois d’entre eux sont classés
tique et environnement, post-doctorant à l’École parmi les sept substances « hautement prioritaires » :
des mines d’Alès, en activité au laboratoire génie l’acétaldéhyde, le benzène et le formaldéhyde,
de l’environnement industriel (site de Pau). reconnu cancérogène par l’IARC en 2004. IARC : International
Pierre Mocho est docteur-ingénieur en génie Agency for Research on
Étant donné leurs effets sur la santé, il est impor- Cancer
des procédés, maître de conférences à l’université tant de réduire la concentration des COV dans l’air
de Pau et des Pays de l’Adour, en activité au labora- intérieur (généralement de l’ordre de quelques
toire thermique énergétique et procédés. mg.m-3). En plus d’une bonne aération des locaux,
une des voies privilégiées est d’identifier puis de
réduire les sources. Celles-ci sont nombreuses : air
1. Contexte et objectifs extérieur (produits de combustion, carburants, gou-
drons…), activités humaines (nettoyage, cuisine, bri-
1.1 Qualité de l’air intérieur colage…) et matériaux (revêtements de sol, décora-
tion, mobilier…). OQAI : Observatoire
La qualité de l’air intérieur est une préoccupation de la qualité de l’air
relativement récente, même si elle est devenue un intérieur
1.2 Aspects réglementaires
enjeu majeur de santé publique. En effet, nous pas-
sons environ 80 % de notre temps dans les environ- Les matériaux de construction étant l’une des prin-
nements intérieurs (logements, bâtiments publics, cipales sources de COV de l’air intérieur, plusieurs
transports…) et des études menées par l’OQAI depuis actions et recommandations ont été mises en place
2001 ont montré que le niveau de pollution est beau- par les pouvoirs publics visant à limiter leurs émis-
coup plus important à l’intérieur des locaux qu’à l’ex- sions ou aider à l’adaptation des règles de construc-
térieur. La pollution répertoriée peut se classer en tion : incitation à l’utilisation de matériaux sains,
trois principales catégories : les rayonnements ioni- mise en place d’un étiquetage des caractéristiques
sants (radon) et non ionisants (champs électroma- sanitaires et environnementales des matériaux de
gnétiques), les contaminants biologiques (allergènes construction. Un premier plan national santé et envi-
respiratoires, bactéries, moisissures), les polluants ronnement (PNSE) a ainsi été établi sur la période
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQP

physico-chimiques (produits de combustion tels que 2004-2008 en vue de réduire les atteintes à la santé
particules, CO et NO2, fibres, formaldéhyde et compo- liées à la dégradation de l’environnement. Depuis, un
sés organiques volatils (COV)). Bon nombre de COV second plan a été validé pour 2009-2013 (PNSE 2).
sont des irritants et des allergisants [1] et leur rôle L’une de ses actions phare est de mettre en place un

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INNOVATION

étiquetage obligatoire relatif aux émissions (notam-


ment COV et formaldéhyde) des produits de construc- Alimentation en air
tion et de décoration. Ce PNSE 2 se place ainsi dans la propre humidifié et
lignée de la loi de programme relative à la mise en contrôle de débit
œuvre du Grenelle de l’environnement (Grenelle I,
article 35) qui impose que cet étiquetage soit effectif
en 2010 pour les produits en contact direct avec l’air
intérieur, en 2012 pour les autres produits. L’article 35
indique aussi l’interdiction des substances classées
CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) de
catégories 1 et 2 dans les produits de construction et
la mise en place de systèmes de mesure et d’informa- Cellule
tion dans les établissements recevant des populations d'émission
vulnérables ou du public [2].
En vue de l’étiquetage des matériaux de construc-
tion, l’AFSSET (Association française de sécurité sani-
taire de l’environnement et du travail) s’est dotée d’un
protocole d’évaluation des COV en s’aidant du proto- Matériau
cole européen ECA (European Collaborative Action)
coordonné par le JRC (Joint Research Center) et son
homologue allemand défini par l’AgBB (Ausschus zur
gesundheitlichen Bewertung von Bauprodukten). Le


protocole AFSSET repose sur la caractérisation des
émissions d’un matériau de construction en chambre Figure 1 – Cellule d’émission FLEC

d’essai d’émission et sur le calcul de la concentration pour l’échantillonnage des COV émis par les matériaux
d’exposition dans une pièce témoin [3]. Les concen- de construction (Photo : école des mines d’Alès)
trations d’exposition sont ensuite comparées aux
valeurs de références définies dans le protocole : représentative de celle des environnements inté-
COV totaux (TVOC), COV cancérogènes de catégorie 1 rieurs. On détermine ainsi le taux d’émission spéci-
et 2 et concentrations limites d’intérêt (CLI). Deux fique du matériau (SER, Specific Emission Rate) en
tests d’émission sont réalisés sur les matériaux neufs mg.m-2.h-1 :
après 3 et 28 jours. Les mesures sont effectuées par
des méthodes normalisées qui sont décrites ci-après. SER = Cmes ⋅ qc /S (1)
Selon ces normes, une durée de 28 jours est considé-
rée comme un compromis acceptable pour la caracté-
risation du niveau d’émission d’un produit de cons- avec Cmes concentration en COV mesurée
truction représentatif de son utilisation. La plupart (mg.m-3),
des évaluations sur la base de critères sanitaires repo-
sent sur l’examen des émissions à 28 jours. Les qc débit d’air de balayage (m3.h-1),
concentrations globales en COV continuent générale-
ment à décroître par la suite. S surface du matériau (m2).

1.3 Méthodes de mesure des COV émis La cellule est facilement transportable (environ
20 cm de diamètre pour une hauteur au centre de
par les matériaux
1,8 cm), d’où son utilisation possible sur site [6].
1.3.1 Échantillonnage dynamique Cependant, la nécessité d’un apport d’air propre
humidifié et d’un équipement de pompage et de
Les protocoles français (AFSSET) et internationaux
contrôle de débit rend son utilisation hors laboratoire
(ECA, AgBB…) d’évaluation des matériaux de cons-
peu aisée.
truction sont tous basés sur les normes de mesure
NF ISO 16000-9 (2006) [3] et 16000-10 (2006) [4] Cette méthodologie de prélèvement a inspiré le
qui mettent en jeu un prélèvement dynamique des développement de microchambres d’émission
COV émis. Les tests d’émission sont réalisés dans (4,5 cm de diamètre). Celles-ci sont disposées dans
une chambre environnementale ou à l’aide d’une cel- un rack permettant d’automatiser la procédure
lule d’émission de type FLEC‚ (Field and Laboratory
d’échantillonnage et de traiter jusqu’à 6 échantillons.
Emission Cell) (NF ISO 16000-10 (2006)) [4]. Celle-
Ce dispositif permet de reconstituer les conditions de
ci se présente sous la forme d’une cloche en Inox
dont l’intérieur est poli afin de limiter l’adsorption des température, humidité, taux de charge et ventilation
COV sur la paroi. Le volume interne défini entre la sur- telles qu’elles sont définies dans la norme
face d’essai (17,7 x 10-3 m2) et celle de la FLEC‚ est ISO 16000-9 [3] relative aux prélèvements en cham-
de 35 mL. La cellule est placée directement sur le bre d’émission. Le système peut aussi s’utiliser en
matériau et est balayée par un flux d’air propre humi- mode « FLEC‚ » : en raison de la petite surface échan-
difié (50 % d’humidité relative) qui transporte les COV tillonnée, un gain de temps significatif est réalisé par
émis vers un tube d’adsorbant, généralement du rapport au test normalisé (ISO 16000-10) [4]. Par
Tenax TA (polymère à base d’oxyde de 2,6-diphényl contre, la faible quantité d’émission qui en résulte
paraphénylène) [5] où ils sont concentrés (figure 1). peut influer sur la sensibilité, la reproductibilité et la
La durée de l’échantillonnage est de 60 min et la représentativité des résultats, surtout pour les maté-
vitesse de l’air dans la cellule est ajustée afin d’être riaux hétérogènes.

IN 112 TECHNO - 2 © Editions T.I. 1 - 2010

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INNOVATION

1.3.2 Échantillonnage passif nombreux points d’échantillonnage sont nécessaires


(identification des sources de COV, par exemple). De
En alternative aux méthodes de prélèvement dyna-
plus, une étude menée sur le formaldéhyde [11] a
mique présentées précédemment, l’échantillonnage
montré que les taux d’émission obtenus avec le PFS
passif peut être envisagé. Aucun système de pom-
page n’est utilisé, car, du fait du gradient de concen- étaient corrélés avec ceux déterminés en chambre
tration, les COV diffusent vers l’adsorbant selon leur d’émission (r2 = 0,96). Cependant, compte tenu de la
coefficient de diffusion moléculaire [5]. Le protocole faible surface étudiée et du mode de prélèvement pas-
est donc beaucoup plus facile à mettre en œuvre et sif, les temps d’échantillonnage doivent être longs
est mieux adapté à des mesures sur site que les nor- (environ 4 h) [10] pour obtenir une sensibilité suffi-
mes d’essais. sante et une bonne reproductibilité.

Des études récentes [7] [8] décrivent une nouvelle 1.3.3 Analyse des COV
méthode de prélèvement des composés volatils émis
par des matrices solides en déposant à leur surface Quel que soit le mode de prélèvement appliqué
une bande absorbante (Sorptive Tape Extraction ou (dynamique ou passif), l’analyse des COV est effec-
STE). Celle-ci, de quelques dizaines de mm2, est en tuée par chromatographie gazeuse (GC) couplée à la
polydiméthylsiloxane (PDMS), polymère permettant spectrométrie de masse (MS) pour l’identification
de préconcentrer les COV émis par l’échantillon [9] structurale des composés et par GC/FID (détection
(figure 2a). par ionisation de flamme) pour la quantification. Un
Cette méthode, très séduisante car simple à utiliser, désorbeur thermique spécifique, dont l’investisse-
présente cependant une limitation. En effet, la STE, ment est souvent coûteux, est nécessaire pour trans-
directement posée sur le matériau, ne permet pas de férer les COV de l’adsorbant où ils ont été piégés


rendre compte du transfert solide/gaz s’opérant entre (Tenax TA, Carbotrap B…) vers le système analy-
la surface d’un matériau et l’air intérieur. De ce point tique. La méthodologie est décrite dans la norme
de vue, un autre échantillonneur passif, le Passive NF ISO 16000-6 (2005) [12]. Elle est particulière-
Flux Sampler ou PFS semble être plus représentatif ment optimisée pour les composés compris dans la
des émissions [10] [11]. Le dispositif consiste en une fenêtre chromatographique définie entre le n-hexane
boîte de Pétri en verre (diamètre interne : 36 mm ; pro- et le n-hexadécane.
fondeur : 10 ou 28 mm) dont le fond est recouvert d’un
adsorbant. Pour l’échantillonnage, la boîte est simple- En comparaison aux autres COV, le formaldéhyde
ment retournée sur la surface à étudier et les COV requiert un prélèvement particulier sur support
émis diffusent vers l’adsorbant qui est généralement imprégné d’un réactif spécifique : la dinitrophénylhy-
un matériau carboné microporeux de type Carbotrap B drazine (DNPH). Les dérivés formés sont ensuite
(figure 2b). Un filtre en fibres de verre imprégné de désorbés par de l’acétonitrile avant d’être analysés
2,4-dinitrophénylhydrazine (DNPH) peut être utilisé par chromatographie liquide haute performance asso-
pour l’analyse spécifique des aldéhydes comme le for- ciée à une détection UV (HPLC/UV). Compte tenu de
maldéhyde [10] [11]. Ces échantillonneurs, peu coû- cette spécificité analytique, ce polluant ne sera pas
teux compacts et légers, sont parfaitement adaptés étudié dans cet article.
aux mesures sur site, en particulier lorsque de
Les protocoles normalisés décrits au para-
graphe 1.3.1 sont essentiellement dédiés au contrôle
Bande absorbante en PDMS de matériaux neufs en laboratoire et sont peu adaptés
(STE) à des mesures sur site. Étant donné l’évolution du
contexte réglementaire avec, notamment, la déléga-
tion de la surveillance de l’air intérieur de bâtiments
publics aux AASQA (associations agréées pour la sur-
veillance de la qualité de l’air), il devient prioritaire de
Matériau Diffusion des COV
disposer d’outils d’échantillonnage adaptés pour faci-
liter et, à terme, généraliser le diagnostic de la qualité
de l’air intérieur. Dans ce but, un système de prélève-
a STE (Sorptive Tape Extraction) ment, basé sur le couplage d’une cellule d’émission
FLEC‚ avec la microextraction sur phase solide
Boîte de Pétri
Adsorbant (SPME), a été envisagé. L’objectif était de conserver
(Carbotrap B) les avantages de l’échantillonnage passif en termes
en verre
de facilité d’application sur site (cf. 1.3.2) en essayant
de réduire le temps de prélèvement. De plus, la
SPME [13] [14] utilise une thermodésorption directe
dans un injecteur classique de GC, simplifiant ainsi la
procédure d’analyse en laboratoire.
Diffusion des COV
Matériau Le développement de ce couplage FLEC‚-SPME a
fait l’objet d’une thèse cofinancée par l’ADEME et le
b PFS (Passive Flux Sampler)
conseil régional d’Aquitaine [15].
Nota : pour plus de détails sur les méthodes de prélèvement sur
tubes d’adsorbant, les techniques analytiques et leurs principes, on
Figure 2 – Techniques d’échantillonnage passif pourra se référer aux publications [5] [13] [16] [17] [18] [19] de la
pour les COV émis par les matériaux fiche documentaire [Doc. IN 112].

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INNOVATION

Caractérisation par spectroscopie


infrarouge de matériaux
cimentaires
par Matthieu HORGNIES
Docteur en sciences et génie des matériaux, HDR
Chargé de recherche, LafargeHolcim Innovation Center, Saint Quentin Fallavier,
France

C e travail porte sur la description des avantages et des limites de la spec-


troscopie infrarouge à transformée de Fourier (IR-TF) pour analyser les
matériaux à base cimentaire (phases anhydres de clinker Portland, phases
minérales hydratées, matériaux de construction contenant de la pâte de ci-
ment (comme les mortiers et les bétons). Contrairement à l’analyse de pro-
duits organiques, polymères et revêtements de types peinture ou vernis, la
spectroscopie IR-TF est relativement peu utilisée pour étudier les matériaux à

base cimentaire et à prise hydraulique. En effet, d’autres méthodes analyti-
ques, telles que l’analyse thermogravimétrique (ATG) ou la diffraction de
rayons X (DX) lui sont souvent préférées lorsqu’il s’agit de caractériser ces
matériaux. Pourtant la spectroscopie IR-TF était déjà utilisée dans les années
1970 pour caractériser les phases anhydres de clinker et possède plusieurs
avantages qui la rendent intéressante pour intégrer la gamme des méthodes
de caractérisation des matériaux cimentaires.
Dans cet article, plusieurs résultats appliqués seront décrits tout en évo-
quant, en parallèle, les références bibliographiques adéquates pour qui vou-
dra approfondir le sujet. En premier lieu, les principaux modes d’analyse
généralement disponibles sur un spectromètre IR-TF seront brièvement dé-
crits : (i) le mode en transmission (Tr) ; (ii) le mode de réflexion totale atté-
nuée (plus communément dénommée « ATR ») ; et (iii) la spectroscopie de
réflectance diffuse (plus communément dénommée « DRIFTS »). Les avan-
tages et les limites de la spectroscopie IR-TF dans le cas de l’étude des ma-
tériaux cimentaires seront ensuite précisés. Dans une deuxième section, un
aperçu de la littérature scientifique sera présenté en parallèle de la présen-
tation de résultats liés à plusieurs types d’applications (phases anhydres de
clinker, phases cimentaires hydratées, mortier contenant des matériaux re-
cyclés, surface de béton brute ou recouverte par un revêtement de protec-
tion). Enfin, une troisième section décrira certaines techniques d’analyse
pouvant être utilisées en complément de la spectroscopie IR-TF pour analyser
ces matériaux cimentaires.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPRP

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INNOVATION

Points clés
Domaine : Techniques d’imagerie et d’analyse
Degré de diffusion de la technologie : Maturité
Technologies impliquées : Spectroscopie infrarouge
Domaines d’application : Matériaux de construction à base cimentaire
Principaux acteurs français :
— pôles de compétitivité : AXELERA, MATERALIA, MINALOGIC ;
— centres de compétence : C2RMF (Centre de recherche et de restauration des
musées de France) ; ENS-LYON ; INSA-Toulouse (laboratoire Matériaux et Durabilité
des Constructions de Toulouse) ; laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne
(département Interfaces) ; université de Lorraine (laboratoire Matériaux optiques, Pho-
tonique et Systèmes) ; université Gustave Eiffel (Institut français des sciences et tech-
nologies des transports, de l’aménagement et des réseau, IFSTTAR) ;
— industriels : Bruker ; Thermofisher Scientific.
Autres acteurs dans le monde : Instituto de Ciencias de la Construcción Eduardo
Torroja (IETcc), Espagne ; Universidad de Burgos (Escuela Politécnica Superior),
Espagne ; Universität Weimar (Institute for Building Materials Science Bauhaus),
Allemagne ; Université de Namur (laboratoire interdisciplinaire de Spectroscopie
électronique), Belgique.

U 1. Présentation de la spectroscopie
-

une résolution spectrale de 4 cm-1. Le spectre de référence


(« blanc ») a été recueilli à l’atmosphère ambiante avant d’analy-
IR-TF ser chaque échantillon. Dans ce mode d’utilisation ATR, l’acquisi-
tion du spectre de référence est très importante pour pouvoir
Cette section est destinée à présenter certaines caractéristi- soustraire les signatures potentiellement gênantes de la vapeur
ques principales de la spectroscopie infrarouge pour étudier des d’eau et du CO2 présents dans l’air ambiant. Les spectres des
matériaux cimentaires : les différents modes d’analyse propres à échantillons durcis ont été corrigés avec une ligne de base linéaire.
cette méthode de caractérisation, ses spécificités par rapport à
d’autres techniques d’analyse. & Enfin, le mode réflectance diffuse infrarouge à transfor-
mée de Fourier (spectroscopie DRIFTS) permet l’analyse sur
une plage de nombres d’onde comprise entre 400 et 4 000 cm-1.
1.1 Principaux modes d’analyse Le faisceau incident est réfléchi par l’échantillon vers un miroir
des matériaux cimentaires où les radiations infrarouges sont dispersées de façon diffuse
puis recueillies et mesurées dans le détecteur.
Cette technique de caractérisation a pour principe d’irradier
l’échantillon par un rayonnement électromagnétique situé dans
la zone de l’infrarouge (1 mm à 20 mm) [P 2 845], [P 2 850]. Détecteur
Source IR
Échantillon

Sous l’effet du faisceau incident, les groupements chimiques


constituant la matière absorbent une partie du rayonnement, Tr
les nombres d’onde associés à l’augmentation d’énergie sont
caractéristiques des liaisons et de la nature de leur environne-
ment. La figure 1 représente les différents modes d’utilisation
possible : en transmission (Tr), en réflexion totale atténuée
(ATR), en réflectance diffuse (DRIFTS). Notons que les résultats
Échantillon
IR-TF présentés dans ce travail ont été obtenus en utilisant un Détecteur
spectromètre Nicolet iS10 (Thermo Fisher Scientific Inc.), équipé Source IR
d’un détecteur de type sulfate de triglycine deutérié (DTGS) et
ATR
contrôlé par le logiciel OMNIC.
& Pour l’utilisation du mode transmission (Tr), les pastilles de
l’échantillon ont été fabriquées en mélangeant 250 mg de bro-
mure de potassium (KBr) à 3 mg de produit (poudre de clinker
ou de ciment, ou de la poudre directement prélevée dans la
masse des échantillons durcis). Seize balayages ont été enregis- Détecteur
Source IR
trés sur la plage 4 000-400 cm-1 avec une résolution spectrale
de 4 cm-1. Le spectre de référence (« blanc ») a été recueilli en DRIFTS
utilisant une pastille de KBr pur et les spectres des échantillons
ont été corrigés avec une ligne de base linéaire.
& Dans le mode de réflexion totale atténuée (ATR), les Échantillon
échantillons durcis ont été analysés directement sur une épaisseur
de quelques micromètres et avec une zone d’échantillonnage d’en-
viron 1 mm2. Le cristal utilisé est du diamant. 16 balayages ont Figure 1 – Schéma de fonctionnement des différents modes
été régulièrement enregistrés sur la plage 4 000-650 cm-1 avec de détection (Tr, ATR et DRIFTS) (d’après [1])

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1.2 Particularités de la spectroscopie 2. Bibliographie et sélection


infrarouge de résultats applicatifs
1.2.1 Principaux avantages Dans cette section, seront présentées les principales voies
L’analyse en mode de transmission Tr a seulement besoin de d’application de la spectroscopie infrarouge pour étudier diffé-
quelques milligrammes de matériau pour obtenir sa composition rents types de matériaux cimentaires :
tandis que d’autres techniques de caractérisation ont besoin de — les phases anhydres composant le clinker Portland ;
plusieurs grammes. Cette très faible quantité de matière est par- — les phases cimentaires après hydratation du ciment Portland ;
ticulièrement intéressante lorsque seule une petite masse d’hy- — les compositions de surface de pâtes de ciment durcies,
drates peut être synthétisée ou prélevée. Il est également plus mortiers et de bétons.
facile d’analyser la pâte de ciment présente au sein du mortier/
béton en effectuant des microprélèvements et en évitant par
conséquent toute contamination par les grains de sable et les 2.1 Analyses de phases anhydres de clinker
granulats. De plus, les résultats sont obtenus quelques minutes
seulement après l’analyse, sans aucun traitement complexe,
(Portland)
tandis que d’autres méthodes [2] ont besoin d’au moins quel-
Les phases anhydres du clinker et du ciment Portland ont été
ques heures de travail pour étudier un échantillon. Enfin, l’ana-
étudiées par spectroscopie infrarouge à partir des années 1970,
lyse en mode de réflexion totale atténuée (ATR) permet d’étudier
afin de caractériser les bandes infrarouges de l’alite, de la bélite
la surface des matériaux à base de ciment sans aucune méthode
et de la célite. Bensted et Varma [3] ainsi que Ghosh et Chatter-
de préparation particulière (tels que le nettoyage au solvant ou
jee [4] [5] ont ainsi publié, en 1974, certaines des premières
le stockage sous vide) qui pourrait modifier la composition du
communications liées à des analyses par spectroscopie IR-TF et


matériau analysé ou compliquer le prélèvement.
pratiquées dans l’industrie du ciment. Ghosh et Handoo [6] ont
ensuite rédigé un des premiers articles de synthèse en 1980.
1.2.2 Principales limites Ces premiers documents ont été essentiellement consacrés aux
analyses effectuées en mode transmission (seule la référence [5]
La spectroscopie IR-TF ne peut être considérée comme une mentionnait des analyses effectuées en mode ATR).
méthode de quantification : il est très difficile (voire impossible
lorsque le « pic » infrarouge est en fait constitué de plusieurs Le tableau 1 et la figure 2 montrent les pics spécifiques (et
raies) de faire la relation entre l’intensité ou la surface d’un conformes à la littérature [3] à [6]) des phases synthétiques
bande IR et une quantité spécifique. Néanmoins, l’intensité de de clinker d’après des analyses effectuées en mode transmis-
certaines bandes IR bien spécifiques (telles que celle de la sion. Ces phases pures Ca3SiO5 et Ca2SiO4 avaient été prépa-
portlandite comme nous le verrons au chapitre 2.1) peut forte- rées par chauffages successifs d’un mélange de carbonate de
ment varier en fonction de leur contenu dans l’échantillon, on calcium et de silice finement divisé, avec des proportions stœ-
parlera alors de « semi-quantification » notamment lorsque chiométriques appropriées. Un double pic à 995-900 et 938-
l’on souhaite suivre dans le temps l’évolution d’une réaction 883 cm-1, caractérisant respectivement les phases de bélite
chimique via la création d’un autre composé (par exemple la (C2S) et d’alite (C3S), est assignable aux vibrations d’étire-
transformation de la portlandite en calcite). De plus, il faut gar- ment asymétriques de la liaison Si-O. La détection de la phase
der à l’esprit que la présence de composés chimiques peut être minérale ferrite (C4AF) est mal aisée en raison de l’absence de
sous-estimée, ou rendue non détectable, en raison de la forte pics particuliers alors que la célite (C3A) est beaucoup plus
intensité d’autres bandes infrarouges comme celles liées à la facile à détecter en raison d’un grand nombre de pics bien défi-
présence de silice ou de carbonate de calcium (qui ont la parti- nis, attribués à la liaison Al-O.
cularité d’avoir des bandes d’une largeur significative et de
forte intensité). Enfin, la présence d’une grande quantité
d’eau capillaire dans l’échantillon hydraté pourra aussi mas- Phases anhydres dans le clinker Portland
quer certains composés chimiques et perturber l’interprétation
des spectres. En définitive, la spectroscopie IR-TF, comme de Quatre phases minérales principales composent le clinker
très nombreuses autres techniques d’analyse, doit être utilisée Portland (qui, après broyage en présence d’une faible quan-
en connaissance de cause, c’est-à-dire en ayant une bonne tité de gypse deviendra le ciment Portland traditionnel) :
idée de ce que l’on cherche à démontrer, et reste donc peu — l’alite ou silicate tricalcique (Ca3SiO5), (C3S en notation
utile pour détecter des composés inattendus, surtout lorsqu’ils cimentière) ;
sont présents à l’état de traces. — la bélite ou silicate dicalcique (Ca2SiO4), (C2S en nota-
tion cimentaire) ;
— la célite ou aluminate tricalcique (Ca3Al2O6), (C3A en
À retenir notation cimentaire) ;
— la ferrite Ca4Al2Fe2O10, (C4AF en notation cimentaire).
– L’analyse IR-TF des matériaux cimentaires peut être
effectuée même si seuls quelques milligrammes de matière L’alite est la phase réactive (avec l’eau) la plus présente en
sont disponibles. proportion dans le clinker (généralement de 60 à 70 %), c’est
– Les résultats d’analyse peuvent être connus seulement elle qui va permettre d’obtenir les résistances mécaniques
quelques minutes après prélèvement des échantillons. dans un temps relativement court (de 1 jours à 28 jours après
– Il est très difficile d’utiliser cette méthode de caractérisa- le début de la prise par exemple). La bélite est une phase
tion comme un outil de quantification. moins réactive (avec l’eau) et participera plutôt aux résistan-
– La teneur des composés présents à l’état de traces peut ces mécaniques acquises sur le long terme. La célite et la fer-
être sous-estimée en raison de la forte intensité de certaines rite sont des phases dites « interstitielles », occupant l’espace
bandes infrarouges. autour des grains d’alite et de bélite au sein du clinker.

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