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ENTREPRISES

Une méthodologie d’évaluation


comptable du coût du capital des
entreprises françaises (1984-2002)
Xavier Boutin et Simon Quantin*

La méthode d’évaluation du coût d’usage du capital sur données comptables individuel-


les d’entreprises françaises présentée ici repose sur une modélisation tenant compte de
la structure du financement, du taux d’intérêt bancaire et de la fiscalité pesant sur les
entreprises et sur les actionnaires.

L’analyse de l’évolution du coût du capital ainsi construit montre tout d’abord l’hétéro-
généité des taux d’intérêts apparents que supportent les entreprises pour financer leur
endettement. L’évolution du coût d’usage du capital au cours des deux dernières décen-
nies reflète l’évolution du coût des fonds propres. La baisse du coût des fonds propres
résulte de la diminution constante du rendement du placement sans risque, mais aussi
de la diminution marquée de la fiscalité sur les bénéfices. La méthodologie retenue ne
retient ni prime de risque, ni premium des marchés actions (prime versée pour une opé-
ration sur un marché à terme). L’introduction des ces deux composantes pourrait être
de nature à modifier le niveau du coût du capital, voire ses évolutions. Sur la période
1984-2002, le coût du capital moyen calculé par cette méthode baisse de six points.
Seules des évolutions de cet ordre du premium action sont donc en mesure d’infirmer
cette baisse moyenne du coût du capital.

*  Au moment de la rédaction de cet article Xavier Boutin et Simon Quantin appartenaient au département des Études Économiques
d’Ensemble de l’Insee.
Les auteurs remercient Claude Picart et David Sraer, et plus généralement l’ensemble des chargés d’études de la division « Marchés et
Stratégies d’Entreprise ». Une version préliminaire a été présentée en séminaire du département des Études Économiques d’Ensemble
du 30 mars 2006. Les auteurs remercient les participants pour leurs remarques constructives, et particulièrement Benoit Mulkay qui a
aimablement accepté de discuter ce travail. Les auteurs remercient également deux rapporteurs anonymes pour leurs précieux com-
mentaires.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008 47


D ans une vision très synthétique, une entre-
prise est une organisation qui consomme
du capital et du travail dans l’objectif de pro-
cement (ses passifs). Les différents types d’ac-
tifs sont :

duire (ou de commercialiser) des biens ou des -- Les actifs immobilisés, qui ont vocation à
services. Dès lors que l’on souhaite décrire le rester durablement dans l’entreprise et peuvent
résultat de ce processus de production ou étu- subir une usure ou une dépréciation. Ce sont les
dier les déterminants des comportements des immobilisations corporelles (les machines, les
entreprises, il est nécessaire d’attribuer un prix bâtiments, les terrains, etc.), les immobilisations
à chacun des facteurs qu’elle utilise. Il est ainsi incorporelles (marques, fond de commerce ou
nécessaire de connaître le coût du travail et du brevets, etc.) et les immobilisations financières
capital relativement au prix de la production (des actions ou des obligations d’autres entre-
pour calculer des profits ayant un sens économi- prises).
que ou un taux de marge. De même, il est néces-
saire de connaître le prix relatif du travail et du -- Le cycle d’exploitation crée par ailleurs des
capital pour déterminer leur complémentarité actifs dont la nature est temporaire. On parle
ou leur substituabilité. alors d’actifs circulants. Ces actifs regroupent
ainsi les stocks, les créances clients et les liqui-
Le travail fait l’objet d’un contrat explicite et il dités.
est donc facile de mesurer son coût. En revan-
che, la capital est une notion plus hétérogène et Par ailleurs, le passif est principalement
sa rémunération peut prendre de nombreuses composé :
formes. Aborder le capital et, à plus forte rai-
son, tenter de lui attribuer un coût, pose donc
-- De capitaux propres, composés du capital
non seulement un problème de mesure mais
apporté par les actionnaires et de la part des
également de concept, qu’il convient de définir
résultats non versés sous forme de dividendes
explicitement. Nous privilégions ici une repré-
(les réserves par exemple).
sentation comptable de l’activité et du finance-
ment de l’entreprise.
-- De dettes, explicitement contractées auprès
d’établissement de crédits, de porteurs d’obliga-
La rémunération du capital intervient à des éta-
tions, d’entreprises du même groupe ou implici-
pes différentes du compte de résultat d’une entre-
prise. Pendant son exploitation, un actif peut se tement auprès de fournisseurs ou d’institutions
déprécier (les machines s’usent par exemple) (impôts par exemple).
ou perdre de la valeur (terme d’un brevet par
exemple). L’entreprise doit donc tenir compte Par définition comptable, l’actif doit égaler le
préventivement de ces charges à venir par des passif. Cet équilibre donne une représentation
dotations d’exploitation qui prennent la forme patrimoniale simple de l’entreprise : d’un côté
de provisions ou d’amortissements. Néanmoins, des actifs, de natures diverses, qui correspon-
elle doit également rembourser ses emprunts, dent à des usages, à une usure ou à une dépré-
financer son stock, payer ses fournisseurs, récu- ciation différents ; de l’autre, des modes de
pérer ses créances et elle reçoit la rémunération financement égaux en volume, répartis entre
des actifs financiers qu’elle détient. Elle paye actionnaires et créanciers explicites de l’entre-
alors l’impôt dû au titre de l’impôt sur les socié- prise. Cette représentation permet d’aborder la
tés puis peut prélever une partie de ce résultat notion de capital et de coût associé. Pour son
pour verser des dividendes. activité, une entreprise a besoin d’un certain
volume d’actifs de types différents et elle doit
Cette représentation, simple et opérationnelle, pour ce faire mobiliser du capital. Mobiliser ce
met en évidence des flux liés à la rémunération capital a pour l’entreprise un coût d’usage.
du capital. Néanmoins, ces flux correspondent
à la rémunérations d’acteurs divers (débiteurs, Compte tenu de la diversité des actifs, les
actionnaires, etc.) pour des types de capitaux contours du capital dont on cherche à détermi-
différents (corporels et incorporels, financiers, ner le coût sont intimement liés à l’usage prévu
etc.). de l’estimation du coût du capital. Ainsi, si on
cherche à calculer le profit qui découle de la
Il est donc utile d’adopter la représentation duale production et de la vente de biens ou de servi-
du bilan pour décrire ce capital. Celle-ci réunit ces, le « capital » pertinent regroupe les actifs
d’une part l’ensemble des actifs de l’entreprise, corporels, incorporels et le besoin en fonds de
et de l’autre l’ensemble de ses moyens de finan- roulement. Au contraire, si l’objectif est de cal-

48 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008


culer une élasticité capital vs. travail, le capital résulte d’un programme de minimisation du
à considérer peut exclure le besoin en fonds de coût d’usage à niveau de capital donné et de la
roulement, puisque c’est, de manière très sché- maximisation intertemporelle du profit de l’en-
matique, la substitution (ou la complémenta- treprise. Dans une première approche, Jorgenson
rité) entre travail et machines qui est l’objet de (1963) considère que ce coût égale un taux d’in-
l’étude. En l’occurrence, l’exclusion du besoin térêt réel (Rit - πit) (1), augmenté d’un taux de
en fonds de roulement conduit à un coût très dif- dépréciation δ et corrigé par le prix relatif des
férent, puisque ce dernier ne se déprécie pas. biens d’équipement PIit par rapport au prix de
production Pit :1
Contrairement à l’approche sur données agré-
gées qui estime souvent le coût du capital sim- pour l’entreprise i et le
plement par un taux d’intérêt réel, l’objet de
cette étude est de présenter une méthodologie temps t.
suffisamment précise et générale d’estima-
tion de coût du capital s’appuyant sur l’utili- Cette approximation ne tient pas compte de la
sation de données individuelles d’entreprises, diversité des modes de financement des entre-
pouvant être adaptée à des besoins différents. prises, qui font non seulement appel à l’em-
L’estimation présentée prend en compte la prunt (bancaire ou non), mais lèvent également
structure du bilan, les choix en termes de des fonds auprès de leurs actionnaires, direc-
financement (et donc le taux d’intérêt bancaire tement par appel au marché ou indirectement
auquel se finance une entreprise) mais aussi la en conservant des bénéfices non versés sous
fiscalité pesant sur l’entreprise et les détenteurs forme de dividendes. Ces deux modes de finan-
particuliers d’actions. Elle est principalement cement correspondent à des besoins différents
fondée sur les déclarations fiscales des entrepri- pour l’organisation, et bénéficient d’un traite-
ses qui fournissent donc une mesure comptable ment fiscal très différent. Elles présentent donc
de leur bilan. Le modèle de coût d’usage retenu a priori des coûts différents et l’arbitrage entre
s’appuie sur les travaux menés par Crépon et les deux dépend de plus des incitations propres
Gianella (2001), eux-mêmes inspirés de ceux à l’entreprise et du biais fiscal entre action et
de Jorgenson (1963) et Auerbach (1983). Deux obligation. La fiscalité intervient par ailleurs
améliorations sont apportées à l’approche de de manière directe, puisque les investissements
Crépon et Gianella : donnent droit à un amortissement fiscal qui ne
correspond pas nécessairement au rythme natu-
-- Le taux d’imposition n’est plus un taux moyen rel de la dépréciation économique mais qui est
nominal appliqué à l’ensemble des entreprises, néanmoins déduit de l’agrégat imposé au titre
mais un taux individualisé qui prend en compte de l’impôt sur les bénéfices. Nous retenons donc
les évolutions de la fiscalité (en particulier par plutôt l’approche mise au point par Crépon et
le chiffre d’affaires) mais aussi l’existence ou Gianella (2001), qui intègre une majeure partie
non d’un résultat fiscal imposable (qui par défi- de ces effets.
nition est différent du résultat comptable).
Le taux d’intérêt semble, dans les faits, infé-
-- Le taux de dépréciation économique s’appuie rieur au rendement moyen des actionnaires. Par
sur une durée de vie des différents actifs immo- ailleurs, l’appel à la dette semble résoudre cer-
bilisés, différenciée par nature et par secteur. La tains problèmes d’information incomplète entre
prise en compte de l’impact de la structure des les actionnaires et les dirigeants d’entreprise.
actifs est donc affinée, en ligne avec les travaux
de Picart (2004). Ces deux raisons impliqueraient un finance-
ment des entreprises exclusivement par la dette
et donc un niveau d’endettement des entrepri-
ses très supérieur à celui que l’on observe. Cet
Le coût d’usage du capital écart peut s’expliquer de plusieurs façons. Il est
ainsi possible que le taux d’intérêt dépende du

L orsqu’elle investit dans des machines ou


des installations, une entreprise mobilise
du capital. La détention de ce capital génère un
1.  D’une manière générale, on considère que le taux d’intérêt
est individuel et dépend de la structure du capital, de l’histo-
rique de l’entreprise, et de l’environnement macroéconomique.
coût, qui découle de la rémunération attendue De même, l’inflation de l’investissement est en toute rigueur
individuel dans la mesure où il dépend de la composition exacte
des parties prenantes de l’entreprise : créan- des actifs. L’estimation effectivement retenue est néanmoins une
ciers, détenteurs d’actifs, État. Cette charge inflation sectorielle de l’investissement.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008 49


ratio d’endettement, c’est-à-dire de la part des un nouvel investissement unitaire. Si on connaît
actifs financés par la dette bancaire. Par ailleurs, l’amortissement fiscal δf :
le taux d’endettement des entreprises peut être
contraint à cause de problèmes d’information
incomplète entre l’entreprise et ses créanciers
(cf. encadré 1). Le ratio d’endettement (s) est
donc le résultat d’un calcul d’optimisation,
La plupart de ces grandeurs peuvent être directe-
que l’on suppose a priori contraint. Il peut, de
ment observées au niveau individuel. D’autres,
plus, varier d’une entreprise à l’autre. Le coût
en particulier le rendement des fonds propres
d’usage du capital est alors une moyenne pon-
(ρ), doivent être approchées ou estimées (pour
dérée du coût de la dette et du coût d’usage des
des précisions sur l’approche développée par
fonds propres. En tenant compte de l’amortisse-
Crépon et Gianella, 2001, cf. encadré 2).2
ment fiscal, le coût d’usage du capital, compris
comme le coût marginal à l’optimum du pro-
gramme de maximisation intertemporel de la Les composantes du coût du capital
firme, est donc (2) :
Au niveau individuel, il est intéressant de faire
apparaître plusieurs composantes du coût du
capital, qui correspondent à des besoins dif-
férents, comme celui du financement et du
renouvellement du capital, ou qui découlent
de grandeurs macroéconomiques. Chacune des
composantes du coût d’usage du capital est donc
caractérisée pour l’entreprise i et le temps t.
où R - πI est donc un taux d’intérêt réel, s
représente la part des actifs financés par dettes
bancaires, ρ le rendement des fonds propres, τ
2.  Cette formule peut être obtenue comme le résultat d’une opti-
le taux de l’impôt sur les sociétés, et Δf est la misation plus générale (Crépon, Gianella, 2001 pour la descrip-
valeur actualisée totale de l’amortissement pour tion complète du modèle).

Encadré 1

LES HYPOTHÈSES IMPORTANTES DU MODÈLE

Il est important de rappeler les quatre principales


hypothèses, fortes et restrictives, qui sous-tendent Celui-ci intègre en particulier la fiscalité à laquelle est
cette modélisation. soumis l’actionnaire. Dans notre modèle, les action-
naires sont des personnes physiques soumises à l’im-
L’endettement des entreprises est supposé contraint pôt sur le revenu.
de manière exogène. En effet, la relation entre le
bailleur de fonds et l’entreprise est sujette à l’asymétrie Enfin, le calcul de séquence optimale d’investissement
d’information qui pose le problème de la « sélection est fondé sur une constance de tous les taux d’actuali-
adverse » (Akerloff, 1970) et « de l’aléa moral » (Jensen sation (dette, rendement attendu, taux de dépréciation)
et Meckling, 1976, Williamson, 1970). Ces phénomè- et d’imposition dans le temps. Dans le cadre de notre
nes peuvent ainsi conduire les prêteurs à procéder à estimation, on suppose que les entreprises anticipent
des ajustements visant à réduire l’endettement des que les valeurs courantes qu’elles observent resteront
emprunteurs, voire à les exclure (red-lining) (Stiglitz et stables dans le temps. Il s’agit d’une hypothèse très
Weiss, 1981). Cet effet est particulièrement notable sur forte, qui découlerait d’une myopie forte des entrepri-
le marché du crédit des PME. ses, ou d’une passivité totale de leurs anticipations.

Par ailleurs, on suppose que le passif est parfaite- Par ailleurs, le prix relatif des biens d’équipement est
ment fongible, c’est-à-dire qu’aucun type d’actif n’est un facteur important du coût du capital. Son estima-
financé préférentiellement par de la dette ou des fonds tion est particulièrement complexe. Les données par
propres. Cela permet d’affecter la rémunération de branches sont issues des séries des Comptes natio-
chaque type d’actif de manière égale entre dette et naux annuels ou trimestriels sur l’ensemble de la
fonds propres. période étudiée. Nous nous limitons dans cette étude
à la présentation de la méthodologie et des séries des
Dans le calcul du coût des fonds propres, le rende- différentes contributions au coût du capital au prix des
ment attendu par les actionnaires est un élément clé. biens d’investissement.

50 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008


Le coût du financement par l’endettement Aucun de ces deux coûts marginaux ne dépend
dépend de la part des dettes dans le financement, des contours du capital dont on cherche à déter-
ainsi que du coût de la dette. Plus précisément, miner le coût.
le coût de la dette n’est autre que le taux d’inté-
rêt apparent réel : Le coût de la dépréciation économique
résulte directement du taux de dépréciation
économique :

Ce coût diffère selon le secteur d’activité, la


taille et ne concerne bien entendu que les entre-
prises endettées. Le coût du financement par Contrairement au coût du financement, le coût
les fonds propres dépend de la part des fonds de la dépréciation dépend des contours du capi-
propres dans le financement, mais aussi du coût tal considéré. Il sera donc estimé ici dans deux
réel des fonds propres. Celui-ci résulte du ren- cas de figures distincts, selon que l’on prenne en
dement attendu et du taux d’imposition sur les compte ou non le besoin en fonds de roulement.
bénéfices auquel l’entreprise est soumise. En
effet, contrairement aux paiements des intérêts Par ailleurs, les entreprises peuvent amortir fis-
de la dette, les entreprises ne peuvent déduire de calement leurs actifs à un rythme différent géné-
leur impôt sur les bénéfices les dividendes et les ralement plus rapide que la dépréciation écono-
bénéfices non redistribués. De même que pour mique. Dans la mesure où cet amortissement est
déductible du résultat fiscal net, il diminue donc
le coût de la dette, ce coût est calculé à partir du
le coût de la dépréciation économique :
rendement réel :

Encadré 2

FISCALITÉ DU RENDEMENT ATTENDU : DÉTERMINATION DU TAUX D’IMPOSITION

Il est important de déterminer le rendement des fonds Rendement attendu des actionnaires :
propres, lié au rendement attendu, après imposition, modèle retenu
par les actionnaires (ρa). En effet, un actionnaire qui
détient une action se voit verser des dividendes et
L’actionnaire aurait par ailleurs pu placer son capital
peut réaliser une plus-value, respectivement imposés
sur des obligations d’État, rapportant R0 et imposées
aux taux td et tp. On suppose que tous nos actionnai-
res sont des particuliers imposés à la tranche margi- au taux t0. Dès lors, le rendement attendu des fonds
nale, ce qui revient à considérer que le revenu de leurs propres découle de l’arbitrage entre les deux place-
actions sont inclus à l’assiette de leur impôt sur le ments :
revenu et qu’ils sont soumis au taux maximal.

Pour ces actionnaires, les plus-values sont taxées à un


taux forfaitaire, augmenté des contributions sociales. On obtient ainsi une approximation du rendement
attendu par l’actionnaire des fonds propres, sous la
Les dividendes sont réintégrés dans le revenu, après forme :
avoir fiscal, et imposés comme tels. Si on note taf le
taux de l’avoir fiscal et tIR le taux marginal de l’im-
pôt sur le revenu frappant les actionnaires, on a :

Ce rendement découle donc d’un arbitrage dont la


modélisation est volontairement simple. Elle ne tient
Afin de prendre en compte la fiscalité grevant le rende-
compte ni d’une prime de risque de l’activité de l’entre-
ment d’une action, il a donc été retenu de lui affecter un
prise au sens du Capital Asset Pricing Model (CAPM),
taux d’imposition moyen td entre le taux d’imposition
ni d’un premium de long terme du marché action par
des dividendes et le taux d’imposition des plus-values.
On retient ainsi l‘approximation linéaire suivante : rapport au marché obligataire. L‘estimation robuste de
l’influence du risque dans le rendement des actions
dépasse largement le cadre de cette étude et seuls
la fiscalité et le rendement des obligations d’État ont
où d est le part des dividendes versés sur le bénéfice donc été retenus comme pouvant influencer le com-
net, approché sur données individuelles. portement des actionnaires.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008 51


Enfin, l’amortissement des investissements Trois composantes du coût
avant imposition diminue l’impact de l’inflation
et ce d’autant plus que le taux d’imposition est
du capital : l’endettement, les
important : fonds propres et les taux de
dépréciation

L ’estimation du coût du capital est effectuée


au niveau de l’entreprise (définie au sens
du SIREN), puisque ce coût découle non seule-
Diversité des actifs et coût du capital
ment des conditions macroéconomiques, com-
munes à toutes les entreprises, mais également
Il est utile de préciser l’impact de la nature du
du type d’actifs détenu, de la stratégie indivi-
capital estimé sur le coût total calculé dans le
duelle de financement, ou encore du risque pro-
modèle retenu. Dans notre étude, le coût du
pre à chaque secteur (cf. encadré 3).3
capital est estimé par :

L’endettement des entreprises et le taux


réel apparent

Dans la modélisation, le coût de la dette dépend


de la part des dettes dans le financement et
du taux d’intérêt réel apparent des emprunts.
L’endettement retenu est composé des emprunts
Les deux premiers termes représentent la diver- réalisés auprès des établissements de crédits, du
sité des modes de financement possibles et leurs groupe auquel appartient éventuellement l’en-
différences en termes de fiscalité. Il s’agit : treprise, des associés ou par des obligations.
Il comporte donc, outre les dettes stables, les
-- pour s(R - πI), de la part du coût réel de la concours et découverts bancaires. L’endettement
dette, i.e. du coût de financement du capital par est très hétérogène selon les entreprises. Alors
emprunts ; que, de manière stable, la quasi-totalité des
grandes et moyennes entreprises est endettée,
une partie significative et grandissante (de l’or-
-- pour , de la part du coût des dre de 20 %) d’entreprises plus modestes (de
moins de 20 salariés) se finance exclusivement
fonds propres, i.e. du coût de financement du
par fonds propres (cf. graphique I).
capital par les fonds propres.

Dans la modélisation retenue, ces deux coûts 3.  En supposant que les taux d’intérêts, rendements attendus
et inflations sont indépendants des contours du capital retenu.
marginaux sont ainsi indépendants des contours Pour l’inflation cf. la note de bas de page n° 1.
du capital retenu (3).

Les termes suivants font intervenir la déprécia-


tion économique et fiscale du capital. Par défi- Graphique I
Proportion d’entreprises endettées par taille
nition, c’est donc bien la diversité des actifs qui
En %
en précise la valeur. Par exemple, le besoin en 100
fonds de roulement ne se déprécie ni économi-
90
quement ni fiscalement, mais doit néanmoins
être financé. Dans le cadre d’un travail visant 80
à calculer des taux de marges, le capital retenu
inclut le besoin en fonds de roulement et le taux 70
de dépréciation sera inférieur à celui retenu
60
pour calculer, par exemple, des effets de substi- 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
tution entre capital et travail, c’est à dire avec un
contour de capital excluant le besoin en fonds de 0 à 19 salariés de 20 à 199 salariés
de roulement. Cette étude présente un calcul du de 200 à 499 salariés plus de 500 salariés Total

coût du capital dont le contour se limite dans un Lecture : en 2002, 64 % des entreprises de 0 à 19 salariés sont
endettées.
premier temps à l’actif immobilisé, puis intègre Champ : cf. encadré 3.
le besoin en fonds de roulement. Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.

52 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008


Encadré 3

MESURE SUR DONNÉES INDIVIDUELLES : SOURCES ET NETTOYAGE DES DONNÉES

Cette évaluation empirique du coût du capital s’ap- et utilisées par les entreprises pour calculer chaque
puie sur les déclarations fiscales des entreprises sur amortissement.
la période 1984-2003 qui relèvent de l’impôt sur les
sociétés, de droit ou sur option, imposées au régime Enfin, l’ensemble des estimations sont effectuées au
du Bénéfice Réel Normal (ces déclarations sont com- niveau individuel, exception faite de la part des divi-
prises dans le fichier administratif des BRN de la dendes versés qui intervient dans le calcul du taux
Direction des Statistiques d’Entreprises de l’Insee). d’imposition grevant les actions qui sont estimés par
Ce sont des entreprises dont le chiffre d’affaires est secteur d’activité et par taille. En particulier, si la durée
supérieur à 580 000 euros (170 000 euros pour les de vie de chaque type d’équipement varie selon le
prestataires de services). Ces seuils ont été réévalués secteur, le taux de dépréciation retenu est néanmoins
en décembre 1994. bien une variable individuelle puisqu’il est tenu compte
de la décomposition individuelle du capital de chaque
Ces formulaires fiscaux sont particulièrement riches entreprise.
car ils précisent pour chaque entreprise déclarante la
branche, le bilan complet, le compte de résultat ainsi Le nettoyage des fichiers bruts est effectué en plu-
que des cadres annexes, dont le détail des immobi- sieurs étapes. On ne conserve tout d’abord que les
lisations, des amortissements et des provisions, l’af- entreprises identifiées par un numéro SIREN, décla-
fectation des résultats et la détermination du résultat rant des immobilisations et un résultat fiscal (bénéfice
fiscal. ou déficit) soumis à l’impôt sur les sociétés. De nom-
breuses entreprises étant imposées au titre de l’impôt
Il est donc possible de connaître le montant des fonds sur le revenu, ce premier nettoyage fait perdre une
propres, des dettes (dettes stables, découverts bancai- partie importante des observations, environ 43 % sur
res, dettes commerciales, etc.) et des frais financiers toute la période. En effet, les entreprises imposées au
correspondant, le montant des dividendes versés, le titre de l’impôt sur le revenu remplissent un formulaire,
montant des amortissements, des immobilisations, qui est joint à la déclaration d’IR, mais qui ne précise
etc. qui permettent une construction du coût du capi- pas le montant de l’imposition sur les bénéfices. Ces
tal au niveau de l’entreprise, en estimant au mieux les formulaires ne sont donc pas exploitables pour l’esti-
variables théoriques de la définition. mation retenue. On conserve cependant environ 80 %
des effectifs, de la valeur ajoutée, du chiffre d’affaires,
L’estimation du coût du capital sur la base du modèle de l’excédent brut d’exploitation et des immobilisa-
suppose également l’utilisation de données extérieu- tions (hors terrain) présents dans les BRN.
res aux BRN, généralement communes à toutes les
entreprises, au moins au sein d’un secteur. Les taux Le calcul du coût du capital nécessite des données
d’imposition sur les plus-values, sur le revenu, sur les de durée de vie du capital par secteur. Une telle esti-
obligations, avoir fiscal et rendement des obligations mation a été effectuée par Picart (2004), au niveau
sont des données administratives provenant de la NES36. La méthodologie retenue par l’auteur ne
Direction Générale des Finances Publiques. La varia- permettant pas une telle estimation pour tous les
tion des prix relatifs de l’équipement au niveau sec- secteurs, en accord avec ces travaux, les entrepri-
toriel NES36 provient du département des Comptes ses dont le secteur est non défini ont été exclues,
Nationaux de l’Insee. Enfin, le taux d’intérêt des obli- de même que celles appartenant aux secteurs sui-
gations d’État provient de la Caisse des Dépôts et vants : Agriculture, sylviculture et pêche ; Production
Consignations. de combustible ; Eau, gaz et électricité ; Activités
financières ; Activités immobilières ; Poste et
Le calcul d’un taux de dépréciation économique Télécommunications ; Recherche et développement ;
suppose de connaître la durée de vie des éléments Éducation ; Santé et Action Sociale ; Administration
constituant le capital de l’entreprise considérée Publique ; Activités associatives . On conserve ainsi
(immobilisations corporelles, incorporelles et autres). environ 90 % des observations et des effectifs du
La composition de ce capital dépend en nature du fichier nettoyé ainsi que 80 % du chiffre d’affaires.
secteur d’activité, et en volume et proportion de la L’exclusion du secteur financier explique seule la
stratégie de chaque entreprise. Une entreprise du majeure partie de la perte très importante de valeur
secteur automobile investira ainsi dans des machines- ajoutée et d’E.B.E. observée à partir de 2001.
outils, alors qu’une entreprise du secteur des services
investira plutôt dans du matériel de bureau et des ordi- On effectue enfin un nettoyage de nature statistique
nateurs, qui ont une durée de vie plus faible. Chaque des observations aberrantes sur la base des variables
entreprise pourra par ailleurs utiliser plus ou moins d’intérêt pour le calcul du coût du capital On sup-
d’actifs de chaque type que ses concurrents. Le calcul prime les observations pour lesquelles le taux d’inté-
des taux de dépréciation économique s’appuie sur rêt, le taux d’impôt sur les bénéfices ou la part de la
l’estimation des durées de vie effectuée par secteur et dette dans le financement sont supérieurs à 1 et celles
pour chaque type d’immobilisations par Picart (2004). pour lesquelles le taux d’intérêt, le taux d’impôt sur les
Pour les immobilisations non corporelles et pour les bénéfices, la dépréciation fiscale ou la part de la dette
autres immobilisations, nous retiendrons les « durées dans le financement sont supérieurs à leur médiane
de vie d’usage » en vigueur dans la législation fiscale plus ou moins cinq fois l’écart interquartile. Cette der-

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008 53


Encadré 3 (suite)

nière étape de nettoyage fait également perdre envi- -- Taux d’intérêt apparent du crédit bancaire :
ron 10 % des observations des effectifs et du chiffre r = Frais financiers / Dettes.
d’affaires.
-- Part des bénéfices versés sous forme de dividendes :
Les calculs d’estimation du coût du capital sont effec- d = Dividendes versés / Capitaux propres hors capi-
tués sur la base ainsi constituée, qui contient pour tal social
chaque année environ 290 000 observations, 7 mil-
lions de salariés, 7,5 milliards de chiffre d’affaires et -- Prix à l’investissement et prix de production : on uti-
2 milliards de valeur ajoutée. Chaque année, 80 % lise les prix branches au niveau NES36 de la nomen-
des entreprises retenues environ présentent moins clature NAF. Il a été tenu compte du changement de
de 20 salariés, entre 16 et 20 % présentent un effectif nomenclature survenue en 1993.
moyen sur l’année compris entre 20 et 199 salariés ;
Le contour du capital dont on souhaite déterminer le
moins de 2 % des entreprises ont plus de 200 sala-
coût est primordial pour définir les différents taux de
riés (cf. tableau pour la répartition sectorielle par
dépréciation.
année des entreprises). La répartition sectorielle des
entreprises retenues reflète assez bien la tertiarisa-
Dans le cadre de notre étude, un terrain (exception
tion de l’activité économique survenue entre 1980
faite d’une carrière) ne se déprécie pas et n’est pas
et 2000. Ainsi, la part de l’industrie et du commerce
amortissable. Il est toutefois comptabilisé comme
diminue au profit des activités de services (particu-
immobilisation.
lièrement le service aux entreprises dont le poids, en
nombre d’entreprises, double sur cette période). La -- Taux de dépréciation économique : Il est calculé
méthodologie complète est développée dans Boutin par secteur et découle d’une moyenne pondérée des
et Quantin (2006). durées de vie estimées par secteur par Picart (2004)
des différents éléments des immobilisations corporel-
Les définitions retenues sont présentées ci-dessous les et incorporelles.
pour les différentes variables d’intérêt utilisées dans
nos estimations. Sauf mention contraire, elles sont
toutes calculées au niveau de l’entreprise.

-- Dettes : elles recouvrent les dettes stables, les


découverts bancaires.
-- Taux de dépréciation fiscale : Il est calculé par sec-
-- Part des dettes dans le financement : teur et correspond au ratio entre amortissements sur
s = Dettes / (Dettes+Fonds Propres). immobilisations.

Tableau
Répartition par année et par secteur des entreprises
En %

Services aux Services aux


Année Industrie Construction Commerce Transport
entreprises particuliers

1984 25 13 40 5 10 7
1985 26 13 39 5 11 7
1986 26 12 39 5 11 7
1987 26 12 38 5 12 7
1988 25 12 38 5 13 7
1989 21 13 40 5 13 9
1990 21 12 39 5 14 9
1991 21 12 38 5 15 9
1992 20 12 38 5 16 9
1993 21 12 37 5 17 8
1994 21 11 37 5 17 8
1995 21 11 36 5 18 9
1996 21 11 36 5 18 9
1997 21 11 36 5 19 9
1998 21 11 36 5 19 9
1999 20 11 35 5 20 9
2000 19 9 36 5 21 10
2001 19 12 34 5 21 10
2002 19 12 33 5 22 10

Lecture : En 2002, 19 % des entreprises étudiées appartiennent au secteur industriel.


Source : Fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.

54 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008


Il est également possible de calculer, pour cha- L’évolution du taux d’intérêt réel apparent est
que entreprise, la part des dettes dans le finan- homogène pour les entreprises (cf. graphi-
cement (4), i.e. la part de la dette dans le passif que III). Il diminue de 1984 à 1988, puis atteint
(dettes plus capitaux propres). Deux faits styli- en 1989 un palier plus élevé. Depuis 1993, il
sés ressortent de l’évolution dans le temps de la évolue tendanciellement à la baisse. Enfin, le
moyenne de la part des dettes dans le finance- taux d’intérêt est plus faible sur l’ensemble de la
ment des entreprises endettées (cf. graphique II). période pour les entreprises de petite taille, mais
Les entreprises se financent d’autant plus par la l’écart se réduit sensiblement à partir de 1993.
dette qu’elles sont de taille modeste. Cet écart,
du simple au double, est stable dans le temps, Les très petites entreprises (TPE) présentent
et modère le constat précédent d’une propor- donc simultanément un taux d’intérêt plus fai-
tion plus faible d’entreprises de petites tailles ble et un endettement plus élevé que les grandes
endettées. Par ailleurs, la part de l’endettement entreprises. Ce résultat découle de la structure
des entreprises endettées diminue sensiblement de l’endettement des TPE. Leur dette financière
pendant les années 1990. Elle reste ensuite sta- est constituée majoritairement de dettes auprès
ble pour les entreprises petites et moyennes, des établissements de crédit, mais parmi cel-
alors qu’elle remonte pour les autres (5). les-ci les concours bancaires aux taux d’intérêt
plus élevés représentent une part plus faible que
Le taux d’intérêt auquel l’entreprise fait face pour les grandes entreprises. Les TPE disposent
pour financer ses projets par l’endettement est donc d’un taux d’intérêt apparent en moyenne
a priori inconnu. Pour chaque entreprise le moins élevé.45
taux d’intérêt nominal apparent a été retenu ; il
s’estime comme le ratio entre frais financiers et La baisse des concours bancaires initiée en
dettes disponibles dans les données comptables 1993 (Picard, 2008) au profit d’une augmenta-
d’entreprises. tion de la trésorerie explique la baisse générale
et continue du taux d’intérêt réel apparent, de
Les capitaux levés servent à financer les inves- la part de la dette dans le financement dans les
tissements des entreprises. Il convient donc années 1990, mais aussi la diminution de l’écart
de disposer de l’inflation des biens d’investis- entre le taux d’intérêt apparent des grandes
sement afin de calculer le taux d’intérêt réel
pertinent. L’investissement n’est pas constitué
4.  Les entreprises appartenant à un groupe peuvent s’endet-
d’un bien unique pour chaque entreprise mais ter auprès de leurs sociétés mères. Elles disposent ainsi d’une
il est la somme d’achats d’actifs plus ou moins source de financement supplémentaire par rapport aux entre-
prises non liées. Dès lors leur taux d’intérêt apparent peut être
hétérogènes. On ne dispose pas d’un indice de différent au taux d’intérêt pratiqué par les institutions financières,
prix de l’investissement au niveau de l’entre- de même que leur niveau d’endettement. Ces remarques doivent
être prises en compte dans toutes interprétations fines de la part
prise, mais seulement d’un indice agrégé au de la dette et du taux d’intérêt réel.
niveau d’un secteur. L’inflation de l’investisse- 5.  Lorsque la moyenne est pondérée par le chiffre d’affaires des
entreprises, on observe qualitativement la même baisse de la
ment est donc estimée par secteur au niveau part de la dette dans le financement, mais cette part remonte
NES36. pour toutes les entreprises au début des années 2000.

Graphique II Graphique III
Part de la dette pour les entreprises endettées Taux d’intérêt réel des entreprises endettées
par taille par taille
En % En %
50 25

40 20

30 15

20 10

10 5

0 0
1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

de 0 à 19 salariés de 20 à 199 salariés de 0 à 19 salariés de 20 à 199 salariés


de 200 à 499 salariés plus de 500 salariés Total de 200 à 499 salariés plus de 500 salariés

Lecture : en 2002, le poids moyen de la dette dans le passif des Lecture : en 2002, le taux d’intérêt réel des entreprises endettées
entreprises de 0 à 19 salariés est de 28 %. comptant entre 0 et 19 salariés était de 8 %.
Champ : cf. encadré 3. Champ : cf. encadré 3.
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs. Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008 55


firmes et des TPE observée sur nos données du marché action par rapport aux obligations.
individuelles. En effet, la substitution entre L’absence de prime de risque tend à sous-esti-
concours bancaires et trésorerie est particulière- mer ce taux pour les entreprises dont le résultat
ment importante, notamment après 2000, chez est positivement corrélé au marché, et à le sures-
les grandes entreprises. timer dans le cas contraire. La prise en compte
d’un premium action conduirait uniformément
à une hausse du taux pour toutes les entreprises.
Les fonds propres de l’entreprise Enfin, si ces deux primes subissent une évolu-
tion sur la période, non seulement le niveau,
Le coût des fonds propres dépend ici du rende- mais aussi la tendance, de ces taux seraient à
ment attendu des fonds propres et du taux d’im- reconsidérer (cf. l’encadré 3 pour l’évolution de
position des bénéfices. La modélisation retenue la fiscalité des dividendes, des plus-values entre
implique que le rendement attendu des fonds 1984 et 2003 et celle grevant les obligations
propres est un rendement d’équilibre donné d’État). Sur la période 1984-2003, le rendement
indirectement par la part des dividendes versés, sans risque d’arbitrage présenté précédemment
anticipés par l’actionnaire (6), le rendement des suit à peu près l’évolution du taux d’intérêt des
obligations d’État et la fiscalité des revenus de obligations d’État qui est en décroissance quasi-
capitaux mobiliers  (Boutin et Quantin, 2006). continue.6

À la fin de chaque exercice, le résultat après L’imposition sur les bénéfices se fait, selon la
imposition de l’entreprise est soit affecté aux forme juridique de l’entreprise, au titre de l’im-
réserves (légales, spéciales des plus-values à pôt sur le revenu ou au titre de l’impôt sur les
long terme, etc.), soit inscrit au report à nouveau sociétés (IS). Seules les sociétés imposées au
(en particulier dans le cas d’un déficit) ou dis- titre de l’IS ont été retenues dans cette étude (7).
tribué sous forme de dividendes. Pour autant, en L’assiette de l’impôt repose sur le bénéfice fis-
pratique, le montant des dividendes versés par cal net constitué, en application de l’article 38
une entreprise n’est pas uniquement lié à l’exis- du Code général des impôts, « par la différence
tence d’un résultat bénéficiaire lors de l’exer- entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à
cice : une entreprise peut – si son exercice est l’ouverture de la période dont les résultats doi-
déficitaire – prélever sur ses réserves pour ver- vent servir de base à l’impôt, diminuée des sup-
ser des dividendes. Il est donc délicat d’estimer pléments d’apport »7
la part des dividendes dans les bénéfices, mais il
est possible de calculer précisément le montant Ainsi, si le bénéfice fiscal semble étroitement lié
des dividendes versés à la fin de l’exercice et la au bénéfice comptable de l’entreprise, il découle
somme des affectations du résultat (incluant le en pratique d’une série de corrections dont l’ob-
prélèvement sur les recettes). jet est purement fiscal (cf. encadré 4) (8). Dès
lors, les cas particuliers sont très nombreux en
Cette part des dividendes semble être très vola- raison des subtilités du Code général des impôts,
tile au niveau individuel, en particulier parce de la jurisprudence et de la doctrine adminis-
que de nombreuses entreprises ne versent pas trative. Il est donc impossible de simuler de
de dividendes tous les ans. Par ailleurs, cette manière satisfaisante le montant d’imposition
part intervient exclusivement dans le calcul du d’une entreprise à partir de sa liasse fiscale ou
rendement attendu des fonds propres qui est une son taux d’imposition.8
variable d’arbitrage. Il est probable que cet arbi-
trage ne se fera pas sur une base individuelle Le taux d’imposition sur les bénéfices est ici
mais au mieux sur une base de secteur d’acti- estimé au niveau individuel, sous la forme d’un
vité et de taille. On suppose alors que c’est la taux apparent calculé à partir du montant total de
fiscalité moyenne pesant sur les entreprises de l’impôt sur les bénéfices dû, et du résultat fiscal
ce secteur et de cette taille qui détermine l’arbi-
trage ; il paraît donc judicieux de calculer la part
6.  Les entreprises qui font partie d’un groupe font face à un
de dividendes sur cette base également. actionnaire singulier dont les intérêts dans l’entreprise peuvent
être patrimoniaux mais également stratégiques. Le rendement
attendu des fonds propres présenté ici est un rendement d’arbi-
Le rendement des fonds propres attendu ainsi trage pour un actionnaire typique du marché et ne tient donc pas
obtenu s’interprète comme le rendement attendu compte de cette réalité.
7.  C’est-à-dire principalement les Sociétés Anonymes, les
par le marché pour une entreprise de ce secteur Sociétés à Responsabilité Limitée, les Sociétés en commandite
et de cette taille. Il n’est tenu compte ni d’une d’actions, les Sociétés Anonymes Simplifiées.
8.  Dans cette étude, le procédé d’optimisation fiscale dont peu-
éventuelle prime de risque de chaque secteur par vent bénéficier les entreprises appartenant à un groupe n’a pas
rapport au marché, ni d’un éventuel premium été simulé.

56 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008


net issu des déclarations fiscales des entreprises. entreprises assujetties, qui s’élève à 49 % en
Ce taux reflète donc l’ensemble des dispositions 1984, atteint 27 % en 2002 (cf. graphique V).
fiscales évoquées ci-dessus mais aussi l’exis-
tence ou non d’un bénéfice imposable fonction Sur toute la période, les petites entreprises sont
des résultats comptables de l’entreprise. les moins nombreuses à payer effectivement un
IS, alors que les entreprises de 20 à 200 sala-
Ainsi au total, le taux moyen d’imposition riés sont les plus nombreuses (cf. graphique VI)
s’élève à 27 % en 1984 pour atteindre 18 % en À cet écart moyen, se réduisant sur la période
2002. Il diminue constamment jusqu’en 1993 considérée, s’ajoutent des fluctuations cycliques
puis augmente entre 1994 et 1998 avant de décli- liées à l’activité économique. Ainsi, quelle que
ner à nouveau (cf. graphique IV). Dans le même soit la taille des entreprises, le taux d’imposi-
temps, le taux d’imposition effectif moyen, tion augmente par exemple de 1993 à 2000 pour
c’est-à-dire le taux effectivement payé par les diminuer ensuite. L’évolution du taux moyen

Encadré 4

LE TAUX D INTÉRÊT DES OBLIGATIONS D’ÉTAT ET LEUR IMPOSITION ENTRE 1984 ET 2002

Le rendement du placement sans risque retenu dans L’imposition fiscale du bénéfice en France
la modélisation est le taux d’intérêt des obligations
d’État de long terme, pour lequel nous disposons
Par définition, les plus-values nettes à long terme (i.e.
d’une série longue, fournie par la Caisse des Dépôts
de cession de titres de participation détenus depuis
et Consignations. Ce taux passe de 12,5 % en 1984
plus de deux ans) réalisées sont intégrées au bénéfice
à 4,2 % en 2003, décroissant de manière quasi-con-
fiscal et donc assujetties à l’IS mais soumises à un
tinue tout au long de la période. Son évolution est
taux réduit de 19 %. Ce taux est ramené par ailleurs à
qualitativement similaire à celle du taux nominal payé
par les entreprises avancé d’un an. Les intérêts versés 15 % sur les plus values réalisées au cours des exerci-
sont soumis à un taux d’imposition, le taux de prélè- ces ouverts à compter du 01/01/2005.
vement libératoire (auquel s’ajoutent les prélèvements
sociaux CSG-CRDS, etc.). Ce taux effectif est stable, Les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à
à 26,4 %, de 1984 à 1990. Il passe ensuite à environ 7,6 millions d’euros bénéficient d’un dispositif plus
18 % sous l’effet de la baisse du taux de prélèvement favorable (introduit en 2000). Un taux de 25 % est
libératoire survenu en 1990 (qui passe alors de 25 à applicable à la fraction du bénéfice inférieure à
15 %). Il atteint 25,2 % en 1998, retrouvant un niveau 38 120 euros (exception faite des plus-values nettes
proche du niveau initial, suite à une augmentation de de long terme dont le taux d’imposition est particu-
la CSG. lier), le taux normal s’appliquant au-dessus de cette
limite, pour les exercices ouverts en 2001. Ce taux est
Imposition des dividendes perçus et des plus- abaissé à 15 % pour les exercices ouverts à compter
values pour les personnes physiques entre 1984 du 1er janvier 2002.
et 2002
Trois contributions additionnelles se sont ajoutées à
l’impôt sur les sociétés proprement dit : une contribu-
Les dividendes et plus-values de cession de valeurs tion sur l’IS (i.e. sur le montant de l’impôt dû) instituée
mobilières sont également soumis à l’impôt sur le
en 1995 à hauteur de 10 %, qui se réduit sensiblement
revenu pour les personnes physiques. Les dividen-
depuis 2001 ; une contribution temporaire à l’IS entre
des versés par les entreprises aux actionnaires sont
1997 (10 % en 97-98) et 1999 (15 %) pour les entrepri-
ainsi chaque année intégrés à l’assiette de l’impôt
ses dont le chiffre d’affaires dépassait les 7,6 millions
sur le revenu de chaque contribuable mais ils béné-
ficient d’un avoir fiscal qui évite la double imposi- d’euros ; une contribution sociale sur l’IS les entrepri-
tion des bénéfices. Le taux d’imposition total sur les ses dont le chiffre d’affaires dépassait les 7,6 millions
revenus des dividendes passe de 49,6 % en 1984 à d’euros, égale à 3,3 % de l’impôt dû diminué d’un
39,6 % en 2003. Sur cette période, la forte baisse du abattement de 763 000 euros.
taux marginal de l’impôt sur le revenu (de 65 % en
1984 à 49,6 % en 2003) n’est qu’en partie compen- Les entreprises qui enregistrent des pertes ne paient
sée par l’augmentation de la CSG survenue en 1998. évidemment pas d’impôt (exception faite d’une
Au-delà d’un seuil fixé annuellement, les plus-values « Imposition Forfaitaire annuelle » (IFA) dépendant du
de cession des valeurs mobilières sont quant à elles chiffre d’affaires) mais peuvent réduire leurs charges
soumises au titre de l’impôt sur le revenu à un taux fiscales au titre des exercices bénéficiaires passés ou
proportionnel de 16 % (hors prélèvements sociaux) futurs par le mécanisme du « report déficitaire » (carry
constant sur la période. Le taux d’imposition total des forward, carry back).
plus-values de cession de valeurs mobilières s’élevait
à 17,4 % en 1984. Il atteint désormais 27 % en 2003. Enfin, les crédits d’impôt-recherche, crédits d’im-
Cette augmentation reflète uniquement la hausse des pôt-formation s’imputent sur l’impôt dû, tout comme
prélèvements sociaux sur cette période. l’avoir fiscal sur les dividendes distribués.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008 57


pour chaque classe de taille (cf. graphique IV) tion de contributions temporaires à l’IS condi-
présente des caractéristiques cycliques que tionnées au chiffre d’affaires. À partir de 2001,
l’on n’observe pas pour le taux moyen effectif l’application d’un taux réduit pour les PME sur
(cf. graphique V) et qui découlent probablement une partie de leur chiffre d’affaires a creusé sen-
du couplage avec les cycles macroéconomiques siblement cet écart entre les entreprises de plus
affectant le résultat comptable des entreprises, de 20 salariés et les autres (cf. graphique V).
et donc l’assiette de l’IS (cf. graphique VI). Par ailleurs, la dispersion entre les classes de
tailles d’entreprises se double d’une forte dis-
Les évolutions du taux d’imposition effec- persion interne à chaque classe, en particulier
tif (cf. graphique V), marquées sur la période, au sein des entreprises de plus de 200 salariés.
découlent quant à elles des évolutions législati- Cette hétérogénéité reflète les changements
ves. La mise en place de contributions addition- législatifs survenus pour les entreprises au
nelles d’IS (entre 1997 et 2000), ainsi que de chiffre d’affaires important, mais aussi la pré-
politiques fiscales en faveur des PME, conduit sence de comportements d’optimisation fiscale
à une hétérogénéité de traitement des entrepri- (carry-forward, carry-back) probablement plus
ses plus importante sur la période récente. Plus pertinents pour les entreprises plus importantes
précisément, le taux d’imposition est resté sen- (cf. graphique VII). Le saut d’écart interquar-
siblement identique pour toutes les entreprises tile pour les entreprises de moins de 19 salariés
jusqu’en 1997, alors que celui des entreprises découle des conditions d’accès au taux réduit,
de plus de 200 salariés est devenu légèrement fondé sur le chiffre d’affaires et le bénéfice, et
supérieur entre 1997 et 1999, suite à l’instaura- non sur le nombre de salariés.

Graphique VI
Graphique IV Proportion d’entreprises payant un impôt sur
Taux effectif moyen d’imposition par taille les sociétés
En % En %
40 80
35
30 70
25
20 60
15
10 50

5
0 40
1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

de 0 à 19 salariés de 20 à 199 salariés


de 0 à 19 salariés de 20 à 199 salariés
de 200 à 499 salariés plus de 500 salariés Total
de 200 à 499 salariés plus de 500 salariés

Lecture : en 2002, le taux effectif moyen d’imposition des entre- Lecture : en 2002, 63 % des entreprises de 0 à 19 salariés paient
prises de 0 à 19 salariés est de 17 %. un impôt sur les bénéfices.
Champ : cf. encadré 3. Champ : cf. encadré 3.
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs. Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.

Graphique V Graphique VII
Taux effectif moyen d’imposition par taille Écart interquartile du taux d’imposition par
pour les entreprises redevables de l’IS taille d’entreprises
En % En %
50 45
40
35
40 30
25
20
30 15
10
5
20 0
1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002

de 0 à 19 salariés de 20 à 199 salariés de 0 à 19 salariés de 20 à 199 salariés


de 200 à 499 salariés plus de 500 salariés de 200 à 499 salariés plus de 500 salariés

Lecture : en 2002, le taux effectif moyen d’imposition des entre- Lecture : en 2002, l’écart interquartile du taux d’imposition des
prises de 0 à 19 salariés redevables de l’IS est de 26 %. entreprises de 0 à 19 salariés atteint 23 %.
Champ : cf. encadré 3. Champ : cf. encadré 3.
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs. Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.

58 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008


Les taux de dépréciation économiques et capital). Le taux de dépréciation pour un secteur
fiscaux est donc la moyenne des taux de dépréciation de
chaque immobilisation selon la formule :
Les taux de dépréciation économiques et fis-
caux du capital dépendent de la durée de vie
des actifs qui le constituent. Par définition, ils
sont donc fortement influencés par le contour
du capital qui est retenu, mais dépendent égale-
ment du secteur d’activité et de la taille de l’en-
treprise (cf. graphique VIII). Les terrains (inclus dans les immobilisations
corporelles) ne se dépréciant pas, ils sont inté-
Les immobilisations corporelles sont ventilées grés dans le calcul du taux de dépréciation éco-
par nature en six postes : terrains, constructions, nomique avec une durée de vie infinie. Il en est
installations techniques et matériels, autres de même pour le besoin en fonds de roulement
immobilisations corporelles, immobilisations ou les immobilisations financières si ceux-ci
en cours et avances-acomptes. Il est donc possi- sont inclus dans le périmètre du capital dont on
ble, en s’appuyant sur le travail mené par Picart cherche à estimer le coût.
(2004) sur les durées de vie de ces différentes
immobilisations corporelles, de calculer pré- Plusieurs approches sont possibles pour cal-
cisément un taux de dépréciation économique culer le taux de dépréciation fiscal. Il est tout
dépendant de la structure des actifs immobili- d’abord possible de calculer un taux similaire
sés. Les immobilisations financières ne sont pas à celui calculé précédemment, en utilisant les
retenues pour les estimations menées ici. Enfin, durées d’usage au lieu des durées de vie réel-
la durée de vie retenue pour les immobilisations les estimées. Dans la mesure où les entreprises
incorporelles est de cinq ans, durée d’usage peuvent avoir des politiques différentes d’amor-
dans le Code général des impôts. tissement fiscal, en faisant par exemple plus ou
moins appel à l’amortissement non linéaire,
Pour chaque type d’immobilisations, le taux de il est apparu préférable d’utiliser une source
dépréciation économique correspondant est l’in- d’estimation plus directe. Amortissements et
verse de sa durée de vie (si l’on assimile cette actifs correspondants figurent au bilan. Le rap-
durée de vie à l’espérance de la durée de vie du port entre les deux donne directement un taux

Graphique VIII
Composition moyenne de l’actif immobilisé corporel et incorporel par taille d’entreprise
En %
60

50

40

30

20

10

0
de 0 à 19 salariés de 20 à 199 salariés de 200 à 499 salariés plus de 500 salariés

Autres immobilisations corporelles Constructions Équipement Immobilisations incorporelles Terrains

Lecture : entre 1984 et 2002, les immobilisations incorporelles représentent en moyenne 13 % de l’actif immobilisé des entreprises de
0 à 19 salariés.
Champ : cf. encadré 3.
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008 59


de dépréciation que l’on assimile au taux de dans le contour du capital retenu (graphiques IX
dépréciation fiscale dans la mesure où ce qui et IX bis).
figure dans la rubrique amortissement corres-
pond directement à la part de l’actif effective- Outre la définition en amont du contour du capi-
ment fiscalement amorti. Le fond commercial, tal qui conditionne le taux de dépréciation éco-
les terrains, le besoin en fonds de roulement nomique, la forte dispersion de ce taux reflète
(BFR) et les actifs financiers ne s’amortissant également une différence de structure à contour
pas fiscalement, les amortissements correspon- constant selon la taille et le secteur des entrepri-
dant à ces actifs sont donc nuls (9), de même ses. Par exemple, il est plus élevé pour les très
que pour le taux de dépréciation économique, petites entreprises, qui présentent en moyenne
mais ils peuvent être introduits au dénomina- un investissement plus important en immobili-
teur de l’actif s’ils appartiennent aux contours sations incorporelles et autres dont les durées
du capital dont on cherche à déterminer le coût de vie sont plus faibles que celles des immobili-
(cf. graphique IX). sations en équipement, plus fréquentes dans les
grandes entreprises.9
L’évolution du taux de dépréciation est repré-
sentée respectivement en incluant ou non le
besoin en fonds de roulement des entreprises
Évolutions stylisées du coût
d’usage du capital
Graphique IX
Évolution des taux de dépréciation
économique et fiscale (modélisation sans
BFR)
L es différentes composantes du coût d’usage
du capital, calculé à partir de données indi-
viduelles, évoluent différemment selon que l’on
60
En % inclut ou non le besoin en fonds de roulement
(BFR) dans la définition du capital (10) (cf. gra-
50
phiques X et XI).10
40

30

20 9.  Si ces actifs ne s’amortissent pas, ils peuvent donner lieu


à des provisions pour dépréciation fiscale. Par souci de cohé-
10 rence, ce point a été négligé. La principale source de déprécia-
0 tion omise correspond aux carrières, pour lesquelles on parle
1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 cependant exceptionnellement d’amortissement.
10.  Nous présentons dans cette partie les graphiques relatifs à
la fois aux séries qui incluent le BFR et à celles qui ne l’incluent
Taux de dépréciation économique
pas. Ces séries sont différentes en niveau, mais présentent des
Taux de dépréciation fiscale évolutions largement similaires (Boutin et Quantin, 2006).
Lecture : le taux moyen de dépréciation économique atteint
51 % en 2002.
Champ : cf. encadré 3.
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.
Graphique X
Composantes du coût du capital (modélisation
Graphique IX bis sans BFR)
Évolution des taux de dépréciation En %
économique et fiscale (modélisation avec 25
BFR) 20

En % 15
60
10
50 5
40 0

30 -5
- 10
20
1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
10

0 Coût du financement par la dette


1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 Coût de la dépréciation économique
Coût de l'amortissement et de l'inflation
Taux de dépréciation économique Coût du financement par fonds propres
Taux de dépréciation fiscale Coût du suramortissement fiscal
Coût du capital
Lecture : le taux moyen de dépréciation économique atteint
6,3 % en 2002. Lecture : en 2002, le coût du capital atteint en moyenne 16 %.
Champ : cf. encadré 3. Champ : cf. encadré 3.
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs. Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.

60 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008


Une baisse substantielle du coût d’usage manière différente. Le coût moyen réel de la
du capital depuis vingt ans… dette a ainsi perdu cinq points sur l’ensemble de
la période, mais cette baisse n’a pas été conti-
Le coût moyen d’usage du capital ainsi calculé nue. Ainsi, le coût moyen de la dette est resté
est compris entre 16 à 22 % sur la période consi- stable jusqu’en 1998 et diminue depuis 2000. Il
dérée si l’on exclut le besoin en fonds de roule- reflète l’évolution du taux d’intérêt réel sur cette
ment et entre 12 et 15 % dans le cas contraire. période. Celui-ci est d’environ 14 % au début de
Cependant, quel que soit le contour du capital la période, puis augmente au début des années
retenu, entre 1984 et 2002, le coût du capital 1990 avant de diminuer à partir de 1993 pour
marque une tendance légèrement à la baisse, s’établir à 10 % en 2002 (cf. graphique III).
interrompue toutefois par une forte remontée en Le coût moyen réel des fonds propres a quant
1990 qui s’est maintenue jusqu’en 1993. La ten- à lui connu un mouvement à la baisse nette-
dance globalement à la baisse reprend à partir ment plus marqué. Il a diminué tout au long de
de 1993, malgré une hausse ponctuelle en 2001. la période,  perdant sept points sur l’ensemble
La baisse ainsi enregistrée sur l’ensemble de de la période (passant de 14 à 7 % si l’on ne
la période est de six points pour un contour du retient pas le besoin en fonds de roulement dans
capital excluant le BFR et de trois points dans le contour du capital). Par ailleurs, il présente
le cas contraire. aussi un profil plus heurté que les autres com-
posantes qui semble expliquer la majeure partie
…due à une baisse du coût réel des fonds de la volatilité du coût du capital.
propres
La modélisation ne retient ni prime de risque,
Si la première contribution au coût du capital ni premium sur les marchés actions, dont les
provient globalement de la dépréciation écono- évolutions pourraient modifier les conclusions,
mique quel que soit le contour du capital consi- en particulier si elles subissaient des mouve-
déré, la baisse observée reflète essentiellement ments importants et spécifiques sur la période.
celle du coût de financement et notamment la Néanmoins, dans ce cadre, le coût des fonds
baisse du coût de financement par les fonds propres dépend du taux de rendement attendu
propres. par les actionnaires et de l’imposition sur les
bénéfices. Le rendement attendu est ici donné
Le coût de financement dépend du coût réel de par le rendement des obligations d’État et par la
la dette et du coût réel des fonds propres, pon- fiscalité relative entre obligations et actions. Il
dérés par leur poids respectif dans le finance- est donc possible d’extraire un paramètre de fis-
ment global. Ces deux composantes ont évolué calité, noté Φ , de l’expression du coût des fonds
globalement à la baisse sur la période, mais de propres afin d’étudier sommairement l’impact
de l’évolution de la législation fiscale :

Graphique XI
Composantes du coût du capital (modélisation
avec BFR)

25
En % Le taux d’imposition effectif auquel est soumis
20
une entreprise dépend en premier lieu de l’exis-
15 tence ou non d’un résultat fiscal imposable. Afin
10 de se départir autant que faire se peut de l’im-
5 pact du cycle économique pour n’étudier que
0 celui de l’évolution législative de la fiscalité, il
-5 est nécessaire de ne retenir chaque année que
- 10 les entreprises assujetties à l’impôt. Ce paramè-
1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
tre de fiscalité a considérablement diminué sur
Coût du financement par la dette l’ensemble de la période et son effet s’est couplé
Coût de la dépréciation économique à la baisse du taux de rendement du placement
Coût de l'amortissement et de l'inflation
Coût du financement par fonds propres sans risque (cf. graphique XII). Il est toutefois
Coût du suramortissement fiscal possible de distinguer trois périodes :
Coût du capital

Lecture : en 2002, le coût du capital atteint en moyenne 12 %.


Champ : cf. encadré 3.
-- La baisse de l’IS à la fin des années 1980,
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs. combiné à une stagnation du taux de rendement

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008 61


sans risque, a entraîné un net recul du coût des phiques XIII et XIV). L’écart interquartile passe
fonds propres (de l’ordre de dix points). ainsi de 21 % à 16 % entre ces deux dates, soit
une baisse de 40 %, le coût moyen du capital ne
-- Après la hausse de 1990, liée à la fiscalité, la se réduisant que de 27 % dans le même temps.
baisse continue du taux d’intérêt contribue à Cette évolution est liée à la réduction de la dis-
diminuer le coût des fonds propres, malgré la persion du coût de financement, aussi bien par
hausse d’impôt survenue en 1995 (baisse de endettement que par fonds propres (12). Par
l’ordre de sept points). ailleurs, la dispersion du coût de la dette aug-
mente mais seulement très légèrement lors de
-- Enfin, depuis 2000, la chute du paramètre la forte progression des taux d’intérêt survenue
de fiscalité explique à elle seule la diminution en 1993 et la dispersion du coût lié à la dépré-
du coût des fonds propres (de l’ordre de trois ciation économique est relativement stable sur
points). l’ensemble de la période.1112

Le coût de financement est une moyenne, pon- Enfin, si le coût du capital présente une évolu-
dérée par la part des dettes dans le financement, tion à la baisse et un profil qui semble indépen-
du coût réel de la dette et du coût réel des fonds dant de la taille de l’entreprise, il est toutefois
propres. La part moyenne des dettes au sein du plus élevé pour les très petites entreprises que
bilan des entreprises n’a cessé de se réduire entre pour les entreprises de plus de 500 salariés. Si
1988 et 2000, passant de 37 % à 24 % (cf. gra- le coût total du financement du capital (par l’en-
phique II), rendant le coût du financement plus dettement et par fonds propres) est globalement
dépendant du coût réel des fonds propres sur identique sur l’ensemble de la période quelle
la période. Enfin, malgré la baisse importante que soit la taille de l’entreprise, les différences
du coût de financement des investissements par de structure du capital conduisent à observer
fonds propres, celui-ci est resté supérieur en un coût lié à la dépréciation économique plus
moyenne au coût du financement par endette- important pour les très petites entreprises que
ment (cf. graphique XII). Dès lors, rien n’inva- pour les entreprises de plus de 500 salariés ; cet
lide le modèle théorique très simple retenu, qui écart reste stable tout au long de la période.
contraint l’endettement à être maximal.
11.  Cette réduction est cependant plus importante si l’on intro-
duit le besoin en fonds de roulement (cf. graphique XIV).
La dispersion du coût d’usage du capital 12.  La dispersion du coût de la dette est par construction plus
s’est réduite entre 1984 et 2002 importante que celle du coût des fonds propres dont l’estima-
tion dépend du rendement attendu par les actionnaires. Celui-ci
résulte d’un arbitrage et non de données individuelles, contraire-
La dispersion du coût du capital s’est par ailleurs ment au taux d’intérêt apparent de la dette.
sensiblement réduite entre 1984 et 2002, quel
que soit le contour du capital retenu (11) (cf. gra-
Graphique XIII
Écarts interquartiles du coût du capital, du
coût de la dette et du coût des fonds propres
Graphique XII
Coût des fonds propres, taux de rendement (Modélisation sans BFR)
sans risque et fiscalité (entreprises redevables
En %
de l’IS) 30
En % En % 25
30 2,00
20
25
15
20

1,50 10
15
5
10
0
5 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
0 1,00
1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002
Coût du capital
Coût du financement par la dette
Coût des fonds propres (échelle de gauche) Coût du financement par fonds propres
Taux de rendement sans risque (échelle de droite) Coût de la dépréciation économique
Taux de rendement sans risque réel (échelle de droite)
Paramètre de fiscalité (échelle de gauche)
Lecture : l’écart interquartile correspond à l’écart entre le troi-
sième et le premier quartile. Celui du coût du capital est de 16 %
Lecture : en 2002, le coût moyen des fonds propres atteint 7 %. en 2002.
Champ : cf. encadré 3. Champ : cf. encadré 3.
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs. Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs.

62 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 413, 2008


Graphique XIV Cette méthode d’estimation du coût du capital
Écarts interquartiles du coût du capital et de présente plus de variabilité individuelle que cel-
ses principales composantes
les précédemment mises en œuvre. Par exem-
(Modélisation avec BFR) ple, il est tenu compte du taux d’imposition et
30
En % de la dépréciation économique du capital esti-
25
més au niveau individuel. Pour autant, plusieurs
20
pistes d’amélioration sont possibles. Le calcul
du taux d’intérêt fait apparaître un taux d’intérêt
15
moyen qui tient compte de la séquence d’endet-
10
tement, et en particulier du taux d’intérêt histo-
5
rique, alors que la notion pertinente correspon-
0
1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 drait plutôt à un taux contemporain, c’est-à-dire
celui auquel l’entreprise ferait face si elle devait
Coût du capital refinancer intégralement ses actifs. Cette diffé-
Coût du financement par la dette rence peut être problématique, car elle retarde et
Coût du financement par fonds propres
Coût de la dépréciation économique
atténue l’effet des chocs. On observe ainsi par
Lecture : l’écart interquartile correspond à l’écart entre le troi-
exemple un décalage important entre la hausse
sième et le premier quartile. Celui du coût du capital est de 19 % des obligations et la hausse de l’endettement.
en 2002. De plus, le cas du commerce est particulier, et
Champ : cf. encadré 3.
Source : fichiers BRN 1984-2004, Insee, calcul des auteurs. nécessite sans doute un traitement spécifique, en
particulier si l’on cherche à introduire le BFR.
En effet, ce secteur d’activité est généralement
caractérisé par un besoin en fonds de roulement
* négatif, qui pourrait justifier la prise en compte
*   * du fonds de roulement au titre de passif et non
plus d’actif.
La méthode présentée ici permet d’estimer sur
données individuelles le coût du capital en pre- Enfin, les entreprises faisant partie d’un groupe
nant en compte la diversité des modes de finan- (têtes de groupe et filiales) ont en théorie accès à
cement et l’hétérogénéité de la législation fis- un marché interne du crédit, certaines entrepri-
cale sur l’impôt sur les bénéfices. Elle exploite ses du groupe en finançant d’autres, ou la tête de
au mieux les travaux, menés au niveau sectoriel, groupe s’endettant formellement pour ses filia-
sur les durées de vie des actifs immobilisés. les. Ce phénomène est en partie pris en compte
Cette approche ne se veut pas exhaustive mais puisque nous intégrons dans la dette de chaque
elle a le mérite de souligner, dans sa méthodo- entreprise, la part de la dette intra-groupe mais
logie et dans ses résultats, la nécessité de définir son impact est peu précisément retranscrit si
précisément le contour du capital étudié et de l’on étudie des comptes consolidés. L’impact de
rappeler l’importance de l’évolution de la fisca- l’absence de prise en compte de la problémati-
lité sur la période récente. En cela, il est possi- que « groupes » est cependant difficile à évaluer
ble de la reproduire, et surtout de l’adapter à des et nécessiterait une étude dédiée et plus com-
besoins divers. plète.  n

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