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L'varagt : le chant de iva,

texte extrait du Krma-Purna /


trad. du sanskrit par P.-E.
Dumont,..

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


. L'varagt : le chant de iva, texte extrait du Krma-Purna / trad. du
sanskrit par P.-E. Dumont,... 1933.

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L'ÏSVARAGITÀ
LE CHANT DE SIVA

TEXTE EXTRAIT DU KÛRMA-PURÂNA

TRADUIT DU SANSKRIT

PAR

P.-E. DUMONT
Professeur de Sanskrit à l'Université Johns Hopkim

1933
BALTIMORE PARIS
THE JOHNS HOPKINS PRESS LIBRAIRIE PAUL GEUTHNER
L'ÎSVARAGÏTÂ
L'ÏSVARAGITÀ
LE CHANT DE SIVA

TEXTE EXTRAIT DU KÛRMA-PURÂNA

TRADUIT DU SANSKRIT

PAR

P.-E. DUMONT
Professeur de Sanskrit à l'Université Johns Hopkins

1933
BALTIMORE PARIS
THE JOHNS HOPKINS PRESS LIBRAIRIE PAUL GEUTHNER
PRINTED IN BELGIUM
PRÉFACE

Le Kûrma-Puràna ou Purâna de la Tortue est ainsi appelé parce


que, selon la tradition, il fut révélé aux rsis par Visnu, quand ce dieu,
lors du barattement de la mer de lait qui devait produire le breuvage
d'immortalité, prit la forme d'une tortue, afin de porter sur sa so-
lide carapace le mont Mandara, principal instrument de cet immense
barattement.
Contrairement à ce que semble indiquer son titre, le Kûrma-
Puràna n'est pas une oeuvre visnuïte, mais une oeuvre sivaïte.
L'auteur y chante les louanges de Visnu, mais c'est Siva qu'il con-
sidère comme le dieu suprême. Visnu et Brahmâ doivent être
adorés, mais ils ne sont que des formes du dieu unique Siva. /H*n
Le Kûrma-Puràna se compose de deux parties : le Pûrva-vibhàga,
qui comprend cinquante-trois chapitres, et l'Uttara-vibhâga, qui en
comprend quarante-cinq. Les onze premiers chapitres de l'Uttara-
wbhâga constituent l'ïsvaragïtâ.
L'auteur de l'ïsvaragïtâ s'est inspiré de la Bhagavadgïtâ, et il
a même emprunté telles quelles plusieurs stances à ce poème célèbre,
qui est en quelque sorte l'évangile des adorateurs de Visnu; mais
l'ïsvaragïtâ est un texte sivaïte. C'est ïsvara, c'est le Seigneur sou-
verain êiva qui expose lui-même à Sanatkumâra et onze autres saints
ascètes, réunis dans l'ermitage de Badarikà, la doctrine du salut, la
science suprême.
L'ïsvaragïtâ a certainement joui d'une grande popularité dans les
milieux sivaïtes et dans les milieux où l'on étudiait le yoga et la phi-
losophie sâmkhya. Il en existe deux commentaires : le commentaire de
6 L'ÏSVARAGÏTÂ

Bhâsurànanda (cf. Catalogue of Sanskrit Mamuscripts in private


libraries of the North West Provinces, Bénarès, 1874, n° 310) et le
commentaire de Vijnànabhiksu (cf. Notices of Sanskrit Manuscripts
by Rajendralàla Mitra, Calcutta, 1871-1890, n° 2050). Vijnànabhiksu
philosophie
est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le yoga et sur la
sâmkhjra : le yogasârasanigraha (éd. Gangânâtha Jhâ, Bombay, 1894) ;
le yogavârttika (publié dans Pandit N. S. vol. 5 et 6) ; et le sâmkhya-
pravacanabhâsya (éd. Garbe, Harvard Oriental Séries, vol. 2, 1895J..
Il vivait dans la seconde moitié du seizième siècle.
Il n'est pas possible, dans l'état actuel de nos connaissances, de
déterminer l'époque à laquelle l'ïsvaragïtâ fut composée. Autrefois
les indianistes européens considéraient les Purânas comme des oeuvres
fort modernes dont la composition n'était pas antérieure à la conquête
de l'Inde par les Musulmans. Cette opinion n'est plus soutenable
aujourd'hui. Les plus anciens Purànas sont certainement antérieurs
au septième siècle de notre ère, et, ainsi que l'a montré F. E. Pargiter,
ils contiennent des traditions qui remontent à une haute antiquité.
Le poète Bâna, qui vivait au commencement du septième siècle de
notre ère, connaissait bien les Purânas, et il raconte dans le Harsa-
carita qu'il assista, dans son village, à une lecture publique du Visnu-
Purâna. Les Purànas sont cités comme des textes anciens et sacrés
par Kumârila (8e siècle), Samkara (9e siècle) et Ràmànuja (12e siècle).
Le Kûrma-Puràna n'est pas un des plus anciens Purànas. Mais le
témoignage du voyageur arabe Albérouni, qui vivait au commence-
ment du onzième siècle de notre ère (vers 1030), nous prouve que non
seulement les plus anciens Purânas, mais même les Purânas considé-
rés comme postérieurs, existaient à son époque. En effet, il nous
donne, dans son oeuvre, la liste des dix-huit Purànas ; et non seulement
il connaissait bien PÂditya, le Vâyu, le Matsya et le Visnu-Puràna,
mais il avait étudié tout particulièrement le Visnudharmottara, qui
est un des textes tardifs de la littérature purânique.
Le Kûrma-Puràna, le quinzième de la liste d'Albérouni, existait
donc au commencement du onzième siècle. C'est tout ce que nous
pouvons affirmer. Mais il est fort possible que l'ouvrage ait été
composé plusieurs siècles plus tôt. C'est, même vraisemblable.
D'autre part, il importe de rappeler que le Kûrma-Puràna, comme
les autres Purânas, a certainement subi des remaniements, et
que nous
PRÉFACE 7

ne savons pas à quelle époque ces remaniements ont eu lieu. En ce qui


concerne l'ïsvaragïtâ, on peut, je crois, considérer comme une preuve
de remaniement le fait que nous y trouvons deux listes des saints
ascètes auxquels Siva révèle la doctrine du salut (I, 16-17 et V, 18),
et que ces deux listes ne concojrdent pas.
Quelle que soit l'époque à laquelle l'ïsvaragïtâ fut composée, c'est
une oeuvre intéressante à bien des égards.
Un des traits caractéristiques de l'ïsvaragïtâ, c'est l'esprit de tolé-
rance ou plutôt de conciliation qui l'anime. L'auteur adore Siva, mais
il vénère aussi Visnu. Lorsque Siva paraît, un trône divin descend
du ciel, et Siva s'y assied avec Visnu. Visnu est appelé l'âme de
l'univers, l'Esprit suprême, l'Esprit irrévélé. C'est que, pour l'au-
teur, Visnu est identique à Siva ; et il fait dire au Seigneur : « Ceux
qui considèrent que Visnu et Siva sont différents l'un de l'autre,
ceux-là n'obtiennent pas la délivrance, et ils renaissent sans cesse.
Mais ceux qui voient que Visnu, l'irrévélé, et moi, le suprême
Seigneur, nous ne faisons qu'un, ceux-là ne renaissent point. C'est
pourquoi il faut que vous considériez Visnu comme étant moi, et que
vous l'adoriez comme tel. »
L'ïsvaragïtâ est un traité de métaphysique et de mystique. La doc-
trine exposée par l'auteur est une doctrine dans laquelle il combine
assez habilement le théisme sivaïte, la théorie de la bhakti, les théories
du y_oga, la philosophie des Upanisads et la philosophie sâmkhya telle
qu'elle apparaît dans le Mahâbhârata. Il déclare d'ailleurs que le
»
sâmkhya contient l'essence du vedânta. Selon la doctrine de l'auteur,
comme selon la doctrine des Upanisads, l'âtman (le Soi), unique et
sans second, est la seule réalité, et tout l'univers n'est que màyà
(illusion). L'âtman est enchaîné par la mâyâ. Pour obtenir la déli-
vrance, il faut que l'âtman se débarrasse de l'illusion et se comprenne,
conformément à la réalité, comme étant le brahman (l'essence divine)
inaltérable. D'autre part, selon la doctrine de l'auteur, comme selon
la doctrine sâmkhya, pour obtenir la délivrance, il faut que le purusa
(l'Esprit), qui contemple la prakrti (la Nature), comprenne la dis-
tinction essentielle qui existe entre lui et la prakrti; il faut qu'il com-
prenne que c'est à cause de l'ignorance qu'il se voit uni au monde des
phénomènes. Enfin, pour obtenir la délivrance, il faut que l'âme
s'unisse au Seigneur, à âiva, qui est le brahman, et qui est le purusa.
8 L'ÏSVARAGÏTA

il faut religieux pratique les exercices de la


Et pour cela, que le
onzième
discipline ascétique appelée yoga. La majeure partie du
chant de l'ïsvaragïtâ est un exposé du yoga, c'est-à-dire de la
mé-
thode qu'il faut suivre pour arriver à l'extase. Mais le chemin du
difficile et ardu, et pour parvenir au but, il faut avoir
yoga est
l'appui du Seigneur. De là, la nécessité de la bhakti (de la dévotion).
Sans la bhakti, les âmes ne peuvent arriver à connaître
l'Être suprê-
S'ils sont repoussés par le Seigneur, les yogins ne peuvent arri-
me.
à voir qu'il est l'être unique. Il faut donc adorer le Seigneur
ver
pour obtenir sa grâce. Il faut l'adorer par la pensée, par la parole et
l'action. Celui qui aime le Seigneur ne périra pas. Celui qui
par
aime le Seigneur arrivera à lui.
L'auteur de l'ïsvaragïtâ a beaucoup emprunté à la Bhagavadgïtâ.
Exactement comme l'auteur de la Bhagavadgïtâ, il affirme que le
yoga et le sâmkhya s'appuient l'un sur l'autre et ne sont en réalité
qu'une seule et même chose. Comme lui, il insiste sur l'importance
de la bhakti et de l'acte désintéressé, et ses idées sur beaucoup
d'autres points de la doctrine du salut sont celles de la Bhagavadgïtâ.
Il lui a emprunté non seulement des idées, mais des images, des
expressions, des stances entières. Parmi les passages les plus impor-
tants dans lesquels il s'est inspiré du célèbre épisode du Mahâbhârata,
il faut citer : la danse de âiva (ïs. Chap. V), qui correspond à la trans-
figuration de Krsna (Bhag. Chap. XI) ; le passage consacré aux
dévots chers au Seigneur (ïsv. Chap. XI, 75 sq. cf. Bhag. Chap. XII) ;
et le passage consacré à la gloire de la puissance divine, qui se ma-
nifeste par le fait que, dans chaque classe d'êtres, le Seigneur est
l'être le plus excellent de cette classe (ïsv. Chap. VII. cf. Bhag.
Chap. X).
L'auteur de l'ïsvaragïtâ s'est inspiré aussi des Upanisads, et par-
ticulièrement de la Svetâsvatara et de la Kâthaka, auxquelles il a
fait plusieurs emprunts.
L'ïsvaragïtâ apparaît donc comme une oeuvre composite et surtout
comme une imitation de la Bhagavadgïtâ. Mais, qu'on la juge au
point de vue de la pensée ou au point de vue purement littéraire,
cette oeuvre n'est pas négligeable. Elle renferme quelques réelles
beautés, et l'on y trouve beaucoup de passages intéressants
pour
PRÉFACE 9

l'étude du yoga et de la philosophie sâmkhya, pour l'étude du


sivaïsme, et pour l'étude des idées religieuses dans l'Inde.
Il m'a semblé que l'ïsvaragïtâ méritait d'être étudiée et traduite,
et c'est pourquoi j'ai entrepris le travail que je publie aujourd'hui.
Il est vrai qu'il existe deux traductions anglaises de l'ïsvaragïtâ;^
mais ces traductions n'ont que peu de valeur. La première est an-
cienne; elle a été publiée à Londres en 1831 par le lieutenant-colonel
Vans Kennedy dans ces «Researches into the nature and affinity
of ancient and hindu mythology». C'est plutôt une paraphrase
qu'une traduction; on y reconnaît à peine le texte original. La
seconde est l'oeuvre de M. L. Kannoo Mal, et a été publiée à Lahore
en 1924.
L'ouvrage que je présente au lecteur comprend: le texte de l'ïsva-
ragïtâ avec la traduction en regard, des sommaires, des notes, une
liste des variantes, une table de concordances et un index.

Le texte. — A peu de chose près, le texte que je publie ici en trans-


cription, est le texte de l'ïsvaragïtâ tel qu'il a été établi par Nïlmani
Mukhopadhyâya dans son édition du Kûrma-Puràna publiée à Cal-
cutta dans la Bibliotheea Indica, en 1890. Ce texte a été établi par
Nïlmani d'après sept manuscrits, dont le plus ancien est de 1559.
Parfois, mais fortTrarement, j'ai choisi parmi les variantes une
autre leçon que celle adoptée par Nïlmani. Bien que je sois persuadé
que le texte traditionnel est corrompu en plusieurs endroits et con-
tient des interpolations, je n'en ai rien retranché, et ce n'est qu'ex-
ceptionnellement que j'ai hasardé une conjecture. Naturellement,
chaque fois que je me suis écarté du texte de l'édition de Calcutta,
je l'ai indiqué dans les notes ou dans la liste des variantes. J'ai
numéroté les stances et j'ai ajouté la ponctuation. J'ai corrigé deux
ou trois fautes d'impression tout à fait évidentes.
Une nouvelle édition du Kûrma-Puràna a été publiée à Bombay
en 1926 par la Venkatesvara Steam Press. Mais cette édition, bien
imprimée du reste, ne diffère guère de l'édition de Calcutta; en gé-
néral, elle reproduit le même texte avec les mêmes variantes ; seule-
ment, elle n'indique pjs, ainsi que le fait l'édition de Calcutta, quels
sont les différents manuscrits d'où ces variantes proviennent. Néan-
moins je l'ai consultée avec profit dans plusieurs cas.
10 L'ÏSVARAGÏTÂ

La traduction. — En général, le texte de


l'ïsvaragïtâ est un texte
Le style est simple comme le style de la Bhagavadgïtâ.
facile. en
Mais il y a cependant bien des passages dont l'interprétation offre
vraisem-
de sérieuses difficultés. Parfois ces difficultés proviennent
blablement de ce que le texte est corrompu. Le plus souvent elles
mystérieuse,
sont dues au fait que la pensée est vague, abstruse ou
la suite des idées manque de clarté, que les termes philosophi-
que
enfin au fait que
ques employés ont un sens malaisé à définir, ou
l'auteur, dans sa ferveur mystique, s'exprime en un langage volon-
tairement obscur. Il lui arrive alors de dire : « etad yo veda so
'mrtah » (celui qui sait cela est immortel). Tout en suivant le texte
de près, je me suis efforcé d'en donner une traduction intelligible et
claire. Je ne me flatte pas d'avoir toujours réussi. Dans quelques cas,
d'ailleurs, je suis loin de considérer comme certaine l'interprétation
que je propose.

Les sommaires. — J'ai fait précéder ma traduction de sommaires,


pour permettre au lecteur de suivre plus aisément la pensée de l'au-
teur et l'exposé de sa doctrine.

Les notes. — Le lecteur trouvera dans les notes des explications


concernant les noms propres et les termes spéciaux. Il y trouvera
aussi la discussion des passages obscurs, c'est-à-dire les arguments
sur lesquels se fonde mon interprétation, ou les raisons pour les-
quelles je considère mon interprétation comme incertaine.

La liste des variantes. — Je n'ai point songé à faire une édition


critique du texte de l'ïsvaragïtâ; mais j'ai cru devoir néanmoins
présenter au lecteur la liste de toutes les variantes qui se trouvent
indiquées dans les éditions de Calcutta et de Bombay. J'y ai ajouté
les trois ou quatre variantes qui nous sont fournies par les citations
de Vijnànabhiksu dans son Sànikhyapravacanabhâsya.

La table de concordances.
— Le lecteur trouvera dans une table
de concordances l'indication de toutes les stances, demi-stances et
pàdas, que l'auteur de l'ïsvaragïtâ a empruntés soit à la Bhaga-
vadgïtâ, soit à la Svetàsvatara ou à la Kàthaka-Upanisad. De plus,
PRÉFACE 11

il y trouvera un grand nombre de passages parallèles de ces textes,


passages que notre auteur n'a point reproduits exactement, mais dont
il s'est certainement inspiré.

L'index. — Je considère que, pour l'étude d'un texte, un index est


toujours un très utile moyen de recherches. L'index que l'on trou-
vera à la fin de ce volume n'est pas complet, mais peu s'en faut. Il
comprend tous les mots du texte qui ont quelque rapport, même éloi-
gné, avec les idées philosophiques, mystiques ou religieuses exprimées
par l'auteur. Il en comprend beaucoup d'autres encore. Il n'y a,
pour ainsi dire, que les mots insignifiants qui en aient été écartés.

P. S. — Je regrette de n'avoir pu consulter les commentaires de


Bhàsurànanda et de Vijnànabhiksu. Ces commentaires n'existent
qu'en manuscrits.
PRONONCIATION DES MOTS SANSKRITS.

u se prononce comme le français ou;


e se prononce comme le français é;
ai se prononce comme le français aï;
au se prononce comme le français aou;
r est une vibration de la langue qui ne s'accompagne d'aucune
voyelle; on peut cependant prononcer cette lettre comme une r
précédée d'un e muet très bref ou comme une r suivie d'un i
très bresf ;
e se prononce comme le français tch;
j se prononce comme le français dj ;
les muettes suivies de h se prononcent avec une légère aspiration ;
s se prononce toujours dure;
s se prononce comme le français ch;
s se prononce à peu près de même;
m est la seule nasale qui donne un timbre nasal à la voyelle pré-
cédente.
TEXTE ET TRADUCTION
CHAPITRE I
SOMMAIRE

Les rsis (les saints prophètes), réunis dans la forêt Naimisa, où ils se
livrent à de pieuses méditations, remercient le barde Lomaharsana, dis-
ciple de Vyâsa, de leur avoir exposé, selon les antiques légendes, la créa-
tion de l'univers, ainsi que la théorie des âges du monde, et ils le prient
de leur faire connaître maintenant la vérité suprême qui affranchit du
cycle des transmigrations, la science qui a pour unique objet le brahman
(l'essence des choses, l'être divin). Mais au moment où Lomaharsana va
commencer à parler, son maître, le divin Vyàsa, apparaît. Lomaharsana
se prosterne devant lui, et lui demande de bien vouloir expliquer lui-même
aux rsis la science divine qui procure la délivrance.
Vyâsa prend la parole. Il raconte qu'autrefois Sanatkumâra et onze autres
saints ascètes, réunis dans l'ermitage de Badarikâ, où ils se livraient à de
dures austérités, interrogèrent au sujet de cette science suprême Siva lui-
même. Visnu leur était apparu d'abord, et ils lui avaient demandé de dai-
gner répondre aux questions qui les préoccupaient. « Quelle est la cause
de l'univers? Qu'est-ce que l'âtman? Qu'est-ce que la délivrance? Quelle
est la cause du cycle des transmigrations? Qu'est-ce que le brahman su-
prême? » Mais tandis que les saints ascètes contemplaient Visnu et atten-
daient sa réponse, tout à coup, Siva s'était présenté à leurs yeux éblouis.
Visnu alors pria Siva d'exposer lui-même aux saints ascètes la science
divine, et Siva y consentit. Un trône resplendissant descendit du haut du
ciel. Siva s'y assit avec Visnu et, ayant été interrogé par les ascètes, il
prit la parole pour leur exposer la science qui a pour objet le suprême
Seigneur.
Dans ce premier chapitre, qui sert d'introduction, l'auteur, pour éveiller
l'intérêt de ses lecteurs, a recours à un procédé singulier, qui nous semble
maladroit, mais que, sans doute, il croit ingénieux. Le lecteur suppose
d'abord que la doctrine secrète va être exposée par le barde Lomaharsana.
Mais non: le maître de celui-ci, le divin Vyâsa, apparaît. C'est donc lui qui
va parler. Il va, croit-on, exposer la doctrine secrète telle qu'elle fut révélée
aux ascètes d'autrefois par le grand Visnu. Mais non, car il raconte qu'au
moment où Visnu allait prendre la parole, Siva se présenta et révéla lui-
même la science divine. Ce ne sont pas les paroles de Visnu, ce sont les
paroles de Siva, les paroles du Seigneur suprême, que l'auteur va rap-
porter.
16 L'ÏSVARAGÏTÂ

I
prathamo 'dhyâyah.
rsaya ûcuh:
1. bhavatâ kathitah samyak sargah svàyambhuvah, prabho,
brahmàndasyàdivistàro manvantaraviniseayah;

2. tatresvaresvaro devo varnibhir dharmatatparaib.


jnânayogaratair nityam àrâdhyah kathitas tvayâ;

3. tattvam câsesasamsâraduhkhanâsam anuttamam,


jnànam brahmaikavisayam. tena pasyema tat param.

4. tvam hi nàràyanah sàksàt krsnadvaipàyanàt, prabho,


avàptàkhilavijnânas. tat tvàm prechàmahe punah.

5. srutvà munïnàm tad vàkyam krsnadvaipàyanàtprabhuh


sûtah paurànikah srutvà bhàsitum hy upacakrame.

6. tathâsminn antare vyàsah krsnadvaipâyanah svayam


âjagàma munisresthà yatra sattram samàsate.

7. tam drstvâ vedavidvâmsam kâlameghasamadyutim


vyâsam kamalapattràksam pranemur dvijapungavàh.
CHAPITRE I 17

Les rsis (les saints prophètes) dirent :

1. « Tu nous as exposé exactement la création de l'Être qui existe


par lui-même, ô maître, le déploiement primordial de l'univers, l'opi-
nion définitive qu'il faut avoir au sujet des manvantaras (des âges
du monde).
2. « Puis tu nous as parlé du Seigneur des Seigneurs, du dieu que
doivent adorer sans cesse les varnins (les membres des classes supé-
rieures) qui pratiquent leurs devoirs et se consacrent au yoga (à la
discipline ascétique) appliqué à la connaissance.
3. « Et tu nous as parlé de la vérité suprême qui détruit complè-
tement la douleur du cycle des transmigrations, de la science qui a
pour unique objet le brahman (l'être divin). Puissions-nous, par elle,
voir l'Être suprême!
4. « Tu es Nâràyana (Visnu) en personne, toi qui as obtenu de
Vyàsa (Krsnadvaipâyana), ô maître, la connaissance de toutes les
sciences. C'est pourquoi nous te demandons de nouveau de nous
exposer cette science. »
5. Lorsqu'il eut entendu ces paroles des munis (des solitaires,
des saints ermites), le maître, le sùta (le barde Lomaharsana), versé
dans la connaissance des Purànas (des antiques légendes), selon ce
qu'il avait appris de Vyàsa (Krsnadvaipâyana), commença à parler.
6. Mais en ce moment, Vyàsa Krsnadvaipâyana en personne ar-
riva là où les excellents munis étaient réunis pour célébrer le sattra
(le grand sacrifice de soma appelé sattra).

7. Quand ils aperçurent, semblable à un sombre nuage, le sage qui


connaît les Vedas, Vyàsa aux yeux de lotus, ces excellents brahmanes
s'inclinèrent.
18 L'ÏSVARAGÏTÂ

8. papàta dandavad bhûmau drstvàsau lomaharsanah,


pranamya sirasâ bhûmau prânjalir vasago 'bhavat.
9. prstâs te 'nâmayam viprâh saunakàdyà mahâmunim
samàsrtyàsanam tasmai tadyogyam samakalpayan.

10. athainân abravïd vâkyam paràsarasutah prabhùh :


kaecin na hânis tapasah svâdhyâyasya srutasya ca?

11. tatas ca sûtah svagurum pranamyàha mahâmunim:


jnânam tad brahmavisayam munïnâm vaktum arhasi.

12. ime hi munayah sântâs tâpasâ dharmatatparâh,


susrûsâ jâyate caisàm. vaktum arhasi tattvatah

13. jnânam vimuktidam divyam yan me sâksât tvayoditam,


munïnâm vyâhrtam pûrvam visnunâ kûrmarûpinâ.

14. srutvà sûtasya vaeanam, munih satyavatïsutah,


pranamya sirasâ rudram, vacah prâha sukhâvaham.

vyàsa uvâca :
15. vaksye. devo mahàdevah prsto yogïsvaraih purà
sanatkumàrapramukhaih sa svayam samabhàsata.

16. sanatkumârah, sanakas, tathaiva ca sanandanah,


angirâ rudrasahito, bhrguh paramadharmavit,
17. kanâdah, kapilo, gargo, vâmadevo mahâmunih,
sukro, vasistho bhagavàn, sarve samyatamânasâh.
18. parasparam vicàryaite samsayàAdstacetasah
taptavantas tapo ghoram punye badarikâsrame.
CHAPITRE I 19

8. Et Lomaharsana, l'ayant vu, se jeta à terre, prosterné; et, in-


clinant la tête à terre, il joignit les mains en signe d'obéissance.
9. Quand Vyàsa se fut informé de leur santé, les brahmanes, à la
tête desquels se trouvait Saunaka, s'approchèrent du grand muni
(Vyâsa) avec empressement, et lui préparèrent un siège digne de lui.
10. Alors le maître (Vyàsa), fils de Parâsara, leur dit : « Est-ce
que vous n'êtes pas arrêtés (est-ce qu'il n'y a pas diminution) dans
vos exercices ascétiques, dans vos études, dans votre connaissance
de la réA'élation ? »
11. Et alors le sûta (le barde Lomaharsana), s'étant incliné, dit
à son maître, le grand muni (Vyàsa) : « Daigne exposer aux munis
la science qui a pour objet le brahman (l'essence divine des choses).
12. « Ces munis, en effet, sont exempts de passions (sàntâh) et sont
des ascètes qui s'appliquent à pratiquer la vertu; et ils ont le désir
de t'entendre. Daigne leur expliquer exactement
13. « cette science divine qui procure la délivrance, cette science
qui m'a été révélée par toi en personne, et qui a été exposée autre-
fois aux munis par Visnu, apparu sous la forme de la Tortue. »
14. Quand il eut entendu le discours du sûta, le muni (Vyâsa),
fils de Satyavatî, après avoir incliné la tête pour rendre hommage à
Rudra (Siva), prononça ces paroles, source de félicité.
Vyâsa dit:
15. « Je vais parler. Interrogé autrefois par les maîtres des yogins,
à la tête desquels se trouvait Sanatkumâra, le dieu Mahàdeva (Siva)
leur parla lui-même.
16. « Sanatkumâra, Sanaka et Sanandana, Angiras, accompagné
de Rudra, Bhrgu, le sage le plus versé dans la science du Droit;
17. « KanMa, Kapila, Garga, le grand muni Vàmadeva, Sukra et
le bienheureux Vasistha étaient tous des ascètes à l'esprit dompté.
18. «S'étant consultés (s'étant examinés mutuellement), comme le
doute avait pénétré dans leur esprit, ils se livraient aux austérités
d'un ascétisme terrible, dans le saint ermitage de Badarikà.
20 L'ÏSVARAGÏTÂ

19. apasyams te mahàyogam rsidhaxmajutam munim


nàrâyanam anâdyantam narena sahitam tadâ.

20. samstûya vividhaih stotraih sarvavedasamudbhavaih,


pranemur bhaktisamyuktâ yogino yogavittamam.

21. vijnàya vànchitam.tesâm, bhagavàn api sarvavit


prâha gambhïrayà vàeà: kim artham tapyate tapah?

22. abruvan hrstamanaso visvâtmânam sanâtanam


sàksàn nàrâyanam devam âgatam siddhisûeakam :

23. vayam samsayam âpannàh sarve vai brahmavàdinah


bhavantam ekam saranam prapannâh purusottamam.

24. tvam vetsi paramam guhyam sarvam tu bhagavàn rsih


nàràyanah svayam sâksât puràno 'vyaktapùrusah.

25. na hy anyo vidyate vettâ tvàm rte paramesvaram;


sa tvam asmâkam acalam samsayam chettum arhasi.

26. kimkâranam idam krtsnam ? ko nu samsarate sadà ?


kas cid âtmà ca ? kà muktih ? samsârah kimnimittakah ?

27. kah samsara itïsànah ko va sarvam prapasyati?


kim tat parataram brahma ? sarvam no vaktum arhasi.
CHAPITRE I 21

19. « Et ils virent alors Celui qui pratique le grand yoga (la
grande discipline ascétique), le muni fils de Rsidharma, Nàxâyana
(Visnu), l'Être sans commencement ni fin, accompagné de Nara
(Arjuna).

20. « Après l'avoir célébré par différents chants de louange tirés


de tous les Vedas, ces yogins (ces ascètes pratiquant le yoga), remplis
de dévotion, s'inclinèrent devant Celui qui connaît le mieux le yoga
(Visnu).

21. « Et le bienheureux omniscient, sachant quel était leur désir,


leur dit d'une voix profonde: •—
«Pourquoi vous livrez-vous à ces
austérités ? »

22. « Le coeur joyeux, les yoginsrépondirent à Celui qui est l'âme


de l'univers, à l'éternel, au divin Nâràyana (Visnu) en personne,
qui était venu pour leur indiquer le chemin du salut:

23. « Etant tombés dans le doute, nous qui, tous, sommes versés
dans les textes sacrés, nous sommes venus te demander assistance,
à toi seul, à toi l'Esprit suprême.

24. « Toi, tu connais le suprême secret, tu connais tout, toi le


bienheureux rsi, toi Nâràyana en personne, toi qui es l'antique
Esprit irrévélé.
25. « Il n'y a nul autre que toi qui sache, nul autre que toi, le su-
prême Seigneur. C'est pourquoi daigne trancher notre doute, de
telle sorte que notre conviction soit inébranlable.

26. « Quelle estla cause de cet univers ? Qui est-ce qui passe éter-
nellement dans le cycle des transmigrations? Qu'est-ce que l'âtman?
Qu'est-ce que la délivrance? Quelle est la cause du cycle des trans-
migrations ?

27. « Qu'est-ce que le samsara (le cycle des transmigrations) ?


Quel est le souverain maître qui voit (qui regarde, qui surveille)
tout l'univers? Qu'est-ce que le brahman (l'être divin) qui est au
delà (de l'univers). .Daigne nous expliquer tout cela.»
22 L'ÏSVARAGÏTA

28. evam uktvà tu munayah pràpasyan purusottamam,


vihâya tàpasam vesam, samsthitam svena tejasâ,

29. vibhràjamànam, vimalam, prabhâmandalamanditam,


srïvatsavaksasam devam, taptajâmbûnadaprabham,

30. sankhacakragadàpànim, sàrngahastam, sriyà vrtam.


na drstas tatksanàd eva naras tasyaiva tejasâ.

31. tadantare mahadevah sasankankitasekharah


prasàdâbhimukho rudrah prâdur àsïn mahesvarah.

32. nirïksya te jagannàtham trinetram eandrabhûsanam


tustuvur hrstamanaso bhaktyâ tam paramesvaram :

33. jayesvara, mahàdeva, jaya, bhûtapate, siva,


jayâsesamunïsàna, tapasâbhiprapûjita,

34. sahasramûrte, visvàtman, jagadyantrapravartaka,


jayànanta, jagajjanmatrànasamhàrakàraka,

35. sahasracaranesàna, sambho, yogïndravandita,


jayâmbikàpate deva, namas te, paramesvara.

36. samstuto bhagavàn ïsas tryambako bhaktavatsalah,


samàlingya hrsïkesam, prâha gambhïrayà girà
:

37. kimartham, pundarïkàksa, munïndrà brahmavàdinah


imam samàgatà desam ? kim nu kâryam mayàcyuta ?
CHAPITRE I 23

28. «Lorsqu'ils eurent parlé ainsi, les munis virent l'Esprit su-
prême qui, ayant abandonné son apparence d'ascète, se tenait debout
dans sa vraie splendeur.
29. «Rayonnant, immaculé, entouré d'un cercle de lumière, le
dieu qui porte sur la poitrine le signe appelé « srïvatsa », avait
l'éclat de l'or chauffé au feu.
30. « Tenant dans ses mains la conque, le disque, la massue et
l'arc, il était emdronné de gloire. Et à cause de sa splendeur, à
partir de cet instant, on ne vit plus Nara (Arjuna) (à ses côtés).
31. « A ce moment, Mahâdeva (Siva), le dieu dont le sommet de
la tête est orné de la lune, Rudra (Siva), le suprême Seigneur, appa-
rut, disposé à la bienveillance.
32. « Quand ils virent le protecteur du monde, le dieu aux trois
yeux, le dieu qui a la lune pour parure, les munis, le coeur joyeux,
chantèrent avec dévotion (avec amour) les louanges du suprême Sei-
gneur: —
33. « Gloire à toi, Seigneur, Mahâdeva ! Gloire à toi, âiva, maître
des êtres! Gloire à toi, maître de tous les munis, toi que l'on honore
par l'ascétisme,
34. « toi qui as mille formes, toi qui es l'âme de l'univers, toi qui
mets en mouvement la machine du monde! Gloire à toi, toi qui es
infini, toi qui fais naître, protèges et détruis le monde,
35. « Seigneur aux mille pieds, toi le propice, toi qu'honorent les
rois des yogins! Gloire à toi, divin époux d'Ambikâ (Pàrvatï) !

Hommage à toi, suprême Seigneur ! »


36. « Quand il eut été ainsi célébré, le bienheureux Seigneur,
Tryambaka (le dieu aux trois yeux ou aux trois mères), le dieu qui
aime ceux qui lui sont attachés, embrassa le dieu chevelu (Visnu)
et lui dit d'une voix profonde:
37. « Pourquoi, ô dieu aux yeux de lotus, les rois des munis,
versés dans la science sacrée, sont-ils réunis en ce lieu ? Et que puis-je
faire (pour eux), ô dieu inébranlable ? »
24 L'ÏSVARAGÏTÂ

38. àkarnya tasya tad vâkyam, devadevo janârdanah


prâha devo mahàdevam prasâdâbhimukham sthitam :

39. ime hi munayo, deva, tàpasàh ksïnakalmasâh.


abhyàgatànâm saranam samyagdarsanakànksinâm

40. yadi prasanno bhagavàn munïnâm bhàvitâtmanâm,


samnidhau marna taj jnânam divyam vaktum ihàrhasi.

41. tvam hi vettha svam àtmânam, na hy anyo vidyate, siva ;


vada tvam, âtmanâtmànam munïndrebhyah pradarsaya.

42. evam uktvâ, hrsïkesah provàca munipuiigavân,


pradarsayan yogasiddhim, nirïksya vrsabhadhvajam :

43. samdarsanàn mahesasya samkarasyâtha sûlinah


krtàrtham svayam àtmânam jnàtum arhatha tattvatah.

44. pùjàm arhatha devesam pratyaksam, puratah sthitam.


mamaiva samnidhàne sa yathâvad vaktum ïsvarah.

45. nisamya visnor vaeanam, pranamya vrsabhadhvajam,


sanatkumârapramukhâh prechanti sma mahesvaram.

46. athâsminn antare divyam àsanam vimalam sivam


kim apy acintyam gaganâd îsvarârthe samudbabhau.

47. tatràsasàda yogâtmà, visnunà saha, visvakrt.


tejasâ pùrayan visvam, bhâti devo mahesvarah.
CHAPITRE I 25

38. « Lorsqu'il eut entendu ces paroles, le dieu des dieux, Janàr-
dana (Visnu) dit à Mahâdeva (Siva), qui était disposé à la bienveil-
lance :
39. « Ces' munis, ô dieu, sont des ascètes qui ont détruit leurs
péchés. Puisqu'ils sont venus demander assistance, avec le désir
d'acquérir une vue exacte des choses, —
40. « si toi, le bienheureux, tu es disposé à accorder ta bienveillan-
ce à ces munis dont l'âme est purifiée, daigne, en ma présence, leur
exposer ici la science divine.
41. « En effet, toi tu connais ton propre âtman (ton soi, ta vérita-
ble essence), et il n'y a personne autre que toi qui le connaisse, ô
Siva! Parle. Explique à ces rois des munis l'âtman (le soi, la vérita-
ble essence des êtres) par l'âtman (par toi-même). »

42. « Quand il eut parlé ainsi, le dieu chevelu (Visnu), montrant


la perfection du yoga en fixant ses regards sur le dieu dont l'emblè-
me est le taureau, dit aux excellents munis:
43. « Du fait que le suprême Seigneur éamkara (éiva), armé du
trident, vous est apparu, vous pouvez conclure vous-mêmes, en vérité,
que vous avez atteint votre but (que votre âtman a atteint son but).
44. « Adorez le Maître des dieux qui, se manifestant à vos yeux, se
trouve devant vous. En ma présence, lui, il peut vous parler (de
l'âtman) comme il convient. »
45. « Quant ils eurent entendu ces paroles de Visnu, les munis,
ayant à leur tête Sanatkumâra, s'inclinèrent respectueusement de-
vant Mahâdeva (âiva), le dieu dont l'emblème est le taureau, le su-
prême Seigneur, et ils l'interrogèrent.
46. « Mais en ce moment, un trône divin, immaculé, propice, in-
concevable en quelque sorte, descendit, resplendissant, du haut du
ciel, pour le Seigneur.

47. « Sur ce siège, le dieu dont l'essence est le yoga, le créateur


de l'univers, s'assit avec Visnu. Remplissant l'univers de sa lumière,
le dieu (âiva), le suprême Seigneur, resplendissait.
26 L'ÏSVARAGÏTÂ

48. tato devâdhidevesam samkaram brahmavâdinah


vibhràjamânam vimale tasmin dadrsur âsane.

49. tam âsanastham bhùtânâm ïsam dadrsire kila,


yadantarâ sarvam etad, yato 'bhinnam idam jagat.

50. savâsudevam ïsànam ïsam dadrsire param.

51. provàca prsto bhagavàn munïnâm paramesvarah,


nirïksya pundarïkàksam, svâtmayogam anuttamam:

52. tac ehrnudhvam yathânyâyam ucyamânam mayànaghâh


prasântamanasah sarve visuddham jnânam aisvaram.

iti srîkûrmapurâne, îsvaragîtâsu, prathamo 'dhyâyah.


CHAPITRE I 27
48. « Alors, les munis versés dans les textes sacrés virent, sur ce
trône immaculé, Sanikara (âiva), le maître des dieux et des divinités
qui sont au dessus des dieux, dans toute sa splendeur.
49. « Ils virent, assis sur ce trône, le Maître des êtres, le dieu en
qui se trouve tout cet univers et avec qui cet univers s'identifie
(dont cet univers n'est pas différent).
50. « Us virent le Maître, le Seigneur suprême, avec Vàsudeva
(Visnu).
51. « Et, ayant été interrogé, le Bienheureux, le Seigneur suprême,
regardant le dieu aux yeux de lotus (Visnu), expliqua aux munis
le yoga suprême qui a pour objet son àtman.
52. « Ecoutez comme il convient, dit-il, ce que je vais vous exposer,
ô vous qui êtes sans péché; ayant tous l'esprit pacifié, apprenez à
connaître la pure science qui a pour objet le Seigneur. »
CHAPITRE II

SOMMAIRE

Continuant son récit, Vyâsa rapporte aux munis de la forêt Naimisa l'en-
tretien qui eut Heu autrefois entre les ascètes réunis dans l'ermitage de
Badarikâ et le dieu suprême, Siva. Les paroles du Seigneur (ïsvara) con-
stituent l'ïsvaragïtâ.
Le Seigneur commence par déclarer que la science suprême qu'il va
exposer, est une science secrète, que les dieux eux-mêmes ne connaissent
pas. Ensuite il explique ce que c'est que l'âtman suprême. Cet âtman est
absolu, transparent, pur, subtil, étemel. Etant pure intelligence, il pénètre
tout; et par conséquent, il est non seulement l'Esprit (purusa), le Seigneur,
le Veda (c'est-à-dire: le brahman, l'être divin, l'essence divine des choses),
mais aussi le souffle vital (prâna) et le Temps dans le monde des phéno-
mènes. Enchaîné par sa mâyâ, par sa propre puissance magique, il crée les
différentes apparences; mais lui, il ne change pas, car, en réalité, il n'est
pas le monde des phénomènes. En réalité, il n'est ni le souffle vital (prâna),
ni le principe matériel irrévélé, ni l'entendement (manas) ; il n'est ni les
grands éléments (mahâbhûtâni), ni les éléments subtils (tanmâtrâni) ; il
n'est ni les organes de la sensation (jnânendriyâni), ni les organes de l'ac-
tion (karmendriyâni); il n'est ni le sujet de la sensation (bhoktâ), ni le
sujet de l'action (kartâ). Il n'est pas la mâyâ (l'illusion universelle, la
force magique qui produit l'illusion universelle) ; il n'est pas la prakrti et
le purusa, c'est-à-dire l'Esprit uni à la Nature primordiale, car il est l'Es-
prit absolu. En réalité, l'âtman seul existe. La conjonction de l'âtman su-
prême et du monde phénoménal est une illusion. En réalité, l'Esprit (pu-
rusa, âtman) et le monde des phénomènes sont séparés. Et en effet, si l'Es-
prit était réellement uni au monde des phénomènes, il serait, comme lui,
soumis au changement, éternellement. Or l'âtman (l'Esprit, le purusa) est
immuable. Il a la joie pour essence, et il est impérissable.
Si l'on pense que l'âtman agit et qu'il change, ce n'est
pas parce que
l'âtman agit et change réellement, c'est à cause de la qualité d'agent
que
possède l'ahamkâra (le principe d'individuation). Or l'ahamkâra appartient
CHAPITRE II 29

au monde phénoménal et non pas à la réalité suprême. L'Esprit suprême,


inaltérable, contemple la prakrti (la Nature), mais il n'agit pas. S'il se
figure qu'il agit, c'est parce qu'il ne fait pas de distinction entre lui et
l'ahamkâra, c'est à cause d'une erreur, c'est à cause de l'ignorance; et
c'est cette ignorance, cette erreur, qui produit l'union illusoire du purusa
et de la prakrti, et le cycle des transmigrations. La cause (kârana) du
monde des phénomènes, ce n'est pas l'âtman (l'être essentiel), ce n'est pas
le purusa (l'Esprit), c'est le pradhâna (la prakrti), c'est l'avyakta (le
principe matériel non-manifesté), dont l'essence est l'être et le non-être,
c'est-à-dire le devenir. Aussi longtemps que, par suite de l'erreur, l'âtman
est uni (illusoirement) à la prakrti, au principe matériel, il ne peut com-
prendre sa véritable nature inaltérable. C'est à cause de l'erreur, c'est parce
que l'Esprit (purusa) ne fait pas de distinction entre lui-même et le prin-
cipe d'individuation (ahamkâra), c'est parce que l'âtman se voit uni à la
prakrti et se confond avec elle, que sont produites toutes les altérations de
l'âme (dosâh), c'est-à-dire les actions (karmâni) et les sentiments (râga-
dvesâdayah). Et c'est là également l'origine de tous les corps, de toutes
les apparences.
Mais l'âtman secret (guhyâtman), l'âtman non-manifesté, est exempt
d'altération. L'âtman est unique et sans second, et, s'il semble uni à la
puissance créatrice, ee n'est point à cause de sa nature propre (svabhâva-
tah), mais par suite de l'illusion (niâyayâ). La dualité est due à la nature
propre de l'avyakta (du principe matériel non-manifesté). L'âtman inal-
térable n'est pas souillé par les sentiments qui naissent dans l'organe in-
terne ou appareil psychique (antahkarana), car cet organe interne ou ap-
pareil psychique appartient au monde des phénomènes et non pas à la
réalité suprême. Débarrassé de l'illusion, l'âtman n'est plus affecté par
les upâdhis ou éléments de l'appareil psychique, qui le défigurent, et il
brille alors immaculé.
La vraie nature du monde peut être considérée comme étant connais-
sance : c'est le purusa (l'Esprit), c'est l'âtman, c'est le sujet de la connais-
sance. Elle peut aussi être considérée comme étant objet. Et en effet ceux
qui considèrent l'âtman comme étant connaissance, voient l'âtman (le sujet
de la connaissance) comme objet. Comme un morceau de cristal qui paraît
rouge lorsqu'on place à côté de lui un objet rouge, l'Esprit suprême prend
l'aspect de ce qui l'environne. Mais ceux qui aspirent à la délivrance, doi-
vent le considérer comme étant inaltérable, pur, éternel, pénétrant partout,
impérissable.
Le Seigneur énumère ensuite les différents états d'âme du sage qui, par
la méditation, atteint la délivrance. Quand, dans son coeur, la conscience
30 L'ÏSVARAGÏTA

brille partout, il devient véritablement lui-même; quand il voit tous les


êtres dans son âtman et l'âtman dans tous les êtres, il devient le brahman
(l'essence divine); quand, plongé dans la méditation, il ne voit plus la
multiplicité des êtres, il s'identifie avec l'être unique, il devient l'absolu;
quand il est délivré de tous les désirs, il devient immortel et atteint le repos ;
quand il voit la diversité des êtres réduite à l'unité et leur diffusion éma-
nant de cette unité, il devient le brahman pour toujours ; quand il voit qu'il
n'y a en réalité que l'âtman, et que tout l'univers n'est que mâyâ, il atteint
la béatitude; quand il voit que le seul remède qui délivre de la naissance,
de la douleur, de la maladie et de la vieillesse, c'est la connaissance du
brahman, il devient Siva, il s'identifie avec le Seigneur. Alors il y a unique-
ment connaissance, le monde des phénomènes n'existe pas, il n'y a point
coexistence de l'âtman et du monde des phénomènes, il n'y a que l'âtman
inaltérable, unique et sans second.
La doctrine exposée par le dieu Siva est la doctrine sâmkhya, c'est le
moyen d'obtenir le salut par la connaissance et le raisonnement, c'est la
science suprême qui contient l'essence de tout le vedânta, c'est-à-dire de
toute la doctrine des Upanisads. Le yoga (la discipline ascétique) consiste
à concentrer sa pensée sur l'objet de cette science suprême. Pour obtenir
la délivrance, le sâmkhya et le yoga sont nécessaires l'un et l'autre. Du
yoga naît la connaissance, et de la connaissance naît le yoga. Il faut con-
sidérer le sâmkhya et le yoga comme étant une seule et même chose. Il
faut que la discipline ascétique ait pour base la connaissance, car sans cela
elle n'atteint pas le but suprême; et il faut que la connaissance s'appuie
sur la discipline ascétique.
Reprenant le sujet du début du chapitre, Siva déclare qu'il est lui-même
l'âtman suprême, et il le décrit. L'âtman suprême, qui a le pouvoir de
produire l'illusion universelle, possède toutes les formes, toutes les sa-
veurs, toutes les odeurs. Mais, d'autre part, il voit sans yeux et entend sans
oreilles.
Etant la connaissance, il connaît tout cet univers, et personne
ne le
connaît. Quand il est enchaîné par la mâyâ, son pouvoir souverain de-
vient la cause de l'univers. Et cependant lui-même,
comme il est, par na-
ture, au delà de la mâyâ, il n'est pas la cause de l'univers. Les yogins qui
connaissent la vérité et qui ainsi parviennent delà de la mâyâ, atteignent
l'Être suprême dans au
sa pureté et s'unissent à Siva, c'est-à-dire à l'âtman
suprême.

Dans ce deuxième chapitre, l'auteur


• expose quelques-uns des traits es-
sentiels de sa doctrine métaphysique. C'est
une combinaison du théisme
CHAPITRE II 31

sivaïte, de la philosophie des Upanisads et de la philosophie sâmkhya telle


qu'elle apparaît dans le Mahâbhârata. D'une part, comme dans la doctrine
des Upanisads, l'âtman unique et sans second est la seule réalité, tout l'uni-
vers n'est que mâyâ (illusion), et, pour obtenir la délivrance, il faut que
l'âtman se débarrasse de la mâyâ qui l'enchaîne, et se comprenne, confor-
mément à la réalité, comme étant le brahman inaltérable. D'autre part,
comme dans la doctrine sâmkhya, le purusa (l'Esprit) est le contemplateur
de la prakrti (la Nature), et, pour obtenir la délivrance, il faut qu'il com-
prenne la distinction essentielle qui existe entre lui et la prakrti; il faut
qu'il comprenne que c'est à cause de l'ignorance qu'il se voit uni au monde
des phénomènes. Le monde des phénomènes, c'est la prakrti (la Nature pri-
mordiale), c'est le pradhâna (le principe matériel non-manifesté) et toutes
ses manifestations, tous ses produits, c'est-à-dire non seulement les grands
éléments et les éléments subtils, mais encore les organes de la sensation et
les organes de l'action, le manas (l'entendement ou sens interne), l'aham-
kâra (le principe d'individuation) et la buddhi (l'intellect). Or le monde des
phénomènes est mâyâ (illusion). Il n'existe pas en réalité. L'âtman seul
existe. La mâyâ est âtmasamsrayâ, c'est-à-dire qu'elle s'appuie sur l'âtman,
qu'elle a pour origine l'âtman. Mais d'autre part, l'âtman, qui est pure
pensée et qui est inaltérable, n'agit point. C'est par erreur, parce qu'il ne
fait point de distinction entre lui-même et l'ahamkâra (le principe d'indi-
viduation) qu'il pense qu'il agit. Il n'est donc point la cause de l'univers.
La cause de l'univers, c'est l'avyakta (le principe matériel non-manifesté),
c'est la prakrti. Mais, puisqu'en réalité, il y a unité et non dualité, puis-
qu'en réalité, l'âtman existe seul et sans second, il faut admettre que
l'existence de la prakrti est illusoire.
L'auteur proclame l'identité de l'âtman et du brahman, l'identité de
l'âtman et du dieu suprême Siva, l'identité du purusa et de Siva. Cepen-
dant ce ne sont point là des termes équivalents. Ces ternies désignent dif-
férents aspects de l'Etre suprême. D'une manière générale, on peut dire,
semble-t-il, que l'âtman, c'est l'être en soi, l'être absolu, qui s'oppose à la
mâyâ (l'illusion) ; que le brahman, c'est l'âtman considéré comme essence
divine, comme puissance divine, comme âme du monde; que le purusa, c'est
l'âtman considéré comme Esprit, que c'est l'Esprit qui s'oppose à la
prakrti et qui la contemple; enfin que Siva (l'îsvara) (le Seigneur), c'est
l'âtman considéré comme dieu personnel, comme le dieu suprême qu'il faut
adorer pour obtenir la délivrance en s'unissant à lui.
32 L'ÏSVARAGÏTÂ

II
dvitïyo 'dhyàyah.
îsvara uvàca :
1. avàcyam etad vijnânam, marna guhyam sanâtanam,
yan na devâ vijànanti yatanto 'pi, dvijàtayah.

2. idam jnânam samàsritya, bràhmïbhûtà, dvijottamàh


na samsâram prapadyante, pûrve 'pi brahmavàdinah.

3. guhyàd guhyatamam sàksâd gopanïyam prayatnatah


vaksye bhaktimatàm adya yusmâkam brahmavàdinâm.

4. àtmâyam kevalah, svacchah, suddhah, sùksmah, sanàtanah;


asti sarvàntarah sâksàc, cinmâtras, tamasah parah.

5. so 'ntaryâmï, sa purusah, sa prànah, sa mahesvarah,


sa kàlo 'tra, tad avyaktam, sa ca veda iti srutih.

6. asmàd vijâyate visvam, atraiva pravilïyate,


sa mâyï, màyayà baddhah, karoti vividhàs tanûh.

7. na càpy ayam samsarati; na samsàramayah prabhuh.


nàyam prthvï, na salilam, na tejah, pavano, nabhah:
CHAPITRE II 33

II

Le Seigneur dit:

1. « C'est une science dont on ne peut parler, c'est mon secret


éternel, que les dieux eux-mêmes ne connaissent pas, malgré leurs
efforts, ô brahmanes!

2. « C'est grâce à cette science qu'absorbés en Brahman, les


meilleurs des deux-fois-nés, du moins les premiers parmi ceux qui
sont versés dans les textes sacrés, ne sont plus entraînés dans le
cycle des transmigrations.

3. « Cette science évidemment la plus secrète, ce secret qu'il faut


garder avec soin, je vais A^OUS l'exposer aujourd'hui, à vous qui
m'êtes fidèlement attachés, à vous qui êtes versés dans les textes
sacrés.

4. « Cet âtman est absolu, transparent, pur, subtil, éternel. Il


pénètre tout, incontestablement; il est pure intelligence (pure pen-
sée) ; il est au dessus de toute obscurité.

5. « Il est Celui qui gouverne et réfrène les pensées et les senti-


ments intimes (Celui qui gouverne de l'intérieur); il est l'Esprit;
il est le souffle vital; il est le Seigneur suprême; il est le Temps en
ce monde ; il est l'Irrévélé (le Non-manifesté) ; et il est le Veda, dit
le texte sacré.

6. «De lui naît l'univers, et en lui l'univers se dissout. Lui, le


magicien, quand il est enchaîné par sa magie, il crée les différentes
apparences (les différents corps).
7. « Mais lui, il ne change pas ; le Seigneur ne consiste pas dans le
samsara (le monde des phénomènes et des transmigrations). Il n'est
ni la terre, ni l'eau, ni le feu, ni l'air, ni l'éther;
34 L'ÏSVARAGÏTÂ

sabdah, sparsa eva ca,


8. na prâno, na mano, 'vyaktam; na api,
na rûpani, na raso, gandho; nâyam kartà; na vâg

dvijottamâh;
9. na pânipâdau, no pâyur, na copastham,
na ca kartà, na bhoktà va, na ca prakrtipûrusau,
paramàrthatah.
na mâyâ, naiva ca prànâ, na caiva

10. yatha prakàsatamasoh sambandho nopapadyate,


tadvad aikyam, na sambandhah prapancaparamâtmanoh.

11. chayatapau j^athâ loke parasparavilaksanau,


tadvat prapancapurusau vibhinnau paramàrthatah.

12. tathâtma, malinah srsto, vikarï sjrat svarûpatah,


na hi tasya bhaven muktir janmântarasatair api.

13. pasyanti munayo muktâh svàtmânani paramàrthatah,


vikârahïnam, nirdvandvam, ânandâtmânam, avyayain.

14. àham karta, sulîhï, duhkhï, krsah, sthùleti yà matih,


sa câhamkârakartrtvâd àtmany àropitâ janaih.

15. vadanti vedavidvàmsah sâksinam prakrteh param,


bhoktâram, aksaram, buddham, sarvatra samavasthitam.
CHAPITRE II 35

8. « il n'est ni le souffle vital, ni l'entendement, ni le principe maté-


riel non-manifesté; il n'est ni le son, ni l'objet du toucher, ni la
forme, ni la saveur, ni l'odeur; il n'est point l'être agissant (l'agent
de l'action) ; il n'est ni la parole,

9. «ni les mains, ni les pieds, ni l'organe de l'évacuation, ni


l'organe de la génération, ô excellents brahmanes; il n'est ni l'être
qui agit (le sujet de l'action), ni l'être qui sent (le sujet de la sen-
sation) ; il n'est point la prakrti et le purusa (la Nature primordiale
et l'Esprit) ; il n'est point la mâyâ (l'illusion magique universelle) ;
il n'est pas les souffles vitaux; et non, il n'est point cela en réalité!

10. « De même qu'il n'y a point conjonction de la lumière et de


l'obscurité, de même il y a unité, non conjonction du monde des
phénomènes et de l'âtman suprême.

11- «De même que, dans ce monde, l'ombre et le soleil diffèrent


l'un de l'autre, de même le monde des phénomènes et le purusa
(l'Esprit) sont séparés (différents) en réalité.

12. «Aussi bien, l'âtman, s'il était né souillé, serait, de lui-même


(par nature) soumis au changement; et il n'y aurait point pour lui
de délivrance, même à la suite de centaines d'autres naissances.

13. « Les munis qui sont affranchis, voient leur âtman conformé-
ment à la réalité : exempt de changement (immuable), indifférent aux
sensations opposées deux à deux (telles que le froid et le chaud),
ayant la joie comme essence, impérissable.
14. «L'opinion qui consiste à croire: «Je suis l'agent de l'action
(c'est moi qui agis), je suis heureux, je suis malheureux, je suis
petit, je suis grand », est une opinion que les hommes établissent
dans l'âtman à cause de la qualité d'agent que possède l'ahamkâra
(le principe d'individuation).

15. « Ceux qui connaissent le Veda disent que l'Esprit suprême


est le contemplateur (le témoin) de la Nature, l'esprit qui en jouit,
l'esprit inaltérable, intelligent, établi partout.
36 L'ÏSVARAGÏTÂ

16. tasmâd ajnànamûlo hi samsàrah sarvadehinâm ;


ajiiànàd, anyathàjîiànât, tattvam prakrtisamgatam.

17. nityoditam svaxamjyotih, sarvagahpurusah parah


ahamkâràvivekena kartâham iti manyate.

18. pasyanti rsayo 'vyaktam, nityam, sadasadàtmakam,


pradhânam, purusam buddlrrâ, kàranam brahmavàdinah.

niranjanah,
19. tenâyam samgatah, svâtmâ, kûtastho 'pi,
svàtmànam aksaram brahma nâvabudhyeta tattvatah.

20. anâtmany âtmavijnânam ; tasmâd duhkham tathetarat;


ràgadvesâdayo dosàh sarve bhràntinibandhanâh.

21. karmàny asya mahàn dosah punyàpunyam iti sthitih;


tadvasâd eva sarvesâm sarvadehasamudbhavah.

22. nityam sarvatra guhyàtmâ kûtastho dosavarjitah ;


ekah, samtisthate saktyà, màyayà, na svabhâvatah.

23. tasmâd advaitam evàhur munayah paramàrthatah;


bhedo 'vyaktasvabhàvena, sa ca màyàtmasanisrayà.
CHAPITRE II 37

16. « C 'est pourquoi le cycle des transmigrations dans lequel sont


entraînées toutes les âmes, a pour origine l'Ignorance. C'est à
cause de l'Ignorance, à cause de l'erreur (de la fausse connaissance)
que l'Être essentiel est uni à la prakrti (à la Nature primordiale).
17. «Astre toujours levé, brillant par lui-même, c'est parce qu'il
ne fait point de distinction entre lui et l'ahamkâra (le principe
d'individuation), que l'Esprit suprême, qui pénètre partout, pense
qu'il est l'agent de l'action.
18. « Les rsis versés dans les textes sacrés, ayant compris l'Être
suprême, voient que la cause (kàrana) du monde des phénomènes,
c'est l'avyakta (l'irrévélé) (le non-manifesté) (le non-déterminé;
éternel, dont l'essence est l'être et le non-être; c'est le pradhàna (le
principe matériel) (la Nature primordiale).
19. « Uni à lui (uni au pradhàna), l'âtman, quoiqu'il reste immua-
ble et immaculé (impassible), ne peut se comprendre lui-même, con-
formément à la réalité, comme étant le brahman (l'essence divine)
inaltérable.
20. « Il voitl'âtman dans ce qui n'est pas l'âtman (il y a vision de
l'âtman dans ce qui n'est pas l'âtman). De là la douleur et son
contraire (l'autre, le plaisir). L'amour, la haine et les autres sen-
timents, toutes les altérations (dosàh) (de l'âme) ont pour cause l'er-
reur.
21. «La grande altération (de l'âtman), ce sont les actes, que
l'acte soit bon ou mauvais: voilà ce qui est certain. De là l'origine
de tous les corps pour tous les êtres.

22. «L'âtman secret est toujours et partout immuable et exempt


d'altération. Etant seul et unique, s'il est uni à la puissance créatrice,
c'est par suite de l'illusion, non par nature (non essentiellement).
23. «C'est pourquoi les munis ont déclaré qu'en réalité, il est
sans second (advaita). La dualité (la division en deux, origine de
l'apparition du sujet et de l'objet) est due à la nature propre de
l'avyakta (du principe matériel irrévélé, non-manifesté) ; et la màyâ_
(l'illusion) s'appuie sur (a pour base, a pour origine) l'âtman.
38 L'ÏSVARAGÏTÂ

24. yathà ca dhûmasamparkân nàkàso malino bhavet,


antahkaranajair bhâvair âtmà tadvan na lipyate.

25. yathà svaprabhayà bhati kevalali sphatikopalah,


upàdhihïno vimalas tathaivàtmà prakàsate.

26. jnànasvarûpam evâhur jagad etad vieaksanah,


arthasvarûpam evànye pasyanty, anye kudrstayah.

27. kûtastho nirguno vyâpï caitanyàtmà svabhàvatah


drsyate hy artharùpena purusair jnànadi'stibhih.

28. yathà sa laksyate raktah kevalam sphatiko janaih


raktikàdyupadhànena, tadvat paramapûrusah.

29. tasmâd âtmàksarah, suddho, nityah, sarvatrago, 'vyayah,


upâsitavyo, mantavyah, srotayyas ca mumuksubhih.

30. yadà manasi caitanyam bhati sarvatra sarvadâ


yoginah sraddadliànasj'-a, tadà sampadyate svayam.

31. yadà sarvàni bhûtàni svàtmany evàbhipasyati,


sarvabhûtesu câtmânam, brahma sampadyate tadâ.
32. yadà sarvâni bhûtàni samâdhistho
na pasyati,
ekïbhûtah parenàsau tadà bhavati kevalam.

33. yadà sarve pramucyante kâmâ


ye 'sya hrdi sthitàh,
tadàsâv amrtïbhùtah ksemam gacehati panditah.
CHAPITRE II 39

24. «De même que le ciel n'est pas souillé par le contact de la
fumée, de même l'âtman n'est pas souillé par les sentiments qui
naissent dans l'antahkarana (dans l'organe interne ou appareil
psychique).
25. «De même qu'un morceau de cristal, isolé, brille de son
propre éclat, ,de même l'âtman, quand il n'est pas affecté par les
upàdhis (c'est-à-dire par les éléments de l'appareil psychique qui le
défigurent), brille immaculé.
26. « Les sages disent que la vraie
nature de ce monde est connais-
sance; d'autres considèrent que sa vraie nature est objet; les autres
ont une opinion fausse.
27. « L'àtman-conseience qui, par sa nature propre, est immuable,
sans qualités (indéterminé) (en dehors du domaine des gunas ou fac-
teurs qualitatifs) et pénétrant tout, apparaît en effet comme objet
aux hommes qui le considèrent comme pure connaissance.
28. «Il en est
de l'Esprit suprême comme d'un morceau de cris-
tal, qui paraît complètement (uniquement) rouge lorsqu'on place
à côté de lui une graine de raktikâ ou quelque autre objet rouge.
29. « C'est pourquoi ceux qui désirentla délivrance, doivent con-
sidérer (et révérer) l'âtman, le penser, l'entendre (le percevoir)
comme étant inaltérable, pur, éternel, pénétrant partout, impéris-
sable.
30. « Lorsque, dans le coeur du yogin qui a la foi, la conscience
(l'intelligence) (l'âtman) brille partout et continuellement, alors
il devient lui-même.
31. «Lorsqu'il voit tous les êtres dans son âtman et l'âtman dans
tous les êtres, alors il devient le brahman (l'essence divine).
32. « Lorsque, plongé dans le samâdhi (la contemplation extati-
que), il ne voit plus tous les êtres (il ne voit plus la multiplicité
des êtres), alors, uni à l'Être suprême (devenu un avec l'Être su-
prême) il devient l'absolu.
,
33. « Lorsqu'il est délivré de tous les désirs qui se trouvaient dans
son coeur, alors, devenu immortel, le sage atteint le Repos.
40 L'ÏSVARAGÏTA

34. yadà bhùtaprthagbhâvam ekastham anupasyati,


tata eva ca vistâram, brahma sampadyate sadà.

35. yadà pasyati càtmânam kevalam paramàrthatah,


màyâmâtram tathâ sarvam jagad, bhavati nirvrtah ;

36. yadà janmajaraduhkhavyadhïnâm ekabhesajam


kevalam brahmavijnânam, jâyate 'sau tadà siyah^

37. yathâ nadïnadà loke sâgarenaikatam yayuh,


tadvad àtmâksarenàsau niskalenaikatâm vrajet.

38. tasmâd vijnànam evâsti, na prapanco, na samsthitih.


ajnânenàvrtam loke vijnànam, tena muhyati.

39. vijnànam nirmalam sûksmam nirvikalpam tad avyayam;


ajnànam itarat sarvam vijnànam iti tan matam.

40. etad vah kathitam sàmkhyam, bhàsitam jnânam uttamam


saj^ve^ântasârani hi ; yogas tatraikacittatà. ~~~

41. yogàt samjâyate jnânam, jnànâd yogah pravartate.


yogajnânâbhiyuktasya nâvâpyam vidyate kvacit.
CHAPITRE II 41

la diversité des êtres réduite à l'unité et leur


34. « Lorsqu'il voit
diffusion émanant de cette unité, alors il devient le brahman pour
toujours.

35. « Quand il voit qu'il n'y a, en réalité, que l'âtman, et que


tout l'univers n'est que mâyâ (illusion), alors il obtient la béatitude
(la paix).

36. « Quand il voit que le seul remède qui puisse délivrer de la


naissance, de la vieillesse, de la douleur et de la maladie, c'est uni-
quement la connaissance du brahman, alors il devient éiva.

37. «De même qu'en ce monde, les rivières et les fleuves s'unis-
sent à l'océan, de même cet àtman (l'âtman du yogrn qui a la foi)
s'unit à l'Être inaltérable, indivisible.

38. « Alors, il y a connaissance, le monde des phénomènes n'existe


pas, il n'y a point coexistence (de l'âtman et du monde des phéno-
mènes)
.
«En ce monde, la connaissance est cachée (enchaînée) par l'igno-
rance. C'est à cause de cela que l'on s'égare (que l'on tombe dans
l'erreur).

39. «L'impérissable (le brahman impérissable) est connaissance


immaculée, subtile, exempte de doute; tout le reste, que l'on croit
être connaissance, est ignorance.

40. « Ainsi, je vous ai exposé le sâmkhya (la doctrine sâmkhya)


(le moyen d'obtenir le salut par la connaissance et le raisonnement) ;
je vous ai expliqué la science suprême, qui contient l'essence de tout
le Vedânta (de toute la doctrine des Upanisads). Le yoga (la disci-
pline ascétique) consiste à y concentrer sa pensée (c'est-à-dire à
concentrer sa pensée sur cette science suprême et sur son objet).

41. « Du yoga naît la connaissance ; de la connaissance naît le


yoga. Celui qui possède le yoga et la connaissance, obtient tout
(: pour celui qui possède le yoga et la connaissance, il n'y a nulle
part quelque chose qui soit encore à obtenir).
42 L'ÏSVARAGÏTA
.

42. yad eva yogino yânti sâmkhyais tad adhigamyate.


ekam sàmkhyam ca yogam ca yah pasyati, sa tattvavit.

43. anye hi yogino vipra hy aisvaryâsaktaeetasah


majjanti tatra tatraiva, ye eânye kunthabuddhayah.

44. yat tat sarvamatam divyam aiévaryam amalam mahat,


jnânayogàbhiyuktas tu dehânte tad avâpnuyàt.

45. esa âtmâham avyakto, mayavî, paramesvarah,


kïrtitah sarvaAredesu, sarvâtmâ sarvatomukhah;

46. sarvarupah, sarvarasah, sarvagandho, 'jaro, 'marah,


sarvatahpànipàdo 'ham, antarj^âmï, sanàtanah.

47. apânipàdo, javago grahïtâ, hrdi samsthitah,


acaksur api pasj'-àmi, tathâkarnah srnomy aham.
48. vedàham sarvam evedam, na màm jànàti kascana.
prâhur mahântam purusam màm ekam tattvadarsinah.

49. pasyanti rsayo hetum, àtmanah, sùksmadarsinah,


nirgunàmalarûpasya yad aisvaryam anuttamam.

50. yan na devà vijànanti, mohitâ marna màyayà,


vaksye; samàhitâ 5'ûyam srnudhvam, brahmavàdinah.
CHAPITRE II 43

42. « Ce que les yogins atteignent, les sâmkhyas (ceux qui sont
versés dans la doctrine sàmkbya, dans la doctrine de la connais-
sance), l'atteignent également.
« Celui qui considère le sâmkhya et le yoga comme étant une seule
et même chose, celui-là connaît la vérité.
43. « Il y a d'autres yogins, des brahmanes, qui, attachant leur
pensée à l'acquisition de pouvoirs surhumains, succombent toujours,
et d'autres qui sont faibles d'esprit.
44. « Mais celui qui pratique le yoga appliqué à la connaissance
(de l'Être suprême), obtiendra, après la mort, le grand pouvoir divin,
immaculé, qui comprend toutes les pensées (qui réalise tous les
voeux).

45. « Je suis cet âtman irrévélé (non-manifesté), le suprême Sei-


gneur, qui possède le pouvoir de produire l'illusion universelle,
et qui est célébré dans tous les Vedas, l'âtman universel, dont le
visage est tourné partout à la fois;
46. « je suis l'âtman universel, qui possède toutes les formes,
toutes les saveurs, toutes les odeurs, qui ne vieillit pas, qui ne meurt
point, dont les mains et les pieds sont partout, l'âtman éternel, qui
gouverne de l'intérieur (qui gouverne et réfrène les sentiments et
les pensées intimes).
47. « Sans pieds, je cours, et sans mains, je saisis, me tenant dans
le coeur ; je vois sans yeux, et j'entends sans oreilles.

48- « Jeconnais tout cet univers, et personne ne me connaît. Ceux


qui voient la_ vérité, disent que je suis le grand purusa (l'Esprit
suprême), moi, l'unique.
49. «Les rsis qui ont l'esprit subtil, considèrent que ce qui est la
cause (hetu) (de cet univers), c'est le pouvoir souverain de l'âtman,
qui est sans qualités (en dehors du domaine des gunas ou facteurs
qualitatifs de la prakrti) et immaculé.
50. « Je vais vous exposer ce que les dieux eux-mêmes, égarés
par ma mâyâ (par l'illusion que je crée) ne savent pas; soyez atten-
tifs et écoutez, ô vous qui êtes versés dans les textes sacrés.
44 L'ÏSVARAGÏTÂ

51. nàham prasastah sarvasya, mâyàtïtah svabhâvatah,


prerayàmi tathâpïdam, kâranam; sûrayo viduh.

52. yato guhyatamam deham sarvagam tattvadarsinah


pravistà marna sàyujyam labhante yogino 'vyayam.

53. ye hi mâyâm atikrântà marna, yà visvarûpinî,


labhante paramam suddham nirvànam te maya saha.

54. na tesâm param àvrttih kalpakotisatair api


prasàdàn marna, yogïndrà: etad vedànusàsanam.

55. tat putrasisyayogibhyo dâtavyam brahmavàdibhih


madbhaktam etad vijnànam sâmkhyam yogasamâsrayam.

iti srîkûrmapurâne, ïsvaragîtâsu, dvitïyo 'dhyâyah.


CHAPITRE II 45

51. «Etant par nature au delà de la mâyâ (de l'illusion), je ne


suis pas, quoique je mette ce monde en mouvement, considéré comme
la cause (kàrana) de l'univers. Les sages le savent.
52. «C'est pourquoi les yogins qui connaissent la vérité, entrant
dans mon corps le plus secret qui pénètre tout, obtinennent l'union
avec moi, l'union impérissable.
53. « En effet, ceux qui parviennent au delà de ma mâyâ, cette
mâyâ qui a toutes les formes, atteignent, en s'unissant à moi (avec
moi), le suprême, le pur nirvana (l'extinction, la disparition de
toutes les fauses apparences de la vie transitoire).
54. «Pour ceux-là, par ma grâce, ô roi des yogins, il n'y a plus
ensuite de retour ici-bas, même après des centaines de dix millions
de kalpas: tel est l'enseignement du Veda.
55. « Cette science qui m'est consacrée, cette doctrine du sâmkhya
qui s'appuie sur le yoga (sur la discipline ascétique) doit être trans-
mise, par ceux qui sont versés dans les textes sacrés, à leurs fils,
à leurs disciples et aux yogins. »
CHAPITRE III

SOMMAIRE

Continuant à parler de l'âtman suprême, le Seigneur (Siva), en un lan-


gage mystérieux et souvent obscur, expose la doctrine métaphysique de
l'origine du monde.
L'Etre suprême, considéré comme origine de l'univers, est appelé ici
l'avyakta (l'être irrévélé, l'être non-manifesté). Ce terme peut prêter à con-
fusion, car il désigne généralement le pradhàna, c'est-à-dire le principe
matériel.
De l'avyakta (de l'Etre suprême non-manifesté) sont nés: le purusa
l'Esprit), le pradhàna (le principe matériel) et le Temps, qui ont donné
naissance au monde. Et c'est pourquoi le monde est fait du brahman (de
l'essence divine). Il faut noter que le purusa (l'Esprit) qui, essentiellement,
est identique à l'Etre suprême (à l'âtman suprême) est considéré ici comme
étant né de lui.
Selon que l'on considère l'Etre suprême dans sa pureté absolue ou pé-
nétrant l'univers qui naît de lui lorsqu'il est enchaîné par sa mâyâ, les
épithètes les plus contradictoires lui conviennent. Ainsi, d'une part, il
est dépourvu de tous les sens, non-divisé, immuable, inébranlable, impas-
sible, sans second; il est joie éternelle, il est la lumière suprême, il est
nirguna (c'est-à-dire en dehors du domaine des gunas ou facteurs qua-
litatifs de la prakrti) ; et d'autre part, il a partout des mains et des pieds,
des yeux, des têtes, des bouches, des oreilles, et il a l'apparence de tous les
sens. Il est FâtmarL de tous les êtres, et cet âtman c'est le Seigneur, c'est
Siva.
De l'Etre suprême sont nés le purusa (l'Esprit), qui est appelé son es-
sence, et le pradhàna (le principe matériel), appelé aussi prakrti (Nature
primordiale). De l'union du purusa et du pradhàna est né le Temps. Etant
établis dans l'Être suprême, ces trois principes: le purusa (l'Esprit), le pra-
dhàna (le principe matériel) et le Temps sont, comme lui, sans commence-
48 L'ÏSVARAGÏTA

ment ni fin. L'Esprit, qui est de la même essence que l'Être suprême, la
matière, qui est d'essence différente, et le Temps sont tous trois infinis.
La prakrti (la Nature primordiale) (c'est-à-dire le pradhàna, le principe
matériel, considéré comme puissance créatrice) crée tout le monde phéno-
ménal: 1. le mahat, c'est-à-dire la buddhi (l'intellect); 2. r_ahamkâra (le
principe d'individuation) ; 3. le manas (l'entendement ou sens interne) ;
4. les cinq organes de la sensation et les cinq organes de l'action; 5. les
cinq éléments subtils (tanmâtrâni ou sûksmabhûtâni) et les cinq grands
éléments (mahâbhûtâni). Ainsi la prakrti, avec ses manifestations, forme
un groupe de vingt-quatre principes. Le purusa,, lorsqu'il a pu se libérer
de l'ahamkâra ou principe d'individuation (qui est un des produits de la
prakrti) est appelé le vingt-cinquième principe.
Le mahat (la buddhi, l'intellect) est le premier produit de la prakrti.
L'ahamkâra naît du mahat lorsque celui-ci prend conscience de sa faculté
de connaître; c'est-à-dire que le principe d'individuation, qui fait que l'on
pense : « Je suis », apparaît lorsque l'intellect prend conscience de sa
pensée (Cogito, ergo suni). Le mahat (l'intellect) est à la fois cosmique et
psychique. Le mahat est unique, puisque la multiplicité des âmes n'apparaît
qu'avec l'ahamkâra (le principe d'individuation) par lequel les âmes acquiè-
rent chacune son individualité. Mais le mahat est appelé ahamkâra (prin-
cipe d'individuation), jïva (âme individuelle) et antarâtman (âme inté-
rieure), lorsque, par l'ahamkâra, la multiplicité des âmes a été créée. C'est
par le mahat (l'intellect), — qui est appelé ahamkâra ou jïva dans les
êtres individuels, qui a pour essence la connaissance, et dont le manas (le
sens interne ou entendement) est l'auxiliaire, — que l'on sent le plaisir et
la peine. C'est du mahat que procède le samsara du purusa (la suite des
transmigrations de l'Esprit dans le temps). C'est à cause de lui que le
purusa ne se distingue pas du Temps, s'identifie au Temps. L'Esprit suprê-
me (purusottama), identifié au Temps éternel, est appelé le sublime souffle
vital (bhagavàn prânah). Il pénètre tout l'univers et le maintient.
Le Seigneur (Siva) montre ensuite quelle est la situation relative des dif-
férents principes. Au-dessus des organes de la sensation et de l'action, il
y a le manas (le sens interne ou entendement). Au-dessus du manas, il y a
l'ahamkâra (le principe d'individuation). Au-dessus de l'ahanikâra, il
y a
le mahat, c'est-à-dire la buddhi (l'intellect), principe à la fois psychique
et
cosmique. Au-dessus du mahat, il y a l'avyakta, c'est-à-dire le principe
matériel non-manifesté; c'est le pradhàna, c'est la prakrti (la Nature pri-
mordiale). Au-dessus de la prakrti, ilyale
purusa (l'Esprit), qui contem-
ple la prakrti et s'unit à elle. Au-dessus du
purusa, il y a le sublime souffle
vital (bhagavàn prânah). Ce terme désigne
un aspect supérieur du purusa,
CHAPITRE III 49

mais sa signification est obscure. Au-dessus du sublime souffle vital, il y a


le vyoman (le ciel), qui est l'image du Seigneur. Le Feu qui est au delà du
vyoman, est le Seigneur suprême; c'est le brahman (l'essence divine), c'est
le monde au delà de la mâyâ, c'est l'Être suprême non-manifesté (avyakta),
c'est l'âtman (l'être en soi) suprême et absolu.
Il a été dit que le Seigneur n'est pas la cause de l'univers. Cependant,
lorsqu'il est enchaîné par la mâyâ (par sa propre force d'illusion), le Sei-
gneur, uni au Temps, qui est le produit du purusa et de la prakrti, devient
le divin magicien qui crée et détruit l'univers éternellement.
50 L'ÏSVARAGÏTÂ

III
trtïyo 'dhyâyah.
ïsvara uvâca :
1. avyaktàd abhavat kàlah, pradhànam, purusah parah;
tebhyah sarvam idam jâtam; tasmâd brahmamayam jagat.

2. sarvatahpânipâdàntam, sarvato-'ksisiromukham,
sarvatahsrutimal loke, sarvam àvrtya, tisthati,

3. sarvendriyagunâbhàsam, sarvendriyavivarjitam,
sarvâdhàram, sadànandam, avyaktam, dvaitavarjitam,

4. sarvopamânarahitam, pramànâtïtagoearam,
nirvikalpam, niràbhàsam, sarvàvàsam, parâmrtam.

5. abhinnam, bbinnasamsthânam, sâsvatam, dhruvam, avyayam,


nirgunam paramam jyotis: taj jnânam sûrayo viduh.

6. sa àtmà sarvabhutànàm, sa bâhyàbhyantarah parah;


so 'ham sarvatragah, sànto, jnânâtmà, paramesvarah.

7. maya tatam idam visvam jagat sthàvarajangamam,


matsthàni sarvabhûtàni yas, tam vedavido viduh,
CHAPITRE III 51

III

Le Seigneur dit:

1. « De l'Être irrévélé (non-manifesté) sont nés le Temps, le


principe matériel et l'Esprit suprême. De ceux-ci (du Temps, du
principe matériel et de l'Esprit suprême) est né cet univers. C'est
pourquoi le monde est fait du brahman.
2. « Ayant partout des mains et des pieds, ayant partout des j'eux,
des têtes, des bouches, ayant partout des oreilles dans le monde,
il embrasse tout l'univers;
3. «Ayant l'apparence des facultés de tous les sens (tels que la
vue, l'ouïe, etc.), il est pourtant dépourvu de tous les sens; récep-
tacle de tout l'univers, il est joie éternelle, lui, l'Etre irrévélé (non-
manifesté), sans second.

4. « Il est incomparable (hors de toute comparaison), immense


(ayant un domaine qui dépasse toute mesure), immuable, dépourvu
de toute fausse apparence, demeurant partout, immortel.

5. « Non divisé, il est le séjour de ce qui est divisé ; il est éternel,


inébranlable, impérissable; il est la lumière suprême, sans qualités
(en dehors du domaine des gunas ou facteurs qualitatifs). C'est ce
que savent les sages.
6. «C'est l'âtman de tous les êtres, c'est l'âtman suprême, à la
fois extérieur et intérieur; et je suis cet âtman qui, impassible
(calme), pénètre tout, qui est l'âme de la connaissance, moi, le Sei-
gneur suprême.
7. « Lui(l'âtman), qui est tout cet univers déployé par moi, le
monde mobile et immobile, tous les êtres qui se trouvent en moi,
— ceux qui connaissent le Veda, le connaissent;
52 L'ÏSVARAGÏTÂ

8. pradhânam purusam caiva, tadvastû samudâhrtam.


tayor, anàdir uddistah, kàlah samyogajah parah.

9. trayam etad anàdyantam avyakte samavasthitam,


tadàtmakam tadanyat syàt, tadrûpam, màmakam viduh.

10. mahadâdyam visesàntam samprasûte 'khilam jagat


yà, sa prakrtir uddistà, mohinï sarvadehinâm.

11. purusah prakrtistho vai bhunkte yah prâkrtàn gunàn,


ahamkàravimuktatvât proe3'ate pancavimsakah.

12. àdyo vikàrah prakrter mahân iti ca kathyate;


vijnâtrsaktivijnànât hy ahamkàras tadutthitah.

13. eka eva mahàn àtmâ; so 'hamkàro 'bhidhïyate,


sa jïvah, so 'ntaràtmeti gïyate tattvaeintakaih.

14. tena vedayate sarvam sukham duhkham ca janmasu;


sa vijnànâtmakas ; tasya inanah syâd upakàrakam.
CHAPITRE III 53

«et ils connaissent aussi le principe matériel, et l'Esprit, qui


8.
est appelé son essence (l'essence de l'âtman, l'essence de l'Être ir-
révélé, non-manifesté). De l'union de ceux-ci (de l'union du prin-
cipe matériel et de l'Esprit) est né le Temps suprême, qui est dit
« sans commencement».
9. « Cettetriade (le principe matériel, l'Esprit et le Temps) n'a
ni commencement ni fin, par le fait qu'elle est établie dans l'Être
irrévélé; et, qu'elle soit de la même essence que lui ou qu'elle soit
différente, les sages savent qu'ayant son aspect (par le fait qu'elle
a son aspect d'infinité), elle est mienne.
10. « Ce qui crée le monde (phénoménal) tout entier depuis le
mahat (la buddhi, l'intellect) jusqu'aux visesas (distinctions, qualités
spécifiques ou différences individuelles des êtres) est appelé la pra-
krti (la nature primordiale), celle qui abuse (trompe, aveugle)
toutes les âmes.
11. «Le purusa (l'Esprit) qui, lorsqu'il est uni à la prakrti (la
Nature), jouit des qualités (des gunas, constituants ou facteurs qua-
litatifs) de la prakrti, est appelé le vingt-cinquième principe, lors-
qu'il a pu. se libérer (se séparer) de l'ahanikàra (du principe d'in-
dividuation)
.

12. « Le premierproduit de la prakrti est appelé le mahat (le


grand) (c'est la buddhi, l'intellect). L'ahamkâra (le principe d'in-
dividuation) naît de lui (du mahat, de l'intellect), lorsqu'il prend
conscience de sa faculté de connaître (à la suite de la connaissance
de la faculté de connaître).

grand âtman (le mahat, le buddhi, l'intellect) est unique.


13. « Le
Il est (néanmoins) appelé ahamkâra (principe d'individuation), il
est appelé jïva (âme individuelle), il est appelé antarâtman (âme,
intérieure) par ceux qui cherchent la vérité.

par lui (grâce à lui) que l'on sent tout, le plaisir et


14. « C 'est
la douleur dans les (différentes) existences. Il a pour essence la
connaissance; le manas (l'entendement ou sens interne) est son aide
(son auxiliaire, son organe).
54 L'ÏSVARAGÏTÂ

15. tenàpi tanmayas tasmât samsàrah purusasya tu,


sa câvivekah, prakrtau sangàt, kâlena; so 'bhavat.

16. kàlah srjati bhûtàni, kàlah samharate prajâh;


sarve kàlasya vasagâ; na kàlah kasya cid vase.

17. so 'ntarâ sarvam evedam niyacchati sanâtanah ;


procyate bhagavàn prânah, sarvajnah purusottamah.

18. sarvendriyebhyah paramam mana âhur manïsinah;


manasas eâpy ahamkâram; ahamkàràn mahàn parah.

19. mahatah param aA'yaktam, avyaktàt purusah parah,


purusàd bhagavàn prànas, tasya sarvam idam jagat.

20. prânàt parataram vyoma, vyomâtïto 'gnir îsvarah.


so 'ham brahmâvyayah, sànto, màyâtïtam idam jagat.

21. nàsti mattah param bhûtam, mâm ca vijnâya, mucyate;


nityam nàstïti jagati bhûtam sthàvarajangamam,
rte màm evam aA^yaktam, vyomarûpam, mahesvaram.

22. so 'ham srjàmi sakalam, samharàmi sadâ jagat,


màyï màyâmayo devah, kâlena saha samgatah.
23. matsamnidhàv esa kàlah karoti sakalam jagat,
niyojayaty anantàtmà hy etad vedânusàsanam.
iti srïkûrmapuràne, îsvaragîtâsu, trtïyo 'dhyâyah.
CHAPITRE III 55

15. « Etant de la même nature que lui (de la même nature que le
grand âtman, de la même nature que le mahat), c'est de lui (du
grand âtman, du mahat) que procède le samsara (la suite des trans-
migrations) du purusa (de l'Esprit), et également, par suite de
son attachement à la prakrti (à la Nature primordiale) sa non-dis-
tinction d'avec le Temps (le fait que le purusa ne se distingue pas
du Temps) ; ainsi il est devenu le Temps.
16. « Le Temps crée les êtres, le Temps détruit les créatures ;
tous les êtres sont soumis au Temps; le Temps n'est dans la dépen-
dance de personne.
17. « Pénétrant tout cet univers, il le maintient, lui qui est éter-
nel; il est appelé le sublime souffle vital, lui le purusa suprême
(l'Esprit suprême), qui connaît tout.
18. « Les sages disent que le manas (l'entendement ou sens interne)
est supérieur à tous les sens, et que l'ahamkâra (le principe d'indi-
viduation) est supérieur au manas. Le mahat (l'intellect) est supé-
rieur à l'ahamkâra.
19. « L'avyakta (leprincipe matériel non-manifesté) est supérieur
au mahat. Le purusa (l'Esprit) est supérieur à l'avyakta. Le su-
blime prâna (le sublime souffle vital) est supérieur au purusa; ce
monde entier lui appartient.
20. «Le Ciel (vyoman) est supérieur au prâna. Le feu qui est
au delà du Ciel, est le Seigneur. C'est moi, le brahman, moi, qui
suis impérissable et impassible; c'est ce monde au delà de la màyà
(ce monde délivré de la màyà).

21. « Iln'y a pas un être supérieur à moi; et quand on me con-


naît, on obtient la délivrance. Immobile ou mobile, il n'y a pas un
être, en ce monde, qui soit éternel, sauf moi, l'Être irrévélé (non-
manifesté), le suprême Seigneur, dont l'image est le Ciel.
22. « Divin magicien, créateur d'illusions, uni au Temps, je crée
l'univers et le détruis éternellement.
23. «C'est le Temps qui, en ma présence, fait l'univers; c'est
l'âtman infini (l'Être suprême) qui le lui enjoint. Tel est l'enseigne-
ment du Veda. »
CHAPITRE IV

SOMMAIRE

Le Seigneur (Siva) annonce aux saints ascètes qui l'écoutent, qu'il va


leur faire connaître la grandeur (mahâtmyam) du dieu suprême.
Le Seigneur, l'Être suprême, est le créateur, l'ordonateur et le destruc-
teur du monde. C'esl; lui que les Vedas désignent comme étant le dieu
unique; c'est à lui que les brahmanes offrent leurs sacrifices. Comme il est
le corps de tous les dieux, c'est lui qui jouit de toutes les oblations, et
c'est lui qui accorde les récompenses qui en sont le fruit.
Il est dans tous les êtresj_ il est le témoin de tout. Et pourtant le monde
ne le connaît point. Ni les munis, ni les ancêtres défunts, ni les dieux, ni
Brahmâ lui-même ne le voient. Sans la suprême dévotion (bhakti), les
âmes ne peuvent arriver à le connaître. Ceux qui le voient, ce sont ceux
qui savent; ce sont les hommes pieux qui l'adorent. Pour- le voir, il faut
la bhakti (la dévotion), il faut le yoga (la discipline ascétique), et il faut
la connaissance (jnâna). La bhakti (la dévotion) est d'un grand secours,
car le Seigneur est toujours près de ceux qui l'aiment. Ceux qui l'aiment
et qui savent, le voient. Ceux qui, simplement, observent fidèlement leurs
devoirs, adorent le Seigneur, et expriment leur dévotion par une humble
offrande, seront sauvés, même s'ils appartiennent à des castes inférieures;
car ceux qui aiment le Seigneur, ne périront pas.
Quelques-uns voient le Seigneur grâce à la méditation; d'autres, grâce
à la discipline ascétique appliquée à la dévotion, d'autres, grâce à la disci-
pline ascétique appliquée aux ceuvres. Mais parmi tous ses dévots, parmi
tous ceux qui l'aiment, ceux qui lui sont le plus chers, ce sont ceux qui cher-
chent à obtenir sa faveur par la connaissance.
Le Seigneur est la cause de toutes les transmigrations. Mais il est lui-
même exempt de toutes les transmigrations, et c'est lui qui délivre de toutes
les transmigrations. La mâyâ (la force magique qui produit l'illusion uni-
verselle) est une de ses énergies divines (saktis). Mais il
a une autre énergie
divine supérieure, qui est la connaissance; et c'est pourquoi, lorsqu'il ré-
side dans le qoeur des yogins (dans le coeur de
ceux qui pratiquent la dis-
CHAPITRE IV 57

cipline ascétique appelée yoga), il supprime la mâyâ. C'est lui qui met
en mouvement et qui arrête toutes les énergies divines (sakfis). L'une de
ces énergies divines est le dieu Brahmâ, qui crée l'univers; une autre est
Visnu, qui le maintient; une autre est Rudra, qui le détruit.
Tout cet univers a été déployé par le Seigneur. Considéré dans sa pureté
absolue, le Seigneur, il est vrai, n'est point le propulseur de l'univers.
Mais, quand il est parvenu au yoga suprême, quand il est plongé dans la
méditation qui produit l'extase et les pouvoirs surnaturels, c'est-à-dire les
énergies divines, le Seigneur est enchaîné par l'une de ses énergies divines,
par la mâyâ, la force magique ,qui crée l'illusion, et par elle il met en
mouvement tout l'univers.
Le Seigneur, qui est pur esprit, pure pensée, voit l'univers en mouve-
ment, mais il n'agit pas. Le principe qui agit, c'est Kâla (le Temps) (qui,
selon ce qui a été dit dans le chapitre précédent, est né de l'union du pu-
rusa et de la prakrti, c'est-à-dire de l'union de l'Esprit et de la Nature
primordiale). Principe agissant, supérieur à tous les autres principes, le
Temps est appelé le bienheureux Brahmâ; c'est Brahmâ, le dieu créateur.
Etant à la tête du monde des phénomènes qu'il crée, il est appelé le grand
Seigneur du yoga (mahâyogesvara). Mais le Seigneur suprême, Siva, est
le Seigneur du grand Seigneur du yoga, le maître du Temps, le maître de
Brahmâ, car c'est lui, Siva, qui, pratiquant le yoga (la discipline ascétique)
et ayant atteint l'extase, possède la mâyâ, la force magique qui produit
l'illusion; et c'est pourquoi les sages l'appellent le yogin, le magicien qui
possède la mâyâ. C'est en tant que yogin, c'est en tant que dieu pratiquant
le yoga et possédant la mâyâ, que Siva, dans sa joie suprême, danse
sans cesse et met en mouvement l'univers. C'est là le mystère de la danse
de Siva. Celui qui sait cela, sait véritablement ce que c'est que le yoga.
58 L'ÏSVARAGÏTÂ

caturtho 'dhyâyah.
ïsvara uvâca:
1. vaksye; samàhitâ yûyam srnudhvam, brahmâvâdinah,
màhàtmyam devadevasya, yena sarvam pravartate.

2. nàham tapobhir vividhair, na dânena, na cejyayà,


sakyo hi purusair. jnàtum, rte bhaktim anuttamàm.

3. aham hi sarvabhûtànàm antas tisthâmi sarvatah;


mâm sarArasâksinam loko na janâti, munïsvaràh.
4. yasyàntarà sarvam idam, yo hi sarvàntakah parah,
so 'ham dhàtà, vidhàtâ ca, kàlo, 'gnir visvatomukhah.

5. na màm pasyanti munayah, sarve pitrdivaukasah,


brahmâ ca, manavah, sakro, ye cànye prathitaujasah.

6. grnanti satatam vedâ mâm ekam paramesvaram;


yajanti vividhair yajnaih brâhmanà vaidikair makhaih.

7. sarve lokà na pasyanti, brahmâ lokapitâmahah,


dhyâyanti yogino devam bhùtàdhipatim ïsvaram.

8. aham hi sarvahavisàm bhoktâ caiva phalapradah,


sarvadevatanur bhûtvà, sarA^àtmâ, sarvasamsthitah.
màm pasyantïha vidvâmso, dhârmikà, vedavàdinah.
CHAPITRE IV 59

IV

Le Seigneur dit:
1. « Je vais parler. Soyez attentifs, et apprenez à connaître, ô
vous qui êtes versés dans les textes sacrés, la grandeur du dieu des
dieux, par qui l'univers existe.
2. « Sans la suprême dévotion (le suprême amour), ce n'est ni
par toutes sortes d'exercices ascétiques, ni par des libéralités, ni par
des sacrifices, que les âmes peuvent arriver à me connaître.
3. « Je suis dans tous les êtres,
partout. Je suis le témoin de tout,
et pourtant le monde ne me connaît pas, ô maîtres des munis.
4. « Moi, en qui se trouve plongé tout cet univers, moi, qui suis
la fin de tout, l'Être suprême, je suis le créateur et l'ordonnateur
du monde, le Temps, le Peu, qui tourne à la fois son visage vers
tous les points de l'horizon.
5. «Ni les munis, ni les pères (les ancêtres défunts), ni les ha-
bitants des cieux, ni Brahmâ, ni les Manus (créateurs des races hu-
maines), ni Indra, ni les autres dieux puissants, ne me voient.
6. « C'est moi que les Vedas appellent toujours l'Unique, le Sei-
gneur suprême; c'est à moi que les brahmanes offrent toutes sortes
de sacrifices et d'oblations selon les prescriptions du Veda.
7. «L'univers ne voit pas le Seigneur, le dieu, le maître souve-
rain des êtres; Brahmâ, père des mondes, ne le voit pas. Les yogins
le recherchent dans leurs méditations.
8. « C'est moi qui jouis de toutes les oblations, et qui accorde les
récompenses qui en sont le fruit, puisque je suis le corps de tous
les dieux, moi qui suis l'âtman universel, omniprésent.
« Ceux qui me voient en ce monde, ce sont ceux qui savent, les
hommes pieux, versés dans les textes sacrés.
60 L'ÏSVARAGÏTÂ

9. tesàm samnihito nityam, ye màm nityam upâsate.


brâhmanâh, ksatriyà, vaisyà, dhârmikà màm upâsate.
tesâm dadàmi tat sthânam, ànandam, paramam padam.

10. anye 'pi ye svadharmasthâh, sudrâdyâ, nïcajàtayah,


bhaktimantah pramucyante, kâlenâpi hi samgatâh.

11. madbhaktà na vinasyanti; madbhaktà Afïtakalmasâh ;


âdàv eva pratijnâtam: na me bhaktah pranasyati;

12. yo vai nindati tam mûdho, devadevam sa nindati.


yo hi pûjayate bhaktyà, sa pûjayati mâm sadâ.
13. pattram, puspam, phalam, toyam, madàrâdhanakàranât
yo me dadàti niyatam, sa me bhaktah, priyo marna.

14. aham hi jagatàm âdau brahmânam paramesthinam


vidadhau, dattavân vedàn asesân âtmanihsrtân.

15. aham eva hi san'esâm yoginâni


gurur aA'yayah;
dhârmikânàm ca goptàham, nihantà vedavidvisâm.

16. aham hi sarvasamsàrân moksako yoginàm iha.


samsàrahetui" eA'àham, sarvasamsàraA''arjitah.

17. aham eva hi samhartâ, samsrastà, paripàlakah.


màyà vai màmikà saktir, mâyà lokavimohanï.

18. mamaiva ca para saktir, yà sa vidyeti gïyate;


nâsayâmi ca tâm màyàm, yoginàm hrdi samsthitah.
CHAPITRE IV 61

9. «Je suis, toujours, près de ceux qui m'adorent toujours. C'est


moi qu'adorent les brahmanes, les ksatriyas (les guerriers), et les
vaisyas (les membres de la troisième classe) qui sont pieux (qui
pratiquent la vertu). Je leur donne le repos, la béatitude, le séjour
suprême.
10. « Et quant aux autres qui obsen'ent fidèlement leurs devoirs
particuliers, les sudras (les membres de la quatrième classe) et les
autres hommes appartenant à des castes inférieures, s'ils sont mes
dévots (s'ils m'aiment), ils seront sauvés, même s'ils sont déjà at-
teints par Kàla (la Mort).
11. «Ceux qui m'aiment ne périront pas; ceux qui m'aiment
seront délivrés de leurs péchés. Ce fut ma promesse dès le commence-
ment: Celui qui m'aime ne périt pas;
12. « et l'insensé qui l'outrage, outrage le dieu des dieux. Si quel-
qu'un adore avec amour, c'est toujours moi qu'il adore.
13. « Celui qui, pour obtenir ma faveur me donne chaque jour
(sans cesse) soit une feuille, soit une fleur, soit un fruit, soit un peu
d'eau, celui-là est mon dévot et m'est cher.
14. « C 'est moiqui, au commencement, ai mis le dieu Brahmâ à la
tête des mondes, après lui avoir donné tous les Vedas, issus de mon
âtman (de moi-même).
15. « Je suis le maître immortel de tous les yogins (de tous ceux
qui pratiquent la discipline ascétique appelée yoga) ; je suis le pro-
tecteur des hommes pieux, le destructeur des ennemis du Veda.
16. « C'est moi qui délivre les yogins de toutes les transmigra-
tions, en ce monde. Je suis la cause (hetu) des transmigrations,
mais je suis exempt de toutes les transmigrations.
17. « Je suis le destructeur, le créateur
et le protecteur (de l'uni-
vers). La màyà (la force magique qui produit l'illusion universelle),
la mâyâ, qui cause l'aveuglement des mondes, est mon énergie divine.
18. « Mais j'ai
aussi une énergie divine supérieure, qui est appe-
lée la connaissance (la science). Et quand je réside dans le coeur
des yogins, je détruis (je supprime) la màyà.
62 L'ÏSVARAGÏTÂ

19. aham hi sarvasaktïnâm pravartakanivartakah,


âdhàrabhûtah sarvàsâm, nidhânam amrtasya ca.

20. ekà sarvântarâ saktih karoti vividham jagat,


âsthâya brahmano rûpam, manmayï, madadhisthitâ.

21. anyâ ca saktir vipulâ samsthàpayati me jagat,


bhûtvà nâràyano 'nanto, jagannàtho, jaganmayah.

22. trtïyâ mahatï saktir nihanti sakalam jagat,


tâmasï me samâkhyâtà, kâlâkhyà, rudrarûpinî.

23. dhyânena mâm prapasyanti kecij, jûânena câpare,


apare bhaktiyogena, karmayogena câpare.

24. sarvesàm eAra bhaktànàm istah priyatamo marna,


yo hi jnànena mâm nityam âràdhajrati nànyathà.

25. anye ca, haraye bhaktà, madàràdhanakârinah,


te 'pi màm prâpnuvanty eAra, nâvartante ca vai punah.

26. maya tatam idam krtsnam pradhànapurusàtmakam


;
mayy eva samsthitam eittam maya sampreryate jagat.

27. nàham prerayità, vipràh; paramam yogam âsthitah,


prerayàmi jagat krtsnam; etad yo veda so 'nirtah.

28. pasyâmy asesam evedani vartamànam svabhâvatah;


karoti kâlo bhagavàn mahàyogesvarah svayam.
CHAPITRE IV 63

19. « C 'est moi, en effet, qui mets en mouvement et qui arrête


toutes les énergies divines, moi qui suis le principe de toutes, et le
réceptacle de l'immortalité.
20. «Pleine de moi, établie en moi, l'une de ces énergies divines,
après avoir pris la forme du dieu Brahmâ, pénétrant tout, crée le
multiple univers.
21. « Devenue l'éternel Nâràyana (Visnu), le
protecteur du monde,
le dieu qui contient le monde, une autre puissante énergie divine
maintient mon univers.
22. « Une troisième grande énergie divine, qui est appelée mon
énergie ténébreuse, qui est appelée Kàla (le Temps ou la Mort), et
qui a l'aspect (terrible) de Rudra, détruit tout l'univers.
23. «Quelques-uns voient grâce à la méditation; d'autres, grâce
à la connaissance; d'autres, grâce à la discipline ascétique appli-
quée à la dévotion; d'autres, grâce à la discipline ascétique appli-
quée aux oeuvres.
24. « Mais de tous mes dévots, celui quej'aime (le plus), celui qui
m'est le plus cher, c'est celui qui toujours cherche à obtenir ma
faveur (m'adore) par la connaissance, et non autrement.
25. « Et les autres, ceux qui, étant les dévots de Hari (Visnu),
font acte d'adoration envers moi, ceux-là aussi s'unissent à moi et
ne reviennent plus en ce monde.
26. « Tout cet univers, qui consiste essentiellement dans le prin-
cipe matériel et l'Esprit, a été déployé par moi. Etabli en moi comme
pensée, le monde est mis en mouvement par moi.
27. « Je ne suis point (cependant) le propulseur (la force qui met
en mouvement), ô brahmanes. C'est quand je pratique le yoga su-
prême (quand je suis plongé dans la méditation qui produit les pou-
voirs surnaturels), que je mets en mouvement tout l'univers. Celui
qui sait cela (qui comprend cela), est immortel.
28. « Je vois tout cet univers en mouvement par sa nature propre.
C'est Kàla (le Temps) qui agit, le bienheureux, le grand Seigneur
du yoga, lui-même.
64 L'ÏSVARAGÏTÂ

29. yo 'ham samproeyate yogï, màyï, sâstresu sûribhih;


yogesvaro 'sau bhagavàn, mahàyogesvarah svayam.

30. mahattvam, sarvasatt\rânàm varatvât, paramesthinah ;


proeyate bhagavàn brahmâ, mahâbrahmamayo, 'malah.

31. yo mâm evam vijànàti mahàyogesvaresvaram,


so 'A'ikalpena yogena yujyate: nâtra samsayah.

32. so 'ham prerayità devah, paramânandasamsritah,


nrtyâmi yogï satatam; ya.s tad veda, sa yogavit.

33. iti guhyatamam jnânam, sarvavedesu niseitam,


prasannacetase dej'-am dhàrmikàyàhitàgnaye.

iti srîkûrmapurâne, ïsvaragîtâsu, caturtho 'dhyâyah.


CHAPITRE IV 65

29. «Moi, je suis celui qui, dans les textes (dans les traités), est
appelé par les sages le yogin, le magicien qui possède la màyà (la
force magique qui produit l'illusion). Lui, le bienheureux, il est
appelé le Seigneur du yoga, le grand Seigneur du yoga, lui-même.
30. « Le titre de grand appartient à ce dieu souverain à cause
de sa supériorité sur tous les êtres. Immaculé, formé du grand bra-
man (de l'essence divine), il est appelé le bienheureux Brahmâ.
31. « Celui qui ainsi me connaît comme étant le Seigneur du grand
Seigneur du yoga, possède le yoga, qui est exempt de toute hésitation
(de toute erreur). Il n'y a point de doute à cet égard.
32. «Ainsi, moi, le dieu qui met en mouvement l'univers, moi
qui possède la suprême joie (dans ma joie suprême), je danse sans
cesse, moi le yogin (pratiquant le yoga). Celui qui sait cela, sait ce
que c'est que le yoga (la discipline ascétique).
33. « Telle est cette science très secrète, dont la certitude est
établie dans tous les Vedas, science qui doit être enseignée (seule-
ment) à l'homme pieux qui entretient sur l'autel les feux sacrés et
dont le coeur est pur (ou dont l'intelligence est claire).»
CHAPITRE V

SOMMAIRE

Continuant son récit, Vyâsa raconte que, lorsque Siva eut parlé ainsi
aux saints ascètes, il se mit à danser devant eux, dans le ciel. En un lan-
gage lyrique, où les expressions abstraites du philosophe se mêlent aux
vives images du poète, il décrit la danse de Siva.
Siva qui danse, c'est l'Être suprême déployant ses énergies divines;
c'est l'Être suprême, conçu comme dieu personnel, pratiquant le yoga (la
discipline ascétique et la concentration de la pensée), s'unissant à la mâyâ
(à la force d'illusion) que crée son yoga, et produisant ainsi le monde des
phénomènes; c'est le grand magicien qui s'enveloppe de l'illusion uni-
verselle créée par sa magie ; c'est l'Être suprême conçu comme créant, main-
tenant, et détruisant l'univers. Il est Brahmâ, qui crée le monde; il est
Visnu, qui le maintient; il est Rudra, qui le détruit. Ses énergies et ses
formes sont innombrables. Il est le Seigneur de la Vie. Il est le purusa
(l'Esprit), qui pénètre tout, et il est la prakrti (la Nature primordiale)
et toutes ses manifestations. Il pénètre tout l'univers, et il est tout l'univers.
Mais les sages savent qu'en réalité, dans sa pureté, l'Être suprême est
l'être unique, qui n'a qu'une forme unique; ils savent qu'il est pure pensée,
qu'il est le brahman (l'essence divine, l'être en soi), l'être en qui l'univers
trouve son repos. Ils savent qu'il est le remède de ceux qui sont malades
de la maladie de l'existence, qu'il est le séjour de la connaissance et de
l'impassibilité.
Tandis que les saints ascètes contemplent Siva qui danse dans le ciel,
tout à coup, ils voient Visnu s'unir à lui. Ce prodige leur montre que Siva
et Vi?nu s°nt identiques. Emerveillés, ils prononcent la sainte syllabe
« om », chantent les louanges du suprême Seigneur et implorent sa bien-
veillance. Siva, charmé, abandonne l'aspect formidable qu'il avait pris,
et apparaît tel qu'il était auparavant. Alors, les saints ascètes demandent
à Siva de continuer à les instruire, de leur parler encore de l'éternelle
essence et de la grandeur de l'Être suprême; et Siva reprend la parole.
68 L'ÏSVARAGÏTÂ

V
pancamo 'dhyâyah.
vyâsa uvâca :
1. etàvad uktvà bhagavàn yoginàm paramesvarah,
nanarta, paramam bhàvam aisvaram sampradarsayan.

2. tam te dadrsur ïsànam, tejasâm paramam nidhim,


nrtyamànam mahàdevam visnunà gagane 'maie.

3. tam vidur yogatattvajfiâ yogino yatamànasàh;


tam ïsam sarvabhûtànàm àkàse dadrsùh Mla.

4. yasya mâyàmayam sarvam, yenedam dhriyate jagat,


nrtyamànah svayam viprair visvesah khalu drsyate.

5. yatpàdapankajam smrtvà puruso 'jnânajam bhayam


jahàti, nrtyamànam tam bhùtesam dadrsùh kila.

6. kecin nidrâjitasvâsâh, sântâ, bhaktisamanvitâh,


jyotirmayam prapasyanti; sa yogï drsyate kila.

7. yo 'jnànàn moeayet ksipram prasanno bhaktavatsalah,


tam evam moeanam rudram àkàse dadrsùh param:

8. sahasrasirasam, devant, sahasraearanàkrtim,


sahasrabâhum, jatilam, candrârdhakrtasekharam
;
CHAPITRE V 69

Vyàsa dit:
1. « Quand le Bienheureux, le suprême Seigneur, eut parlé ainsi
aux yogins, il se mit à danser, déployant devant eux son suprême
aspect divin.
2. « Us virent, avec Visnu (à côté de lui), dans le ciel immaculé,
le souverain Maître, suprême trésor de splendeurs, Mahâdeva (Siva),
qui dansait.
3. « C'est lui que connaissent les yogins qui savent quelle est la
véritable essence du yoga (de la discipline ascétique), et dont le
coeur est dompté. C'est lui, le Maître de tous les êtres, qu'ils virent
danser dans le ciel.
4. « De leurs propres yeux, ces brahmanes virent danser le dieu
à qui appartient l'univers entier créé par sa mâyâ, le dieu qui sou-
tient ce monde, le Maître souverain de tout.
5. « Ils virent danser le Maître souverain des créatures, le dieu
grâce à qui, rien qu'à la pensée de ses pieds de lotus, l'âme échappe
à l'angoisse née de l'ignorance.
6. « Quelques uns, pleins de dévotion, le coeur apaisé, maîtres de
leur respiration pendant le sommeil, voient un être fait de lumière.
C'est le yogin (Siva) qui leur apparaît.
7. « Lui qui, plein de tendresse pour ses dévots, plein de bien-
veillance envers eux, peut les délivrer rapidement de l'ignorance,
— c'est lui, le libérateur (la délivrance), Rudra (Siva),
l'Être su-
prême, qu'ils virent ainsi dans le ciel.
8. « Us le virent qui avait mille têtes, mille pieds, mille formes,
mille bras; lui, le dieu qui porte les tresses de l'ascète, le dieu dont
le diadème est le croissant de la lune.
70 L'ÏSVARAGÏTÂ

9. vasânam carma vaiyàghram, sûlâsaktamahàkaram,


dandapànim, trayïnetram, sûryasomâgnilocanam ;

10. brahmàndam tejasâ svena sarvam aArrtya dhisthitam,


damstràkaràlam, durdharsam, sûryakotisamaprabham;

jagat,
11. srjantam analajvàlam, dahantam akhilam
nrtyantam dadrsur devam visvakarmânam ïsvaram;
12. mahàdevam mahâyogam, devânâm api daivatam,
pasûnàm patim ïsànam, jyotisàm jyotir avyayam;

13. pinâkinam visalaksam, bhesajam bhavaroginàm,


kàlâtmànam, kâlakàlam, devadevam, mahesvaram ;

14. umàpatim Arisàlàksam, yogânandamayam param,


jnânavairâgyanilayam, jfiânayogam, sanàtanam ;

15. sâsvataisvaryavibhavam,dharmâdhàram, duràsadam,


mahendropendranamitam, maharsiganavanditam;

16. yoginàm hrdi tisthantam, yogamàyâsamàvrtam.


ksanena, jagato yonim, nàrâyanam anàmayam,
isvarenaikyam âpannam apasyan brahmavàdinah.
CHAPITRE V 71

9. «Ils le virent vêtu d'une peau de tigre, tenant le trident d'une


main puissante, tenant en main la massue ; lui, le dieu qui a trois
yeux et dont les trois yeux sont Sûrya (le soleil), Soma (la lune)
et Agni (le feu).

10. « Us le virent qui, dominant tout l'univers, le couvrait de sa


splendeur; lui, le dieu aux crocs effrayants, le dieu terrible, dont
le splendeur est égale à celle de dix millions de soleils.

11. « Ils le virent qui dansait, émettant une flamme de feu et


incendiant le monde entier ; lui, le dieu créateur de tout, le Seigneur ;

12. « lui, legrand dieu (Mahâdeva, éiva), qui pratique le grand


yoga; lui qui est la divinité qu'adorent même les dieux; lui, le
maître et seigneur du bétail (le maître et seigneur des âmes) ; lui,
l'impérissable lumière des lumières.
13. « Ils le virent armé de son trident ; lui, le dieu aux grands
yeux; lui, le remède de ceux qui sont malades de la maladie de
l'existence; lui qui est l'essence du Temps, le Temps du Temps,
le dieu des dieux, le sublime Seigneur;

14. «lui, le dieu aux grands yeux, qui est l'époux d'Umà (Pâr-
vatï) ; lui, l'Être suprême, qui est rempli de la joie du yoga; lui
qui est le séjour de la connaissance et de l'impassibilité ; lui qui pra-
tique le yoga appliqué à la connaissance; lui, l'éternel;
15. «lui à qui appartiennent l'éternité, la souveraineté divine et
la puissance; lui qui est le soutien de la Loi; lui qu'il est difficile
d'approcher; lui qui est honoré par le grand Indra et par Upendra
(Visnu) ; lui qui est adoré par les grands rsis (les prophètes, les
voyants) ;
16. « lui qui demeure dans le coeur des yogins ; lui qui est en-
veloppé de la mâyâ (de l'illusion universelle) que crée son yoga
(sa discipline ascétique, la concentration de sa pensée).
« Tout à coup, les munis versés dans les textes sacrés virent Nâ-
ràyana (Visnu), le dieu prospère, la matrice du monde, s'unir (et
s'identifier) au Seigneur (Siva).
72 L'ÏSVARAGÏTÂ

17. drstvà tad aisvaram rùpam, rudram nârâyanàtmakam,


krtàrtham menire santah svàtmânam brahmavàdinah :

18. sanatkumârah, sanako bhrgus ca,


sanàtanaê caiva, sanandanas ca,
raibhyo, 'ngirà, vàmadevo, 'tha sukro,
maharsir atrih, kapilo, marïcih.
19. drstvàtha rudram jagadïsitàram
tam padmanàbhàsritavâmabhàgam,
dhyàtvà hrdistham, pranipatya mûrdhnà,
krtvànjalim svesu sirahsu bhûyah,
20. omkàram uccàrya, Aalokya devam
antahsarïram, nihitam guhà.yâm,
samastuvan brahmamayair vaeobhir,
ànandapûrnâhitamànasà vai.

munayo ûcuh:
21. tvâm ekam ïsam, purusam purânam,
prànesvaram, rudram anantayogam,
namâma sarve, hrdi samniAdstam,
praeetasam, brahmamayam, pavitram.

22. pasyanti tvâm munayo brahmayonim


dàntâh sàntâ vimalam rùkmavarnani,
dhyàtvâtmasv apracalam sve sarïre
kavim parebhyah paramam param ca.

23. tvattah prasûtâ jagatah prasûtih;


sarvànubhûs tvam paramânubhùtah,
anor anïyàn, mahato mahïyàms;
tvâm eAra sarA^am praA^adanti santah.
CHAPITRE V 73

17. « Et quand ilsvirent cet aspect du Seigneur, quand ils virent


Rudra (âiva) identique à Nâràyana (Visnu), ils pensèrent que leur
âtman (leur âme) avait atteint son but, eux, les sages versés dans
les textes sacrés :
18. « Sanatkumâra, Sanaka et Bhrgu, Sanàtana et Sanandana,
Raibhya, Angiras, Vâmadeva et âukra, le grand rsi Atri, Kapila
et Marîci.

19. « Et quand ils eurent vu Rudra (Siva), le maître du monde,


le flanc gauche appuyé sur Visnu, alors, méditant sur le dieu pré-
sent dans leur coeur, ils inclinèrent respectueusement la tête pour
le saluer, et portèrent à leur front leurs mains jointes;

20. « ils prononcèrent la sainte syllabe « om », regardèrent le


dieu, présent dans leur corps, caché dans la retraite secrète du
coeur; et, le coeur rempli de joie, ils chantèrent ses louanges en de
saintes paroles (en des paroles faites de l'essence divine, de la sainte
révélation).

Les munis dirent:


21. «A toi l'unique Seigneur, l'antique Esprit, le Seigneur de
la Vie (le Seigneur du souffle vital), à toi Rudra (Siva), dont le
yoga est infini, nous voulons tous rendre hommage, — à toi qui as
pénétré dans notre coeur, à toi qui es sage, à toi qui es identique
au brahman (identique à l'essence divine universelle), à toi qui pu-
rifies.
22. «Ayant médité en eux-mêmes sur (toi) l'être immobile dans
leur corps, sur (toi) le sage sublime, supérieur aux plus grands, les
munis qui ont dompté leurs désirs et dont le coeur est apaisé, te
voient immaculé, ayant la couleur de l'or, toi qui as pour matrice
le brahman.
23. « C'est de toi que provientla naissance du monde. Te faisant
infiniment petit, tu perçois toute chose, toi qui es plus petit que
l'atome et plus grand que (tout) ce qu'il y a de grand. Les sages
disent que tu es tout.
74 L'ÏSVARAGÏTÂ

24. hiranyagarbho jagadantaràtmâ


tvatto 'sti jâtah, purusah purànah;
samjâyamâno, bhaAratâ nisrsto,
yathâvidhànam sakalam sa sadyah.
25. tvatto vedàh sakalâh samprasûtâs;
tArayy evànte samsthitim te labhante.
pasyàmas tvâm, jagato hetubhûtam,
nrtyantam, sve hrdaye samnivistam.
26. tvayaivedam bhràmyate brahmacakram.
mâyâvî tvam, jagatâm ekanâthah.
namâmas tvâm, saranani samprapannà,
yogàtmànam, nrtyantam diA'yanrtyam.

27. pasyàmas tvâm paramàkàsamadhye


nrtyantam, te mahimânam smaràmah,
sarAràtmânam, bahudhà samnivistam,
brahmânandam anubhûyànubhûya.
28. omkâras te Aràeako, muktibïjam.
tvam aksaram prakrtau gûdharûpam.
tat tvâm satyam pravadantîha santah
svayamprabham, bhavato yatprabhàAram.

29. stuvanti tvàm satatam sarAraATedà;


namanti tvâm rsayah ksïnadosâh.
sàntâtmânah satyasamdham, varistham,
visanti tvàm yatayo brahmanisthàh.
30. bhuvo nâso, nâdimân, visvarûpo,
brahmâ, visnula, paramesthï varisthah.
svâtmànandam anubliùya, Adêante
svayamjyotir, aealà, nityamuktàh.
CHAPITRE V 75
24. «C'est de toi qu'est né Germe d'or (Hiranyagarbha), l'âme
intérieure du monde, l'antique Esprit. En naissant, créé par toi,
il crée aussitôt l'univers selon la loi établie.

25. « C 'est de toi que sont nés tous les Vedas. C 'est en toi que
finalement ils s'unissent. Nous te voyons qui, devenu la cause du
monde, danses, toi qui as pénétré dans notre coeur.

26. « C'est par toi qu'est mise en mouvement cette roue de Brah-
mâ (la roue de l'univers) (la roue des transmigrations). Tu es le
magicien (le maître de la mâyâ), tu es l'unique protecteur des mondes.
Implorant ta protection, nous te rendons hommage, à toi qui es
l'essence du yoga, à toi qui danses la danse divine.
27. «Nous te voyons danser au milieu du ciel suprême, (et) nous
pensons à ta grandeur, — percevant de mieux en mieux l'âtman
universel qui pénètre (le monde) de toutes parts, et la joie de l'ab-
sorption dans le brahman (la joie en brahman).
28. « La sainte syllabe « om », germe de la déliAvance, est ton
symbole. Tu es, dans la prakrti (dans la Nature primordiale), l'in-
altérable à l'aspect mystérieux (l'inaltérable que symbolise la sainte
syllable «om »). Les vrais sages ici-bas disent que tu es la réalité
(la vérité), qui brille de son propre éclat, et que (tout) ce qui pos-
sède sa splendeur (tout ce qui participe de sa splendeur ou de sa
force), t'appartient.
29. « Tous les Vedas chantent sans cesse tes louanges ; les rsis
sans péchés s'inclinent devant toi. Absorbés dans la contemplation
du brahman, les ascètes dont l'âme est apaisée, entrent en toi, en toi
qui tiens ta promesse, en toi, l'être le plus excellent.
30. « Etant la destruction du monde, étant sans commencement,
ayant toutes les formes, tu es Brahmâ, tu es Visnu, tu es l'Être su-
prême (Siva), l'être le plus excellent. Percevant la joie de leur
âtman (qui est ton àtman), les ascètes inébranlables (en entrant en
toi) entrent dans la lumière qui brille par elle-même, (et sont) dé-
livrés à jamais.
76 L'ÏSVARAGÏTÂ

31. eko rudras tvam karosïha visvam ;


tvam pâlayasy akhilam visvarûpam;
tvâm evânte nilayam vindatïdam.
namàmas tvâm, saranam samprapannâh.

32. eko vedo bahusàkho hy anantas


tvàm evaikam bodhayaty ekarùpam.
vandyam tvâm ye saranam samprapannâ,
mâyâm etâm te tarantïha vipràh.

33. tvàm ekam âhuh kavim, ekarudram,


brahmâ grnantam, harim, agnim, ïsam,
rudram nityam, anilam cekitànain,
dhàtàram, àdityam, anekarûpam.

34. tvam aksaram, paramam veditavyam;


tvam asya visvasya param nidhânam;
tvam avyayah sâsvatadharmagoptâ;
sanàtanas tvam purusottamo 'si.

35. tvam eva visnus, caturànanas tvam,


tvam eva rudro bhagavàn apïsah;
tvam visvanâthah, prakrtih pratisthâ;
sarvesvaras tvam, paramesvaro 'si.

36. tvàm ekam âhuh purusam purànam,


àdityavarnam, tamasah parastât.
cinmâtram avyaktam, anantarûpam,
kham, brahmâ, sûnyam, prakrtir gunàs ca.

37. yadantarâ sarvam idam Aabhàti,


yad avyayam nirmalam ekarùpam,
kimapy acintyam, tava rûpam état;
tadantarâ yat pratibhàti, tat tvam.
CHAPITRE V 77

31. « Etant l'unique Rudra (êiva), c'est toi qui crées cet univers.
C'est toi qui protèges l'univers avec toutes ses formes. C'est en toi
que cet univers, finalement, trouve le repos. Implorant ta protection,
nous te rendons hommage.
32. « C 'est toi que le Veda unique, aux multiples branches (aux
multiples écoles), le Veda infini, fait connaître comme étant l'être
unique qui n'a (en réalité) qu'une forme unique. Les pieux brah-
manes qui cherchent un refuge auprès de toi, le dieu qu'il faut
adorer, triomphent (même) ici-bas de la màyà (de l'illusion univer-
selle)
.

33. «Les sages disent que tu es l'unique sage, l'unique Rudra,


qui chante le brahman (la parole sacrée, l'essence divine), toi qui
apparais, multiforme, comme étant Hari (Visnu), Agni (le Peu), le
Seigneur, l'éternel Rudra, le Vent, le Créateur, Aditya (le Soleil).

34. « Tu es la sainte syllabe « om» (l'inaltérable), en qui il faut


reconnaître l'Être suprême; tu es le suprême réceptacle de cet uni-
vers; tu es le gardien impérissable de la Loi morale éternelle; tu es
l'éternel Esprit suprême,

35. « Tu es Visnu ; tues le dieu aux quatre visages (Brahmâ) ; tu


es Rudra (Siva), le bienheureux Seigneur; tu es le protecteur de
l'univers; tu es la prakrti (la Nature primordiale), la base des
choses ; tu es le Seigneur de tous les êtres ; tu es le Seigneur suprême.

36. «Les sages disent que tues l'unique Esprit antique, toi qui
as la couleur du soleil et domines les ténèbres. L'Être irrévélé est
pure pensée, il a des formes innombrables, il est le ciel (l'éther), le
brahman (l'essence divine), le vide (l'espace), la prakrti (la Nature
primordiale) et les gunas (les trois constituants ou facteurs qualita-
tifs de la prakrti: Sattva, Rajas et Tamas).

37. « Cette formé en qui resplendit tout cet univers, cette forme
unique, impérissable, immaculée, inconcevable en quelque sorte, c'est
ta forme à toi; (et) ce qui se manifeste en elle, c'est toi!
78 L'ÏSVARAGÏTÂ

38. yogeêvaram, bhadram, anantasaktim,


paràyanam, brahmatanum, purânam,
namàma sarve saranàrthinas tvâm.
prasîda, bhùtâdhipate, mahesa.

39. tvatpàdapadmasmaranâd asesa-


samsàrabïjam nilayam prayàti.
mano niyamya, pranidhâya kàyam,
prasâdayàmo vayam ekam ïsam.
40. namo bhavàyàtha bhavodbhavàya,
kâlâya, sarvâya, harâya tubhyam!
namo 'stu rudràya, kapardine te!
namo 'gnaye, deva! namah sivâya!
41. tatah sa bhagavàn prïtah kapardï vrsavâhanah,
samhrtya paramam rûpam, prakrtistho 'bhavad bhavah.

42. te bhavam bhùtabhavyesam, pûrvavat samavasthitam,


drstvâ nàrâyanam deAram vismitam, vâkyam abruvan.

43. bhagavàn, bhûtabhavyesa, govrsànkitasàsana,


drstvâ te paramam rûpam, nivrttâh smah, sanàtana.

44. bhavatprasàdàd amale parasmin paramesvare


asmâkam jâyate bhaktis tvayy eA'âA'yabhicàrinï.
45. idânïm srotum icchàmo mâhâtmyam tava, samkara,
bhûyo 'pi caivam, yan nityam yathàtmyam paramesthinah.

46. sa, tesàm vâkyam àkarnya yoginàm, yogasiddhidah,


pràha gambhïrayà vàcà, samàlokya ca mâdhavam.

iti srïkûrmapurâne, isvaragîtâsu, pancamo 'dhyâyah.


CHAPITRE V 79

38. « Tous, implorant ta protection, inclinons-nous devant toi,


le Seigneur du yoga, le dieu propice, aux énergies innombrables, de-
vant toi le but final, devant toi qui es le corps du brahman (de l'es-
sence divine), devant toi le dieu antique. Sois bienveillant, ô souve-
rain des êtres, suprême Seigneur !
39. « A la pensée de tes pieds de lotus (quand on pense à tes pieds
de lotus), tout germe pouvant produire le retour dans le cycle des
transmigrations disparaît. Domptant notre coeur, le corps prosterné,
nous implorons la bienveillance de l'unique Seigneur.
.40. «Hommage à Bhava (l'existence) (Siva), et à Bhavodbhava
(l'origine de l'existence) (Siva), au Temps, au Tout, à toi Hara
(Siva, le destructeur) ! Hommage à Rudra, à toi, le dieu aux cheveux
tressés ! Hommage à Agni (le Peu), ô dieu ! Hommage à Siva ! »
41. « Alors, charmé, le Bienheureux, le dieu aux cheveux tressés,
le dieu qui a pour monture le taureau, ayant fait disparaître par
contraction sa forme suprême, devint Bhava (l'existence) (Siva) à
l'état normal (à l'état naturel).
42. « Et à Bhava (l'existence) (Siva), maître du passé et de l'ave-
nir, à Bhava, qui se tenait comme auparavant, regardant le dieu Nâ-
ràyana (Visnu) étonné, les munis adressèrent la parole en ces
termes :
43. « O Bienheureux, maîtredu passé et de l'avenir, ô toi dont la
domination a pour emblème le taureau, ayant vu ta forme suprême,
nous sommes détachés (du monde), ô toi qui es éternel!
44. « C'est par ta grâce que naît notre amour fidèle pour l'Être
suprême immaculé, pour le suprême Seigneur, pour toi!
45. « Maintenant, nous désirons apprendre ainsi encore davantage
au sujet de ta grandeur, ô Samkara (Siva), au sujet de ce qui est
l'éternelle essence (l'éternelle nature réelle) de l'Être suprême.»
46. « Quand il eut entendu les paroles des yogins, le dieu qui ac-
corde le succès dans la pratique du yoga (le dieu Siva), leur dit
d'une voix profonde, en regardant Màdhava (Visnu) :

/
CHAPITRE VI

SOMMAIRE

Le Seigneur (Siva) explique aux ascètes ce qu'est la grandeur (mahàt-


mya) de l'Être suprême, considéré comme créateur, protecteur et destruc-
teur du monde.
Bien que tous les êtres soient en lui, il est dans tous les êtres, et c'est
de l'intérieur qu'il les gouverne. Etabli au coeur de tous les êtres, il met en
mouvement l'univers. Il met en mouvement la mâyâ (la force qui crée l'il-
lusion) et le tattva (la réalité), c'est-à-dire qu'il éveille la prakrti (la Nature
primordiale) et le purusa (l'Esprit). Le purusa et la prakrti s'unissent, et
de leur union naît l'univers. Successivement apparaissent alors la buddhi
(l'intellect), l'ahamkâra (le principe d'individuation), le manas (l'entende-
ment ou sens interne), les organes de la sensation et de l'action, les éléments
subtils et les grands éléments. C'est le déploiement de l'énergie active de
l'Être suprême.
Les trois grandes forces qui régnent sur le monde — la force qui crée,
la force qui maintient, et la force qui détruit — sont des manifestations de
l'Être suprême. Brahmâ, le dieu créateur, est né du Seigneur; c'est du
Seigneur qu'il a reçu sa puissance souveraine, et c'est de par la volonté du
Seigneur qu'il produit la création. Visnu, le dieu qui protège l'univers,
et Rudra, le dieu qui le détruit, sont deux autres formes du Seigneur.
C'est de par la volonté du Seigneur que chacun d'eux s'acquitte de sa tâche.
Et il en est de même de tous les dieux, c'est-à-dire de toutes les forces de
la nature. Agni (le Feu), qui porte les oblations et qui, d'autre part, dans
tous les êtres vivants, transforme les aliments et ce qui provient des ali-
ments; Varuna (le dieu des eaux), qui nourrit les plantes, les animaux et
les hommes; Vâyu (le Vent), qui, en tant que souffle vital, nourrit les corps
des êtres vivants ; Sûrya (le Soleil) ; et tous les autres dieux sont poussés
à l'action par l'énergie divine du Seigneur. C'est de par la volonté du Sei-
gneur que chacun d'eux agit dans sa sphère.
L'Être suprême, considéré comme créateur, protecteur et destructeur de
CHAPITRE VI 81

l'univers, est identifié au Temps infini; et c'est de par sa volonté que toutes
les divisions du temps ont été établies.
C'est de par la volonté du Seigneur qu'existent tous les êtres: les dieux,
les hommes, les animaux et les plantes; les êtres immobiles et les êtres qui
se meuvent. C'est de par sa volonté qu'existent le ciel, l'atmosphère, la
terre, et les enfers. C'est de par sa volonté qu'ont été mis en mouvement les
innombrables univers passés qui sont nés, ont vécu et ont été détruits;
et c'est de par sa volonté que naîtront, vivront et périront les innombrables
univers à venir.
C'est de par sa volonté que la mâyâ (l'illusion universelle), origine de tous
les mondes, se déploie éternellement. Mais c'est aussi de par sa volonté
que l'âtman (le soi), qui est l'Être suprême lui-même, existe éternellement
dans tous les êtres; et c'est de par sa volonté que la buddhi (l'intellect)
exerce sa fonction et permet à l'âtman, tel qu'il apparaît comme âme in-
dividuelle dans les êtres, de se débarrasser des liens de l'illusion, pour
atteindre le séjour suprême, c'est-à-dire l'Être suprême dans sa pureté,
l'absolu.
82 L'ÏSVARAGÏTÂ

VI
sastho 'dhyâyah.
ïsvara uvàca:
1. srnudhvam, rsayah sarve; yathàvat paramesthinah
vaksyàmïsasya màhàtmyam, yat tad vedavido viduh.

2. sarvalokaikanirmàtâ, sarvalokaikaraksità,
sarvalokaikasamhartà, sarvâtmâham, sanàtanah ;

3. sarvesam eva vastûnâm antaryàmî mahesvarah;


madhye càntahsthitam sarvam, nàham sarvatra samsthitah.

4. bhavadbhir adbhutam drstam, yat svarûpam ca màmakam.


mamaisâ hy upamà, viprà; màyà vai darsitâ maya.

5. sarvesam eva bhàvànàm antaram samavasthitah,


prerayàmi jagat krtsnam. kriyàsaktir iyam marna.

6. mayedam cestate visvam; tad vai bhàvànuvarti me.


so 'ham, kàlo, jagat krtsnam prerayàmi kalâtmakam.

7. ekàmsena jagat krtsnam karomi, munipungavâh ;


samharàmy ekarùpena; sthitâvasthà mamaiva tu.

8. âdimadhyântanirmùkto màyàtattvapravartakah;
ksobhayàmi ca sargàdau pradhànapurusàv ubhau.
CHAPITRE VI 83

VI

Le Seigneur dit:
1. «Ecoutez tous, ôrsis; je vais vous exposer, comme il convient,
la grandeur du Seigneur suprême, telle que la connaissent ceux qui
connaissent le Veda.
2. «Je suis l'unique créateur de tout l'univers, l'unique protec-
teur de tout l'univers, l'unique destructeur de tout l'univers; je
suis Uàtman universel, éternel ;
3. «je suis le suprême Seigneur qui, du dedans (de l'intérieur),
gouverne tous les êtres; et (cependant) c'est l'univers qui est au
milieu, à l'intérieur (c'est l'univers qui est en moi) ; ce n'est pas
moi qui suis dans l'univers. "
4. « Vous aArezvu un prodige et ce qu'est ma forme. Telle est
en effet mon image, ô brahmanes. Je vous ai montré ma màyà (ma
force magique qui produit les apparences).
5.«Etabli au coeur (à l'intérieur) de tous les êtres, je mets en
mouvement tout l'univers. Telle est mon énergie active (mon énergie
en action).
6. C'est à cause de moi que cet univers se meut. Il obéit à ma
pensée (il dépend de mon état d'âme). Etant le Temps, c'est moi
qui mets en mouvement tout l'univers, composé d'instants.
7. « Par une partie (de mon être), je crée tout l'univers, ô excel-
lents brahmanes; par une de mes formes (par un de mes aspects),
je le détruis; cependant, ma stabilité est immuable.
8. « N'ayant ni commencement, ni milieu, ni fin, je mets en mou-
vement la màyà (la force qui crée l'illusion) et le tattva (la réalité) ;
et j'éveille (j'excite), au début de la création, le principe matériel
(pradhàna = prakrti) et l'Esprit (purusa).
84 L'ÏSVARAGÏTÂ

9. tàbhyâm samjâyate visvam samyuktâbhyâm parasparam;


mahadàdikramenaiva marna tejo vijrmbhate.

10. yo hi sarvajagatsâksï, kàlaeakrapravartakah,


hiranyagarbho, mârtandah, so 'pi maddehasambhavah.

11. tasmai divyam svam aisvaryam jnânayogam sanàtanam


dattavàn, àtmavàn, vedàn kalpàdau caturo, dvijâh.

12. sa manniyogato devo brahmâ, madbhâvabhâvitah,


divyam tan màmakaisvaryam sarvadâvagatah svayam.

13. sa sarvalokanirmàtâ manniyogena sarvavit.


bhûtvâ caturmukhah, sargam srjaty evàtmasambhavah.

14. yo 'pi nâràyano 'nanto, lokânâm prabhavo 'vyayah,


mamaiva ca para mûrtih, karoti paripâlanam.

15. yo 'ntakah sarvabhûtânâm, rudrah kâlàtmakah prabhuh,


madàjfiayàsau satatam samharisyati, me tanuh.

16. havyam vahati devânàm kavyam kavyâsinâm api,


pàkam ca kurute vahnih. so 'pi macchaktinoditah.

17. bhuktam âhârajâtam ca pacate tad aharnisam


vaisvànaro 'gnir bhagavàn îsvarasya niyogatah.

18. yo 'pi sarvâmbhasâm yonir, varuno, devapungavah,


so 'pi samjïvayet krtsnam îsvarasya niyogatah.
CHAPITRE VI 85

9. «Us s'unissent l'un à l'autre, et de leur union naît l'univers.


Graduellement, selon l'ordre régulier de la série qui commence par
l'Intellect (mahat = buddhi), sa splendeur se déploie.
10. «Et Hiranyagarbha (Germe d'or), le Soleil, qui voit tout
l'univers, le dieu qui met en mouvement la roue du Temps, lui aussi
est né de mon corps.

11. «Au commencement du Kalpa (du cycle des temps), dans ma


sagesse (maître de moi), je lui ai donné sa divine puissance souverai-
ne, l'éternel jnàna-yoga (ou yoga appliqué à la connaissance), et les
quatre Vedas, ô brahmanes.
12. « C'est de par ma volonté que, devenu le dieu Brahmâ, lui
dont l'existence dépend de mon existence, il a acquis lui-même, pour
toujours, ma divine puissance souveraine.
13. « Omniscient, de par ma volonté, il est le créateur de tout
l'univers. Devenu le dieu aux quatre visages (Brahmâ), il produit
la création, lui qui est né de moi.
14. « Et Nâràyana (Visnu), le dieu infini, éternelle origine des
mondes, c'est en tant qu'il est lui aussi une autre forme de moi-même,
qu'il protège l'univers.
15. « Et le dieu qui est la mort de tous les êtres, le puissant Rudra,
qui s'identifie au Temps, c'est par mon ordre que, manifestation de
moi-même, il détruira sans cesse l'univers.
16. «Le Peu porte l'oblation havya aux dieux, l'oblation kavya
aux ancêtres défunts, et il opère la cuisson (des aliments). Lui aussi
est poussé à l'action par mon énergie divine.
17. «C'est par l'ordre du Seigneur que le bienheureux Agnj_
Vaisvânara (le Peu qui habite dans tous les hommes, le feu de la
digestion), nuit et jour, cuit (digère et transforme) la nourriture et
ce qui naît de la nourriture.
18. « Et le dieu qui est l'origine de toutes les eaux, l'excellent dieu
Varuna, lui aussi fait vivre (nourrit) l'univers de par la volonté du
Seigneur.
86 L'ÏSVARAGÏTÂ

19. yo 'ntastisthati bhûtânàm, bahir devali prabhanjanah,


madàjnayâsau bhûtânàm sarïràni bibharti hi.

20. yo 'pi samjïvano nrnâm, devânâm amrtàkarah,


somah sa manniyogena noditah kila vartate.

21. yah svabhâsâ jagat krtsnam prabhâsayati sarvasah,


sûryo vrstim vitanute svosrenaiva svayambhuvah,

22. yo 'py asesajagacchàstà, sakrah, sarvàmaresvarah,


yajvanàm phalado devo, A^artate so madàjfiayà.

23. yah prasàstà hy asàdhûnâm, vartate niyamàd iha


yamo vaiArasArato devo deA'-adevaniyogatah.
24. yo 'pi sarvadhanâdhyakso, dhanànàm sampradâyakah,
so 'pisvaraniyogena kubero vartate sadâ-

25. yah sarvaraksasâm nàthas, tàmasânàm phalapradah,


manniyogâd asau devo A^artate nirrtih sadâ.

26. vetàlaganabhûtànàm svàmï, bhogaphalapradah,


ïsànah kila bhaktànàm, so 'pi tisthen madàjnayâ.

27. yo vâmadevo, 'ngirasah iisyo, rudraganâgranïh,


raksako yoginàm, nityam vartate 'sau madàjnayâ.
28. yas ca sarvajagatpûjyo vartate vighnanàyakah
vinâyako dharmaratah so 'pi madvacanât kila.

29. yo 'pi brahmavidàm srestho, devasenâpatih prabhuh,


skando 'sau vartate nityam svayambhûvidhinoditah.
CHAPITRE VI 87

19. «Le dieu qui habite dans les êtres vivants et qui, à l'exté-
rieur, est le dieu destructeur (le Vent), ce dieu soutient et nourrit
les corps des êtres vivants par mon ordre.

20. « Et le dieu qui fait vivre les hommes, et qui donne aux dieux
l'immortalité, le dieu Soma, lui aussi est poussé à l'action par mon
ordre.
21. « Le dieu qui, de sa lumière, illumine l'univers de toutes parts,
Sûrya (le Soleil) répand la pluie à cause du rayon de lumière (qu'il
reçoit) de l'Être qui existe par lui-même.
22. « Et le dieu qui règne sur le monde entier, Indra, le seigneur
de tous les immortels, le dieu qui donne à ceux qui sacrifient la
récompense de leurs sacrifices, lui aussi agit par mon ordre.
23. « Le dieu qui châtie les méchants, le dieu Yama, fils de Vi-
vasvat, agit ainsi nécessairement par l'ordre du dieu des dieux.
24. « Et le dieu qui garde toutes les richesses, et qui donne les
richesses, Kubera, lui aussi agit éternellement par l'ordre du Sei-
gneur.
25. « Le dieu qui règne sur tous les démons, et qui donne aux mé-
chants la punition qu'ils méritent, le dieu Perdition agit éternelle-
ment de par ma volonté.
26. «Le maître des vampires, des ganas (des demi-dieux appelés
ganas) et des revenants, le dieu qui donne aux âmes le fruit de la
jouissance des plaisirs du monde, le Seigneur de ceux qui lui sont
attachés, lui aussi existe de par ma volonté.
27. « Vâmadeva, le disciple d'Angiras, le chef de la troupe des
Rudras, le protecteur des yogins, agit éternellement par mon ordre.
28. « Et le dieu que doit adorer le monde entier, le dieu Ganesa,
qui écarte les obstacles, le dieu qui aime la vertu, lui aussi agit
par mon ordre.
29. « Et le meilleur de ceux qui connaissent le brahman, le chef
puissant de l'armée des dieux, Skanda, lui aussi est perpétuellement
poussé à l'action par l'ordre de l'Être qui existe par lui-même.
88 L'ÏSVARAGÏTÂ

30. ye ca prajânâm patayo, marïcyâdyâ maharsayah,


srjanti vividham lokam parasyaiva niyogatah.

31. yâ ca srïh sarvabhùtànâm dadâti vipulàm sriyam,


patnï nàràyanasyâsau vartate madanugrahât.

32. vâcam dadâti vipulàm yâ ca devï sarasvatî,


sâpïsA'araniyogena nodità sampravartate.

33. yâsesapurusân ghoràn narakàt tàrayisyati,


sâvitrï samsmrtà càpi madàjfiânuvidhâyinï.

34. pârvatî, paramà devï, brahmaAddyâpradâyinï,


yàpi dhyàtà viâesena, sàpi madvacanànugà.

35. yo 'nantamahimànantah, seso, 'sesâmaraprabhuh,


dadhâti sirasâ lokam so 'pi devaniyogatah.

36. yo 'gnih samvartako, nityam, vadavarûpasamsthitah,


pibaty akhilam ambhodhim îsvarasya niyogatah.

37. ye caturdasa loke 'smin manavah prathitaujasah


pàlayanti prajàh sarvâs, te 'pi tasya niyogatah.

38. àdityà, vasavo, rudrà, marutas ca, tathàsvinau,


anyàs ca devatàh sarvâh sàstrenaiva vinirmitâh.

39. gandharvâ, garudâdyàs ca, siddhâh, sâdhyâs ca câranàh,


yaksaraksahpisâeâs ca sthitâh srstâh svayambhuvà.
CHAPITRE VI 89

30. « Et les Seigneurs des créatures, les grands rsis (créateurs),


Marïci et les autres (Atri, Angiras, Pulastya, Pulaha, Kratu, Va-
sistha, Pracetas, Bhrgu et Nàrada) créent ce monde divers, de par
la volonté de l'Être suprême.

31. « Et l'épouse de Nâràyana (Visnu), la déesse éri (Prospérité),


qui donne à tous les êtres l'abondante prospérité, elle aussi agit à
cause de la grâce que je lui accorde.

32. « Et la déesse Sarasvatï, qui donne la parole abondante, elle


aussi agit, poussée à l'action par l'ordre du Seigneur.

33. « Et la Savitri (la divine prière : R. V. III, 62, 10), qui sauvera
tous les hommes du terrible enfer, elle aussi agit conformément à
mes ordres.

34. « Et Pàrvatï, la suprême déesse, qui confère la connaissance


du brahman, et qui tout particulièrement (pour cette raison) est
l'objet de la méditation (des sages), elle aussi se conforme à mes
ordres.

35. « Et Ananta (le dieu serpent), dont la grandeur est infinie,


Ananta (âesa), le maître de tous les immortels, lui qui porte le mon-
de sur sa tête, lui aussi agit par l'ordre du Seigneur.

36. « C 'est depar la volonté du Seigneur que le feu Samvartaka,


éternellement, ayant pris la forme d'une jument, boit l'océan entier.

37. « Et les quatorze puissants Manus, qui en ce monde protègent


toutes les créatures, eux aussi agissent par son ordre.

38. « Les Âdityas, les Vasus, les Rudras, les Maruts et les Asvins,
ainsi que toutes les autres divinités, ont été créés par son comman-
dement.

39. « Les Gandharvas, les oiseaux, qui ont à leur tête Garuda
(l'oiseau merveilleux qui sert de monture à Visnu), les Siddhas, les
Sàdhyas, les Càranas (chanteurs célestes), les Yaksas, les Raksas
et les Pisâcas ont été créés par l'Être qui existe par lui-même.
90 L'ÏSVARAGÏTÂ

40. kalàkàsthà, nimesâs ca, muhûrtâ, divasâh, ksapàh,


rtavah, paksamàsâs ca stkitâh sâstre prajâpateh.

41. yugamanvantaràny eva marna tisthanti sâsane,


paras caiva, paràrdhàs ca, kâlabhedâs tathâpare.

42. caturvidhâni bhûtàni, sthàvarâni, carâni ca


niyogàd eva vartante devasya paramàtmanah.

43. pàtàlàni ca sarvâni, bhuvanàni ca, sâsanât,


brahmândâni ca vartante sarvàny eva svayambhuvah.

44. atïtàny apy asamkhyàni brahmândâni mamàjnayâ


pravrttàni, padàrthaughaih sahitàni samantatah.
45. brahmândâni bhavisyanti saha càtmabhir àtmagaih
karisyanti sadaivàjnâm parasya paramàtmanah.

46. bhûmir, âpo, 'nalo, vàyuh, kham, mano, buddhir eva ca,
bhûtâdir, àdiprakrtir, niyoge marna vartate.

47. yàsesajagatàm yonir, mohinï sarvadehinâm,


màyà vivartate nityam sàpïsvaraniyogatah.

48. yo vai, dehabhrtâm devah, purusah pathyate parah,


âtmàsau vartate nityam îsvarasya niyogatah.
49. vidhûya mohakalilam, yayà pasyati tat param,
sàpi buddhir niahesasya niyogavasaA'artinï.
QHAPITRE VI 91

40. « Les minutes (kalâh), les secondes (kàsthàh) et les instants


(nimesâh), les heures (muhùrtâh) (1 muhûrta = 48 minutes), les
jours, les nuits, les saisons, les quinzaines et les mois ont été établis
conformément à l'ordre du Seigneur des créatures.
41. « Les Yugas (le Krtayuga, le Tretayuga, le Dvàparayuga et le
Kaliyuga qui, réunis, font un mahàyuga; 1 mahàyuga = 4.320.000
années) et les manvantaras (1 manvantara = 71 mahâyugas) sont
établis selon mon commandement, ainsi que les Paras et les Paràr-
dhas et les autres divisions du temps.
42. « Les quatre sortes d'êtres vivants (les dieux, les hommes, les
animaux et les plantes), les êtres immobiles et les êtres mobiles exis-
tent de par la volonté du divin âtman suprême.
43. « Et tous les enfers, et les grandes divisions du monde (ciel,
atmosphère, terre), et tous les univers existent de par la volonté de
l'Être qui existe par lui-même.
44. « Les innombrables univers passés, avec, de toutes parts, des
multitudes de choses, ont été mis en mouvement par mon ordre.
45. « Et les univers
futurs, avec leurs âtmans reposant en moi (?),
accompliront toujours l'ordre de l'âtman suprême de l'Être su-
prême.
46. «La terre, l'eau, le feu, le vent, l'éther, le manas (l'entende-
ment ou sens interne), la buddhi (l'intellect), le bhûtâdi (l'aham-
kâra ou principe d'individuation) et l'âdiprakrti (la Nature primor-
diale) existent de par ma volonté.
47. «Et la màyà (l'illusion universelle), qui est l'origine de tous
les mondes et qui aveugle (abuse) toutes les âmes, se déploie éter-
nellement de par la volonté du Seigneur.
48. «L'âtman qui, dieu des êtres vivants, est appelé l'Esprit su-
prême, existe éternellement de par la volonté du Seigneur.

49. « Et la buddhi (l'intellect) par qui, se débarassant de l'amas


confus des liens de l'illusion, il voit le séjour (suprême), elle aussi
agit conformément aux ordres du suprême Seigneur.
92 L'ÏSVARAGÏTÂ

50. bahunàtra kim uktena? marna saktyâtmakam jagat;


mayaiva preryate krtsnam; mayy eva pralayam vrajet.

51. aham hi bhagavàn ïsah, svayamjyotih, sanâtanah,


paramâtmâ, param brahmâ ; matto hy anyo na yidyate.

52. ity état paramam jnânam yusmàkam kathitam maya;


jnâtvâ vimucyate jantur janmasamsàrabandhanàt.

iti srïkûrmapurâne, îsvaragïtâsu, sastho 'dhyâyah.


CHAPITRE VI 93

50. « Pourquoi en dire ici davantage ? Le monde est fait de mon


énergie divine; c'est par moi que l'univers est mis en mouvement;
c'est en moi qu'il se dissout.
51. « En effet, c 'est moi qui suis le bienheureux Seigneur, la lu-
mière qui brille d'elle-même, l'éternel, le suprême âtman, le su-
prême brahman; et en effet, il n'y a nul autre que moi.
52. « Ainsi je A'ous ai exposé cette science suprême. L'homme qui
la connaît sera délivré des liens qui le retiennent dans le cycle des
transmigrations. »
CHAPITRE VII

SOMMAIRE

Dans la première partie de ce chapitre, le Seigneur explique aux saints


ascètes de qu'est sa puissance (prabhâva). Cette puissance se manifeste par
le fait que, dans chaque classe d'êtres, il est l'être le plus excellent de cette
classe. Parmi ceux qui connaissent le brahman, il est le dieu Brahmâ; parmi
ceux qui possèdent le pouvoir de créer l'illusion, il est Visnu; parmi les
yogins, il est Siva; parmi les guerriers, il est Râma; parmi les rois des
animaux, il est le bon; parmi les sciences, il est la science de l'âtman ; etc.
Tout ce qu'il y a de supérieur par la splendeur ou par la force en ce
monde, est la manifestation de sa splendeur. Dans tout ce passage (st.
3-17), le poète s'est inspiré du dixième adhyâya de la Bhagavadgïtâ (Bhag.
X, 21-38), et quelques pâdas reproduisent exactement le texte de quelques
pâdas du célèbre épisode du Mahâbhârata.
Dans la seconde partie de ce chapitre, le Seigneur explique pourquoi
il est appelé Pasupati (le Berger, le Maître des bêtes du troupeau). Les
bêtes du troupeau (pasavah), ce sont les âmes. Le Seigneur les tient cap-
tives au moyen de lacets. Ces lacets, ce sont les vingt-quatre principes,
c'est-à-dire la prakrti (la Nature primordiale, le principe matériel, cause du
monde) et ses produits ; c'est la mâyâ (l'illusion universelle) ; c'est le kar-
man (l'acte, bon ou mauvais, qui fatalement produit les renaissances) ; ce
sont les gunas (les facteurs qualitatifs de la prakrti) ; ce sont les klesas
(les infirmités de Pâme), c'est-à-dire l'ignorance, l'égoïsme, le désir, l'aver-
sion et l'attachement à l'existence. Mais, si le Seigneur est le Berger qui,
par jeu, enchaîne et tient captives les bêtes du troupeau, c'est-à-dire les
âmes, au moyen du lacet de la mâyâ, il est aussi le libérateur des âmes,
et il n'y a point d'autre libérateur que lui. Il est à la fois celui qui enchaîne
et celui qui libère. En tant que dieu créateur, il est à la fois le principe
matériel (pradhàna) et l'Esprit (purusa) ; il est le lien et celui qui fait
le lien. Mais il est aussi le dieu qui prend soin des âmes et qui les délivre.
96 L'ÏSVARAGÏTÂ

VII
saptamo 'dhyàyah.
isvara uvâca:
1. srnudhvam, rsayah sarve, prabhâvam paramesthinah,
yam jnâtvà puruso mukto na samsàre patet punah.

2. parât parataram brahmâ, sàsvatam, dhruvam, avyayam,


nityànandam, nirvikalpam, tad dhàma paramam marna.

3. aham brahmaAddàm brahmâ, syayambhûr, visvatomukhah ;


màyàvinâm aham devah purâno harir avyayah.

4. yoginàm asmy aham sambhuh; strînàm devï girîndrajâ;


àdityânâm aham visnur; vasûnàm asmi pâvakah.

5. rudrànâm samkaras càham; garudah patatâm aham;


airâvato gajendrânàm; ràmah sastrabhrtâm aham.

6. rsïnâni ca vasistho 'ham; devânâm ca satakratuh;


silpinàm visvakarmàham ; prahlâdah suravidvisàm.
CHAPITRE VII 97

VII

Le Seigneur dit:

1. « Ecoutez tous, ô rsis, quelle est la puissance de l'Être suprême.


Connaissant cette puissance, l'âme, délivrée, ne retombera plus dans
le cycle des transmigrations.

2. «Ma puissance suprême, c'est le brahman suprême (supérieur


à ce qu'il y a de plus haut), le brahman éternel, ferme, impérissable,
qui est éternelle joie, et qui n'est pas soumis au changement.

3. «Parmi ceux qui connaissent le brahman (l'essence divine),


je suis Brahmâ, le dieu qui existe par lui-même et dont le visage est
tourné partout. Parmi ceux qui possèdent la niâyâ (le pouvoir ma-
gique qui crée l'illusion), je suis le dieu Hari (Visnu), le dieu an-
tique, impérissable.

4. « Parmi les yogins (ceux qui pratiquent la discipline ascétique


et se livrent à la contemplation mystique), je suis Sambhu (Siva).
Parmi les femmes, je suis la déesse, fille du roi des monts (Pârvatï).
Parmi les Âdityas (les dieux fils d'Aditi), je suis Visnu. Parmi les
Vasus (parmi les dieux appelés Vasus), je suis PàA^aka (le Peu).

5. « Parmi les Rudras (les êtres divins et terribles appelés Ru-


dras), je suis Samkara (Siva). Parmi les oiseaux, je suis Garuda
(l'oiseau divin qui sert de monture à Visnu). Parmi les rois des élé-
phants, je suis Airâvata (l'éléphant d'Indra). Parmi les guerriers,
je suis Ràma.

6. « Parmi les rsis, je suis Vasistha. Parmi les devas (les dieux
lumineux), je suis Satakratu (Indra). Parmi les artisans, je suis Vis-
vakarman (l'artisan de l'univers). Parmi les Asuras (les démons en-
nemis des dieux lumineux), je suis Prahlâda (le chef des Asuras).
98 L'ÏSVARAGÏTÂ

7. munïnâm apy aham vyâso; ganànâm ca vinâyakah;


vïrànàm vïrabhadro 'ham; siddhànàm kapilo munih.

8. parvatànàm aham merur; naksatranàm ca candramàh ;


vajram praharanànàm ca; vratànâm satyam asmy aham.

9. ananto bhoginâm devah ; senâmnâm ca pàvakih ;


àsramânâm grhastho 'ham; îsvarànâm mahesvarah.

10. mahàkalpas ca kalpànàm; yugànàm krtam asmy aham;


kuberah sarvayaksànàm ; trnànàm caiva vïrudhah.

11. prajàpatïnàm dakso 'ham; nirrtih sarvaraksasàm,


vàyur balavatàm asmi; dvîpânàm puskaro 'smy aham.

12. mrgendrânàm ca simho 'ham; yantrànâm dhanur eva ca;


vedànàm sâmavedo 'ham; yajusàm satarudriyam.

13. sàvitrï sarvajapyànàni; guhyànam


pranavo 'smy aham;
sûktànàm paurusam sûktam; jyesthasàma ca sàmasu.
CHAPITRE vn 99

7. « Parmi les munis, je suis Vyàsa. Parmi les Ganas (les dieux
inférieurs appelés Ganas), je suis Vinâyaka (Ganesa). Parmi les
héros, je suis Vïrabhadra. Parmi les Siddhas (les demi-dieux qui pos-
sèdent des pouvoirs surnaturels), je suis le sage Kapila.

8. « Parmi les montagnes, je suis le mont Meru. Parmi les astres,


je suis la lune. Parmi les projectiles, je suis la foudre. Parmi les
observances pieuses, je suis le serment (la vérité).

9. «Parmi les Serpents, je suis le dieu Ananta (éesa). Parmi


les chefs d'armée, je suis Pâvaki (Skanda, le dieu de la guerre).
Parmi les quatre représentants des quatre phases de la vie du brah-
mane, je suis le grhastha (le maître de maison). Parmi les Seigneurs,
je suis Mahesvara (le Seigneur suprême).

10. «Parmi les kalpas (les cycles du temps), je suis le Mahàkalpa


(le grand cycle). Parmi les yugas (les quatre âges du monde), je
suis Krta (l'âge d'or). Parmi tous les yaksas (les génies), je suis
Kubera (le roi des yaksas, le dieu des trésors). Parmi les herbes,
je suis le Vîrudha ( ?).

11. «Parmi les Prajâpatis (les Seigneurs des créatures), je suis


Daksa. Parmi tous les êtres démoniaques, je suis Nirrti (la Perdi-
tion). Parmi les impétueux, je suis Vàyu (le vent). Parmi les Dvî-
pas (les continents, les grandes divisions de la terre), je suis Pus-
kara (le continent appelé Lotus).

12. « Parmi les rois des animaux, je suis le lion. Parmi les engins
(les armes), je suis l'arc. Parmi les Vedas, je suis le Sàmaveda (le
Veda des mélodies sacrées). Parmi les yajus (les formules rituelles),
je suis le Satarudriya (la litanie adressée à Rudra-éiva aux cent
différents aspects: V. S. XVI, 1-66).

13. « Parmi toutes les prières murmurées, je suis la Sàvitrï (R. V.


III, 62, 10). Parmi les emblèmes secrets, je suis la sainte syllabe
« om » Parmi les hymnes A'édiques, je suis l'hymne au Purusa
.
(R. V., X, 90). Parmi les sàmans (les mélodies sacrées), je suis le
Jyestha-sàman (le meilleur des sâmans).
100 L'ÏSVARAGÏTÂ

14. sarvavedàrthavidusàm manuh svàyamblrura 'smy aham;


brahmàvartas tu desànàm; ksetrânâm avimuktakam.

15. vidyânàm âtmavidyâham; jnànànâm aisvaram param;


bhûtânàm asmy aham vyoma; tattvànàm mrtyur eva ca.

16. pâsànâm asmy aham màyà; kàlah kalayatàm aham;


gatïnâm muktir evâham; paresàm paramesvarah.

17. yac cânyad api loke 'smin sattvam tejobalâdhikam,


tat sarvam pratijànîdhvam marna tejovijrmbhitam.

18. âtmànah pasavah proktàh sarve sainsâravartinah;


tesâm patir aham devah, snirtah pasupatir budhaih.

19. màyâpasena badhnâmi pasûn etàn svalïlayà;


màm eAra mocakam pràhuh pasùnàm vedavàdinah.

20. màyâpasena baddhànâm mocako 'nyo na vidyate


màm rte paramàtmànam, bhûtàdhipatim avyayam.
CHAPITRE VII 101

14. «Parmi ceux qui connaissent tous les Vedas, je suis Manu
Svàyambhuva. Parmi les pays, je suis le Brahmàvarta (la terre
sainte située entre la Sarasvatï et la Drsadvatï). Parmi les lieux
saints, je suis Avimukta (célèbre lieu de pèlerinage situé près de
Bénarès).

15. «Parmi les sciences, je suis la science de l'âtman. Parmi les


connaissances, je suis la connaissance suprême qui a pour objet le
Seigneur suprême. Parmi les éléments, je suis l'éther. Parmi les
réalités, je suis la Mort.

16. «Parmi les pièges (les lacets), je suis la màyà (l'illusion uni-
verselle). Parmi les forces qui poussent (qui pressent, qui contrai-
gnent), je suis le Temps (qui inexorablement pousse les êtres vivants
vers la mort). Parmi les états que l'on peut atteindre au cours des
transmigrations, je suis la délivrance. Parmi les êtres suprêmes, je
suis le suprême Seigneur.

17. «Et sachez que tout ce qu'il y a encore de supérieur par la


splendeur ou par la force en ce monde, est la manifestation de ma
splendeur.

18. « Toutes les âmes entraînées dans le cycle des transmigrations


sont appelées les bêtes du troupeau (pasavah). Je suis leur divin
maître, et (c'est pourquoi) je suis appelé par les sages le Berger
(le maître des bêtes du troupeau) (Pasupati).

19. «Par jeu, j'enlaceces bêtes (je les tiens captives) au moyen
du lacet de la màyà (de l'illusion universelle). Ceux qui sont versés
dans les Vedas m'appellent le libérateur des bêtes du troupeau (le
libérateur des âmes).

20. « Pour les âmes qui sont retenues captives par le lacet de la
mâyâ, il n'y a point d'autre libérateur que moi, l'âtman suprême,
l'immortel souverain des êtres.
102 L'ÏSVARAGÏTÂ

21. caturvimsatitattvâni, màyà, karma, gunâ iti,


ete pâsâh pasupateh; klesâs ca pasubandhanàh.

22. mano, buddhir, ahamkàrah, khânilàgnijalàni, bhûh,


etàh prakrtayas tv astau; vikâràs ca tathàpare:

23. srotram, tvak, caksusï, jihvâ, ghrànam caiva tu paficamam,


pâyûpastham, karau, pàdau, A'âk caiva dasamï mata;

24. sabdah, sparsas ca, rupam ca, raso, gandhas tathaiva ca.
trayovimsatir etàni tattvàni pràkrtâni ca.

25. eaturvimsakam avyaktam, pradhânam gunalaksanam,


anàdimadhyanidhanam, kàranam jagatah param.

26. sattvam, rajas, tamas ceti gunatrayam udâhrtam;


sâmyàvasthitim etesàm avA^aktàm prakrtim viduh.
CHAPITRE VII 103

21. «Les vingt-quatre principes, la màyà (l'illusion, la puis-


sance magique qui crée l'illusion), le karman (l'acte, qui nécessaire-
ment produit les renaissances), les gunas (les trois facteurs quali-
tatifs de la prakrti : Sattva, Rajas et Tamas) : tels sont les lacets du
Berger (du maître des bêtes du troupeau). Et les klesas aussi (les
cinq infirmités de l'âme: l'ignorance, l'égoïsme, le désir, l'aversion,
l'attachement à l'existence) retiennent captives les bêtes du trou-
peau (c'est-à-dire les âmes).
22. «Le manas (l'entendement, le sens interne) ; la buddhi (l'in-
tellect), l'ahamkâra (le principe d'individuation), (et d'autre part)
l'éther, l'air (le vent), le feu, l'eau, la terre (c'est-à-dire les cinq
mahàbhùtas ou grands éléments) : tels sont les huit essences produc-
trices premières (prakrtayah). Viennent ensuite les autres vikâras
(les autres productions ou transformations de la Nature primor-
diale ou prakrti) :

23. « Les oreilles, la peau, les yeux, la langue et, cinquièmement,


le nez, l'organe de l'évacuation, l'organe de la génération, les mains,
les pieds, et, dixièmement, la parole (c'est-à-dire les cinq organes de
la perception et les cinq organes de l'action) ;

24. «le son, l'objet du toucher, la forme (ou objet de la vue),


la saveur et l'odeur (c'est-à-dire les cinq tanmàtras ou éléments sub-
tils) Tels sont les (8 -f-10 -f- 5 =) vingt-trois principes apparte-
.
nant à la prakrti (à la Nature primordiale).
25. « Le vingt-quatrième principe est le principe matériel non-
manifesté (c'est-à-dire la prakrti elle-même), qui est caractérisé par
les gunas (les trois facteurs qualitatifs: Sattva, Rajas et Tamas),
qui est sans commencement, sans milieu et sans fin, et qui est la
cause suprême du monde.
26. « Les trois gunas (les trois facteurs qualitatifs sont appelés :
Sattva (pureté, bonté), Rajas (impureté, désir, activité), Tamas
(obscurité, indifférence, passivité). Les sages savent que la prakrti
(la Nature primordiale) irrévélée (non-manifestée), c'est l'état
d'équilibre de ces trois gunas (de ces trois constituants ou facteurs
qualitatifs).
104 L'ÏSVARAGÏTÂ

27. sattvam jnânam, tamo 'jnânam; râjasam samudàhrtam


gunânâm buddhivaisamyàd vaisamyam kavayo viduh.

28. dharmàdharmàv iti proktau pâsau dvau karmasamjnitau ;


mayy arpitàni karmàni na bandhâya, vimuktaye.

29. avidyàm, asmitàm, ràgam, dvesam càbhinivesanam,


klesàkhyàms tàn svayam pràha pàsàn àtmanibandhanàt.

30. etesàm eva pàsànàm màyà kàraiiam ueyate;


mûlaprakrtir avyaktâ, sa saktir mayi tisthati.

31. sa eva mûlaprakrtih, pradhànam, puruso 'pi ca,


vikârâ, mahadàdïni, devadevah sanàtanah.

32. sa eva bandhah, sa ca bandhakartâ,


sa eva pàsah, pasubhrt sa eva;
sa veda sarvam, na ca tasya vettà;
tam àhur àdyam purusam purânam.

iti srîkûrmapurâne, ïsvaragïtâsu, saptamo 'dhyâyah.


CHAPITRE VII 105
27. «La Connaissance est Sattva; l'Ignorance est Tamas. Les
sages savent que le déséquilibre des gunas, déséquilibre qui est ap-
pelé « rajasique », provient du déséquilibre de la buddhi (de l'in-
tellect)
.
28. « Ce que l'on appelle le juste (le bien) et ce que l'on appelle
l'injuste (le mal) sont les deux lacets (les deux pièges), connus sous
le nom de karman (l'acte, qui produit les renaissances). Mais les
actes qui me sont consacrés (qui me sont offerts, qui sont accomplis
pour moi) n'enchaînent point, ils délivrent.
29. «L'ignorance, l'égoïsme, le désir, l'aversion et l'attachement
à l'existence, qui sont appelés les klesas (les cinq infirmités de l'âme),
soi-même on les appelle des lacets, parce que c'est par eux que l'âme
est enchaînée.
30. «La cause de ces lacets (qui enchaînent l'âme) est appelée
la mâyâ (la puissance magique qui crée l'illusion) ; c'est la mûla-
prakrti (la Nature primordiale, cause première) irrévélée (non-mani-
festée, non-évoluée) ; c'est une énergie divine qui est en moi.
31. « Il est la mûla-prakrti (la Nature primordiale, cause pre-
mière), le principe matériel, et il est aussi l'Esprit; il est les vi-
kâras (les productions ou transformations de la prakrti), l'intellect
et les autres principes, — lui, le dieu des dieux, l'éternel.
32. Il est le lien, et il est celui qui fait le lien ; il est le lacet, et il
est celui qui prend soin des bêtes du troupeau (c'est-à-dire des âmes).
Il connaît tout, et nul ne le connaît; on l'appelle l'Esprit primor-
dial, antique.
CHAPITRE VIII

SOMMAIRE

Le Seigneur annonce aux ascètes qu'il va leur dévoiler un autre grand


secret, dont la connaissance permet au sage d'échapper au cycle des re-
naissances. En un langage mystérieux, il leur explique l'origine du monde
des phénomènes. Quelques stances sont particulièrement obscures. Voici
comment je crois pouvoir interpréter l'idée de l'auteur.
Le brahman est l'essence divine, et le Seigneur est fait de cette essence,
identique à cette essence; mais, considéré au point de vue cosmogonique,
le brahman est la matrice dont le Seigneur se sert pour créer le monde.
Le Seigneur dépose dans cette matrice un germe, qui est la mâyâ (la force
magique qui crée l'illusion). De cette matrice ainsi fécondée, c'est-à-dire
du brahman dans lequel le Seigneur a déposé comme germe la mâyâ, est né
le monde. En effet, c'est de cette matrice ainsi fécondée que sont nés: d'une
part, la prakrti (la Nature primordiale) et tous ses produits (depuis l'in-
tellect et le principe d'individuation jusqu'aux grands éléments) ; et, d'autre
part, le purusa (l'Esprit), qui contemple la Nature, et qui, en proie à
l'illusion, ne voit pas qu'il est essentiellement différent de la prakrti.
L'auteur s'exprime ensuite d'une manière plus mystique encore. De la
matrice suprême ainsi fécondée, c'est-à-dire du brahman, est né un oeuf
d'or, et de cet oeuf est né le dieu Brahmâ, le dieu créateur; tous les êtres
vivants sont faits de lui.
Le brahman, qui est la matrice suprême, est la mère de toutes les formes
corporelles, de toutes les apparences; mais le père de tous les vivants, de
toutes les âmes, est le Seigneur, qui a déposé le germe, c'est-à-dire la mâyâ,
dans le brahman, et a procréé ainsi l'oeuf d'or dont est né le dieu Brahmâ.
Quand le sage comprend ainsi que le Seigneur est le véritable père des
âmes et que le Seigneur est l'âtman, qui demeure égal et semblable dans
tous les êtres, il se débarrasse de la mâyâ et parvient au séjour suprême
en s'identifiant à l'essence divine. Mais pour cela il faut qu'il fasse la
CHAPITRE VIII 107

distinction entre la prakrti et le purusa, et il faut qu'il sache quels sont


les six membres (les six attributs) du Seigneur et quels sont les sept prin-
cipes subtils. —Les six membres du Seigneur sont l'omniscience, la joie,
l'intelligence innée, l'indépendance, la puissance inépuisable et la puissance
infinie. — Les sept principes subtils sont les éléments subtils du son, du
toucher, de la forme, du goût et de l'odeur, le manas (l'entendement) et
l'âtman.
La prakrti (la Nature primordiale) ou plutôt l'énergie divine qui est
cachée en elle et qui, semble-t-il, lui vient du germe que le Seigneur a
déposé dans la matrice suprême (c'est-à-dire de la mâyâ que le Seigneur a
déposée dans le brahman), est la cause du monde des phénomènes. En face
d'elle est le purusa (l'Esprit), qui, en réalité, est identique au dieu Brahmâ,
à l'âtman suprême, au dieu unique, au Seigneur. Celui qui comprend que
tel est le purusa (l'Esprit), celui qui comprend que l'âtman individuel est
identique à l'âtman universel et identique au Seigneur, — celui-là dépasse
le point de vue de la buddhi (de l'intellect) et atteint le suprême séjour des
sages.
108 L'ÏSVARAGÏTA

VIII
astamo 'dhyâyah.
îsvara uvâca:
1. anyad guhyatamam jnânam A'aksye, bràhmanapungavâh,
yenâsau tarate jantur ghoram samsârasâgaram.

2. aham brahmamayah santah, sàsvato, nirmalo, 'vyayah,


ekàkï, bhagavàn uktah, kevalah paramesvarah.

3. marna yonir mahad brahmâ; tatra garbham dadhâmy aham


mûlamàyàbhidhânam tam; tato jâtam idam jagat.

4. pradhânam, puruso hy âtmâ, mahad, bhûtâdir eva ca,


tanmàtràni, mano, bhùtânïndriyàni ca jajnire.

5. tato 'ndam abhavad dhaimam arkakotisamaprabham;


tasmin jajne mahàbrahmâ, macchaktyà eopabrmhitah.

6. ye cànye bahavo jïvàs, tanmayâh sanra eva te;


na màm pasyanti pitaram màyayâ marna mohitâh.

7. yàsu yonisu tàh sarvàh sambhavantïha mûrtayah,


tàm mâtaram paràm yonim, mâm eva pitaram viduh.
CHAPITRE VIII 109

VIII

Le Seigneur dit:

1. « Je vais vous exposer, ô excellents brahmanes, une autre


science très secrète, grâce à laquelle la créature traverse la terrible
mer du cycle des transmigrations.
2. « Identique au brahman (fait du brahman, fait de l'essence di-
vine), je suis impassible, éternel, immaculé, impérissable; appelé
le Bienheureux, je jsuis l'unique, l'absolu, le suprême Seigneur.

3. « Le grand brahman (l'essence divine) est ma matrice (la ma-


trice qui me sert à procréer). J'y dépose le germe qui est appelé
la màyà primordiale. De là (de cette matrice ainsi fécondée) est né
ce monde.

4. «Le principe matériel, l'Esprit (purusa) — c'est-à-dire l'ât-


man —, l'Intellect (mahat) et le principe d'individuation (bhûtâdi
= ahamkâra), les éléments subtils, les manas (l'entendement ou sens
interne), les grands éléments et les organes des sens sont nés (de
cette matrice ainsi fécondée).

5. «De là (de cette matrice ainsi fécondée) est né un oeuf d'or,


ayant l'éclat de dix millions de soleils. De cet oeuf est né le grand
dieu Brahmâ, à qui mon énergie divine a donné la force.
6. « Et les innombrables êtres vivants sont tous faits de lui. Abu-
sés (aveuglés) par ma mâyâ, ils ne voient pas que c'est moi qui suis
leur père.
7. «Les sages savent que, quelles que soient les matrices dans
lesquelles naissent ici-bas toutes les formes corporelles, c'est la ma-
trice suprême (c'est-à-dire le brahman) qui est la mère, mais que
c'est moi qui suis le père.
110 L'ÏSVARAGÏTÂ

' 8. yo mâm evam vijânàti bïjinam pitaram prabhum,


sa vïrah sarvalokesu na moham adhigacchati.

9. ïsanah sarvaAddyànàm, bhûtânàm paramesvarah,


omkâramùrtir bhagavàn, aham brahmâ prajâpatih.

10. samam sarvesu bhùtesu tisthantam paramesvaram,


Adnasyatsv aAdnaéyantam, yah pasyati, sa pasyati.

I
11. samam pasyan hi sarvatra samavasthitam ïsvaram,
na hinasty âtmanâtmànam; tato yâti parâm gatim.

12. viditvâ sapta sûksmàni, sadangam ca mahesvaram,


pradhànaviniyogajnah param brahmàdhigaeehati.

13. sarvajnatâ, trptir, anàdibodhah,


svacchandatâ, nityam aluptasaktih
anantasaktis ca Aabhor, viditvâ,
sad àhur angàni mahesvarasya.

14. tanmâtràni, mana, âtmâ ca, tàni


sûksmàny âhuh sapta tattvâtmakàni;
yâ sa hetuh prakrtih, sa pradhânam;
bandhah prokto vinayenàpi tena.
CHAPITRE VIII 111

8. « Celui qui me connaît ainsi, qui sait que je suis le véritable


père qui émet la semence, moi le puissant Seigneur, celui-là, mâle
héros dans tous les mondes, n'est pas en proie à l'aveuglement.

9. « Possédant toutes les sciences, Seigneur suprême de tous les


êtres, je suis le Bienheureux dont le symbole est la sainte syllabe
« om », le dieu Brahmâ, le Seigneur des créatures.

10. « Celui qui voit que le suprême Seigneur demeure égal et sem-
blable dans tous les êtres, impérissable dans les êtres qui périssent,
celui-là voit véritablement.

11. « Voyant que le Seigneur demeure égal et semblable partout,


il ne fait point de mal soi-même à soi-même (il ne fait de mal à
aucune créature, car en toute créature il voit son propre àtman et
il voit le Seigneur). Et c'est pourquoi il parvient au séjour suprême.

12. « Quand il connaît les sept principes subtils ainsi que les six
membres du Seigneur ; quand il sait quel est le rôle assigné au prin-
cipe matériel (quand il connaît la distinction qu'il faut faire entre
le principe matériel et l'Esprit, quand il sait que le principe maté-
riel est séparé de l'Esprit), il atteint le suprême brahman (la su-
prême essence divine).

13. «Omniscience, joie, intelligence innée (existant depuis tou-


jours), indépendance, puissance inépuisable, puissance infinie: tels
sont, à ce que disent ceux qui savent, les six membres du suprême
Seigneur.

14. « Les tanmàtras (les éléments subtiles du son, du toucher, de


la forme, du goût et de l'odeur), le manas (l'entendement ou sens
interne) et l'âtman: tels sont, disent les sages, les sept principes
subtils.
«En tant qu'elle est la cause (de l'univers phénoménal), la
prakrti (la Nature primordiale) est le principe matériel. Elle est
appelée le lien (l'asservissement) par la discipline morale (quand
on se met au point de vue de la discipline morale).
112 L'ÏSVARAGÏTÂ

15. yâ sa saktih prakrtau lînarûpâ,


A'edesûktà kàranam brahmayonih;
tasyà ekah paramesthî purastân
mâhesvarah purusah satyarûpah.

16. brahmâ, yogï, paramàtmâ mahjyàn,


vyomavyàpï vedavedyah, purànah,
eko rudro, mrtyur, avyaktam ekam,
bïjam visvam, deva ekah sa eva.
17. tam evaikam pràhur, anye 'py anekam;
tAràm evàtmâ, keeid anyam tam âhuh.
anor anïyàn, mahato mahïyàn,
mahàdevah procyate visvarùpah.

18. evam hi yo veda guhàsayam param


prabhum purànam purusam visvarùpam
hiranmayam, buddhimatâm parâm gatim
sa buddhimàn, buddhim atïtya, tisthati.

iti srïkûrmapurâne, ïsvaragïtâsu, astamo 'dhyâyah.


CHAPITRE VIII 113
15. «L'énergie divine invisible qui se trouve dans la prakrti, et
qui a pour origine le brahman, est appelée dans les Vedas « la
cause» (de l'univers). En face d'elle se trouve, seul, suprême,
le purusa (l'Esprit), qui est né du suprême Seigneur et dont l'ap-
parence est conforme à la réalité.
16. « C'est le dieu Brahmâ, le yogin, l'âtman suprême, très grand,
qui emplit le ciel, le dieu antique, qui doit être considéré comme
étant le Veda; c'est l'unique Rudra, la Mort, l'Être irrévélé (non-
manifesté), unique; c'est le germe universel, le dieu unique.
17. «Les uns disent qu'il est unique, d'autres qu'il est multiple;
l'âtman dit que c'est toi-même; quelques-uns disent que c'est un
autre. Plus petit qu'un atome, plus grand que tout ce qu'il y a
de grand, il est appelé Mahâdeva (le grand dieu) (âiva), lui qui
est omniforme.
18. « Celui qui connaît ainsi l'Être suprême caché dans le coeur,
le puissant purusa antique (l'antique Esprit), omniforme et resplen-
dissant (fait d'or), — celui-là est sage et, dépassant la sagesse (dé-
passant la buddhi, c'est-à-dire l'intellect), il atteint le suprême sé-
jour des sages.
CHAPITRE IX

SOMMAIRE

Le Seigneur explique aux ascètes comment il se fait que, bien qu'il soit
en réalité indivisible et inaetif, il a l'aspect de l'univers divisé
à l'infini et
continuellement en mouvement.
Le Seigneur n'est point l'univers, mais l'univers ne peut exister sans lui.
Rien n'existe réellement excepté lui. Que l'on considère le Seigneur dans
sa pureté parfaite, c'est-à-dire dans son unité fondamentale, ou qu'on le
considère dans ses manifestations multiples, il faut proclamer qu'il est le
brahman, qu'il est l'âtman, qu'il est l'absolu.
Quelle est donc la cause de l'univers? Ce ne sont pas les énergies divines
non-manifestées et immuables. On peut considérer que c'est la mâyâ (la
force qui crée l'illusion). Mais la mâyâ n'est que la cause efficiente du
monde des phénomènes. C'est l'avyakta (l'être non-manifesté) qui en est
la cause essentielle. La mâyâ est une des saktis, une des énergies divines
du Seigneur. Il y en a d'autres. Mais c'est uniquement la mâyâ qui sert
au déploiement de l'univers. C'est seulement quand la mâyâ agit comme
cause efficiente que le monde phénoménal naît de l'avyakta. C'est seulement
quand l'a\ryakta (qui en réalité est le Seigneur) est uni à la mâyâ, qu'il
produit la multiplicité et que le monde des phénomènes apparaît. Cependant
puisque rien d'autre n'existe en réalité que le Seigneur, il faut conclure que
le Seigneur est omniforme, que le Seigneur a l'aspect de l'univers.
Parmi les autres énergies divines du Seigneur, il en est une qui produit
dans l'Esprit la connaissance. C'est par la connaissance que l'Esprit s'élève
vers l'Être infini et obtient la délivrance. Quand le sage connaît l'avyakta
(l'être non-manifesté), la lumière impérissable en qui tout l'univers est
tissé, et qui est cet univers, et quand il connaît le grand purusa (le grand
Esprit), la lumière des lumières, qui est le brahman, il obtient la délivrance.
Percevant, en toute évidence, l'âtman suprême dans son propre âtman, il
CHAPITRE IX 115

voit l'Être suprême, il s'identifie au brahman, il est absorbé en lui et pos-


sède ainsi l'éternelle joie.
Cette doctrine très secrète ne doit être enseignée qu'aux initiés.

L'exposé de cette doctrine manque de clarté. L'auteur s'exprime en un


langage lyrique et mystique, qui est souvent obscur, et je ne suis pas sûr
d'avoir bien interprété sa pensée. Il est parfois difficile en effet de se
rendre compte de la suite des idées et de la valeur exacte des termes em-
ployés.
116 L'ÏSVARAGÏTÂ

IX

navamo 'dhyâyah.

rsaya ùcuh:
1. niskalo, nirmalo, nityo, niskriyah paramesvarah ;
tato vada, mahâdeva, visvarùpah katham bhavàn.

îsvara uvàca:
2. nàham visvo, na visvam ca mâm rte vidyate, dAdjàh.
mâyâ nimittamàtrâsti, sa eàtmani maya érità.

3. anàdinidhanà saktir, màyà vyaktisamâsrayà.


tannimittah prapaneo 'yam avyaktâj jâyate khalu.
avyaktam kàranam pràhur, ànandam, jyotir aksaram.

4. aham eva param brahmâ, matto hy anyan na vidyate.


tasmân me visvarùpatvam niseitam brahmavàdibhih.

5. ekatve ca prthaktve ca proktam etan nidarsanam:


aham tat paramam_ brahmâ, paramàtmâ sanàtanah.
CHAPITRE IX 117

IX

Les rsis dirent:


1. « Le Seigneur suprême est indivisible (non divisé, sans parties),
immaculé, éternel, inactif (sans activité). Puisqu'il en est ainsi, ex-
plique-nous, ô Mahâdeva (âiva), comment il est possible que tu
sois omniforme (que tu aies l'aspect de l'univers) ?

Le Seigneur dit:

2. « Je ne suis pas l'univers, et pourtant l'univers n'existe pas


sans moi, ô brahmanes. La màyà n'est que la cause efficiente (nimit-
ta) de l'univers, et c'est par moi qu'elle a été attachée à l'âtman
(à moi-même).

3. « Energie divine sans commencement ni fin, la mâyâ a pour


but la manifestation (le déploiement) (de l'univers). C'est à cause
d'elle, cause efficiente, que ce monde phénomémal naît de l'être
irrévélé (non-manifesté). Les sages disent que la cause essentielle
(kàrana), c'est l'être irréArélé (non-manifesté), qui est joie, lumière
impérissable.

4. «Je suis,moi, le brahman suprême ; rien d'autre n^existe


que moi. C'est pourquoi il a été établi par ceux qui sont versés dans
la science sacrée (dans la science du brahman) que je suis omniforme
(que j'ai l'aspect de l'univers).

5. « Dans l'unité et dans la multiplicité (dans le cas où apparaît


l'unité et dans le cas où apparaît la multiplicité), cette doctrine est
proclamée: Je suis le brahman suprême, l'âtman suprême éternel.
118 L'ÏSVARAGÏTÂ

6. akàranam, dvijâh, proktà, na doso hy âtmanas tathà,


anantâh saktayo 'vyaktâ, mâyayà samsthità, dhruvâh.
tasmin divisthitam nityam avyaktam bhàti kevalam.

7. abhinnam vaksyate bhinnam brahmâvyaktam sanâtanam,


ekayâ mâyayâ yuktam, anâdinidhanam, dhruvam.

8. pumso 'nyâbhûd yatha bhûtir anyayà, na tirohitam;


anàdimadhyam tisthantam eestate vidyayâ kila.

9. tad état param avyaktam, prabhàmandalamanditam,


tad aksaram param jyotis, tad visnoh paramam padam.

10. tatra sarvam idam protam otam caivàkhilam jagat;


tad evedam jagat krtsnam; tad vijnàya vimucyate.

11. yato vàco nivartante, apràpya, manasà saha,


ânandam brahmano vidvàn, bibheti na kutascana.

12. vedàham etam purusam mahântam,


âdityavarnam purusam, purastât;
tam vijnàya parimucyeta vidvàn;
nityânandï bhavati brahmabhûtah.
13. asmât param nàparam asti kim eid,
yaj jyotisàm jyotir ekam divistham;
tad evàtmànam manyamàno 'tha vidA-ân,
àtmânandï bhavati brahmabhûtah.
CHAPITRE IX 119

6. « Les énergies divines irrévélées (non-manifestées), infinies, im-


muables (permanentes), qui se trouvent réunies avec la mâyâ, sont
déclarées n'être point la cause (akârana) (de l'univers), ô brahma-
nes; et en effet (par le fait de l'existence de ces énergies divines
non-manifestées), il n'y a point d'altération de l'âtman. En lui
(dans l'âtman), resplendit uniquement l'être irrévélé (non-mani-
festé) éternel, établi au ciel.
7. «Le brahman, l'être irrévélé (non-manifesté) éternel, sans com-
mencement ni fin, immuable, non divisé, produira ce qui est divisé,
lorsqu'il sera uni à la seule mâyâ.
8. « On sait comment une autre puissance, la puissance de l'Es-
prit, a été produite par une autre (puissance) (par une autre sakti
que la mâyâ) : cela n'est point secret. C'est par la connaissance
que l'Esprit dirige son activité vers Celui qui n'a ni commencement,
ni milieu (ni fin) (vers le Seigneur).
9. « Cetêtre irrévélé (non-manifesté) suprême, paré d'une auréole
de splendeur, c'est la suprême lumière impérissable, c'est le suprême
séjour de Visnu.
10. « C'est en lui que tout cet univers est tissé dans un sens et
dans l'autre. Il est cet univers tout entier. C'est en le connaissant
que l'on obtient la délivrance.
11. « Celui qui connaît la joie de l'être que les paroles unies à
l'entendement ne peuvent atteindre — car elles reviennent sans
l'avoir atteint —, celui qui connaît la joie du brahman, ne craint
rien (n'a rien à craindre).
12. «Moi, le premier, je connais ce grand Esprit, l'Esprit qui a
la couleur du soleil. En le connaissant, le sage obtiendra la déli-
vrance. Possédant l'éternelle joie, il est absorbé dans le brahman
(s'identifie au brahman).
13. « Il n'y a rien qui soit supérieur à lui, car il est l'unique lu-
mière des lumières qui se trouve au ciel. Celui qui considère que son
propre àtman est cette lumière et ensuite sait qu'il en est ainsi,
celui-là, possédant la joie de l'âtman, est absorbé dans le brahman
(s'identifie au brahman).
120 L'îéVARAGÎTÂ

14. tad apy aham kalilam, gûdhadeham,


brahmânandam, amrtam, visvadhâmâ.
vadanty evam brâhmanâ brahmanisthâ,
yatra gatvâ na nivarteta bhûyah.

15. hiranmaye paramâkâsatattve


yad vai divi vipratibhâtïva tejah,
tad vijnâne paripasyanti dhîrâ
vibhrâjamânam, vimalam, vyomadhâma.
16. tatah param paripasyanti dhîrâ,
âtmany âtmânam anubhûya sâksât.
svayam prabhuh, paramesthî, mahîyân,
brahmânandï bhagavân îsa esah.
17. eko devah, sarvabhûtesu gûdhah,
sarvavyâpî, sarvabhûtântarâtmâ.
tam evaikam ye 'nupasyanti dhîrâs,
tesâm sântih sâsvatï, netaresâm.
18. sarvâyanasirogrîvah, sarvabhûtaguhâsayah,
sarvavyâpî, sa bhagavân, tasmâd anyan na vidyate.

19. ity etad îsvarajnânam uktam vo, munipungavâh.


gopanïyam visesena, yoginàm api durlabham.

iti srîkùrmapuràrie, îsvaragïtâsu, navamo 'dhyàyah.


CHAPITRE IX 121

14. «Et moi, dont la demeure est l'univers, je suis cet être im-
pénétrable, dont le corps est invisible, qui possède la joie de l'absorp-
tion dans le brahman et qui est immortel. Ainsi disent les brahmanes
absorbés dans la contemplation du brahman, d'où l'on ne revient
plus lorsqu'on l'a atteint.
15. « Cet être qui, dans le ciel d'or dont l'éther suprême est l'es-
sence, apparaît comme une flamme, les sages, quand ils sont parve-
nus à la connaissance (parfaite), le voient resplendir, immaculé,
dans le ciel (ayant sa demeure dans le ciel).
16. «Alors les sages, percevant, en toute évidence, l'âtman (su-
prême) dans leur propre âtman, voient l'Être suprême. C'est le
Maître, le dieu suprême, supérieur, le bienheureux Seigneur, qui
possède la joie du brahman.
17. « C'est le dieu unique, qui se tient invisible (caché) dans tous
les êtres, le dieu qui pénètre tout l'univers, l'âtman intérieur (l'âme
intérieure) de tous les êtres. Les sages qui le considèrent comme le
dieu unique, obtiennent la paix éternelle, non pas les autres.
18. « C'est le Bienheureux, dont la tête et la nuque pénètrent
partout, le dieu qui gît caché dans le coeur de tous les êtres, le dieu
qui pénètre tout. Il n'y a rien d'autre que lui.
19. « Ainsi, ô excellents munis,je vous ai exposé cette science qui
fait connaître le Seigneur, science qu'il faut tout particulièrement
garder secrète et à laquelle même les yogins parviennent diffici-
lement.
CHAPITEE X

SOMMAIRE

Le Seigneur expose aux ascètes le rapport qui existe entre l'avyakta


(l'être non-manifesté) et le brahman (l'essence divine). L'avyakta, qui est
la cause essentielle du monde phénoménal et qui lui donne naissance lorsque
la mâyâ intervient comme cause efficiente, est néanmoins, en réalité, con-
naissance parfaite, en dehors du domaine des gunas ou facteurs quantitatifs
de la prakrti. Le brahman, qui, lui-même, est sans linga (sans marque carac-
téristique), est le linga de l'avyakta. Quand les sages ont détruit dans leur
coeur tous les désirs égoïstes et qu'ils se sont identifiés à l'avyakta, ils
voient le brahman, et ainsi ils voient le Seigneur. La connaissance d'où
procède le monde phénoménal est une connaissance obscurcie par l'ignorance.
Mais le brahman, l'âtman du Seigneur, est connaissance immaculée, pure,
parfaite.
Lorsque des hommes pieux considèrent que l'Être suprême peut être un
ou multiple, mais que, pleins de dévotion, il voient néanmoins que l'Etre
suprême, c'est le Seigneur, ils s'identifient au Seigneur, et ils jouissent alors
de cette joie suprême du Seigneur qui pénètre tout l'univers. Mais d'autres
sages jouissent de la joie suprême de l'être non-manifesté. C'est la déli-
vrance suprême; c'est l'union parfaite avec le Seigneur, avec le brahman;
c'est l'unité absolue. Il n'y a plus alors différentes lumières, telles que le
soleil, la lune et les étoiles; il n'y a plus alors ni éléments, ni souffle vital
(prâna), ni entendement (manas), ni intellect (buddhi), ni conscience; seul
le Seigneur, seul le dieu Siva, resplendit.
Telle est la doctrine qui a été proclamée dans tous les Vëdas. Le yogin
la comprendra. Mais il faut qu'il se retire dans un lieu solitaire, médite
et pratique sans cesse les exercices de la discipline ascétique.
Dans ce chapitre, comme dans le chapitre précédent, les expressions
employées par l'auteur sont souvent obscures, et je ne suis pas certain
d'avoir interprété exactement sa pensée.
124 L'ÏSVARAGÏTÂ

X
dasamo 'dhyâyah.

ïsvara uvâca :
1. alingam, ekam, avyaktalingam brahmeti niscitam;
svayamjyotih, param tattvam, pûrvam, vyomni vyavasthitam.

2. avyaktam, kâranam yat tad, aksaram paramam padam;


nirgunam, siddhivijnânam; tad vai pasyanti sûrayah.

3. tan nastasvântasamkalpâ, nityam tadbhâvabhâvitâh,


pasyanti tat param brahma, yat tallingam, iti srutih.

4. anyathâ na hi mâm drastum sakyam vai, munipungavâh;


na hi tad vidyate jnânam yena taj jnàyate param.

5. état tat paramam sthânam kevalam kavayo viduh.


ajfiânatimiram jnânam, yasmân màyàmayam jagat.

6. yaj jnânam nirmalam, suddham, nirvikalpam, niranjanam,


mamàtmâsau; tad evainam iti prâhur vipascitah.
CHAPITRE X 125

Le Seigneur dit:

1. «Il est avéré que le brahman (l'essence divine) est sans linga
(sans marque caractéristique) (indéfinissable), qu'il est unique, qu'il
est le linga (la marque caractéristique) de l'avyakta (de l'être non-
manifesté). Lumière brillant par elle-même, principe suprême et
premier, il est établi dans le ciel.

2. «L'avyakta (l'être non-manif esté), qui est la cause essentielle


(kârana) (du monde phénoménal), est la suprême demeure (le suprê-
me objet) indestructible ; sans qualités (en dehors du domaine des
gunas ou facteurs qualitatifs), il est connaissance parfaite. C 'est lui
que voient les sages.

3. « Ayant détruit (en eux-mêmes) les intentions égoïstes, s'étant


identifiés pour toujours à son existence (à l'existence de l'avyakta),
ils voient le brahman suprême, qui est son linga (qui est la marque
caractéristique de l'avyakta) : ainsi dit le texte sacré.

4. « Autrement il n'est pas possible de me voir, ô excellents


munis, car il n'y a point de science par laquelle on puisse connaître
l'être suprême.

5. « Les sages seuls connaissent cepoint de vue suprême. La con-


naissance d'où procède le monde fait de mâyâ (le monde de l'illusion,
le monde phénoménal) est une connaissance obscurcie par l'igno-
rance.

6. « Ce qui est connaissance immaculée, pure, exempte de doute,


limpide, c'est mon âtman. Les sages inspirés disent qu'il est cela
(qu'il est connaissance immaculée).
126 L'ISVARAGÏTÂ

7. ye 'py anekam prapasyanti tat param, paramam padam,


âsritâh paramam nisthâm, buddhvaikyam tattvam avyayam.

8. ye punah paramam tattvam ekam vânekam îsvaram,


bhaktâ, mâm samprapasyanti, vijneyâs te tadâtmakâh.

9. sâksâd devam prapasyanti svâtmânam, paramesvaram,


nityànandam, nirvikalpam, satyarûpam iti sthitih.

10. bhajante paramânandam sarvagam jagadâtmakam ;


svâtmany avasthitàh, sântâh, pare vyaktâparasya tu.

11. esâ vimuktih paramâ, marna sâyujyam uttamam.


nirvânam, brahmanâ caikyam, kaivalyam: kavayo viduh.

12. tasmâd anâdimadhyàntam vastv ekam, paramam, sivam;


sa ïsvaro mahâdevas; tam vijnâya, pramucyate.

13. na tatra sûryah pratibhâtîha candro,


naksatrânâm gano, nota vidyut;
tadbhâsitam hy akhilam bhâti visvam;
atïva bhâsam amalam tad vibhâti.

14. visvoditam, niskalam, nirvikalpam,


suddham, brhat, paramam, yad vibhâti;
atrântare brahmavido 'tha nityam
pasyanti tattvam acalam, yat sa ïsalj.
CHAPITRE X 127

7. « Ceux qui voient l'Etre suprême, l'objet suprême, non pas un,
mais multiple, parviennent au suprême point de vue (à la situation
suprême), quand ils ont compris l'unité, la réalité immuable.

8. «Mais ceux qui, pleins de dévotion, voient^que l'Être suprême,


un ou multiple, c'est le Seigneur, c'est moi, ceux-là doivent être con-
sidérés comme identiques à lui.

9. « Ils voient clairement que leur âtman est un dieu, le suprême


Seigneur, qui est joie éternelle, qui est connaissance exempte de
doute et dont l'apparence est vérité. Voilà ce qui est sûrement
établi.

10. « Ils jouissent de la joie suprême qui pénètre tout, qui est la
joie de l'univers. Etablis dans leur propre âtman, le coeur apaisé,
d'autres cependant jouissent (de la joie) de l'être qui est autre que
l'être manifesté (c'est-à-dire de la joie de l'être non-manifesté).

11. « Telle est la délivrance suprême, telle est l'union suprême


avec moi, le nirvana (l'extinction, la disparition de toutes les fausses
apparences de la vie transitoire), l'union avec le brahman, l'unité
absolue. Les sages le savent.

12. « Ainsi, il y a une substance infinie (sans commencement, ni


milieu, ni fin), unique, suprême, bonne (propice). Cette substance,
c'est le Seigneur Mahâdeva (éiva). Quand on le connaît, on obtient-
la délivrance.

13. « Alors ne brillent ni le soleil, ni la lune, ni la foule des


étoiles, ni l'éclair. Illuminé par lui (par le Seigneur), le Tout (l'uni-
vers) brille tout entier; il répand infiniment une lumière immaculée.

14. « Appelé « le Tout », mais indivisible, immuable, ce qui brille


(ainsi) est pur, grand, suprême. Et c'est en cela que ceux qui sont
versés dans les textes sacrés, voient perpétuellement le principe iné-
branlable qui est le Seigneur.
128 L'ÏSVARAGÏTÂ

15. nityânandam. amrtam, satyarûpam,


suddham vadanti purusam sarvavedâh.
prànân iti pranavenesitàram
dhyàyanti vedair iti niscitârthâh.

16. na bhûmir, âpo, na mano, na vahnih,


pràno, 'nilo, gaganam, nota buddbih,
na eetano, 'nyat param; âkâsamadhye
vibhâti devah siva eva kevalah.
17. ity etad uktani paramam rahasyam,
jnânam cedam sarvavedesu gïtam;
jânâti yogï, vijane 'tha dese
yunjîta yogam prayato hy ajasram.

iti srîkûrmapurâne, îsvaragîtâsu, dasamo 'dhyâyah.


CHAPITRE X 129

15. « Tous les Vedas proclament que le purusa (l'Esprit suprê-


me) est joie éternelle, qu'il est immortel, que son apparence est
vérité, qu'il est pur. Ceux qui sont arrivés à la certitude, méditent
sur les souffles vitaux en fixant leur pensée sur la sainte syllabe
« om » ; ils méditent sur le Seigneur, en la fixant sur les Vedas.

16. « Il n'y a ni terre, ni eau, ni entendement (manas), ni feu, ni


souffle vital (prâna), ni air, ni éther, ni intellect (buddhi), ni cons-
cience (cetana), ni autre chose supérieure. Dans l'espace, seul le
dieu éiva resplendit.
17. « Ainsi, je vous ai exposé le suprême secret; et cette science est
proclamée (chantée) dans tous les Vedas. Le yogin la connaît (la
comprend). Et c'est pourquoi il faut que, dans un lieu solitaire, les
sens domptés, il pratique sans cesse le yoga (les exercices de la dis-
cipline ascétique).
CHAPITRE XI

SOMMAIRE

Après avoir expliqué aux saints ascètes les doctrines métaphysiques qui
permettent au sage de comprendre l'âtman et le monde, le purusa et la
prakrti, l'origine et le déploiement de l'univers, l'Être suprême et ses
différents aspects, le Seigneur entreprend de leur exposer le yoga, c'est-à-
dire la discipline ascétique grâce à laquelle le sage peut voir l'âtman et
s'unir à l'Etre suprême.
Il y a deux sortes de yoga: le yoga abhâva et le înahâyoga. Par le yoga
abhâva, le yogin arrive à voir l'âtman dépourvu de toute fausse apparence.
Mais c'est par le mahàyoga qu'il obtient l'union avec le Seigneur.
Les différents éléments qui constituent le yoga sont: les yamas (les obser-
vances générales), les niyamas (les observances spéciales),_Tâsana (l'ensemble
des règles qui concernent la manière de s'asseoir pour méditer), le prânâ-
yâma (le contrôle de la respiration), le pratyâhâra (l'exercice qui consiste
à empêcher les sens de s'attacher aux objets extérieurs), la dhâranâ (la
concentration de la pensée), le dhyâna (la méditation), et le samâdhi (la
contemplation extatique).
Les cinq yamas sont: l'ahimsâ (la vertu qui consiste à ne faire aucun mal
aux êtres vivants), le satya (la sincérité), rasteya (la vertu qui consiste à
ne point voler), le brahmaearya (la chasteté) et l'aparigraha (la vertu qui
consiste à ne point accepter de richesses).
Les cinq niyamas sont: le tajDas (l'ascétisme), le |yâdhyâya (la récitation
des textes sacrés), le samtosa (la vertu qui consiste à se contenter de peu),
le sauça (la pureté) et l'îsvarapûjana (l'adoration du Seigneur).
Trois âsanas (trois positions assises) sont recommandées au yogin: le
padmâsana, le syastikâsana et l'ardhâsana.
Le prânâyâma (le contrôle de la respiration) est particulièrement impor-
tant. Il est appelé gagarbha. (fécond) et agarbha (stérile). Il semble que
le premier terme désigne le prânâyâma accompagné de la récitation men-
tale des formules mystiques, et que le second désigne le prânâyâma qui n'est
132 L'ÏSVARAGÏTÂ

appelé
pas accompagné de la récitation de ces formules. Le prânâyâma est
supérieur, moyen ou inférieur selon la durée de la rétention du souffie.
Après avoir, ensuite, défini et expliqué le pratyâhâra, la dhâranâ, le
dhyâna et le samâdhi, et après avoir insisté sur la nécessité de choisir un
lieu propice, quand on veut pratiquer le yoga, — le Seigneur décrit trois
différents procédés de méditation par lesquels le yogin atteint la contempla-
tion extatique et l'union avec l'Être suprême.
Tout cet exposé du yoga est assez clair, sauf quelques passages dont le
texte est peut-être corrompu.
Pour pratiquer le yoga avec succès, il faut que le yogin se soumette aux
prescriptions du vrata (du voeu religieux) et que par conséquent il possède
toutes les vertus que comporte le vrata, c'est-à-dire: la chasteté, l'ahimsâ,
la patience, la pureté, l'ascétisme, la maîtrise de soi, le samtosa (la vertu
qui consiste à se contenter de peu), la sincérité et la foi.
Pour arriver au but, il faut que le yogin ait l'appui du Seigneur. Il faut
donc qu'il l'adore et lui présente comme offrande le jnânayoga (la discipline
ascétique appliquée à la connaissance) ou le bhaktiyoga (la discipline ascé-
tique appliquée à la dévotion), c'est-à-dire le suprême renoncement.
Quelles sont les vertus que doit avoir le yogin pour obtenir la bienveillance
et la faveur du Seigneur? Il faut surtout que le yogin aime et adore le
Seigneur, qu'il soit le dévot du Seigneur. S'il aime le Seigneur, s'il cherche
son refuge en lui, s'il lui fait l'abandon du fruit de toutes ses actions, s'il
renonce à tout espoir terrestre et se dépouille de tout égoïme, ses actes
n'auront point pour effet de l'enchaîner dans le cycle des renaissances, mais
de détruire le cycle des renaissances, et il atteindra le séjour suprême. En
effet le Seigneur accorde la délivrance à ceux qui l'adorent sans cesse, et
sans cesse font effort dans la discipline ascétique.
Il y a des hommes pieux qui adorent d'autres divinités et leur offrent des
sacrifices dans l'espoir d'obtenir des jouissances dans des existences ultérieu-
res. Leurs joies seront limitées comme sont limitées l'existence et la puis-
sance de ces divinités périssables. C'est pourquoi il faut que le sage aban-
donne les autres dieux et cherche son refuge dans le Seigneur.
Il faut adorer le Seigneur sous la forme du linga (du phallus), qui est
son symbole. Pour ceux qui offrent des sacrifices, le linga, symbole du
Seigneur, se manifeste dans le feu sacré; pour les sages, dans l'eau, dans le
ciel ou dans le soleil; pour les ignorants, dans un morceau de bois
ou dans
quelque autre objet; mais, pour les yogins, le linga, symbole du Seigneur,
le linga, qui pénètre tout et qui est essentiellement connaissance,
se mani-
feste dans leur propre coeur.
Il est recommandé au dévot, s'il n'a pu obtenir la connaissance su-
CHAPITRE XI 133

prême par laquelle on échappe au cycle des renaissances, d'habiter Bé-


narès, car en cette ville sainte, à l'heure de la mort, le Seigneur accorde
cette connaissance suprême à tous les hommes, pourvu qu'ils aient accom-
pli fidèlement leurs devoirs.
Ayant terminé ainsi son exposé du yoga, Siva recommande à Visnu et
aux saints ascètes qui l'ont écouté attentivement, de confier à leurs pieux
disciples la science sacrée qu'il vient de leur révéler. Puis, s'adressant aux
ascètes, il proclame que Visnu, qui est assis à côté de lui, et lui-même,
Siva, ne sont en réalité qu'une seule et même divinité. Ceux qui consi-
dèrent que Visnu et Siva sont différents l'un de l'autre, n'obtiennent pas
la délivrance: ils renaissent sans cesse et vont dans les terribles enfers.
Mais ceux qui voient que Visnu, l'âtman de tous les êtres, et Siva, le su-
prême Seigneur, ne font qu'un, ceux-là ne renaissent point, ils sont
sauvés.
C'est pourquoi il faut adorer Visnu en le considérant comme identique
à Siva, et adorer Siva sans mépriser Visnu.
Ayant ainsi parlé, le Seigneur embrasse Visnu, et disparaît. Bientôt
après, Visnu disparaît aussi, et les saints ascètes regagnent leurs demeures.
Vyàsa, achevant son récit, raconte alors que ces saints ascètes, selon la
recommandation qui leur avait été faite, ont transmis le saint enseignement
du Seigneur à leurs disciples, et qu'ainsi, lui-même, il a appris du grand
yogin Vàmadeva cette science sacrée. Puis il engage Saunaka et les autres
munis assemblés autour de lui à implorer la protection du Seigneur et à
pratiquer, pour obtenir cette protection, le karmayoga, c'est-à-dire la dis-
cipline ascétique appliquée aux oeuvres.
L'auteur termine en vantant les mérites de l'ïsvaragïtâ, dont l'étude as-
sure au dévot le salut. Celui qui étudiera constamment ce dialogue de
Siva et des saints ascètes, sera délivré de tous ses péchés et atteindra le
séjour suprême.
134 L'ÎSVARAGÎTÂ

XI

ïsvara uvâca:
1. atah param pravaksyàmi yoyam paramadurlabham,
yenâtinânam prapasyanti bhànumantam ivesvaram.

2. yogâgnir dahate ksipram asesam pâpapanjaram :


prasannam jâyate jnânam sâksàn nirvânasiddhidam.

3. yogàt samjàyate jnânam; jnânâd yogah pravartate;


yogajfiânâbhij'uktasya prasïdati mahesvarah.

4. ekakàlam, dvikàlam va, trikâlam, nityam eva ca


ye yunjanti mahàyoyam, te vijnej^à mahesvarah.

5. yogas tu dvividho jfiej^o hy : abhàvah prathamo matah,


aparas tu mahâyogah sarvayogottamottamah.

6. sûnyam, sarvaniràbhâsam, svarûpain yatra cintyate,


abhâvayogah sa prokto, yenâtmànam prapasyati.

7. yatra pasyati câtmànam nityânandam, niranjanam,


mayaikyam, sa maya yogo bhâsitah paramah svayam.
CHAPITRE XI 135

XI

Le Seigneur dit:
1. « Je vais maintenant vous exposer le yoga, extrêmement diffi-
cile à atteindre, par lequel les yogins se voient eux-mêmes (voient
leur âtman) comme le Seigneur resplendissant.
2. « Le feu du yoga brûle rapidement et complètement la cage
qu'est le péché; et ainsi naît une connaissance claire, qui immédiate-
ment réalise le nirvana (c'est-à-dire l'extinction, la disparition, de
toutes les fausses apparences de la vie transitoire).
3. « Du yoga naît la connaissance ; de la connaissance naît le yoga.
Le Seigneur (Mahesvara, Siva) accorde sa bienveillance à l'homme
qui s'attache (qui s'applique) au yoga et à la connaissance.

4. « Ceux qui pratiquent avec succès le mahàyoga (le grand yoga)


une seule fois, ou deux fois, trois fois et toujours, doivent être consi-
dérés comme des mahesvaras (comme s'étant identifiés à Mahesvara-
Siva).
5. « Mais il faut savoir qu'il y a deux sortes de yoga. Le premier
est appelé « abhâva » (non-existence, absence, nullité, négation).
Mais l'autre, le mahàyoga (le grand yoga) est le meilleur de tous les
yogas.
6. «On appelle yoga « abhâva » celui par lequel le yogin voit l'ât-
man (le Soi), en considérant sa nature propre comme étant vide et
dépourvue de toute (fausse) apparence.

7. « Et le yoga par lequel il voit que l'âtman immaculé est joie


éternelle, et qu'il est identique au Seigneur (qu'il ne fait qu'un
avec moi), ce yoga, je l'ai appelé moi-même le yoga suprême.
136 L'ÏSVARAGÎTÂ

8. ye cânye yoginàm yogàh srûyante granthavistare,


sarve te brahmayogasya kalâm nârhanti sodasïm.

9. yatra sàksàt prapasyanti vimuktâ visvam ïsvaram,


sarvesàm eva yogànàm sa yogah paramo matah.

10. sahasraso 'tha bahuso ye cesvarabahiskrtâh,


na te pasyanti mâm ekam yogino yatamânasâh.

11. prânâyâmas, tathâ dhyànam, pratyàhâro, 'tha dhâranâ,


samàdhis ca, munisresthà, yamas ca, niyamâsane,

12. mayyekaeittata yogah pratyantaraniyogatah;


tatsàdhanàni cànyàni yusmàkam kathitàni tu.

13. ahimsâ, satyam, asteyam, brahmacaryâparigrahau,


yamàh samksepatah proktâs, cittasuddhipradâ nrnâm.

14. karmanâ, manasâ, vâcâ, sarvabhûtesu sarvada


aklesajananam proktà tv ahimsâ paramarsibhih.

15. ahimsâyâh paro dharmo, nâsty ahimsâparam sukham.


vidhinâ yâ bhaved dhimsâ tv ahimsaiva prakirtitâ.
CHAPITRE XI 137

8. « Et tous les autres yogas des yogins, tous les autres yogas
dont on parle dans la multitude des traités, ne valent pas la seiziè-
me partie du yoga qui a pour objet le brahman (l'essence divine).

9. « Le yoga par lequel les yogins délivrés voient immédiatement


que le Seigneur est tout, ce yoga est considéré comme le yoga su-
prême parmi tous les yogas.

10. «Mais mille fois et bien des fois encore, s'ils sont repoussés
par le Seigneur, les yogins qui ont dompté leur pensée, ne voient pas
que je suis l'être unique.
11. « Le prânâyâma (le contrôle de la respiration), le dhyàna (la
méditation), le pratyâhâra (l'exercice qui consiste à empêcher les
sens de s'attacher aux objets extérieurs), la dhâranâ (la concentra-
tion de la pensée) et le samâdhi (la contemplation extatique), ô ex-
cellents munis, ainsi que le yama (les observances générales), le
niyama (les observances spéciales), l'âsana (les règles qui concernent
la manière de s'asseoir pour méditer), —

12. « et lefait de fixer sa pensée sur moi constituent le yoga con-


formément aux instructions qui vont suivre; et les autres moyens
qui servent à y parvenir, vous ont été exposés.

13. «L'ahimsâ (la vertu qui consite à ne point faire de mal aux
êtres vivants), le satya (la sincérité), l'asteya (la vertu qui consiste
à ne point voler), le brahmacarya (la chasteté), l'aparigraha (la
vertu qui consiste à ne point accepter de richesses) : telles sont, en
résumé, les observances appelées yamas (observances générales), qui
procurent aux hommes la pureté de la pensée.
14. « Les suprêmes rsis ont appelé ahimsâ la vertu qui consiste à
ne jamais causer aucune peine à aucun être vivant soit par l'action,
soit par la pensée, soit par la parole.

n'y a point de vertu supérieure à l'ahimsâ. Il n'y a point


15. « Il
de bonheur supérieur à l'ahimsâ. Mais (il faut noter que) la himsà
(la cruauté) imposée par les prescriptions du rituel est appelée (est
considérée comme) ahimsâ.
138 L'ÏSVARAGÏTÂ

16. satyena sarvam âpnoti, satye sarvam pratisthitam.


yathàrthakathanâcàrah satyam proktam dvijâtibhil.i.

17. paradravyâpaharanam cauryâd, atha balena va,


steyam; tasyànàcaranàd asteyam dharmasâdhanam.

18. karmanà, manasâ, vâcâ, sarvâvasthâsu, sarvadà,


sarvatra, maithunatyâgam brahmacaryam pracaksate.

19. dravyânâm apy anâdânam, âpady api tathecehayâ,


aparigraham ity âhus ; tam prayatnena pàlayet.

20. tapah, svàdhj^àyasamtosau, saucam, ïsvarapûjanam,


samâsân niyamàh proktâ, yogasiddhipradâyinah.

21. upavàsaparàkàdikrcehraeândrâyanâdibhih
sarîrasosanam prâhus tâpasâs tapa uttamam.

22. vedântasatarudrîyapranavâdijapam budhàh,


sattvasiddhikaram pumsâm, svâdhyàyam parieaksate.

23. svàdhyâyasya trayo bhedâ : vàeikopâmsumânasâh


;
uttarottaravaisistjram prâhur vedârthavedinah.
CHAPITRE XI 139

16. « Par le satya (la sincérité, la vérité), on obtient tout. Tout


est fondé (établi) sur le satya (la sincérité, la vérité). Les brahmanes
ont appelé satya la vertu qui consiste à parler toujours conformé-
ment à ce qui est (vrai).
17. « S'emparer du bien d'autrui par larcin ou par violence, c'est
voler (steya). Ne point faire cela, c'est pratiquer l'asteya, vertu
essentielle à l'accomplissement du devoir.
18. « On appelle brahmacarya (chasteté) le renoncement à toute
union sexuelle soit en action, soit en pensée, soit en parole, en toutes
circonstances, toujours et partout.
19. « On appelle aparigraha la vertu qui consiste à ne pas accep-
ter de richesses, et cela volontairement, même lorsqu'on est dans la
misère. Il faut la garder avec soin.
20. «Le tapas (l'ascétisme), le svâdhyâya (la récitation des textes
sacrés), le samtosa (la vertu qui consiste à se contenter du peu), le
sauça (la pureté), et l'ïsvarapûjana (l'adoration du Seigneur) : telles
sont, en résumé, les observances appelées niyamas (observances spé-
ciales), qui proeurent la perfection du yoga.
K.vUi,-, ..,. .., . . ;,.. ...,.,.,,. -7w,':?Tf7*nnm;i;'.f:!<'''(
21. « Les ascètes disent que le tapas (l'ascétisme) suprême con-
siste à dessécher le corps par des jeûnes tels que le paràka (jeûne
prolongé pendant douze jours et douze nuits), et par des mortifi-
cations telles que le càndrâyana (la diète réglée d'après les phases
de la lune).

22. « Les sages appellent « svâdhyâya » la récitation des Upanisads,


de la prière adressée à Rudra aux cent aspects (satarudrîya V. S.,
=
XVI, 1-66), de la sainte syllabe « om », et d'autres paroles sacrées,
— récitation qui produit, dans les âmes, la fermeté et la félicité (ou
bien: la perfection du Sattva, c'est-à-dire de la bonté).
23. « Il y a trois sortes de svâdhyâya : le svâdhyâya audible (vâci-
ka), le svâdhyâya inaudible (upâmsu) et le svâdhyâya mental (mâna-
sa). Ceux qui connaissent le sens du Veda, ont exposé la supériorité
progressive de l'un sur l'autre (la supériorité du deuxième sur le
premier et du troisième sur le deuxième).
140 L'ÎSVARAGÎTÂ

24. yah sabdabodhajananah paresàm srnvatâm sphutam,


svâdhyâyo vâcikah prokta. upàmsor atha laksanam :

25. osthayoh spandamàtrena parasyâsabdabodhakam,


upâmsur esa nirdistah. sâdhv asau vàcikàj japât.

26. yat padâksarasamgatyâ parispandanavarjitam


eintanam sarvasabdânâm, mânasam taj japam viduh.

27. yadrcchâlâbhato vittam alam pumso bhaved iti


pràsastyam rsayah prâhuh samtosam, sukhalaksanam.

28. bâhyam, àbhyantaram saucam dvidhâ proktam, dvijottamâh:


mrjjalâbhyâm smrtam bâhyam, manahsuddhir athântaram.

29. stutismaranapûjâbhir vânmanahkâyakarmabhih


suniscalâ sivé bhaktir, etad ïsasya pûjanam.

30. yamâs ca niyamàh proktâh. prànâyamam nibodhata:


prânah svadehajo vàyur; âyàmas tannirodhanam.

31. uttamâdhamamadhyatvàt tridhâyam pratipâditah ;


ya eva dvividhah proktah : sagarbho 'garbha eva ca.
CHAPITRE XI 141

24. « On appelle svâdhyâya audible celui qui produit clairement


chez les autres personnes, quand elles écoutent, la perception des
mots (des sons).
« Voici maintenant ce qui caractérise le svâdhyâya inaudible :

25. « c'est qu'accompagné seulement du mouvement des lèvres, il


ne produit pas chez les autres la perception des mots (des sons).
Telle est la définition du svâdhyâya inaudible. Il est préférable au
svâdhyâya audible.
26. « On appelle récitation mentale celle qui consiste à penser à
tous les mots (de la prière) sans remuer (les lèvres), tandis que l'on
unit (en pensée) les syllabes et les padas (les vers, les quarts de
stance).
27. « Les rsis ont appelé samtosa — vertu qui a pour marque carac-
téristique le bonheur — la vertu excellente qui consiste à penser que
ce que le hasard a donné à l'homme (ce que l'homme possède du fait
d'une acquisition fortuite) doit lui suffire.
28. « La pureté (sauça) est dite de deux sortes : pureté extérieure
et pureté intérieure, ô excellents brahmanes. On appelle pureté exté-
rieure celle que l'on obtient par l'usage de l'argile et de l'eau; et
l'on appelle pureté intérieure la pureté du coeur.
29. «L'adoration du Seigneur consiste à adorer constamment le
dieu Siva en lui adressant des chants de louange et de pieuses pensées,
et en accomplissant pour lui des actes de dévotion, c'est-à-dire à
l'adorer par la parole, par la pensée et par l'action.
30. « Les yamas (les observances générales) et les niyamas (les ob-
servances spéciales) vous ont été expliqués. Apprenez ce que c'est que
le prânâyâma (la discipline de la respiration). Le prâna (le souffle
vital) est le souffle né du corps. Le prânâyâma consiste à retenir ce
souffle.

31. « Le prânâyâma est désigné de trois manières différentes selon


qu'il est supérieur, inférieur ou moyen.
« Et il est dit de deux sortes : sagarbha (avec germe, fécond)
et agarbha (sans germe, stérile).
142 L'ÎSVARAGÎTÂ

32. niàtrâdvàdasako mandas, eaturvimsatimâtrakah


madhyamah prànasamrodhah, sattrimsanmàtriko 'ntakah.

33. yah svedakampanoeehvasajanakatvam yathàkramam,


samyogas ca, manusyânàm ânandàe cottamottamah,

34. sunaphàkhyam hi tam yogam, sagarbhavijayam, budhâh


etad vai yoginâm prâhuli prânàyâmasya laksanam.

35. savyàhrtim sapranavàm gàyatrîm sirasà saha


trir japed àyataprânah, prânâyàmo 'tha nâmatah.

36. reeakah pûrakas caiva prânayâmo 'tha kumbhakah


procyate sarvasâstresu j^ogibhir yatamànasaih.

37. recako bàhyanisvàsah ; pûrakas tannirodhanah ;


sâmyena samsthitir yâ, sa kumbhakah parigîyate.

38. indriyânâm viearatâm visayesu svabhâvatah


nigrahah procyate sadbhih pratyâhàras tu, sattamâh.

39. hrtpundarîke, nàbhyàm va, mûrdhni, parvasu, mastake,


evamàdisu desesu dhâranâ cittabandhanam.

40. desâvasthitim âlambya, ûrdhvam yâ vrttisamtatili,


pratyantarair asrstâ yâ, tad dhyânam sûrayo viduli.
CHAPITRE XI 143

32. « La faible rétention du souffle est de douze màtrâs (de douze


instants) ; la rétention moyenne est de vingt-quatre màtrâs ; la der-
nière (la rétention supérieure) est de trente-six màtrâs.
33. « Ce yoga (cette discipline ascétique) qui produit successive-
ment la transpiration, le tremblement et la cessation de la respiration,
— qui est union (samyoga) (avec le Seigneur) et qui est très supérieur
à la joie des hommes, —

34. « ce yoga (cette discipline ascétique) qui est appelé sunaphâ


(=avvacpr\), et qui est la victoire du sagarbha (la victoire obtenue
par le prânâyâma fécond), — les sages ont déclaré que c'était là
la marque caractéristique du prânâyâma des yogins.

35. « Quand, retenant son souffle, le yogin récite (mentalement)


trois fois, avec les vyàhrtis (c'est-à-dire avec les noms mystiques des
mondes) et avec la sainte syllabe « om », la gâyatri (la stance sacrée :
R. V., III, 62, 10), accompagnée du siras (c'est-à-dire de la formule:
« âpo jyotï raso 'mrtam » : Taittirîya
Âranyaka X, 28, 1 ; X, 15, 1),
— alors il y a vraiment prânâyâma.
36. « Dans tous les traités, le prânâyâma est appelé « recaka »,
« pûraka » et « kumbhaka » par les yogins qui ont dompté leur pensée.

37. « Le recaka est le souffle qui se dirige vers le dehors ; le pûraka


est le souffle qui le retient. On appelle kumbhaka l'arrêt produit par
l'équilibre (du recaka et du pûraka).

fait de maîtriser les sens, qui, par nature, dirigent de


38. « Le
toutes parts leur activité sensorielle vers les objets extérieurs, est
appelé pratyâhâra par les sages, ô très sages brahmanes.

39. « Ladhâranâ (la concentration) consiste à fixer sa pensée sur


le lotus du coeur, ou sur le nombril, sur la tête, sur les membres (sur
un des membres), sur le crâne, ou en quelque autre endroit (du corps).
40. Les sages appellent dhyâna (méditation) la continuation de
l'activité de la pensée qui, lorsqu'elle s'est fixée en un endroit (du
corps), ne se laisse pas détacher (distraire) par les objets à proximité.
144 L'ÎSVARAGÎTÂ

41. ekâkàrah samâdhih syàd, desalambaiiavarjitah;


pratyayo hy arthamàtrena: yogasâsanam uttamam.

42. dhâranâ dvâdasàyâmâ, dhyànam dvâdasa dhâranàh;


dhyànam dvâdasakam yàvat samàdhir abhidhîyate.

43. àsanam svastikam proktam, padmam, ardhâsanam tathâ;


sàdhanânàm ca sarvesàm état sàdhanam uttamam.

44. ûrvor upari, viprendrâh, krtvâ pàdatale nbhe,


samàsïnàtmanah padmam etad àsanam uttamam.

45. ubhe krtvâ pàdatale jânûrvor antarena hi,


samàsïnàtmanah proktam àsanam svastikam param.

46. ekam pàdam athaikasmin vistabhyorasi, sattamâh,


âsïnàrdhàsanam idam j'ogasâdhanam uttemam.

47. adesakâle yogasya darsanam hi na vidyate.


agnyabhj^àse, jale vâpi, suskaparnacaye tathâ,
CHAPITRE XI 145

41. « Ilfaut que le samâdhi (la contemplation extatique) n'ait


qu'un seul aspect (l'aspect de l'objet suprême de la contemplation)
et soit indépendant de l'endroit (du corps) (sur lequel la pensée s'est
d'abord fixée). En effet, la certitude (est produite) uniquement par
l'objet (réel) (de la contemplation) (et non par ce qui a servi d'abord
à fixer la pensée) : c 'est là le suprême commandement du yoga (de la
discipline ascétique).
42. « Douze prânâyàmas constituent la dhâranâ (la concentration) ;
douze dhàranâs constituent le dhyàna (la méditation). On dit que
le samâdhi (la contemplation extatique) équivaut à douze dhyànas
( : on appelle samâdhi ce que l'on atteint quand on atteint le douzième
dhyàna).
43. «L'âsana (la manière de s'asseoir pour méditer) est appelé
« svastika », « padma » et « ardhâsana ». Et de tous les moyens auxi-
liaires pour arriver au but, ce moyen est le plus important.

44. « L'excellent âsana appelé « padma » (lotus), ô excellents brah-


manes, consiste à s'asseoir en plaçant les plantes des pieds au-dessus
des cuisses (la plante du pied droit au-dessus de la cuisse gauche,
la plante du pied gauche au-dessus de la cuisse droite).
45. « L'excellent âsana appelé « svastika » (monogramme mystique
de bon augure) consiste à s'asseoir en plaçant les plantes des pieds
dans l'espace formé par les cuisses et les genoux (la plante du pied
droit entre la cuisse gauche et le mollet gauche, la plante du pied
gauche entre la cuisse droite et la mollet droit).
46. « L'ardhâsana (le demi âsana), ô excellents brahmanes, consiste
à s'asseoir en appuyant un des pieds contre un des seins (le pied droit
contre le sein gauche ou le pied gauche contre le sein droit) : c'est un
excellent moyen à employer pour arriver au but que se proprose le
yoga.
47. « La perception de l'objet du yoga (le succès du yoga) n'est pas
possible si le lieu et le temps ne conviennent pas.
«A proximité d'un feu, ou dans l'eau, ou sur un tas de feuilles
sèches;
10
146 L'ÎSVARAGÏTÂ

48. jantuvyàpte, émasâne ca, jïrnagosthe, catuspathe,


sasabde samcaye vâpi, caityavalmïkasamcaye,

49. asubhe, durjanâkrânte, masakâdisamanvite,


nàcared, dehabâdhe va, daurmanasyàdisambhave.

50. sugupte, susubhe dese, guhâyâm parvatasya ca,


nadyàs tire, punyadese, devatàyatane tathâ,

jantuvarjite,
51. grhe va, susubhe dese, nirjane,
yunjïta yogam satatam àtmànam tatparàyanah.

52. namaskrtyâtha yogïndràn, chisyàms caiva, vinâyakam,


gurum caiva ca mâm, yogï yunjïta susamàhitah,

53. àsanam svastikam baddhvà, padmam, ardham athàpi va,


nâsikâgre samâm drstim ïsadunmïliteksanah
54. krtvâtha nirbhayah, sàntas, tyaktvà màyâmayam jagat,
svàtmany avasthitam devam cintayet paramesvaram.

55. sikhâgre dvàdasângulye kalpayitvàtha pankajam,


dharmakandasamudbhùtam, jnànanàlam, susobhanam,

56. aisvaryàstadalam, svetani, param, vairàgyakarnikam,


cintayet paramam kosam karnikàyâm hiranmaj'-am,
CHAPITRE XI 147
48. « en un lieu plein de vermine, dans un cimetière, dans une
vieille étable en ruine, à un carrefour ou au milieu d'une foule bruy-
ante ; dans un lieu plein de monuments funéraires ou de fourmilières ;

49. « en un lieu désagréable (de mauvais augure) ou fréquenté par


de mauvaises gens; en un lieu où il y a des moustiques et d'autres
insectes du même genre, ou en un lieu où le corps peut être incom-
modé; en un lieu qui cause la mélancolie ou d'autres mauvaises dis-
positions, (en de tels lieux) il ne faut pas que le yogin pratique ses
exercices de discipline ascétique.

50. « C'est dans un endroit bien caché et beau, dans la grotte d'une
montagne, au bord d'un fleuve, en un lieu sacré, dans un temple,

51. « ou dans une maison, dans un bel endroit désert et sans ver-
mine, qu'il faut que le yogin s'applique assidûment au yoga (aux
exercices de la discipline ascétique), s'y consacrant entièrement.

52. « Ayant rendu hommage aux rois des yogins et à leurs disci-
ples, au dieu Ganesa, et à son maître, à moi-même (le suprême Sei-
gneur) — que le yogin pratique le yoga (la discipline ascétique) dans
,
le plus grand recueillement.

53-54. « S'étant assis en prenant la position svastika-àsana, ou la


position padma-àsana, ou la position ardha-àsana, que, les yeux mi-
clos, il fixe son regard sur la pointe de son nez, et que, sans crainte,
impassible (tranquille), quittant le monde de la mâyâ, il pense au
dieu qui réside en lui, au suprême Seigneur.

55. Qu'ensuite, il imagine, à l'extrémité de la touffe de cheveux


«
qu'il a au sommet du crâne, à la distance de douze angulas (12 pou-
ces), un lotus splendide, ayant le dharma (la vertu) comme racine et
la connaissance comme tige,

56. « un lotus blanc, dont les huit pétales sont les huit pouvoirs
surhumains, le lotus suprême dont le réceptacle est l'impassibilité (le
renoncement) ; — et qu'il fixe sa pensée sur le suprême fruit d'or qui
se trouve dans le réceptacle,
148 L'ÏSVARAGÏTÂ

57. sarvasaktimayam sàksâd, yam pràhur divam avyayam,


omkâravàcyam, avyaktam, rasmijvàlâsamàkulam.
cintayet tatra vimalam param jyotir, yad aksaram.

58. tasmin jyotisi vinyasya svànandam, marna bhedatah,


dhyâyîta kosamadhyastham ïsam, paramakàranam.

59. tad âtmâ sarvago bhùtvâ, na kirn cid api cintayet.


etad guhyatamam jnânam. dhyânântaram athocyate.

60. cintayitvà tu pùrvoktam hrdaye padmam uttamam,


àtmànam atha kàntâram, tatrànalasamatvisam
61. madhye vahnisikhâkâram purusam pancavimsakam,
cintayet paramàtmânam tanmadhye gaganam param.

62. omkârabodhitam tattvam sâsvatam sivam ueyate.


avyaktam, prakrtau lïnam, param jyotir anuttamam.

63. tadantah paramam tattvam àtmàdhâram niranjanam


dhyâyîta tanmayo nityam ekarûpam mahesvaram.

64. visodhya sarvatattvâni pranavenàthavà punah


samsthâpyam api càtmânam nirmale parame pade,

65. pâvayitvàtmano deham tenaiva jnânavàrinà,


madàtmâ, manmanâ, bhasma grhïtvà tv àgnihotrikam,
CHAPITRE XI 149
57. « sur le suprême fruit d'or qui, visiblement, est fait de toutes
les énergies divines, qui est appelé le ciel immuable, qui a pour ex-
pression la sainte syllabe « om », qui est l'irrévélé (le non-manifesté),
et qui est resplendissant de rayons et de flammes. Que là (dans ce su-
prême fruit d'or), il fixe sa pensée sur la suprême lumière immacu-
lée, qui est impérissable.

58. « Mettant sa joie dans cette lumière, parce qu'il est encore
séparé de moi, — qu'il médite sur le Seigneur, cause suprême,
qui se trouve au milieu du fruit d'or.
59. « Et alors, étant devenu l'âtman qui pénètre tout (s'étant iden-
tifié avec l'âtman qui pénètre tout), qu'il ne pense plus à rien.
« C'est là une science très secrète. Et voici maintenant un autre
procédé de méditation:
60-61. « Après s'être représenté dans son coeur le lotus suprême
que j'ai décrit (décrit précédemment), que le yogin se représente son
âtman comme une grande forêt, qu'au milieu de cette forêt, il se
représente l'Esprit (purusa), le vingt-cinquième principe, comme
ayant l'éclat du feu, comme ayant l'apparence d'une flamme, et qu'au
milieu, il se représente l'âtman suprême, (comme) le ciel suprême.

62. «Le principe dont l'expression est la sainte syllabe « om »


est appelé l'éternel propice (sivam). C'est l'être irrévélé (non-mani-
festé), plongé dans la prakrti (dans la Nature primordiale) ; c'est la
suprême lumière.
63. « Qu'au dedans de cela (dans cette lumière), le yogin médite
sur le principe suprême, sur le principe immaculé qui supporte l'ât-
man, — qu'identifié à lui (fait de lui), il médite sur le Seigneur éter-
nel, n'ayant qu'une seule et unique forme.
64. « Ou bien, après avoir purifié (dans sa pensée) tous les prin-
cipes (du sàmkhya), en méditant sur la sainte syllabe « om » (par la
sainte syllabe «om»), et après avoir purifié (ainsi) également son
âtman dans le but de l'établir dans le suprême séjour immaculé, —
65-66. « après avoir (aussi) purifié son corps par cette eau lustrale
de la connaissance, — après avoir eu soin, en s'identifiant à moi, en
150 L'ÏSVARAGÏTÂ

66. tenoddhûlitasarvàngam agniràdityamantratah,


cintayet svâtmanïsànam param jyotih svarûpinam.

67. esa pâsupato yogah pasupàsavimuktaye.


sarvavedàntamàrgo 'yam aty âsramam iti srutih.

68. état parataram guhyam matsayujyapradâyakam


dvijàtînàm tu kathitam bhaktànâm brahmacàrinàm.

69. brahmacaryam, ahimsâ ca, ksamà, saucam, tapo, damah,


samtosah, satyam, âstikyam: vratàngâni visesatah.

70. ekenâpy atha hînena vratam asj^a tu lupyate ;


tasmâd âtmagunopeto madvratam vodhum arhati.

71. vîtarâgabhayakrodhà manmayà mâm ûpasritàh,


bahavo 'nena yogena pûtà madbhàvayogatah.

72. ye yathà mâm prapadj^ante, tains tathaiva bhajâmy aham;


jnànayogena mâm tasmâd yajeta paramesvaram.

73. atha va bhaktiyogena, vairàgyena


parena tu,
cetasà bodhayuktena pùjaj^en mâm sadà sueih.
CHAPITRE XI 151

pensant à moi, de prendre de la cendre de l'agnihotra (sacrifice à


Agni) et d'en saupoudrer tous ses membres en récitant la formule
sacrée « agnir àditya », — il faut que le yogin fixe sa pensée, dans
son propre âtman, sur le Seigneur, lumière suprême, apparaissant
sous sa forme véritable.
67. « Ce yoga (cette discipline ascétique) (appelé) pàsupata a pour
but de délivrer l'âme (la bête du troupeau) (pasu) du lacet qui l'en-
chaîne. Ce chemin, enseigné par toutes les Upanisads, est supérieur,
dit le texte sacré, aux quatre àsramas.
68. Cette science secrète supérieure, qui procure à l'âme l'union
avec moi, est enseignée à ceux des deux-fois-nés (brahmanes, ksatri-
yas et vaisyas) qui sont chastes et dévots.
69. « Le brahmacarya (la vertu du brahmaeârin qui consiste sur-
tout à étudier le Veda et à observer la chasteté), l'ahimsâ (la vertu
qui consiste à ne faire de mal à aucun être vivant), la patience, la
pureté, l'ascétisme, la maîtrise de soi, le samtosa (la vertu qui con-
siste à se contenter de peu), la sincérité, la foi : tels sont les différents
angas (les différents éléments) du voeu religieux.
70. « Et si un seul de ces éléments vient à manquer, le voeu reli-
gieux du yogin est violé. C 'est pourquoi il faut que le yogin qui se sou-
met au voeu religieux pour moi, soit doué des qualités de l'âme.
71. « Sans désir, sans crainte et sans colère, pleins de moi, se con-
fiant à moi (s'appuyant sur moi), beaucoup ont été purifiés par ce
yoga (par cette discipline ascétique), en conséquence de leur union
avec mon essence.
72.«J'aime ceux qui m'implorent, et je les aime comme ils
m'implorent. C'est pourquoi il faut que l'on m'adore, moi le suprême
Seigneur, en me présentant comme offrande le jnânayoga (la disci-
pline ascétique appliquée à la connaissance).
73. « Ou bien il faut que, le coeur pur, l'esprit conscient (éveillé),
on m'adore sans cesse, en me présentant comme offrande le bhakti-
yoga (la discipline ascétique appliquée à la dévotion), le suprême
renoncement.
152 L'ÎSVARAGÏTÂ

74. sarvakarmâni samnyasya, bhiksâsï nisparigrahah,


prâpnoti marna sâyujyam. guhyam etan mayoditam.

75. advestà sarvabhûtànâni, maitrïkarana eva ca,


nirmamo, nirahamkâro, yo madbhaktah, sa me priyah.

76. samtustah satatam yogï, yatâtmâ, drdhaniscayah,


mayyarpitamanobuddhir, yo madbhaktah, sa me priyah.

77. yasmân nodvijate loko, lokàn nodvijate ca yah,


harsâmarsabhayodvegair mukto yah, sa hi me priyah.

78. anapeksah, sucir, daksa, udàsïno, gatavjrathah,


sarvàrambhaparityàgï, bhaktimàn yah, sa me priyah.

79. tulyanindâstutir, maunï, samtusto yena kenacit,


aniketah, sthiramatir, madbhakto mâm upaisyati.

80. sarvakarmàny api sadâ kurvàno matparâyanah,


matprasâdàd avàpnoti sâsvatam paramam padam.

81. cetasà sarvakarmâni mayi samnyasya, matparah,


nirâsï, nirmamo bhûtvà, mâm ekam saranam vrajet.

82. tyaktvâ karmaphalàsangam, nityatrpto, niràsrayah,


karmany api pravrtto 'pi naiva tena nibadhyate.
CHAPITRE XI 153
74. « C 'est en renonçant à toutes les oeuvres (au fruit de tous les
oeuvres) que, ne vivant que d'aumônes, ne possédant rien, on obtient
l'union avec moi. Tel est le secret que j'ai révélé.
75. « Celui qui n'a d'aversion pour aucun être et qui agit avec
bienveillance envers tous, celui qui est désintéressé, sans égoïsme,
celui qui m'aime (celui qui est mon dévot), — celui-là m'est cher.

76. «Le yogin qui est toujours satisfait de ce qu'il a, qui s'est
dompté et dont la résolution est ferme, celui dont le coeur et l'intelli-
gence se sont attachés à moi, celui qui m'aime, — celui-là m'est cher.
77. « Celui que le monde ne craint pas et qui ne craint pas le
monde, celui qui est sans concupiscence, sans impatience, sans peur
et sans frayeur, — celui-là m'est cher.
78. « Celui qui est désintéressé, honnête (pur), intelligent, indiffé-
rent aux choses d'ici-bas, sans alarme, celui qui renonce à toute en-
treprise mondaine, celui qui m'aime, — celui-là m'est cher.

79. « Celui qui est indifférent au blâme et à la louange, silencieux,


satisfait de quoi que ce soit, celui qui est sans maison, mais qui a
l'esprit ferme, celui qui m'aime arrivera à moi.
80. « Accomplissant, toujours, toutes ses actions en pensant à moi
(en me considérant comme le but suprême), par ma grâce, il obtient
le suprême séjour éternel.

81. «Me faisant, en pensée, l'abandon (du fruit) de toutes ses ac-
tions, tout occupé de moi (me considérant comme le but suprême),
ayant renoncé à tout espoir (terrestre) et à tout égoïsme, — qu'il
cherche son refuge uniquement en moi.

82. « S'étant dépouillé de tout attachement au fruit de ses oeuvres


(ayant renoncé aux récompenses que ses bonnes oeuvres pourraient
lui procurer dans des existences ultérieures), toujours satisfait de ce
qu'il a, sans appui (terrestre), quand il s'engage dans une action, il
n'est pas enchaîné par elle (cette action n'a pas pour effet de l'enchaî-
ner dans le cycle des transmigrations).
154 L'ÎSVARAGÎTA

83. nirâsï, yatacittâtmâ, tyaktasarvaparigrahah,


sârîram kevalam karma kurvann, âpnoti tad padam.

84. yadrcchâlàbhatrptasya dvandvatïtasya caiva hi


kurvato matprasâdàrtham karma samsâranâsanam.

85. manmanà, mannamaskàro, madyâjï, matparâyanah,


mâm upaisyati yogïso, jnàtvà mâm paramesvaram.

86. mâm evàhuh param jyotir. bodhayantah parasparam,


kathayantas ca mâm nityam, marna sâyujyam àpnuyuh.

87. evam nityàbhiyuktànàm màyeyam karma sâttvagam;


nàsayàmi tamah krtsnam jnânadïpena bhâsvatâ.

88. madbuddhayo mâm satatam pûjajrantïha ye janâh,


tesàm nitj'àbhiyuktânâm yogaksemam vahâmy aham.

89. ye eànye bhogakarmârthâ yajante hy anyadevatâh,


tesàm tadantam vijneyam devatânugatam phalam.
CHAPITRE XI 155
83. « Ayant renoncé à tout espoir (terrestre), ayant dompté sa pen-
sée et son âtman (son moi), ayant renoncé à toute entreprise inté-
ressée ( à toute possession), n'accomplissant que les actes nécessaires
à la vie du corps (les actes auxquels l'esprit ne s'intéresse point),
il atteint le séjour suprême.
84. « L'acte de celui qui,satisfait de ce que le hasard lui a accordé,
indifférent aux sensations opposées (telles que le froid et la chaleur,
le plaisir et la douleur), n'agit que pour obtenir ma bienveillance
(ma grâce), — cet acte-là contribue à détruire la suite des renaissances
(le cycle des transmigrations).

85. « Le coeur plein de moi, adressant à moi son pieux hommage,


offrant à moi ses sacrifices, me considérant comme le but suprême, sa-
chant que c'est moi qui suis le suprême Seigneur, le roi des yogins
arrivera à moi (s'unira à moi).
86. « C 'est moi que les sages ont appelé la lumière suprême. S'in-
struisant mutuellement et parlant de moi sans cesse, ils obtiendront
l'union avec moi (l'absorption en moi).
87. « Accompli par ceux qui sans cesse s'appliquent ainsi (par ceux
qui ainsi, sans cesse, font effort dans la discipline ascétique), l'acte
de mâyâ (l'acte qui appartient au domaine de la mâj'â) devient
(purement) « sattvique » (c'est-à-dire qu'il ne relève que du guna
appelé Sattva (pureté, bonté) et que les deux autres gunas de la
prakrti (ou mâyâ) : le Rajas (la passion) et le Tamas (l'obscurité)
n'y ont aucune part). Je détruis (pour eux) toute obscurité par le
resplendissant flambeau de la connaissance.
88. « A ceux qui, la pensée fixée sur moi, m'adorent sans cesse ici-
bas, à ceux qui, sans cesse, font effort dans la discipline ascétique,
j'accorde la (parfaite) sécurité (la paix, la béatitude).

89. « Quant aux autres, ceux qui offrent des sacrifices à d'autres
divinités, en ayant pour but de leurs actions la jouissance des plaisirs
(dans des existences ultérieures), il faut savoir que, dépendant de la
divinité à laquelle ils offrent leurs sacrifices, la récompense de leurs
actions ne dépasse pas cette jouissance.
156 L'ÏSVARAGÏTÂ

90. ye eânyadevatâbhaktâh pûjayantïha devatâh,


madbhâvanàsamàyuktâ, mucyante te 'pi mânavâh.

91. tasmâd vinasvarân anyàms tyaktvâ devân asesatah,


mâm eva samsrayed ïsam; sa yàti paramam padam.

92. tyaktvâ putràdisu sneham, nihsoko, nisparigrahah,


yajec câ maranàl lingam, viraktah, paramesvaram.

93. ye 'rcayanti sadâ lingam, tyaktvâ bhogàn asesatah,


ekena janmanâ, tesàm dadàmi paramam padam.

94. paràtmanah sadà lingam kevalam rajataprabham


jfiânàtmakam sarvagatam yoginâm hrdi samsthitam.

95. ye eânye niyatà bhaktà, bhâvayitvâ vidhànatah,


yatra kvacana tal lingam arcayanti mahesvaram.

96. jale va, vahnimadhye va, vyomni, sûrye 'py athanyatah,


ratnàdau bhàvayitvesam, arcayel lingam aisvaram.

97. sarvaliiigamayam hy état ; sarvam linge pratisthitam ;


tasmàl linge 'rcayed ïsam yatra kvacana sâsvatam.

98. agnau kriyàvatàm, apsu vyomni sûrye manïsinâm,


kâsthàdisv eva mûrkhânâm, hrdi lingam tu yoginâm.
CHAPITRE XI 157
90. « Et quant à ceux qui, étant les dévots d'autres divinités, ado-
rent ces divinités ici-bas, c'est (seulement) quand je suis devenu l'ob-
jet de leur méditation qu'eux aussi obtiennent la délivrance.
91. C'est pourquoi, il faut que le sage abandonne complètement
les autres dieux, qui sont des dieux périssables, et cherche son refuge
en moi, qui suis le Seigneur. Alors il parvient au séjour suprême.
92. «Ayant renoncé à l'affection qui l'attachait à ses fils et à
d'autres êtres chers, sans souci, ne possédant rien, que, jusqu'à la
mort, détaché des choses d'ici-bas, il adore le linga (le phallus) (le
symbole), (qui est, qui représente) le suprême Seigneur.

93. « A ceux qui, renonçant complètement aux jouissances (du


monde), adorent sans cesse le linga, j'accorde le séjour suprême, après
une seule renaissance.
94. « Unique, ayant l'éclat de l'argent, le linga (le symbole) de
l'âtman suprême, le linga, qui est essentiellement connaissance et qui
pénètre tout, habite toujours dans le coeur des yogins.

95. « Et quant aux autres dévots qui ont dompté leurs sens, c'est
partout qu'en méditant comme il convient, ils adorent ce linga (qui
est, qui représente) le suprême Seigneur.

96. « On peut adorer le linga, symbole du Seigneur, en se repré-


sentant le Seigneur comme étant ou dans l'eau, ou dans le feu, ou
dans le ciel, ou dans le soleil, ou ailleurs, dans une perle, ou dans
quelque autre objet.

97. « En effet ce monde est fait entièrement du linga; tout l'uni-


vers est établi dans le linga. C 'est pourquoi, il faut adorer le Seigneur
sous la forme du linga (dans le linga) partout et toujours.

98. « Pour ceux qui offrent des sacrifices, le linga (le symbole du
Seigneur) se manifeste dans le feu sacré; pour les sages, dans l'eau,
dans le ciel, dans le soleil; pour les ignorants, dans un morceau de
bois ou dans d'autres objets analogues; mais pour les yogins, le linga
se manifeste dans leur propre coeur.
158 L'ÏSVARAGÏTÂ

99. yady anutpannavijnâno, viraktah, prïtisamyutah,


yàvajjïvam japed yuktah pranavam, bralimano vapuh.

100. athavà satarudrïyam japed à maranàd dvijâh


ekàkï jitaeittàtmà ; sa yâti paramam padam.

101. vasee càmaranàd, viprà, vârânasyàm samâhitah;


so 'pïsvaraprasâdena yâti tat paramam padam.

102. tatrotkramanakàle hi sarvesâm eva dehinâm


dadàti paramam jnânam, yena mucyeta bandhanât.

103. varnâsramavidhim krtsnam kurvàno, matparàyanah,


tenaiva janmanà jnânam labdhvâ, yâti sivam padam.

104. ye 'pi tatra vasantïha, nïeà vai papayonayah,


sarve taranti samsàram ïsvarànugrahâd, dvijâh.

105. kimtu vighnà bhavisyanti pâpopahataeetasâm


;
dharmàn samàsrayet tasmàn muktaye satatam, dvijâh.

106. etad rahasyain vedânâm na deyam yasya kasyacit;


dhârmikàyaiva dâtavyam, bhaktâya brahmacàrine.
CHAPITRE. XI 159
99. « Sila connaissance (la claire compréhension) n'est pas encore
née en lui, que le dévot, plongé dans la méditation, détaché des
choses d'ici-bas, plein de bienveillance (envers tous les êtres), répète,
toute sa vie, la sainte syllabe « om », symbole du brahman (de l'es-
sence divine).

100. « Ou bien que le dvija (le deux-fois-né, brahmane, ksatriya


ou vaisya), vivant en solitaire, domptant sa pensée et son âtman (son
moi), récite, jusqu'à sa mort le satarudrïya (la prière adressée à
Rudra aux cent aspects: V. S., XVI, 1-66). Ainsi il atteindra le séjour
suprême.

101. « Et que, jusqu'à sa mort, ô brahmanes, l'esprit recueilli,


il demeure à Bénarès. Ainsi également, par la grâce du Seigneur,
il atteindra le séjour suprême.
102. « Là, en effet, àl'heure de la mort, le Seigneur accorde à tous
les hommes la connaissance suprême par laquelle l'âme est délivrée
du lien (qui la retient enchaînée dans le cycle des transmigrations).

103. « Si, me considérant comme le but suprême, le dévot accomplit


tous les devoirs de sa caste et tous les devoirs des âsramas (c 'est-à-dire
les devoirs des différentes étapes de la vie du brahmane : les devoirs
du novice, du maître de maison, de l'anachorète et de l'ascète men-
diant), il obtiendra, en cette vie même, la connaissance, et atteindra
le salut (le séjour de la béatitude).

104. «Et tous ceux qui, en ce monde, habitent là (à Bénarès),


même les hommes de basse caste et de basse naissance, échapperont
au cycle des transmigrations, ô brahmanes, par la grâce du Seigneur.
105. « Mais ceux dont le coeur est en proie au péché, rencontreront
des obstacles. Et c'est pourquoi, en vue de la délivrance, il faut que
l'on accomplisse constamment ses devoirs, ô brahmanes.
106. « Ce secret des Vedas (que je vous ai expliqué), il ne faut
point le livrer à n'importe qui. Il faut le confier à l'homme vertueux,
au dévot qui observe la chasteté et se consacre à l'étude de la science
sacrée. »
160 L'ÏSVARAGÎTÂ

vyàsa uvâca.
107. ity etad uktvà bhagavân sâsvato yogam uttamam,
vyàjahâra samâsïnain nârâyanam anâmayam.

108. mayaitad bhâsitam jnânam hitàrtham brahmavàdinâm


dâtavyam sàntacittebhyah sisyebhyo bhavatà sivani.

109. uktvaivam, artham yogîndràn abravïd bhagavân ajah


hitâya sarvabhaktânâm dvijàtïnàm, dvijottamàh.

110. bhavanto 'pi hi majjnânam sisyànàm vidhipûrvakam


upadeksyanti bhaktânàm sarvesâm vacanân marna.

111. ayam nàrâyano yo 'sàv ïsvaro: nàtra sainiayah.


nàntaram ye prapasyanti, tesàm deyam idam param.

112. mamaisà paramâ mûrtir nârayanasamâhvayà


sarvabhûtàtmabhûtasthà sàntà câksarasanisthitâ.

113. ye 'nyathà mâm prapasj'anti loke bhedadrso janah,


na te muktim prapasyanti, jayante ca punah punah.

114. ye tv enani visnum avyaktam mâm ca devam mahesvaram


ekïbhâvena pasyanti, na tesàm punarudbhavah.

115. tasmâd anâdinidhanam visnum âtmànam avyayam,


mâm eva samprapasyadham, pùjayadhvam tathaiva ca.
CHAPITRE XI 161

Vyàsa dit:
107. « Quand le Bienheureux, l'Eternel (éiva), eut exposé ainsi
le suprême yoga, il s'adressa en ces termes à Nàrâyana (Visnu), le
dieu toujours prospère, qui était assis à côté de lui :
108. «J'ai expliqué cette science pour le salut de ceux qui sont
versés dans les textes sacrés. Il faut que tu la confies, cette science
salutaire, à tes disciples dont le coeur est apaisé. »
109. « Ayant parlé ainsi, le Bienheureux qui n'a pas eu de nais-
sance (qui existe depuis toute éternité) (âiva) expliqua son intention
aux rois des yogins, pour le salut de tous les deux-fois-nés (brahmanes,
ksatriyas ou vaisyas) qui sont dévots, ô vous les meilleurs des deux-
fois-nés :
110. « Et vous aussi, (dit-il,) conformément à ma parole, vous en-
seignerez, comme il convient, cette science de moi (cette science dont
je suis l'objet) à tous ceux de vos disciples qui sont dévots.
111. « Nàrâyana (Visnu) que voici est le Seigneur (éiva) : il n'y
a point de doute à cet égard. C'est à ceux qui considèrent qu'il n'y
a point de différence entre eux qu'il faut confier cette science su-
prême.
112. « Cette forme suprême de moi, cette forme suprême qui, rési-
dant dans tous les êtres, est l'âtman de tous les êtres, cette forme
calme qui demeure impérissable, a nom Nàrâyana.

113. « Ceux qui me conçoivent autrement, ceux qui, en ce monde,


professent la dualité (ceux qui considèrent que Visnu et éiva sont
différents l'un de l'autre), ceux-là ne voient pas la délivrance, et
ils renaissent sans cesse.

114. «Mais ceux qui voient que Visnu — l'Être irrévélé (non-
manifesté) — et moi, le suprême Seigneur, nous ne faisons qu'un,
ceux-là ne renaissent point.

115. C'est pourquoi il faut que vous considériez Visnu, qui n'a
«
ni commencement ni fin, Visnu, l'âtman impérissable, comme étant
moi, et que vous l'adoriez comme tel.
îi
162 L'ÏSVARAGÏTÂ

116. ye 'nyathâ samprapasyanti, mattvaivam devatàntaram,


te yànti narakàn ghoràn; nàhani tesu vyavasthitah.

117. mùrkham va, panditam vâpi, brahmanam va, madàsrayam


mocayàmi, svapâkam va, nàràyanam anindakam.

118. tasmâd esa mahâyogï madbhaktaih purusottamah


arcanïyo namaskàryo matprïtijananàya vai.

119. evam uktvâ, vàsudevam âlingya, sa pinâkadhrk


antarhito 'bhavat, tesàm sarvesàm eva pasyatâm.

120. nârâyano 'pi bhagavàms tâpasam vesam uttamam


jagràha; yoginah sarvàms, tyaktvâ vai paramam vapuh:

121. jnânam bhavadbhir amalam prasadât paramesthinah ;


sàksâd devamahesasya jnânam samsâranâsanam.

122. gacchadvam vijvaràh sarve; vijnànam paramesthinah


pravartayadhvam sisyebhyo dhàrmikebhyo, munïsvaràh.

123. idam bhaktàya, sântâya, dhàrmikàyàhitàgnaye


vijnànam aisvaram deyam, bràhmanàya visesatah.

124. evam uktvâ, sa visvàtmâ, yoginâm yogavittamah,


nârâyano mahâyogï jagàmàdarsanam svayam.

125. rsayas te 'pi devesam namaskrtya mahesvaram,


nàràyanam ca bhùtàdim svàni sthànàni lebhire.
,
CHAPITRE XI 163
116. « Ceux qui pensent autrement et croient que ces deux divini-
tés sont différentes l'une de l'autre, ceux-là vont dans les terribles
enfers. Je ne demeure pas en eux.
117. « Mais, qu'il soit un ignorant ou un savant, un brahmane ou
un homme de la plus basse classe (un homme qui fait sa cuisine de
viande de chien), je donne la délivrance à celui qui cherche son re-
fuge en moi et qui cependant ne méprise pas Nàrâyana (Visnu).
118. « C'est pourquoi il faut que mes dévots adorent et vénèrent
ce grand yogin, cet esprit suprême (Nàrâyana-Visnu), afin de me faire
plaisir. »
119. «Quand il eut parlé ainsi, le dieu qui est armé du trident
(éiva), après avoir embrassé Vâsudeva (Visnu), disparut aux yeux de
tous.
120. « Et le bienheureux Nàrâyana (Visnu), reprit son excellente
apparence d'ascète. Ayant donc abandonné son suprême aspect divin,
(il dit) à tous les yogins:

121. « Par la grâce du suprême Seigneur (éiva), vous avez atteint


la eonnaisance immaculée; clairement, vous avez atteint la connais-
sance du suprême Seigneur, la connaissance qui détruit le cycle des
transmigrations.
122. « Tous, débarrassés de toute peine, allez ; et faites connaître
la science du suprême Seigneur à vos vertueux disciples, ô rois des
munis.
123. « Il faut faire connaître cette science du Seigneur à l'homme
dévot dont le coeur est apaisé, à l'homme vertueux qui entretient le
feu sacré dans sa maison, et particulièrement au brahmane. »
124. « Quand il eut parlé ainsi, Nârâyana_(Visnu), le grand yogin,
l'âme, de 1 ^univers, le yogin qui, parmi les yogins, connaît le mieux
le yoga, disparut.
125. « Et les rsis, ayant rendu hommage au suprême Seigneur
(éiva), maître des dieux, et à Nàrâyana (Visnu), origine des êtres,
regagnèrent leurs demeures.
164 L'ÎSVARAGÎTÂ

126. sanatkumâro bhagavân samvartâya mahàmunih


dattavàn aisvaram jnânam; so 'pi satyatvam àyayau.

127. sanandano 'pi yogïndrah pulahâya maharsaye


pradadau; gautamàyàtha pulaho 'pi prajàpatih.

128. angirâ vedaviduse bhâradvajâya dattavàn;


jaigïsavyàya kapilas tathà pancasikhâya ca.

129. paràsaro 'pi sanakàt pitâ me, sarvatattvadrk,


lebhe tat paramam jnânam; tasmâd vàlmïkir àptavân.

130. mamovàca purà devah satïdehabhavàngajah


vàmadevo mahâyogï, rudrah kâlapinâkadhrk.

131. nârâyano 'pi bhagavân devakïtanayo harih


arjunàya svayam sàksâd dattavàn idam uttamam.

132. yad aham labdhavàn rudràd vàmadevàd anuttamam,


visesàd girise bhaktis, tasmâd ârabhya, me 'bhavat.

133. saranyam girisam, rudram, prapanno 'ham visesatah,


bhûtesam, girisam, sthânum, devadevam, trisûlinam.

134. bhavanto 'pi hi tam devam sambhum, govrsavâhanam.


prapadyantàm sapatnïkâh, saputràh, saranam sivam.

135. vartadhvam tatprasâdena karmayogena, samkaram


pûjayadhvam mahâdevam, gopatim, vj^àlathûsanam.
CHAPITRE XI 165
126. «Le bienheureux Sanatkumâra, le grand muni, enseigna la
science du Seigneur à Sanivarta. Et celui-ci parvint ainsi à la vérité
suprême.

127. « Et Sanandana, le roi des yogins, l'enseigna au grand rsi


Pulaha; et Pulaha, seigneur des créatures (prajàpatih) l'enseigna
à Gautama.

128. « Angiras l'enseigna à Bhàradvàja, le sage versé dans la con-


naissance du Veda; et Kapila l'enseigna à Jaigïsvaya et à Pancasikha.

129. « Et Paràsara, mon père, le sage doué de la faculté de voir


l'essence réelle de toute chose, reçut cette science suprême de Sanaka.
C'est de lui (de Paràsara) que Vâlmîki l'a reçue.

130. « Vâmadeva, le grand yogin, le Rudra qui porte le trident de


Kàla (éiva), le divin Vâmadeva, qui est né du corps de Satï (Pârvatï)
et du corps de Bhava (Siva), me l'a enseignée, à moi, autrefois.

131. « Et le bienheureux Nàrâyana (Visnu), Hari (Visnu), le fils


de Devakï, a enseigné lui-même, en personne, cette science suprême
à Arjuna.

132. « C 'est depuis que j'ai reçu du Rudra Vâmadeva cette science
suprême, qu'est née ma dévotion particulière à Girisa (éiva) (que
j'adore, avant tout, Girisa).

133. «J'implore avant tout (tout particulièrement) le protecteur


Girisa, Rudra (éiva), le maître des êtres, Girisa, le dieu immobile,
le dieu des dieux, le dieu qui a pour arme le trident.

134. « Et vous aussi, avec vos épouses et vos fils, implorez la protec-
tion de éiva, la protection du dieu bienveillant qui a pour monture
un taureau.
135. « Par sa grâce, pratiquez le karmayoga (la discipline ascétique
appliquée à l'action). Adorez éamkara (Ôva), Mahâdeva (éiva, le
grand dieu), Gopati (éiva, le berger), le dieu qui porte comme parure
un serpent. »
166 L'ÎSVARAGÎTA

136. evam ùkte, punas te tu saunakâdyâ mahesvaram


pranemuh sâsvatam sthànum. vyâsam satyavatïsutam
137. abruvan hrstamanasah krsnadvaipàyanam prabhum,
sàksàd devam hrsïkesam, sivam lokamahesvaram.

138. bhavatprasâdàd acalà saranye govrsadhvaje


idànïm jàyate bhaktir, yâ devair api durlabhâ.

139. kathayasva, munisrestha, karmayogani anuttamam,


yenàsau bhagavân ïsah samâràdhyo mumuksubhih.

140. tvatsamnidhâv eva sûtah srnotu bhagavadvaeah,


tadvad akhilalokànâm raksanam, dharmasamgraham,

141. yad uktam devadevena visnunà kûrmarûpinà


prstena munibhih sarvam sakrenàmrtamanthane.

142. srutvâ, satyavatïsûnuh karmayogam sanàtanam


mùnïnàm bhàsitam krtsnam provâca susamàhitah.

143. ya imam pathate nityam samvâdam krttivâsasah


sanatkumârapramukhaih, sarvapàpaih pramueyate.

144. sravayed va dvijàn suddhàn brahmacaryaparàyanàn,


yo va vicàrayed artham, sa yâti paramam gatim.
CHAPITRE XI 167

136-137. « Quand Vyâsa eut parlé ainsi, éaunaka et les autres mu-
nis, de nouveau, rendirent hommage au suprême Seigneur (éiva),
au dieu éternel, au dieu immobile. Le coeur joyeux, ils répondirent
à Vyâsa, fils de Satyavatï, au puissant Krsnadvaipâyana (Vyâsa),
qui apparaissait (à la fois) tel le dieu Hrsïkesa (Visnu) et tel éiva,
le suprême Seigneur du monde.

138. (Ils dirent:) « Grâce à toi, maintenant, naît dans notrecoeur


l'inébranlable dévotion au dieu protecteur, au dieu qui a pour em-
blème le taureau, — l'inébranlable dévotion que les dieux eux-mêmes
acquièrent difficilement.
139. «Explique-nous, ô toi le meilleur des munis, l'excellent karma-
j'oga (la discipline ascétique appliquée à l'action), l'excellent karma-
yoga grâce auquel ceux qui aspirent à la délivrance peuvent obte-
nir la faveur du bienheureux Seigneur.
140. « Que le barde (Lomaharsana) apprenne de toi le discours du
Bienheureux (Visnu), discours qui, contenant la somme de tous les
devoirs, est comme la protection de tous les mondes.

141. « Qu'il apprenne tout ce qui a été dit par Visnu, le dieu des
dieux, apparu sous la forme de la Tortue, quand ce dieu fut interrogé
(autrefois) par les munis et par Indra, lors du barattement de la mer
de lait, qui devait produire le breuvage d'immortalité. »

142. Quand il eut entendu ces paroles, le fils de Satyavatï (Vyà-


sa), l'esprit recueilli, exposa entièrement le karmayoga éternel, te]
qu'il avait été expliqué (autrefois) aux munis (par Visnu).
143. Celui qui étudiera constamment ce dialogue du dieu vêtu
d'une peau (de tigre) (Siva) et des ascètes ayant à leur tête Sanatku-
màra, sera délivré de tous ses péchés.

144. Celui qui le fera connaître à des dvijas (brahmanes, ksastriyas


ou vaisyas) ayant le coeur pur et ayant pour principal objet les de-
voirs du brahmacàrin (c'est-à-dire l'étude du Veda et la chasteté),
ou bien qui en examinera attentivement le sens, celui-là atteindra le
séjour suprême.
168 L'ïéVARAGÏTÂ

145, yas caitac chrnuyân nityam, bhâktiyukto, drdhavratah,


sarvapâpavinirmukto, brahmaloke mahïyate.

146. tasmât sarvaprayatnema pathitavyo manîsibbih,


srotavyas cânumantavyo, visesâd brâhmanaih, sadâ.

iti srïkflrmapurâne, isvaragîtâsu, ekâdaso 'dhyâyah.

ïsvaragïtâ samâptâ.
CHAPITRE XI 169

145. Et celui qui, plein de dévotion, ferme dans la pratique de ses


devoirs religieux, l'écoutera constamment, sera délivré de tous ses
péchés et trouvera la gloire et la félicité dans le ciel de Brahmà.
faut que les hommes sages et pieux, et par-
146. C'est pourquoi, il
ticulièrement les brahmanes, l'étudient avec le plus grand soin, et
l'écoutent, et en recommandent l'étude, toujours.
NOTES
NOTES DU CHAPITRE I

1. L'Être qui existe par lui-même (svayainbhû), c'est Brahmâ, le dieu


créateur, ou Siva sous l'aspect de Brahmâ.
Les manvantaras sont les âges du monde. Chaque manvantara est le règne
d'un personnage mythique appelé Manu. Le premier Manu fut Manu Svâ-
yambhuva; le septième, celui de l'âge actuel est Manu Vaivasvata. Un man-
vantara comprend 71 niahâyugas, c'est-à-dire 71 périodes de 4.320.000 ans.
2. Le mot varnin, qui peut désigner les membres des quatre classes (var-
nas), désigne probablement ici les membres des trois classes supérieures,
les dvijas (les deux-fois-nés), c'est-à-dire les brahmanes, les ksatriyas et
les vaisyas. cf. XI, 109.

3. Il faut sous-entendre: kathitam tvayâ.


4. Vyâsa Krsnadvaipàyana est le sage que la légende considère comme
le compilateur des Vedas et l'auteur du Mahâbhârata. — Le sûta Loma-
harsana est son fidèle disciple.
6. Le sattra est un grand sacrifice de soma qui dure au moins douze jours.
9. Saunaka, selon le Visnu-Purâna, était le fils du rsi Grtsamada.
10. Paràsara était le fils ou le petit fils du rsi Vasistha. Selon la tra-
dition, il est considéré comme l'auteur des hymnes 65-73 du premier livre
du Rgveda.
13.Il s'agit de la deuxième incarnation de Visnu qui, lors du baratte-
ment de l'océan, descendit en ce monde sous la forme d'une tortue pour
soutenir le mont Mandara.
14. Satyavatï est le nom de l'épouse de Paràsara.
15. Les yogins sont les sages qui cherchent à atteindre le salut par la
discipline ascétique appelée 3roga.
16. Sanatkumàra, Sanaka et Sanandana sont trois rsis nés de l'esprit de
Brahmà.
Angiras est un des sept rsis du premier manvantara. Il est né de la
174 L'ÏSVARAGÏTÂ

bouche de Brahmâ. Il est considéré comme l'auteur du neuvième livre


du Rgveda.
Il semble impossible d'admettre que, dans l'expression rudrasàhitah (ac-
compagné de Rudra), Rudra désigne ici le dieu Siva. Je suppose que
Rudra est le nom d'un disciple d'Angiras.
Bhrgu, l'ancêtre de la famille des Bhrgus, est un des grands rsis créés
par le premier Manu.
17. Le rsi Kanâda est considéré comme l'auteur du système philosophique
appelé vaisesika.
Le rsi Kapila est considéré comme l'auteur du système sâmkhya.
Le rsi Garga est considéré comme l'auteur de l'hymne 47 du sixième livre
du Rgveda.
Le rsi Vâmadeva est considéré comme l'auteur de la majeure partie du
quatrième livre du Rgveda.
Vasistha est un des plus célèbres rsis. Il est considéré comme l'auteur du
septième livre du Rgveda. Selon le Mahâbhârata, il fut le chapelain de la
famille royale d'îksvâku et de Ràmaeandra.
18. Badarikà est le nom d'un ermitage célèbre situé près de l'une des
sources du Gange. C'est l'ermitage de Nàrâyana et Nara.
19. Rsidharma désigne probablement le Dharma (le droit, la loi, la jus-
tice) personnifié. En effet, dans la poésie épique, Nàrâyana et Nara sont
appelés les fils de Dharma.
39. Peut-être faut-il lire : abhyâgatâ mâm saranam samyagdarsana-
kâmksinah, et traduire : « Ces munis, ô dieu, ces ascètes qui ont détruit
leurs péchés, sont venus me demander assistance, avec le désir d'acquérir
une vue exacte des choses. »
43. Peut-être faut-il interpréter cette stance autrement, et traduire:
« Grâce à la révélation du suprême Seigneur Samkara (Siva), armé du
trident, apprenez à connaître vous-mêmes l'âtman parfait (l'âtman qui a
atteint son but), conformément à la réalité. »
47. yogâtma peut signifier aussi « le dieu qui est l'âme du yoga ».
49. yato 'bhinnam idam jagat est la leçon des éditions de Bombay et de
Calcutta. Cependant, puisque, si l'on se met au point de
vue de la réalité
absolue, le monde est essentiellement différent du Seigneur, il faut peut-
être lire : yato bhinnam idam jagat et traduire et dont (cependant) cet
«
univers est (essentiellement) différent».
NOTES DU CHAPITRE II 175

NOTES DU CHAPITRE II

5. L'expression tad avyaktam (le non-manifesté) désigne généralement le


principe matériel non-manifesté, c'est-à-dire le pradhâna, la prakrti (la Na-
ture primordiale). Mais dans quelques passages de l'ïsvaragïtà (cf. III, 1 et
X, 2), elle désigne un principe supérieur à la prakrti et au purusa, c'est-à-dire
le principe suprême. C'est probablement dans ce sens que le terme est em-
ployé ici. Cependant il est possible que, pour l'auteur, le pradhâna, le prin-
cipe matériel non-manifesté soit — de même que le souffle vital et le
Temps — un des aspects de l'âtman, lorsqu'il n'est pas considéré dans sa
réalité suprême.

9. Il n'est point la prakrti et le purusa. L'idée de l'auteur est, semble-t-il,


que l'âtman n'est pas le purusa uni à la prakrti, mais le purusa absolu.
Je suppose que, dans l'expression na caiva paramârthatah, le mot na ren-
force les négations qui précèdent: « et non, il n'est point cela en réalité. »

10. Il y a unité, c'est-à-dire qu'en réalité, seul l'âtman unique et sans


se-
cond existe. La conjonction de l'âtman et du monde des phénomènes est une
illusion.
14. L'abhyàropa consiste à transporter à l'âtman des qualités qui ne lui
appartiennent pas. En proie à l'illusion, les hommes transportent à l'âtman
la qualité d'agent qui appartient à l'ahamkâra.

24. L'antahkarana (organe interne ou appareil psychique) comprend:


la buddhi (l'intellect, l'organe de la décision et de la certitude), l'aham-
kâra (le principe d'individuation) et le manas (le sens interne ou entende-
ment).
25. On appelle upâdhis les éléments de l'organe interne. Ce sont les
supports du jîva (les supports de l'âme empirique).
26. La vraie nature de ce monde est connaissance. L'auteur veut dire,
semble-t-il, que la véritable essence du monde est l'âtman, qui est connais-
sance et qui est le sujet de la connaissance. L'expression peut signifier
aussi cependant que le monde est à la fois sujet et objet.

28. Raktikâ est le nom sanskrit de YAbrus precatorius et également de


sa semence, qui est rouge.
176 L'ÏSVARAGÏTÀ

30. sampadyate svayam: il devient lui-même, c'est-à-dire, semble-t-il


qu'il se débarrasse des upàdhis et s'identifie avec son véritable âtman.
35. On pourrait traduire : « Quand il voit qu'en réalité, l'âtman est ab-
solu... ». — Si l'on veut maintenir la leçon des mss: mâyâmâtram tadâ, il
faudra traduire : « Quand il voit qu'en réalité, l'âtman est absolu, alors
(pour lui) l'univers n'est que mâyâ, (et) il obtient la béatitude. »
41. Peut-être faut-il lire: nânâpyam au Heu de nâvâpyam, et traduire:
« Pour celui qui possède le yoga et la connaissance, il n'y a rien d'inac-
cessible. »

43. majjanti: ils vont à l'abîme, ils tombent en enfer, ils périssent.
49. L'âtman est nirguna, c'est-à-dire qu'il est indéterminé, sans qualité,
en dehors du domaine des trois gunas. Les trois gunas sont appelés Sattva
(pureté, bonté), Rajas (impureté, passion) et Tamas (obscurité, torpeur).
Ce sont les trois constituants de la prakrti, les trois facteurs qualitatifs,
« qui déterminent pour chaque objet la manière dont il affecte le sujet qui
connaît ». (Oltramare).
A cause de l'ordre des mots, cette stance manque de clarté. L'auteur veut
dire, semble-t-il, que la cause du monde des phénomènes, ce n'est pas l'ât-
man lui-même (l'âtman indéterminé et immaculé), mais la mâyâ, qui est le
pouvoir souverain de l'âtman.
51. Ici encore l'expression manque de clarté à cause de l'ordre des mots.
Je crois que prerayâmi tathâpïdam doit être mis entre parenthèses, et
que sarvasya est le complément déterminatif de kâranam.
53. Le nirvana, c'est-à-dire l'état où il y a extinction (nirvana) de tout
ce qui produit l'existence empirique, bornée et transitoire de l'âme indi-
viduelle.
54. Un kalpa, c'est-à-dire un jour de Brahmà, comprend quatre mille
trois cent vingt millions d'années humaines.

NOTES DU CHAPITRE III

1. avyakta désigne icil'Être suprême irrévélé et non pas la prakrti, ap-


pelée aussi pradhâna. Cf. d'une part: II, 5; II, 45; III, 1-9; LU, 21; V,
36; VIII, 18; IX, 3; IX, 7; IX, 9; X, 1; X, 2; XI, 57; XI, 62; et d'autre
part: II, 8; II, 18; II, 23; III, 19; Vil, 25-26.
NOTES DU CHAPITRE III 177

tasmâd brahmamayam jagat. Cf. Kûrma-Purâna, Uttaravibhâga, Chap.


45, éd. Calcutta, p. 789: avyaktâtmakam evedam eetanâoetanam jagat /
tadîsvaram param brahmà tasmâd brahmamayam jagat.
2. Cette stance = Bhagavadgïtà, XIII, 13.
3. Les deux premiers pàdas de cette stance = Bhagavadgïtà, XIII,
14 ab. Cf. Svet. Up., III, 17.
4. pramânâtïtagoearam peut signifier aussi : « lui dont le domaine est
hors de la portée des pramânas ». Les pramànas ou moyens d'arriver à la
connaissance sont, d'après l'école sàmkhya: la perception par les sens
(pratyaksa), l'inférenee (anumâna) et l'analogie ou comparaison (upa-
mâna).
7-8. Voici quel est, je crois, le sens de ces deux stances obscures. L'a-
vyakta (l'être suprême irrévélé), qui est l'âtman suprême, apparaît, par
l'effet de la mâyâ du Seigneur, comme l'univers déployé par lui; mais les
sages néanmoins le connaissent comme étant l'âtman suprême; et ils con-
naissent aussi les deux principes qui dérivent de lui : la prakrti et le purusa.
Le purusa (l'Esprit) est de la même essence que l'âtman (tadvastu). Mais
la prakrti est différente.
13. Le double caractère, à la fois cosmique et psychique, de la buddhi
(l'intellect) apparaît bien dans cette stance. La buddhi est appelée le mahat
ou le grand âtman (mahàn àtmà), quand elle est considérée dans son unité
cosmique; mais elle devient l'ahamkàra (le principe d'individuation), le
jïva (l'âme) ou l'antarâtman (l'âme intérieure) dans les consciences indi-
viduelles.

15. Le sens de cette stance est obscur. Voici quelle est, semble-t-il, l'idée
de l'auteur. Le mahat (l'intellect cosmique), le premier produit de la
prakrti, est la cause du samsara du purusa. C'est du mahat que procède
le samsara, et c'est également du mahat que procède le fait que le purusa,
par suite de son attachement à la prakrti, ne se distingue pas du Temps
(sa câvivekah kâlena), mais s'identifie avec le Temps.

18-21. D'après ce passage, il semble que l'on puisse établir de la manière


suivante l'ordre hiérarchique des principes du système: 1. le Seigneur su-
prême; c'est l'Être suprême irrévélé (avyakta) ; c'est l'âtman suprême;
c'est le brahman et c'est aussi le monde du brahman, le monde qui est au-
delà de la mâyâ; c'est le Feu qui est au-delà du ciel; — 2. le ciel (vyoman),
qui est l'image du Seigneur; — 3. le sublime souffle vital (prâna), à qui
12
178 L'ÎSVARAGÎTÂ

appartient tout l'univers et qui le pénètre; — 4. l'Esprit (purusa), qui con-


temple la Nature et s'unit à elle; — 5. la prakrti (la Nature primordiale);
c'est le pradhâna (le principe matériel) ; c'est l'avyakta (le principe maté-
riel non-manifesté); — 6. le mahat; c'est la buddhi (l'intellect), le premier
produit de la prakrti; — 7. l'ahamkâra (la principe d'hidividuation),
qui naît du mahat, lorsqu'il prend conscience de sa faculté de connaître;
8. le manas (l'entendement ou sens interne), qui est l'auxiliaire ou l'or-

cinq organes
gane du mahat; — 9. les cinq organes de la sensation et les
de l'action; — 10. les cinq éléments subtils et les cinq grands éléments.
22. mâyâmaya peut signifier: fait d'illusion, c'est-à-dire en proie à l'il-
lusion. C'est quand il est en proie à l'illusion créée par lui, que Siva,
divin magicien, uni au Temps, crée et détruit le monde.

NOTES DU CHAPITRE IV

4. Peut-être faut-il lire: yo hi sarvântarah (moi qui suis dans tous les
êtres), au lieu de: yo hi sarvântakah. Le sens serait, me semble-t-il, pré-
férable.
5. Les Manus. Il s'agit ici vraisemblablement des quatorze Manus, créa-
teurs et souverains des races humaines. Le règne de chaque Mann est un
manvantara (cf. note I, 1). Le premier Manu fut Svàyambhuva; puis ré-
gnèrent successivement Svârocisa, Auttami, Tâmasa, Raivata et Câksusa.
Le Manu de l'âge actuel est Vaivasvata. Le huitième Manu sera Sàvarni;
le quatorzième sera Bhautya.
14. Peut-être faut-il traduire : « au commencement des mondes » (jaga-
tàm âdau). Mais il me semble préférable de considérer jagatâm comme le
complément de paramesthinam.
16. hetu peut signifier la cause en général ou bien la cause finale.
26-27. Le sens de ces deux stances semble d'abord obscur à cause de la
contradiction des termes: a maya sampreryate jagat», «nâham prerayitân,
« prerayâmi jagat krtsnam»; et l'auteur, conscient de cette eontradition
et de l'obscurité de son langage, ajoute: « etad yo veda so 'mrtah ». L'auteur
veut dire, je crois, que c'est comme pensée que le monde est mis en mouve-
ment par le Seigneur. Le monde est la pensée du Seigneur plongé dans la
méditation du yoga. Il voit le monde. Il est le contemplateur du monde.
NOTES DU CHAPITRE V 179

Il n'est pas le propulseur du monde. Dans sa pureté absolue, il n'agit point.


C'est Kàla (le Temps), qui agit. Ce sont les saktis, les pouvoirs surnaturels
du Seigneur, produits de sa pensée, lorsqu'il est plongé dans la méditation
du yoga, qui créent, maintiennent et détruisent le monde (cf. st. 19-22).
28-30. L'interprétation que je propose, mais que je ne considère pas
comme certaine, repose sur les constatations suivantes: 1. Kâla (le Temps)
est appelé mahâyogesvara (le grand Seigneur du yoga) (st. 28). — 2. asau
(lui) semble s'opposer à aham (moi) ; et asau, accompagné des épithètes
yogesvarah, bhagavân mahâyogeévarah, semble bien désigner le mahâyo-
geévara de la stance précédente, c'est-à-dire Kâla (le Temps) (st. 29). —
3. mahattvam (le titre de grand) semble bien faire allusion à mahâyogeé-
vara; il semble donc que l'auteur identifie ici le paramesthin, c'est-à-dire
Brahmà (cf. st. 14) à Kâla (le Temps) (st. 30). — 4. D'ailleurs, Brahmà est
la sakti qui crée le monde (st. 19), et Kâla est la force active qui met le
monde en mouvement (st. 28). — 5. Tandis que Kàla (le Temps) est appelé
m-ahâyogeévara, le Seigneur est appelé mahâyogeévareévara (le Seigneur
du grand Seigneur du yoga) (st. 31).

NOTES DU CHAPITRE V

4. mâyâmayam: fait de sa puissance magique, créé par sa puissance


magique. — svayam peut se rapporter à visveêali, mais il me semble préfé-
rable de le rapporter à vipraih: les brahmanes virent eux-mêmes, c'est-à-
dire de leurs propres yeux.
Le sens de nidrâjitasvâsâh (maîtres de leur respiration pendant leur
6.
sommeil) n'est pas bien clair. Peut-être faut-il adopter la leçon des mss.
B, E, F, H: « yam vinidrâ jitasvâsâh ».

7. Le leçon « tam eva mocakam » peut paraître préférable ; je crois ce-


pendant que la leçon « tam eva mocanam » peut être maintenue.
12. paéûnâm patih (= paéupatih) signifie à la fois le maître du bétail
(le maître des bêtes du troupeau) et le maître des âmes; car les âmes sont
les bêtes du troupeau du berger Siva. Cf : VII, 18-19 et VII, 32.

13. kâlakâla est une expression obscure. J'ai traduit : le Temps du Temps.
Peut-être faut-il traduire: la mort de la mort. Peut-être faut-il lire: « kâla-
kâra », et traduire : « lui qui crée le Temps. »
180 L'ÎSVARAGÏTÂ

18. Il faut noter que la liste des douze saints ascètes donnée ici diffère
de celle donnée dans le premier adhyàya (st. 16-17). Huit noms sont sem-
blables, mais les noms de Rudra, Kanâda, Garga et Vasistha sont rem-
placés par les noms de Sanâtana, Raibhya, Atri et Marïci. Ceci semble
indiquer que le cinquième adhyàya n'a pas été composé par le même auteur
que le premier adhyàya.
Sanâtana est un des rsis qui sont nés de l'esprit de Brahmâ.
Atri est un des plus célèbres rsis. Il est considéré comme l'auteur d'un
grand nombre d'hymnes du Rgveda.
22. brahmayoni ne signifie pas « qui a pour origine le brahman » ou
« qui est l'origine du brahman », mais « qui a pour matrice le brahman ».
En effet, selon VIII, 2, le brahman (l'essence divine) est la matrice dans
laquelle le Seigneur dépose le germe dont naît le monde, et ce germe est
appelé la mâyà primordiale.
24. Il faut, je crois, supposer que, dans le quatrième pàda, nisrjati est
sous-entendu. Hiranyayarbha, le germe d'or qui a été émis par le Seigneur,
est identifié ici au purusa (à l'Esprit). Hiranyagarbha est aussi le nom
du dieu Brahmà. Créé par le Seigneur, Hiranyagarbha (c'est-à-dire le
purusa ou le dieu Brahmà), en naissant, crée aussitôt l'univers.
25. samsthiti signifie « union » et aussi « durée, permanence ». Les Ve-
das, les textes sacrés, qui sont nés du Seigneur, retournent à lui et s'unis-
sent à lui; et c'est en lui qu'est fondée leur éternité.
25, c. Considéré dans sa pureté absolue, le Seigneur n'est pas la cause
de l'univers; mais en tant que yogin, enchaîné par la puissance magique
(mâyâ) que crée son yoga, il est devenu la cause de l'univers. C'est sous cet
aspect qu'il apparaît en ce moment aux sages qui le voient danser.
à toi dont l'âme est plongée
26. tvâm yogâtmânam peut signifier aussi : «
dans le yoga, à toi dont la pensée est concentrée, à toi dont l'âme est
plongée dans la méditation ».
28. aksaram signifie à la fois : l'inaltérable, l'être inaltérable, et la sainte
syllabe « om ».
bhavatah peut être considéré comme un ablatif. On pourra donc traduire:
« et que tout ce qui participe de sa splendeur, vient de toi. »

34. aksaram: voyez la note de la stance 28.


35. Le Seigneur déployant ses énergies divines est à la fois Brahmà,
NOTES DU CHAPITRE VI 181
Visnu et Siva, et aussi la prakrti (la Nature primordiale, le principe maté-
riel) (cf. VII, 31).
36. Considéré dans sa pureté suprême, le Seigneur est l'unique purusa
(l'Esprit) ; considéré dans le déploiement de ses énergies divines, il est
à la fois le brahman (l'essence divine) et la prakrti (la Nature primor-
diale) avec ses gunas. Les trois gunas, qui sont appelés Sattva (pureté ou
bonté), Rajas (impureté ou passion) et Tamas (obscurité ou torpeur) sont
les trois facteurs qualitatifs de la prakrti (cf. note de la stance II, 49).
avyaktam désigne ici l'Être suprême irrévélé (non-manifesté), qui est
pure pensée et d'où procèdent le purusa et la prakrti (cf. III, 1).
38. brahmatann peut signifier aussi : « (toi) qui as pour corps le brah-
man, (toi) dont le brahman est la manifestation. »
42. Je crois que drstvâ (regardant) se rapporte non pas à te (eux, les
munis), ainsi que l'exigerait l'usage grammatical régulier, mais à bhavam
(Siva). Cf. st. 46.

NOTES DU CHAPITRE VI
3. Cette stance est obscure.L'interprétation que je propose est incertaine.
Le Seigneur gouverne du dedans tous les êtres : il est antaryâmin; et cepen-
dant c'est l'univers qui est en lui, ce n'est pas lui qui est dans l'univers.
Cf. Bhagavadgïtà, IX, 4: matsthâni sarvabhûtâni na câham tesv avasthi-
tah. — Peut-être faut-il lire; mayy evântahsthitam. Cf. la leçon de B.
5. sarvesâm eva bhâvânâm antaram samavasthitah peut signifier aussi:
«habitant dans toutes les pensées».
6.tad vai bhâvânuvarti me peut signifier : « il obéit à ma pensée », « il dé-
pend de mon état d'âme », ou bien « il dépend de mon existence ».
7. Cette partie du Seigneur qui crée l'univers, c'est le dieu Brahmâ
(cf. IV, 20) ; mais c'est l'aspect de Rudra que le Seigneur détruit l'uni-
vers (cf. IV, 22).
sthitâvasthâ mamaiva tu peut signifier aussi: «mais la stabilité (de
l'univers) dépend aussi de moi ». C'est sous l'aspect de Visnu que le Sei-
gneur maintient l'univers (cf. IV, 21).
la mâyâ (l'illusion,
8. Dans cette stance, le poète semble bien identifier
la force qui produit l'illusion) au pradhâna (au principe matériel) et le
tattva (la réalité) au purusa (à l'Esprit).
182 L'ÏSVARAGÏTÂ

9. L'univers naît de l'union du purusa et de la prakrti. C'est le déploie-


ment de la splendeur du Seigneur. Ce déploiement s'opère selon l'ordre de
la série qui commence par la buddhi. Cf. le sommaire du Chap. III.
10. Hiranyagarbha est identifié au soleil (mârtanda) et au dieu Brahmâ.
C'est le dieu créateur et le dieu qui met en mouvement la roue du Temps.
11. Cf. IV, 28-31.
12. On pourrait traduire aussi : « C'est de par ma volonté que le dieu
Brahmâ, inspiré par ma pensée, a compris lui-même, pour toujours, ma
divine puissance souveraine ».
14. marna para mûrtih peut signifier aussi: «ma forme suprême».
20. Soma est la personnification divine du breuvage que l'on offre aux
dieux et qui leur donne l'immortalité. C'est aussi le dieu de la lune, qui
fait croître les plantes et procure ainsi la nourriture aux hommes.
23. Yama, le dieu qui règne sur les morts et qui les juge.
24. Kubera, le roi des génies appelés Taksas.

25. Nirrti désigne le plus souvent la déesse Perdition. Ici Nirrti est un
dieu; c'est le roi des démons appelés Raksas; c'est une des manifestations
de Rudra-Siva.
26. Le dieu désigné dans cette stance est, semble-t-il, Rudra, c'est-à-dire
Siva sous son aspect le plus terrible. ïsàna est un des anciens noms de
Rudra. Le mot « gana » désigne ici une classe de demi-dieux qui suivent
et servent Rudra-Siva. Ils ont à leur tête Ganesa, le dieu à tête d'éléphant,
qui renverse tous les obstacles.
27. Vâmadeva est le nom d'un grand rsi, qui est considéré comme l'au-
teur de la majeure partie du quatrième livre du Rgveda; mais c'est aussi
le nom d'une des formes de Siva, Selon les Purânas, il y a onze Rudras,
qui sont considérés comme des manifestations inférieures de Siva.
29. Skanda est le dieu de la guerre. C'est le fils de Siva, C'est lui qui
conduit au combat les armées de Siva contre les ennemis des dieux.
30. Les Prajàpatis, les grands rsis créateurs, sont dix selon certains tex-
tes, et sept selon d'autres.
34. Pàrvatï, l'épouse de Siva, — Peut-être faut-il traduire: «Et Pâr-
vatï, la suprême déesse, qui confère la connaissance du brahman lorsqu'on
la prend comme objet particulier de la méditation... »
NOTES DU CHAPITRE VI 183
35. Ananta (l'Infini), qui est appelé aussi Sesa, est le roi des Serpents.
Ainsi que son nom l'indique, il est le symbole de l'éternité.
36. Il s'agit, dans cette stance, du feu sous-marin, qui est appelé vada-
vâmukha (ayant la bouche d'une jument) et qui boit l'océan (cf. M. Bh.
I, 6802). Il est identifié ici à Samvartaka, le feu qui détruit tout, à la
fin du monde.

37. Les quatorze Manus, créateurs et souvenirs des races humaines.


Cf. IV, 5 note.
38. Les Âdityas sont les dieux fils d'Aditi. Selon le Taittirïya-Bràhmana,
ils sont huit: Mitra, Varuna, Aryaman, Amsa, Bhaga, Dhâtar, Indra et
Vivasvat. Selon les textes postérieurs, ils sont douze. — Les dieux appelés
Vasus, selon le Visnu-Purâna, sont huit: Âpa, Dhruva, Soma, Dhava,
Anila, Anala, Pratyûsa et Prabhàsa. — Les Rudras, manifestations infé-
rieures de Siva, sont onze. — Les Maruts sont les dieux de la tempête et
les compagnons d'Indra. — Les Asvins (les deux cavaliers) sont les dieux
jumeaux, fils du Ciel et frères de l'Aurore. — Selon quelques textes, les
12 Âdityas, les 8 Vasus, les 11 Rudras et les 2 Asvins constituent le groupe
des « trente-trois » dieux.
39. Les Gandharvas sont les musiciens célestes. — Les Siddhas sont des
êtres semi-divins, très purs, qui possèdent les huit pouvoirs surnaturels
appelés « siddhis », et qui vivent dans le Bhuvar-loka, entre le ciel et la
terre. — Les Sàdhyas sont d'autres êtres semi-divins qui habitent la ré-
gion située entre la terre et le soleil. Ils sont au nombre de douze ou de, dix-
sept. — Les Yaksas sont des génies, des êtres semi7divins. Ce sont les
sujets de Kubera, le dieu des trésors. — Les Raksas ou Râksasas et les
Pisaeas sont des démons. Les Pisàcas sont avides de chair humaine.
40. Selon le 5° adhyàya du Pûrvavibhâga du Kûrma-Purâna, 1 muhûrta
(= 48 minutes) = 30 kalàs; 1 kalà (= 1 minute et 36 secondes) = 30
kàsthâs; 1 kâsthâ (= 3 secondes et 2|u>) = 15 nimesas; 1 nimesa (un in-
tant, un clin d'oeil) est la quinzième partie d'une kâsthâ; 30 muhûrtas =
1 jour (de 24 heures).

41. Les quatre yugas (des quatre âges) réunis font un mahâyuga. Un
mahàyuga = 4.320.000 années humaines. Un manvantara = 71 mahâyugas.
Un paràrdha = 100 années de Brahmà; une année de Brahmâ = 360 jours
de Brahmà ou 360 kalpas; un kalpa = 1000 mahâyugas, c'est-à-dire
4.320.000.000 années humaines (Kûrma-Purâna, Pûrvavibhâga, 5e adhyàya).
Un para vaut, semble-t-il deux paràrdhas.
184 L'ÏSVARAGÏTÂ

46. Les cinq éléments (et les tanmâtras), le manas (et les organes de la
sensation et de l'action), Pahamkàra et la buddhi — c'est-à-dire tous les
produits de la prakrti — et la prakrti elle-même existent de par la volonté
du Seigneur.

NOTES DU CHAPITRE VII

4. Pàrvatï, Âdityas, Vasus: cf. VI, 34 et VI, 38 (notes).

5. Rudras: cf. VI, 38 (note).


Râma peut désigner ici ou bien Ràmacandra, le héros du Ràmâyana, le
fils de Dasaratha, c'est-à-dire la septième incarnation de Visnu, ou bien
Parasuràma, Râma à la hache, le fils de Jamadagni, c'est-à-dire la sixième
incarnation de Visnu.
6. Vasistha: cf. I, 17 (note).
7. Vyâsa: cf. I, 4 (note).
Ganesa: cf. VI, 26 (note).
Vïrabhadra est le nom d'un héros qui est considéré comme une icarna-
tion de Siva ou comme son fils. Selon le Vâyu-Puràna, Vïrabhadra fut
créé par Siva pour détruire le sacrifice de Daksa, qui avait négligé de l'in-
viter.
Siddhas: cf. VI, 39 (note).
Kapila: cf. I, 17 (note).
8. Meru: la montagne sainte autour de laquelle tournent les planètes.
C'est sur le sommet du mont Meru que le Gange descend du ciel pour se
répandre ensuite sur la terre. Le Meru est fait d'or et de pierres précieuses.
C'est sur son sommet que réside le dieu Brahmà et que se réunissent les
dieux et les rsis.
9. Ananta: cf. VI, 35 (note).
Skanda: cf. VI, 29 (note).
Âsramas. Les quatre âsramas, les quatre états successifs de la vie du brah-
mane sont : l'état de brahmaeàrin (novice, étudiant en théologie) ; l'état de
grhastha (maître de maison, chef de famille) ; l'état de vanaprastha (ana-
chorète) ; et l'état de samnyàsin (moine errant, ayant complètement re-
noncé au monde).
10. Kalpa: cf. VI, 41 (note). Un kalpa, c'est un jour de Brahmà. Le
NOTES DU CHAPITRE VII 185

mot mahàkalpa désigne vraisemblablement une année de Brahmà (= 360


kalpas), ou cent années de Brahmà (= 36.000 kalpas), c'est-à-dire un paràr-
dha.
Yugas. Les quatre yugas sont: Krta, qui correspond à l'âge d'or; Tretâ,
qui correspond à l'âge d'argent; Dvàpara, qui correspond à l'âge de bronze;
et Kali, qui correspond à l'âge de fer.
Kubera: cf. VI, 39.
11. Prajâpatis: cf. VI, 30 (note).
Dvïpas. Selon la plupart des textes puràniques, il y a sept Dvîpas, qui
sont appelés: Jambu, Plaksa (ou Gomedaka), Salmalî, Kusa, Kraunca,
Saka et Puskara, Selon d'autres textes, il y a quatre, ou treize, ou dix-huit
Dvïpas.
14. Manu Svàyambhuva: cf. IV, 5 (note).
16. L'expression kâlah kalayatâm aham (= Bhagavadgïtà, X, 30 b) a
été, je crois, généralement mal interpétée par les traducteurs de la Bha-
gavadgïtà. Je pense qu'ici le verbe kalayati ne signifie pas «compter»,
mais « pousser, presser, forcer, contraindre ». C'est là son premier sens,
et ce sens convient bien ici. Kâla (le Temps) est la force qui pousse irré-
vocablement les vivants vers la mort. Les deux passages suivants du Ma-
hâbhàrata apporteront, je pense, un argument décisif en faveur de mon
interprétation : « kâlenâham tvâm ajayam, kâlenâham jitas tvayâ; gan-
ta gatimatâm kâlah, kâlah kalayati janâh » (XII, 227, 35) ; « tvâm apy
evam sudurdharsam jvalantam parayâ êriyâ, kâle parinate, kâlah kâlayis-
yati, mâm ivan (XII, 227, 40).
18. Cf. V, 12.

21. Les vingt-quatre principes sont: la prakrti, la buddhi, l'ahamkâra, le


manas, les cinq organes de la sensation et les cinq organes de l'action, les
cinq éléments subtils et les cinq grands éléments (cf. le sommaire du Cha-
pitre III).
Les gunas: cf. II, 49 et V, 36 (notes).
27. Cette stance est obscure, et l'interprétation que je propose est incer-
taine. Le déséquilibre des gunas provient du déséquilibre de l'Intellect, et
ce déséquilibre des gunas est appelé « rajasique », parce qu'il ne dépend ni
du Sattva, qui est connaissance, ni du Tamas, qui est ignorance, mais du
Rajas, qui est désir. Pour arriver à cette interprétation, je lis « tamo
'jnânam » au Heu de « tamo jnânam ». Si l'on maintient la leçon de Ca. et
de Bo. (tamo jnânam), il faudra traduire les deux premiers pàdas de la
186 L'ÏSVARAGÏTÂ

stance comme suit: « La connaissance est Sattva; la connaissance est Tamas;


elle est appelée (aussi) rajasique». C'est-à-dire qu'il y a une connaissance
« sattvique », une connaissance « tamasique » et une
connaissance « rajasi-
que ». Mais, si tel est le sens de ces deux pâdas, l'auteur s'est bien mal ex-
primé; et l'on ne voit pas l'opportunité de cette étrange affirmation. La
Bhagavadgïtà (XVIII, 22) nous parle, il est vrai, d'une connaissance
« tamasique ». Mais cette connaissance « tamasique » est en réaHté l'erreur,
l'ignorance; et il semble vraiment inadmissible que l'on puisse dire: la
connaissance est Tamas.
29. La leçon de Bo. est prâha; la leçon de Ca. est prâhah. Peut-être
faut-il Hre prâhuh. Si l'on adopte la leçon prahuh, le sujet sous-entendu
peut être « on » ou kavayah (les sages) (cf. st. 27). Si. l'on adopte la leçon
prâha, le sujet sous-entendu peut être « on » ou âtmâ (l'âme) ou ïévarah (le
Seigneur).
30. Dans cette stance, le poète semble bien identifier la mâyâ à la prakrti
(cf. VI, 8 note).

NOTES DU CHAPITRE VIII

2. J'ai adopté la leçon de F, car il m'a semblé impossible de maintenir


la leçon de Ca. et Bo. : ayam brahmâ tamah (ce dieu Brahmâ est Tamas).
Peut-être faut-il: ayam brahmâtamah (= brahmâ atamah).
7. Peut-être faut-il traduire comme suit : « Les sages savent que toutes
les matrices dans lesquelles naissent ici-bas les formes corporelles sont la
mère, la matrice suprême, mais que c'est moi qui suis le père. »
9. Il faut noter que le dieu Brahmà qui, selon la stance 5, est né de l'oeuf
d'or et a pour origine le brahman dans lequel le Seigneur a déposé le germe,
est considéré ici comme identique au Seigneur lui-même.
12. viniyoga peut signifier « tâche imposée », « rôle assigné », ou bien
« séparation », « disjonction », ou bien « relation », « rapport ».

2j4.L'expression « vinayenâpi tena » n'est pas claire. Considérée au


point de vue cosmogonique, la prakrti est la cause du monde des phénomènes;
mais, considérée au point de vue moral, elle est le Hen qui enchaîne l'âme.
15. mâheévarah purusah = le purusa qui appartient au Seigneur, qui est
né du Seigneur et qui, en réaHté, est identique au Seigneur.
NOTES DU CHAPITRE IX 187
16. Le purusa identifié au Seigneur est à la fois le dieu créateur Brahmà
et le dieu destructeur Rudra.
17. âtmâ: l'âtman, qui est le Seigneur et qui est toi-même. On pourrait
traduire: «Lui-même, il dit qu'il est toi-même».
18. hiranmaya (fait d'or) rappelle évidemment Hiranyagarbha, c'est-à-
dire le dieu Brahmà appelé « Germe d'or ».
parâm gatim tisthati = parâm gatim adhitisthati.
buddhimatâm : L'expression est volontairement paradoxale. Pour ar-
...
river au séjour des sages (buddhimatâm) et s'identifier au Seigneur, il faut
que le sage (buddhimân) dépasse la sagesse (buddhi), c'est-à-dire qu'il doit
dépasser le domaine de la buddhi (de l'intellect), car la buddhi appartient
encore à la prakrti.

NOTES DU CHAPITRE IX

3. mâyâ vyaktisamâérayâ: La mâyâ dépend de la vyakti, s'appuie sur la


vyakti, s'attache à la vyakti; c'est-à-dire que la mâyâ a comme appui,
comme raison d'être, comme but, le déploiement de l'univers.
6. Il faut considérer, je crois, na doso hy âtmanas tathâ comme une pro-
position mise entre parenthèses.
Le sens de cette stance est obscur. L'auteur veut dire, semble-t-il, que
les énergies divines non-manifestées qui, comme la connaissance (cf. IV, 18),
ne produisent pas une altération (dosa) de l'âtman, ne sauraient être la cause
de l'univers. En effet, c'est seulement lorsque l'âtman est uni à la mâyâ,
qu'il il y a altération (dosa) de l'âtman (cf. II, 19-22) et que l'âtman-brahman
produit l'univers (cf. IX, 7).
8. Les expressions employées ici par l'auteur sont obscures, et l'interpré-
tation que je propose est très incertaine. Je suppose que la puissance dont
il s'agit ici, est la connaissance, le pouvoir de connaître, que possède le
purusa (l'Esprit). L'auteur veut dire, semble-t-il, que cette puissance de
l'Esprit a été produite par une énergie divine qui est autre que la mâyâ et
qui est la connaissance que possède le Seigneur. Cf. IV, 18.
11. yatah peut avoir pour antécédent ânandam ou brahmanah. Peu im-
porte. Les paroles ne peuvent décrire ni le brahman, ni la joie du brahman.
12 b. Peut-être faut-il adopter la leçon de B et F, qui est aussi la leçon
188 L'ÎSVARAGÏTÂ

de la Svet.-Up., et traduire: «Moi, je connais ce grand Esprit, qui a la


couleur du soleil et est au delà des ténèbres. »
14. viévadhâmâ, nominatif masculin singuHer, doit être considéré, sem-
ble-t-il, comme un adjectif signifiant « ayant comme demeure l'univers ».
Mais peut-être faut-il Hre viévadhâmâ, et traduire : « moi qui suis le récep-
tacle de l'univers.

NOTES DU CHAPITRE X

1. Comme il est dit que le brahman est sans finga, le mot avyaktalinga ne
peut signifier ni « ayant l'avyakta comme linga », ni « ayant un linga im-
perceptible ». Cf. st. 3.
Il est possible que pûrvam soit un adverbe et signifie « autrefois », « à
l'origine ».
2. siddhlvijnâna peut signifier connaissance de la perfection ou de la
«
béatitude », mais il semble que le mot signifie plutôt « connaissance de ce
qui est parfaitement étabU, connaissance de ce qui est incontestable »,
c'est-à-dire « connaissance certaine, connaissance parfaite ». (cf. siddhi-
jiiâna dans le Sarvadarsanasamgraha Ed. Calcutta p. 76, 1. 8 et 9).
3. nityam tadbhâvabhâvitah peut signifier aussi : « ayant la pensée tou-
jours occupée de sa pensée, pensant toujours à lui (à l'avyakta) ».
4. Il n'y a pas de science par laqueUe on puisse connaître » l'Être
«
suprême, mais on peut le voir, le percevoir directement, quand on a sup-
primé tous les désirs personnels et qu'on s'est identifié à lui.
6. tad evainam iti prâhur: cf. la construction: ajnam hi bâlam ity âhuh.
10. ânandam jagadâtmakam : c'est la joie qui s'identifie au monde, la joie
qui est la joie de l'univers.
Je pense que vyaktâparasya est l'équivalent de avyalctasya.
13. Cf. Svet.-Up. VI, 14.
Peut-être faut-il Hre: tad bhâsitam.
15. L'ordre des mots rend le sens incertain. Peut-être faut-il traduire:
« Ceux qui, grâce aux Vedas, sont arrivés à la certitude, méditent sur le
Seigneur considéré comme les souffles vitaux (comme la Vie), en fixant leur
pensée sur la sainte syllabe om. »
NOTES DU CHAPITRE XI 189
16. Les termes bhûmih, âpah, vahnih, anilah gaganam désignent évi-
demment les cinq éléments : terre, eau, feu, air et éther.
16 c. L'auteur a employé la forme cetanah (masc. sing.), qui est rare, au
lieu de la forme cetanâ (fem. sing.), probablement parce qu'il a voulu dési-
gner le purusa (l'Esprit) — non pas le purusa absolu, mais le purusa en
tant qu'il contemple la prakrti (la Nature).
17. Peut-être faut-il adopter la leçon de A et de H, et traduire: «Le
yogin la comprendra, si, dans un lieu solitaire, les sens domptés, il pratique
sans cesse le yoga ».

NOTES DU CHAPITRE XI

2. Le péché est comme une cage qui retient l'âtman emprisonné. Le feu
du yoga brûle la cage et délivre l'âtman. Le feu du yoga produit une con-
naissance claire, qui dissipe les ténèbres de l'ignorance et réalise le nirvana.
3. Pour arriver au but suprême, l'homme a besoin de l'aide du Seigneur.
Mais le Seigneur accorde sa bienveillance à celui qui s'attache au yoga et
à la connaissance, à celui qui à la fois pratique la discipline ascétique et la
recherche de la vérité. D'ailleurs, la disciphne ascétique est nécessaire à la
connaissance, comme la connaissance est nécessaire à la disciphne ascétique.
Le yoga et le sâmkhya se complètent. Pour arriver à la connaissance, il faut
pratiquer le yoga; mais pour que le yoga atteigne son but, qui est l'union
avec le Seigneur et la délivrance, il faut que le yoga ait pour base la con-
naissance, teHe qu'elle est enseignée dans la doctrine sâmkhya.
4. Le mahàyoga (le grand yoga), qui est appelé aussi le yoga suprême
(st. 7) et le brahmayoga (st. 8), est le yoga par lequel on atteint l'union avec
Mahesvara (le Seigneur), et c'est pourquoi ceux qui le pratiquent avec succès
sont appelés Mahesvaras.
5. Il est difficile, semble-t-il, d'obtenir un sens satisfaisant en adoptant
teUe quelle la leçon des mss. A, E et H: «yogas tu prathamo jneyo hy
/
abhâvah prathamo matah anuphâ sunaphâ yogah sarvayogottamottamah ».
Mais cette leçon est intéresante parce qu'eUe contient le mot anuphâ (= ana-
phâ = àvotq>T| ) et le mot sunaphâ ( = avvaq>r\) (cf. st. 33, note). Peut-être l'auteur
du texte de cette leçon a-t-il voulu dire que le premier yoga, le yoga abhâva,
est appelé anaphâ, et que le second yoga, le mahàyoga, le meilleur de tous
les yogas, est appelé sunaphâ.
190 L'ÏSVARAGÏTÂ

6. On pourrait traduire aussi : « On appeUe yoga abhâva celui par lequel


le yogin voit l'âtman vide et dépourvu de toute (fausse) apparence, quand
il pense à sa nature propre ».
Le yoga abhâva a un caractère purement négatif. Par le yoga abhâva,
les fausses appa-
on constate qu'en réalité l'âtman est dépourvu de toutes
rences des produits de la prakrti, et qu'il n'est ni les éléments, ni les sens,
ni l'entendement, ni le principe d'individuation, ni l'inteUeet. Au contraire,
le mahàyoga a un caractère positif. Par le mahàyoga, on constate que
l'âtman est joie éterneUe et qu'il est identique au brahman, identique au
Seigneur. Le yoga abhâva, par lequel le yogin voit son âtman dépourvu de
toute fausse apparence, c'est-à-dire délivré du Hen qui l'unissait à la prakrti,
mais vide, est considéré comme inférieur, car le yoga suprême est celui par
lequel on atteint l'union avec le Seigneur. Il est possible que le yoga abhâva
soit le yoga des yogins qui ne croient pas au Seigneur on qui ne l'adorent
pas. Il est plus probable que c'est une étape permettant d'arriver ensuite au
yoga suprême.
8. Il semble que l'auteur fasse ici aHusion aux yogins qui ne croient pas au
Seigneur ou au brahman, et dont le yoga n'a point pour but l'union avec
l'Être suprême, mais simplement l'acquisition de pouvoirs surnaturels.
10. Cette stance est intéressante. Même s'ils ont dompté leur pensée, même
s'ils sont maîtres de leur coeur, les yogins ne parviendront pas au but su-
prême, s'ils sont repoussés par le Seigneur. Le salut dépend du consentement
du Seigneur. C'est la théorie de la grâce, et c'est ce qui expHque la nécessité
de la bhakti (de la dévotion).
11. Pour des raisons de métrique, les huit angas (les huit membres) du
yoga sont énumérés ici dans un ordre tout à fait arbitraire. L'ordre tradition-
nel est le suivant: yama, niyama, âsana, prânâyâma, pratyâhâra, dhâranâ,
dhyàna, samâdhi. L'ordre adopté par l'auteur dans ses explications (st. 13-
46) est un peu différent: yama (st. 13-19), niyama (st. 20-29), prânâyâma
(st. 30-37), pratyâhâra (st. 38), dhâranâ (st. 39), dhyàna (st. 40-41), samâdhi
(st. 42), âsana (st. 43-46).
12. Je pense qu'il faut rattacher les deux premiers pàdas de cette stance
à la stance précédente, et que bhavati est sous-entendu. Le yoga est les huit
angas et le fait de fixer sa pensée sur le Seigneur. L'expression pratyanta-
raniyogatah n'est pas claire, pratyantara, comme pratyanantara, signifie
probablement «immédiat», «qui suit immédiatement», pratyantaraniyo-
gatah signifie donc, semble-t-il, « conformément aux instructions qui vont
suivre immédiatement (st. 13 et suivantes) ». Les angas et la concentration
NOTES DU CHAPITRE XI 191

de la pensée dirigée Vers le Seigneur constituent le yoga, quand on les pra-


tique conformément aux instructions qui vont suivre. Les autres sàdhanas,
les autres moyens qu'il faut employer pour atteindre le but du yoga, ont été
exposés. Ce sont vraisemblablement les connaissances théoriques qui ont été
expliquées dans les chapitres précédents.

15. Respectueux de la tradition brahmanique, l'auteur ne condamne point


le sacrifice sanglant. Imposé par le rituel, le fait d'immoler des animaux
offerts en sacrifice ne doit pas être considéré comme « himsâ ».

21. La diète appelée cândrâyana consiste à manger quinze bouchées le jour


de la pleine lune, à diminuer la ration d'une bouchée, chaque jour, pendant la
quinzaine obscure, jusqu'à la nouvelle lune, et à l'augmenter de même pen-
dant la quinzaine claire, jusqu'à la pleine lune. Cf. Manu : VI, 20 ; XI, 217.
22. Il est possible que le mot sattva désigne ici le guna appelé « Sattva».
Dans ce cas, sattvasiddhikara pourrait signifier: « qui produit la perfection
du Sattva » ; et l'idée de l'auteur serait que la récitation des textes sacrés a
pour effet de faire prédominer le Sattva, c'est-à-dire le meiUeur des trois
gunas, la bonté, la pureté, dans l'appareil psychique du yogin.
27. L'expression sukhalaksana peut signifier « qui a pour marque carac-
téristique le bonheur » ou « qui est la marque caractéristique du bonheur ».
28. Pour se laver, on se sert d'eau et d'argile.
31. Le prânâyâma sagarbha est le prânâyâma accompagné de la récitation
mentale des formules mystiques, et le prânâyâma agarbha est celui qui n'est
pas accompagné de la récitation de ces formules. Cf. st. 34 et 35. Pour la
stance 34, l'édition de Bombay donne, en note, la variante suivante : « sagar-
bham ahuh sajapam agarbhavijayam budhâh », et il faut probablement lire:
« sagarbham ahuh sajapam agarbham vijapam budhâh».

32. Faible rétention du souffle (mandah prânasamrodhah), rétention


moyenne, rétention dernière: ces trois termes correspondent aux trois termes
de la stance 30: prânâyâma inférieur, moyen, supérieur. Le prânâyâma in-
férieur est celui dans lequel la rétention du souffle est faible et ne dure que
12 màtrâs; le prânâyâma moyen est celui dans lequel la rétention du souffle
dure 24 màtrâs; le prânâyâma supérieur est celui dans lequel la rétention
du souffle dure 36 màtrâs. Selon Vâcaspatimisra (Comm. ad Yogasûtra, II,
50), une mâtrà (un instant) est le temps qu'il faut pour frotter trois fois
la rotule avec la main et faire claquer le pouce et l'index; c'est également
le temps normal qu'il faut à un homme en bonne santé pour une inspiration
et une expiration.
192 L'ÎSVARAGÎTÂ

33-34. Le sens de ces deux stances n'est pas clair, et le texte est peut-être
corrompu. J'ai adopté la leçon de l'édition de Calcutta. Cette leçon, qui est
fondée sur les meilleurs manuscrits, est intéressante parce qu'eUe contient
le mot sunaphâ. J'ai publié au sujet de ce mot, dans les Bulletins de la
Classe des Lettres de l'Académie Royale de Belgique (5e série, t. XVII,
n° 11, p. 444), une note, dont je reproduis ici l'essentiel.
Le mot sunaphâ, qui, dans ce passage de l'îsvaragïtà, est employé pour dé-
signer le yoga ou l'un des aspects du yoga, est la transcription du mot
grec cuvacpï|.
Le mot av\'acpr\ (de auvôjtTU), mettre ou entrer en contact) signifie: 1. con-
tact; et de là: suite locale ou logique; par exemple, dans Plutarque:
Ypa^ixâtcov auvaqjip'otiy. è%6vxwv (des lettres sans suite) ; 2. intersection (dans
Polybe) ; 3. confluent (dans Ptolémée) ; 4. (en musique) accord, semble-t-il,
outre un sens plus technique; 5. (en astrologie) conjonction; par exemple,
dans Manéthon. « Il y a owaqjrj (contact) entre deux planètes qui se trou-
vent sur le même méridien » (Bouehé-Leclereq, L'Astrologie grecque, p. 245) ;
6. relations sexuelles, union sexuelle (dans Mosehion). — Ainsi que nous al-
lons le voir, le mot eruvacpTJ a encore un autre sens.
Nous trouvons le mot sunaphâ dans deux passages de l'astrologue Varà-
hamihira, qui vivait au milieu du VI" siècle après J.-C.
Voici le premier passage (Varàhamihira, Laghujàtaka 9, 1) : « ravivarjam
/
dvâdasagair anaphâ eandrâd dvitïyagaih sunaphâ ubhayasthitair duru-
dharâ... »; ce qui, d'après le contexte, veut dire: « Il y a anaphâ (dvatpri)
lorsque, exception faite du soleil, les planètes (c'est-à-dire une planète ou
plusieurs planètes réunies) se trouvent dans le douzième signe à partir de
la lune, c'est-à-dire dans le signe zodiacal qui précède immédiatement celui
où se trouve la lune ; il y a sunaphâ ( cruvacpi'i ) lorsque, exception faite du
soleil, les planètes (c'est-à-dire une planète ou plusieurs planètes réunies)
se trouvent dans le deuxième signe à partir de la lune, c'est-à-dire dans le
signe zodiacal qui suit immédiatement celui où se trouve la lune; il y a
durudharà (ôopuepopta) lorsque, exception faite du soleil, les planètes (c'est-à-
dire une planète ou plusieurs planètes réunies) se trouvent dans chacun de
ces deux signes. »
Voici le second passage (Varàhamihira, Horàsâstra, 13, 3, a)
: « hitvàr-
kam sunaphânaphâdurudharàh svàntyobhayasthitair grahaih sîtâmsoh... »;
ce qui, d'après le contexte et le commentaire de Rudra, veut dire : « Il y a
sunaphâ (ouvcwpTJ), anaphâ (àva<prj) ou durudharà (Sopucpopi'a), selon que les
planètes, exception faite du soleil, se trouvent ou dans le deuxième signe à
partir de la lune, ou dans le douzième signe à partir de la lune, ou dans cha-
cun de ces deux signes. »
NOTES DU CHAPITRE XI 193
Il résulte de ces textes que le mot sunaphâ, ainsi que toute une série de
termes techniques, — tels que les noms des constellations zodiacales: kriya
(y.Qiéc_), tâvuri (TCIÛQOÇ), karkin (v.aQ-nivoç), etc.; les noms des principales
planètes: heli (f]?aoç), âra (agriç), kona (xgévoç), etc.; les termes : anaphâ
(âvctcpT|), durudharà (ôogucpogCa), kemadruma (xevôSgoiioç), harija (ôgîÇcov),
etc., — a été emprunté par les astrologues de l'Inde aux astrologues grecs.
Il faut remarquer cependant que, dans ces textes, le mot sunaphâ ne
signifie pas conjonction de planètes, mais qu'il désigne une position parti-
culière des planètes par rapport à la lune.
Dans le passage de l'îsvaragïtâ qui nous occupe, il ne s'agit pas d'astrolo-
gie, mais de philosophie ou de mystique. Il s'agit du yoga, c'est-à-dire de la
discipline ascétique qui permet au sage d'atteindre le samyoga, l'union avec
le Seigneur. Le yoga, ou un certain aspect du yoga, est appelé sunaphâ. Or
le mot cruvoKpTJ, dont sunaphâ est la transcription, est précisément le mot
employé par le philosophe néo-platonicien Proelus (environ 500 ans après
J.-C.) pour désigner le contact de l'âme avec l'Être suprême, l'union avec le
divin, avec l'Un.
Le mot auvacpTi est vraiment familier à Proelus. Il l'emploie dans le sens
de contact par les extrémités. Dans un passage (In Platonis Timaeum com-
mentaria; éd. E. Diehl, t. 2, p. 102, 1. 22), il s'en sert pour désigner le con-
tact de l'âme (tyvyj)) avec l'esprit (voùç), e'est-à-dire un rapport intermé-
diaire entre l'union (EVCOCIÇ) et la participation (HÉ9E|IÇ). L'esprit (voCç) peut
s'unir à l'esprit, mais l'âme ne peut qu'entrer en contact avec l'esprit, et
les corps ne peuvent que participer de l'esprit, comme les profondeurs de
la terre, qui « participent » des rayons du soleil. Dans plusieurs passages de
Proelus, auvowpri prend le sens de l'union mystique avec la divinité. Mais le
mot cruvaepr], employé dans le sens mystique, se trouve aussi dans un texte
plus ancien: il se trouve dans Plotin. Dans son Hvre intitulé: Le désir de
Dieu dans la Philosophie de Plotin, M. René Arnou s'occupe de la termi-
nologie de l'extase plotinienne. Au premier rang des termes qui expriment
« la contemplation de l'Un » figurent ovvaq>r\ (Enn. VI, 9,8 = Ed.
Volk-
mann, t. 2, p. 519) et ses synonymes ènarpr) (Enn. VI, 7, 36) et OiÇiç. 2i>vacpr|
n'est donc pas seulement un mot du vocabulaire de Proelus. Il semble être,
d'une manière plus générale, néo-platonicien; et peut-être est-ce à Plotin
qu'il faut faire remonter cet emploi mystique du mot.
Voici quelques passages de Proelus dans lesquels le mot <mvc«pT| est em-
ployé dans le sens mystique. Ces passages sont empruntés à ses commen-
taires sur le Timée de Platon: In Platonis Timaeum commentaria (éd.
E. Diehl).
13
194 L'ÎSVARAGÏTÂ

1. T. 1, p. 208, 1. 7: « ÔTI TOTÇ rotouSaîoiç f| eùywT| pâhioxo. Tiçoa-qxei, ÔIÔTI


ôè ôjxoîco TÔ ôjioiov cuvcwtTeaOai cpiAeî » — « que
ouvaepT) itgôç TÔ OEÎOV 'éaxi, TÔ>
la prière convient le mieux aux hommes vertueux, parce qu'elle est contact
(union) avec le divin et que le semblable aime à s'unir au semblable. »
2. 1, 211, 18 : « TgiTT) 8è T) auvacpiî, xa0' V EcpaitTÔueGa i% OEÛXÇ ovoiaç xâ
àxgoTârc» x^ç-tyv%r\çy.oiovvvevo\i£\' jtgôç o.vxryv. » — «En troisième Heu, le
contact, grâce auquel nous touchons à l'essence divine par le « sommet »
de l'âme (par l'essence suprême de l'âme), et grâce auquel nous sommes
en parfait accord avec cette essence. »
3. 2, 243, 17 : « TTJÇ Jigôç TÔ êv <juvacf% » — le contact (l'union) avec
l'Un. »
4. 2, 247,10 : « f| cn)vacpT| TÎ)ç tyvyr\ç. »

5. 3, 236, 30 : « ôi' à?ioviaç yàg f| ouvoupr] itgôç TÔ 8ià voû


a^oyov, &<JTIEQ

ngôç TÔV vow.» — « En effet, c'est par l'absence de raison que se fait l'union
avec ce qui est privé de raison, comme c'est par l'esprit que se fait l'union
avec l'esprit. »
6. 3, 315, 28 : « KO! yàç> o vovç È'vOeoç YLveToa TTJ îtgôç TÔ CT truvaqpfj. — En
effet, l'esprit devient inspiré (SVOEOÇ) par l'union avec l'Un. »
J'avoue que, lorsque j'ai découvert ces textes de Proelus et qu'à la lumière
de ces textes j'ai relu le passage de l'îsvaragïtâ où le mot sunaphâ est em-
ployé pour désigner le yoga ou l'un des aspects du yoga, j'ai été tenté de
conclure immédiatement que le mot sunaphâ, dans ce sens, a été emprunté
par les philosophes de l'Inde aux philosophes grecs. Mais j'ai pensé en-
suite que cette conclusion hardie était peut-être trop hâtive.
Puisque les textes de Varàhamihira prouvent que le mot sunaphâ, dans
le sens astrologique, a été emprunté par les astrologues de l'Inde aux astro-
logues de la Grèce, il est peut-être plus sage de supposer que l'auteur
de l'îsvaragïtâ a emprunté le mot sunaphâ non pas aux philosophes grecs,
mais aux astrologues de l'Inde, et que si, dans le texte de l'îsvaragïtâ, le mot
sunaphâ, désignant le yoga ou l'un des aspects du yoga, semble avoir le
même sens que le mot cruvacpT| dans le texte de Proelus, c'est là une coïnci-
dence due au hasard.
Il résulte des expheations données par Rudra au sujet du texte de Va-
ràhamihira que le mot yoga était un terme employé par les astrologues
de l'Inde pour désigner les différentes positions des planètes par rapport
à la lune, et que l'un des ces yogas était appelé sunaphâ. H est donc pos-
sible que l'auteur de l'îsvaragïtâ, s'inspirant de l'astrologie et se souvenant
qu'en astrologie un des yogas (une des positions des planètes par rapport
NOTES DU CHAPITRE XI 195
à la lune) portait le nom de sunaphâ, ait été amené à donner ce nom à
l'un des aspects de la discipHne ascétique appelée yoga.
Cependant, il faut remarquer:
1. Que dans le texte de l'îsvaragïtâ le mot sunaphâ semble avoir un
sens bien éloigné du sens qu'il a dans les textes de Varàhamihira, — un
sens qu'il est difficile de bien expliquer par les textes astrologiques;
2. Que dans le texte de l'îsvaragïtâ il est dit que le yoga appelé suna-
phâ est samyoga, union avec la divinité, ce qui semble indiquer que l'auteur
a employé sunaphâ dans un sens analogue au sens qu'a le mot ouvatpTi
dans les textes de Plotin et de Proelus, et qu'il connaissait la signification
de ce mot.
C'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas écarter l'hypothèse d'un em-
prunt à un texte philosophique grec. En effet, d'une part, il semble assez
difficile d'admettre que la similitude de sens du mot sunaphâ de l'îsva-
ragïtâ et du mot auvaq>ifj| des néo-platoniciens soit une simple coïncidence,
et, d'autre part, il ne semble pas impossible qu'à l'époque tardive où l'îsva-
ragïtâ fut composée, à une époque où les échanges intellectuels entre l'Inde
et l'Occident s'étaient multipliés, la philosophie grecque — de.même que
l'astronomie grecque et d'autres sciences — ait exercé une influence sur les
penseurs des bords de l'Indus et du Gange.
Je venais de publier cette note, lorsque je me suis aperçu que, dans ce
même chapitre de l'îsvaragïtâ, à la stance 5, la leçon des mss. A, E et H
contient non seulement le mot sunaphâ, mais aussi le mot anuphâ, qui est
évidemment une faute et qui doit être remplacé par le mot anaphâ. Le
texte de cette leçon est obscur et probablement corrompu. Mais l'auteur
semble avoir voulu dire que le yoga abhâva est appelé anaphâ, tandis que
le meilleur des yogas est appelé sunaphâ. Quoi qu'il en soit, cette leçon
semble donner plus de poids à l'hypothèse selon laquelle l'auteur de l'îsva-
ragïtâ aurait emprunté le terme sunaphâ aux textes astrologiques de l'Inde.
Elle n'écarte cependant pas l'hypothèse d'un emprunt à un texte philoso-
phique grec, attendu que dvatpri comme am'acpi'i semble avoir appartenu au
vocabulaire des néo-platoniciens et avoir été employé pour désigner le con-
tact de l'âme avec la divinité. En effet, le mot se trouve dans la scholie re-
lative à Proelus 211, 8 : « âvoupr] jtgôç OEÔV. »

Le mot ucchvâsa peut signifier simplement « expiration » Je l'ai traduit


par « cessation de la respiration », parce que la discipline ascétique dont
il est question ici doit produire, semble-t-il, autre chose que le phénomène
ordinaire de l'expiration.
196 L'ÎSVARAGÏTÂ

manusyânâm doit être considéré non pas comme le complément de sam-


yogah, mais comme le complément de ânandât. C'est ce que prouve, ainsi
que me l'a fait remarquer M. F. O. Schrader, un pasage de la Taittirïya-
Upanisad (cf. Taitt.-Up. : Ânandavallï 8: « mânusya ânandah... »).
Le prânâyâma sagarbha est le prânâyâma accompagné de la récitation
mentale de formules mystiques et de prières (cf. st. 31 et 35).

Comme l'auteur vient de déclarer (st. 31) que le prânâyâma est de deux
sortes: sagarbha et agarbha, on s'attend à trouver ici une définition de ces
deux termes. Le texte des éditions de Calcutta et de Bombay ne donne pas
cette double définition attendue. En s'inspirant des variantes fournies par
B et Bo.v, on pourrait obtenir le texte suivant: a yah svedakampanocch-
/
vâsajanakas tu yathâkramam mandamadhyamamukhyânâm ânandâd utta-
/
mottamah. sagarbham ahuh sajapam argarbham vijapam budhâh etad /
/
dhi yoginâm uktam prânâyamasya laksanam. » Et l'on pourrait traduire:
« Mais de ces trois rétentions du souffle — rétention faible, rétention
moyenne et rétention supérieure —, celle qui produit successivement la
transpiration, le tremblement et la cessation de la respiration, est la meil-
leure à cause de la joie qu'eUe procure. Les sages appeUent prânâyâma
sagarbha celui qui est accompagné de récitation (mentale), et prânâyâma
agarbha celui qui n'est pas accompagné de récitation (mentale). Ainsi a
été exposé ce qui caractérise le prânâyâma des yogins. »

35. Les vyâhrtis sont des noms mystiques qui désignent les mondes. Selon
les textes anciens, il y a trois vyâhrtis: « bhûr (terre), bhuvar (atmosphère),
svar (ciel).)) Selon les textes les plus récents, il y a sept vyâhrtis: «bhûr,
bhuvar, svar, mahar, janar, tapar, satya, » Chacune de ces sept vyâhrtis
désigne un des sept mondes. Satya désigne le satyaloka, le monde de la
réalité absolue, le monde suprême.

La gàyatrï, c'est la gàyatri par exceUence, c'est la Sâvitrï, la plus cé-


lèbre de toutes les prières du Veda : «Puissions nous recevoir cette exeeUente
lumière du dieu Savitar, qui inspirera nos pensées!» (R. V. III, 62, 10).

37. Les définitions données ici par l'auteur diffèrent un peu des défini-
tions habituelles. Pour lui, ce qu'il y a d'essentiel dans le pûraka, c'est
non
pas qu'il remplit la poitrine, mais qu'il retient le recaka, qui tend à ex-
pulser l'air inspiré. Le kumbhaka, qui est l'arrêt produit par l'équihbre des
tendances opposées du recaka et du pûraka, supprime le mouvement de l'air
à l'intérieur du corps.
NOTES DU CHAPITRE XI 197
40. Peut-être, pour éviter l'hiatus, faut-il adopter la leçon : âlambya bud-
dher, qui est la leçon des mss. B, G, E et H.
L'expression pratyantarair asrstâ paraît d'abord obscure, pratyantara
est un mot rare qui, semble-t-il, est l'équivalent de pratyanantara et signi-
fie par conséquent: «qui se trouve à proximité», asrstâ signifie ici, je
pense, non pas « non créée », mais « non déliée, non détachée, non dis-
traite ».
41. L'interprétation que je propose est très incertaine. L'auteur semble
vouloir dire que ce qui caractérise le samâdhi et ce qui le distingue du
dhyàna, c'est que, dans le samâdhi, la pensée devient indépendante de l'en-
droit du corps sur lequel eUe s'est d'abord fixée pour se concentrer, qu'elle
se confond avec son objet (qui est le brahman ou le Seigneur), et que la
certitude qu'elle acquiert, provient uniquement de cet objet.
42. A propos de cette stance, M. P. Oltramare (Histoire des idées théo-
sophiques de l'Inde, I, p. 335) a écrit : « L'îsvaragïtâ nous apprend que
la dhâranâ dure autant que douze prânàyâmas, que le dhyàna équivaut
à douze dhàranàs et que le samâdhi équivaut à douze dhyànas. En comp-
tant quatre secondes par prânâyâma, cela ne donne pas tout à fait deux
heures pour le samâdhi. » Je crois que c'est faire erreur que de ne comp-
ter que quatre secondes par prânâyâma, et que par conséquent la conclu-
sion de M. P. Oltramare ne peut être acceptée. En effet, selon la st. 32 de
ce chapitre, un prânâyâma dure au moins douze màtrâs et, selon Vàcaspa-
timisra (Comm. ad Yogasûtra, II, 50), une màtrà est le temps qu'il faut
pour frotter trois fois la rotule avec la main et faire claquer le pouce et
l'index, ou le temps normal qu'il faut à un homme en bonne santé pour une
inspiration et une expiration. D'aiUeurs, si le prânâyâma inférieur ne dure
que douze màtrâs, la durée du prânâyâma moyen est de 24 nâtras, et celle
du prânâyâma supérieur, de 36 màtrâs.
L'expression dhyânam dvâdasakam peut signifier « le douzième dhyàna »
ou « un dhyàna composé de douze dhyânas ».
48. Le mot jantu désigne toutes sortes de petits animaux inférieurs, tels
que les vers et les insectes.
52. Ganesa, le dieu à tête d'éléphant, le dieu qui renverse tous les obsta-
cles, et que l'on invoque au début de toute entreprise difficile.

55-57. Le lotus symbolique qui est décrit ici, est l'image même du yoga.
Sa racine, ou plutôt son bulbe (kanda), c'est le dharma, car, avant de pra-
tiquer les exercices de la disciphne ascétique, il faut que le yogin observe
198 L'ÎSVARAGÏTÂ

fidèlement ses devoirs religieux et moraux. Sa tige, c'est la connaissance,


car, pour pratiquer le yoga, il faut que le yogin possède d'abord la connais-
sance philosophique qui en est le support, et c'est par la connaissance et la
méditation qu'il atteindra le but suprême. Ses pétales, ce sont les huit
pouvoirs surhumains que le yogin acquiert par ses exercices ascétiques, et
qui sont pour lui la preuve du prochain succès de son entreprise. Le récep-
tacle de la fleur symboHque, c'est PimpassibiHté, l'indifférence, c'est-à-dire
le renoncement ; car, en vue d'arriver au but, le yogin renonce non seulement
à toutes les joies terrestres, mais encore aux pouvoirs surhumains qu'il a
acquis. Dans ce réceptacle, se trouve le fruit d'or qui est fait de toutes les
énergies divines. Ce fruit d'or, c'est le ciel immuable, c'est l'être non-
manifesté; et au milieu de ce fruit d'or se trouve le Seigneur, objet su-
prême de la méditation du yogin.

L'angula (le pouce) est une mesure de longueur égale à la douzième


partie de la vitasti, c'est-à-dire de l'empan.
L'expression dvâdaéângulye n'est pas tout à fait claire. L'auteur veut
dire, je pense, que la fleur du lotus imaginé se trouve à la distance de douze
angulas au-dessus du sommet du crâne ou au-dessus de l'extrémité de la
sikhâ du yogin, c'est-à-dire que la tige de ce lotus a la longueur de douze
angulas. Le chiffre douze est peut-être une aUusion aux douze dhyânas
(méditations) qui amènent le yogin au samâdhi (à la contemplation extati-
que).
Les huit aisvaryas (les huit pouvoirs surhumains) sont: 1. animan: le
pouvoir de devenir aussi petit qu'un atome; 2. laghiman: le pouvoir de
devenir infiniment léger; 3. mahiman: le pouvoir de grandir à volonté;
4. prâpti: le pouvoir de tout obtenir; 5. prâkâmya: la Hberté absolue de la
volonté; 6. vaéitva: le pouvoir de soumettre à sa volonté; 7. îsitva: la do-
mination; 8. kâmâvasâyitva: le pouvoir de supprimer le désir.
J'ai traduit le mot koéa par «fruit» parce que, d'une part, le kosa contient
la semence, et que, d'autre part le kosa se trouve dans le réceptacle (karni-
kâyâm).

58-59. Voici quelle est, je crois, la pensée de l'auteur. Arrivé à ce point


de sa méditation, comme il est encore séparé du Seigneur, le yogin met sa
joie dans la lumière immaculée et impérissable du fruit d'or qui est fait
de toutes les énergies divines et qui représente l'avyakta (l'être non-mani-
festé). Mais, quand il aura fixé sa pensée sur le Seigneur, qui se trouve au
miHeu du fruit d'or, quand il se sera identifié à l'âtman, qui pénètre tout,
quand, s'étant identifié à l'objet de sa pensée, il ne pensera plus à rien,
NOTES DU CHAPITRE XI 199

alors, plongé dans le samâdhi, il sera uni au Seigneur et connaîtra la joie


suprême. Cf. X, 10.
Il faut noter que le Seigneur, considéré comme la graine qui se trouve au
milieu du fruit d'or, est appelé paramakârana, la cause suprême.
60-61. Si l'âtman du yogin est comparé ici à une forêt et le purusa
(l'Esprit) à une flamme, c'est vraisemblablement parce que le purusa éclaire
l'âme du yogin ou que le purusa, par sa flamme, peut incendier et détruire
tout ce qui obscurcit l'âme du yogin.
Le purusa (l'Esprit) est appelé le vingt-cinquième principe lorsqu'il a pu
se fibérer de l'ahamkàra (du principe d'individuation), c'est-à-dire lorsque,
débarrassé de l'illusion, il s'est séparé de la prakrti (III, 11). Cf. VII, 21
note.
Le sens des deux derniers pâdas de la stance 61 n'est pas clair. On peut
comprendre : « il faut que, dans cette forêt, il se représente le purusa,
l'âtman suprême, comme une flamme, et qu'au milieu, il se représente le
ciel suprême » ; ou bien : « il faut que, dans cette forêt, il se représente le
purusa comme une flamme, et qu'au milieu, il se représente l'âtman suprême,
le ciel suprême)). J'ai préféré cette dernière interprétation, car je pense
qu'il faut considérer le paramàtman comme un principe supérieur au
purusa, et le ciel suprême comme l'image du paramàtman. Cf. III, 21.
62. Le nom donné au principe dont l'expression est la sainte syllabe
« om », c'est-à-dire à l'avyakta (cf. st. 57), est vraisemblablement une allu-
sion au nom du Seigneur, au nom de Siva lui-même.

63.Il faut distinguer entre l'être irrévélé, qui, plongé dans la prakrti,
apparaît omniforme, et l'être absolu, qui n'a qu'une seule et unique forme.
64. Le mot tattvâni désigne ici, je pense, les vingt-cinq principes du
sâmkhya: le purusa, la prakrti, la buddhi, l'ahamkàra, le manas, les cinq
organes de la sensation et les cinq organes de l'action, les cinq éléments
subtils et les cinq grands éléments.
65-66. tenaiva jfiânavârinâ (par cette eau lustrale de la connaissance).
Cette expression mystique semble désigner la sainte syHabe « om », qui est
comme une eau lustrale au moyen de laquelle le yogin purifie sa connais-
sance. Cf. visodhya sarvatattvâni pranavena dans la stance précédente.
C'est pour ressembler à Siva, pour s'identifier à Siva, que le yogin se
couvre le corps de cendre; en effet, selon la tradition, Siva, après avoir
détruit l'univers d'un regard, s'est couvert le corps de ses cendres.
Je n'ai pas pu trouver dans les textes la formule « agnir âditya » indi-
quée ici.
200 L'ïéVARAGÏTÂ

67. Le mot pâéupata signifie: «qui appartient à Pasupati». Pasupati


(le maître des bêtes du troupeau, le berger, le pasteur des âmes) est un des
noms de Siva.
Le yoga pàsupata ne peut, semble-t-il, désigner le yoga des adorateurs de
Siva connus sous le nom de Pàsupatas, attendu que, au moins dans deux
passages du Kûrma-Purâna (Pûrvavibhâga XXX, 25 et XVI, 115 [119]),
l'auteur parle de cette secte avec mépris.
Les quatre âsramas, les quatre phases de la vie du brahmane sont : 1. l'état
de brahmaeârin ou novice; 2. l'état de grhastha ou maître de maison;
3. l'état de vànaprastha ou anachorète; 4. l'état de yati ou ascète mendiant.
Je pense que, dans l'expression aty âsramam, le mot âsrama désigne l'en-
semble des quatre âsramas. Cf. atyâéramin (Svetâsvatara-Up. VI, 21 et
Kaivalya-Up. II, 5).
70. J'ai adopté la leçon desmss. B et F, car je n'ai pas cru pouvoir
maintenir le texte des éditions de Calcutta et de Bombay: ekenâpy atha
hïnena vratam asya na lupyate. Il me semble, en effet, inadmissible que
l'auteur ait pu dire: « Si un seul de ces éléments vient à manquer (par le
manque d'un seul de ces éléments), le voeu religieux du yogin n'est pas
violé».— Désireux tout d'abord de maintenir le texte des éditions, j'ai
pensé un instant pouvoir traduire : « Le voeu religieux du yogin n'est violé
par le manque d'aucun de ces éléments (c'est-à-dire: aucun de ces éléments
ne manque au voeu religieux du yogin) ». Mais ce serait là certainement
une traduction forcée.
vratam asya désigne évidemment le vrata du yogin.
82. Les éditions de Calcutta et de Bombay donnent le texte suivant:
karmany api pravrtto 'pi karmanâ tena budhyate; ce qui signifie: «quand
il s'engage dans une action, il est illuminé par cette action (c'est-à-dire que
cette action n'a comme effet que d'éclairer son esprit) ». J'ai adopté la leçon
des mss. B et F, qui me semble bien préférable, parce qu'eue offre
un sens
plus conforme à la suite des idées exprimées ici (cf. st. 83 et 84).
85. Je n'ai pas cru pouvoir maintenir la leçon de Ca et Bo (upâsyati est
un solécisme), et j'ai adopté la leçon de B et Bo.v (upai-syati) (cf. XI, 79
et Bhag. XI, 55).
87. Ce passage est obscur, et
je considère ma traduction comme incertaine.
Le mot mâyeya, dérivé de mâyâ, est attesté
par Pânini, mais ne se trouve
pas dans les textes. Sans doute mâyeyam peut signifier « cette mâyâ »
(mâyâ iyam) ; mais je ne crois pas qu'en traduisant ainsi,
on puisse ob-
tenir un sens satisfaisant.
NOTES DU CHAPITRE XI 201

88. Le mot yogaksemo, est un mot védique qui signifie « acquisition et


possession » ou « sûre possession de ce que l'on a acquis ». De là le mot a
pris le sens de sécurité suprême, béatitude. Mais ici l'auteur fait peut-
être allusion à la discipline ascétique (yoga), et c'est pourquoi l'on pourrait
traduire l'expression par « la sûre possession du yoga », ou « la paix par
le yoga ».
89. La récompense que reçoivent les adorateurs de ces divinités sera hmi-
tée, comme sont Hmitées la puissance et l'existence de ces divinités périssa-
bles.
112. C'est sous l'aspect de Visnu que l'Être suprême maintient l'univers,
comme c'est sous l'aspect de Brahmà qu'il le crée, et sous l'aspect de
Rudra qu'il le détruit.
116. Peut-être faut-il lire: mattvainam devatântaram.
117. L'expression « nàràyanam anindakam » est mauvaise et manque de
clarté. La leçon de B « na nârâyananindakam » (je ne donne point la défi-
vrance à celui qui méprise Nàrâyana) paraît préférable; mais c'est vrai-
semblablement une correction.
-'' \
120. La construction de la phrase paraît un peu gauche parce que le verbe
uvâcâ est sous-entendu.
126. Sanatkumàra: cf. I, 16 note.
Samvarta est le nom d'un rsi considéré comme l'auteur de l'hymne 172
du deuxième fivre du Rgveda. C'est aussi le nom d'un grand muni, auteur
d'un code de lois.
127. Sanandana: cf. I, 16 note.
Pulaha est le nom d'un des grands rsis créateurs qui sont nés de l'esprit
de Brahmà, et qui sont appelés Prajâpatis (Seigneurs des créatures).
Gautama est le nom de plusieurs sages, descendants du rsi Gotama, de la
famiHe des Angiras.
Angiras: cf. I, 17 note.
Bhàradvâja est le nom de plusieurs sages, descendants du rsi Bharadvàja,
Kapila: cf. I, 17 note.
Jaigïsavya est le nom d'un rsi, descendant de Jigïsu.
Paneasikha est le nom d'un ancien sage, qui enseignait la philosophie
sâmkhya.
129.Paràsara: cf. I, 10 note.
Sanaka: cf. I, 16 note.
Vâlmïki est le nom de l'auteur du Râmâyana.
202 L'ÎSVARAGÏTÂ

130. Vâmadeva est le nom d'un ancien rsi considéré comme l'auteur de
la majeure partie du quatrième Hvre du Rgveda. C'est aussi le nom d'un
des onze Rudras (manifestations ou incarnations de Siva). Pour notre
auteur, le rsi Vâmadeva et le Rudra Vâmadeva ne sont, semble-t-il, qu'un
seul et même personnage.
Kàla (le Temps, la Mort) est un des noms de Siva. Le Rudra Vâmadeva
est représenté ici comme portant le trident de Siva.
131. L'auteur fait ici une claire aUusion à la Bhagavadgïtà. C'est en
effet dans la Bhagavadgïtà que Krsna (incarnation de Visnu) enseigne au
héros Arjuna la science divine.
Ddvakï est le nom de la mère de Krsna.
132. Girisa (le dieu qui habite la montagne) est un des noms de Siva.
133. Sthânu (le dieu immobile) est un des noms de Siva qui, dit-on,
lorsqu'il pratique l'ascétisme, reste aussi immobile qu'un tronc d'arbre
(stânu).
135. Ce qui caractérise le karmayoga, c'est l'acte désintéressé, c'est le
renoncement. Cf. Bhagavadgïtà Chap. III.
136. Saunaka est le nom d'un ancien sage, qui est considéré comme l'au-
teur du Rgvedapràtisàkhya et de la Brhaddevatâ. Selon le Visnu-Purâna,
il était fils du rsi Grtsamada. Cf. I, 9.
137. L'auteur exprime ici d'une manière singulière son désir de concilier
le cul';e de Siva et le culte de Visnu.
139-142. Il y a ici peut-être une interpolation. Selon une note de l'édi-
tion de Calcutta, les pâdas c et d de la stance 139, les stances 140 et 141, et
les pàdas a et b de la stance 142 manquent dans les manuscrits A, E et H.
141. L'auteur fait aUusion ici à ce qui est raconté dans le premier chapi-
tre du Kûrma-Purâna: « purâmrtârtham daiteyadânavaih saha devatâh man-
thânam mandaram krtvâ, mamanthuh ksïrasâgaramj maihyamân-e tadâ tas-
min, kûrmarûpï janârdanah babhâra mandaram devo devânâm hitakâmyayâ
tejasâ visnum avyaktam nâradâdyâ maharsayuh mohitâh saha sakrena
êreyovacanam abruvan (Kûrma-Purâna, Pûrvavibhâga, I, st. 27 sq.).
146. Peut-être faut-il adopter la leçon de B et traduire « C'est pourquoi
il faut que les hommes pieux, et particulièrement les brahmanes, l'étudient
avec le plus grand soin, et l'écoutent, et y pensent, toujours. »
VARIANTES
SIGLES

Ca = Edition de Calcutta (Bibliotheca Indica 1890).


Bo = Edition de Bombay (Srïvenkatesvara Steam Press 1926).
A = ms A de l'édition de Calcutta.
B = ms B de l'édition de Calcutta.
C = ms C de l'édition de Calcutta,
E = ms E de l'édition de Calcutta.
F = ms F de l'édition de Calcutta,
G = ms G de l'édition de Calcutta.
H = ms H de l'édition de Calcutta.
Bo.v. = variante de l'édition de Bombay.
Bo.v.2 = seconde variante de l'édition de Bombay.
Vij. = citation de Vijnànabhiksu (Sàmkhyapravaeanabhâsya) (éd. Garbe).
VARIANTES

I
1,b — Ca: prabhuh; B, Bo.v: tatah; E, G, H, Bo.v.2: subhah. — Je lis:
« prabho », qui est la leçon de Bo.
1, c. — B, Bo.v : brahmàndasyàsya vistàro.
3, b. — B, Bo.v : duhkhanàsanam uttamam.
3, d. — B, E, H : yena pasyema tat param.
6, d. — B : yatra yatra samâsate.
8, c. d. — B, Bo.v: pradaksinîkrtya gurum prànjalih pàrsvato 'bhavat; F:
pranamya sirasà bhûmau prànjalih pàrsvato 'bhavat.
9, e. — B, Bo.v : samàsvâsyàsanam tasmai.
10, a. — Bo : athaitàn abravïd.
10, c. — B, Bo.v: kaccin na tapaso hânih.
11, a. — B : tatah sa sûtah.
12, c. — B : jàyate caiva.
15, d. — B : svayam yat samabhâsata.
17, a. — B, F, Bo.v: kapilo yogï.
18, b. — Ca, Bo : sarve samyamàvistaeetasah. — Je lis : « sarve samsayà-
vistacetasah », qui est la leçon de B, F, Bo.v. (cf. st. 25).
19, b. — B, Bo.v : dharmasutam sucim.
23, a, — Ca, Bo : vayam samyamam âpannàh. — Je lis : « vayam samsayam
âpannâh », qui est la leçon de B, F, Bo.v. (cf. st. 25).
23,c. •— B, Bo.v: bhavantam eva.
24, c. — B : nàrâyanah parah.
25, c. — B, F, Bo.v : susrûsàsmàkam akhilam.
26,c. — B: kâ mûrtih.
27, a. — B, E, H, Bo.v : kah samsârapatïsânah.
28, c. — B : tâpasam rflpam.
34, d. — B : samhârakârana.
37, d. — B, Bo.v : mamàcyuta.
41, a. — Bo : tvam hi vetsi.
41, c. — B : tatas tvam àtmanâtmânam..
43, a. — B, Bo.v: sandarsanâd umesasya.
206 L'ïéVARAGÏTÂ

44, a. — B, Bo.v : drastum arhatha visvesam. — Bo : drastum arhatha de-


vesam.
44, c. — B, Bo.v: mamaiva sannidhâv eva.
47,b. •— B: saha visvavit.
48, a. — B, H : tam te devâdidevesam.
50, ab. — B, Bo.v : savâsudevam àsïnam tam ïsam dadrsuh kila.
52, b. — B, Bo.v: yàeyàmànam mayànaghâh.
52, c. •— B : prasântamànasàh sarve.
52, d. — B, F, Bo.v : jnânam ïsvarabhàsitam.

II
2,b. — B, E, F, H: brahmabhûtâ.
2, c. — B : prapasyanti.
4, ab. — B, Bo.v: kevalah susthah sântah; F, Bo.v.2: kevalah sântah
sflksmah.
4, d. — B, Bo.v : cinmayas tâmasah parah ; F, Bo.v.2 : tanmanâh parah.
5, c. — B, F : sa kàlo 'gnir.
6, c. — B : amâyï màyayà.
7, — Cette stance manque dans B.
7, b. — E, F, G, H : na ca samsârayet prabhuh.
8, c. — Bo, B : na rûparasagandhàs ca.
9, c. — B, Bo.v : na kartà na ca bhoktâ va.
9,f. — B, Bo.v: caitanyam paramârthatah; F, H: caitanye paramârthatah.
10, a. — B : na râgadvesatamasoh.
10, c. — Vij : tâvad aikyam na sambaddham.
12, a. — B : tathâtmâ mafinah susthah ; Vij : yady âtmâ malino 'svaceho.
14,b. — B: krsah kàleti.
15, a. — B : vidanti vedavidvâmsah.
16, a. — B, Vij : tasmâd ajnânamùlo 'yam.
18, a, — B : pasyanti hy arsayo.
18, c. — B, Bo.v: pradhânam prakrtim buddhvà: F, Bo.v.2: pradhànam
prakrtim buddheh.
19, a. — B, Bo.v: tenàtra sangato hy àtmà.
20, b. — B, Bo.v: tasmât sukham.
21, a. — B, F : karmàny asya bhaved dosah ; Vij : kàryo hy asya bhaved
dosah.
21, b. — B, H, Vij : iti srutih.
21, c. — Vij : taddosàd eva sarvesàm.
VARIANTES 207

22, a, B, E, F, H, Bo.v: nityah sarvatrago hy àtmâ.



22, c. B, F, H, Bo.v: ekah sa bhidyate.

24, a. B : tathâ hi dhûmasamparkân.

25. b. —B: sphâtiko 'malah; Bo.v: sphotiko 'malah.
26,c.'— B, Bo.v: arthasvarûpam, vijnanât; F, Bo.v.2: arthasvarûpam
evàjnâ.
28. — Vij : yathà samlaksyate raktah kevalah sphâtiko janaih ranjakâ-
dyupadhânena, tadvat paramapurusah.
28, c. — Ca, Bo : rattikà,
29, b. — B : sarvagato 'vyayah.
30, b. — B, F, Bo.v : sarvatragani sadâ.
30, c. — B, Bo.v: yogino 'vyavadhànena.
31,b. — Ca: svàtmany evâbhidhïyate. — Je lis: «svàtmany evàbhipasyati»,
qui est la leçon de Bo et de B.
32, c. — B : parenàdau.
34,c. — B: vistâro.
34, d. — B, F : sampadyate tadâ.
35,cd. — Ca: màyâmâtram tadâ sarvam jagad; B: màyâmâtram jagat
krtsnam tadâ. — « màyâmâtram tathâ » est une conjecture.
38, b. — B : ajnànenàyutam loko.
38, e. — B : muhyate.
39, c. — B, Bo.v : ajnânam iti tat sarvam.
39, d. — B : iti me matam.
40, a. — B : etad vah paramam.
40, b. — B : bhâvitam jnânam.
41,b. — B, Bo.v: jnànân moksah pravartate.
42, b. — Ca, Bo: tad atigamyate; E, H, Bo.v.2: tad abhigamyate. — Je lis:
« tad adhigamyate », qui est la leçon de B,
F et Bo.v.
44, a. — B, F, H : yat tat sarvagatam.
46, a. — B, Bo.v : sarvakâmah sarvarasah.
47, a. — B, Bo.v: javano.
47, c. — B : vicaksur api.
49, a. — B : pasyanti carsayo.
49, d. — B, Bo.v: yat tad aisvaryam uttamam.
52, a. — B, Bo.v: yan me guhyatamam.
53, ab. — B, H, Bo.v : tesàm hi vasam àpannâ mâyâ me visvarûpinï.
54, a. — B, F, Bo.v: na tesàm punaràvrttih.
208 L'ÎSVARAGÏTÂ

III

7,b. — B, Bo.v: jagad avyaktamûrtinà; F, Bo.v.2: jagad avyayamûrtinâ,


7, d. — B, F : yas tam veda sa vedavit.
8, c. — B: tayor anàdir nirdistah; Bo.v: tayor anàdinirdistah.
11, a. — B : prakrtistho hi.
12, e. — B : vijnànasaktivijnàtà.
15, a. — B : tenâvivekatas tasmàt.
20, c. —• B : so
'ham sarvatragah sânto.
20, d. — B, Bo.v: jnânâtmâ paramesvarah.
21, b. — B : mâm vijnâya vimucyate.
21, c. — B : nityam hi nàsti jagati.
21, e. — B, Bo.v : rte mâm ekam.

IV

1, d. — B : yenedam sampravartate.
3, a. — B, Bo.v : sarvabhàvânâm.
3,b. — B: sarvagah.
4, d. — B, Bo.v : loke 'smin visvatomukhah.
5, c. — B, F : brahmâno manavah.
6, a. — B : satatam devà.
6,c. — B, Bo.v: vividhair agnim; F, Bo.v.2: vividhair agnau.
7, a. — B, Bo.v : sarve lokâ namasyanti.
8,b. — B, F: bhoktâ caika.
8, d. — B, F : sarvasamstutah ; Bo : sarvasamplutah.
9, b. — B, F : ye bhaktyà mâm upàsate.
10, d. — B : kâlena mayi samgatàh.
11, a. — B : na madbhaktà vinasyanti.
11, c. — B : âdàv etad.
11, d. — B : na madbhaktah.
12, c. — B : yo hi tam pûjayed.
16, a. — B : aham vai.
17, b. — B : srastàham paripâlakah.
20. — B et Bo, après le mot « jagat », intercalent les pàdas a et b de la
stance 27.
21, d. — B, Bo.v: 'ham eva hi jaganmayah.
VARIANTES 209

25, a. — B : anye ca ye 'tra me bhaktâ.


27,b. — B, Bo.v: yogam àsritah.
29, d. — B, G, H, Bo.v : mahàdevo mahàprabhuh.
30,b. — B, Bo.v: sarvatattvànàm paratvât.
32, b. — B, Bo : paramânandam àsritah.
32, éd. — B, Bo.v : prerayàmi jagat krtsnam yas tad veda sa vedavit.
33,b. — B: nisthitam.

o. — Ca: sûta uvâca. — Je lis: « vyâsa uvàca », qui est la leçon de


Bo, B et F.
3, a. — Bo, B : yam vidur.
4, b. — Bo : preryate ; B : presyate ; F : pûryate.
5, b. — Ca : puruso jnànajam bhayam. — Je lis : « puruso 'jnânajam
bhayam », qui est la leçon de Bo ; cf. st. 7.
6, a. — B, E, F, H, Bo.v: yam vinidrâ jitasvàsâh.
7, c. — B, Bo.v: tam eva moeakam.
9, c. — Ca : dandamàtram. — Je lis : « dandapânim », qui est la leçon
de Bo et de B.
12, d. — B, Bo : ânandani jyotir avyayam.
13, c. — B, G : kâlàtmànam kalâkâlam ; F : kâlàtmànam kalâkàram.
15, a. — B : sàsvataisvaryavitapam.
16, c. — B, F : ïsvarenaikatâpannam.
19, a. — B : drstvâ ca.
20, d. — B, Bo.v : mànasâs te.
22, c. — B : dhyâtvà susthamanasam; F : dhyàtvàtmasamstham acalam ;
Bo.v: dhyàtvâtmastham acalam; H: dhyàtmastham acalam.
26, e. — B, Bo.v: saranam prapannà; F, Bo.v.2: tvâm prakrter gunâs ca.
26, d. — B, Bo.v.2: yogàtmànam eitpatim; Bo.v: yogâtmânam cinmayam;
F, Bov.3: yogàtmànam rudram anantasaktim.
27, d. — Bo : brahmànandam cànubhûyânubhûya,
28, e. — B : tam tvâm satyam.
28, d. — B : bhavatah svaprakâsam.
29, d. — B : tvâm visanti.
30, a. — Ca: visvarûpah; B, Bov: bhavân ïso nàdimàms tejorâsir.
32, c. — B, F : vedyam tvà.
32, d. — B, Bo.v : tesâm sântih sàsvatï netaresàm.
33, a. — B : âhuh paramam rudram.
14
210 L'ÎSVARAGÏTÂ

33, b. — Bo : brahmam grnantam.


33,c. — B, Bo.v: indram mrtyum analam cekitânam.
35, b. — B, Bo.v: tvam eva visnur.
35,c. — E, F, H: tvam visvanàbhah.
36, d. — B, Bo.v: sûnyam prakrtir nirgunam ca.
39, a. — B : smaranàd asesam.
39, c. — F: pranidhâya kàryam.
40, a. — B : namo bhavàyàstu.
40, d. — Bo.v: namo mahâdeva namah sivàya.
41, a. — B : sa bhagavân devah.
42, d. — B, F : vismitâ vàkyam.
43, d. — B, Bo.v: nirvrtâh.
45, c. — B, Bo.v : bhûyo 'pi târayan nityam.
46, b. — B : yoginâm yogasiddhidam.

VI

3, b. — antaryàmï pitâ hy aham.


3, c. — B : mayy evànte.
4, d. — B : màyayâ darsità.
5, a. — Bo.v : sarvesàm eva bhûtânâm.
5-6. — Les pàdas 5, d et 6, a,b,c manquent dans A.
6, ab.— E, Bo.v: yayedam cestate visvam tat svabhàvânuvarti na; F:
mayedam cestate visvam matsvabhâvànuvarti ca.
7, d. — B, F : dvidhâvasthâ mamaiva tu.
9, d. — B : vijrmbhitam.
11, c. — B, Bo.v: dattavàn àtmajân eva; F: dattavàn àtmajàn vedân.
12, a. — B : marna niyogato devo.
12, c. — B, Bo.v : sarvadâ vahati svayam; Bo.v.2 : sarvam va yacchati
svayam.
14, c. — B : mamaiva paramà mûrtih.
17,b. — B, Bo.v: paeaty etad aharnisam.
21, b. — B, Bo.v : prakâsayati sarvadâ.
21, d. — B, F, H : sâstrenaiva svayambhuvoh ; Bo.v : sâstrenaiva svayam
prabhuh.
22, d. — B : vartate 'sau.
25, b. — B, F, H, Bo.v: tâpasànàm phalapradah.
25-26. — Les pàdas 25, e-d et 26,a-b manquent dans A.
28,c. — B: vinàyako dharmanetà.
VARIANTES 211
29, d. — Au Heu de «svayambhûr vidhinoditah», qui est la leçon de Ca
et de Bo, je lis « svayambhùvidhinoditah ». Cf. st. 21, 34 et 43.
30, c. — A, Bo.v : yasyaiva nilayo gatah.
32, d. — A, H, Bo.v: pûjitâ sampravartate.
33,c. — B, Bo.v: samsmrtâ devï.
38, d. — B: mahâsrenaiva nisthitàh; F, Bo.v: macchâstrenaiva nisthitàh.
39, a. — B, Bo.v: garudà rksâh; F, Bo.v.2: garudàh paksàh.
40, — Cette stance manque dans le ms. A.
42, c. — B, Bo.v: niyamâd eva.
43, c. — A, F, Bo.v: mayodhàni; E, Bo.v.2: tvayodhani.
45, b. — B, F, Bo.v: saha vastubhir àtmagaih.
45, c. — B, Bo.v : vahisyanti sadaivàjnàm.
48, a. — B: yo hi; Bo.v: yo vai dehabhrtâm vede.
48, d. — B, Bo.v : mahesvaraniyogatah.
49, c. — B : sâpi vidyà mahesasya.
50, c. — B, Bo.v : mayy eva yujyate krtsnam.
50, d. — Bo : mayeva pralayam.

VII

2, b. — B, Bo.v.2 : sàsvatam niskalam param ; Bo.v : sàsvatam paramam


dhruvam,
6, d. — B, Bo.v : prahlàdo 'smy amaradvisàm.
10, ab. — Dans B, ces deux pàdas se trouvent placés entre la stance 8 et
la stance 9.
10, d. — B, Bo.v: ganesànân ca vïrukah.
11. — Bo indique en note que, dans un ms., on trouve, insérés entre les
pàdas b et c, les mots suivants: nâthânâm visvanâtho 'ham purï-
nâm kasikâ purï.
15, b. — A, Bo.v : jnânànàm ïsvarah param.
17, d. — B : tejovijrmbhanam ; Bo.v : tejovijrmbhanam.
27, a. — Au Heu de « tamo jnânam », qui est la leçon de Ca et de Bo, je
lis: «tamo 'jnânam».
27, b. — B, Bo.v : rajomisram udàhrtam.
28,b. — B: pâsau dvau bandhasamjnitau.
29, c. — Ca : svayam prâhah.
32, b. — B : sa eva pâsàh pasavah sa eva,
32, d. — B : tam àhur agryam.
212 L'ÎSVARAGÏTÂ

VIII

1, d. — B : ghorasamsârasâgaram.
2, a. — Ca, Bo: ayam brahmâ tamah; B, Bo.v: aham brahmà tamah. -
Je lis : « aham brahmamayah », qui est la leçon de F et Bo.v.2.
3,c. — B: mûlamàyàbhidhànan tu.
4, b. — B, Bo.v: mahân bhûtàdir eva ca.
4,cd.— B: tanmâtràni mahâbhùtânîndriyàni ca.
5, a. — Ca : abhavad vaimam.
5, b. — B : sûryakoti-.
6, b. — B : manmayâh.
7,ab. — B : yâs ca yonisu sarvâsu sambhavanti hi mûrtayah.
7, c. — B, Bo.v : tâsàm mâyâ para yonir.
8, a. — B, Bo.v : màyàm eva vijànâti.
8, b. — B : bïjinam pitaram vibhum.
8, c. — B : sa dhïrah.
11, d. — B : tato yâti param padam.
13, b. — B, F, Bo.v : svatantratà nityam.
14,c. — B: prakrtih sa sàdhanam.
14, d. — B, Bo.v: prokto viniyogo 'pi tena.
16, c. — Ca, Bo : mrtyum. — « mrtyur » est une conjecture.
16, d. — A, E, H : veda ekah sa eva.
17, b. — B, Bo.v : tv ekâtmânam.
17, d. — B, Bo.v: procyate vedavidbhih.
18, a. — B : guhàsayam prabhum.
18, b. — B, Bo.v : param purânam.
18, d. — E, H, Bo.v : abuddhimàn buddhim.

IX

1,c. — A: tato deva; Bo: tan no vada,


2, d. — Bo.v : sâcàsya kam upâsrità.
3, b. — B, Bo.v: vyaktasamâsrità; F, Bo.v.2: vyaktasamàsrayà.
3, d. — B, Bo.v: avyaktàd abhavat khalu.
4, b. — B, Bo.v: matto 'nyad dhi na vidyate.
5, a. — B : ekatvena prthaktvena.
6, a. — B : sulabhàh saktayo.
VARIANTES 213
7, a. — Bo.v : yàbhistal laksyate bhinnam.
7, b. — B, F : abhinnas tu svabhâvatah.
8,b. — E, H: anyayâ tat tirohitam.
8, c. — Ca : anâdimadhyatisthantam.
10, c. — B : tad eva ca jagat.
11, d. — B, Bo.v : na bibheti kadâcana.
12, b. — B, F, Bo.v : àdityavarnam tamasah parastât.
12, d. — B : bhavati brahmabhûyah.
13, b. — B : divistham.
14, a. — B : tad avyayam kaHlam.
14, b. — B : viévadhâmâ.
15, b. — B, Bo.v: yad arcisi.
15, c. — B, Bo.v: tad vijfiânena.
16, a. — B : yatah param.
16, b. — B : anubhûyànubhûya.
16, d. — B, Bo.v : bhavàn ïsa esah.
19, a. — Bo : ity etad aisvaram jnânam.

1, d. — B, F, Bo.v: pare vyomni. •


2, c. — B, Bo.v : suddhavijnânam.
3, a. — B, F, H, Bo.v : tannisthàh sântasamkalpà.
4, d. — B, Bo.v: yatas taj jâyate param.
5, a. — B, Bo.v : état tat paramam jnânam.
5,c. — F, Bo.v: ajnânam itaram jnânam.
6, a. — B : nirmalam sûksmam.
6, b. — B : nirvikalpam yad avyayam.
6, c. — Ca, Bo: tadaivainam; B, Bo.v: tad evedam. — Je lis: tad evainam.
7, d. — B, Bo.v : buddhyaikam tattvam.
8, c. — Bo, B : bhaktyâ mâm.
9, a. — B : sàksâd eva.
10,b. — B, Bo.v: sarvagam yat sadàtmakam; G, H, Bo.v.2: sarvagam yat
tadâtmàkam.
10, d. — F, Bo.v: paravyakte parasya tu.
12, b. — B : vastv ekam paramah sivah.
13, b. — B : na naksatrâni tapano nota vidyut ; F, Bo.v : naksatratàrâ-
tapanas ca vidyut.
13, d. — B : tan nityabhâsam.
214 L'ÎSVARAGÏTÂ

14, a. — B, Bo.v : nityoditam sàmadam.


14,b. — B, Bo.v: subhram visastam paramam; F: subhram brhat para-
mam.
15,c. — B, Bo.v: tam om iti pranavenesitàram; Bo: prànàn iti prânavi-
nesitàram.
15,d. — B: vedàrthivipascitàrthàh; F, Bo.v: vedârthaviniscitârtham.
16, d. — B, Bo : siva eka kevalah.
17, b. — B: jnànâmrtam sarvavedesu gûdham.
17,c. — A, H: vijane yad evam.

XI

2, a. — B : yogàgnir dahati.
2,b. — B, Bo.v: pàpasancayam.
2, d-3, a. — Ces deux pàdas manquent dans A, E, et H.
4, b. — B : nityam eva va.
5, a. — A, E, H : yogas tu prathamo jneyo.
5,c. — A, E, H, Bo.v: anuphâ sunaphâ yogah.
7, c. — B, Bo.v: sa mahàyogo.
7, d. — B, Bo.v : paramesvarah.
10, a. — B, Bo.v : sahasraso 'tha sataso.
11, b. — Ca : pratyâharopadhàranà. — Je lis « pratyâharo 'tha dhâranâ »,
qui est la leçon de Bo, B et G.
12,b. — B, F, Bo.v.2: vrttântaraniyogatah; Bo.v: vrttyantaraniyogatah.
15, d. — B, Bo.v : sa tv ahimsaiva kîrttità:
17, b. — B : cauryàd vàtha balena va.
23, c. — Ca : uttarottaravaisisyam.
25, d. — B, Bo.v : sahasravàciko japah.
26,b. — B: parispandavivarjitam.
27, a. — B, E, H, Bo.v : yadrcchâlâbhato nityam.
27,c. — Bo.v: yàm nisthâm rsayah.
29, d. — B : îsvarapùjanam.
30, ab. — Ces deux pâdas manquent dans A.
31,c. — B, E, H: sa eva dvividhah.
32, d. — B, E, H, Bo.v : màtrikottamah.
33, a. — B: prasvedakampanotthàna-; G. Bo.v: yah svedakampanotthâna-.
33, b. — Bo : -janakas tu yathâkramam.
33, cd. — B, Bo.v: mandamadhyamamukhyànâmànandàd uttamottamah.
VARIANTES 215
34,ab. — B: sagarbham âhus tam yogam agarbhavijapam budhâh; Bo.v:
sagarbham âhuh sajapam agarbhavijayam budhâh,
34,c. — B, Bo.v: etad dhi yoginâm uktam.
35, d. — B : prànâyàmah sa ucyate.
36, b. — B : prànâyâmas tu kumbhakah.
37, a. — B, Bo.v: recako 'jasranisvâsàd.
37, b. — B : tannirodhatah.
40, b. — B, G, E, H, Bo.v: buddher yâ vrttisantatih.
40,c. — B, Bo.v: vrttyantarair asamsprstâ; G: vrttyantarair asamsrstâ.
41, d. — B, Bo.v : yogasàdhanam uttamam.
46. — Cette stance manque dans B.
48,c. — B, Bo.v: sasabde sabhaye.
49, cd. — Ces deux pàdas manquent dans A.
50, ab. — Ces deux pàdas manquent dans A.
51, a. — B, Bo.v: grhe va susubhe ramye.
51, c. — B, Bo.v: yunjïta yogî.
51, d. — B, Bo.v: matparâyanah.
52, c. — B, H : gurun caivâtha.
55, d. — Bo : jnànenàlam.
57, b. — Bo : yam prâhur divyam avyayam.
57, d. — B, Bo.v : rasmijàlasamâkulam.
58, b. — B, Bo.v : svàtmânam tadabhedatah ; G, H, Bo.v.2 : svâtmànandam
abhedatah.
58, c. — B, H, Bo.v : dhyàyïtâkâsamadhyastham.
60, a. — B, F, Bo.v: àtmânam atha kartâram.
62,b. — B, F, H, Bo.v: sivam acyutam.
62, c. — B, Bo.v : anantam pràkrtau.
63, c. — B : dhyâyîta tanmanà.
64, c. — B, H, Bo : samsthâpya mayi càtmânam.
65, a. — B, H: plàvayitvàtmanâ deham; Bo: plâvayitvâtmano deham.
65, c. — B : manmayah.
65, d. — B, Bo.v: tv agnihotrajam; Bo: tv agnihotrikam.
66, b. — B : agnir ityâdimantratah.
67, c. — B, H, Bo.v : sarvavedàntasàro 'yam.
67, d. — B : yatyàsrama iti srutih.
68, b. — B : matsâyujyopapàdakam.
70, b. — Ca, Bo : vratam asya na lupyate. — Je lis : « vratam asya tu lu-
pyate », qui est la leçon de B et F.
70, d. — B : tadvratam vodhum.
71,c. — Bo.v: bahavo jnânatapasâ.
216 L'ÎSVARAGÏTÂ

71,d. — B, Bo.v: pfltâ madbhàvam âgatâh; Bo.v.2: pûtâ madbhàvabhâ-


vitàh.
77-79. — Ces trois stances et les deux premiers pâdas de la stance sui-
vante manquent dans A, E et H.
81, c. — Bo : nirâsïr nirmamo.
82, d. — Ca, Bo : karmanà tena budhyate. — Je lis : « naiva tena nibadh-
yate », qui est la leçon de B, F et Bo.v.
83, a. — B : yatacintâtmâ; G, Bo.v : jitacittàtmà.
83, d. — F, H, Bo.v : prâpnoti Mlbisam. \
84, a. — B : yadrechâlâbhatustasya.
85, c. — Ca, Bo : mâm upâsyati. — Je lis « màm upaisyati », qui est la
leçon de B et Bo.v.
86, a. — B, Bo.v : madbuddhayo mâm satatam.
87, — Les trois derniers pàdas de cette stance et les trois premiers pàdas
de la stance suivante manquent dans A et H.
87, b. — Bo.v : madïyam karma sattvagam.
89, a. — B : ye 'nye ca kâmabhogàrtham.
89, e. — B : tesâm tadantaram jneyam.
90, a. — B : ye vànyadevatâ-.
90, d. — B, F: te 'pi bhâvatah.
91. — Les deux derniers pâdas de cette stance et les six pàdas suivants
(92, a b c d et 93, a b) manquent dans A et H.
£1. a. — B, Bo.v : tasmâd visvesvarân.
94, a. — B : parânandâtmakam lingam.
94, b. — B, Bo.v : kevalam sanniranjanam.
94, d. — B : hrdaye sthitam.
95, a. — B : ye cânye niyatam.
97, b. — A : sarvalinge pratisthitam.
100, c. — B : ekâkï yataeittâtmâ.
101, — Cette stance manque dans B.
102, c. — B. Bo.v: dadàti tat param.
104, b. — B : nïcâ va.
105, a. — B : kin tu viprâ.
105, b. — B : pàpopahatacetasah.
105, d. — B, Bo.v : muktaye niyatam.
107,b. — B, Bo.v: âtmayogam anuttamam.
109, a. — B : uktvaivam atha.
109, c. — B : hitârtham.
111, a. — B, F, Bo.v : ayam nârâyano yo 'ham.
112, c. — B : sarvabhûtântarbhûtâ sa.
VARIANTES 217
113, a. — B : ye tv anyathà prapasyanti.
116, a. — B, Bo.v: ye 'nyathâ màm prapasyanti.
117, d. — B, Bo : na nâràyananindakam.
118, a. — B : tasmâd eva.
118, d. — B : matprïtijananàya hi.
121, c. — B : sàksàd eva.
124, b. — B, Bo.v : yoginâm yogam uttamam.
125, a. — B, Bo.v : te 'pi devâdhidevesam.
125, d. — B, F : sthànàni bhejire.
126, d. — B, F, Bo.v: so 'pi satyavratâya tu.
127, b. — B, Bo.v: pulastyàya maharsaye.
127, c. — B : pradadau gautamâyâsu.
130, d. — B, E, F, H, Bo.v : rudrah kila pinàkadhrk.
132, a. — B : yadâpi labdhavàn; Bo : yadâham labdhavân.
135, d. — B : gopatim bhùmïbhûsanam.
136, a. — B : evam ukte tu munayah.
137, b. — B, Bo.v : krsnadvaipâyanam munim.
137, e. — B : sâksâd evam.
138, d. — B, Bo.v : devair api vallabhà.
139, — Les deux derniers pàdas de cette stance, les stances 140 et 141,
et les deux premiers pâdas de la stance 142 manquent dans A, E
et H.
140, c. — Bo : tadvac eâkhilalokânâm.
146,c. — B, Bo.v: srotavyas câtha mantavyo.
TABLE DE CONCORDANCES
Concordances et passages parallèles de l'îsvaragïtâ,
de la Bhagavadgïtà, de la Svetàsvatara-Upanisad
et de la Kàthaka-Upanisad.

II, 3 a cf. Bh. XVIII, 63 b : guhyàd guhyataram.


II, 14 cf. Bh. III, 27 cd : ahamkàravimùdhâtmà kartâham iti manyate.
II, 31 cf. Bh. VI, 29 : sarvabhûtastham àtmànam sarvabhùtani câtmani /
îksate yogayuktàtmà sarvatra samadarsanah.
II, 33 ab cf. Kâth. VI, 14 ab : yadà sarve pramucyante kâmâ ye 'sya hrdi
sritàh.
II, 34 abc = Bh. XIII, 30 abc.
II, 34 d cf. Bh. XIII, 30 d: brahmà sampadyate tadâ,
II, 38 cd cf. Bh. V, 15 cd : ajnânenàvrtam jnânam tena muhyanti jantavah.
II, 42 cf. Bh. V, 5 : yat sâmkhyaih prâpyate sthânam tad yogair api gamyate.
ekam sâmkhyam ca yogam ca yah pasyati sa pasyati.
II, 45 d cf. Svet. II, 16 : tisthati sarvatomukhàh.
II, 47-48 cf. Svet. III, 19 : apànipâdo javano grahïtâ pasyaty acaksuh sa
/
srnoty akarnah sa vetti védyam na ca tasyàsti vettâ tam âbur
agryam purusam mahantam.

III, 2 a cf. Svet. III, 16 a : sarvatahpânipàdam tat.


cf. Bh. XIII, 13 a : sarvatahpânipàdam tat.
III, 2, bcd = Svet. III, 16 bcd.
= Bh. XIII, 13 bcd.
III, 2 cf. Svet. III, 3 ab : visvatascaksur uta visvatomukho visvatobàhur uta
visvataspât.
III, 3 ab == Svet. III, 17 ab.
= Bh. XIII, 14 ab.
III, 7 a cf. Bh. IX, 4 a: maya tatam idam sarvam.
cf. Bh. VIII, 22 d: yena sarvam idam tatam.
cf. Bh. XVIII, 46 b: yena sarvam idam tatam.
III, 7c = Bh. IX, 4c.
cf. Bh. VIII, 22 c: yasyântahsthàni bhûtâni.
222 L'ÎSVARAGÏTÂ

III, 9 ab cf. Bh. XIII, 19 ab : prakrtim purusam caiva viddhy anâdy ubhâv
api.
cf. Svet. V, 13: ...anâdyantam...
III, 11 ab cf. Bh. XIII, 21 ab : purusah prakrtistho hi bhunkte prakrtijân
gunân.
III, 18-19 cf. Bh. III, 42 : indriyâni paràny àhur indriyebhyah param ma-
/
nah manasas tu para buddhir yo buddheh parafas tu sah.
III, 18 ab cf. Kàth VI, 7 a: indriyebhyah param mano.
III, 18 d cf. Kàth III, 10 d : buddher àtmà mahân parah.
III,19ab = Kàth III, 11 ab.
III, 19 a cf. Kàth VI, 7 c : mahato 'vyaktam uttamam.
III, 19 b cf. Kàth VI, 8 a : avyaktàt tu parah puruso.

IV, 8 ab cf. Bh. IX, 24 a : aham hi sarvayajnànàm bhoktà.


IV, 11 d = Bh. IX, 31 d.
IV, 13 a = Bh. IX, 26 a.
IV, 13 cf. Bh. IX, 26 : pattram puspam phalam toyam yo me bhaktyâ pra-
/
yacchati tad aham bhaktyupahrtam asnâmi prayatàtmanah.
IV, 14 cf. Svet. VI, 18 : yo brahmànain vidadhâti pûrvam yo vai vedâms ca
/
prahinoti tasmai tam ha devam àtmabuddhiprakâsam mumuksur
vai saranam aham prapadye.
TV, 26 a cf. Bh. IX, 4 a : maya tatam idam sarvam.
cf. Bh. VIII, 22 d : yena sarvam idam tatam.
cf. Bh. XVIII, 46 b : yena sarvam idam tatam.
IV, 27 d cf. Svet. III, 1 : ya etad vidur amrtâs te bhavanti.
cf. Svet. III, 10 : ya etad vidur amrtâs te bhavanti.
cf. Svet. III, 13 : ya etad vidur amrtâs te bhavanti.
cf. Svet. IV, 20 : ya enam evam vidur amrtâs te bhavanti.

V, 12 d cf. Bh. XIII, 17 a: jyotisâm api taj jyotis.


V, 13 c cf. Svet. VI, 2: ...kâlakàlo.
cf. Svet. VI, 16: ...kâlakàlo.
V,16b = Bh. VII. 25 b.
V, 22-23 cf. Bh. VIII, 9: kavim purânam anusàsitâram
anor anïyâmsam
/
anusmared yah sarvasya dhâtâram acintyarûpam âdityavarnam
tamasah parastât.
V, 23 c = Svet. III, 20 a (= Kàth. II, 20 a).
V, 24 cf. Svet. III, 4 e : hiranyagarbham janayàmâsa pûrvam.
V, 26 a cf. Svet. VI, 1 d : yenedam bhrâmyate brahmacakram.
cf. Svet. I, 6: ...brahmacakre.
TABLE DE CONCORDANCES 223
V,30a cf. Svet. VI, 5c: ...visvarûpam.
V, 31b cf. Svet. VI, 5 c: ...visvarûpam.
V, 33 d cf. Svet. V, 13 b : visvasya srastàram anekarûpam.
V, 34 a = Bh. XI, 18 a.
V,34b = Bh. XI, 18 b et XI, 38 b.
V,34e = Bh. XI, 18 c.
V, 34 d cf. Bh. XI, 18 d : sanâtanas tvam puruso mato me.
V, 36, a cf. Bh. XI, 38 a : tvam âdidevah purusah purânas.
V, 36 b = Bh. VIII, 9 d.
V, 36 c cf. Bh. XI, 38 d: tvayà tatam visvam anantarûpa.
V, 39 c cf. Bh. XI, 44 a : tasmât pranamya pranidhàya kâyam.

VI, 3 cf. Bh. VII, 12 d : na tv aham tesu te mayi.


cf. Bh. IX, 4 cd : matsthàni sarvabhùtâni na càham tesv avasthitah.
VI, 46 ab = Bh. VII, 4 ab.

VII, 4 c = Bh. X, 21a.


VII, 4 d cf. Bh. X, 23 c : vasûnàm pàvakas câsmi.
VII, 5 a cf. Bh. X, 23 a : rudrânàm samkaras câsmi.
VII, 5 b cf. Bh. X, 30 d : vainateyas ca paksinàm.
VII, 5 c cf. Bh. X, 27 e : airàvatam gajendrânâm.
VII, 5 d = Bh. X, 31 b.
VII, 6 b cf. Bh. X, 22 b : devânàm asmi vâsavah.
VII, 6 d cf. Bh. X, 30 a : prahlâdas câsmi daityânâm.
VII, 7 a = Bh. X, 37 c.
VII, 7 d = Bh. X, 26 d.
VII, 8 a cf. Bh. X, 23 d : meruh sikharinâm aham.
VII, 8 b cf. Bh. X, 21 d : naksatrânâm aham sasî.
VII, 8 c cf. Bh. X, 28 a : àyudhânàm aham vajram.
VII, 9 a cf. Bh. X, 29 a: anantas eàsmi nâgànâm.
VII, 9 b cf. Bh. X, 24 e : senànïnàm aham skandah.
VII, 10 e cf. Bh. X, 23 b : vitteso yaksaraksasàm.
VII, 12 a cf. Bh. X, 30 c : mrgânâm ca mrgendro 'ham.
VII, 12 e cf. Bh. X, 22 a : vedànâm sàmavedo 'smi.
VII, 13 b cf. Bh. X, 38 c : maunam caivâsmi guhyànàm.
VII, 15 a cf. Bh. X, 32 c : adhyàtmavidyà vidyànâm.
VII, 16 b = Bh. X, 30 b.
VII, 17 cf. Bh. X, 41 : yad yad vibhûtimat sattvam srïmad ûrjitam eva
ca/ tat tad evàvagaccha tvam marna tejomsasambhavam.
cf. Bh. XV, 12: yad âdityagatam tejo jagad bhâsayate 'khilam /
yac candramasi yac càgnau tat tejo viddhi mâmakam.
224 L'ÎSVARAGÏTÂ

VIII, 3 ab = Bh. XIV, 3 ab.


VIII, 7 cf. Bh. XIV, 4 sarvayonisu kaunteya mûrtayah sambhavanti yâh /
tâsàm brahmà mahâyonir aham bïjapradàh pità.
VIII, 10 d = Bh. V, 5 d.
VIII, 11 = Bh. XIII, 28.
VIII, 17 e = Svet. III, 20 a (= Kâth. II, 20 a).
VIII, 17 d cf. Svet. VT, 5 c: ...visvarûpam.
VIII, 18b cf. Svet. VI, 5c: ...visvarûpam.

IX, 1 ab cf. Svet. VI, 19 a : niskalam niskriyam sântam.


IX, ld cf. Svet. VI, 5 c: ...visvarûpam.
IX, 5 a cf. Bh. IX, 15 c: ...ekatvena prthaktvena,
IX, 9 d = Kâth. III, 9 d.
IX, 10 a cf. Bh. VII, 7 c : mayi sarvam idam protam.
IX, 11 cf. Taittirïya-upanisad, BrahmânandavaHï IV: yato vâco nivartante
/
apràpya manasâ saha ânandam brahmano vidvân na bibheti ka-
dâcana.
IX, 12 a = Svet. III, 8 a.
cf. Svet. III, 21 a : vedâham etam ajaram purànam.
IX, 12 b cf. Svet. III, 8 b : àdityavarnam tamasah parastât.
IX, 13 b cf. Bh. XIII, 17 a: jyotisâm api taj jyotis.
IX, 14 b cf. Svet. VI, 6 d : amrtam visvadhâma.
IX, 17 ab = Svet. VI, 11 ab.
IX, 17a cf. Svet. III, 7b: ...sarvabhûtesu gûdham,
cf. Svet. IV, 16 b: ...sarvabhûtesu gûdham.
cf. Svet. IV, 15 b: ...sarvabhûtesu gûdhah.
IX, 17 b cf. Svet. I, 16 : .sarvavyàpinam àtmànam.
..
IX, 17 e cf. Svet. VI, 12 c (= Kàth. V, 13 e): tam àtmastham ye 'nu-
pasyanti dhïràs.
IX,17d = Kâth. V, 13 d.
cf. Svet. VI, 12 d : tesâm sukham sàsvatam netaresàm.
IX, 18 a cf. Svet. III, 11 a : sarvànanasirogrïvah.
IX, 18 b = Svet. III, 11b.
IX, 18c = Svet. III, lie.

X, 13 cf. Svet. VI, 14 (= Kâth. V, 15) : na tatra sùryo bhàti na candra-


/
târakam nemà vidyuto bhânti kuto 'yam agnih tam eva bhântam
anubhàti sarvam tasya bhâsà sarvam idam vibhâti.
cf. Bh. XV, 6 ab : na tad bhâsayate sûryo na sasanko na pàvakah.
X, 16 c cf. Svet. IV, 18 b : na san na càsac chiva eva kevalah.
TABLE DE CONCORDANCES 225

XI, 2 a cf. Svet. II, 12 cd : na tasya rogo na jarà na mrtyuh prâptasya


yogàgnimayam sarïram.
XI, 47-50 cf. Svet. II, 10 : same sucau sarkaràvahnivàlukâvivarjite sabdaja-
/
lâsrayâdibhih mano 'nukûle na tu caksupïdane guhânivâtâsrayane
prayojayet.
XI, 51 cd cf. Bh. VI, 10 ab : yogî yunjïta satatam àtmânam rahasi sthitah.
XI, 53 cd cf. Bh. VI, 13 cd : sampreksya nâsikàgram svam disas cànavalo-
kayan.
XI, 59 b = Bh. VI, 25 d.
XI, 64 cf. Svet. XI, 13: ...pranavena dehe.
cf. Bh. VI, 12 cd : upavisyâsane yunjyàd yogam âtmavisuddhaye.
XI, 71 ab = Bh. IV, 10 ab.
XI, 71 cd cf. Bh. IV, 10 cd : bahavo jnânatapasâ pûtâ madbhâvam àgatâh.
XI, 74 a cf. Bh. III, 30 ab : mayi sarvàni karmàni samnyasyâdhyàtmaeetasà.
XI, 75 a = Bh. XII, 13 a.
XI, 75 b cf. Bh. XII, 13 b : maitrah karuna eva ca.
XI, 75 c = Bh. XII, 13 c et Bh. II, 71c.
XI, 75 d = Bh. XII, 16 d.
XI, 76 abc = Bh. XII, 14 abc.
XI, 76 d = Bh. XII, 16 d.
XI, 76 d cf. Bh. XII, 14 d : yo me bhaktah sa me priyah.
XI, 77 abc = Bh. XII, 15 abc.
XI, 77 d cf. Bh. XII, 15 d : mukto yah sa ca me priyah.
XI, 78 abc = Bh. XII, 16 abc.
XI, 78 c = Bh. XIV, 25 c.
XI, 78 d = Bh. XII, 17 d.
cf. Bh. XII, 19 d : bhaktimàn me priyo narah.
XI, 79 abc = Bh. XII, 19 abc.
XI, 79 a = Bh. XIV, 24 b : tulyanindàtmasamstutih.
XI, 81 e cf. Bh. III, 30 c : nirâsïr nirmamo bhûtvà.
XI, 82 ab = Bh. IV, 20 ab.
XI, 82 cd cf. Bh. IV, 20 cd : karmany abhipravrtto 'pi naiva kimcit karoti
sah.
XI, 82 d cf. Bh. IV, 22 d : krtvàpi na nibadhyate.
cf. Bh. IV, 14 b : karmabhir na sa badhyate.
XI, 83 ab cf. Bh. IV, 21 ab : nirâsïr yatacittâtmà tyaktasarvaparigrahah.
cf. Bh. VI, 10 cd : ekàkï yatacittâtmà nirâsïr aparigrahah.
XI, 83 c = Bh. IV, 21e.
XI, 83 d cf. Bh. IV, 21 d : kurvan nàpnoti kilbisam.
XI, 84 ab cf. Bh. IV, 22 ab : yadrcchâlàbhasamtustodvandvàtïto vimatsarah.
15
226 LÏSVARAGÎTÂ

XI, 84-85 cf. Bhi XI, 55 : matkarmakrh matparamo madbhaktah sanga-


/
varjitah nirvairah sarvabhûtesu yah sa mâm eti pândava.
XI,86b = Bh. X, 9b.
XI,86c = Bh. X, 9 c.
XI, 87 c cf. Bh. X, 11 abc : tesàm evanukampartham aham ajnânajam
tamah / nàsayâmy âtmabhâvastho.
XI, 87 d = Bh. X, 11 d.
XI, 88 cd = Bh. IX, 22 cd.
XL/89 cf. Bh. VII, 23: antavat tu phalam tesàm tad bhavaty alpamedha-
/
sâm devàn devayajo yànti madbhaktà yânti mâm âpi.
XI, 90 ab cf. Bh. IX, 23 ab : ye py anyadevatâbhaktâ yajante sraddhayân-
vitâh.
XI, 143 d = Bh. X, 3 d.
INDEX
INDEX

akarna II, 47. advestr XI, 75.


akârana IX, 6. advaita II, 23.
aklesajanana XI, 14. adhama XI, 31.
aksara II, 15.19. 29. 37. — V, 28. adharma VII, 28.
34. — IX, 3. 9. — X, 2.— XI, 57. ananta I, 34. — IV, 21. — V, 32.
112. 36. 38. — VI, 14. 35. — VII, 9.
agarbha XI, 31. IX, 6.
agni III, 20. — IV, 4. — V, 33. 40. anantayoga V, 21.
— VI, 17. 36. — VII, 22. — XI, anantarûpa V, 36.
2.98. anantasakti V, 38. — VIII, 13.
agnirâdityamantra XI, 66. anantâtman III, 23.
agnyabhyâsa XI, 47. anapeksa XI, 78.
anga VIII, 13. — XI, 130. anala V, 11. — VI, 46.
angiras I, 16. — V, 18. — 6, 27. — analasamatvis XI, 60.
XI, 128. anâcarana XI, 17.
acaksus II, 47. anâtman II, 20.
acala X, 14. — XI, 138. anâdâna XI, 19.
acintya I, 46. — V, 37. anâdi III, 8.
aja XI, 109. anàdinidhana IX, 3. 7. — XI, 115.
ajara II, 46. anâdibhodha VIII, 13.
âjasra X, 17. anàdimadhya IX, 8.
ajnàna II, 16. 38. 39. — V, 5. 7. — anàdimadhyànta X, 12.
VII, 27. anâdimadhyanidhana VII, 25.
ajnànaja V, 5. anàdyanta I, 19. — III, 9.
ajnànatimira X 5. anâmaya I, 9. — V, 16. — XI, 107.
ajnânamûla II, 16. anila V, 33. — VII, 22. — X, 16.
acyuta I, 37. aniketa XI, 79.
ami V, 23. — VIII, 17. anindaka XI, 117.
anda VIII, 5. anugraha VI, 31. — XI, 104.
atri V, 18. anuttama I, 3. 51. — II, 49. — IV,
adarsana XI, 124. 2. — XI, 62.132.139.
adesakâla XI, 47. anutpannavijnàna XI, 99.
230 L'ISVARAGÏTA

anumantavya XI, 146. arthasvarûpa II, 26.


aneka VIII, 17. — X, 7. 8. ardha XI, 53.
anekarûpa V, 33. ardhâsana XI, 43. 46.
antahkarana II, 24. alinga X, 1.
antahsarïra V, 20. aluptasakti VIII, 13.
antaka VI, 15. avabudhyate II, 19.
antara XI, 45.111. avasthà VI, 7. — XI, 18.
antaràtman III, 13. — V, 23. — avasthita X, 10. — XI, 54.
IX, 17. avâeya II, 1.
antaryâmin II, 5. 46. — VI, 3. avâpya II, 41.
anyathâjnâna II, 16. avidyà VII, 29.
ap VI, 46. — X, 16. — XI, 98. avmasyat VIII, 10.
aparigraha XI, 13.19. avimuktaka VII, 14.
apânipâda II, 47. aviveka II, 17. — III, 15.
apunya II, 21. avyakta II, 5. 8. 18. 23. 45. — III.
apracala V, 22. 1. 3. 9.19. 21. —V, 36. — VII, 25.
abhâva XI, 5. 26. — VIII, 16. —IX, 3.6.7.9.
abhàvayoga XI, 6. — X, 2. — XI, 57. 62. 114.
abhidhâna VIII, 3. avyaktapûrusa I, 24.
abhinivesana VII, 29. avyaktalinga X, 1.
abhinna I, 49. — III, 5. — IX, 7. avyaya II, 13. 29. 39. 52. — III, 5.
abhiyukta II, 41. 44. 20. — IV, 15. — V, 12. 34. 37. —
amara II, 46. — VI, 22. 35. VI, 14. — VII, 2. 3. 20. — VIII,
amarsa XI, 77. 2. — X, 7. — XI, 57.115.
amala II, 44. 49. — IV, 30. — V, asabdabodhaka XI, 25.
2. 44. — X, 13. — XI, 121. asubha XI, 49.
amrta IV, 19. 27. — IX, 14. — X, asesamunïsàna I, 33
15. asvin VI, 38.
amrtamanthana XI, 141. astau VII, 22.
amrtàkara VI, 20. asamkhya VI, 44.
amrtïbhûta II, 33. asâdhu VI, 23.
ambikâpati I, 35. asrstâ XI, 40.
ambhodhi VI, 36. asteya XI, 13.17.
arkakotisamaprabha VIII, 5. asniità VII, 29.
arcanïya XI, 118. ahamkâra II, 14.17. — III, 11.12.
arcayati XI, 93. 95. 96. 97. 18. — VII, 22. — XI, 75.
arjuna XI, 131. ahimsâ_ XI, 13.14.15. 69.
artha XI, 109.144.
arthamâtra XI, 41. àkàsa II, 24. — V, 3. 7. 27. — IX,
artharûpa II, 27. 15. — X, 16.
INDEX 231
âgnihotrika XI, 65. àsrama VII, 9. — XI, 67.103.
âearati XI, 49. àsrita X, 7.
âjfiâ VI, 15.19. 22. 26. 27. 33. 44. 45. âsana I, 9. 48. 49. — XI, 11. 43. 44.
âtapa II, 11. 45. 53.
àtmaga VI, 45. àsïna XI, 46.
àtmagunopeta XI, 70. àstikya XI, 69.
âtman I, 26. 41. 43. — II, 4.12.13.14. âhitâgni IV, 33. — XI, 123.
20. 24. 25. 29. Si. 35. 37. 45. 49. —
III, 6.13.14. — V, 22. 29. — VI, icchà XI, 19.
45. 48. — VII, 18. 29. — VIII, 4. ijya IV, 2.
11.14.17. — IX, 2. 6. 9.13.16. — itara II, 20. 39. — IX, 17.
X, 6. — XI, 1. 6. 7. 44. 45. 51. 59. indriya III, 18. — VIII, 4.
— XI,
60. 64. 65. 76. 83. 94.112.115.124. 38.
àtmavat VI, 11.
àtmavidyà VII, 15. ïsa I, 36.49. 50. — V, 3. 21. 33. 35.
àtmasanibhava VI, 13. 39. — VI, 1. 51. — IX, 16. — X,
âtmasamsraya II, 23. 14. — XI, 29. 58. 91. 96. 97.139.
àtmàdhâra XI, 63. ïsâna I, 27. 35. 50. — V, 2.12. — VI,
àtmânandin IX, 13. 26. — VIII, 9. — XI, 66.
àditya V, 33. — VI, 38. — VII, 4. ïsitr X, 15.
âdityavarna V, 36. — IX, 12. ïsvara I, 33. 44. 46. — III, 20. — IV,
âdiprakrti VI, 46. 7. — V, 11. 16. — VI, 17. 22. 24.
àdimadhyântanirmukta VI, 8. 32. 36. 47. 48. — VII, 9. — VIII,
àdivistàra I, 1. 11. — X, 8. 12. — XI, 1. 9. 101.
àdya VII, 32. 104. 111.
àdhâra IV, 19. — XI, 63. ïsvarajnâna IX, 19.
ànanda IV, 9, 32. — V ,20. 27. 30. — îsvarapùjana XI, 20.
VII, 2. — IX, 3.11. — X, 10. — ïsvarabahiskrta XI, 10.
XI, 33.57. îsvaresvara I, 2.
ânandàtman II, 13. ïsadunmïhteksana, XI, 53.
âpad XI, 19.
âbhyantara XI, 28. ueehvâsa XI, 33.
âyatapràna XI, 35. utkramanakâla XI, 102.
àyâma XI, 30. 42. uttama II, 40. — X, 11. — XI, 21.31.
ârâdhana IV, 13. 25. 41. 43. 44. 46. 60.107.120.131.
àrâdhayati IV, 24. uttamottama XI, 5. 33.
àrâdhya I, 2. uttarottaravaisistya XI, 23.
àlingati XI, 119. udâsïna XI, 78.
àvartate IV, 25. udvijate XI, 77.
âvrtti II, 54. udvega XI, 77.
232 L'ÎSVARAGÏTÂ

uddhûlitasarvànga XI, 66. ekïbhâva XI, 114.


upakâraka III, 14. ekïbhûta II, 32.
upadhâna II, 28.
upamà VI, 4. aikya V, 16. — X, 7. 11. — XI, 7.
upavâsa XI, 21. airavata VII, 5.
upavrmhita VIII, 5. aisvara I, 52. — V, 1.17. — VII, 15.
upasrita XI, 71. — XI, 96. 123. 126.
upastha II, 9. — VII, 23. aisvarya II, 44. 49. — V, 15. — VI,
upàmsu XI, 23. 24. 25. 11.12.
upâdhi II, 25. aisvaryâstadala XI, 56.
upâsitavya II, 29. aisvaryàsaktaeetas II, 43.
upâste IV, 9.
upendra V, 15. omkâra_V, 20.J8.
umâpati V, 15. omkàrabodhita XI, 62.
uras XI, 46. omkâramûrti VIII, 9.
omkâravâcya XI, 57.
ûru XI, 44.45. ota IX, 10.
ostha XI, 25.
rtu VI, 40.
rsi I, 24. — II, 18. 49. — V, 29. — kanâda I, 17.
VI, 1. — VII, 1. 6. — XI, 14. 27. kapardin V, 41. 42.
125. kampana XI, 33.
rsidharmasuta I, 19. kapila I, 17. — V, 18. — VII, 7. —
XI, 128.
eka II, 22. 34.42.48. — III, 13. — kara VII, 23.
IV, 6.20. — V, 21. 31. 32. 33. 36. karnikâ XI, 56.
39. — VI, 2. — VIII, 15.16.17. kartr II, 8. 9.14.17.
— IX, 7.13.17. — X, 1. 8.12. — kartrtva II, 14.
XI, 10. 46. 70. 81. 93. karman II, 21. — VII, 21. 28. — XI,
ekakâla XI, 4. 14.18. 29. 74. 81. 82. 83. 84. 87.
ekacittatâ II, 40. — XI, 12. karmaphalâsanga XI, 82.
ekatâ II, 37. karmayoga TV, 23. — XI, 135.139.
ekatva IX, 5. 142.
ekanàtha V, 26. kalayati VII, 16.
ekabhesaja II, 36. kalâ VI, 40. — XI, 8.
ekarûpa V, 32. 37. — VI, 7.
— XI kalàtmaka VI, 6.
63. kalila IX, 14.
ekastha II, 34. kalpa II, 54. — VII, 10.
ekâkàra XI, 41. kalpayati XI, 55.
ekâkin VIII, 2. — XI, 100. kalpâdi VI, 11.
INDEX 233

kavi V, 22.33. — VII, 27. — X, 5. krodha II, 71.


11. klesa VII, 21. 29.
kavya VI, 16. ksatriya IV, 9.
kântâra XI, 60. ksapà VI, 40.
kâma II, 33. ksamâ XI, 69.
kâya V, 39. — XI, 29. ksetra VII, 14.
kârana I, 26. — II, 18. 51. — VII, ksema II, 33.
25. 30. — VIII, 15. — IX, 3. ksobhayati VI, 8.

X, 2. — XI, 58.
kâla II, 5. — III, 1. 8.15.16. 22. 23. kha V, 36. — VI, 46. — VII, 22.
— TV, 4.10. 22. 28. — V, 40. —
VI, 6. — VII, 16. — XI, 102. gagana I, 46. — V, 2. — X, 16. —
kâlakàla V, 13. XI, 61.
kâlaeakrapravartaka VI, 10. gajendra VII, 5.
kâlapinâkadhrk XI, 130. gana VI, 26. 27. — VII, 7. — X, 13.
kâlabheda VI, 41. gatavyatha XI, 78.
kâlàtmaka VI, 15. gati VII, 16. — VIII, 11. 18. — XI,
kâlàtman V, 13. 144.
kâsthâ VI, 40. gandha II, 8. — VII, 24.
kâsthâdi, XI, 98. gandharva VI, 39.
kimnimittaka I, 26. garuda VI, 39. — VII, 5.
kunthabuddhi II, 43. garga I, 17.
kudrsti II, 26. garbha VIII, 3.
kubera VI, 24. — VII, 10. gâyatrï XL,,35,.
kumbhaka XI, 36. 37. girisa XI," 132. 133.
kûtastha II, 19, 22, 27. girïndrajâ VII, 4.
kûrmarûpin I, 13. — XI, 141. guna III, 11. — V, 36. — VII, 21.
krecha XI, 21. 27. — XI, 70.
krta VII, 10. gunatraya VII, 26.
krttivàsas XI, 143. gunalaksana VII, 25.
krsnadvaipàyana I, 4. 5. 6. guru I, 11. — IV, 15. — XI, 52,
— XI,
137. guhâ V, 20. — XI, 50.
kevala II, 4. 25. 28. 32. 35. 36. — guhàsaya VIII, 18. — IX, 18.
VIII, 2. — IX, 6. — X, 5. 16. — guhya I, 24. — II, 1. 3. 50. — IV,
XI, 83. 94. 33. — VII, 13. — VIII, 1. —
kaivalya X, 11. XI, 59. 68. 74.
kosa XI, 56. guhyâtman II, 22.
kosamadhyastha XI, 58. gfldha IX, 17.
kriyâvàt XI, 98. gûdhadeha IX, 14.
kriyâsakti VI, 5. grha XI, 51.
234 L'ISVARAGÏTA

grhastha VII, 9. cestate IX, 8.


gopati XI, 135. eaitanya II, 30.
goptr IV, 15. caitanyâtman II, 27.
gopanïya IX, 19. caitya XI, 48.
govrsadhvaja XI, 138. caurya XI, 17.
govrsavàhana XI, 134.
gautama XI, 127. châyâ II, 11.
granthavistara XI, 8.
grahïtr II, 47. jagajjanmatrânasamhàrakâraka I,
grïva IX, 18. 34.
jagat I, 49. — II, 26. 35. — III, 1.
ghora VI, 33. — VIII, 1. — XI, 116. 7.10.19. 20. 21. 22. 23. — IV, 14.
ghrâna VII, 23. 20. 21. 22. 26. 27. — V, 4, 11. 16.
24. 25. 26. — Vf, 5. 6. 7. 10. 21.
eaksus VII, 23. 22. 28. 47. 50. — VII, 25. —
eaturânana V, 35. VIII, 3. — IX, 10. — X, 5. — XI,
eaturdasa VI, 37. 54.
caturmukha VI, 13. jagadàtmaka X, 10.
caturvimsaka VII, 25. jagadïsitr V, 19.
eaturvimsati VII, 21. jagadyantrapravartaka I, 34.
caturvimsathnàtraka XI, 32. jagannàtha I, 32. — IV, 21.
eaturvidha VI, 42. jaganmaya IV, 21.
catuspatha XI, 48. jatila V, 8.
candra X, 13. janakatva XI, 33.
candrabhûsana I, 32. janàrdana I, 38.
candramas VII, 8. jantu VI, 52. — VIII, 1.
eara VI, 42. jantuvarjita XI, 51.
carman V, 9. jantuvyâpta XI, 48.
cûndrâyana XI, 21. janmajaràduhkhavyàdhiII, 36.
eârana VI, 39. janman II, 12. — III, 14. — VI, 52.
citta IV, 26. — XI, 83. XI, 93. 103.
cittabandhana XI, 39. japa XI, 22, 25. 26.
cittasuddhiprada XI, 13. japati XI, 35. 99. 100.
cintana XI, 26. japya VII, 13.
cintayati XI, 54. 56. 57. 59. 60. 61. jala VII, 22. 28. — XI, 47. 96.
66. javaga II, 47.
cintyate XI, 6. jànâti II, 42. — X, 4.
cinmâtra II, 4. — V, 36. jânu XI, 45.
eetana X, 16. jâyate I, 12. — V, 44. — XI, 2,113.
cetas XI, 73. 81. 105. 138.
INDEX 235

jitacittàtman XI, 100. XI, 20. 21. 69.


jihvà VII, 23. tamas II, 4. 10. — V, 36. — VII,
jïrnagostha XI, 48. 26. 27. — XI, 87.
jïva III, 13. — VIII, 6. tarate VIII, 1.
jaigïsavya XI, 128. tallinga X, 3.
jnâna I, 3. 11. 13. 40. 52. — II, 2. tâpasa I, 12. 28. 39. — XI, 21. 120.
40. 41. — III, 5. — IV, 23. 24. tàmasa IV, 22. — VI, 25.
33. — V, 14. — VI, 52. — VII, 15. târayati VI, 32.
27. — VIII, 1. — IX, 19. — X, 4. timira X, 5.
5. 6. 17. — XI, 2, 3. 59. 102. 103. tirohita IX, 8.
108. tïra XI, 50.
jnânadîpa XI, 87. tulyanindâstuti XI, 79.
jnânadrsti II, 27. trna VII, 10.
jnànanàla XI, 55. trpti VIII, 13.
jnânayoga I, 2. — II, 44. — V, tejas I, 28. 30. 47. — II, 7. — V,
14. — VI, 11. — XI, 72. 2. 10. — VI, 9. — VII, 17. —
jnanavâri XI, 65. IX, 15.
jnànasvarûpa II, 26. tejobalâdhika VII, 17.
jnànâtmaka XI, 94. toya IV, 13.
jnànàtman III, 6. tyajati XI, 54. 82. 91. 92. 93. 120.
jyesthasàman VII, 13. traya III, 9.
jyotirmaya V, 6. trayïnetra V, 9.
jyotis III, 5. — V, 12, — IX, 3. 9. trayovimsati VII, 24.
13. — XI, 57. 58. 62. 66. 86. trikàla XI, 4.
tridhà XI, 31.
tata III, 7. — IV, 26. trinetra I, 32.
tattva I, 3. — II, 16. — VII, 15. 21. trisûlin XI, 133.
24. — IX, 15. — X, 7. 8. 14. — tris XI, 35.
XI, 62. 63. 64. 129. tryambaka I, 36.
tattvacintaka III, 13. tvac VII, 23.
tattvatas I, 12. 43. — II, 19.
tattvadarsin II, 48. 52. damstràkaràla V, 10.
tattvavid II, 42. daksa VII, 11. — XI, 78.
tattvâtmaka VIII, 14. dandapàni V, 9.
tatparâyana XI, 51. dama XI, 69.
tadbhâvabhâvita X, 3. darsana XI, 47.
tanu II, 6. — VI, 15. dahate XI, 2.
tanmaya VIII, 6. dâtavya XI, 106. 108.
tanmâtra VIII, 4. 14. dâna IV, 2.
tapas I, 10. 18. 21. 33. — IV, 2. dànta V, 22.

236 L'ISVARAGÏTA

div IX, 15. — XI, 57. — XI, 102.


divistha IX, 13. daivata V, 12.
divisthita IX, 6. dosa II, 20. 21. 22. — IX, 6.
divaukas IV, 5. daurmanasya XI, 49.
duhkha II, 20. — III, 14. dravya XI, 19.
duhkhin II, 14. dvandvâtïta XI, 84.
durjanâkrànta XI, 49. dvâdasa XI, 42.
durlabha IX, 19. — XI, 1. 138. dvâdasaka XI, 42.
drdhaniseaya XI, 76. dvàdasangulya XI, 55.
drdhavrata XI, 145. dvàdasâyàma XI, 42.
drsti XI, 53. dvikâla XI, 4.
deya XI, 106. 111. 123. dvija I, 7. — II, 2. — VI, 11. — IX,
deva I, 2. 22. 29. 35. 38. — II, 1. 2. — XI, 28. 100. 104. 105. 144.
— III, 22. — IV, 7. 8. — V, 8. dvijàti II, 1. — XI, 68.
11. 12. 20. 42. — VI, 16. 19. 20. dvidhâ XI, 28.
22. 23. 25. 35. 42. 48. — VII, 3. dvividha XI, 5. 31.
6. 9. 18. — VIII, 16. — IX, 17. dvîpa VII, 11.
— X, 9. 16. — XI, 54. 91. 114. dvesa II, 20. — VII, 29.
121. 130. 134. 137. 138. dvaitavarjita III, 3.
devakïtanaya XI, 131.
devatâ VI, 38. — XI, 89. 90. dhana VI, 24.
devatânugata XI, 89. dhanus VII, 12.
devatântara XI, 116. dharma VII, 28. — XI, 15. 17. 105.
devatâyatana XI, 50. dharmakandasamudbhûta XI, 55.
devadeva I, 38. — IV, 1. 12.
— V, dharmarata VI, 28.
13. — VI, 23. — VII, 31. — XI, dharmatatpara I, 2. 12.
133. 141. dharmasamgraha XI, 140.
devàdhidevesa I, 48. dharmàdhâra V, 15.
devi VI, 34. — VII, 4. dhâtr IV, 4. — V, 33.
devesa I, 44. — XI, 125. dhâman VII, 2.
desa VII, 14. — X, 17. — XI, 39. dhâranâ XI, 11. 39. 42.
50. 51. dhârmika IV, 8. 9. 15. 33. — XI,
desàlambanavarjita XI, 41. 106. 122. 123.
desâvasthiti XI, 40. dhïra IX, 15. 16. 17.
deha II, 50. — VI, 10.
— XI, 30. dhûmasamparka II, 24.
65. 130. dhyâta VI, 34.
dehabâdha XI, 49. dhyàna IV, 23. — XI, 11. 40. 42.
dehabhrt VI, 48. 59.
dehânta II, 44. dhyâyati IV, 7. — X, 15. — XI,
dehin II, 16. — III, 10.
— VI, 47. 58. 63.
INDEX 237

dhruva III, 5. — VII, 2. — IX, nibandhana II, 20. — VII, 29.


6. 7. nimitta IX, 3.
nimittamâtra IX, 2.
naksatra VII, 8. — X, 13. nimesa VI, 40.
nadï XI, 50. niyata XI, 95.
nadïnada II, 37. niyama VI, 23. — XI, 11. 20. 30.
nabhas II, 7. niyoga VI, 12. 13. 17. 20. 23. 24.
namaskârya XI, 118. 25. 30. 32. 35. 36. 37. 42. 46. 47.
nara I, 19. 30. 48. 49. — XI, 12.
naraka VI, 33. — XI, 116. niranjana II, 19. — X, 6. — XI,
nastasvântasamkalpa X, 3. 7. 63.
nâtha VI, 25. nirahamkàra XI, 75.
nâbhi XI, 39. nirâbhàsa III, 4. — XI, 6.
iiâràyana I, 4. 19. 22. 24. — IV, 21. nirâsin XI, 81. 83.
— V, 16. 42. — VI, 14. — XI, nirâsraya XI, 82.
107. 111. 112. 117. 120. 124. 125. nirrti VI, 25. — VII, 11.
131. nirodhana XI, 30. 37.
nàràyanàtmaka V, 17. nirguna II, 27. 49. — III, 5. —
nâsa V, 30. X, 2.
nâsayati XI, 87. nirjana XI, 51.
nàsikàgra XI, 53. nirdvandva II, 13.
nihsoka XI, 92. nirbhaya XI, 54.
nigraha XI, 38. nirmama XI, 75. 81.
nitya II, 18. 22. 29. — III, 21. — nirmala II, 39. — V, 37. — VIII, 2.
IV, 9. 24. — V, 33. 45. — VI, — IX, 1. — X, 6. — XI, 64.
27. 29. 36. 47. 48. — VII, 2. — nirmâtr VI, 2. 13.
VIII, 13. — IX, 6. — X, 3. — nirvana II, 53. — X, 11.
XI, 4. 63. 86. 143. 145. nirvânasiddhida XI, 2.
nityatrpta XI, 82. nirvikalpa II, 39. — III, 4, — VII,
nityamukta V, 30. 2. — X, 6. 9. 14.
nityànanda X, 9. 15. — XI, 7. nirvrta II, 35.
nityànandin IX, 12. nilaya V, 31. 39.
nityâbhiyukta XI, 87. 88. nivartaka IV, 19.
nityodita II, 17. nivartate IX, 11. 14.
nidarsana IX, 5. niscitàrtha X, 15.
nidrâjitasvâsa V, 6. niskala II, 37. — IX, 1. — X, 14.
nidhàna IV, 19. — V, 34. niskriya IX, 1.
nidhi V, 2. nisthâ X, 7.
nindati IV, 12. nisparigraha XI, 74. 92.
nibadhyate XI, 82. nihanti IV, 22.
238 L'ISVARAGÏTA

nihantr IV, 15. 112. 120. 129. 144.


nïca XI, 104. paramakàrana XI, 58.
nïcajâti IV, 10. paramadurlabha XI, 1.
nrtyati IV, 32. — V, 1. 2. 4. 5. 11. paramadharniavid I, 16.
25. 26. 27. paramapurusa II, 28.
nodita VI, 16. 20. 29. 32. paramarsi XI, 14.
paramâkâsatattva IX, 15.
paksa VI, 40. paramânubhûta V, 23.
pankaja XI, 55. paramàtman II, 10. — VI, 42. 45.
pancavimsaka III, 11. — XI, 61. 51. — VII, 20. — VIII, 16. —
paneasikha XI, 128. IX, 5. — XI, 61.
pathate XI, 143. paramânanda X, 10.
pathitavya XI, 146. paramàrthatas II, 9. 11. 13. 23. 35.
pandita II, 33. — XI, 117. paramesvara I, 25. 32. 35. 51. —
patati VII, 1. 5. 11,45. — III, 6. — IV, 6. — V,
pati V, 12. — VI, 30. — VII, 18. 1. 35. 44. — VII, 16. — VIII,
pattra IV, 13. 2. 9. 10. — IX, 1. — X, 9. — XI,
patnï VI, 31. 54. 72. 85. 92.
pada IX, 9. — X, 2. 7. — XI, 64. paramesthin IV, 14. 30. — V, 30.
80. 83. 91. 93. 100. 101. 103. 45. — VI, 1. — VII, 1. — VIII,
padâksarasamgati XI, 26. 15.— IX, 16. — XI, 121. 122.
padma XI, 43. 44. 53. 60. parâka XI, 21.
padmanâbha V, 19. parâtman XI, 94.
para I, 3. 50. — II, 4. 15. 17. 32. parâmrta III, 4.
— III, 1. 6. 8. 18. 19. 21. — IV, parâyana V, 38.
4. — V, 7. 14. 22. 34. 44. — VI, 14. parârdha VI, 41.
30. 41. 45. 48. 49. 51. — VII, 2. paràsara XI, 129.
15. 16. 25. — VIII, 7. 11. 12. 18. paràsarasuta I, 10.
— IX, 4. 9. 13. 16. — X, 1. 3. 4. parigraha XI, 74, 83.
7. 10. 16. — XI, 15. 45. 56. 57. paripasyati IX, 15. 16.
61. 62. 66. 73. 86. 101. 111. paripâlaka IV, 17.
paratara I, 27. — VII, 2. — XI, paripâlana VI, 14.
68. parimucyate IX, 12.
paradravyâpaharana XI, 17. parispandanavarjita XI, 26.
parama I, 24. — II, 53. — III, 5. parvata VII, 8, — XI, 50.
18. — IV, 9. 27. 32. — V, 1. 2. parvan XI, 39.
22. 27. 34. 41. 43. — VI, 34. 52. pavana II, 7.
— VII, 2. — IX, 5. 9. — X, 2. pavitra V, 21.
5. 7. 8. 11. 12. 14. 17. — XI, 7. pasu V, 12. — VII, 17. 19.
9. 56. 63. 64. 80. 91. 93. 100. 102. pasupati VII, 18. 21.
INDEX 239

pasupàsavhnukti XI, 67. purusa II, 5. 11. 17. 27. 28. 48. —
pasubandhana VII, 21. III, 1. 8. 11. 15. 19. — IV, 2. 26.
pasubhrt VII, 32. — V, 5. 21. 24. 36. — VI, 8. 33.
pasyati I, 13. — II, 13. 26. 32. 35. 48. — VII, 1. 31. 32. — VIII, 4.
42. 47. 49. — IV, 5. 7. 8. 28. — 15. 18. — IX, 12. — X, 15. —
V, 16. 22. 25. 27. — VI, 49. — XI, 61.
VIII, 10. 11. — X, 2. 3. — XI, purusottama I, 23. 28. — III, 17.
7. 10. 114. 119. — V, 34. — XI, 118.
pânipâda II, 9. pulaha XI, 127.
pâtàla VI, 43. puskara VII, 11.
pâda VII, 23. — XI, 46. puspa IV, 13.
pâdatala XI, 44. 45. pùjana XI, 29.
papa XI, 143. 145. pûjayati (-te) IV, 12. — XI, 73.
pâpapanjara XI, 2. 88. 90. 115. 135.
pâpayoni XI, 104. pûjà I, 44. — XI, 29.
pâpopahatacetas XI, 105. pûjya VI, 28.
pâyu II, 9. — VII, 23. pûta XI, 71.
pàrvatï VI, 34. pûraka XI, 36. 37.
pàlayati VI, 37. — XI, 19. purusa II, 9. 18.
pàvaka VII, 4. pûrva X, 1.
pâvaki VII, 9. prthaktva IX, 5.
pâvayati XI, 65. prthagbhàva II, 34.
pâsa VII, 16. 19. 21. 28. 29. 30. 32. prthvï II, 7.
— XI, 67. paurânika I, 5.
pâsupata XI, 67. paurnsa VII, 13.
pitr IV, 5. — VIII, 6. 7. 8. — XI, prakâsa II, 10.
129. prakâsate II, 25.
pinâkadhrk XI, 119. 130. prakïrtita XI, 15.
pinâkin V, 13. prakrti II, 9. 15. 16. — III, 10. 12.
pibati V, 36. 15. — V, 28. 35. 36. — VI, 46.
pisàca VI, 39. — VII, 22. 26. 31. — VIII, 14.
pundarïkâksa I, 37. 51. 15. — XI, 62.
punya I, 18. 21. prakrtisamgata II, 16.
punyadesa XI, 50. prakrtistha III, 11. — V, 41.
putra II, 55. prajà III, 16. — VI, 30. 37.
putrâdi XI, 92. prajâpati VI, 40. — VII, 11. —
punarudbhava XI, 114. VIII, 9. — XI, 127.
pumams IX, 8. — XI, 22. 27. pranava VII, 13. — X, 15. — XI,
purâna I, 24. — V, 21. 24. 36. 38. 22. 35. 64. 99.
— VII, 3. 32. — VIII, 16. 18. pratijnâta IV, 11.
240 L'ISVARAGÏTA

pratibhâti V, 37. — X, 13. prasûti V, 23.


pratisthita XI, 16. 97. praharana VII, 8.
pratyantara XI, 40. prahlàda VII, 6.
pratyantaraniyogatas XI, 12. pràkrta III, 11. — VII, 24.
pratyaya XI, 41. prâna, II, 5. 8. 9. — III, 17. 19. 20.
pratyâhâra XI, 11. 38. — X, 15. 16. — XI, 30. 35.
prathitaujas IV, 5. — VI, 37. prànasamrodha XI, 32.
pradhâna II, 18. — III, 1. 8. — IV, prânâyâma XI, 11. 30. 34. 35. 36.
26. — VI, 8. — VII, 25. 31. — prànesvara V, 21.
VIII, 4. 14. pràsastya XI, 27.
pradhânaviniyogajnaVIII, 12. priya XI, 75. 76. 77. 78.
prapanca II, 10. 11. 38. — IX, 3. priyatama IV, 24.
prapadyate XI, 72. 133. 134. prïti XI, 118.
prapasyati I, 27. 28. — IV, 23. — prïtisamyukta XI, 99.
V, 6. — X, 7. 9. — XI, 1. 6. 9. prerayati II, 51. — IV, 27. — VI,
111. 113. 5, 6.
prabhava VI, 14. prerayitr IV, 27. 32.
prabhâmandala IX, 9. preryate VI, 50.
prabhava V, 28. — VII, 1. prota IX, 10.
prabhâsayati VI, 21.
prabhu I, 4. 5. 10. — II, 7. — phala IV, 13. — XI, 89.
VI, 15. 35. — VIII, 8. 18. — IX, phalada VI, 22.
16. — XI, 137. phalaprada IV, 8. — VI, 25. 26.
pramànàtïtagocara III, 4.
pramucyate TV, 10. — X, 12. — badarikàsrama I, 18.
XI, 143. baddha II, 6. — VII, 20.
prayata X, 17. badhnàti VII, 19.
prayatna XI, 19. bandha VII, 28. 32, — Vin, 14.
pralaya VI, 50. bandhakartr VII, 32.
pravartaka IV, 19. bandhana VI, 52. — VII, 21. — XI,
pravartate II, 41, — III, 1. — 39. 102.
XI, 3. bala XI, 17.
pravartayati XI, 122. balavat VII, 11.
pravilïyate II, 6. bâhya XI, 28.
prasàstr VI, 23. bâhyanisvâsa XI, 37.
prasanna I, 40. — V, 7. — XI, 2. bâhyâbhyantara III, 6.
prasâda II, 54. — XI, 80. 84. 101. bibharti VI, 19.
121. 135. 138. bibheti IX, 11.
prasàdâbhimukha I, 31, 38. bïja Vin, 16.
prasïdati XI, 3. bïjin VIII, 8.
INDEX 241

buddha II, 15. brahmâvarta VII, 14.


buddhi VI, 46. 49. — VII, 22. — brahmïbhûta II, 2.
VIII, 18. — X, 16. — XI, 76. brahmaikavisaya I, 3.
buddhimat VIII, 18. bràhmana IV, 6. 9. — VIII, 1. —
buddhivaisamya VII, 27. IX, 14. — XI, 117. 123. 146.
budha VII, 18. — XI, 22. 34.
brhat X, 14. bhakta IV, 11. 13. 24. 25. — VI,
bodhayati V, 32. — XI, 86. 26. — X, 8. — XI, 68. 90. 95. 106.
bodhayukta XI, 73. 109. 110. 123. 145.
brahmaeakra V, 26. bhaktavatsala I, 36. — V, 7.
brahmacarya XI, 13. 18. 69. 144. bhakti I, 32. — IV, 2. 12. — V, 6.
brahmacàrin XI, 68. 106. 44. — XI, 29.132.138.
brahmatanu V, 38. bhaktimat II, 3. — IV, 10. — XL, 78.
brahman (neutre) I, 27. — II, 19. 31. bhaktisamyukta I, 20.
34. — III, 20. — V, 33. 36. — VI, bhagavat I, 17. 21. 24. 36. 40. 51. —
51. — VII, 2. — VIII, 3. 12. — III, 17. 19. — IV, 28. 29. 30. —
IX, 4. 5. 7. 11. — X, 1. 3. 11. — V, 1. 35. 41. 43. — VI, 17. 51. —
XI, 99. VIII, 2. 9. — IX, 16. 18. — XI,
brahman (mase.) IV, 5. 7. 14. 20. 30. 107. 109. 120. 126. 131. 139. 140.
V, 30. — VI, 12. — VII, 3. — bhajati XI, 72.
VIII, 5. 9.16. bhajate X, 10.
brahmanistha V, 29. — IX, 14. bhaya V, 5. — XI, 71. 77.
brahmabhûta IX, 12. 13. bhava V, 40. 41. 42. — XI, 130.
brahmamaya III, 1. — IV, 30. — V, bhavarogin V, 13.
20. 21. — VIII, 2. bhavisyat VI, 45.
brahmayoga XI, 8. bhavodbava V, 40.
brahmayoni V, 22. — VIII, 15. bhasman XI, 65.
brahmaloka XI, 145. bhàti I, 47. — II, 25. 30. — IX, 6. —
brahmavâdin I, 23. 37. 48. — II, 2. 3. X, 13.
18. 50. 55. — IV, 1. — V, 16. 17. bhânumat XI, 1.
— IX, 4. — XI, 108. bhàradvaja XI, 128.
brahmavijnâna II, 36. bhâva II, 24. — V, 1. — VI, 5.12. —
brahmavid VI, 29. — VII, 3. — X, X, 3.
14. bhàvayati XI, 95. 96.
brahmavidyâpradâyinï VI, 34. bhâvânuvartin VI, 6.
brahmavisaya I, 11. bhâvitàtman I, 40.
brahmânda 1,1. — V, 10. — VI, 43. bhàsa X, 13.
44. 45. bhàsita X, 13.
brahmànanda V, 27. — IX, 14. bhâsvat XI, 87.
brahmànandin IX, 16. bhinna IX, 7.
16
242 L'ISVARAGÏTA

bhinnasamsthâna III, 5. madbuddhi XI, 88.


bhiksàsin XI, 74. madbhakta II, 55. — IV, 11. — XI,
bhunkte III, 11. 75. 76. 79. 118.
bhuvana VI, 43. madbhâvanâsamàyukta XI, 90.
bhû V, 30. — VII, 22. madbhâvabhâvita VI, 12.
bhûta I, 49. — II, 31. 32. 34. — III, madbhàvayoga XI, 71.
6. 7. 16. 21. — IV, 3. — V, 3. — madyàjin XI, 85.
VI, 15. 19. 26. 31. 42. — VII, 15. madvrata XI, 70.
— VIII, 4. 9.10. — IX, 17. — XI, madhya VI, 3. — XI, 31.
14, 75. 112. madhyama XI, 32.
bhûtapati I, 33. manahsuddhi XI, 28.
bhùtàbhavyesa, V, 42, 43. manas II, 8. 30. — III, 14. 18. —
bhûtastha XI, 112. V, 39. — VI, 46. — VII, 22. —
bhûtàdi VI, 46. — VIII, 4. — XI, VIII, 4. 14. — IX, 11. — X, 16.
125. — XI, 14. 18. 29. 76.
bhûtàdhipati IV, 7. — V, 38. — VII, manïsin III, 18. — XI, 98. 146.
20. manu IV, 5. — VI, 37. — VII, 14.
bhûti IX, 8. manusya XI, 33.
bhûtesa V, 5. — XI, 133. mantavya II, 29.
bhùmi VI, 46. — X, 16. manthana XI, 141.
bhrgu I, 16. — V, 18. manda XI, 32.
bheda II, 23. — XI, 23, 58. mannamaskâra XI, 85.
bhedadrs XI, 113. manmanas XI, 65. 85.
bhesaja V, 13. manmaya TV, 20. — XI, 71.
bhoktr II, 9. 15. — IV, 8. manyamâna IX, 13.
bhoga VI, 26. 93. manvantara XI, 1. — VI, 41.
bhogakarmârtha XI, 89. mayyarpitamanobuddhi XI, 76.
bhogin VII, 9. marana XI, 92. 100. 101.
bhrànti II, 20. marïei V, 18. — VI, 30.
marut VI, 38.
makha IV, 6. malina II, 12. 24.
matpara XI, 81. masaka XI, 49.
matparâyana XI, 80. 103. mastaka XI, 39.
matprïtijanana XI, 108. mahat II, 44. 48. — III, 12, 13. 18.
matsâyujyapradâyakaXI, 68. 19. — IV, 22. — V, 23. — VI, 9.
matstha III, 7. — VII, 31. — VIII, 3. 4. 17. —
madadhisthita IV, 20. IX, 12.
madàtman XI, 65. mahattva IV, 30.
madàsraya XI, 117. mahadàdya III, 10.
maddehasambhavaVI, 10. maharsi VI, 30. — XI, 127,
INDEX 243

mahâkalpa VII, 10. mâyeya XI, 87.


mahàdeva I, 15. 31. 33. 38. — V, 2. màrtanda VI, 10.
12. — VIII, 17. — IX, 1. — X, màsa VI, 40.
12. — XI, 135. màhâtmya IV, 1. — V, 45. — VI, 1.
mahàbrahman VIII, 5. mukta II, 13. — VII, 1. — XI, 77.
mahâmuni XI, 126. mukti I, 26. — II, 12. — VII, 16. —
mahàyoga I, 19. — V, 12. — XI, XI, 105. 113.
4.5. muktibïja V, 28.
mahàyogin XI, 118. 124. 130. mueyate III, 21. — XI, 90.102.
mahàyogesvara IV, 28. 29. muni I, 5. 6. 11. 12. 13. 14. 17. 19.
mahàyogesvaresvara IV, 31. 28. 37. 39. 40. 41. 42. 51. — II, 13.
mahiman V, 27. — VI, 35. — IV, 5. — V, 22. — VI, 7. —
mahïyams VIII, 16. 17. — IX, 16. VII, 7. — IX, 19. — X, 4. —
mahîyate XI, 145. XI, 11. 139. 141. 142.
mahendra V, 15. munïsvara XI, 122.
mahesa I, 43. — V, 38. — VI, 49. — mumuksu II, 29. — XI, 139.
XI, 121. muhûrta VI, 40.
mahesvara I, 31. 45. 47. — II, 5. •— muhyati II, 38.
III, 21. — V, 13. — VI, 3. — VII, mùdha IV, 12.
9. — VIII, 13.15. — XI, 3. 4. 63. mùrkha XI, 98. 117.
95. 114. 125. 136. 137. mùrti VI, 14. — VIII, 7. — XI, 112.
mâtr VIII, 7. mûrdhan XI, 39.
mâtrâ XI, 32. mûlaprakrti VII, 31.
màtrâdvâdasaka XI, 32. mûlamaya VIII, 3.
mâdhava V, 46. mrgendra VII, 12.
mànava XI, 90. mrtyu VII, 15. — VIII, 16.
mànasa XI, 23. 26. mrd XI, 28.
mâyâ II, 6. 9. 22. 23. 35. 53. — IV, meru VII, 8.
17. 18. — V, 32. — VI, 4. 47. — maitrïkarana XI, 75.
VII, 16. 21. 30. — VIII, 3. 6. — maithunatyâga XI, 18.
IX, 2. 3. 6. 7. moksaka IV, 16.
mâyâtattvapravartaka VI, 8. moeaka VII, 19. 20.
màyâtïta II, 51. — III, 20. mocana V, 7.
mâyâpàsa VII, 19. 20. moeayati V, 7. — XI, 117.
mâyâmaya III, 22. — V, 4. — X, 5. moha VIII, 8.
— XI, 54. mohakalila VI, 49.
màyâmâtra II, 35. mohita II, 50. — VIII, 6.
mâyâvin II, 45. 50. — V, 26. — mohinï III, 10. — VI, 47.
VII, 3. maunin XI, 79.
mâyin II, 6. — III, 22. — IV, 29.
244 L'ÏSVARAGITA

yaksa VI, 39. — VII, 10. 1. 3. 6. 16. 46. — VI, 27. — VII,
yajati (-te) XI, 72. 89. 92. 4. — VIII, 16. — IX, 19. — X, 17.
yajus VII, 12. —XI, 8. 10. 34. 36. 52. 76. 94. 98.
yajna IV, 6. 120. 124.
yajvan VI, 22. yogindra I, 35. — II, 54. — XI, 52.
yatacittâtman XI, 83. 109. 127.
yotati II, 1. yogîsa XI, 85.
yatamânasa XI, 10. 36. yogîsvara I, 15.
yatâtman XI, 76. yogesvara IV, 29. — V, 38.
yati V, 29. yoni V, 16. — VI, 47. — VIII, 3. 7.
yathàtmya V, 45. 15. — XI, 104.
yathârthakathanâeâra XI, 16.
yadrcchâlâblia XI, 27. 84. rakta II, 28.
yantra VII, 12. raktikâ II, 28.
yama VI, 23. — XI, 11. 13. 30. raksaka VI, 27.
yukta IX, 7. — XI, 99. 145. raksana XI, 140.
yuga VI, 41. — VII, 10. raksas VI, 25. 39. — VII, 11.
yunkte X, 17. — XI, 4. 51. 52. raksitr VI, 2.
yujyate IV, 31. rajataprabba XI, 94.
yoga I, 2. — II, 40. 41. 42. — IV, 27. rajas VII, 26.
31. — V, 21. — X, 17. — XI, 1. ratna XI, 96.
3. 5. 6. 7. 8. 9. 12. 34. 46. 47. 51. rasmijvâlâsamâkula XI, 57.
67. 71. 72. 73. 107. rasa II, 8. — VII, 24.
yogaksema XI, 88. rahasya X, 17. — XI, 106.
yogajnâna II, 41. râga II, 20. — VII, 29. — XI, 71.
yogajnânâbhiyukta XI, 3. Il, m. - râjasa VII, 27.
yogatattvajfia V, 3. râma VII, 5.
yogamâyâsamâvrta V, 16. rukmavarna V, 22.
yogavittama I, 20. — XI, 124. rudra 1,14.16. 31. — V, 7.17.19. 21.
yogavid IV, 32. 31. 33. 35. 40. — VI, 15. 27. 38. —
yogasasana XI, 41. VII, 5. — VIII, 16. — XI, 130.
yogasamâsraya II, 55. 132. 133.
yogasiddhi I, 42. rudrarûpin IV, 22.
yogasiddhida V, 46. rùpa II, 8. — IV, 20. — V, 17. 36.
yogasiddhipradâyin XI, 20. 37. 41. 43. — VI, 4.
— VII, 24. —
yogâgni XI, 2. VIII, 15.
yogâtman I, 47. — V, 26. reeaka XI, 36. 37.
yogânandamaya V, 14. raibhya V, 18.
yogin I, 20. — II, 30. 42. 43. 52. 55.
— IV, 7. 15. 16. 18. 29. 32. — V, laksana VII, 25. — XI, 24. 34.
INDEX 245

linga X, 1. 3. — XI, 92. 93. 94. 95. vikalmasa IV, 11.


96. 97. 98. vikâra VI, 12. — VII, 22. 31.
lipyate II, 24. vikàrahïna II, 13.
lïna XI, 62. vikârin II, 12.
lïnarûpa VIII, 15. vighna XI, 105.
Ma VII, 19. vighnanâyaka VI, 28.
lupyate XI, 70. vicaksana II, 26.
loka II, 11. 37. — III, 2. — IV, 3. vicarat XI, 38.
7. 17. — VI, 2. 13. 14. 30. 35. 36. vicârayati XI, 144.
— VII, 17. — VIII, 8. — XI, 77. vijaua X, 17.
113.140. vijânàti II, 50. — IV, 31.
lokapitàmaha IV, 7. vijàyate II, 6.
lokamahesvara XI, 137. vijrmbhita VII, 17.
lokavimohanï IV, 17. vijnâtrsakti III, 12.
lomaharsana I, 8. vijnâna II, 1. 20. 38. 39. 55. — III,
12. 21. — IX, 15. — X, 2. — XI,
vajra VII, 8. 99. 122. 123.
vadavârûpa VI, 36. vijnânâtmaka III, 14.
vapus XI, 99. 120. vijneya X, 8. — XI, 89.
varatva IV, 30. vijvara XI, 122.
varna XI, 103. vitta XI, 27.
varnin I, 2. vidadhâti IV, 14.
valmîka XI, 48. vidyâ IV, 18. — VII, 15. — VIII,
vasa III, 16. 9. — IX, 8.
vasati XI, 101. 104. vidyut X, 13.
vasistha 1,17. — VII, 6. vidvams IX, 11. 12. 13.
vasu VI, 38. — VII, 4. vidbâtr IV, 4.
vastu III, 8. — VI, 3. — X, 12. vidhâna XI, 95.
vahni VI, 16. — X, 16. — XI, 96. vidbi VI, 29. — XI, 15. 103. 110.
vahnisikhâkâra XI, 61. vinasyati IV, 11. — VIII, 10.
vâc II, 8. — V, 46. — VI, 32. — vinaya VIII, 14.
VII, 23. — IX, 11. — XI, 14. 18. vinasvara XI, 91.
29. vinâyaka VI, 28. — VII, 7. — XI,
vâcika XI, 23. 24. 25. 52.
vâmadeva I, 17. — V, 18. — VI, viniyoga VIII, 12.
27. — XI, 130. 132. vinirmita VI, 38.
vâyu VI, 46. — VII, 11. — XI, 30. vinirmukta XI, 145.
vàrànasï XI, 101. vipascit X, 6.
vâlmîki XI, 129. vipra I, 9. — II, 43. — V, 4. 32. —
vâsudeva I, 50. — XI, 119. XI, 101.
246 L'ÏSVARAGÏTA

vipratibhâti IX, 15. vira VII, 7. — VIII, 8.


vibhava V, 15. vïrabbadra VII, 7.
vibhâti V, 37. — X, 13. 14. 16. vïrudba VII, 10.
vibhu VIII, 13. vrttisamtati XI, 40.
vibbinna II, 11. vrsabhadhvaja I, 42, 45.
vibhrâjamàna IX, 15. vrsavâhana V, 41.
vimala I, 29. 46. 48. — II, 25. — vrsti VI, 20.
V, 22. — IX, 15. — XI, 57. vetâla VI, 26.
vimukta XI, 9. vettr I, 25. — VII, 32.
vinmktatva III, 11. veda II, 5. 45. — IV, 6. 14. 15. 33.
vimukti VII, 28. — X, 11. — XI, — V, 25. 29. 32. — VI, 11. —
67. VII, 12. — VIII, 15. — X, 15.
vimuktida I, 13. 17. — XI, 106.
vimucyate IX, 10. vedayate III, 14.
virakta XI, 92. 99. vedavâdin IV, 8. — VII, 19.
vilaksana II, 11. vedavid III, 7. — VI, 1.
visesânta III, 10. vedavidvams I, 7. — II, 15. — XI,
visodhayati XI, 64. 128.
visva I, 47. — II, 6. — III, 7. — vedavedya VIII, 16.
VI, 9. — VIII, 16. — IX, 2. — vedàmisâsana II, 54. — III, 23.
X, 13. — XI, 9. vedânta XI, 22.
visvakarman V, 11. — VII, 6. vedântamârga, XI, 67.
visvakrt I, 47. vedântasâra II, 40.
visvatomukha IV, 4. — VII, 3. vedârtbavidvams VII, 14.
visvadhâman IX, 14. vedârtbavedin XI, 23.
visvanâtha V, 35. vesa XI, 120.
visvarûpa V, 30, 31. — VIII, 17. vaidika IV, 6.
18. — IX, 1. vaiyâghxa V, 9.
visvarûpatva IX, 4. vairâgya V, 14. — XI, 73.
visvarûpin II, 53. vairâgyakarnika XI, 56.
visvâtman I, 22. 34. — XI, 124. vaivasvata VI, 23.
visvesa V, 4. vaisya IV, 9.
visvodita X, 14. vaisvânara VI, 17.
visaya XI, 38. vaisamya VII, 27.
visnu I, 13. 45. 47. — V, 2. 30. 35. vyaktàpara X, 10.
- VII, 4. — IX, 9. — XI, 114.
115. 141.
vyaktisamâsraya IX, 3.
vyavâstbita X, 1. — XI, 116.
vistâra II, 34. vyàpin II, 27. — VIII, 16. — IX,
vïtakalmasa IV, 11. 17. 18.
vîtarâgabhayakrodha XI, 71. vyâlabbûsana XI, 135.
INDEX 247

vyâsal, 6. 7. — VII, 7. — XI, 136. VIII, 2. — IX, 17. — XI, 62.


vyâhrti XI, 35. 80. 97. 107. 136.
vyomadhâman IX, 15. sâsvatadharmagoptr V, 34.
vyoman III, 20. — VII, 15. — X, sâsana VI, 41. 43.
1. — XI, 96. 98. sâstr VI, 22.
vyomarûpa III, 21. sâstra IV, 29. — VI, 38. 40. — XI,
vyomavyâpin VIII, 16. 36.
vrata VII, 8. — XI, 70. 145. sikhâgra XI, 55.
vratânga XI, 69. siras V, 19. — VI, 35. — IX, 18.
— XI, 35.
sakti II, 22. — IV, 17. 18. 19. 20. silpin VII, 6.
21. 22. — V, 38. — VI, 5. 16. — siva.I, 33. 41. 46. — II, 36. — V, j

VIII, 5. 13. 15. — IX, 3. 6. — 40. — X, 12. 16. — XI, 29. 62.
XI, 57. 103. 108. 134. 137.
saktyâtmaka VI, 50. sisya II, 55. — VI, 27. — XI, 52.
sakya X, 4. 108. 110. 122.
Iakra IV, 5. — VI, 22. — XI, 141. sukra I, 17. — V, 18.
samkara I, 43. 48. — V, 45. — VII, suci XI, 73. 78.
5. — XI, 135. suddha II, 4. 29. 53. — X, 6. 14.
sankhacakragadâpâni I, 30. 15. — XI, 144.
satakratu VII, 6. suskaparnaeaya XI, 47.
satarudriya VII, 12. — XI, 22. 100. sûdra IV, 10.
sabda II, 8. — VII, 24. — XI, 26. sûnya V, 36. SIj-i6r
sabdabodbajanana XI, 24. sûla V, 9.
sambhu I, 35. — VII, 4. — XI, sûlin I, 43.
134. srnoti II, 47. — III, 1. — V, 45. —
Éarana I, 39. — V, 26. — XI, 81. VI, 1. — VII, 1. — XI, 45.
134. sesa VI, 35.
saranya XI, 133. 138. Éauca XI, 20. 28. 69.
sarïra V, 22. — VI, 19. saunaka I, 9. — XI, 136.
sarïrasosana XI, 21. smasâna XI, 48.
sastrabhrt VII, 5. sraddadbâna II, 30.
sânta I, 12. — III, 6. 20. — V, 6. srâvayati XI, 144.
22. 29. — VIII, 2. — X, 10. — srita IX, 2.
XI, 54.112. 123. sri I, 30. — VI, 31.
sântacitta XI, 108. sruta I, 10.
sânti IX, 17. sruti II, 5. — X, 3. — XI, 67.
sârîra XI, 83. srûyate XI, 8.
sârngahasta I, 30. êrotavya II, 29. — XI, 146.
sâsvata III, 5. — V, 15. — VII, 2. srotra VII, 23.
248 L'ÏSVARAGÏTl

svapâka XI, 117. sanga III, 15.


sveta XI, 56. samgata II, 19. — IV, 10.
samcaya XI, 48.
sattrirosanmâtrika XI, 32. samjâyate II, 41. — VT, 9. —
sadanga VIII, 12. XI, 3.
sas VIII, 13. samjâyamâna V, 24.
sodasa XI, 8. samjîvana VI, 20.
satïdehabbavângaja XI, 130.
samyatamânasa I, 17. sattra I, 6. — IV, 30.
samyukta VI, 9. sattva VII, 17. 26. 27.
samyujya XI, 74. sattvasiddhikara XI, 22.
samyoga XI, 33. satya VII, 8. — XI, 13. 16. 69.
samyogaja III, 8. satyatva XI, 126.
samvarta XI, 126. satyarûpa VIII, 15. — X, 9. 15.
samvartaka VT, 36. satyavatîsuta I, 14. — XI, 136.
samvâda XI, 143. satyavatïsûnu XI, 142.
samsrayati XI, 91. satyasanidha V, 29.
samsarati II, 7. sadasadâtmaka II, 18.
samsarate I, 26. sadânanda III, 3.
samsara I, 26. 27. — II, 2. 16. — sanaka I, 16. — V, 18. — XI, 129.
III, 15. — IV, 16. — VI, 52. — sanatkumâra I, 15. 16. 45. — V, 18.
VII, 1. — XI, 104. — XI, 126. 143.
samsâraduhkhanâsa I, 3. sanandana I, 16. — V, 18. — XI,
samsâranâsana XI, 84. 121. 127.
samsârabîja V, 39. sanâtana I, 22. — II, 1. 4. 46. —
samsâramaya II, 7. III, 17. — V, 14. 34. 43. — VI,
samsâravartin VTI, 18. 2. 51. — VII, 31. — IX, 5. 7.
samsârasâgara VIII, 1. — XI, 142.
samstbâpayati IV, 21. sanâtana (n. pr) V, 18.
samsthâpya XI, 64. samtisthate II, 22.
samsthita I, 28. — IV, 8. 18. samtusta XI, 76. 79.

VI, 3. — IX, 6. samtosa XI, 20. 27. 69.
samsthiti II, 38. — V, 25. — XI, 37. samdarsana XI, 43.
samsrastr IV, 17. samnyasyati XI, 74. 81.
samharati III, 22. — VI, 7. 15. sapatnîka XI, 134.
samharate III, 16. saputra XI, 134.
samhartr IV, 17. — VI, 2. sapta VIII, 12. 14.
sagarbba XI, 31. sapranava XI, 35.
sagarbhavijaya XI, 34. sama VIII, 10. 11. — XI, 53.
samkalpa X, 3. samavasthita II, 15. — III, 9. —
INDEX 249

VI, 5. — VIII, 11. sarvarûpa II, 46.


samàdhi XI, 11. 40. 42. sarvalingamaya XI, 97.
samâdbistba II, 32. sarvavid I, 21. — VI, 13.
samàràdhya XI, 139. sarvavyâpin IX, 17. 18.
samâlingati I, 36. sarvasaktimaya XI, 57.
samàsïna XI, 44. 45. 107. sarvasamstbita IV, 8.
samàbita II, 50. — IV, 1. — XI, sarvasâksin IV, 3.
52, 101. 142. sarvâtman II, 45. — IV, 8. — V, 27.
sampradâyaka VI, 24. — VI, 2.
saniprapasyati X, 8. — XI, 15. 16. sarvâdbâra III, 3.
sanvpreryate IV, 26. sarvànubhù V, 23.
sambandba II, 10. sarvântaka IV, 4.
sarasvatï VI, 32. sarvàntara II, 4. — IV, 20.
sarga I, 1. — VI, 13. sarvâyanasirogrïva IX, 18.
sargâdi VI, 8. sarvârambhaparityâgin XI, 78.
sarvaga II, 17. 50. — X, 10. — sarvâvâsa III, 4.
XI, 59. sarvendriyavivarjita III, 3.
sarvagata XI, 94. sarvendriyagunâbhâsa III, 3.
sarvagandha II, 46. sarvesvara V, 35.
sarvajfia III, 17. sarvopamânaranita III, 4.
sarvajnatâ VIII, 13. salila II, 7.
sarvatahpânipâda II, 46. savyàhrti XI, 35.
sarvatahpânipâdânta III, 2. sasabda XI, 48.
sarvatabsrutimat III, 2. sahasraoarana I, 35. — V, 8.
sarvatattvadrs XI, 129. sabasrabàhu V, 8.
sarvato'ksisïromukhaIII, 2. sabasramûrti I, 34.
sarvatomukha II, 45. sahasrasas XI, 10.
sarvatra VIII, 11. — XI, 18. sahasrasiras V, 8.
sarvatraga II, 29. — III, 6. sâgara II, 37.
sarvadâ XI, 18. sâmkbya II, 40. 42. 55.
sarvadevatanu IV, 8. sàksin II, 15. — VI, 10.
sarvadehasamudbbava II, 21. sâttvaga XI, 87.
sarvabbûta II, 31. — III, 6. 7. — sâdbana XI, 12. 17. 43. 46.
IV, 3. — V, 3. — VI, 15. 31. — sâdbya VI, 39.
IX, 17. — XI, 14. 75. 112. sânian VII, 13.
sarvabhûtaguhàsaya IX, 18. sàmaveda VII, 12.
sarvabhûtâtman XI, 112. sâmya XI, 37.
sarvabhûtântaràtman IX, 17. sàmyàvasthiti VII, 26.
sarvamata II, 44. sâyujya II, 52. — X, 11. — XI,
sarvarasa II, 46. 68. 86.
250 L'ÎSVARAGÎTÂ

sâvitri VI, 33. — VII, 13.


afaÔ/joAu, spanda XI, 25.
simha VII, 12. sparsa II, 8. — VII, 24.
siddba VI, 39. — VII, 7. spbatikopala II, 25.
siddhivijnâna X, 2. spbâtika II, 28.
siddhisùcaka I, 22. spbuta XI, 24.
sukha III, 14. — XI, 15. smarana XI, 29.
sukhalaksana XI, 27. svaecha II, 4.
sukhin II, 14. svaeehandatâ VIII, 13.
sugupta XI, 50. svadebaja XI, 30.
sunapbâkbya XI, 34. svadbarmastha IV, 10.
suniscala XI, 29. svaprabhà II, 25.
suradvis VII, 6. svabhâva II, 23.
susubba XI, 50. 51. svabbâvatas II, 22. 27. 51. — IV,
susobbana XI, 55. 28. — XI, 38.
sflkta VII, 13. syayamjyotis II, 17. — V, 30. —
sflksma II, 4. 39. — VIII, 12. 14. VI, 51.. — X, 1.
sûksmadarsin II, 49. svayamprabha V, 28.
sûta I, 5. 11. 14. — XI, 140. svayambbû VI, 21. 29. 39. 43. —
suri IV, 29. — X, 2. — XI, 40. VII, 3.
sûrya VI, 20. — X, 13. — XI, svarûpa XI, 6.
96. 98. svarûpatas II, 12.
sûryakotisamaprabba V, 10. svarûpin XI, 66.
sûryasomâgniloeanaV, 9. svastika XI, 43. 45. 53.
srjati III, 16. 22. — V, 11. — VI, svâtman II, 19. 31. — V, 17. 30.
13. 30. — X, 9. 10. — XI, 54. 66.
srsta II, 12. — VI, 39. svâtmayoga I, 51.
senânî VII, 9. svâdlyâya I, 10. — XI, 20. 22.
soma VI, 20. 23. 24.
skanda VI, 29. svânanda XI, 58.
stuti XI, 29. svâmin VI, 26.
steya XI, 17. svâyambhuva I, 1. — VII, 14.
stotra I, 20. sveda XI, 33.
stri VII, 4.
stbânu XI, 133. 136. hara V, 40.
sthâna IV, 9. — X, 5. — XI, 125. hari IV, 25. — V, 33. — VII, 3.
sthâvara VI, 42. — XI, 131.
sthâvarajangama III, 7. 21. harsa XI, 77.
sthiti X, 9. bavis IV, 8.
sthiramati XI, 79. bavya VI, 16.
sneha XI, 92. hinisâ XI, 15.
INDEX 251

hita XI, 108. 109. 21. — XI, 94. 98.


hinasti VIII, 11. brdaya V, 25. — XI, 60.
hiranmaya VIII, 18. — IX, 15. — hrdistba V, 19.
XI, 56. hrsïkesa I, 36. 42. — XI, 137.
hiranyagarbba V, 24. — VI, 10. betu II, 49. — IV, 16. — V, 25.
hina XI, 70. — VIII, 14.
hrtpundarïka XI, 39. baima VIII, 5.
brd II, 33. 47. — IV, 18. — V, 16.
Louvain [Belgique] — Imprimerie Orientaliste Marcel Istas, 8. a.
i/ouvaln [Belgique] — Imprimerie Orientaliste Marcel Iatas, s. a.

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