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Is Var Agita
Is Var Agita
TRADUIT DU SANSKRIT
PAR
P.-E. DUMONT
Professeur de Sanskrit à l'Université Johns Hopkim
1933
BALTIMORE PARIS
THE JOHNS HOPKINS PRESS LIBRAIRIE PAUL GEUTHNER
L'ÎSVARAGÏTÂ
L'ÏSVARAGITÀ
LE CHANT DE SIVA
TRADUIT DU SANSKRIT
PAR
P.-E. DUMONT
Professeur de Sanskrit à l'Université Johns Hopkins
1933
BALTIMORE PARIS
THE JOHNS HOPKINS PRESS LIBRAIRIE PAUL GEUTHNER
PRINTED IN BELGIUM
PRÉFACE
La table de concordances.
— Le lecteur trouvera dans une table
de concordances l'indication de toutes les stances, demi-stances et
pàdas, que l'auteur de l'ïsvaragïtâ a empruntés soit à la Bhaga-
vadgïtâ, soit à la Svetàsvatara ou à la Kàthaka-Upanisad. De plus,
PRÉFACE 11
Les rsis (les saints prophètes), réunis dans la forêt Naimisa, où ils se
livrent à de pieuses méditations, remercient le barde Lomaharsana, dis-
ciple de Vyâsa, de leur avoir exposé, selon les antiques légendes, la créa-
tion de l'univers, ainsi que la théorie des âges du monde, et ils le prient
de leur faire connaître maintenant la vérité suprême qui affranchit du
cycle des transmigrations, la science qui a pour unique objet le brahman
(l'essence des choses, l'être divin). Mais au moment où Lomaharsana va
commencer à parler, son maître, le divin Vyàsa, apparaît. Lomaharsana
se prosterne devant lui, et lui demande de bien vouloir expliquer lui-même
aux rsis la science divine qui procure la délivrance.
Vyâsa prend la parole. Il raconte qu'autrefois Sanatkumâra et onze autres
saints ascètes, réunis dans l'ermitage de Badarikâ, où ils se livraient à de
dures austérités, interrogèrent au sujet de cette science suprême Siva lui-
même. Visnu leur était apparu d'abord, et ils lui avaient demandé de dai-
gner répondre aux questions qui les préoccupaient. « Quelle est la cause
de l'univers? Qu'est-ce que l'âtman? Qu'est-ce que la délivrance? Quelle
est la cause du cycle des transmigrations? Qu'est-ce que le brahman su-
prême? » Mais tandis que les saints ascètes contemplaient Visnu et atten-
daient sa réponse, tout à coup, Siva s'était présenté à leurs yeux éblouis.
Visnu alors pria Siva d'exposer lui-même aux saints ascètes la science
divine, et Siva y consentit. Un trône resplendissant descendit du haut du
ciel. Siva s'y assit avec Visnu et, ayant été interrogé par les ascètes, il
prit la parole pour leur exposer la science qui a pour objet le suprême
Seigneur.
Dans ce premier chapitre, qui sert d'introduction, l'auteur, pour éveiller
l'intérêt de ses lecteurs, a recours à un procédé singulier, qui nous semble
maladroit, mais que, sans doute, il croit ingénieux. Le lecteur suppose
d'abord que la doctrine secrète va être exposée par le barde Lomaharsana.
Mais non: le maître de celui-ci, le divin Vyâsa, apparaît. C'est donc lui qui
va parler. Il va, croit-on, exposer la doctrine secrète telle qu'elle fut révélée
aux ascètes d'autrefois par le grand Visnu. Mais non, car il raconte qu'au
moment où Visnu allait prendre la parole, Siva se présenta et révéla lui-
même la science divine. Ce ne sont pas les paroles de Visnu, ce sont les
paroles de Siva, les paroles du Seigneur suprême, que l'auteur va rap-
porter.
16 L'ÏSVARAGÏTÂ
I
prathamo 'dhyâyah.
rsaya ûcuh:
1. bhavatâ kathitah samyak sargah svàyambhuvah, prabho,
brahmàndasyàdivistàro manvantaraviniseayah;
vyàsa uvâca :
15. vaksye. devo mahàdevah prsto yogïsvaraih purà
sanatkumàrapramukhaih sa svayam samabhàsata.
19. « Et ils virent alors Celui qui pratique le grand yoga (la
grande discipline ascétique), le muni fils de Rsidharma, Nàxâyana
(Visnu), l'Être sans commencement ni fin, accompagné de Nara
(Arjuna).
23. « Etant tombés dans le doute, nous qui, tous, sommes versés
dans les textes sacrés, nous sommes venus te demander assistance,
à toi seul, à toi l'Esprit suprême.
26. « Quelle estla cause de cet univers ? Qui est-ce qui passe éter-
nellement dans le cycle des transmigrations? Qu'est-ce que l'âtman?
Qu'est-ce que la délivrance? Quelle est la cause du cycle des trans-
migrations ?
28. «Lorsqu'ils eurent parlé ainsi, les munis virent l'Esprit su-
prême qui, ayant abandonné son apparence d'ascète, se tenait debout
dans sa vraie splendeur.
29. «Rayonnant, immaculé, entouré d'un cercle de lumière, le
dieu qui porte sur la poitrine le signe appelé « srïvatsa », avait
l'éclat de l'or chauffé au feu.
30. « Tenant dans ses mains la conque, le disque, la massue et
l'arc, il était emdronné de gloire. Et à cause de sa splendeur, à
partir de cet instant, on ne vit plus Nara (Arjuna) (à ses côtés).
31. « A ce moment, Mahâdeva (Siva), le dieu dont le sommet de
la tête est orné de la lune, Rudra (Siva), le suprême Seigneur, appa-
rut, disposé à la bienveillance.
32. « Quand ils virent le protecteur du monde, le dieu aux trois
yeux, le dieu qui a la lune pour parure, les munis, le coeur joyeux,
chantèrent avec dévotion (avec amour) les louanges du suprême Sei-
gneur: —
33. « Gloire à toi, Seigneur, Mahâdeva ! Gloire à toi, âiva, maître
des êtres! Gloire à toi, maître de tous les munis, toi que l'on honore
par l'ascétisme,
34. « toi qui as mille formes, toi qui es l'âme de l'univers, toi qui
mets en mouvement la machine du monde! Gloire à toi, toi qui es
infini, toi qui fais naître, protèges et détruis le monde,
35. « Seigneur aux mille pieds, toi le propice, toi qu'honorent les
rois des yogins! Gloire à toi, divin époux d'Ambikâ (Pàrvatï) !
38. « Lorsqu'il eut entendu ces paroles, le dieu des dieux, Janàr-
dana (Visnu) dit à Mahâdeva (Siva), qui était disposé à la bienveil-
lance :
39. « Ces' munis, ô dieu, sont des ascètes qui ont détruit leurs
péchés. Puisqu'ils sont venus demander assistance, avec le désir
d'acquérir une vue exacte des choses, —
40. « si toi, le bienheureux, tu es disposé à accorder ta bienveillan-
ce à ces munis dont l'âme est purifiée, daigne, en ma présence, leur
exposer ici la science divine.
41. « En effet, toi tu connais ton propre âtman (ton soi, ta vérita-
ble essence), et il n'y a personne autre que toi qui le connaisse, ô
Siva! Parle. Explique à ces rois des munis l'âtman (le soi, la vérita-
ble essence des êtres) par l'âtman (par toi-même). »
SOMMAIRE
Continuant son récit, Vyâsa rapporte aux munis de la forêt Naimisa l'en-
tretien qui eut Heu autrefois entre les ascètes réunis dans l'ermitage de
Badarikâ et le dieu suprême, Siva. Les paroles du Seigneur (ïsvara) con-
stituent l'ïsvaragïtâ.
Le Seigneur commence par déclarer que la science suprême qu'il va
exposer, est une science secrète, que les dieux eux-mêmes ne connaissent
pas. Ensuite il explique ce que c'est que l'âtman suprême. Cet âtman est
absolu, transparent, pur, subtil, étemel. Etant pure intelligence, il pénètre
tout; et par conséquent, il est non seulement l'Esprit (purusa), le Seigneur,
le Veda (c'est-à-dire: le brahman, l'être divin, l'essence divine des choses),
mais aussi le souffle vital (prâna) et le Temps dans le monde des phéno-
mènes. Enchaîné par sa mâyâ, par sa propre puissance magique, il crée les
différentes apparences; mais lui, il ne change pas, car, en réalité, il n'est
pas le monde des phénomènes. En réalité, il n'est ni le souffle vital (prâna),
ni le principe matériel irrévélé, ni l'entendement (manas) ; il n'est ni les
grands éléments (mahâbhûtâni), ni les éléments subtils (tanmâtrâni) ; il
n'est ni les organes de la sensation (jnânendriyâni), ni les organes de l'ac-
tion (karmendriyâni); il n'est ni le sujet de la sensation (bhoktâ), ni le
sujet de l'action (kartâ). Il n'est pas la mâyâ (l'illusion universelle, la
force magique qui produit l'illusion universelle) ; il n'est pas la prakrti et
le purusa, c'est-à-dire l'Esprit uni à la Nature primordiale, car il est l'Es-
prit absolu. En réalité, l'âtman seul existe. La conjonction de l'âtman su-
prême et du monde phénoménal est une illusion. En réalité, l'Esprit (pu-
rusa, âtman) et le monde des phénomènes sont séparés. Et en effet, si l'Es-
prit était réellement uni au monde des phénomènes, il serait, comme lui,
soumis au changement, éternellement. Or l'âtman (l'Esprit, le purusa) est
immuable. Il a la joie pour essence, et il est impérissable.
Si l'on pense que l'âtman agit et qu'il change, ce n'est
pas parce que
l'âtman agit et change réellement, c'est à cause de la qualité d'agent
que
possède l'ahamkâra (le principe d'individuation). Or l'ahamkâra appartient
CHAPITRE II 29
II
dvitïyo 'dhyàyah.
îsvara uvàca :
1. avàcyam etad vijnânam, marna guhyam sanâtanam,
yan na devâ vijànanti yatanto 'pi, dvijàtayah.
II
Le Seigneur dit:
dvijottamâh;
9. na pânipâdau, no pâyur, na copastham,
na ca kartà, na bhoktà va, na ca prakrtipûrusau,
paramàrthatah.
na mâyâ, naiva ca prànâ, na caiva
13. « Les munis qui sont affranchis, voient leur âtman conformé-
ment à la réalité : exempt de changement (immuable), indifférent aux
sensations opposées deux à deux (telles que le froid et le chaud),
ayant la joie comme essence, impérissable.
14. «L'opinion qui consiste à croire: «Je suis l'agent de l'action
(c'est moi qui agis), je suis heureux, je suis malheureux, je suis
petit, je suis grand », est une opinion que les hommes établissent
dans l'âtman à cause de la qualité d'agent que possède l'ahamkâra
(le principe d'individuation).
niranjanah,
19. tenâyam samgatah, svâtmâ, kûtastho 'pi,
svàtmànam aksaram brahma nâvabudhyeta tattvatah.
24. «De même que le ciel n'est pas souillé par le contact de la
fumée, de même l'âtman n'est pas souillé par les sentiments qui
naissent dans l'antahkarana (dans l'organe interne ou appareil
psychique).
25. «De même qu'un morceau de cristal, isolé, brille de son
propre éclat, ,de même l'âtman, quand il n'est pas affecté par les
upàdhis (c'est-à-dire par les éléments de l'appareil psychique qui le
défigurent), brille immaculé.
26. « Les sages disent que la vraie
nature de ce monde est connais-
sance; d'autres considèrent que sa vraie nature est objet; les autres
ont une opinion fausse.
27. « L'àtman-conseience qui, par sa nature propre, est immuable,
sans qualités (indéterminé) (en dehors du domaine des gunas ou fac-
teurs qualitatifs) et pénétrant tout, apparaît en effet comme objet
aux hommes qui le considèrent comme pure connaissance.
28. «Il en est
de l'Esprit suprême comme d'un morceau de cris-
tal, qui paraît complètement (uniquement) rouge lorsqu'on place
à côté de lui une graine de raktikâ ou quelque autre objet rouge.
29. « C'est pourquoi ceux qui désirentla délivrance, doivent con-
sidérer (et révérer) l'âtman, le penser, l'entendre (le percevoir)
comme étant inaltérable, pur, éternel, pénétrant partout, impéris-
sable.
30. « Lorsque, dans le coeur du yogin qui a la foi, la conscience
(l'intelligence) (l'âtman) brille partout et continuellement, alors
il devient lui-même.
31. «Lorsqu'il voit tous les êtres dans son âtman et l'âtman dans
tous les êtres, alors il devient le brahman (l'essence divine).
32. « Lorsque, plongé dans le samâdhi (la contemplation extati-
que), il ne voit plus tous les êtres (il ne voit plus la multiplicité
des êtres), alors, uni à l'Être suprême (devenu un avec l'Être su-
prême) il devient l'absolu.
,
33. « Lorsqu'il est délivré de tous les désirs qui se trouvaient dans
son coeur, alors, devenu immortel, le sage atteint le Repos.
40 L'ÏSVARAGÏTA
37. «De même qu'en ce monde, les rivières et les fleuves s'unis-
sent à l'océan, de même cet àtman (l'âtman du yogrn qui a la foi)
s'unit à l'Être inaltérable, indivisible.
42. « Ce que les yogins atteignent, les sâmkhyas (ceux qui sont
versés dans la doctrine sàmkbya, dans la doctrine de la connais-
sance), l'atteignent également.
« Celui qui considère le sâmkhya et le yoga comme étant une seule
et même chose, celui-là connaît la vérité.
43. « Il y a d'autres yogins, des brahmanes, qui, attachant leur
pensée à l'acquisition de pouvoirs surhumains, succombent toujours,
et d'autres qui sont faibles d'esprit.
44. « Mais celui qui pratique le yoga appliqué à la connaissance
(de l'Être suprême), obtiendra, après la mort, le grand pouvoir divin,
immaculé, qui comprend toutes les pensées (qui réalise tous les
voeux).
SOMMAIRE
ment ni fin. L'Esprit, qui est de la même essence que l'Être suprême, la
matière, qui est d'essence différente, et le Temps sont tous trois infinis.
La prakrti (la Nature primordiale) (c'est-à-dire le pradhàna, le principe
matériel, considéré comme puissance créatrice) crée tout le monde phéno-
ménal: 1. le mahat, c'est-à-dire la buddhi (l'intellect); 2. r_ahamkâra (le
principe d'individuation) ; 3. le manas (l'entendement ou sens interne) ;
4. les cinq organes de la sensation et les cinq organes de l'action; 5. les
cinq éléments subtils (tanmâtrâni ou sûksmabhûtâni) et les cinq grands
éléments (mahâbhûtâni). Ainsi la prakrti, avec ses manifestations, forme
un groupe de vingt-quatre principes. Le purusa,, lorsqu'il a pu se libérer
de l'ahamkâra ou principe d'individuation (qui est un des produits de la
prakrti) est appelé le vingt-cinquième principe.
Le mahat (la buddhi, l'intellect) est le premier produit de la prakrti.
L'ahamkâra naît du mahat lorsque celui-ci prend conscience de sa faculté
de connaître; c'est-à-dire que le principe d'individuation, qui fait que l'on
pense : « Je suis », apparaît lorsque l'intellect prend conscience de sa
pensée (Cogito, ergo suni). Le mahat (l'intellect) est à la fois cosmique et
psychique. Le mahat est unique, puisque la multiplicité des âmes n'apparaît
qu'avec l'ahamkâra (le principe d'individuation) par lequel les âmes acquiè-
rent chacune son individualité. Mais le mahat est appelé ahamkâra (prin-
cipe d'individuation), jïva (âme individuelle) et antarâtman (âme inté-
rieure), lorsque, par l'ahamkâra, la multiplicité des âmes a été créée. C'est
par le mahat (l'intellect), — qui est appelé ahamkâra ou jïva dans les
êtres individuels, qui a pour essence la connaissance, et dont le manas (le
sens interne ou entendement) est l'auxiliaire, — que l'on sent le plaisir et
la peine. C'est du mahat que procède le samsara du purusa (la suite des
transmigrations de l'Esprit dans le temps). C'est à cause de lui que le
purusa ne se distingue pas du Temps, s'identifie au Temps. L'Esprit suprê-
me (purusottama), identifié au Temps éternel, est appelé le sublime souffle
vital (bhagavàn prânah). Il pénètre tout l'univers et le maintient.
Le Seigneur (Siva) montre ensuite quelle est la situation relative des dif-
férents principes. Au-dessus des organes de la sensation et de l'action, il
y a le manas (le sens interne ou entendement). Au-dessus du manas, il y a
l'ahamkâra (le principe d'individuation). Au-dessus de l'ahanikâra, il
y a
le mahat, c'est-à-dire la buddhi (l'intellect), principe à la fois psychique
et
cosmique. Au-dessus du mahat, il y a l'avyakta, c'est-à-dire le principe
matériel non-manifesté; c'est le pradhàna, c'est la prakrti (la Nature pri-
mordiale). Au-dessus de la prakrti, ilyale
purusa (l'Esprit), qui contem-
ple la prakrti et s'unit à elle. Au-dessus du
purusa, il y a le sublime souffle
vital (bhagavàn prânah). Ce terme désigne
un aspect supérieur du purusa,
CHAPITRE III 49
III
trtïyo 'dhyâyah.
ïsvara uvâca :
1. avyaktàd abhavat kàlah, pradhànam, purusah parah;
tebhyah sarvam idam jâtam; tasmâd brahmamayam jagat.
2. sarvatahpânipâdàntam, sarvato-'ksisiromukham,
sarvatahsrutimal loke, sarvam àvrtya, tisthati,
3. sarvendriyagunâbhàsam, sarvendriyavivarjitam,
sarvâdhàram, sadànandam, avyaktam, dvaitavarjitam,
4. sarvopamânarahitam, pramànâtïtagoearam,
nirvikalpam, niràbhàsam, sarvàvàsam, parâmrtam.
III
Le Seigneur dit:
15. « Etant de la même nature que lui (de la même nature que le
grand âtman, de la même nature que le mahat), c'est de lui (du
grand âtman, du mahat) que procède le samsara (la suite des trans-
migrations) du purusa (de l'Esprit), et également, par suite de
son attachement à la prakrti (à la Nature primordiale) sa non-dis-
tinction d'avec le Temps (le fait que le purusa ne se distingue pas
du Temps) ; ainsi il est devenu le Temps.
16. « Le Temps crée les êtres, le Temps détruit les créatures ;
tous les êtres sont soumis au Temps; le Temps n'est dans la dépen-
dance de personne.
17. « Pénétrant tout cet univers, il le maintient, lui qui est éter-
nel; il est appelé le sublime souffle vital, lui le purusa suprême
(l'Esprit suprême), qui connaît tout.
18. « Les sages disent que le manas (l'entendement ou sens interne)
est supérieur à tous les sens, et que l'ahamkâra (le principe d'indi-
viduation) est supérieur au manas. Le mahat (l'intellect) est supé-
rieur à l'ahamkâra.
19. « L'avyakta (leprincipe matériel non-manifesté) est supérieur
au mahat. Le purusa (l'Esprit) est supérieur à l'avyakta. Le su-
blime prâna (le sublime souffle vital) est supérieur au purusa; ce
monde entier lui appartient.
20. «Le Ciel (vyoman) est supérieur au prâna. Le feu qui est
au delà du Ciel, est le Seigneur. C'est moi, le brahman, moi, qui
suis impérissable et impassible; c'est ce monde au delà de la màyà
(ce monde délivré de la màyà).
SOMMAIRE
cipline ascétique appelée yoga), il supprime la mâyâ. C'est lui qui met
en mouvement et qui arrête toutes les énergies divines (sakfis). L'une de
ces énergies divines est le dieu Brahmâ, qui crée l'univers; une autre est
Visnu, qui le maintient; une autre est Rudra, qui le détruit.
Tout cet univers a été déployé par le Seigneur. Considéré dans sa pureté
absolue, le Seigneur, il est vrai, n'est point le propulseur de l'univers.
Mais, quand il est parvenu au yoga suprême, quand il est plongé dans la
méditation qui produit l'extase et les pouvoirs surnaturels, c'est-à-dire les
énergies divines, le Seigneur est enchaîné par l'une de ses énergies divines,
par la mâyâ, la force magique ,qui crée l'illusion, et par elle il met en
mouvement tout l'univers.
Le Seigneur, qui est pur esprit, pure pensée, voit l'univers en mouve-
ment, mais il n'agit pas. Le principe qui agit, c'est Kâla (le Temps) (qui,
selon ce qui a été dit dans le chapitre précédent, est né de l'union du pu-
rusa et de la prakrti, c'est-à-dire de l'union de l'Esprit et de la Nature
primordiale). Principe agissant, supérieur à tous les autres principes, le
Temps est appelé le bienheureux Brahmâ; c'est Brahmâ, le dieu créateur.
Etant à la tête du monde des phénomènes qu'il crée, il est appelé le grand
Seigneur du yoga (mahâyogesvara). Mais le Seigneur suprême, Siva, est
le Seigneur du grand Seigneur du yoga, le maître du Temps, le maître de
Brahmâ, car c'est lui, Siva, qui, pratiquant le yoga (la discipline ascétique)
et ayant atteint l'extase, possède la mâyâ, la force magique qui produit
l'illusion; et c'est pourquoi les sages l'appellent le yogin, le magicien qui
possède la mâyâ. C'est en tant que yogin, c'est en tant que dieu pratiquant
le yoga et possédant la mâyâ, que Siva, dans sa joie suprême, danse
sans cesse et met en mouvement l'univers. C'est là le mystère de la danse
de Siva. Celui qui sait cela, sait véritablement ce que c'est que le yoga.
58 L'ÏSVARAGÏTÂ
caturtho 'dhyâyah.
ïsvara uvâca:
1. vaksye; samàhitâ yûyam srnudhvam, brahmâvâdinah,
màhàtmyam devadevasya, yena sarvam pravartate.
IV
Le Seigneur dit:
1. « Je vais parler. Soyez attentifs, et apprenez à connaître, ô
vous qui êtes versés dans les textes sacrés, la grandeur du dieu des
dieux, par qui l'univers existe.
2. « Sans la suprême dévotion (le suprême amour), ce n'est ni
par toutes sortes d'exercices ascétiques, ni par des libéralités, ni par
des sacrifices, que les âmes peuvent arriver à me connaître.
3. « Je suis dans tous les êtres,
partout. Je suis le témoin de tout,
et pourtant le monde ne me connaît pas, ô maîtres des munis.
4. « Moi, en qui se trouve plongé tout cet univers, moi, qui suis
la fin de tout, l'Être suprême, je suis le créateur et l'ordonnateur
du monde, le Temps, le Peu, qui tourne à la fois son visage vers
tous les points de l'horizon.
5. «Ni les munis, ni les pères (les ancêtres défunts), ni les ha-
bitants des cieux, ni Brahmâ, ni les Manus (créateurs des races hu-
maines), ni Indra, ni les autres dieux puissants, ne me voient.
6. « C'est moi que les Vedas appellent toujours l'Unique, le Sei-
gneur suprême; c'est à moi que les brahmanes offrent toutes sortes
de sacrifices et d'oblations selon les prescriptions du Veda.
7. «L'univers ne voit pas le Seigneur, le dieu, le maître souve-
rain des êtres; Brahmâ, père des mondes, ne le voit pas. Les yogins
le recherchent dans leurs méditations.
8. « C'est moi qui jouis de toutes les oblations, et qui accorde les
récompenses qui en sont le fruit, puisque je suis le corps de tous
les dieux, moi qui suis l'âtman universel, omniprésent.
« Ceux qui me voient en ce monde, ce sont ceux qui savent, les
hommes pieux, versés dans les textes sacrés.
60 L'ÏSVARAGÏTÂ
29. «Moi, je suis celui qui, dans les textes (dans les traités), est
appelé par les sages le yogin, le magicien qui possède la màyà (la
force magique qui produit l'illusion). Lui, le bienheureux, il est
appelé le Seigneur du yoga, le grand Seigneur du yoga, lui-même.
30. « Le titre de grand appartient à ce dieu souverain à cause
de sa supériorité sur tous les êtres. Immaculé, formé du grand bra-
man (de l'essence divine), il est appelé le bienheureux Brahmâ.
31. « Celui qui ainsi me connaît comme étant le Seigneur du grand
Seigneur du yoga, possède le yoga, qui est exempt de toute hésitation
(de toute erreur). Il n'y a point de doute à cet égard.
32. «Ainsi, moi, le dieu qui met en mouvement l'univers, moi
qui possède la suprême joie (dans ma joie suprême), je danse sans
cesse, moi le yogin (pratiquant le yoga). Celui qui sait cela, sait ce
que c'est que le yoga (la discipline ascétique).
33. « Telle est cette science très secrète, dont la certitude est
établie dans tous les Vedas, science qui doit être enseignée (seule-
ment) à l'homme pieux qui entretient sur l'autel les feux sacrés et
dont le coeur est pur (ou dont l'intelligence est claire).»
CHAPITRE V
SOMMAIRE
Continuant son récit, Vyâsa raconte que, lorsque Siva eut parlé ainsi
aux saints ascètes, il se mit à danser devant eux, dans le ciel. En un lan-
gage lyrique, où les expressions abstraites du philosophe se mêlent aux
vives images du poète, il décrit la danse de Siva.
Siva qui danse, c'est l'Être suprême déployant ses énergies divines;
c'est l'Être suprême, conçu comme dieu personnel, pratiquant le yoga (la
discipline ascétique et la concentration de la pensée), s'unissant à la mâyâ
(à la force d'illusion) que crée son yoga, et produisant ainsi le monde des
phénomènes; c'est le grand magicien qui s'enveloppe de l'illusion uni-
verselle créée par sa magie ; c'est l'Être suprême conçu comme créant, main-
tenant, et détruisant l'univers. Il est Brahmâ, qui crée le monde; il est
Visnu, qui le maintient; il est Rudra, qui le détruit. Ses énergies et ses
formes sont innombrables. Il est le Seigneur de la Vie. Il est le purusa
(l'Esprit), qui pénètre tout, et il est la prakrti (la Nature primordiale)
et toutes ses manifestations. Il pénètre tout l'univers, et il est tout l'univers.
Mais les sages savent qu'en réalité, dans sa pureté, l'Être suprême est
l'être unique, qui n'a qu'une forme unique; ils savent qu'il est pure pensée,
qu'il est le brahman (l'essence divine, l'être en soi), l'être en qui l'univers
trouve son repos. Ils savent qu'il est le remède de ceux qui sont malades
de la maladie de l'existence, qu'il est le séjour de la connaissance et de
l'impassibilité.
Tandis que les saints ascètes contemplent Siva qui danse dans le ciel,
tout à coup, ils voient Visnu s'unir à lui. Ce prodige leur montre que Siva
et Vi?nu s°nt identiques. Emerveillés, ils prononcent la sainte syllabe
« om », chantent les louanges du suprême Seigneur et implorent sa bien-
veillance. Siva, charmé, abandonne l'aspect formidable qu'il avait pris,
et apparaît tel qu'il était auparavant. Alors, les saints ascètes demandent
à Siva de continuer à les instruire, de leur parler encore de l'éternelle
essence et de la grandeur de l'Être suprême; et Siva reprend la parole.
68 L'ÏSVARAGÏTÂ
V
pancamo 'dhyâyah.
vyâsa uvâca :
1. etàvad uktvà bhagavàn yoginàm paramesvarah,
nanarta, paramam bhàvam aisvaram sampradarsayan.
Vyàsa dit:
1. « Quand le Bienheureux, le suprême Seigneur, eut parlé ainsi
aux yogins, il se mit à danser, déployant devant eux son suprême
aspect divin.
2. « Us virent, avec Visnu (à côté de lui), dans le ciel immaculé,
le souverain Maître, suprême trésor de splendeurs, Mahâdeva (Siva),
qui dansait.
3. « C'est lui que connaissent les yogins qui savent quelle est la
véritable essence du yoga (de la discipline ascétique), et dont le
coeur est dompté. C'est lui, le Maître de tous les êtres, qu'ils virent
danser dans le ciel.
4. « De leurs propres yeux, ces brahmanes virent danser le dieu
à qui appartient l'univers entier créé par sa mâyâ, le dieu qui sou-
tient ce monde, le Maître souverain de tout.
5. « Ils virent danser le Maître souverain des créatures, le dieu
grâce à qui, rien qu'à la pensée de ses pieds de lotus, l'âme échappe
à l'angoisse née de l'ignorance.
6. « Quelques uns, pleins de dévotion, le coeur apaisé, maîtres de
leur respiration pendant le sommeil, voient un être fait de lumière.
C'est le yogin (Siva) qui leur apparaît.
7. « Lui qui, plein de tendresse pour ses dévots, plein de bien-
veillance envers eux, peut les délivrer rapidement de l'ignorance,
— c'est lui, le libérateur (la délivrance), Rudra (Siva),
l'Être su-
prême, qu'ils virent ainsi dans le ciel.
8. « Us le virent qui avait mille têtes, mille pieds, mille formes,
mille bras; lui, le dieu qui porte les tresses de l'ascète, le dieu dont
le diadème est le croissant de la lune.
70 L'ÏSVARAGÏTÂ
jagat,
11. srjantam analajvàlam, dahantam akhilam
nrtyantam dadrsur devam visvakarmânam ïsvaram;
12. mahàdevam mahâyogam, devânâm api daivatam,
pasûnàm patim ïsànam, jyotisàm jyotir avyayam;
14. «lui, le dieu aux grands yeux, qui est l'époux d'Umà (Pâr-
vatï) ; lui, l'Être suprême, qui est rempli de la joie du yoga; lui
qui est le séjour de la connaissance et de l'impassibilité ; lui qui pra-
tique le yoga appliqué à la connaissance; lui, l'éternel;
15. «lui à qui appartiennent l'éternité, la souveraineté divine et
la puissance; lui qui est le soutien de la Loi; lui qu'il est difficile
d'approcher; lui qui est honoré par le grand Indra et par Upendra
(Visnu) ; lui qui est adoré par les grands rsis (les prophètes, les
voyants) ;
16. « lui qui demeure dans le coeur des yogins ; lui qui est en-
veloppé de la mâyâ (de l'illusion universelle) que crée son yoga
(sa discipline ascétique, la concentration de sa pensée).
« Tout à coup, les munis versés dans les textes sacrés virent Nâ-
ràyana (Visnu), le dieu prospère, la matrice du monde, s'unir (et
s'identifier) au Seigneur (Siva).
72 L'ÏSVARAGÏTÂ
munayo ûcuh:
21. tvâm ekam ïsam, purusam purânam,
prànesvaram, rudram anantayogam,
namâma sarve, hrdi samniAdstam,
praeetasam, brahmamayam, pavitram.
25. « C 'est de toi que sont nés tous les Vedas. C 'est en toi que
finalement ils s'unissent. Nous te voyons qui, devenu la cause du
monde, danses, toi qui as pénétré dans notre coeur.
26. « C'est par toi qu'est mise en mouvement cette roue de Brah-
mâ (la roue de l'univers) (la roue des transmigrations). Tu es le
magicien (le maître de la mâyâ), tu es l'unique protecteur des mondes.
Implorant ta protection, nous te rendons hommage, à toi qui es
l'essence du yoga, à toi qui danses la danse divine.
27. «Nous te voyons danser au milieu du ciel suprême, (et) nous
pensons à ta grandeur, — percevant de mieux en mieux l'âtman
universel qui pénètre (le monde) de toutes parts, et la joie de l'ab-
sorption dans le brahman (la joie en brahman).
28. « La sainte syllabe « om », germe de la déliAvance, est ton
symbole. Tu es, dans la prakrti (dans la Nature primordiale), l'in-
altérable à l'aspect mystérieux (l'inaltérable que symbolise la sainte
syllable «om »). Les vrais sages ici-bas disent que tu es la réalité
(la vérité), qui brille de son propre éclat, et que (tout) ce qui pos-
sède sa splendeur (tout ce qui participe de sa splendeur ou de sa
force), t'appartient.
29. « Tous les Vedas chantent sans cesse tes louanges ; les rsis
sans péchés s'inclinent devant toi. Absorbés dans la contemplation
du brahman, les ascètes dont l'âme est apaisée, entrent en toi, en toi
qui tiens ta promesse, en toi, l'être le plus excellent.
30. « Etant la destruction du monde, étant sans commencement,
ayant toutes les formes, tu es Brahmâ, tu es Visnu, tu es l'Être su-
prême (Siva), l'être le plus excellent. Percevant la joie de leur
âtman (qui est ton àtman), les ascètes inébranlables (en entrant en
toi) entrent dans la lumière qui brille par elle-même, (et sont) dé-
livrés à jamais.
76 L'ÏSVARAGÏTÂ
31. « Etant l'unique Rudra (êiva), c'est toi qui crées cet univers.
C'est toi qui protèges l'univers avec toutes ses formes. C'est en toi
que cet univers, finalement, trouve le repos. Implorant ta protection,
nous te rendons hommage.
32. « C 'est toi que le Veda unique, aux multiples branches (aux
multiples écoles), le Veda infini, fait connaître comme étant l'être
unique qui n'a (en réalité) qu'une forme unique. Les pieux brah-
manes qui cherchent un refuge auprès de toi, le dieu qu'il faut
adorer, triomphent (même) ici-bas de la màyà (de l'illusion univer-
selle)
.
36. «Les sages disent que tues l'unique Esprit antique, toi qui
as la couleur du soleil et domines les ténèbres. L'Être irrévélé est
pure pensée, il a des formes innombrables, il est le ciel (l'éther), le
brahman (l'essence divine), le vide (l'espace), la prakrti (la Nature
primordiale) et les gunas (les trois constituants ou facteurs qualita-
tifs de la prakrti: Sattva, Rajas et Tamas).
37. « Cette formé en qui resplendit tout cet univers, cette forme
unique, impérissable, immaculée, inconcevable en quelque sorte, c'est
ta forme à toi; (et) ce qui se manifeste en elle, c'est toi!
78 L'ÏSVARAGÏTÂ
/
CHAPITRE VI
SOMMAIRE
l'univers, est identifié au Temps infini; et c'est de par sa volonté que toutes
les divisions du temps ont été établies.
C'est de par la volonté du Seigneur qu'existent tous les êtres: les dieux,
les hommes, les animaux et les plantes; les êtres immobiles et les êtres qui
se meuvent. C'est de par sa volonté qu'existent le ciel, l'atmosphère, la
terre, et les enfers. C'est de par sa volonté qu'ont été mis en mouvement les
innombrables univers passés qui sont nés, ont vécu et ont été détruits;
et c'est de par sa volonté que naîtront, vivront et périront les innombrables
univers à venir.
C'est de par sa volonté que la mâyâ (l'illusion universelle), origine de tous
les mondes, se déploie éternellement. Mais c'est aussi de par sa volonté
que l'âtman (le soi), qui est l'Être suprême lui-même, existe éternellement
dans tous les êtres; et c'est de par sa volonté que la buddhi (l'intellect)
exerce sa fonction et permet à l'âtman, tel qu'il apparaît comme âme in-
dividuelle dans les êtres, de se débarrasser des liens de l'illusion, pour
atteindre le séjour suprême, c'est-à-dire l'Être suprême dans sa pureté,
l'absolu.
82 L'ÏSVARAGÏTÂ
VI
sastho 'dhyâyah.
ïsvara uvàca:
1. srnudhvam, rsayah sarve; yathàvat paramesthinah
vaksyàmïsasya màhàtmyam, yat tad vedavido viduh.
2. sarvalokaikanirmàtâ, sarvalokaikaraksità,
sarvalokaikasamhartà, sarvâtmâham, sanàtanah ;
8. âdimadhyântanirmùkto màyàtattvapravartakah;
ksobhayàmi ca sargàdau pradhànapurusàv ubhau.
CHAPITRE VI 83
VI
Le Seigneur dit:
1. «Ecoutez tous, ôrsis; je vais vous exposer, comme il convient,
la grandeur du Seigneur suprême, telle que la connaissent ceux qui
connaissent le Veda.
2. «Je suis l'unique créateur de tout l'univers, l'unique protec-
teur de tout l'univers, l'unique destructeur de tout l'univers; je
suis Uàtman universel, éternel ;
3. «je suis le suprême Seigneur qui, du dedans (de l'intérieur),
gouverne tous les êtres; et (cependant) c'est l'univers qui est au
milieu, à l'intérieur (c'est l'univers qui est en moi) ; ce n'est pas
moi qui suis dans l'univers. "
4. « Vous aArezvu un prodige et ce qu'est ma forme. Telle est
en effet mon image, ô brahmanes. Je vous ai montré ma màyà (ma
force magique qui produit les apparences).
5.«Etabli au coeur (à l'intérieur) de tous les êtres, je mets en
mouvement tout l'univers. Telle est mon énergie active (mon énergie
en action).
6. C'est à cause de moi que cet univers se meut. Il obéit à ma
pensée (il dépend de mon état d'âme). Etant le Temps, c'est moi
qui mets en mouvement tout l'univers, composé d'instants.
7. « Par une partie (de mon être), je crée tout l'univers, ô excel-
lents brahmanes; par une de mes formes (par un de mes aspects),
je le détruis; cependant, ma stabilité est immuable.
8. « N'ayant ni commencement, ni milieu, ni fin, je mets en mou-
vement la màyà (la force qui crée l'illusion) et le tattva (la réalité) ;
et j'éveille (j'excite), au début de la création, le principe matériel
(pradhàna = prakrti) et l'Esprit (purusa).
84 L'ÏSVARAGÏTÂ
19. «Le dieu qui habite dans les êtres vivants et qui, à l'exté-
rieur, est le dieu destructeur (le Vent), ce dieu soutient et nourrit
les corps des êtres vivants par mon ordre.
20. « Et le dieu qui fait vivre les hommes, et qui donne aux dieux
l'immortalité, le dieu Soma, lui aussi est poussé à l'action par mon
ordre.
21. « Le dieu qui, de sa lumière, illumine l'univers de toutes parts,
Sûrya (le Soleil) répand la pluie à cause du rayon de lumière (qu'il
reçoit) de l'Être qui existe par lui-même.
22. « Et le dieu qui règne sur le monde entier, Indra, le seigneur
de tous les immortels, le dieu qui donne à ceux qui sacrifient la
récompense de leurs sacrifices, lui aussi agit par mon ordre.
23. « Le dieu qui châtie les méchants, le dieu Yama, fils de Vi-
vasvat, agit ainsi nécessairement par l'ordre du dieu des dieux.
24. « Et le dieu qui garde toutes les richesses, et qui donne les
richesses, Kubera, lui aussi agit éternellement par l'ordre du Sei-
gneur.
25. « Le dieu qui règne sur tous les démons, et qui donne aux mé-
chants la punition qu'ils méritent, le dieu Perdition agit éternelle-
ment de par ma volonté.
26. «Le maître des vampires, des ganas (des demi-dieux appelés
ganas) et des revenants, le dieu qui donne aux âmes le fruit de la
jouissance des plaisirs du monde, le Seigneur de ceux qui lui sont
attachés, lui aussi existe de par ma volonté.
27. « Vâmadeva, le disciple d'Angiras, le chef de la troupe des
Rudras, le protecteur des yogins, agit éternellement par mon ordre.
28. « Et le dieu que doit adorer le monde entier, le dieu Ganesa,
qui écarte les obstacles, le dieu qui aime la vertu, lui aussi agit
par mon ordre.
29. « Et le meilleur de ceux qui connaissent le brahman, le chef
puissant de l'armée des dieux, Skanda, lui aussi est perpétuellement
poussé à l'action par l'ordre de l'Être qui existe par lui-même.
88 L'ÏSVARAGÏTÂ
33. « Et la Savitri (la divine prière : R. V. III, 62, 10), qui sauvera
tous les hommes du terrible enfer, elle aussi agit conformément à
mes ordres.
38. « Les Âdityas, les Vasus, les Rudras, les Maruts et les Asvins,
ainsi que toutes les autres divinités, ont été créés par son comman-
dement.
39. « Les Gandharvas, les oiseaux, qui ont à leur tête Garuda
(l'oiseau merveilleux qui sert de monture à Visnu), les Siddhas, les
Sàdhyas, les Càranas (chanteurs célestes), les Yaksas, les Raksas
et les Pisâcas ont été créés par l'Être qui existe par lui-même.
90 L'ÏSVARAGÏTÂ
46. bhûmir, âpo, 'nalo, vàyuh, kham, mano, buddhir eva ca,
bhûtâdir, àdiprakrtir, niyoge marna vartate.
SOMMAIRE
VII
saptamo 'dhyàyah.
isvara uvâca:
1. srnudhvam, rsayah sarve, prabhâvam paramesthinah,
yam jnâtvà puruso mukto na samsàre patet punah.
VII
Le Seigneur dit:
6. « Parmi les rsis, je suis Vasistha. Parmi les devas (les dieux
lumineux), je suis Satakratu (Indra). Parmi les artisans, je suis Vis-
vakarman (l'artisan de l'univers). Parmi les Asuras (les démons en-
nemis des dieux lumineux), je suis Prahlâda (le chef des Asuras).
98 L'ÏSVARAGÏTÂ
7. « Parmi les munis, je suis Vyàsa. Parmi les Ganas (les dieux
inférieurs appelés Ganas), je suis Vinâyaka (Ganesa). Parmi les
héros, je suis Vïrabhadra. Parmi les Siddhas (les demi-dieux qui pos-
sèdent des pouvoirs surnaturels), je suis le sage Kapila.
12. « Parmi les rois des animaux, je suis le lion. Parmi les engins
(les armes), je suis l'arc. Parmi les Vedas, je suis le Sàmaveda (le
Veda des mélodies sacrées). Parmi les yajus (les formules rituelles),
je suis le Satarudriya (la litanie adressée à Rudra-éiva aux cent
différents aspects: V. S. XVI, 1-66).
14. «Parmi ceux qui connaissent tous les Vedas, je suis Manu
Svàyambhuva. Parmi les pays, je suis le Brahmàvarta (la terre
sainte située entre la Sarasvatï et la Drsadvatï). Parmi les lieux
saints, je suis Avimukta (célèbre lieu de pèlerinage situé près de
Bénarès).
16. «Parmi les pièges (les lacets), je suis la màyà (l'illusion uni-
verselle). Parmi les forces qui poussent (qui pressent, qui contrai-
gnent), je suis le Temps (qui inexorablement pousse les êtres vivants
vers la mort). Parmi les états que l'on peut atteindre au cours des
transmigrations, je suis la délivrance. Parmi les êtres suprêmes, je
suis le suprême Seigneur.
19. «Par jeu, j'enlaceces bêtes (je les tiens captives) au moyen
du lacet de la màyà (de l'illusion universelle). Ceux qui sont versés
dans les Vedas m'appellent le libérateur des bêtes du troupeau (le
libérateur des âmes).
20. « Pour les âmes qui sont retenues captives par le lacet de la
mâyâ, il n'y a point d'autre libérateur que moi, l'âtman suprême,
l'immortel souverain des êtres.
102 L'ÏSVARAGÏTÂ
24. sabdah, sparsas ca, rupam ca, raso, gandhas tathaiva ca.
trayovimsatir etàni tattvàni pràkrtâni ca.
SOMMAIRE
VIII
astamo 'dhyâyah.
îsvara uvâca:
1. anyad guhyatamam jnânam A'aksye, bràhmanapungavâh,
yenâsau tarate jantur ghoram samsârasâgaram.
VIII
Le Seigneur dit:
I
11. samam pasyan hi sarvatra samavasthitam ïsvaram,
na hinasty âtmanâtmànam; tato yâti parâm gatim.
10. « Celui qui voit que le suprême Seigneur demeure égal et sem-
blable dans tous les êtres, impérissable dans les êtres qui périssent,
celui-là voit véritablement.
12. « Quand il connaît les sept principes subtils ainsi que les six
membres du Seigneur ; quand il sait quel est le rôle assigné au prin-
cipe matériel (quand il connaît la distinction qu'il faut faire entre
le principe matériel et l'Esprit, quand il sait que le principe maté-
riel est séparé de l'Esprit), il atteint le suprême brahman (la su-
prême essence divine).
SOMMAIRE
Le Seigneur explique aux ascètes comment il se fait que, bien qu'il soit
en réalité indivisible et inaetif, il a l'aspect de l'univers divisé
à l'infini et
continuellement en mouvement.
Le Seigneur n'est point l'univers, mais l'univers ne peut exister sans lui.
Rien n'existe réellement excepté lui. Que l'on considère le Seigneur dans
sa pureté parfaite, c'est-à-dire dans son unité fondamentale, ou qu'on le
considère dans ses manifestations multiples, il faut proclamer qu'il est le
brahman, qu'il est l'âtman, qu'il est l'absolu.
Quelle est donc la cause de l'univers? Ce ne sont pas les énergies divines
non-manifestées et immuables. On peut considérer que c'est la mâyâ (la
force qui crée l'illusion). Mais la mâyâ n'est que la cause efficiente du
monde des phénomènes. C'est l'avyakta (l'être non-manifesté) qui en est
la cause essentielle. La mâyâ est une des saktis, une des énergies divines
du Seigneur. Il y en a d'autres. Mais c'est uniquement la mâyâ qui sert
au déploiement de l'univers. C'est seulement quand la mâyâ agit comme
cause efficiente que le monde phénoménal naît de l'avyakta. C'est seulement
quand l'a\ryakta (qui en réalité est le Seigneur) est uni à la mâyâ, qu'il
produit la multiplicité et que le monde des phénomènes apparaît. Cependant
puisque rien d'autre n'existe en réalité que le Seigneur, il faut conclure que
le Seigneur est omniforme, que le Seigneur a l'aspect de l'univers.
Parmi les autres énergies divines du Seigneur, il en est une qui produit
dans l'Esprit la connaissance. C'est par la connaissance que l'Esprit s'élève
vers l'Être infini et obtient la délivrance. Quand le sage connaît l'avyakta
(l'être non-manifesté), la lumière impérissable en qui tout l'univers est
tissé, et qui est cet univers, et quand il connaît le grand purusa (le grand
Esprit), la lumière des lumières, qui est le brahman, il obtient la délivrance.
Percevant, en toute évidence, l'âtman suprême dans son propre âtman, il
CHAPITRE IX 115
IX
navamo 'dhyâyah.
rsaya ùcuh:
1. niskalo, nirmalo, nityo, niskriyah paramesvarah ;
tato vada, mahâdeva, visvarùpah katham bhavàn.
îsvara uvàca:
2. nàham visvo, na visvam ca mâm rte vidyate, dAdjàh.
mâyâ nimittamàtrâsti, sa eàtmani maya érità.
IX
Le Seigneur dit:
14. «Et moi, dont la demeure est l'univers, je suis cet être im-
pénétrable, dont le corps est invisible, qui possède la joie de l'absorp-
tion dans le brahman et qui est immortel. Ainsi disent les brahmanes
absorbés dans la contemplation du brahman, d'où l'on ne revient
plus lorsqu'on l'a atteint.
15. « Cet être qui, dans le ciel d'or dont l'éther suprême est l'es-
sence, apparaît comme une flamme, les sages, quand ils sont parve-
nus à la connaissance (parfaite), le voient resplendir, immaculé,
dans le ciel (ayant sa demeure dans le ciel).
16. «Alors les sages, percevant, en toute évidence, l'âtman (su-
prême) dans leur propre âtman, voient l'Être suprême. C'est le
Maître, le dieu suprême, supérieur, le bienheureux Seigneur, qui
possède la joie du brahman.
17. « C'est le dieu unique, qui se tient invisible (caché) dans tous
les êtres, le dieu qui pénètre tout l'univers, l'âtman intérieur (l'âme
intérieure) de tous les êtres. Les sages qui le considèrent comme le
dieu unique, obtiennent la paix éternelle, non pas les autres.
18. « C'est le Bienheureux, dont la tête et la nuque pénètrent
partout, le dieu qui gît caché dans le coeur de tous les êtres, le dieu
qui pénètre tout. Il n'y a rien d'autre que lui.
19. « Ainsi, ô excellents munis,je vous ai exposé cette science qui
fait connaître le Seigneur, science qu'il faut tout particulièrement
garder secrète et à laquelle même les yogins parviennent diffici-
lement.
CHAPITEE X
SOMMAIRE
X
dasamo 'dhyâyah.
ïsvara uvâca :
1. alingam, ekam, avyaktalingam brahmeti niscitam;
svayamjyotih, param tattvam, pûrvam, vyomni vyavasthitam.
Le Seigneur dit:
1. «Il est avéré que le brahman (l'essence divine) est sans linga
(sans marque caractéristique) (indéfinissable), qu'il est unique, qu'il
est le linga (la marque caractéristique) de l'avyakta (de l'être non-
manifesté). Lumière brillant par elle-même, principe suprême et
premier, il est établi dans le ciel.
7. « Ceux qui voient l'Etre suprême, l'objet suprême, non pas un,
mais multiple, parviennent au suprême point de vue (à la situation
suprême), quand ils ont compris l'unité, la réalité immuable.
10. « Ils jouissent de la joie suprême qui pénètre tout, qui est la
joie de l'univers. Etablis dans leur propre âtman, le coeur apaisé,
d'autres cependant jouissent (de la joie) de l'être qui est autre que
l'être manifesté (c'est-à-dire de la joie de l'être non-manifesté).
SOMMAIRE
Après avoir expliqué aux saints ascètes les doctrines métaphysiques qui
permettent au sage de comprendre l'âtman et le monde, le purusa et la
prakrti, l'origine et le déploiement de l'univers, l'Être suprême et ses
différents aspects, le Seigneur entreprend de leur exposer le yoga, c'est-à-
dire la discipline ascétique grâce à laquelle le sage peut voir l'âtman et
s'unir à l'Etre suprême.
Il y a deux sortes de yoga: le yoga abhâva et le înahâyoga. Par le yoga
abhâva, le yogin arrive à voir l'âtman dépourvu de toute fausse apparence.
Mais c'est par le mahàyoga qu'il obtient l'union avec le Seigneur.
Les différents éléments qui constituent le yoga sont: les yamas (les obser-
vances générales), les niyamas (les observances spéciales),_Tâsana (l'ensemble
des règles qui concernent la manière de s'asseoir pour méditer), le prânâ-
yâma (le contrôle de la respiration), le pratyâhâra (l'exercice qui consiste
à empêcher les sens de s'attacher aux objets extérieurs), la dhâranâ (la
concentration de la pensée), le dhyâna (la méditation), et le samâdhi (la
contemplation extatique).
Les cinq yamas sont: l'ahimsâ (la vertu qui consiste à ne faire aucun mal
aux êtres vivants), le satya (la sincérité), rasteya (la vertu qui consiste à
ne point voler), le brahmaearya (la chasteté) et l'aparigraha (la vertu qui
consiste à ne point accepter de richesses).
Les cinq niyamas sont: le tajDas (l'ascétisme), le |yâdhyâya (la récitation
des textes sacrés), le samtosa (la vertu qui consiste à se contenter de peu),
le sauça (la pureté) et l'îsvarapûjana (l'adoration du Seigneur).
Trois âsanas (trois positions assises) sont recommandées au yogin: le
padmâsana, le syastikâsana et l'ardhâsana.
Le prânâyâma (le contrôle de la respiration) est particulièrement impor-
tant. Il est appelé gagarbha. (fécond) et agarbha (stérile). Il semble que
le premier terme désigne le prânâyâma accompagné de la récitation men-
tale des formules mystiques, et que le second désigne le prânâyâma qui n'est
132 L'ÏSVARAGÏTÂ
appelé
pas accompagné de la récitation de ces formules. Le prânâyâma est
supérieur, moyen ou inférieur selon la durée de la rétention du souffie.
Après avoir, ensuite, défini et expliqué le pratyâhâra, la dhâranâ, le
dhyâna et le samâdhi, et après avoir insisté sur la nécessité de choisir un
lieu propice, quand on veut pratiquer le yoga, — le Seigneur décrit trois
différents procédés de méditation par lesquels le yogin atteint la contempla-
tion extatique et l'union avec l'Être suprême.
Tout cet exposé du yoga est assez clair, sauf quelques passages dont le
texte est peut-être corrompu.
Pour pratiquer le yoga avec succès, il faut que le yogin se soumette aux
prescriptions du vrata (du voeu religieux) et que par conséquent il possède
toutes les vertus que comporte le vrata, c'est-à-dire: la chasteté, l'ahimsâ,
la patience, la pureté, l'ascétisme, la maîtrise de soi, le samtosa (la vertu
qui consiste à se contenter de peu), la sincérité et la foi.
Pour arriver au but, il faut que le yogin ait l'appui du Seigneur. Il faut
donc qu'il l'adore et lui présente comme offrande le jnânayoga (la discipline
ascétique appliquée à la connaissance) ou le bhaktiyoga (la discipline ascé-
tique appliquée à la dévotion), c'est-à-dire le suprême renoncement.
Quelles sont les vertus que doit avoir le yogin pour obtenir la bienveillance
et la faveur du Seigneur? Il faut surtout que le yogin aime et adore le
Seigneur, qu'il soit le dévot du Seigneur. S'il aime le Seigneur, s'il cherche
son refuge en lui, s'il lui fait l'abandon du fruit de toutes ses actions, s'il
renonce à tout espoir terrestre et se dépouille de tout égoïme, ses actes
n'auront point pour effet de l'enchaîner dans le cycle des renaissances, mais
de détruire le cycle des renaissances, et il atteindra le séjour suprême. En
effet le Seigneur accorde la délivrance à ceux qui l'adorent sans cesse, et
sans cesse font effort dans la discipline ascétique.
Il y a des hommes pieux qui adorent d'autres divinités et leur offrent des
sacrifices dans l'espoir d'obtenir des jouissances dans des existences ultérieu-
res. Leurs joies seront limitées comme sont limitées l'existence et la puis-
sance de ces divinités périssables. C'est pourquoi il faut que le sage aban-
donne les autres dieux et cherche son refuge dans le Seigneur.
Il faut adorer le Seigneur sous la forme du linga (du phallus), qui est
son symbole. Pour ceux qui offrent des sacrifices, le linga, symbole du
Seigneur, se manifeste dans le feu sacré; pour les sages, dans l'eau, dans le
ciel ou dans le soleil; pour les ignorants, dans un morceau de bois
ou dans
quelque autre objet; mais, pour les yogins, le linga, symbole du Seigneur,
le linga, qui pénètre tout et qui est essentiellement connaissance,
se mani-
feste dans leur propre coeur.
Il est recommandé au dévot, s'il n'a pu obtenir la connaissance su-
CHAPITRE XI 133
XI
ïsvara uvâca:
1. atah param pravaksyàmi yoyam paramadurlabham,
yenâtinânam prapasyanti bhànumantam ivesvaram.
XI
Le Seigneur dit:
1. « Je vais maintenant vous exposer le yoga, extrêmement diffi-
cile à atteindre, par lequel les yogins se voient eux-mêmes (voient
leur âtman) comme le Seigneur resplendissant.
2. « Le feu du yoga brûle rapidement et complètement la cage
qu'est le péché; et ainsi naît une connaissance claire, qui immédiate-
ment réalise le nirvana (c'est-à-dire l'extinction, la disparition, de
toutes les fausses apparences de la vie transitoire).
3. « Du yoga naît la connaissance ; de la connaissance naît le yoga.
Le Seigneur (Mahesvara, Siva) accorde sa bienveillance à l'homme
qui s'attache (qui s'applique) au yoga et à la connaissance.
8. « Et tous les autres yogas des yogins, tous les autres yogas
dont on parle dans la multitude des traités, ne valent pas la seiziè-
me partie du yoga qui a pour objet le brahman (l'essence divine).
10. «Mais mille fois et bien des fois encore, s'ils sont repoussés
par le Seigneur, les yogins qui ont dompté leur pensée, ne voient pas
que je suis l'être unique.
11. « Le prânâyâma (le contrôle de la respiration), le dhyàna (la
méditation), le pratyâhâra (l'exercice qui consiste à empêcher les
sens de s'attacher aux objets extérieurs), la dhâranâ (la concentra-
tion de la pensée) et le samâdhi (la contemplation extatique), ô ex-
cellents munis, ainsi que le yama (les observances générales), le
niyama (les observances spéciales), l'âsana (les règles qui concernent
la manière de s'asseoir pour méditer), —
13. «L'ahimsâ (la vertu qui consite à ne point faire de mal aux
êtres vivants), le satya (la sincérité), l'asteya (la vertu qui consiste
à ne point voler), le brahmacarya (la chasteté), l'aparigraha (la
vertu qui consiste à ne point accepter de richesses) : telles sont, en
résumé, les observances appelées yamas (observances générales), qui
procurent aux hommes la pureté de la pensée.
14. « Les suprêmes rsis ont appelé ahimsâ la vertu qui consiste à
ne jamais causer aucune peine à aucun être vivant soit par l'action,
soit par la pensée, soit par la parole.
21. upavàsaparàkàdikrcehraeândrâyanâdibhih
sarîrasosanam prâhus tâpasâs tapa uttamam.
jantuvarjite,
51. grhe va, susubhe dese, nirjane,
yunjïta yogam satatam àtmànam tatparàyanah.
50. « C'est dans un endroit bien caché et beau, dans la grotte d'une
montagne, au bord d'un fleuve, en un lieu sacré, dans un temple,
51. « ou dans une maison, dans un bel endroit désert et sans ver-
mine, qu'il faut que le yogin s'applique assidûment au yoga (aux
exercices de la discipline ascétique), s'y consacrant entièrement.
52. « Ayant rendu hommage aux rois des yogins et à leurs disci-
ples, au dieu Ganesa, et à son maître, à moi-même (le suprême Sei-
gneur) — que le yogin pratique le yoga (la discipline ascétique) dans
,
le plus grand recueillement.
56. « un lotus blanc, dont les huit pétales sont les huit pouvoirs
surhumains, le lotus suprême dont le réceptacle est l'impassibilité (le
renoncement) ; — et qu'il fixe sa pensée sur le suprême fruit d'or qui
se trouve dans le réceptacle,
148 L'ÏSVARAGÏTÂ
58. « Mettant sa joie dans cette lumière, parce qu'il est encore
séparé de moi, — qu'il médite sur le Seigneur, cause suprême,
qui se trouve au milieu du fruit d'or.
59. « Et alors, étant devenu l'âtman qui pénètre tout (s'étant iden-
tifié avec l'âtman qui pénètre tout), qu'il ne pense plus à rien.
« C'est là une science très secrète. Et voici maintenant un autre
procédé de méditation:
60-61. « Après s'être représenté dans son coeur le lotus suprême
que j'ai décrit (décrit précédemment), que le yogin se représente son
âtman comme une grande forêt, qu'au milieu de cette forêt, il se
représente l'Esprit (purusa), le vingt-cinquième principe, comme
ayant l'éclat du feu, comme ayant l'apparence d'une flamme, et qu'au
milieu, il se représente l'âtman suprême, (comme) le ciel suprême.
76. «Le yogin qui est toujours satisfait de ce qu'il a, qui s'est
dompté et dont la résolution est ferme, celui dont le coeur et l'intelli-
gence se sont attachés à moi, celui qui m'aime, — celui-là m'est cher.
77. « Celui que le monde ne craint pas et qui ne craint pas le
monde, celui qui est sans concupiscence, sans impatience, sans peur
et sans frayeur, — celui-là m'est cher.
78. « Celui qui est désintéressé, honnête (pur), intelligent, indiffé-
rent aux choses d'ici-bas, sans alarme, celui qui renonce à toute en-
treprise mondaine, celui qui m'aime, — celui-là m'est cher.
81. «Me faisant, en pensée, l'abandon (du fruit) de toutes ses ac-
tions, tout occupé de moi (me considérant comme le but suprême),
ayant renoncé à tout espoir (terrestre) et à tout égoïsme, — qu'il
cherche son refuge uniquement en moi.
89. « Quant aux autres, ceux qui offrent des sacrifices à d'autres
divinités, en ayant pour but de leurs actions la jouissance des plaisirs
(dans des existences ultérieures), il faut savoir que, dépendant de la
divinité à laquelle ils offrent leurs sacrifices, la récompense de leurs
actions ne dépasse pas cette jouissance.
156 L'ÏSVARAGÏTÂ
95. « Et quant aux autres dévots qui ont dompté leurs sens, c'est
partout qu'en méditant comme il convient, ils adorent ce linga (qui
est, qui représente) le suprême Seigneur.
98. « Pour ceux qui offrent des sacrifices, le linga (le symbole du
Seigneur) se manifeste dans le feu sacré; pour les sages, dans l'eau,
dans le ciel, dans le soleil; pour les ignorants, dans un morceau de
bois ou dans d'autres objets analogues; mais pour les yogins, le linga
se manifeste dans leur propre coeur.
158 L'ÏSVARAGÏTÂ
vyàsa uvâca.
107. ity etad uktvà bhagavân sâsvato yogam uttamam,
vyàjahâra samâsïnain nârâyanam anâmayam.
Vyàsa dit:
107. « Quand le Bienheureux, l'Eternel (éiva), eut exposé ainsi
le suprême yoga, il s'adressa en ces termes à Nàrâyana (Visnu), le
dieu toujours prospère, qui était assis à côté de lui :
108. «J'ai expliqué cette science pour le salut de ceux qui sont
versés dans les textes sacrés. Il faut que tu la confies, cette science
salutaire, à tes disciples dont le coeur est apaisé. »
109. « Ayant parlé ainsi, le Bienheureux qui n'a pas eu de nais-
sance (qui existe depuis toute éternité) (âiva) expliqua son intention
aux rois des yogins, pour le salut de tous les deux-fois-nés (brahmanes,
ksatriyas ou vaisyas) qui sont dévots, ô vous les meilleurs des deux-
fois-nés :
110. « Et vous aussi, (dit-il,) conformément à ma parole, vous en-
seignerez, comme il convient, cette science de moi (cette science dont
je suis l'objet) à tous ceux de vos disciples qui sont dévots.
111. « Nàrâyana (Visnu) que voici est le Seigneur (éiva) : il n'y
a point de doute à cet égard. C'est à ceux qui considèrent qu'il n'y
a point de différence entre eux qu'il faut confier cette science su-
prême.
112. « Cette forme suprême de moi, cette forme suprême qui, rési-
dant dans tous les êtres, est l'âtman de tous les êtres, cette forme
calme qui demeure impérissable, a nom Nàrâyana.
114. «Mais ceux qui voient que Visnu — l'Être irrévélé (non-
manifesté) — et moi, le suprême Seigneur, nous ne faisons qu'un,
ceux-là ne renaissent point.
115. C'est pourquoi il faut que vous considériez Visnu, qui n'a
«
ni commencement ni fin, Visnu, l'âtman impérissable, comme étant
moi, et que vous l'adoriez comme tel.
îi
162 L'ÏSVARAGÏTÂ
132. « C 'est depuis que j'ai reçu du Rudra Vâmadeva cette science
suprême, qu'est née ma dévotion particulière à Girisa (éiva) (que
j'adore, avant tout, Girisa).
134. « Et vous aussi, avec vos épouses et vos fils, implorez la protec-
tion de éiva, la protection du dieu bienveillant qui a pour monture
un taureau.
135. « Par sa grâce, pratiquez le karmayoga (la discipline ascétique
appliquée à l'action). Adorez éamkara (Ôva), Mahâdeva (éiva, le
grand dieu), Gopati (éiva, le berger), le dieu qui porte comme parure
un serpent. »
166 L'ÎSVARAGÎTA
136-137. « Quand Vyâsa eut parlé ainsi, éaunaka et les autres mu-
nis, de nouveau, rendirent hommage au suprême Seigneur (éiva),
au dieu éternel, au dieu immobile. Le coeur joyeux, ils répondirent
à Vyâsa, fils de Satyavatï, au puissant Krsnadvaipâyana (Vyâsa),
qui apparaissait (à la fois) tel le dieu Hrsïkesa (Visnu) et tel éiva,
le suprême Seigneur du monde.
141. « Qu'il apprenne tout ce qui a été dit par Visnu, le dieu des
dieux, apparu sous la forme de la Tortue, quand ce dieu fut interrogé
(autrefois) par les munis et par Indra, lors du barattement de la mer
de lait, qui devait produire le breuvage d'immortalité. »
ïsvaragïtâ samâptâ.
CHAPITRE XI 169
NOTES DU CHAPITRE II
43. majjanti: ils vont à l'abîme, ils tombent en enfer, ils périssent.
49. L'âtman est nirguna, c'est-à-dire qu'il est indéterminé, sans qualité,
en dehors du domaine des trois gunas. Les trois gunas sont appelés Sattva
(pureté, bonté), Rajas (impureté, passion) et Tamas (obscurité, torpeur).
Ce sont les trois constituants de la prakrti, les trois facteurs qualitatifs,
« qui déterminent pour chaque objet la manière dont il affecte le sujet qui
connaît ». (Oltramare).
A cause de l'ordre des mots, cette stance manque de clarté. L'auteur veut
dire, semble-t-il, que la cause du monde des phénomènes, ce n'est pas l'ât-
man lui-même (l'âtman indéterminé et immaculé), mais la mâyâ, qui est le
pouvoir souverain de l'âtman.
51. Ici encore l'expression manque de clarté à cause de l'ordre des mots.
Je crois que prerayâmi tathâpïdam doit être mis entre parenthèses, et
que sarvasya est le complément déterminatif de kâranam.
53. Le nirvana, c'est-à-dire l'état où il y a extinction (nirvana) de tout
ce qui produit l'existence empirique, bornée et transitoire de l'âme indi-
viduelle.
54. Un kalpa, c'est-à-dire un jour de Brahmà, comprend quatre mille
trois cent vingt millions d'années humaines.
15. Le sens de cette stance est obscur. Voici quelle est, semble-t-il, l'idée
de l'auteur. Le mahat (l'intellect cosmique), le premier produit de la
prakrti, est la cause du samsara du purusa. C'est du mahat que procède
le samsara, et c'est également du mahat que procède le fait que le purusa,
par suite de son attachement à la prakrti, ne se distingue pas du Temps
(sa câvivekah kâlena), mais s'identifie avec le Temps.
NOTES DU CHAPITRE IV
4. Peut-être faut-il lire: yo hi sarvântarah (moi qui suis dans tous les
êtres), au lieu de: yo hi sarvântakah. Le sens serait, me semble-t-il, pré-
férable.
5. Les Manus. Il s'agit ici vraisemblablement des quatorze Manus, créa-
teurs et souverains des races humaines. Le règne de chaque Mann est un
manvantara (cf. note I, 1). Le premier Manu fut Svàyambhuva; puis ré-
gnèrent successivement Svârocisa, Auttami, Tâmasa, Raivata et Câksusa.
Le Manu de l'âge actuel est Vaivasvata. Le huitième Manu sera Sàvarni;
le quatorzième sera Bhautya.
14. Peut-être faut-il traduire : « au commencement des mondes » (jaga-
tàm âdau). Mais il me semble préférable de considérer jagatâm comme le
complément de paramesthinam.
16. hetu peut signifier la cause en général ou bien la cause finale.
26-27. Le sens de ces deux stances semble d'abord obscur à cause de la
contradiction des termes: a maya sampreryate jagat», «nâham prerayitân,
« prerayâmi jagat krtsnam»; et l'auteur, conscient de cette eontradition
et de l'obscurité de son langage, ajoute: « etad yo veda so 'mrtah ». L'auteur
veut dire, je crois, que c'est comme pensée que le monde est mis en mouve-
ment par le Seigneur. Le monde est la pensée du Seigneur plongé dans la
méditation du yoga. Il voit le monde. Il est le contemplateur du monde.
NOTES DU CHAPITRE V 179
NOTES DU CHAPITRE V
13. kâlakâla est une expression obscure. J'ai traduit : le Temps du Temps.
Peut-être faut-il traduire: la mort de la mort. Peut-être faut-il lire: « kâla-
kâra », et traduire : « lui qui crée le Temps. »
180 L'ÎSVARAGÏTÂ
18. Il faut noter que la liste des douze saints ascètes donnée ici diffère
de celle donnée dans le premier adhyàya (st. 16-17). Huit noms sont sem-
blables, mais les noms de Rudra, Kanâda, Garga et Vasistha sont rem-
placés par les noms de Sanâtana, Raibhya, Atri et Marïci. Ceci semble
indiquer que le cinquième adhyàya n'a pas été composé par le même auteur
que le premier adhyàya.
Sanâtana est un des rsis qui sont nés de l'esprit de Brahmâ.
Atri est un des plus célèbres rsis. Il est considéré comme l'auteur d'un
grand nombre d'hymnes du Rgveda.
22. brahmayoni ne signifie pas « qui a pour origine le brahman » ou
« qui est l'origine du brahman », mais « qui a pour matrice le brahman ».
En effet, selon VIII, 2, le brahman (l'essence divine) est la matrice dans
laquelle le Seigneur dépose le germe dont naît le monde, et ce germe est
appelé la mâyà primordiale.
24. Il faut, je crois, supposer que, dans le quatrième pàda, nisrjati est
sous-entendu. Hiranyayarbha, le germe d'or qui a été émis par le Seigneur,
est identifié ici au purusa (à l'Esprit). Hiranyagarbha est aussi le nom
du dieu Brahmà. Créé par le Seigneur, Hiranyagarbha (c'est-à-dire le
purusa ou le dieu Brahmà), en naissant, crée aussitôt l'univers.
25. samsthiti signifie « union » et aussi « durée, permanence ». Les Ve-
das, les textes sacrés, qui sont nés du Seigneur, retournent à lui et s'unis-
sent à lui; et c'est en lui qu'est fondée leur éternité.
25, c. Considéré dans sa pureté absolue, le Seigneur n'est pas la cause
de l'univers; mais en tant que yogin, enchaîné par la puissance magique
(mâyâ) que crée son yoga, il est devenu la cause de l'univers. C'est sous cet
aspect qu'il apparaît en ce moment aux sages qui le voient danser.
à toi dont l'âme est plongée
26. tvâm yogâtmânam peut signifier aussi : «
dans le yoga, à toi dont la pensée est concentrée, à toi dont l'âme est
plongée dans la méditation ».
28. aksaram signifie à la fois : l'inaltérable, l'être inaltérable, et la sainte
syllabe « om ».
bhavatah peut être considéré comme un ablatif. On pourra donc traduire:
« et que tout ce qui participe de sa splendeur, vient de toi. »
NOTES DU CHAPITRE VI
3. Cette stance est obscure.L'interprétation que je propose est incertaine.
Le Seigneur gouverne du dedans tous les êtres : il est antaryâmin; et cepen-
dant c'est l'univers qui est en lui, ce n'est pas lui qui est dans l'univers.
Cf. Bhagavadgïtà, IX, 4: matsthâni sarvabhûtâni na câham tesv avasthi-
tah. — Peut-être faut-il lire; mayy evântahsthitam. Cf. la leçon de B.
5. sarvesâm eva bhâvânâm antaram samavasthitah peut signifier aussi:
«habitant dans toutes les pensées».
6.tad vai bhâvânuvarti me peut signifier : « il obéit à ma pensée », « il dé-
pend de mon état d'âme », ou bien « il dépend de mon existence ».
7. Cette partie du Seigneur qui crée l'univers, c'est le dieu Brahmâ
(cf. IV, 20) ; mais c'est l'aspect de Rudra que le Seigneur détruit l'uni-
vers (cf. IV, 22).
sthitâvasthâ mamaiva tu peut signifier aussi: «mais la stabilité (de
l'univers) dépend aussi de moi ». C'est sous l'aspect de Visnu que le Sei-
gneur maintient l'univers (cf. IV, 21).
la mâyâ (l'illusion,
8. Dans cette stance, le poète semble bien identifier
la force qui produit l'illusion) au pradhâna (au principe matériel) et le
tattva (la réalité) au purusa (à l'Esprit).
182 L'ÏSVARAGÏTÂ
25. Nirrti désigne le plus souvent la déesse Perdition. Ici Nirrti est un
dieu; c'est le roi des démons appelés Raksas; c'est une des manifestations
de Rudra-Siva.
26. Le dieu désigné dans cette stance est, semble-t-il, Rudra, c'est-à-dire
Siva sous son aspect le plus terrible. ïsàna est un des anciens noms de
Rudra. Le mot « gana » désigne ici une classe de demi-dieux qui suivent
et servent Rudra-Siva. Ils ont à leur tête Ganesa, le dieu à tête d'éléphant,
qui renverse tous les obstacles.
27. Vâmadeva est le nom d'un grand rsi, qui est considéré comme l'au-
teur de la majeure partie du quatrième livre du Rgveda; mais c'est aussi
le nom d'une des formes de Siva, Selon les Purânas, il y a onze Rudras,
qui sont considérés comme des manifestations inférieures de Siva.
29. Skanda est le dieu de la guerre. C'est le fils de Siva, C'est lui qui
conduit au combat les armées de Siva contre les ennemis des dieux.
30. Les Prajàpatis, les grands rsis créateurs, sont dix selon certains tex-
tes, et sept selon d'autres.
34. Pàrvatï, l'épouse de Siva, — Peut-être faut-il traduire: «Et Pâr-
vatï, la suprême déesse, qui confère la connaissance du brahman lorsqu'on
la prend comme objet particulier de la méditation... »
NOTES DU CHAPITRE VI 183
35. Ananta (l'Infini), qui est appelé aussi Sesa, est le roi des Serpents.
Ainsi que son nom l'indique, il est le symbole de l'éternité.
36. Il s'agit, dans cette stance, du feu sous-marin, qui est appelé vada-
vâmukha (ayant la bouche d'une jument) et qui boit l'océan (cf. M. Bh.
I, 6802). Il est identifié ici à Samvartaka, le feu qui détruit tout, à la
fin du monde.
41. Les quatre yugas (des quatre âges) réunis font un mahâyuga. Un
mahàyuga = 4.320.000 années humaines. Un manvantara = 71 mahâyugas.
Un paràrdha = 100 années de Brahmà; une année de Brahmâ = 360 jours
de Brahmà ou 360 kalpas; un kalpa = 1000 mahâyugas, c'est-à-dire
4.320.000.000 années humaines (Kûrma-Purâna, Pûrvavibhâga, 5e adhyàya).
Un para vaut, semble-t-il deux paràrdhas.
184 L'ÏSVARAGÏTÂ
46. Les cinq éléments (et les tanmâtras), le manas (et les organes de la
sensation et de l'action), Pahamkàra et la buddhi — c'est-à-dire tous les
produits de la prakrti — et la prakrti elle-même existent de par la volonté
du Seigneur.
NOTES DU CHAPITRE IX
NOTES DU CHAPITRE X
1. Comme il est dit que le brahman est sans finga, le mot avyaktalinga ne
peut signifier ni « ayant l'avyakta comme linga », ni « ayant un linga im-
perceptible ». Cf. st. 3.
Il est possible que pûrvam soit un adverbe et signifie « autrefois », « à
l'origine ».
2. siddhlvijnâna peut signifier connaissance de la perfection ou de la
«
béatitude », mais il semble que le mot signifie plutôt « connaissance de ce
qui est parfaitement étabU, connaissance de ce qui est incontestable »,
c'est-à-dire « connaissance certaine, connaissance parfaite ». (cf. siddhi-
jiiâna dans le Sarvadarsanasamgraha Ed. Calcutta p. 76, 1. 8 et 9).
3. nityam tadbhâvabhâvitah peut signifier aussi : « ayant la pensée tou-
jours occupée de sa pensée, pensant toujours à lui (à l'avyakta) ».
4. Il n'y a pas de science par laqueUe on puisse connaître » l'Être
«
suprême, mais on peut le voir, le percevoir directement, quand on a sup-
primé tous les désirs personnels et qu'on s'est identifié à lui.
6. tad evainam iti prâhur: cf. la construction: ajnam hi bâlam ity âhuh.
10. ânandam jagadâtmakam : c'est la joie qui s'identifie au monde, la joie
qui est la joie de l'univers.
Je pense que vyaktâparasya est l'équivalent de avyalctasya.
13. Cf. Svet.-Up. VI, 14.
Peut-être faut-il Hre: tad bhâsitam.
15. L'ordre des mots rend le sens incertain. Peut-être faut-il traduire:
« Ceux qui, grâce aux Vedas, sont arrivés à la certitude, méditent sur le
Seigneur considéré comme les souffles vitaux (comme la Vie), en fixant leur
pensée sur la sainte syllabe om. »
NOTES DU CHAPITRE XI 189
16. Les termes bhûmih, âpah, vahnih, anilah gaganam désignent évi-
demment les cinq éléments : terre, eau, feu, air et éther.
16 c. L'auteur a employé la forme cetanah (masc. sing.), qui est rare, au
lieu de la forme cetanâ (fem. sing.), probablement parce qu'il a voulu dési-
gner le purusa (l'Esprit) — non pas le purusa absolu, mais le purusa en
tant qu'il contemple la prakrti (la Nature).
17. Peut-être faut-il adopter la leçon de A et de H, et traduire: «Le
yogin la comprendra, si, dans un lieu solitaire, les sens domptés, il pratique
sans cesse le yoga ».
NOTES DU CHAPITRE XI
2. Le péché est comme une cage qui retient l'âtman emprisonné. Le feu
du yoga brûle la cage et délivre l'âtman. Le feu du yoga produit une con-
naissance claire, qui dissipe les ténèbres de l'ignorance et réalise le nirvana.
3. Pour arriver au but suprême, l'homme a besoin de l'aide du Seigneur.
Mais le Seigneur accorde sa bienveillance à celui qui s'attache au yoga et
à la connaissance, à celui qui à la fois pratique la discipline ascétique et la
recherche de la vérité. D'ailleurs, la disciphne ascétique est nécessaire à la
connaissance, comme la connaissance est nécessaire à la disciphne ascétique.
Le yoga et le sâmkhya se complètent. Pour arriver à la connaissance, il faut
pratiquer le yoga; mais pour que le yoga atteigne son but, qui est l'union
avec le Seigneur et la délivrance, il faut que le yoga ait pour base la con-
naissance, teHe qu'elle est enseignée dans la doctrine sâmkhya.
4. Le mahàyoga (le grand yoga), qui est appelé aussi le yoga suprême
(st. 7) et le brahmayoga (st. 8), est le yoga par lequel on atteint l'union avec
Mahesvara (le Seigneur), et c'est pourquoi ceux qui le pratiquent avec succès
sont appelés Mahesvaras.
5. Il est difficile, semble-t-il, d'obtenir un sens satisfaisant en adoptant
teUe quelle la leçon des mss. A, E et H: «yogas tu prathamo jneyo hy
/
abhâvah prathamo matah anuphâ sunaphâ yogah sarvayogottamottamah ».
Mais cette leçon est intéresante parce qu'eUe contient le mot anuphâ (= ana-
phâ = àvotq>T| ) et le mot sunaphâ ( = avvaq>r\) (cf. st. 33, note). Peut-être l'auteur
du texte de cette leçon a-t-il voulu dire que le premier yoga, le yoga abhâva,
est appelé anaphâ, et que le second yoga, le mahàyoga, le meilleur de tous
les yogas, est appelé sunaphâ.
190 L'ÏSVARAGÏTÂ
33-34. Le sens de ces deux stances n'est pas clair, et le texte est peut-être
corrompu. J'ai adopté la leçon de l'édition de Calcutta. Cette leçon, qui est
fondée sur les meilleurs manuscrits, est intéressante parce qu'eUe contient
le mot sunaphâ. J'ai publié au sujet de ce mot, dans les Bulletins de la
Classe des Lettres de l'Académie Royale de Belgique (5e série, t. XVII,
n° 11, p. 444), une note, dont je reproduis ici l'essentiel.
Le mot sunaphâ, qui, dans ce passage de l'îsvaragïtà, est employé pour dé-
signer le yoga ou l'un des aspects du yoga, est la transcription du mot
grec cuvacpï|.
Le mot av\'acpr\ (de auvôjtTU), mettre ou entrer en contact) signifie: 1. con-
tact; et de là: suite locale ou logique; par exemple, dans Plutarque:
Ypa^ixâtcov auvaqjip'otiy. è%6vxwv (des lettres sans suite) ; 2. intersection (dans
Polybe) ; 3. confluent (dans Ptolémée) ; 4. (en musique) accord, semble-t-il,
outre un sens plus technique; 5. (en astrologie) conjonction; par exemple,
dans Manéthon. « Il y a owaqjrj (contact) entre deux planètes qui se trou-
vent sur le même méridien » (Bouehé-Leclereq, L'Astrologie grecque, p. 245) ;
6. relations sexuelles, union sexuelle (dans Mosehion). — Ainsi que nous al-
lons le voir, le mot eruvacpTJ a encore un autre sens.
Nous trouvons le mot sunaphâ dans deux passages de l'astrologue Varà-
hamihira, qui vivait au milieu du VI" siècle après J.-C.
Voici le premier passage (Varàhamihira, Laghujàtaka 9, 1) : « ravivarjam
/
dvâdasagair anaphâ eandrâd dvitïyagaih sunaphâ ubhayasthitair duru-
dharâ... »; ce qui, d'après le contexte, veut dire: « Il y a anaphâ (dvatpri)
lorsque, exception faite du soleil, les planètes (c'est-à-dire une planète ou
plusieurs planètes réunies) se trouvent dans le douzième signe à partir de
la lune, c'est-à-dire dans le signe zodiacal qui précède immédiatement celui
où se trouve la lune ; il y a sunaphâ ( cruvacpi'i ) lorsque, exception faite du
soleil, les planètes (c'est-à-dire une planète ou plusieurs planètes réunies)
se trouvent dans le deuxième signe à partir de la lune, c'est-à-dire dans le
signe zodiacal qui suit immédiatement celui où se trouve la lune; il y a
durudharà (ôopuepopta) lorsque, exception faite du soleil, les planètes (c'est-à-
dire une planète ou plusieurs planètes réunies) se trouvent dans chacun de
ces deux signes. »
Voici le second passage (Varàhamihira, Horàsâstra, 13, 3, a)
: « hitvàr-
kam sunaphânaphâdurudharàh svàntyobhayasthitair grahaih sîtâmsoh... »;
ce qui, d'après le contexte et le commentaire de Rudra, veut dire : « Il y a
sunaphâ (ouvcwpTJ), anaphâ (àva<prj) ou durudharà (Sopucpopi'a), selon que les
planètes, exception faite du soleil, se trouvent ou dans le deuxième signe à
partir de la lune, ou dans le douzième signe à partir de la lune, ou dans cha-
cun de ces deux signes. »
NOTES DU CHAPITRE XI 193
Il résulte de ces textes que le mot sunaphâ, ainsi que toute une série de
termes techniques, — tels que les noms des constellations zodiacales: kriya
(y.Qiéc_), tâvuri (TCIÛQOÇ), karkin (v.aQ-nivoç), etc.; les noms des principales
planètes: heli (f]?aoç), âra (agriç), kona (xgévoç), etc.; les termes : anaphâ
(âvctcpT|), durudharà (ôogucpogCa), kemadruma (xevôSgoiioç), harija (ôgîÇcov),
etc., — a été emprunté par les astrologues de l'Inde aux astrologues grecs.
Il faut remarquer cependant que, dans ces textes, le mot sunaphâ ne
signifie pas conjonction de planètes, mais qu'il désigne une position parti-
culière des planètes par rapport à la lune.
Dans le passage de l'îsvaragïtâ qui nous occupe, il ne s'agit pas d'astrolo-
gie, mais de philosophie ou de mystique. Il s'agit du yoga, c'est-à-dire de la
discipline ascétique qui permet au sage d'atteindre le samyoga, l'union avec
le Seigneur. Le yoga, ou un certain aspect du yoga, est appelé sunaphâ. Or
le mot cruvoKpTJ, dont sunaphâ est la transcription, est précisément le mot
employé par le philosophe néo-platonicien Proelus (environ 500 ans après
J.-C.) pour désigner le contact de l'âme avec l'Être suprême, l'union avec le
divin, avec l'Un.
Le mot auvacpTi est vraiment familier à Proelus. Il l'emploie dans le sens
de contact par les extrémités. Dans un passage (In Platonis Timaeum com-
mentaria; éd. E. Diehl, t. 2, p. 102, 1. 22), il s'en sert pour désigner le con-
tact de l'âme (tyvyj)) avec l'esprit (voùç), e'est-à-dire un rapport intermé-
diaire entre l'union (EVCOCIÇ) et la participation (HÉ9E|IÇ). L'esprit (voCç) peut
s'unir à l'esprit, mais l'âme ne peut qu'entrer en contact avec l'esprit, et
les corps ne peuvent que participer de l'esprit, comme les profondeurs de
la terre, qui « participent » des rayons du soleil. Dans plusieurs passages de
Proelus, auvowpri prend le sens de l'union mystique avec la divinité. Mais le
mot cruvaepr], employé dans le sens mystique, se trouve aussi dans un texte
plus ancien: il se trouve dans Plotin. Dans son Hvre intitulé: Le désir de
Dieu dans la Philosophie de Plotin, M. René Arnou s'occupe de la termi-
nologie de l'extase plotinienne. Au premier rang des termes qui expriment
« la contemplation de l'Un » figurent ovvaq>r\ (Enn. VI, 9,8 = Ed.
Volk-
mann, t. 2, p. 519) et ses synonymes ènarpr) (Enn. VI, 7, 36) et OiÇiç. 2i>vacpr|
n'est donc pas seulement un mot du vocabulaire de Proelus. Il semble être,
d'une manière plus générale, néo-platonicien; et peut-être est-ce à Plotin
qu'il faut faire remonter cet emploi mystique du mot.
Voici quelques passages de Proelus dans lesquels le mot <mvc«pT| est em-
ployé dans le sens mystique. Ces passages sont empruntés à ses commen-
taires sur le Timée de Platon: In Platonis Timaeum commentaria (éd.
E. Diehl).
13
194 L'ÎSVARAGÏTÂ
ngôç TÔV vow.» — « En effet, c'est par l'absence de raison que se fait l'union
avec ce qui est privé de raison, comme c'est par l'esprit que se fait l'union
avec l'esprit. »
6. 3, 315, 28 : « KO! yàç> o vovç È'vOeoç YLveToa TTJ îtgôç TÔ CT truvaqpfj. — En
effet, l'esprit devient inspiré (SVOEOÇ) par l'union avec l'Un. »
J'avoue que, lorsque j'ai découvert ces textes de Proelus et qu'à la lumière
de ces textes j'ai relu le passage de l'îsvaragïtâ où le mot sunaphâ est em-
ployé pour désigner le yoga ou l'un des aspects du yoga, j'ai été tenté de
conclure immédiatement que le mot sunaphâ, dans ce sens, a été emprunté
par les philosophes de l'Inde aux philosophes grecs. Mais j'ai pensé en-
suite que cette conclusion hardie était peut-être trop hâtive.
Puisque les textes de Varàhamihira prouvent que le mot sunaphâ, dans
le sens astrologique, a été emprunté par les astrologues de l'Inde aux astro-
logues de la Grèce, il est peut-être plus sage de supposer que l'auteur
de l'îsvaragïtâ a emprunté le mot sunaphâ non pas aux philosophes grecs,
mais aux astrologues de l'Inde, et que si, dans le texte de l'îsvaragïtâ, le mot
sunaphâ, désignant le yoga ou l'un des aspects du yoga, semble avoir le
même sens que le mot cruvacpT| dans le texte de Proelus, c'est là une coïnci-
dence due au hasard.
Il résulte des expheations données par Rudra au sujet du texte de Va-
ràhamihira que le mot yoga était un terme employé par les astrologues
de l'Inde pour désigner les différentes positions des planètes par rapport
à la lune, et que l'un des ces yogas était appelé sunaphâ. H est donc pos-
sible que l'auteur de l'îsvaragïtâ, s'inspirant de l'astrologie et se souvenant
qu'en astrologie un des yogas (une des positions des planètes par rapport
NOTES DU CHAPITRE XI 195
à la lune) portait le nom de sunaphâ, ait été amené à donner ce nom à
l'un des aspects de la discipHne ascétique appelée yoga.
Cependant, il faut remarquer:
1. Que dans le texte de l'îsvaragïtâ le mot sunaphâ semble avoir un
sens bien éloigné du sens qu'il a dans les textes de Varàhamihira, — un
sens qu'il est difficile de bien expliquer par les textes astrologiques;
2. Que dans le texte de l'îsvaragïtâ il est dit que le yoga appelé suna-
phâ est samyoga, union avec la divinité, ce qui semble indiquer que l'auteur
a employé sunaphâ dans un sens analogue au sens qu'a le mot ouvatpTi
dans les textes de Plotin et de Proelus, et qu'il connaissait la signification
de ce mot.
C'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas écarter l'hypothèse d'un em-
prunt à un texte philosophique grec. En effet, d'une part, il semble assez
difficile d'admettre que la similitude de sens du mot sunaphâ de l'îsva-
ragïtâ et du mot auvaq>ifj| des néo-platoniciens soit une simple coïncidence,
et, d'autre part, il ne semble pas impossible qu'à l'époque tardive où l'îsva-
ragïtâ fut composée, à une époque où les échanges intellectuels entre l'Inde
et l'Occident s'étaient multipliés, la philosophie grecque — de.même que
l'astronomie grecque et d'autres sciences — ait exercé une influence sur les
penseurs des bords de l'Indus et du Gange.
Je venais de publier cette note, lorsque je me suis aperçu que, dans ce
même chapitre de l'îsvaragïtâ, à la stance 5, la leçon des mss. A, E et H
contient non seulement le mot sunaphâ, mais aussi le mot anuphâ, qui est
évidemment une faute et qui doit être remplacé par le mot anaphâ. Le
texte de cette leçon est obscur et probablement corrompu. Mais l'auteur
semble avoir voulu dire que le yoga abhâva est appelé anaphâ, tandis que
le meilleur des yogas est appelé sunaphâ. Quoi qu'il en soit, cette leçon
semble donner plus de poids à l'hypothèse selon laquelle l'auteur de l'îsva-
ragïtâ aurait emprunté le terme sunaphâ aux textes astrologiques de l'Inde.
Elle n'écarte cependant pas l'hypothèse d'un emprunt à un texte philoso-
phique grec, attendu que dvatpri comme am'acpi'i semble avoir appartenu au
vocabulaire des néo-platoniciens et avoir été employé pour désigner le con-
tact de l'âme avec la divinité. En effet, le mot se trouve dans la scholie re-
lative à Proelus 211, 8 : « âvoupr] jtgôç OEÔV. »
Comme l'auteur vient de déclarer (st. 31) que le prânâyâma est de deux
sortes: sagarbha et agarbha, on s'attend à trouver ici une définition de ces
deux termes. Le texte des éditions de Calcutta et de Bombay ne donne pas
cette double définition attendue. En s'inspirant des variantes fournies par
B et Bo.v, on pourrait obtenir le texte suivant: a yah svedakampanocch-
/
vâsajanakas tu yathâkramam mandamadhyamamukhyânâm ânandâd utta-
/
mottamah. sagarbham ahuh sajapam argarbham vijapam budhâh etad /
/
dhi yoginâm uktam prânâyamasya laksanam. » Et l'on pourrait traduire:
« Mais de ces trois rétentions du souffle — rétention faible, rétention
moyenne et rétention supérieure —, celle qui produit successivement la
transpiration, le tremblement et la cessation de la respiration, est la meil-
leure à cause de la joie qu'eUe procure. Les sages appeUent prânâyâma
sagarbha celui qui est accompagné de récitation (mentale), et prânâyâma
agarbha celui qui n'est pas accompagné de récitation (mentale). Ainsi a
été exposé ce qui caractérise le prânâyâma des yogins. »
35. Les vyâhrtis sont des noms mystiques qui désignent les mondes. Selon
les textes anciens, il y a trois vyâhrtis: « bhûr (terre), bhuvar (atmosphère),
svar (ciel).)) Selon les textes les plus récents, il y a sept vyâhrtis: «bhûr,
bhuvar, svar, mahar, janar, tapar, satya, » Chacune de ces sept vyâhrtis
désigne un des sept mondes. Satya désigne le satyaloka, le monde de la
réalité absolue, le monde suprême.
37. Les définitions données ici par l'auteur diffèrent un peu des défini-
tions habituelles. Pour lui, ce qu'il y a d'essentiel dans le pûraka, c'est
non
pas qu'il remplit la poitrine, mais qu'il retient le recaka, qui tend à ex-
pulser l'air inspiré. Le kumbhaka, qui est l'arrêt produit par l'équihbre des
tendances opposées du recaka et du pûraka, supprime le mouvement de l'air
à l'intérieur du corps.
NOTES DU CHAPITRE XI 197
40. Peut-être, pour éviter l'hiatus, faut-il adopter la leçon : âlambya bud-
dher, qui est la leçon des mss. B, G, E et H.
L'expression pratyantarair asrstâ paraît d'abord obscure, pratyantara
est un mot rare qui, semble-t-il, est l'équivalent de pratyanantara et signi-
fie par conséquent: «qui se trouve à proximité», asrstâ signifie ici, je
pense, non pas « non créée », mais « non déliée, non détachée, non dis-
traite ».
41. L'interprétation que je propose est très incertaine. L'auteur semble
vouloir dire que ce qui caractérise le samâdhi et ce qui le distingue du
dhyàna, c'est que, dans le samâdhi, la pensée devient indépendante de l'en-
droit du corps sur lequel eUe s'est d'abord fixée pour se concentrer, qu'elle
se confond avec son objet (qui est le brahman ou le Seigneur), et que la
certitude qu'elle acquiert, provient uniquement de cet objet.
42. A propos de cette stance, M. P. Oltramare (Histoire des idées théo-
sophiques de l'Inde, I, p. 335) a écrit : « L'îsvaragïtâ nous apprend que
la dhâranâ dure autant que douze prânàyâmas, que le dhyàna équivaut
à douze dhàranàs et que le samâdhi équivaut à douze dhyànas. En comp-
tant quatre secondes par prânâyâma, cela ne donne pas tout à fait deux
heures pour le samâdhi. » Je crois que c'est faire erreur que de ne comp-
ter que quatre secondes par prânâyâma, et que par conséquent la conclu-
sion de M. P. Oltramare ne peut être acceptée. En effet, selon la st. 32 de
ce chapitre, un prânâyâma dure au moins douze màtrâs et, selon Vàcaspa-
timisra (Comm. ad Yogasûtra, II, 50), une màtrà est le temps qu'il faut
pour frotter trois fois la rotule avec la main et faire claquer le pouce et
l'index, ou le temps normal qu'il faut à un homme en bonne santé pour une
inspiration et une expiration. D'aiUeurs, si le prânâyâma inférieur ne dure
que douze màtrâs, la durée du prânâyâma moyen est de 24 nâtras, et celle
du prânâyâma supérieur, de 36 màtrâs.
L'expression dhyânam dvâdasakam peut signifier « le douzième dhyàna »
ou « un dhyàna composé de douze dhyânas ».
48. Le mot jantu désigne toutes sortes de petits animaux inférieurs, tels
que les vers et les insectes.
52. Ganesa, le dieu à tête d'éléphant, le dieu qui renverse tous les obsta-
cles, et que l'on invoque au début de toute entreprise difficile.
55-57. Le lotus symbolique qui est décrit ici, est l'image même du yoga.
Sa racine, ou plutôt son bulbe (kanda), c'est le dharma, car, avant de pra-
tiquer les exercices de la disciphne ascétique, il faut que le yogin observe
198 L'ÎSVARAGÏTÂ
63.Il faut distinguer entre l'être irrévélé, qui, plongé dans la prakrti,
apparaît omniforme, et l'être absolu, qui n'a qu'une seule et unique forme.
64. Le mot tattvâni désigne ici, je pense, les vingt-cinq principes du
sâmkhya: le purusa, la prakrti, la buddhi, l'ahamkàra, le manas, les cinq
organes de la sensation et les cinq organes de l'action, les cinq éléments
subtils et les cinq grands éléments.
65-66. tenaiva jfiânavârinâ (par cette eau lustrale de la connaissance).
Cette expression mystique semble désigner la sainte syHabe « om », qui est
comme une eau lustrale au moyen de laquelle le yogin purifie sa connais-
sance. Cf. visodhya sarvatattvâni pranavena dans la stance précédente.
C'est pour ressembler à Siva, pour s'identifier à Siva, que le yogin se
couvre le corps de cendre; en effet, selon la tradition, Siva, après avoir
détruit l'univers d'un regard, s'est couvert le corps de ses cendres.
Je n'ai pas pu trouver dans les textes la formule « agnir âditya » indi-
quée ici.
200 L'ïéVARAGÏTÂ
130. Vâmadeva est le nom d'un ancien rsi considéré comme l'auteur de
la majeure partie du quatrième Hvre du Rgveda. C'est aussi le nom d'un
des onze Rudras (manifestations ou incarnations de Siva). Pour notre
auteur, le rsi Vâmadeva et le Rudra Vâmadeva ne sont, semble-t-il, qu'un
seul et même personnage.
Kàla (le Temps, la Mort) est un des noms de Siva. Le Rudra Vâmadeva
est représenté ici comme portant le trident de Siva.
131. L'auteur fait ici une claire aUusion à la Bhagavadgïtà. C'est en
effet dans la Bhagavadgïtà que Krsna (incarnation de Visnu) enseigne au
héros Arjuna la science divine.
Ddvakï est le nom de la mère de Krsna.
132. Girisa (le dieu qui habite la montagne) est un des noms de Siva.
133. Sthânu (le dieu immobile) est un des noms de Siva qui, dit-on,
lorsqu'il pratique l'ascétisme, reste aussi immobile qu'un tronc d'arbre
(stânu).
135. Ce qui caractérise le karmayoga, c'est l'acte désintéressé, c'est le
renoncement. Cf. Bhagavadgïtà Chap. III.
136. Saunaka est le nom d'un ancien sage, qui est considéré comme l'au-
teur du Rgvedapràtisàkhya et de la Brhaddevatâ. Selon le Visnu-Purâna,
il était fils du rsi Grtsamada. Cf. I, 9.
137. L'auteur exprime ici d'une manière singulière son désir de concilier
le cul';e de Siva et le culte de Visnu.
139-142. Il y a ici peut-être une interpolation. Selon une note de l'édi-
tion de Calcutta, les pâdas c et d de la stance 139, les stances 140 et 141, et
les pàdas a et b de la stance 142 manquent dans les manuscrits A, E et H.
141. L'auteur fait aUusion ici à ce qui est raconté dans le premier chapi-
tre du Kûrma-Purâna: « purâmrtârtham daiteyadânavaih saha devatâh man-
thânam mandaram krtvâ, mamanthuh ksïrasâgaramj maihyamân-e tadâ tas-
min, kûrmarûpï janârdanah babhâra mandaram devo devânâm hitakâmyayâ
tejasâ visnum avyaktam nâradâdyâ maharsayuh mohitâh saha sakrena
êreyovacanam abruvan (Kûrma-Purâna, Pûrvavibhâga, I, st. 27 sq.).
146. Peut-être faut-il adopter la leçon de B et traduire « C'est pourquoi
il faut que les hommes pieux, et particulièrement les brahmanes, l'étudient
avec le plus grand soin, et l'écoutent, et y pensent, toujours. »
VARIANTES
SIGLES
I
1,b — Ca: prabhuh; B, Bo.v: tatah; E, G, H, Bo.v.2: subhah. — Je lis:
« prabho », qui est la leçon de Bo.
1, c. — B, Bo.v : brahmàndasyàsya vistàro.
3, b. — B, Bo.v : duhkhanàsanam uttamam.
3, d. — B, E, H : yena pasyema tat param.
6, d. — B : yatra yatra samâsate.
8, c. d. — B, Bo.v: pradaksinîkrtya gurum prànjalih pàrsvato 'bhavat; F:
pranamya sirasà bhûmau prànjalih pàrsvato 'bhavat.
9, e. — B, Bo.v : samàsvâsyàsanam tasmai.
10, a. — Bo : athaitàn abravïd.
10, c. — B, Bo.v: kaccin na tapaso hânih.
11, a. — B : tatah sa sûtah.
12, c. — B : jàyate caiva.
15, d. — B : svayam yat samabhâsata.
17, a. — B, F, Bo.v: kapilo yogï.
18, b. — Ca, Bo : sarve samyamàvistaeetasah. — Je lis : « sarve samsayà-
vistacetasah », qui est la leçon de B, F, Bo.v. (cf. st. 25).
19, b. — B, Bo.v : dharmasutam sucim.
23, a, — Ca, Bo : vayam samyamam âpannàh. — Je lis : « vayam samsayam
âpannâh », qui est la leçon de B, F, Bo.v. (cf. st. 25).
23,c. •— B, Bo.v: bhavantam eva.
24, c. — B : nàrâyanah parah.
25, c. — B, F, Bo.v : susrûsàsmàkam akhilam.
26,c. — B: kâ mûrtih.
27, a. — B, E, H, Bo.v : kah samsârapatïsânah.
28, c. — B : tâpasam rflpam.
34, d. — B : samhârakârana.
37, d. — B, Bo.v : mamàcyuta.
41, a. — Bo : tvam hi vetsi.
41, c. — B : tatas tvam àtmanâtmânam..
43, a. — B, Bo.v: sandarsanâd umesasya.
206 L'ïéVARAGÏTÂ
II
2,b. — B, E, F, H: brahmabhûtâ.
2, c. — B : prapasyanti.
4, ab. — B, Bo.v: kevalah susthah sântah; F, Bo.v.2: kevalah sântah
sflksmah.
4, d. — B, Bo.v : cinmayas tâmasah parah ; F, Bo.v.2 : tanmanâh parah.
5, c. — B, F : sa kàlo 'gnir.
6, c. — B : amâyï màyayà.
7, — Cette stance manque dans B.
7, b. — E, F, G, H : na ca samsârayet prabhuh.
8, c. — Bo, B : na rûparasagandhàs ca.
9, c. — B, Bo.v : na kartà na ca bhoktâ va.
9,f. — B, Bo.v: caitanyam paramârthatah; F, H: caitanye paramârthatah.
10, a. — B : na râgadvesatamasoh.
10, c. — Vij : tâvad aikyam na sambaddham.
12, a. — B : tathâtmâ mafinah susthah ; Vij : yady âtmâ malino 'svaceho.
14,b. — B: krsah kàleti.
15, a. — B : vidanti vedavidvâmsah.
16, a. — B, Vij : tasmâd ajnânamùlo 'yam.
18, a, — B : pasyanti hy arsayo.
18, c. — B, Bo.v: pradhânam prakrtim buddhvà: F, Bo.v.2: pradhànam
prakrtim buddheh.
19, a. — B, Bo.v: tenàtra sangato hy àtmà.
20, b. — B, Bo.v: tasmât sukham.
21, a. — B, F : karmàny asya bhaved dosah ; Vij : kàryo hy asya bhaved
dosah.
21, b. — B, H, Vij : iti srutih.
21, c. — Vij : taddosàd eva sarvesàm.
VARIANTES 207
III
IV
1, d. — B : yenedam sampravartate.
3, a. — B, Bo.v : sarvabhàvânâm.
3,b. — B: sarvagah.
4, d. — B, Bo.v : loke 'smin visvatomukhah.
5, c. — B, F : brahmâno manavah.
6, a. — B : satatam devà.
6,c. — B, Bo.v: vividhair agnim; F, Bo.v.2: vividhair agnau.
7, a. — B, Bo.v : sarve lokâ namasyanti.
8,b. — B, F: bhoktâ caika.
8, d. — B, F : sarvasamstutah ; Bo : sarvasamplutah.
9, b. — B, F : ye bhaktyà mâm upàsate.
10, d. — B : kâlena mayi samgatàh.
11, a. — B : na madbhaktà vinasyanti.
11, c. — B : âdàv etad.
11, d. — B : na madbhaktah.
12, c. — B : yo hi tam pûjayed.
16, a. — B : aham vai.
17, b. — B : srastàham paripâlakah.
20. — B et Bo, après le mot « jagat », intercalent les pàdas a et b de la
stance 27.
21, d. — B, Bo.v: 'ham eva hi jaganmayah.
VARIANTES 209
VI
VII
VIII
1, d. — B : ghorasamsârasâgaram.
2, a. — Ca, Bo: ayam brahmâ tamah; B, Bo.v: aham brahmà tamah. -
Je lis : « aham brahmamayah », qui est la leçon de F et Bo.v.2.
3,c. — B: mûlamàyàbhidhànan tu.
4, b. — B, Bo.v: mahân bhûtàdir eva ca.
4,cd.— B: tanmâtràni mahâbhùtânîndriyàni ca.
5, a. — Ca : abhavad vaimam.
5, b. — B : sûryakoti-.
6, b. — B : manmayâh.
7,ab. — B : yâs ca yonisu sarvâsu sambhavanti hi mûrtayah.
7, c. — B, Bo.v : tâsàm mâyâ para yonir.
8, a. — B, Bo.v : màyàm eva vijànâti.
8, b. — B : bïjinam pitaram vibhum.
8, c. — B : sa dhïrah.
11, d. — B : tato yâti param padam.
13, b. — B, F, Bo.v : svatantratà nityam.
14,c. — B: prakrtih sa sàdhanam.
14, d. — B, Bo.v: prokto viniyogo 'pi tena.
16, c. — Ca, Bo : mrtyum. — « mrtyur » est une conjecture.
16, d. — A, E, H : veda ekah sa eva.
17, b. — B, Bo.v : tv ekâtmânam.
17, d. — B, Bo.v: procyate vedavidbhih.
18, a. — B : guhàsayam prabhum.
18, b. — B, Bo.v : param purânam.
18, d. — E, H, Bo.v : abuddhimàn buddhim.
IX
XI
2, a. — B : yogàgnir dahati.
2,b. — B, Bo.v: pàpasancayam.
2, d-3, a. — Ces deux pàdas manquent dans A, E, et H.
4, b. — B : nityam eva va.
5, a. — A, E, H : yogas tu prathamo jneyo.
5,c. — A, E, H, Bo.v: anuphâ sunaphâ yogah.
7, c. — B, Bo.v: sa mahàyogo.
7, d. — B, Bo.v : paramesvarah.
10, a. — B, Bo.v : sahasraso 'tha sataso.
11, b. — Ca : pratyâharopadhàranà. — Je lis « pratyâharo 'tha dhâranâ »,
qui est la leçon de Bo, B et G.
12,b. — B, F, Bo.v.2: vrttântaraniyogatah; Bo.v: vrttyantaraniyogatah.
15, d. — B, Bo.v : sa tv ahimsaiva kîrttità:
17, b. — B : cauryàd vàtha balena va.
23, c. — Ca : uttarottaravaisisyam.
25, d. — B, Bo.v : sahasravàciko japah.
26,b. — B: parispandavivarjitam.
27, a. — B, E, H, Bo.v : yadrcchâlâbhato nityam.
27,c. — Bo.v: yàm nisthâm rsayah.
29, d. — B : îsvarapùjanam.
30, ab. — Ces deux pâdas manquent dans A.
31,c. — B, E, H: sa eva dvividhah.
32, d. — B, E, H, Bo.v : màtrikottamah.
33, a. — B: prasvedakampanotthàna-; G. Bo.v: yah svedakampanotthâna-.
33, b. — Bo : -janakas tu yathâkramam.
33, cd. — B, Bo.v: mandamadhyamamukhyànâmànandàd uttamottamah.
VARIANTES 215
34,ab. — B: sagarbham âhus tam yogam agarbhavijapam budhâh; Bo.v:
sagarbham âhuh sajapam agarbhavijayam budhâh,
34,c. — B, Bo.v: etad dhi yoginâm uktam.
35, d. — B : prànâyàmah sa ucyate.
36, b. — B : prànâyâmas tu kumbhakah.
37, a. — B, Bo.v: recako 'jasranisvâsàd.
37, b. — B : tannirodhatah.
40, b. — B, G, E, H, Bo.v: buddher yâ vrttisantatih.
40,c. — B, Bo.v: vrttyantarair asamsprstâ; G: vrttyantarair asamsrstâ.
41, d. — B, Bo.v : yogasàdhanam uttamam.
46. — Cette stance manque dans B.
48,c. — B, Bo.v: sasabde sabhaye.
49, cd. — Ces deux pàdas manquent dans A.
50, ab. — Ces deux pàdas manquent dans A.
51, a. — B, Bo.v: grhe va susubhe ramye.
51, c. — B, Bo.v: yunjïta yogî.
51, d. — B, Bo.v: matparâyanah.
52, c. — B, H : gurun caivâtha.
55, d. — Bo : jnànenàlam.
57, b. — Bo : yam prâhur divyam avyayam.
57, d. — B, Bo.v : rasmijàlasamâkulam.
58, b. — B, Bo.v : svàtmânam tadabhedatah ; G, H, Bo.v.2 : svâtmànandam
abhedatah.
58, c. — B, H, Bo.v : dhyàyïtâkâsamadhyastham.
60, a. — B, F, Bo.v: àtmânam atha kartâram.
62,b. — B, F, H, Bo.v: sivam acyutam.
62, c. — B, Bo.v : anantam pràkrtau.
63, c. — B : dhyâyîta tanmanà.
64, c. — B, H, Bo : samsthâpya mayi càtmânam.
65, a. — B, H: plàvayitvàtmanâ deham; Bo: plâvayitvâtmano deham.
65, c. — B : manmayah.
65, d. — B, Bo.v: tv agnihotrajam; Bo: tv agnihotrikam.
66, b. — B : agnir ityâdimantratah.
67, c. — B, H, Bo.v : sarvavedàntasàro 'yam.
67, d. — B : yatyàsrama iti srutih.
68, b. — B : matsâyujyopapàdakam.
70, b. — Ca, Bo : vratam asya na lupyate. — Je lis : « vratam asya tu lu-
pyate », qui est la leçon de B et F.
70, d. — B : tadvratam vodhum.
71,c. — Bo.v: bahavo jnânatapasâ.
216 L'ÎSVARAGÏTÂ
III, 9 ab cf. Bh. XIII, 19 ab : prakrtim purusam caiva viddhy anâdy ubhâv
api.
cf. Svet. V, 13: ...anâdyantam...
III, 11 ab cf. Bh. XIII, 21 ab : purusah prakrtistho hi bhunkte prakrtijân
gunân.
III, 18-19 cf. Bh. III, 42 : indriyâni paràny àhur indriyebhyah param ma-
/
nah manasas tu para buddhir yo buddheh parafas tu sah.
III, 18 ab cf. Kàth VI, 7 a: indriyebhyah param mano.
III, 18 d cf. Kàth III, 10 d : buddher àtmà mahân parah.
III,19ab = Kàth III, 11 ab.
III, 19 a cf. Kàth VI, 7 c : mahato 'vyaktam uttamam.
III, 19 b cf. Kàth VI, 8 a : avyaktàt tu parah puruso.
pasupàsavhnukti XI, 67. purusa II, 5. 11. 17. 27. 28. 48. —
pasubandhana VII, 21. III, 1. 8. 11. 15. 19. — IV, 2. 26.
pasubhrt VII, 32. — V, 5. 21. 24. 36. — VI, 8. 33.
pasyati I, 13. — II, 13. 26. 32. 35. 48. — VII, 1. 31. 32. — VIII, 4.
42. 47. 49. — IV, 5. 7. 8. 28. — 15. 18. — IX, 12. — X, 15. —
V, 16. 22. 25. 27. — VI, 49. — XI, 61.
VIII, 10. 11. — X, 2. 3. — XI, purusottama I, 23. 28. — III, 17.
7. 10. 114. 119. — V, 34. — XI, 118.
pânipâda II, 9. pulaha XI, 127.
pâtàla VI, 43. puskara VII, 11.
pâda VII, 23. — XI, 46. puspa IV, 13.
pâdatala XI, 44. 45. pùjana XI, 29.
papa XI, 143. 145. pûjayati (-te) IV, 12. — XI, 73.
pâpapanjara XI, 2. 88. 90. 115. 135.
pâpayoni XI, 104. pûjà I, 44. — XI, 29.
pâpopahatacetas XI, 105. pûjya VI, 28.
pâyu II, 9. — VII, 23. pûta XI, 71.
pàrvatï VI, 34. pûraka XI, 36. 37.
pàlayati VI, 37. — XI, 19. purusa II, 9. 18.
pàvaka VII, 4. pûrva X, 1.
pâvaki VII, 9. prthaktva IX, 5.
pâvayati XI, 65. prthagbhàva II, 34.
pâsa VII, 16. 19. 21. 28. 29. 30. 32. prthvï II, 7.
— XI, 67. paurânika I, 5.
pâsupata XI, 67. paurnsa VII, 13.
pitr IV, 5. — VIII, 6. 7. 8. — XI, prakâsa II, 10.
129. prakâsate II, 25.
pinâkadhrk XI, 119. 130. prakïrtita XI, 15.
pinâkin V, 13. prakrti II, 9. 15. 16. — III, 10. 12.
pibati V, 36. 15. — V, 28. 35. 36. — VI, 46.
pisàca VI, 39. — VII, 22. 26. 31. — VIII, 14.
pundarïkâksa I, 37. 51. 15. — XI, 62.
punya I, 18. 21. prakrtisamgata II, 16.
punyadesa XI, 50. prakrtistha III, 11. — V, 41.
putra II, 55. prajà III, 16. — VI, 30. 37.
putrâdi XI, 92. prajâpati VI, 40. — VII, 11. —
punarudbhava XI, 114. VIII, 9. — XI, 127.
pumams IX, 8. — XI, 22. 27. pranava VII, 13. — X, 15. — XI,
purâna I, 24. — V, 21. 24. 36. 38. 22. 35. 64. 99.
— VII, 3. 32. — VIII, 16. 18. pratijnâta IV, 11.
240 L'ISVARAGÏTA
yaksa VI, 39. — VII, 10. 1. 3. 6. 16. 46. — VI, 27. — VII,
yajati (-te) XI, 72. 89. 92. 4. — VIII, 16. — IX, 19. — X, 17.
yajus VII, 12. —XI, 8. 10. 34. 36. 52. 76. 94. 98.
yajna IV, 6. 120. 124.
yajvan VI, 22. yogindra I, 35. — II, 54. — XI, 52.
yatacittâtman XI, 83. 109. 127.
yotati II, 1. yogîsa XI, 85.
yatamânasa XI, 10. 36. yogîsvara I, 15.
yatâtman XI, 76. yogesvara IV, 29. — V, 38.
yati V, 29. yoni V, 16. — VI, 47. — VIII, 3. 7.
yathàtmya V, 45. 15. — XI, 104.
yathârthakathanâeâra XI, 16.
yadrcchâlâblia XI, 27. 84. rakta II, 28.
yantra VII, 12. raktikâ II, 28.
yama VI, 23. — XI, 11. 13. 30. raksaka VI, 27.
yukta IX, 7. — XI, 99. 145. raksana XI, 140.
yuga VI, 41. — VII, 10. raksas VI, 25. 39. — VII, 11.
yunkte X, 17. — XI, 4. 51. 52. raksitr VI, 2.
yujyate IV, 31. rajataprabba XI, 94.
yoga I, 2. — II, 40. 41. 42. — IV, 27. rajas VII, 26.
31. — V, 21. — X, 17. — XI, 1. ratna XI, 96.
3. 5. 6. 7. 8. 9. 12. 34. 46. 47. 51. rasmijvâlâsamâkula XI, 57.
67. 71. 72. 73. 107. rasa II, 8. — VII, 24.
yogaksema XI, 88. rahasya X, 17. — XI, 106.
yogajnâna II, 41. râga II, 20. — VII, 29. — XI, 71.
yogajnânâbhiyukta XI, 3. Il, m. - râjasa VII, 27.
yogatattvajfia V, 3. râma VII, 5.
yogamâyâsamâvrta V, 16. rukmavarna V, 22.
yogavittama I, 20. — XI, 124. rudra 1,14.16. 31. — V, 7.17.19. 21.
yogavid IV, 32. 31. 33. 35. 40. — VI, 15. 27. 38. —
yogasasana XI, 41. VII, 5. — VIII, 16. — XI, 130.
yogasamâsraya II, 55. 132. 133.
yogasiddhi I, 42. rudrarûpin IV, 22.
yogasiddhida V, 46. rùpa II, 8. — IV, 20. — V, 17. 36.
yogasiddhipradâyin XI, 20. 37. 41. 43. — VI, 4.
— VII, 24. —
yogâgni XI, 2. VIII, 15.
yogâtman I, 47. — V, 26. reeaka XI, 36. 37.
yogânandamaya V, 14. raibhya V, 18.
yogin I, 20. — II, 30. 42. 43. 52. 55.
— IV, 7. 15. 16. 18. 29. 32. — V, laksana VII, 25. — XI, 24. 34.
INDEX 245
VIII, 5. 13. 15. — IX, 3. 6. — 40. — X, 12. 16. — XI, 29. 62.
XI, 57. 103. 108. 134. 137.
saktyâtmaka VI, 50. sisya II, 55. — VI, 27. — XI, 52.
sakya X, 4. 108. 110. 122.
Iakra IV, 5. — VI, 22. — XI, 141. sukra I, 17. — V, 18.
samkara I, 43. 48. — V, 45. — VII, suci XI, 73. 78.
5. — XI, 135. suddha II, 4. 29. 53. — X, 6. 14.
sankhacakragadâpâni I, 30. 15. — XI, 144.
satakratu VII, 6. suskaparnaeaya XI, 47.
satarudriya VII, 12. — XI, 22. 100. sûdra IV, 10.
sabda II, 8. — VII, 24. — XI, 26. sûnya V, 36. SIj-i6r
sabdabodbajanana XI, 24. sûla V, 9.
sambhu I, 35. — VII, 4. — XI, sûlin I, 43.
134. srnoti II, 47. — III, 1. — V, 45. —
Éarana I, 39. — V, 26. — XI, 81. VI, 1. — VII, 1. — XI, 45.
134. sesa VI, 35.
saranya XI, 133. 138. Éauca XI, 20. 28. 69.
sarïra V, 22. — VI, 19. saunaka I, 9. — XI, 136.
sarïrasosana XI, 21. smasâna XI, 48.
sastrabhrt VII, 5. sraddadbâna II, 30.
sânta I, 12. — III, 6. 20. — V, 6. srâvayati XI, 144.
22. 29. — VIII, 2. — X, 10. — srita IX, 2.
XI, 54.112. 123. sri I, 30. — VI, 31.
sântacitta XI, 108. sruta I, 10.
sânti IX, 17. sruti II, 5. — X, 3. — XI, 67.
sârîra XI, 83. srûyate XI, 8.
sârngahasta I, 30. êrotavya II, 29. — XI, 146.
sâsvata III, 5. — V, 15. — VII, 2. srotra VII, 23.
248 L'ÏSVARAGÏTl