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Finalité de L'education
Finalité de L'education
Finalité de L'education
Finalités
de l'éducation
Préparé pour le
Bureau international
d'éducation
Dans la collection &tudes et enqu&tes d’kducation comparke))
Etude statistique sur les déperditions scolaires. 1972.127 p.
Fernig, L.R.The place of information in educational development. 1980. 135 p.
[Résumésen français et en espagnol]
Finalités de I’éducation.1981.240p.
Goble,N.M.;Porter,J.F.L’évolution du rôle du maître: perspectives internatio-
nales. 1977.257 p.
Haag, D.Pour le droit à I’éducation:quelle gestion? 179 p.
Havelock,R.G.;Huberman,A.M.Innovation et problèmes de I’éducation: théorie
et réalité dans les pays en développement. 1980.410 p.
Hummel,C.L’éducationd’aujourd’hui face au monde de demain. 1977.208p.
Initiatives en éducation: une esquisseà I‘échelle mondiale, 1971-1972.1973.130 p.
Pauli, L.;Brimer, M.A.La déperdition scolaire: un problème mondial. 1971.
163 p.
Thomas,J. Les grands probkmes de l’éducation dans le monde: essai d’analyse et
de synthèse. 1975. 172 p.
Wall,W.D. Constructive education for adolescents. 1977.333 p. [Enanglais seu-
lement]
Wall,W.D.
Constructive education for special groups: handicapped and deviant
children. 1979.144 p. [Enanglais seulement]
Wall,W.D.
L’éducation constructive des enfants. 1979.348 p.
.,a‘
ISBN 92-3-201970-1
OUnesco 1981
Préface
Bibliographie,p. 238
Introduction
par Ch.Fitouri
échanges, les contacts ainsi que les influences réciproques que subissent les
divers Etats suscitent, au niveau de l'éducation,une dialectique du Singulier et
de l'universel qui conduit inéluctablement soit A la désintégration de ce qui fait
l'originalité de chaque système particulier, soit A la dépersonnahsation de ces
systèmes et donc A leur dissolution progressive, soit enfin,par une stimulation
réciproque, A l'authentification de chaque système particulier par sa contri-
bution effective A l'élaboration d'un inéluctable Universel de l'éducation plei-
nement recherché et voulu.
Cette première invitation A la réflexion sur le problème des finalités de
l'éducation rapporté A celui des innovations éducatives suscita d'emblée
l'intérêt, voire l'enthousiasme des participants. Qu'il nous suffise de citer A titre
d'illustration ces quelques lignes d'une communication présentée A cette occa-
sion par Claude Pantdon, professeur de philosophie de l'éducation A l'EPSE6:
Quand on étudie la formation des adultes (voir par exemple le rapport sur L'enseignement
secondaire de demain), on se trouve d'ordinaire en face d'innovations nombreuses et intd-
ressantes qui présentent & diffdrents titres une lacune grave: l'absence de réflexion fonda-
mentale touchant leurfinalité.Pas ou peu d'approfondissement quant &la visée, &l'horizon,
aux finalités des systèmes kducatifs proposés & partir desquels on déterminerait une série
d'objectifs, un ordre de priorité, de dispositions et de structures concrètes propres & les
mettre en œuvre. D'ordinaire, on s'en tient & des dklarations de principe souvent vagues,
A des mots d'ordre, & des idées & la mode parfois contradictoires entre eux, qui ne par-
viennent point ii orienter, A modeler d'une manière apprdciable les systèmes éducatifsmis
en place.
Cette absence de rdflexion fondamentale,son défaut d'élaboration, son inefficacité et sa
marginalité laissent la porte ouverte & des mesures d'adaptation, d'accommodation au
changement, de rdgulation dans lesquelles les pressions dconomiques, les factions et les
manœuvres politiques, les tendances technocratiques, le dynamisme et l'inertie propres
aux systèmes éducatifs,aux institutions et ii leur fonctionnement,se donnent libre cours.
11 en rdsulte que partout le changement est prhnisd, que partout on assiste effec-
tivement & des modifications sans que jamais ne soit véritablement posée la question de la
finalité de ces bouleversements. D e sorte qu'on en vient & se demander si tous ces change-
ments ne masquent pas une inertie profonde et &conclure comme cet enfant interrogé par
Piaget que ((plusça change, plus c'est pareil)). Pour l'essentiel, l'dducation ne reste-t-elle
pas surtout au service du rendement, des systèmes dconomiques, de la croissance, du
maintien des privilèges, de l'enrdgimentation, en un mot de la reproduction plutôt qu'au
service de l'homme?7
Les préoccupations du Bureau international d'éducation semblaient ainsi
rejoindre celles des philosophes de l'éducation et correspondre A un besoin réel
de la communauté des éducateurs. C'est ce qui l'encouragea A poursuivre l'effort
en mettant sur pied un programme A moyen terme s'étendant sur une période de
cinq années (1975-1980)et dont le présent ouvrage constitue, en quelque sorte,
le couronnement.
Sur proposition des participants A la réunion de 1974, un élargissement aux
principales parties du monde du cercle des consultants fut envisagé et une
coopération étroite avec la Division de la philosophie de l'Unesco décidée. Cette
coopération dura pendant tout le biennium 1975-1976.
10 Finalités de I'éducation
centrale, il y a une certaine id& de l'homme, de l'homme avec toutes ses dimensions -
individuelles et sociales, historiques et supra-historiques(s'il y a lieu). Cette id& de
l'homme ne peut &tre rdalis& par decision,ni par dkret.Elle s'établitpar le moyen defina-
litès dont la conception dynamise la politique de l'éducation et se retrouve à tous les moments
de l'ensemble des processus qui en réalisent les objectijs. Ainsi les couples philosophie-fina-
litCs et politique-objectifs vont de pair, mais le premier est comme l'axe invisible dont le
second est la manifestation visible et plus aisdment exprimable. Le premier est si difficile
ment exprimable - soit parce que cend tvident, soit parce que demeurt inconscient - que
parfois il demeure effectivement inexprimt [.. .]U n e philosophie de l'dducation apparaît
alors non comme un systkme englobant politique et objectif planifits, mais comme un
dynamisme pouvant vitaliser une diversitt de systkmes - avec leurs politiques et leurs
objectifs -, les orientant vers une certaine conception de l'homme ouverte et en devenir, avec
pour finalitts d'accomplir l'homme, de le conduire A sa pldnitude individuelle et sociale, en
développant en lui les prdrogatives et les responsabilitts de sa nature proprement
humaine.l2
C'est cette conception de l'homme qui est 2i la source des divergences et des
convergences entre les diverses plulosophies de l'tducation - et par voie de
conséquence, souvent,entre les divers systèmes éducatifs -lesquelles sont corré-
latives des différences culturelles, politiques, économiques et sociales qui
existent entre les régions et les Etats. Ces divergences et ces convergences sont
aussi un produit de l'histoire des peuples et des cultures et un aspect essentiel du
patrimoine de l'humanité sur lequel s'est fondée et se fonde encore toute visée
éducative authentique.
Mais quelque précieux qu'il soit,et tout en constituant le fondement m ê m e de
l'identité des peuples, ce patrimoine ne doit pas faire perdre de vue la conjonc-
ture internationale sans précédent qui impose 2i toutes les nations du monde une
communauté de destin tant pour le meilleur que pour le pire. En effet, qu'il
Introduction 11
Tout en replaçant des débats dans le cadre conceptuel général déjja tracé par
la réunion de Genève, la 2e Réunion a tenté, d'une part, de dégager les grandes
orientationsde la réflexion et de la recherche sur les finahtés de l'éducation qui
soient de nature A concilier les impératifs d'ordre régional ou national avec les
exigences de la coopération internationale et, d'autre part, de tracer les grandes
lignes d'un programme ja moyen terme qui permettrait de faire avancer la
réflexion et la recherche sur le problème des ctthkories et finahtés de l'édu-
cation)).
Avant de prockder ja l'examen des études qui lui étaient soumises,la réunion
engagea un débat génkral centré sur les trois questions suivantes:
- Les finalités de l'éducation relkvent-elles de la pure spéculation ou, au
contraire, émergent-elles du réel vécu en tant que contexte social et environ-
nement culturel?
- Comment les finahtés de l'éducation se définissent-ellespar rapport aux poli-
tiques éducatives?
- Quel est le rapport de l'éducation avec l'histoire?
Les réponses données au cours du débat A ces questions furent, malgré leur
apparente contradiction, largement complkmentaires.E n effet, tout en admet-
tant le côté ((idkaliste)),voire ((utopique)),des finalités, la réunion insista sur
l'aspect pratique de toute approche des finalités, si l'on veut tenir compte des
((destinataires))du projet qui sont naturellement différents selon la rkgion, le
pays ou le d e u social. Des exemples concrets empruntés ja l'Afrique, A l'hé-
rique latine et au Maghreb ont étk avancés pour mettre en garde contre le risque
que fait courir la spéculation abstraite sur les finalitks, risque qui consiste A pas-
ser A côté des problhmes concrets de l'éducation. D'où la nkcessité tout A la fois
de se garder de tomber dans le mythe en posant le problème en termes trop
abstraits et d'éviter les écueils de la politique A courte vue en adhkrant de trop
prks au réel. Il a été aussi rappelé qu'a côté des finalités explicites, fruit de la
réflexion des philosophes et des pédagogues,le réel social et éducatif recèle pres-
que toujours des finalités implicites qu'il faut savoir débusquer et analyser et
dont il faut tenir le plus grand compte si l'on tient A faire avancer la réflexion
sur l'éducation. Celle-ci, du reste, dépasse et de loin le cadre nécessairement
restrictif de l'éducation,car les finalités émergent de la vie de l'homme et préfi-
gurent tout son devenir: aussi doivent-ellesrester ouvertes pour laisser place A la
créativité et ja l'imagination.Toute réflexion sur les finalités de l'kducation ne
peut être, ja notre époque, qu'une réflexion profonde sur la crise des valeurs et
des institutions qu'elles sous-tendent,réflexion qui reste intimement liée au
dkveloppement scientifique et technologique et ja ses multiples retombées, au
façonnagede l'environnementculturel par les mass media, ainsi qu'A la conjonc-
ture économique et politique qui a orienté la communauté internationalevers la
recherche d'un ((nouvelordre économique international))dont les implications,
au plan éducatif, ne sont plus A démontrer. Mais,pour être en prise directe sur
l'actualité, cette réflexion n'est pas moins branchée sur l'histoire, du fait que
l'éducation vise, entre autres,l'adaptation critique de l'homme ja son temps afin
qu'il ne soit pas réduit ja n'Ctre qu'un témoin passif de l'histoire. Appréhendkes
14 Finalités de I'éducaiion
nationale, dépasser ces déchirements et ces conflits et voir si, malgré la spécifi-
cité des modtles culturels,il n'est pas possible et souhaitable de rechercher,dans
la diversité des finalitts de l'éducation, sinon des similitudes,du moins certaines
affinités? Et,parmi ces affinités,ne devrait-onpas se rappeler que toute fmalitt
de l'éducation devrait avoir pour visée essentielle l'homme pris dans sa totahté,
c'est-&-dire & la fois en tant que corps, en tant que m u r et en tant qu'esprit?
Dans cette volonté de mise en œuvre des diverses potentialités de l'homme, le
principe d'équilibre devrait être constamment respectt, de façon A ne tomber ni
dans le vertige des romantiques,ni dans les ex& des mystiques, ni dans les
errements de la société de consommation.D e plus, tout systkme tducatif devrait
inclure dans ses prioritts la satisfaction des besoins essentiels de l'enfant: pro-
tection sanitaire, sécurité alunentaire et nutritionnelle, développement affectif,
protection sociale,instruction et formation professionnelle. U n e finalitt essen-
tielle de tout systkme tducatif doit résider aussi dans le respect de la person-
nalité de l'enfant et des composantes de cette personnalitt. Parmi celles-ci,la
composante culturelle et son expression hguistique devraient être A la base de
toute politique éducative cohérente.
Il a été enfin rappelé que:
[. . .]l'enthousiasme et la fiertk en tant que constantes de la condition humaine, peuvent,
quand ils sont recherchks par le systbme kducatif, faire kviter & la jeunesse le pibge de la
pseudo-universalitk et les dangers du particularisme. Enthousiasme et fiertk ne peuvent
s'acqukrir que dans un climat kducatif facilitant la communication A tous les niveaux, et
voyant dans la diversitk et les diffkrences entre les individus comme entre les peuples une
source essentielle d'enrichissement et de progrbs: ce qui met en 6vidence le rapport intime
entre le contenu de l'kducation et le processus par lequel se transmet ce contenu. Dans un
tel climat, le systbme kducatif ne peut &re qu'un systbme ouvert au sein duquel l'innc~
vation apparaît soit comme une rkponse & un besoin interne de rkgknkration,soit comme
une rtaction vis-&-visdu rkel dans un but de singularisation.21
A u terme de leurs dtbats,les participants &cette deuxitme réunion sur les ((fina-
lités et les théories de l'tducationn adopttrent les recommandationssuivantes:
Les participants, d'accord pour dkvelopper et pousser plus avant la rkflexion sur les fina-
litks de l'kducation ont estime que:
1. l'Unesco devrait accorder une attention toute particulibre au dkveloppement, tant sur le
plan national que sur les plans rkgional et international,des ktudes comparatives por-
tant sur les finalitks de l'kducation, aussi bien du point de vue de leur influence sur le
dkveloppement des thkories de l'kducation (dimension historique) que sur celui de leur
impact sur le r kl kducatif (dimensionsociologique);
2. des kquipes multi-disciplinaires, comportant & la fois des philosophes, des historiens,
des pkdagogues,des sociologues, des kconomistes, des psychologues, des planificateurs,
etc.,soient impliqukes dans ce travail de rkflexion et de recherche;
3. les thbmes ci-dessousknumkrks soient consid6rks comme thbmes prioritaires:
3.1. Determination des finalitks sur lesquelles se fonde l'kducation pour la comprkhen-
Sion internationale et la paix.
3.2.Contributions de l'Unesco & l'klaboration et au dkveloppement d'une dimension
internationale de l'kducation fond& sur certaines conceptions de l'homme
moderne.
16 Finalités de réducation
NOTES ET REFERENCES
1. Faure, E. et al.Apprendre d .?ire.Paris,Fayard-Unesco,1972.368 p.
2. Ibid.,p. XVI.
3. Ibid.,p. XXIX-XXX.
4. Ibid.,p. XXXI.
5. Cette premibe rencontre a eu lieu A Genhve, au Bureau intemational d'tducation, du
15 au 17 mai 1974. Etaient rtunis, M m e Jeanne Hersch, MM. R e d Habachi, Jean
Lacroix,Claude Pantillon et Samuel Roller, ainsi que des membres du personnel du
BIE.
6. Ekole de psychologie et des sciences de l'tducation de l'universitt de Gen6ve; tngk
depuis au rang de Facultt.
18 Finalités de réducation
Elever les jeunes et leur montrer comment survivre est la préoccupation majeure
de l’esptce animale. Avec les êtres humains, cela prend longtemps et l’entreprise
devient complexe, la complexité et la difficulté augmentant A mesure que pro-
gresse la civilisation.Les capacités requises ne sont pas le fruit d’une génération
spontanée c o m m e le sous-produit de la croissance et de la maturation. Elles
doivent s’apprendre.
En plus d’acquérir les mécanismes manuels et intellectuels nécessaires pour
maitriser l’environnement, les jeunes humains doivent acquérir des connais-
sances sociales. Il leur faut connaître les droits et devoirs correspondant A leur
situation. Ils auront A apprendre comment communiquer avec les autres par la
parole, la lecture et par la chose écrite. La vie leur impose toujours d’intégrer en
eux les codes moraux de leur groupe: les notions de bien et de mal;le point de
savoir qui aimer ou admirer; qui haïr ou mépriser; quels sont les totems et les
tabous.Cet apprentissage est un processus trts sélectif dans lequel certains types
de comportement et de croyance se trouvent renforcés et d’autres extirpés. E n
effet, chaque collectivité humaine a des idées sur ce qu’elle souhaiterait que
fussent ses membres. Il existe des normes qui, si elles ne sont pas toujours appli-
cables, sont néanmoins acceptées c o m m e des idéaux. Chaque société non seule-
ment souhaite survivre, mais s’efforce de s’améliorer dans la direction qu’indi-
quent les idéaux, les mythes, les croyances et les idéologies qui constituent le
cadre de sa culture et de sa vie.
Cet apprentissage,A peu de chose prts, s’est partout et toujours poursuivi au
sein de la famille et au foyer. Mais A mesure que les sociétés humaines se déve-
loppent et deviennent plus complexes, d’autres personnes et organismes sont
appelés A intervenir: le chef de tribu, le sorcier,le prttre, le conseil des anciens,
le temple ou l’é&se. A vrai dire, dans le monde moderne, il est difficile de
concevoir une institution qui ne manifesterait pas, plus ou moins activement,de
l’intérCt pour l’enseignement et l’ktude. A u x efforts des parents et des groupes
autres qu’officiels s’ajoute l’intervention de 1’Etat qui, partout,a mis en place un
systkme d’écoles, de colltges, d’universités et d’autres établissements qui
emploient un grand nombre d’hommes et de femmes. Le coût total de ce
20 Finalités de réducation
système éducatif officiel est comparable ti celui des forces armées ou de toutes
les grandes activités que finance l'Etat.
Il serait surprenant qu'une entreprise aussi importante et ardue ne donne pas
constamment lieu A des discussions et A des polémiques. Naturellement,le grand
débat tourne autour des questions fondamentales suivantes: Quel genre de
société veut-on? Comment le mieux préparer les jeunes h se faire les artisans de
cette société idéale? Comment l'éducation - au sens le plus large - peut-elle être
organisée de manière A développer dans la jeunesse les qualités requises? En un
mot, la préoccupation majeure est de savoir quels sont les buts, les finalités,les
objectifs et les résultats A attendre. Bref, la justification du coût et du travail
énormes qu'implique la tâche apparaît c o m m e étant l'espoir de concrétiser les
aspirations des individus et des sociétés.
L'expost, l'examen et l'analyse des déclarations relatives aux finalités et aux
objectifs peuvent aider A éclairer, guider, solliciter ou canaliser les efforts pour
façonner l'avenir souhaité. Cet exposé sera plus facile si l'on établit des distinc-
tions entre les degrés de générahté considérés.
dCsaccord sont sans importance. C e qui importe avant tout, c’est de reconnaître
qu’il existe des difftrences dans les niveaux de gtnQalitC du discours qu’il
convient de ne pas perdre de vue lorsqu’on Ctablit des comparaisons.
Les dkclarations concernant les aspirations en matière d’kducation se réfèrent
d’ordinaire A une action qu’il est propost de mener A l’avenir; mais elles puisent
toujours leurs racines dans le passt: la terre qui les noumt peut être de caractère
religieux, philosophique ou mktaphysique; elles peuvent reposer sur les paroles
de sages, de saints ou de fondateurs de systtmes religieux; elles peuvent reprC-
senter la structure fossiliste de luttes sociales,politiques et idtologiques menCes
voici bien longtemps. Elles ne sont pas le fruit d’une gtnkration spontante; ce
sont des produits de l’histoire qu’il importe d’analyser c o m m e tels. Les finalitts,
les buts et les objectifs en kducation sont nCgociCs et formulks dans des circons-
tances historiques et sociales particulitres par des personnes particulitres. Les
objectifs frkquemment,les buts A l’occasion et les finalitts parfois sont repensts
pour rtpondre aux nouvelles circonstances que connaissent l’kducation et la
socittC, et A travers la façon dont les gens, dans ces circonstances,perçoivent la
nature d’un probltme et jugent quelle doit être la dkmarche suivante.
C‘est ce qui ressort clairement si l’on se rappelle que l’enseignement de masse
est une invention sociale des XIXe et X X e sitcles. Le coût des nouvelles institu-
tions Ctant Cnorme,c’est l’Etat,plus que l’Eghse, qui est intervenu; mais il fallait
justifier pareille intervention.Des dtbats ont soulignk les raisons pour lesquelles
l’intervention de l’Etat était nkcessaire. L‘tvolution de la situation sociale et ko-
nomique, qui aux yeux des rtformateurs exigeait d’en venir A un enseignement
de masse, a 6tC invoquk. Il fallait donner une id& des espkrances A concevoir
quant aux moyens de rtsoudre les problèmes grfice aux nouvelles institutions.
Les tâches de l’tcole nouvelle (lesfinalitts, buts et objectifs tducatifs) ont CtC
expods.
Dans cette affaire, sociologues et phdosophes, politiciens et hommes
d‘affaires,ainsi que groupes religieux et linguistiques landrent, invoqutrent ou
rkcusèrent les thtories sur la sociktk juste,les pratiques pkdagogiques nationales
et traditionnelles actuelles,les notions de nhssitt konomique nationale et les
exemples d’autres nations. Mais le rtsultat,dans la plupart des pays du monde,
a CtC de rktquilibrer le rdle social et kducatif de la farculle ou de la,tribu, de
l’administration publique et des institutions kconomiques et religieuses. L‘une
des conskquences a ttt qu’il est devenu possible de parler de systèmes scolaires
et d’analyser les finalitts, les buts et les objectifs de I’éducution en termes qui
valent A peu de chose prts pour l’ensemblede la planète.
Les politiques de I’éducation, qu’elles soient définies par des organes privés
c o m m e les associations professionnelles ou par des administrations publiques,
proposent en règle générale des changements. Elles sont donc orientées vers
l’action. Les recommandations ou déclarations d’intentions s’appuient en
principe sur des arguments phdosophiques, historiques et sociologiques qui
justifient des déclarations,parfois revues, et dans certains cas des interprétations
nouvelles des finalités,buts et objectifs. Ces derniers peuvent avoir été dmociés
dans une certaine mesure aux fins d’analyse; mais dans une politique, ils sont
réunis en vue de l’action. La préparation et l’élaboration d’une politique, en
particulier celle d’un Etat, est un processus complexe et difficile.La politique est
souvent une synthèse de multiples points de vue, parfois contradictoires en
apparence, et elle peut s’efforcer de concher des intérêts dwergents. C‘est
pourquoi les documents condensent dans des exposés généraux les aspirations
sociales qu’expriment divers groupes; ils incarnent quelques tramtions pédago-
giques et en reformulent ou en rejettent d’autres. Ils sont donc le lien entre une
tradition éducative et un avenir éducatif dont on souhaite l’avènement. En
reconnaissant les finalités éducatives, ils poursuivent d’ordinaire par un nouvel
exposé des buts, puis redéfinissent longuement les objectifs. Les rapports
nationaux représentent la réaction particulière A des problèmes urgents. Il est
possible d’esquisser ici quelques-unesdes contraintes historiques et sociales qui
pèsent sur la résolution de ces problèmes actuels d’éducation: il existera certai-
nement une solution (c’est-A-direun avenir). L’examen du rapport par l’opinion
ou par des spécialistes portera sur la logique interne du rapport, en particulier
sur la relation entre les finahtés de l’éducation et les théories pédagogiques;
entre les buts et les objectifs; entre les objectifs et les théories d’application du
processus enseignement-apprentissage.Peut-être suggérera-t-ondes variantes,
notamment aux niveaux inférieurs de spécificité. L‘adoption du rapport est
toujours problématique, m e m e s’il est plus facile de l’obtenir de jure. Très
souvent, l’acceptation de facto et la mise en application peuvent impliquer la
nécessité d’une formation nouvelle du personnel enseignant, voire une
redéfinition sociale de la profession. C‘est ce qui se produit très probablement
lorsqu’il y a renégociation des grands desseins éducatifs appelés it avoir de
profondes répercussions parce qu’ils sont profondément ancrés dans des
traditions sociales et politiques.
HIERARCHIES ET R6CIPROCITfiS
CONSTITUTIONS,LOIS ET FINALITES
U n e Constitution nationale écrite ne fait pas toujours référence aux finalités de
l’éducation,encore qu’elle puisse néanmoins influencer l’interprétationdes lois
et règlements.A u x Etats-Unis d’Amérique par exemple, l’éducation fait partie
des activités qui ne relèvent pas expressément du gouvernement fédéral et qui,
logiquement,sont donc du ressort du chaque Etat. O n a eu cependant recours
indirectement h la Constitution pour légitimer les principes de justice au regard
de l’éducation en leur donnant un fondement juridique:on y a vu la source pos-
sible de principes exprimant en matikre d’éducation les plus hautes aspirations
au sens le plus large. Ainsi donc, la proposition générale de protection égale
dans le cadre des lois des Etats-Unis a été appliquée en éducation h l’effet de
combattre la discrimination en matière d‘éducation. En fait, aux principes juri-
diques de la Constitution des Etats-Unis a été assigné le rôle d‘énoncés des plus
hautes aspirations,y compris celles qui touchent h l’éducation. Progressivement,
ces finalités éducatives, implicites dans la Constitution,ont fini pas inspirer les
buts, les politiques bar exemple les programmes d’ttudes pour les Noirs et les
femmes) et les objectifs éducatifs. U n e grande activité professionnelle en
matière de théorie de l’éducation a été consacrée h l’étude des moyens de mettre
un terme h la discrimination dans l’enseignement.
Dans d’autres pays, la Constitution de l’Etat énonce les finalités de l’éduca-
tion. C’est le cas par exemple de la Constitution mexicaine qui prévoit le déve-
loppement harmonieux des virtualités de l’individu,l’amour du pays, le progrks
économique,culturel et politique de la nation, ainsi que la conscience de l’inter-
dépendance des peuples. L‘éducation, y est-il dit, est laïque, obligatoire et gra-
tuite. La Constitution d’autres Etats (par exemple celles de l’Inde et de l’URSS
et la nouvelle Constitution grecque de 1975) énumèrent des fins analogues.
Aspects théoriques 21
sation. U n e vision du monde se dessine, qui parfois repose sur des principes
tantôt religieux,tantôt humanistes. Ils apparaît c o m m e généralement admis que
la science et la technologie joueront un rôle dans le développement national,
notamment dans le développement économique;le système éducatif sera appelé
lui aussi A y contribuer.
Les aspirations exprimées en ce qui concerne la tâche des systèmes éducatifs
sont donc ambitieuses, peut-êtrem Q m e trop. L‘éducation contribuera A la réali-
sation des finalités politiques, morales, religieuses,culturelles,sociales et écono-
miques. Transmué en finalités éducatives, le processus devient un travail de
composition d’attitudes par l’intermédiaire du fonctionnement des systèmes
d’enseignement.L‘individu et le citoyen conformes A un idéal feront leur, com-
prendront et exprimeront par leur vie m Q m e un ensemble de trts hautes valeurs,
fréquemment fondées sur une philosophie religieuse ou politique. A u nombre
des plus hautes aspirations citées de façon caractéristique figurent l’amour de la
liberté,de la vérité et de la justice, les notions d’honnêteté,d’autodisciphe et de
devoir, ainsi que le respect des autres. La conscience culturelle comprendra le
sentiment du passé et éveillera un dtsir ardent de transmettre aux générations
futures les meilleurs éléments du patrimoine national. En règle générale, on
attend une certaine compréhension des droits d’autres groupes et, parfois,
mention est faite de la contribution de la tradition nationale A la culture
mondiale. En matière de finahtés sociales,il arrive frtquemment que soit évo-
quée l’harmonie sociale. Les minorités,y compris les femmes, devront bénéficier
de toutes les prestations sociales. L‘unité sociale sera renforde par le recours A
une langue nationale et l’acceptation des justes revendications des minorités
linguistiques. Il peut Qtre question de relations idéales entre la famille, la
collectivité locale et la société. L’accent peut aussi être mis sur le progrès social
et l’égalitésociale dans le cadre national. En matitre économique, l’idée de déve-
loppement et de progrts, c’est-A-direla notion relativement traditionnelle de
modernisation de l’économie et industrialisation (notamment un recours beau-
coup plus fréquent aux machines, aux usines, A une division spécialisée du tra-
vail, etc.), est d’ordinaire mise en relief. Parfois,la gentse des attitudes correctes
et nécessaires A l’égard du travail, en particulier du travail manuel, est citée
c o m m e moyen d’obtenir un tel résultat. Il n’est pas inutile d’ajouter que
l’énorme s o m m e d’effortshoMetement déployés au fil des ans par des gkntra-
tions d’enseignants de tous les pays pour inculquer aux jeunes un véritable
amour du travail pénible, exigeant et rebutant, aussi bien dans les champs qu’A
l’usine,n’a nulle part donné des résultats significatifs.Enfin, les aspirations édu-
catives au regard des attitudes politiques sont d’ordinaireclairement exprimées:
sont largement admis c o m m e finalitts A poursuivre la fierté nationale et le
patriotisme,nuancés souvent il est vrai de fraternité internationale.
D e ce qui préckde,il ressort que, dans leurs déclarationsrelatives aux finalités
de l’éducation,les gouvernants et les administrations publiques de tous les pays
nourrissent de trts grandes espérances. A vrai dire, un peu de réflexion invite
m ê m e A les juger tant soit peu utopiques. Partout, les ressources humaines et
matérielles A la disposition de l‘tducation sont lirmtées et bien inférieures A
celles sur lesquelles les sptcialistes et, en particulier, les réformateurs utopistes
Aspects théoriques 29
aimeraient pouvoir compter. Nous n’osons pas non plus supposer que l’argent
suffirait A lui seul A crter des postes d’enseignantsvraiment consciencieux,idta-
listes et en nombre suffisant pour tdifier une nouvelle socittt.
En plus de ces arguments pratiques,il convient de noter que l’tcole (A tous les
niveaux) n’est qu’un des nombreux instruments qui façonnent le caractère et la
personnalitt et qui alimente et les ambitions et les esptrances des êtres humains.
Il s’en faut qu’elle soit le plus influent dans les domaines les plus vitaux. Elle est
et demeure essentiellement une institution faite pour faciliter l’acquisition de ce
qu’il est possible d’apprendre - en apportant des exemples, en transmettant le
savoir pratique qui peut s’enseigner et en enseignant l’usage de la langue et la
maîtrise des chiffres,ainsi que des c o ~ a i ~ s a n cpositives
e~ et catalogutes. O n lui
a certes assigné d‘autres fonctions et elle a acceptt de nombreuses autres respon-
sabilités.Elle demeure ntanmoins par la force des choses une institution conser-
vatrice qui, par sa nature même, ne peut faire rien de plus que de fertiliser et
préparer le terrain dans lequel des institutions nouvelles et plus parfaites pour-
ront prosptrer et oh la culture humaine pourra progresser. Il ne faut pas lui
demander trop.
Passer en revue certaines Constitutions et le contenu des grandes lois relatives
A l’tducation pour plusieurs pays est A certains tgards une exphience de relati-
visme culturel. Les finalitts de l’tducation sont frtquemment très semblables.
Seule la prtsence dans le texte d’un mot c o m m e socialiste, bouddhiste ou isla-
mique situe certains systèmes de valeurs; seule la rencontre d’autres mots
c o m m e dtveloppement ou multiracial donne une idée des structures écono-
miques et sociales. Le fait qu’il existe tant de ressemblances d’un expost des
finalités de l’tducation A un autre rend-ilvaines l’étude et l’analyse des docu-
ments? Ce n’est pas tout A fait vrai puisque c’est un moyen de mieux situer les
problèmes.
Pourquoi tant de ressemblances? O n pourrait, de manière A peine paradoxale,
dire que c’est parce que, dans les Etats, les organismes qui codifient les finalitts
sont les gouvernementset les ministères de l’tducation.Ceux-ci,dans leur struc-
ture et leur organisation, voire m ê m e dans la langue qui leur est propre, se
ressemblent Ctonnamment dans toutes les parties du monde. Les usages et
points de vue du mandarinat prtvalent oh que ce soit. A u X X e siècle,on s’attend
que ce soit ces organismes d’Etat plus que les organisations religieuses qui codi-
fient les aspirations en matière d’tducation. D e plus, et tout en reconnaissant
que chaque nation occupe en fait, et en particulier dans sa perception propre,
une place singulière dans le monde, il est aussi vrai que les gouvernements se
heurtent A beaucoup de problèmes semblables: assurer l’unit6 nationale; appor-
ter ou tout au moins orienter vers plus de bien-être tconomique; concevoir et
rtahser la justice sociale et une sociBtC harmonieuse; coordonner, sinon pro-
poser des conceptions concernant la sociétt future. Pour rtsoudre ces pro-
blèmes, il n’y a pas seulement des experts nationaux qui peuvent y rtfltchu et
tenter d‘y apporter des solutions; il y a aussi une accumulation de capital
culturel mondial auquel tous ont de plus en plus largement accès, en partie grâce
aux institutions internationales.
30 Finalités de l'éducation
Chacune des grandes traditions religieuses offre des suggestions et des direc-
tives au regard de l'individu idéal,des principes qui devraient régir les rapports
mutuels et du comportement qui s'impose B l'égard de la nature vivante aussi
bien qu'inanimée; elle édicte aussi des prescriptions de caractère moral et reli-
gieux. Chacune des grandes révolutions politiques depuis le XVIIIe siècle offre
des versions laïcisées de ces traditions. Cela est vrai m ê m e des révolutions
marxistes qui, toutes, révèlent clairement l'influence des traditions dominantes
- chrétienne, islamique ou confucéenne - en dépit de l'universalisme de la
pensée marxiste.
Les philosophies laïques du nationalisme et des droits de l'homme esquissent
les fondements et principes de la combinaison d'individus et de collectivités en
ensembles plus vastes. Des embryons d'organisations régionales font l'essai de
principes de combinaison sociale différente et les organisations internationales
mondiales en ébauchent d'autres encore. C'est ce capital culturel accumulé qui
donne une base sociologique B l'homogénéité relative des aspirations,caractéris-
tique des finalités de l'éducation dans le monde. Voir dans cette convergence des
aspirations une simple coïncidence est une vision trop simpliste, tout c o m m e il
est trop cynique de la considérer c o m m e un jeu rhétorique B ne pas prendre au
sérieux.
L'autre côté du problème est cependant d'expliquer les différences.
Autrement dit, vu les ressemblances entre finalités éducatives des pays du
monde, comment se fait-il que leurs systkmes éducatifs diffèrent aussi sensible-
ment? Telle qu'elle est formulée, la question est trop générale et constitue une
version de la question théorique classique de l'éducation comparée. Mais la
question d'ensemble demeure, A laquelle il faut apporter une réponse partielle
dans les limites du mandat qui nous est assigné. Commençons par constater que
les exposés des finalités éducatives ont presque toujours un caractère encyclopé-
dique et qu'ils font état de très hautes aspirations concernant les principaux
domaines de la vie humaine.Ils attirent le consensus en partie en évitant la déci-
sion et le choix. C'est plus tard que les problèmes de décision et de choix devien-
nent plus pressants; d'ordinaire, au moment de l'allocation des ressources. Les
finalités de l'éducation déguisent des choix particuliers. Elles esquissent une
direction mais ne choisissent pas une voie. Plusieurs processus sociaux inter-
viennent entre les exposés des finalités éducatives et le moment d'opérer les
choix qu'impose la modicité des ressources.L'un de ces processus est la fixation
de priorités parmi les choix.Le détail se dégage progressivement dans le chemi-
nement descendant empruntant la hiérarchie des finalités,des philosophies de
l'éducation et des thtories ou modèles éducatifs expérimentaux.
L'accent a été mis précédemment sur le fait que les finalités suprêmes et les
idéaux des nations sont, par la force des choses,vastes et vagues: ils constituent
des visions d'avenirs possibles. U n e politique, par contre, doit être restreinte et
précise: elle doit exposer des buts définis et proposer des moyens pratiques de
Aspects théoriques 31
les réaliser. Il est difficile de passer de l'un 21 l'autre,c o m m e de passer des rêves
aux réahtés. 11 faut pour cela une sorte de passerelle ou, tout au moins, un
moyen de guidage stable. C'est ce qu'apportent d'ordinaire les systèmes philoso-
phiques ou religieux actuels aussi bien que l'histoire. Il est possible d'en tirer des
règles et des principes disposés systématiquementde manière 21 guider ceux qui
expriment et codifient les buts et principes formulés dans les lois et systèmes
éducatifs.
Ces masses d'opinions portant sur presque tous les aspects de l'éducation,
depuis le côté finances jusqu'21 l'organisation dans la classe, et qui les relient
systématiquement iI des doctrines générales de l'homme, de la nature et de la
société,sont en principe désignées sous le n o m de philosophies de l'éducation, qui
varient très largement tout c o m m e les systèmes philosophiques généraux dont
elles découlent et auxquels elles se rattachent.
U n exemple rendra plus claire la nature de l'argument ici présenté. Les philo-
sophes idéalistes soulignent dans leur réflexion l'importance de l'intellect (âme,
esprit, vie) et présentent une solution autre que le matériahme. Ils soutiennent
que la réalité ultime est spirituelle plus que physique, mentale plus que maté-
rielle. Ils postulent que tous les humains possèdent une essence spirituelle (qui
peut procéder d'un monde platonique des formes ou directement des actions de
Dieu). U n e éducation bien conçue s'attache essentiellement 21 déterminer et
développer cette essence. Dans ce processus, l'esprit est encouragé A imposer
l'ordre, la cohérence et la clarté 21 des sensations confuses et sujettes 21 caution
qui découlent du monde environnant. L a cohérence,le système et l'ordre sont
aussi caractéristiquesdu monde moral des idéalistes dans lequel les valeurs sont
absolues et immuables.C'est le rôle de l'individu de saisir cette unité morale du
monde et d'agir dans le cadre de ces règles. L'impuissance 21 agir n'est pas sim-
plement une faute contre la société;elle va 21 l'encontre des principes d'un tout
spirituel plus grand. Il est clair que les conceptions idéalistes du monde offrent
une métaphysique, une épistémologie,une théorie de la nature humaine et une
définition des sources de l'autorité morale. E n dépit des différences de détail
(par exemple dans les théories de Platon, Hegel et Kant sur les origines méta-
physiques de l'ordre moral), il y a en grande partie accord sur le plan méta-
physique. D e ce consensus métaphysique peuvent découler des principes qui
conduisent directement 21 formuler des philosophies de l'éducation.
Dans l'ensemble, les philosophies idéalistes rencontrent l'agrément de tous
ceux qui se réclament des religions traditionnelles.Elles ne s'intkressent que peu
aux aspects professionnels,techniques ou scientifiques de l'éducation. D e plus,
elles n'aident gutre 21 accélérer le développement industriel ou social.Enfin,elles
tendent 21 favoriser un conservatisme général. Dans les pays communistes,les
philosophies ou les théories marxistes de l'éducation dominent partout; la con-
ception qui en découle est presque l'antithèse de la conception idéaliste du
monde. Quoi qu'il en soit,et assez curieusement,il existe une grande analogie en
ce qui concerne l'éducation morale; dans ce cas, les buts proposés sont très sem-
blables. Manifestement,les philosophies les plus largement reconnues et les plus
influentes sont partout celles qui s'accordent le mieux A l'histoire culturelle,
32 Finalités de l‘éducation
sociale et politique de la nation et qui apportent l’appuile plus solide A ceux qui
dominent l’appareild’Etat.
Traditionnellement,on a attendu des élèves qui se préparent la profession
d’enseignants qu’ils consacrent beaucoup de temps et d’attention A la philosophie
de l’éducation et examinent avec soin comment les principes pédagogiques se
rattachent aux philosophies dominantes et en découlent. Encore que cela reste
vrai, ceux qui ne sont pas des philosophes de profession posent des questions
différentes. Ils ne demandent pas: est-il possible de faire découler les principes
et théories de l’éducation des positions classiques de la philosophie ou de
diverses philosophies et traditions religieuses (telles que le bouddhisme, l’isla-
misme ou l’hindouisme)? Cela est ou n’est pas possible. Chose plus importante
encore,elles en émanent effectivement ou non. Si les philosophies de l’éducation
ont été établies partir de positions de ce genre, deux questions utiles se posent
qui, si l’on peut y rtpondre avec quelque succès,permettent une réflexion trans-
nationale sur les systèmes éducatifs. La premikre question pratique est celle-ci:
dans ce but, et sans résumer la majeure partie des travaux COMUS, comment les
grandes philosophies de l’éducationpeuvent-elles être résumées sous une forme
succincte? La seconde question est: comment est-il possible de percevoir et
d’interpréter leur incidence sociale?
L’une des façons d’aborder la première question est de choisir un philosophe
donné qui résume pour l’éducation une épistémologie, u n modèle d’homme
social et une idée des fins souhaitables et des valeurs majeures de l’éducation.Il
est possible de faire du phdosophe un choix initial hypothétique,c’est-A-diredes
suppositions gratuites ou motivées. On peut s’attendre que le philosophe choisi
représentera assez bien au moins quelques aspects d’une grande tradition cultu-
relle ou résumera en grande partie ce qui caractérise une tradition nationale
donnée. O n pourrait par exemple choisir Confucius ou Platon pour représenter
de grandes traditions culturelles dans de nombreuses parties du monde; Locke,
Descartes et Dewey pourraient passer pour représenter les aspects majeurs des
traditions nationales. Il est indispensable de s’aviser que l’on ne saurait pré-
tendre rtsumer parfaitement et totalement une tradition culturelle ou nationale
dans une formule.L‘exercice consiste plut& dans une technique de construction
d‘un modèle, c’est-&dire que l’on peut maintenant interpréter le domaine trks
complexe des valeurs par le biais de critères explicites et qu’il est possible de
déduire publiquement un modèle d’une source largement accessible et contrô-
lable, savoir les écrits d’un grand phdosophe. Ceci conduit directement un
commencement de réponse A la deuxième question, c’est-A-hecomment inter-
préter et évaluer l’incidence sociale des philosophies de l’tducation.Le modèle
apporte, ou tout au moins propose, une systématique qui comprend toujours
une analyse de l’homme social, les éltments d’une théorie psychologique de
l’apprentissageet une conception des valeurs suprêmes ou des finalités de l’édu-
cation.A u niveau des buts éducatifs, exposés dans des documents publics, quel
est le degré de liaison et de relation avec la phdosophe qui apparaît h l’évi-
dence? O ù y a-t-il divergence? Il n’est pas question de rechercher une cause
simple,ni rien qui fasse penser par exemple que Dewey est la source de la situa-
tion actuelle au regard de l’éducation américaine.
Aspects théoriques 33
CONTRADICTIONS ET CONTRAINTES
OBJECTIFS ET ADMINISTRATION
Pour considérer et comparer les objectifs imposés aux écoles de divers pays et
acceptés par elles, le premier facteur déterminant une politique & prendre en
considération est peut-êtrela forme générale du financement et de l'administra-
tion de l'éducation. Deux solutions extrêmes sont possibles. Centrahsation
totale dans le ministtre national de l'éducation qui rtgle toutes les dépenses,
n o m m e le personnel,fixe les objectifs de façon trts précise et envoie des inspec-
teurs vérifier que le rtglement est appliqué. U n exemple typique serait la tenta-
tive faite, mais non complttement couronnée de SUCC~S,par Napoléon Ier au
début du XIXe sitcle.A l'autre extrême, on peut mentionner les écoles des colo-
nies britanniques d'Amérique où la population locale décidait de tout et réglait
toutes les dépenses. A l'heure actuelle,la plupart des systtmes nationaux sont
placés dans une certaine mesure sous le régime d'un contrôle local en dépit d'un
accroissement du pouvoir et de l'influence de l'administration centrale.
Pour ce qui est des objectifs d'une école, il est évident que plus la centrahsa-
tion est poussée, plus grande est la ressemblance entre les ((butsnationaux)) et
les ((objectifsscolaires)). Par conséquent, plus grande est l'uniformité. Cela sera
bien accueilli si la finalité principale de 1'Etat est l'édification d'une nation et s'il
existe un plan national & appliquer. Dans les grands Etats fédéraux, il peut y
avoir un cadre général pour l'ensemble, mais dans les divers Etats ou provinces,
une différence sensible de détail peut exister.
Le mode d'administration nationale a pour conséquence importante d'in-
fluencer la structure interne de l'école. Le principal ou le directeur peut être plus
ou moins un fonctionnaire de rang intermaaire relevant de l'administration
locale où il peut, aux yeux des élkves et du personnel, représenter l'autorité
suprême. Ainsi donc, un mode d'administration et de financement influe sur
toute l'atmosphtre d'une école et, par 18 même, aide & modeler l'attitude des
jeunes vis-&-vis des maîtres, des animateurs,des chefs et de l'autorité en général.
Peut-êtreconviendrait-ilque les objectifs déclarés en tiennent compte.
LE MECANISME DE SBLECTION
Nous avons déj8 souligné que les écoles 8 tous les niveaux sont destinées 8
l’apprentissage.Mais ce n’est pas 18 simplement une question d’acquisition des
mécanismes manuels et de l’esprit ou de se rappeler toutes sortes de faits. Si tels
étaient les principaux résultats d’années d’études, les gouvernements et les
parents se montreraient insatisfaits.Ce que les uns et les autres espèrent,c’est
voir les enfants grandir - avec l’aide de l’éducation- pour devenir des hommes
et des femmes intègres, moraux, braves et honnêtes. Ils misent avant tout sur
une formationdu caractère et de la personnalité.Les qualités recherchées peu-
vent certainement découler des finahtéset buts généraux;mais elles exigent une
description plus exacte et plus précise avant que l’on puisse les proposer aux
enseignantscomme des objectifs accessibles.B. Episov (URSS)donne un exem-
ple remarquabled’objectifstactiquestirés de finahtés et buts stratégiques:
Le processus d’enseignement [devrait]conduire il la compréhension profonde par les
élkves des idéaux moraux les plus importants ci-aprks, qui revêtent une importance
humaine générale: l’amour de son pays natal, de sa nation; le respect de tous, de toute
nationahté, de l’amitié internationale; la coopération h n o m i q u e et culturelle entre
nations; la coexistence pacifique; la lutte pour l’abolition des guerres;l’amour et le respect
des enfants pour leurs parents et leurs aînés; la camaraderie et l’amitit mutuelles; la
subordination des intérets personnels A l’intérêt public ou il l’inttrêt de la collectivitt;une
attitude pleine d’attention et de tact il l’tgard des êtres humains;l’amour du travail et le
respect pour les hommes qui travaillent; le travail organisé et discipliné; le dtsir de tra-
vailler aussi bien que possible; l’acquisition du savoir il l’effet de promouvoir autant que
possible le bien-être de la socitté; le respect de la propriété publique; l’honnetet6 et la
sincérité dans le comportement.
Voici donc une longue liste d’objectifsqui manifestement sont étroitement asso-
ciés aux finalités et aux buts nationaux.Ils sont h o n d s si clairement qu’avec
peu de changement et quelques additions,ils pourraient constituer le cadre de
cours dans les écoles des différents niveaux. Quelques points sont cependant 8
noter,qui tous méritent examen:
1. Certains prétendraient que ce texte, dans sa totalité, évite fâcheusement
d’évoquer les problèmes fondamentaux d’autorité. Pourquoi un être humain
accepterait-illes impératifs qu’impliquela déclaration? Nombreux sont ceux
qui considéreraient que seule un fondement religieux pourrait apporter
l’autoritérequise.
2. On pourrait faire valoir que tous les impératifs moraux évoqués sont laïcs et
humanistes.11 n’est pas fait suffisamment référence 8 l’ouvertured’horizons
spirituels.
Mais notre seule préoccupation ici est de donner un exemple de la détermina-
tion des objectifs et programmes scolaires (tactiques d’éducation) & partir de
finalités et de buts (stratégies) nationaux. Notons que nous n’avons pas fait
mention du problème difficile du maintien de la discipline dans les écoles- pro-
blème évidemment lié & celui de la formation et de la soumission & une disci-
pline des pulsions agressivesdu moi.Nous n’avons pas non plus examiné l’équi-
Aspects thboriques 45
LE CONTENU DE L‘GDUCATION
Les déclarations concernant les finalités et les objectifs sont d’ordinaire vagues
et formulées en termes généraux. Par contre, dans de nombreux pays, le minis-
tère national (central) de l’éducation ou les autorités locales ou provinciales
publient parfois des instructions excessivement détaillées en ce qui concerne les
matières h enseigner, leur contenu, le nombre d’heures hebdomadaires, etc.
Dans certains pays, c o m m e le Royaume-Uni, les écoles et les collèges ont en
principe toute liberté pour établir leurs programmes d’études.En pratique, cette
liberté est limitée par les traditions,par l’influence des parents et des inspecteurs
et aussi par le régime des examens. Mais quelle que soit la diversité apparente,
nous avons dans cette question ((quefaut-ilenseigner dans les écoles?))l’une des
sources les plus fécondes de débats, de polémiques et de recherches dans le
domaine de la pédagogie.
Les débats se déroulent sur divers fronts.C‘est ce que montreront les quelques
exemples suivants: enseignement général ou spécialisation;quelquefois, ensei-
gnement de culture générale contre enseignement professionnel; ou culture
contre technologie;ou encore, sciences contre humanités.
Il existe une incertitude en ce qui concerne le temps consacré aux diverses
matières,particulièrement entre celles qui sont liées h l’industrie,par exemple la
chmue et la physique, et celles qui ont un caractère artistique plus qu’utilitaire,
notamment la musique ou la poésie. Les écoles d’aujourd’hui ont deux racines
distinctes: la tradition que maintiennent les Eghses et les ecclésiastiques et qui,
par le biais de la scolarité, ont mis l’accent sur les connaissances et les études
livresques de la langue; d’autre part, l’ensemble du système d’apprentissage,
multiforme, qui enseignait aux jeunes les métiers utiles. Aujourd’hui, par suite
de l’industrialisation, les systèmes d’apprentissage se raréfient, laissant aux
écoles le soin d’enseigner les connaissances de base. Mais la synthèse entre le
travail de bureau et l’artisanatn’est pas encore réalisée.
Les débats peuvent donc se poursuivre. A l’heure actuelle,la solution la plus
courante consiste A dispenser une combinaison de matières dans les tcoles
d’enseignement général A l’intention des jeunes et jusqu’h l’âge de 14, 15 ou
16 ans, puis de mettre en place des écoles spécialisées dans les domaines
technique,scientifiqueou artistique.
Nous poumons ici ajouter trois rkflexions pour ce qui touche A l’ensembledu
problkme de contenu ou de ce que,d’ordinaire,on appelle les programmes.
1. L‘urbanisation A travers le monde s’est accompagnée d’un changement dans
la nature du travail: moins d’efforts physiques; attention et tension plus
46 Finalités de I‘éducation
concentrées. Il y avait fort peu de raisons voici cent ou deux cents ans d’orga-
niser des activités physiques dans les écoles. Maintenant, il devient essentiel
de le faire. L a nature des activités physiques encouragées par l’école ou une
autre institution peut en soi influer fortement sur le développement du carac-
tère.Par exemple,les jeux d’tquipe c o m m e le football ont un effet totalement
différent de celui qu’ont les sports individuels de compétition c o m m e le
tennis ou la course.
2. E n analysant les rapports entre, d’une part, les finalités déclarées et les buts
et, d’autre part, les objectifs et les directives prtsentés aux tcoles et aux ensei-
gnants, il ne faut pas perdre de vue que les objectifs tactiques n’intéressent
pas uniquement ce qui se passe entre les murs de la classe. C e qui est consi-
déré, c’est le programme de l’établissementdans sa totalitt. Et le programme
d’une école est défini c o m m e la s o m m e totale de toutes les activités de toutes
sortes que l’école a pour mission d’encourager et d’organiser. Le terme
comprend donc ce que l’on appelle parfois incorrectement les ((activitéshors
programme)),les jeux,les fetes,les ctrémonies,etc.
3. Il existe des formes d’enseignement et d’apprentissage que l’on décrit
communément c o m m e (tune formation)).Par la, il faut entendre l’acquisition
de mécanismes qui impliquent aussi peu de théorie que possible.A l’évidence,
la formation n’a guère sa place dans l’tcole d’enseignement génhl, dans le
collège et dans l’université.Elle est lite h l’organisation de l’industrie.
CONCLUSION
Dans notre propre tentative,nous avons trouvé très utile de considérer trois
niveaux distincts de fonctionnement et de les analyser séparément.Ceci va de
pair avec les recommandationsdes conférences de l’Unesco consacrées A ce pro-
blkme3.Nous avons employé le mot finulités pour désigner l’ensemble le plus
large et le plus universel d’aspirationsqui puissent figurer dans la Constitution
ou les lois fondamentales d’une nation. D e ces documents,en grande partie du
moins,il est possible de déduire des buts plus étroits et plus directs. Ces buts, en
principe,font déjA mention expresse de l’éducation.Le passage des finalités aux
buts implique en règle générale un processus de filtrage passant par des pro-
cessus culturels et religieux de sélection,de rejet et de coloration.Il existe donc A
travers le monde une plus grande variété de buts que de finalités.Des buts, il est
possible de tirer des politiques, ce terme étant utilisé pour décrire des spécifica-
tions dttaillées d’actions A entreprendre, au niveau matériel ou administratif,
avec des propositions concemant l’allocation des ressources requises. Mais les
buts sont larges et stratégiques: ils s’appliquent A l’ensemble d’un système
national.Il est donc possible, eu égard A tous les déterminants locaux et particu-
liers, et compte tenu de la nécessité de rattacher étroitement les établissements
d’enseignement A leur environnement naturel et humain, de déduire des exposés
tactiques particuliers, c’est-A-direles objectifs A partir desquels pourront être
élaborés des programmes d‘études,etc.
Cette division des aspirations en trois strates ou niveaux de généralité facilite
l’étude,la comparaison et l’analyse des systèmes. Mais elle est loin de résoudre
toutes les difficultés.Il en est deux en particulier qui sont redoutables. L a pre-
mière est qu’un grand nombre de finalités et de buts ne sont pas tous clairement
perçus par ceux qui les subissent le plus et qui pourraient avoir honte de s’en
faire les défenseurs. Ils sont cachés et implicites et, bien souvent,contradictoires
par rapport aux aspirations proclamées et explicites. O n en trouve un bon
exemple dans les préjugés raciaux et sociaux fort répandus. La seconde difficulté
est que, beaucoup trop souvent, les fonctions de la société peuvent sembler
défier et nier les finalités et buts proclamés d’une nation. Il n’est que trop fré-
quent que les promotions et les récompenses vont aux hypocrites,aux farceurs et
aux charlatans. Trop souvent,la mabonneteté, la paresse et la tricherie débou-
chent d’une façon ou d’une autre sur le profit et la promotion. Ces conflits sem-
blent exister dans toutes les sociétés. Tiennent-ils inévitablement A la nature
humaine?
Dans l’analyse des aspirations et des politiques, des relations entre la pensée
et l’action en éducation,il vaut aussi la peine de faire la distinction entre ce que
l’on pourrait appeler la structure externe et la structure interne des systèmes sco-
laires. Par ((structureexteme)), il faut entendre les différentes catégories d’école,
de collt?ge et d’université qui existent, ainsi que les règles de passage de l’un
A l’autre. C‘est principalement affaire de gouvernement, d’administration
publique, de finances et de politique. Les compétences professionnelles ne
jouent 18 qu’unepart minime. Quant A la ((structureinterne)),elle constitue la vie
intérieure et le fonctionnement des établissements.O n peut due que la structure
exteme est toujours et partout déterminée par les forces politiques. Par contre,
50 Finalités de l'éducation
NOTES ET RXFXRENCES
1. Le terme idèologie signifie ici une famille de concepts ou un ensemble de formules sociales
ou un style de pensèe et, plus gknkralement,un systkme de croyances auquel on peut
avoir recours pour inciter le peuple A l'action. Il n'a pas un sens pkjoratif.
2. Parfort,il faut entendre durable,difficile A modifier,imprkgnant fortement la structure
mentale A tel point que beaucoup ne sont m ê m e pas conscients de son existence ou de
son influence.
3. UNESCO-NIERRegional Programme for Educational Research in Asia.Educational
goals, aims and objectives: report of a stdy by a Working Group in Asia. Tokyo,National
Institute for Educational Research, 1974. 114 p.
CHAPITRE DEUX
Finalités et théories de l’éducation:
situation actuelle dans le monde
1. Afrique
par N’sougan Agblemagnon
Le projet d’une réflexion sur les finalités et théories de l’éducation dans le
monde a suscité un grand intérêt au niveau international(comme le montrent les
réunions d’experts organisées par le Bureau internationald’éducation entre 1975
et 1980) et a donné lieu, au niveau des régions, A des séminaires de spéciahstes
dont les discussions, les conclusions et les recommandations constituent une
matière extrêmement riche que nous devons constamment exploiter.
SCMINAIRE D E DAKAR
C‘est pourquoi il nous faut ici exprimer toute notre gratitude tant au Bureau
régional de l’Unesco pour l’éducation en Afrique (BREDA)qu’aux nombreux
spéciahstes qui ont pris part au très important séminaire qui s’est tenu A Dakar
du 29 mai au 2 juin 1978; c’est A l’issue de ce séminaire que le document Fina-
lités et théories de l’éducation: lepoint de vue africain’ a été reproduit et diffusé.
Le Séminaire de Dakar a réfléchi A partir de nombreux documents de travd
et discuté,cas par cas, des principaux thèmes prkcédemment arrêtés. Après avoir
séparé dans ce rapport les communications, les présentations et les discussions
du résumé des travaux,le groupe de travail a fait, dans une section spéciale, la
((synthèsedes idées exprimées lors du séminaire et formulées d’un point de vue
africain. Cette synthèse a été soumise pour examen individuel et collectif au
comité de réflexion qui comprend une sélection des participants du séminaire)),
comité qui a mis au point la version finale de la synthèse2.
Pour avoir une juste idée des travaux de cette réunion,il nous faut signaler les
principaux documents de travail A partir desquels s’est organisée la réflexion.
Tant par leur nombre que par leur thème, ces documents de travail rendent
compte A la fois de l’orientation,de la variété, de l’étendue et du caractère inter-
disciplinaire des discussions et du rapport de synthèse.
L a direction du BREDA a rappel6 au début les objectifs du séminaire:
a) étuder les problèmes actuels de l’éducation en Afrique,
52 Finalités de l'éducation
b) proposer des solutions adéquates qui tiendraient compte des points de vue
des officiels, du personnel académique, ainsi que de l'opinion publique
exprimés dans les divers pays africain^.^
Ensuite, en séances plénières,le séminaire a étudié sucessivement les documents
suivants:
1. Rapport de la Conférence des ministres de l'éducation des Etats africains
(Rapport MINEDAF,Lagos 1976):
a) Finalités et stratégies de l'éducation, présenté par Olu Ogunniyi;
b) Recommandations et résolutions, présenté par A k u D.Mengot.
2. Buts et finalités de l'éducation en Afrique aujourd'hui, par N'sougan
Agblemagnon, document introductif présenté par Amesata F.Sar.
3. Philosophie et crise de l'éducation en Afrique, par Alassane Ndaw, présenté
par Amesata F.Sar.
4. La crise de l'éducation au Zaïre, préparé par le Bureau africain des sciences
de l'éducation (BASE)et présenté par Sidney S.Dimitri.
5. Education et société,par Mileme M e MBeo.
6. Vers l'union de l'éducation traditionnelle et de l'éducation moderne en Afrique,
par Pai Obanya.
7. Education traditionnelle et éducation moderne en Afrique: vers l'édification
d'un cadre conceptuel, par Asavia Wandira.
8. Education traditionnelle et éducation moderne, par Iba Der Thiam.
9. L'éducation traditionnelle au Zaïre, par Ngay Aben.
10. Enseignement et éducation: méthodes et techniques d'apprentissage par rapport
ri l'environnement, par P.C.Okoudjou et Colette Houeto, présenté par
S.Ntibakunze.
1 1. Education et enseignement au Rwanda, par S.Ntibakunze.
12. Education et développement: nécessité d'une planification intersectorielle, par
N.D.J. Smart.
13. Développement et histoire, par Iba Der Thlam.
14. Education et histoire, par Henri S.Ladeira Lumona.
15. Les contributions de l'éducation scientifique et technologique aux théories et
objectifsde l'éducation, par Hubert M.Dyasi.
16. Education en Afrique dans le cadre de la formation permanente, par €5
Obanya.
17. Education et dialogue des cultures, par Marcel Diouf.
18. La culture et lesfinalitésde l'éducation en Afrique, par Clifford N.Fyle.
19. Education et mass media, par M a m a d o u Moctar Thiam.
Cette brkve évocation des travaux du séminaire des experts africains confirme la
richesse, la multiplicité et l'abondance des sources et des documents d'infor-
mation dont nous disposons déjh, en Afrique, sur les ((théories et finalités de
l'éducation)).
Dans le texte que nous présentons ici, le lecteur trouvera en filigrane non
seulement les thèmes des dscussions et les conclusions du rapport de synthèse
du Séminaire de Dakar, mais également l'exploitation des résultats de nom-
Situation actuelle dans le monde 53
NOTES ET RBFBRENCES
1. Stminaire sur ((Lesfinalitts et les thtories de l'tducation)) en Afrique organist par le
Bureau rtgional pour l'tducationen Afrique, Dakar, et ses implications, Dakar, 1978.
Finalités et théories de I'éducation: le point de vue africain. Rapport final du séminaire ...
Dakar, Bureau rtgional de l'Unesco pour l'6ducation en Afrique, 1979.48,19p.
2. Ibid.,p. 1.
3. Ibid.,p. 8.
4. Agblemaguon,Ns.Buts et finalitésde I'éducation en Afrique aujourd'hui. Dakar, Bureau
rtgional de l'Unesco pour l'tducation en Afrique, 1979. 12 p. ( B R E D A / 7 8 / C O N F /
FIN-TH-ED/ 12) [Document prtsentt au Sdminaire sur ((Lesfinalitts et les thbriesde
l'kducationo en Afrique organist par le Bureau rtgional pour l'tducation en Afrique,
Dakar, et ses implications, Dakar, 19783 [Egalementprtsentk la Rtunion du Choupe
de consultants sur les finalitts et les thtories de l'6ducation, 2e, Paris, 1976, sous la cote
SS.BIE.76/CONF.645/5]
5. Pour une analyse plus approfondie des quatre phases, voir:Agblamagnon, N's. Op. cit.,
p. 1-8.
6. Stminaire sur ((LesfinalitCs et les thbries de l'tducationo en Afrique ..., Dakar, 1978.
Op. cit., p. 22.
Situaiion aciuelle dans le monde 61
2. Amérique latine
basè sur des idèes et du matèrieljoumis par R.Nassij
CONSIDERATIONSPRPLIMINAIRES
Cet essai ne peut - compte tenu de ses limites - aller au-del8 de certaines
approximations et réflexions sur les théories et les finalités de l'éducation en
Amérique latine pendant les dernitres vingt années.
L a seule approche du thtme pose deux problkmes. Le premier, c'est le lien
qu'il y a entre la théorie et les finalités de l'éducation avec les différences de
structures apparaissant demkre l'image si rkpandue de l'Amérique latine uni-
taire. Le deuxikme probltme a trait 8 la possibilité et A l'uthté de faire dériver
les finalités de l'éducation des théories pédagogiques.
U n e conception non classifiable: la théorie d’Illich. Pour succinct que soit l’inven-
taire des théories pédagogiques latino-américaines,on se doit de mentionner la
conception communément appelée déj8 ((déscolarisationo.Cette conception,
soutenue par Ivan Ilhch et Everett Reimer et élaborée 8 Cuernavaca (Mexique),
obtint un grand succès.Elle est difficilement localisable dans l’un ou l’autre des
deux types de tendances pédagogiques considérées précédemment. Soumettant
l’école 8 une sévère analyse critique en la considérant c o m m e responsable des
((aliénationsde nos sociétés)), cette théorie n’atteint pas toujours son but qui
consiste 8 faire croire que les solutions qu’elle propose soient effectivement une
voie de libération, sociale ou individuelle; car si ces solutions atteignaient leur
but, cela ne suffirait pas pour convaincre qu’elles doivent passer nécessairement
par la destruction de l’école,outil encore utile et indispensablepour l’Amérique
latine. Laisser toute l’éducation des Latino-américains livrée (taux réseaux de
convivialité))et 8 un complexe de services éducatifs sans aucun engagement
social, ne serait-cepas 18 une manière de revitaltser la ((dépendance))plutôt que
d’aider B la ctlibérationu?
qui arrive, c'est que ce traitement n'est plus faisable dans une pédagogie tradi-
tionnelle limitée. O n exige une pédagogie audacieusement interdisciplinaire et
outillée pour capter les formes porteuses de changements. C'est une recherche
où l'Amérique latine peut faire état d'idées et d'expériences encourageantes
ayant déjh débordé le cadre de ses frontières.
Position du problème
La problématique du thème trouve sa justificationdans des modahtés et métho-
dologies dfférentes, appliquées pour l'affronter. On peut soutenir que les fina-
lités de l'éducation s'élaborent et s'exécutent fondamentalement, soit par
l'obligation, soit par le consensus, soit par la participation.
Les deux premiers concepts (obligation et consensus) sont des modalités
d'élaboration des finalitésde l'éducation avec la différence que, dans la première
modahté, le corps téléologique se présente c o m m e terminé alors que, dans la
deuxième modalité, on tente une rationahsation et une acceptation par diffusion
dans l'ensemble du corps social. La modalité de participation influe directement
sur les fins éducatives en fonction des besoins; les fins éducatives sont un bon
indicateur de la situation réelle du problème dans les dernières vingt années.
Pour ne mentionner qu'une des différences entre les finahtés pratiquées de
manière traditionnelle et celles qui ont un contenu nouveau, disons que les
finalités traditionnelles sont basées sur une conception intellectualiste et
encyclopédiquede la culture, ainsi que sur l'individualisme de l'éducation.Cela
se traduit par une acquisition accumulée de connaissances dans un climat sco-
laire caractérisé par une discipline rigide et des relations non coopératives mais
compétitives;en revanche,les nouvelles finalités ou celles qui sont placées dans
une perspective nouvelle se caractérisent par une tendance h postuler des
objectifs en harmonie avec l'évolution culturelle et socio-économique de la
société latino-américaine.
liste)) dans un systtme d’économie mixte. Elle s’est mise il la recherche d’un
modtle éducatif qu’implique la volonté de ne pas tomber ((dansla simple imi-
tation))d’un autre pays. ((Undes plus grands défis que l’éducation lance dans le
Nicaragua révolutionnaire,c’est d’avoir une évolution créatrice,pas une évolu-
tion fermée qui tombe dans la facilité du plagiat)). Et Sergio Ramirez Mercado,
un des trois membres de la Junte du gouvernement, a dit: ((Ici,il s’agit non
d’imiter, mais de créer une nouvelle expérience, car c’est seulement lorsque les
rtvolutions sont véritables qu’elles deviennent il leur tour des moddes et une
révolution qui est une réplique d’un modtle ne peut pas être un exemple du
futur)). Deux aspects sont dignes d’être mentionnés dans la révolution nicara-
guayenne: la recherche d’un modtle éducatif et le contenu de ce m ê m e modde.
Le Ministre de l’éducation nicaraguayenne, Carlos Tiinnermann Berheim, a
proclamé: ((Le nouveau Nicaragua a besoin d’un h o m m e nouveau qui se
dépouille de ses égoïsmes, qui considtre que l’intérêt social est au-dessus de
l’intérêtindividuel et que l’indwidu se réalise pleinement quand il travaille pour
la collectivitt)). C‘est dans ces dtclarations que l’on trouve une méthodologie
différente de la mtthodologie ordinaire pour étabh les finalités éducatives dans
une évolution progressive. Le Nicaragua a entrepris des actions frappantes
c o m m e la (Croisade pour l’alphabétisation)), mais n’a pas encore pu réaliser
toutes ses réformes éducatives, en particulier la rkforme d’ctauto-éducation))et
celle qui s’adresse surtout aux populations encore inorganisées. Les méthodes
employées ont les caractéristiquespropres il l’enquête et il l’entrevue;c’est ce A
quoi prodde la (Consultationdite nationale, en ce moment par exemple (mars
1981).
L a Consultation dirigée par vingt-cinq groupes organisés (populaires,politi-
ques, corporatifs, syndicaux, sociaux, d’entreprises, etc.) détermine les caracté-
ristiques du type d’homme du nouveau Nicaragua et transforme une grande
masse d’information et d’opinions en finalités éducatives.
L a participation dans l’tlaboration des finalitts éducatives a lieu aussi dans
des pays au régime dtmocratique et libtral, c o m m e Costa Rica. C e pays, uth-
sant ce que ses habitants appellent des ((consultations ouvertes)),expérimente
actuellement une approche participative il l’klaboration des finahtés éducatives,
un chemin il double voie de haut en bas et de bas en haut. Les finalités de
l’éducation de Costa Rica seront avant tout le produit d’un certain consensus
national.
Les quatre pays dont il a été question sont des exemples clairs de fixation des
finalités il travers les méthodologies d’approche par interprétation de la rtahté
(Mexique), par la diffusion il partir du sommet jusqu’h un consensus (Cuba), par
un consensus progressif (Costa Rica) et par une participation directe (Nicara-
gua). Dans deux cas (Cuba et Nicaragua), la recherche est orientée pour définir
l’((homme nouveau)) et, dans les deux autres pays (Mexique et Costa Rica),
l’homme en étroite liaison avec les traditions et influences nationales est la
principale prkoccupation.
Situation actuelle dans le monde 71
NOTES ET &FERENCES
1. Conftrence rtgionale des ministres de l'kducation et des ministres charges de la planifi-
cation h n o m i q u e dans les Etats membres d'Amkrique latine et des Cardibes, Mexico,
1979. Rapport final. Paris, Unesco, 1980, p. 23 (ED/MD/58) [Egalement publit en
anglais et espagnol]
3. Asie
par J.P.Naik
Toute discussion consacrée aux finalités et théories de l'éducation en Asie
comporte certaines limites inhérentes h la situation. L'éventail du dévelop-
pement - du Japon, de la République de Corée, de Singapour h une extrémité,
jusqu'h l'Afghanistan, au Bangladesh et au Népal de l'autre - est extrêmement
large et rend assez difficile toute généralisation. Les finalités que les pays de
cette région poursuivent h prksent, tout c o m m e les théories de l'kducation sur
lesquelles reposent ces finalités, ne sont pas toujours explicitement énondes
12 Finalités de I‘éducation
part des pays de la région ont dû lutter pour créer ou consolider une identité
nationale et, A cet effet, ils ont mis principalement l’accent sur la renaissance de
leurs traditions et la promotion de la culture et se sont attachés A inculquer la
valeur du patriotisme et l’orgueil national.Bon nombre d’entre eux ont eu A éla-
borer une langue nationale. Plusieurs nations ont dû adopter de nouvelles
constitutionset, pour la majeure partie d’entre eux, il a fallu créer des structures
administratives beaucoup plus développées afin de faire face aux impératifs
d’une main-d’œuvreinstruite. Quelques nations ont été appelées A adopter des
mesures spéciales pour intégrer les minorités et d’autres groupes spéciaux -
ethniques, religieux, linguistiques, etc. - et A rétablir l’équilibre des pouvoirs
entre eux. Il n’est donc pas surprenant que la finalité de l’édification nationale
trouve une consécration explicite dans les documents nationaux sur la politique
de l’éducation dans la plupart des pays de cette région. Citons quelques-uns
d’entre eux A titre d’exemples.
Chine. Le Président M a o Tsé Tung, en 1957 et en 1958, a défini les grands prin-
cipes selon lesquels l’éducation doit servir la politique prolétarienne et être
combinée avec un travad productif;de plus, tous ceux et celles qui reçoivent une
éducation doivent être mis en mesure de se développer moralement, intellec-
tuellement et physiquement et devenir des travailleurs cultivés et acquis au
socialisme.
Inde. U n e reconstruction radicale de l’éducation est inhspensable pour l’unifi-
cation nationale. Le système éducatif doit forger le caractère et doMer la
compétence A des jeunes gens qui se vouent au service et au développement
national.2
Indonésie. Dans le développement de l’éducation,une des finalités importantes
devrait être de former des hommes qui croient en un Dieu tout-puissant,qui
soient intelligents,habiles et très consciencieux, qui possèdent une forte person-
nalité et un patriotisme vivant leur permettant de se développer et, dans un élm
collectif,de se consacrer au développement de la nation.’
Malaisie. La politique éducative de la Fédération est de créer un système natio-
nal d’éducation qui réponde aux besoins de la nation et favorise son dévelop-
pement culturel, social, économique et politique en vue d’un développement
progressif du systtme d’éducation dans lequel la langue nationale sera le princi-
pal véhicule d’enseignement.4
Népal. La principale préoccupation du Plan relatif A l’enseignement national a
été de faire désormais porter l’accent de façon décisive sur l’éducation consi-
dérée c o m m e l’investissement national le plus important en vue de renforcer les
ressources humaines mises au service du progrb, de l’intégration et du bien-être
nationaux.5
Pakistan. La finalité dominante de l’éducation continue d’être le souci de
préserver,de promouvoir et de pratiquer une idéologie du Pakistan basée sur le
système de valeurs islamiques. A cet égard, une attention spéciale est accordée A
l’enseignementde l’intkgrité,de la justice, de l’acceptation loyale des règles et de
la fraternité internationale.Aux mêmes préoccupations répond la finahté du
développement de la cohésion nationale, du patriotisme et du dévouement
14 Finalités de réducation
Enseignementpréscolaire
Dans l'ensemble, l'éducation préscolaire a été un peu néghgée dans la région,
surtout en raison de la priorité donnée A la mise en place d'un enseignement pri-
maire universel. Les moyens mis 8 la disposition de l'éducation préscolaire sont
allés dans la plupart des cas aux zones urbaines ou aux éléments aisés de la
collectivité;ce qui a été fait a été en général surtout quahtatif, expérimental ou
sous forme de projets pilotes.
Enseignementprimaire universel
En 1950, la plupart des pays de la région disposaient de systèmes éducatifs
extrêmement étriqués, caractérisés par l'inéquité quant aux possibilités d'accès
de certains groupes sociaux. Il est donc naturel que la prioritk absolue ait été
donnée, au cours des trente dernières années, au développement des moyens
éducatifs A tous les niveaux, ainsi qu'A l'égalité d'accès 8 l'éducation pour tous
les groupes sociaux. U n programme particulikrement important 8 cet égard
consiste dans la mise en place d'un enseignement primaire universel pour les
enfants. Il a fait l'objet de tous les soins dans le cadre du Plan de Karachi
(1960)9 et l'on peut dire que la plupart des pays ont fait de méritoires efforts
Situation actuelle dans le monde 77
pour atteindre le but visé. Certains pays ont parfaitement réussi (parexemple la
Chine et la RCpublique de Corée), cependant que d'autres (parexemple l'Afgha-
nistan ou le Népal) sont encore loin derrièreIo. Les principales raisons du retard
sont: l'atroce misère qui sévit encore dans les masses; les approches tradition-
nelles qui mettent trop l'accent sur l'enseignement de type scolaire;l'incapacité
d'organiser des campagnes simultanées pour l'alphabétisation de masse et
l'éducation des adultes; l'absence de ressources matérielles. L'absence de
volonté politique est également importante.
Contenu de l'kducation
Le contenu de l'kducation aux différents niveaux de l'enseignement a été en
général planifié A partir du m ê m e modèle, copié sur les pays développés; les
politiques concernant la production de matériels, l'adoption de méthodes
d'enseignement et d'évaluation et la formation des enseignants ont été, dans
l'ensemble, elles aussi copiées sur ces moddes. Les variantes introduites ont en
général porté sur l'enseignement de l'histoire et de la géographie locales, sur
78 Finalités de l‘éducation
Normes
Des efforts persévérants ont été employés de m ê m e pour relever les normes
générales et faire en sorte qu’elles supportent la comparaison avec celles des
pays développés, du moins dans quelques secteurs cruciaux. Les programmes
ont porté plus particulikement sur: une amélioration des conditions de travail
et de service pour les enseignants; une amélioration de leur formation profes-
sionnelle; l’adoption de meilleures méthodes d’enseignement et d’évaluation;
l’amélioration des bâtiments scolaires;l’amélioration des services d’inspection;
l’encouragement aux innovations. Les résultats obtenus ont été assez bons, sans
toutefois répondre totalement aux espérances. Entre autres faiblesses,on a cons-
taté: une surcharge des programmes; un enseignement médiocre dans de nom-
breuses classes; le recours excessif aux examens; des résultats insuffisants dans
de nombreuses écoles, en particulier dans les régions rurales et éloignées. Les
finalités déclarées étaient celles dont r&ve depuis toujours l’éducation, savoir le
développement de la personnalité et la préparation A la vie. La premikre sou-
ligne la qualité de la vie et apprécie l’élkve en fonction de ce qu’il est ou devient;
la seconde met l’accent sur son rôle vis-&vis de la nature et de la société,ce qu’il
fait et comment il le fait ou son aptitude,son efficacité et la conscience d’être un
individu social et responsable. Mais en dernike analyse,les réalisations du sys-
tkme éducatif n’ont pas répondu aux espoirs en ce qui concerne l’une ou l’autre
de ces finalités,situation qu’on a généralement décrite en disant que la qualité
de l’éducation ou que les normes appliquées par le systkme éducatif étaient loin
de donner satisfaction.
Administration
L‘effort général pour améliorer la gestion des systtmes éducatifs n’a été qu’en
partie couronné de succks.On ne s’est pas suffisamment efforcé de décentraliser
la planification et les centres de décisions de l’éducation,de décentraliser la ges-
tion et de former des gens compétents aux niveaux inférieurs. Le passage d’une
gestion statique A une gestion du développement a été d’une extrême lenteur
Situation actuelle dans le monde 79
NOTES ET Rl?Fl%!?NCES
1. Regional Workshop on Goals and Theories of Education in Asia, New Delhi,1980.
Goals and theories of education in Asia: report of a Regional Workshop. Bangkok,
Unesco Regional Office of Education in Asia and Oceania, 1980,p. 64.
2. Ibid.,p. 13.
3. Ibid.,p. 82.
4. Ibid.,p. 94.
5. Ibid, p. 105.
6. Ibid.,p. 109.
1. Ibid.,p. 128.
8. Voir Bulletin du Bureau régional de I'Unescopourl'éducation en Asie (Bangkok), No 14:
L'enseignement du premier degrd en Asie;Bulletin of the Unesco Regional Oflice for
Education in Asia and Oceania (Bangkok), no. 20: Education in Asia and Oceania;
no. 21 :Technical and vocational education in Asia and Oceania.
9. Unesco. Les besoins de l'Asie en matiere d'enseignement primaire: plan pour l'organi-
sation de l'enseignementprimaire obligatoire dans la région. Paris, 1961.64p. (Etudes et
documents d'education, No41).
10. U n e dtude rhnte du Bureau rdgional de l'Unesco pour l'kducation en Asie et en
Ockanie a rdvdld que de nombreux pays de la rkgion ont pris du retard dans la rdali-
sation du Modple asiatique de développement (1965-1981)et que pour mettre en place
un enseignement primaire universel, il leur faudra, pendant la dhnnie 80, augmenter
trts sensiblement les effectifs scolarists et surtout rdduire les dkhets scolaires.
4.Etats arabes
par M.A.El-Ghannam
INTRODUCTION
Le monde arabe, qui couvre quelque 14000000 km2,englobe l'Afrique du Nord,
la majeure partie de la Vallée du Nil et s'ttend jusqu'h l'Asie du Sud-ouest.Il se
compose de vingt-deux Etats qui, s'ils difftrent par leur superficie,leur densité
de population et leur richesse, ont une histoire, une langue, une culture et une
destinée communes. Ils ont au total une population de plus de 160 W o n s
d'habitants (d'aprts les évaluations de 1980).
Outre qu'il occupe une fonction stratégique centrale, le monde arabe est le
berceau des civilisations. Les trois grandes religions - islamique, chrttieme et
juive - sont ntes dans cette rtgion.L'Islam, qui remonte au V I F sikle,a confért
A la région arabe son caractkre distinct par le fait qu'il représente une révolution
culturelle capitale qui prkonisait l'avknement d'une socitté essentiellement
fondée sur la justice,le droit, la fraternitt et l'tgalitt,et qui affirmait la dignité,
la liberté et l'indépendance de l'homme. Il mettait aussi l'accent sur l'esprit,
l'action positive,la moralitt,l'authenticitéet l'ouverture aux autres cultures. En
Situation actuelle dans le monde 81
e) préparer les klkves B la vie active ou B des ktudes secondairespour ceux qui ont les apti-
tudes et les moyens de parfaire leur éducation;
f) encourager B l'autodidaxie ceux et celles pour qui ce cycle marque le terme de leur vie
scolaire.
E u kgard B ces objectifs, l'hle prkparatoire reprtsente une phase unifike permettant de
consolider les acquis fondamentaux du cycle primaire et d'entamer une formation pra-
tique dans les domaines qui requilerent un tel apprentissageet qui aideraient B dhuvrir et
B dkvelopper les aptitudes B ce moment de son existence.
Objectifs du cycle secondaire
a) parfaire le dkveloppement harmonieux de l'klleve;
b) klever une gknkration d'Arabes qui croient en Dieu, qui soient loyaux envers la patrie
et qui aient confiance en eux-memeset foi en leur peuple;
c) préparer les klkves B la vie en dkveloppant leur initiative et leur capacitk de faire face B
leurs obligations B l'kgard de la sociktd et de jouer leur r6le de citoyens actifs d'un
rkgime dkmocratique;
d) dispenser une culture gknkrale paralldement B des ktudes spkialiskes qui prépareront
l'klbve B aborder dans de bonnes conditions des études universitaires;
e) inculquer aux garçons comme aux filles un sentiment de solidarité familiale et les
rendre conscients du r6le de la famille dans la socidtk et des conditions essentielles
pour le bonheur du foyer;
f) dkvelopper la curiositd et le go& de la lecture, par une approche expkrimentale, et cul-
tiver chez l'klleveune pensb objective;
g) donner les moyens d'occuper sainement ses loisks.
L‘autre classification est fondte sur les divers types de compttences: informa-
tion, capacitts,talents, valeurs et mode de penste. Cette classificationpermet de
dkceler et de dtvelopper les qualitts personnelles A un degrt profitable pour
l’individuc o m m e pour la socittk. Citons en outre la classification basée sur les
valeurs personnelles, sociales, scientifiques, idtologiques, religieuses,nationales
et universelles. C‘est prkiskment celle que nous avons retenue pour cette ttude
des objectifs tducatifs dans les Etats arabes tels qu’ils se dtgagent des docu-
ments ptdagogiques officiels. Cette classificationse prtsente c o m m e suit:
L’objectif individuel: vise le dkveloppement cohkrent de l’individu sur tous les
plans: intellectuel,moral et physique,
L’objectifsocial:en tant que membre d‘une collectivitt,le citoyen a des droits et
des obligations. L‘objectif social a un fondement dtmocratique en ce qu’il
repose sur les principes de libertt et de justice.
L’objectiféconomique: vise la formation de citoyens productifs et conscients des
ressources de leur environnement.
L’objectifscientifique:vise A former des citoyens qui aient foi dans la science en
tant que mode de vie et qui soient rompus aux mtthodes scientifiques et A une
penske objective,prtlude ti une meilleure qualitt de la vie.
L’objectifidéologique: vise A former des citoyens qui auront foi dans l’tducation
et la penste socialiste ou dans la dtmocratie ou dans toute autre idtologie
politique.
L’objectifreligieux:vise A former des citoyens qui croient en Dieu et aux valeurs
qui dictent une conduite vertueuse.
L’objectifcivique: vise A former de bons citoyens, pleinement conscients de leurs
responsabilitts et de leurs droits et qui ne ntghgeront rien pour faire progresser
leur pays, prtserver son patrimoine culturel et rtsoudre ses probltmes.
L’objectif national: vise A former des individus fiers de leur pays et fiers de leur
appartenance.
L’objectif universel: vise A former des individus qui croient A des idtaux et qui
conforment leur conduite sociale A ces idtaux.
Voici les principales observations qu’on peut dkgager de la documentation
officielle:
1. Tous les objectifs figurant dans notre classification sont retenus dans la plupart des
Etats arabes sur lesquels porte l’ktude.
2. La plupart des pays arabes mettent l’accent sur l’objectif individuel qui vise au dkvelop-
pement intkgral de l’individu dans les domaines intellectuel,moral et physique.
3. La plupart des pays arabes privilkgient les objectifs socio-hnomiques,la foi dans la
science et ses mkthodes,f h n d e s comme moyen d’amkliorer la vie.
4. Les pays tî rkgime socialiste (Algkrie,Irak, Rkpublique arabe syrienne et Ykmen dkmo-
cratique) mettent l’accent sur l’objectif idblogique et les convictions socialistes. Ils
soulignent aussi les dangers du colonialisme et de l’impkrialisme. Ils ont pour objectif
commun de sympathiser avec les mouvements de libkration et n’ont pas d’objectif reli-
gieux. Ces principes sont &on& A diverses reprises dans leurs documents de politique
educative.
5. L‘objectif religieux est dominant dans les Etats suivants: Arabie Saoudite, Bahrein,
Emirats arabes unis,Jamahiriya arabe libyenne, Koweit, Oman,Qatar et Ykmen.
86 Finalités de réducation
6. L‘objectif civique est commun A tous les Etats arabes mais, sans doute en raison de fac-
teurs d’ordre inttrieur qu’il n’y a pas lieu d’examiner ici,il est plus marqut encore dans
les suivants:Algtrie,Arabie Saoudite,Egypte, Irak,Jordanie,Koweit, Liban, Soudan.
7. Bien que l’instruction religieuse soit dispensk dans les hles, l’objectif religieux n’est
pas mentionnt dans les documents des Etats suivants: Irak, Jordanie, Liban, Maroc,
Rkpublique arabe syrienne,Tunisie et Ykmen dtmocratique.
8. L‘objectif national ne figure pas dans les documents des Etats suivants: Arabie
Saoudite,Egypte, Liban, Maroc, Tunisie.
9. L‘objectif d’universalitt est soulignt par la plupart des pays arabes.
En résumé,les objectifs de l’éducation dans les pays arabes peuvent &tre définis
c o m m e individuels, sociaux, économiques, nationaux, religieux et universels.
Ces pays ont donc de nombreux objectifs en commun.
Tels sont les objectifs de l’tducation dans nos pays. Ils visent A former de bons citoyens,
physiquement et intellectuellement aptes, guidts par de hautes valeurs morales, qui aient
un travail productif et une volontt de progr&, qui aient une foi solide dans les valeurs de
l’humanitt,qui aient la capacitt de jouir de la vie dans la libertd et la dignitk, qui sachent
se montrer perskvtrants et aptes A crter, qui prtfbent vivre avec les autres plutôt que dans
l’isolement et qui aiment leur peuple,leur patrie, voire l’humanitt enti8re.5
6. Le systkme dducatif proprement scolaire n’a pas les moyens de rdaliser pleinement les
objectifs, en particulier s’ils ont un caractQe traditionnel. A moins que l’on mobilise
d’autres ressources kducatives, c’est-8-diredes modes non formels d’kducation, pour
compldter les efforts du systkme dducatif scolaire, les finalitds de l’kducation resteront
u topiques.
7. La manikre peu ddmocratique d’administrer les systkmes dducatifs et de dkider du
choix des objectifs et des moyens de les atteindre. La traduction des objectifs en plans
et programmes dducatifs et en comportements particuliers dans la classe n’aurait pas
les rdsultats recherchds si elle ne s’accomplissait pas dkmocratiquement,c’est-8-diresi
elle n’impliquait pas la participation de tous les aucateurs 8 tous les niveaux.
Les deux derniers points apparaissent c o m m e les principaux facteurs de nature A
rapprocher la théorie de la pratique. Il est important ici de souligner que, pour
atteindre leurs objectifs éducatifs,les Etats arabes pauvres,c’est-&dire aux pers-
pectives et aux ressources limitées,ont besoin de l’aide que peuvent leur appor-
ter les Etats frères plus riches. Dans cette perspective, une action menée en
c o m m u n par tous les Arabes est indispensable.
CONCLUSION
E n dépit de l’ampleur, de la diversité et de la multiplicité des objectifs dans la
région arabe,ceux-ciont un dénominateur c o m m u n qui est de former un citoyen
arabe et d’édifier une nation arabe. Bien que les objectifs soient perçus diffkrem-
ment par chaque Etat arabe - en fonction de son idéologie, des conditions qui
lui sont propres et de ses ressources - on discerne chez tous une tendance A
rechercher un consensus au sujet des objectifs de l’éducation et A tenter en
commun d’atteindre les dits objectifs. Le dksir profond et discemable de chan-
gement et de réforme, que ce soit A l’khelon de l’Etat ou A l’échelon national,
laisse augurer un meilleur avenir pour l’kducation arabe.
Pour ce qui est des mesures nouvelles intéressant les objectifs Cducatifs, la
réunion régionale du Caire a souhgné les points suivants6.
- La nkessitk de s’attacher B traduire les objectifs dducatifs gkndraux en programmes
effectifs d’organisation des dtablissements et des niveaux dducatifs, d’klaboration des
programmes scolaires, de ruaction des manuels, de crhtion des laboratoires voulus,
mais aussi d’expdrimentation des programmes et manuels A l’effet de juger dans quelle
mesure ils permettent d‘atteindre les objectifs.
- Il convient d’apporter un soin particulier 8 la formation du personnel enseignant et de
veiller 8 ce qu’il participe pleinement 8 la ddfinition des objectifs dducatifs et B leur tra-
duction en procedures, en rkglements,en mdthodes et en pratiques.
- Il importe de ddfinir les niveaux des objectifs dducatifs et de mesurer jusqu’8quel point
ces objectifs ont dtk atteints.
- On devrait imaginer de nouvelles mkthodes d’dvaluation et rdviser les syst6mes
d’examens, plus particulikrement ceux qui sont organisds ii la fin des cycles scolaires,
dans des conditions telles que les objectifs novateurs concernant l’essence m e m e de
l’kducation et sa signification profonde puissent avoir tout leur impact 8 la fois sur
l’dlbe et sur le maître.
- Exkution d’un plan global de recherche sur les sources des objectifs et les mkthodes de
leur dkduction,ainsi qu’un dchange d’information sur le problkme des objectifs dans les
Etats arabes.
aa ' Finalités de I'éducation
NOTES ET Rl?F&RENCES
1. Paralltlement il cet enseignement moderne, l'enseignement traditionnel s'est maintenu
et m ê m e dkveloppk, notamment dans les mosquks-cathkdralesd'Al-Azhan (Le Caire),
de la Zitouna (Tunis) et de QarawiyyTn (Fts).
2. Voir S. El Hossari dans Hawliyal al-laqüfa al-carabiyya (al-Qfia), No 5, 1957,
p. 867-870.
3. Traduction non officielle.
4. Confkrence des ministres de l'kducation et des ministres chargks de la planification 6x1-
nomique dans les Etats arabes, Abou-Dhabi, 1977. Rapport final. Paris,Unesco, 1978,
p. 29-30.
5. Organisation arabe pour l'kducation, la culture et la science. Lahat wa@ istratigiyya
li-tatwir at-tarbiya fi iil-bilsd al-carabiyya.Istrütigiyya tawir al-tarbiya al-carabiyya:
taqrir la&a wa& istrü@iyya li-ta-pirut-tarbiyafiil-bilüdal-carabiyya[Strattgie pour le
dkveloppement de l'tducation arabe: rapport du Comitk pour la mise sur pied d'une
strattgie pour le dtveloppement de l'kducation dans les pays arabes] Tunis?, 1979,
p. 213-214.
Situation actuelle dans le monde 89
6. Skminaire SUI les objectifs futurs de l'6ducation dans les pays arabes, Le Caire, 1978.
Rapport final. Le Caire,Bureau rkgional de l'Unesco pour l'kducation dans les pays
arabes, 1978.24 p.
5. U n Etat socialiste:l'URSS
par D.K Ermolenko
L'intérêt que manifeste l'Unesco pour la compréhension et la formulation des
finalités de l'éducation, et son désir d'élaborer un système de finahtés pour
l'éducation dans un monde moderne en rapide évolution sont tout A fait
compréhensibles.Il ne fait pas de doute que la discussion de ces problèmes dans
le cadre des réunions d'experts de l'Unesco, c o m m e le large échange d'opinions
sur la question,devraient se montrer A la fois utiles et fructueux.
Produire des C O M ~ ~ S S ~ ~les
C ~reproduire
S, et les transmettre aux générations
A venir est un problème auquel toute société se trouve traditionnellement
confrontée.Chaque socitté s'efforce de dtterminer les idéaux qu'il lui faut servir
en diffusant et transmettant ces connaissances,ainsi que les moyens de le faire.
En établissant un système particulier d'éducation, la société (ou, plus préci-
sément, ses classes dirigeantes) souhaite modeler un type défini d'individu qui
devrait non seulement posséder connaissances et compétences,mais qui aurait
aussi des principes moraux pertinents et serait capable de trouver sa voie dans la
vie et de prendre des décisions appropriées.
Les idées et les principes qui régissent l'éducation s'étant progressivement
élaborés (le terme ((instructionpublique))n'est apparu qu'A un certain stade du
développement de l'espèce humaine), les enseignants et autres spécialistes se
sont largement inspirés d'idées et de concepts philosophiques, de notions
d'éthique et de morale.
A cet égard, l'éducation et ses systèmes furent,et sont encore, influencés par
les doctrines philosophiques de Platon, Socrate, Kant, Hegel, Rousseau,
Tchernyshevsky,ainsi que de nombre d'autres penseurs.
Particulièrement féconde, ainsi que le pense l'auteur du présent texte, fut
l'influence de la philosophie marxiste, qui constitua un bond qualitatif dans
l'histoirede la philosophie.
Karl Marx exprima sa conception du changement radical, qu'avec Engels il
introduisit dans la philosophie par la formule suivante: tout ce que les philo-
sophes ont fait jusqu'ici fut d'interpréter le monde de différentes manières, alors
que la véritable tâche consiste A le changer'. Selon Marx et Engels, la philoso-
phie doit être en interrelation organique avec la vie pratique et refléter acti-
vement les intérêts de la classe laborieuse et des autres travailleurs. Il lui faut
découvrir les lois objectives du réel et, sur cette base, avec le concours des autres
branches de la science, trouver les voies et moyens pour construire une société
nouvelle,libérk de l'oppression et de l'exploitation, la société de vraie liberté et
de démocratie.
90 Finalitb de I’kducation
L a philosophie marxiste développée plus tard par Lénine fut mise en pratique
dans la construction de la nouvelle société communiste dont le peuple de
l’ancienne Russie tsariste avait jeté les bases en 1917.
Il est bien COMU que la philosophie marxiste-léninistemet un accent spécial
sur les problèmes de morahté et d’éthique (science qui étudie la nature sociale,
les spécificités et les lois du développement moral en tant que forme particuhère
de conscience sociale), ainsi que de croissance et d’éducation. En créant leur
propre concept de moralité et d’éthque en tant que fondement de la théorie et
de la pratique pédagogiques et éducatives,les marxistes partent de la conviction
que, dans une société libre de toute exploitation, l’éducation doit faire fond sur
tout ce que l’expérience antérieure de l’humanité a produit progressivement de
meilleur quant A toutes les réalisations modernes des autres structures socio-
politiques.
En conséquence, il n’est que naturel que les marxistes jugent c o m m e
d’extrême importance un large échange d’expériences sur les problèmes que pose
l’éducation au sein d’un forum aussi important que l’Unesco.
Ainsi qu’il ressort en particulier de nombreuses réunions et conférences,
chacun des Etats membres de l’Unesco semble avoir accumulé une expérience
considérable dans ce domaine, expérience qu’il serait utile que tous les autres
Etats membres connaissent. Et chaque délégué de tous les pays représentés
serait A coup sûr heureux d’avoir l’occasion de faire connaître à ses collègues
certains aspects de l’expérience acquise par son systbme national d’éducation.
En présentant cette étude,l’auteur ne cherche en aucune manière A l’imposer
à quiconque. Chaque pays a ses traits spkcifiques, ses particularitéspropres,ses
propres trahtions et son propre système d’éducation. L‘auteur, quant à lui,
considère que son pays a accumulé une expérience considérable dans ce
domaine et espère qu’elle peut faire l’objet d’une analyse fructueuse par les
représentants des autres pays.
Les éminents experts soviétiques en matière d’éducation ont plus d’une fois
participé aux manifestations dont l’Unesco a pris l’initiative dans le domaine de
l’éducation,pris la parole dans ses conférences et contribué A ses publications,
donnant des comptes rendus détdés de l’expériencesoviétique it cet égard.Ces
questions ont été très largement traitées dans les rapports présentés par les délé-
gués soviétiques lors des sessions de la Conférence générale de l’Unesco, aux
conférences européennes des ministres de l’éducation et en divers autres pré-
toires. D e sorte que la présente étude n’a pas l’ambition de donner un aperçu
complet du problème; elle s’en tiendra A certains de ses aspects.
Il ne faut pas oublier qu’A la veille de la Révolution d’octobre,les trois quarts
de la population de la Russie étaient analphabètes. L‘alphabétisation fut parti-
culièrement lente parmi les minorités nationales - 48 nationalités n’avaient pas
de langue écrite qui leur soit propre.
Dès 1903,quatorze ans avant la Révolution d’octobre,le premier programme
du Parti communiste russe stipulait l’accomplissementd’une scolarité générale
et d’une formation professionnelle obligatoires et gratuites pour tous les enfants
des deux sexes au-dessousde 16 ans.
Situation actuelle dans le monde 91
égale pour toutes. Outre qu’il faut inculquer h l’élève des connaissances théo-
riques et la compréhension des problèmes propres A une discipline particulière
qui l’arme en matière de méthodologie,et outre qu’il faut améliorer les confé-
rences et les séminaires,encore faut-ilmettre en valeur le rôle du travilll person-
nel de l’élève et le mieux préparer aux activités pratiques, sans négliger pour
autant l’améliorationde sa santé.A cet égard,les établissements d’enseignement
supérieur, les facultés et les départements devraient, sur la base de l’expérience
et des réalisations de la science pédagogique, examiner de manière plus appro-
fondie l’état actuel des choses et trouver les moyens optimaux de combiner tous
les facteurs intervenant dans la vie et les études des élèves.
Etendre et développer les liens entre l’éducation et les moyens pratiques
d’édifier dans le pays une société communiste nouvelle est une œuvre de
particulière importance. S’inscrivent ici, au premier plan, des objectifs divers:
organisation d’activités conjointes et réfléches du système d’éducation et des
diverses branches de l’économie nationale; amélioration ultérieure des quah-
fications des enseignants et des spécialistes travaillant déjh dans le cadre de
l’économie nationale; enrichissement mutuel de la science et de la pratique;
accroissement de l’efficience et de la qualité de la recherche scientifique menée
dans les institutions d‘éducation.
Le système éducatif use toujours plus largement des possibilités que lui offre
la science. Et ces possibilités ne cessent de croître. Qu’il nous suffise de dire
qu’en 1980, le nombre des savants dans le pays atteignait 1 376 300 et que les
dépenses faites pour la science sont passées en dm ans (1971-1980)de 11,7 A
21,3 milliards de roubles par an.
L e 26e Congrès du Parti communiste de l’union soviétique a examiné les
tâches immédiates du Parti et du pays en matière de politique intérieure et de
politique étrangère. Le Congrès a approuvé les Directives pour le dévelop-
pement économique et social de l’URSSpour la période 1981-1985 et jusqu’en
1990. Il convient de signaler qu’environ 5,5 millions de professeurs, d’instruc-
teurs,de diplômés de l’universitéet d‘étudiants de l’enseignementsupérieur ont
pris part aux discussions sur le projet de Directives’. L a dmussion des projets
de documents du Congrès et, en conséquence, de ses décisions joue un grand
rôle mobilisateur pour tous ceux qui travaillent dans le domaine de l’éducation.
Les enseignants et les élèves sont maintenent activement impliqués dans l’exé-
cution des plans avancés par le Parti dans le cadre de son Congrès.
Le 26e Congrès a tracé les grandes lignes d’un vaste programme de déve-
loppement de la science et de la technologie,d’expansion de la recherche fonda-
mentale et appliquée, ainsi que d’application dans la pratique c o m m e dans le
processus éducatif des résultats du progrès scientifique et technologique.Il y fut
également souligné que l’instruction publique avait fait un nouveau et très
tangible bond en avant. En particulier, un objectif très important a éte atteint, A
savoir la génkralisation complète de l’enseignement secondaire universel obli-
gatoire. Les bourses d’études pour les élèves des établissements d’enseignement
supérieur des écoles secondaires spéciahsées et des écoles techniques ont été
augmentées. On a commencé h distribuer les manuels gratuitement aux élèves
Situation actuelle dans le monde 97
conformément aux décisions prises par l'Assemblée générale des Nations Unies
et la Conférence générale de l'Unesco.
Il va de soi que l'attention des enseignants et des élèves fut attirée par la
Recommandation sur l'éducation pour la compréhension,la coopération et la
paix internationales et l'éducation relative aux droits de l'homme et aux libertés
fondamentales adoptée par la Conférence générale de l'Unesco lors de sa
18e session en 1974.Une attention toute particuli6re est accordée aux dispo-
sitions telles que celles formuléesdans le paragraphe 6 de la résolution:
L'éducation devrait mettre l'accent sur l'inadmissibilité du recours B la guerre d'expansion,
d'agression et de domination,B la force et B la violence de répression et induire chaque
personne B comprendre et assumer les responsabilités qui lui incombent pour le maintien
de la paix. Elle devrait contribuer B la compréhension internationale,au renforcement de
la paix mondiale et aux activités dans la lutte contre le colonialisme et le néo-colonialisme
sous toutes leurs formes et dans toutes leurs manifestations et contre toutes formes et
variétés de racisme, de fascisme et d'apartheid ainsi que toutes autres idéologies qui
inspirent la haine nationale ou raciale et qui sont contraires aux objectifs de cette recom-
mandation.
Les enseignants et les élèves soviétiques apprécient les importantes initiatives
prises par l'Unesco pour faire en sorte que les mass meha servent les intérêts de
la paix et de la coopérationentre les nations.
Le lle Plan quinquennal (1981-1985) a maintenant été élaboré.Il définit une
série de finalités,d'objectifs et de buts A atteindre touchant le développement
futur de la société.Une nouvelle étape importante pour l'ensemble du système
d'instruction publique t?I franchr au cours de cette période de cinq ans est
envisagée.D'importantes tâches doivent être accomplies,notamment le dévelop-
pement de la recherche scientifiquefondamentale et appliquée et l'introduction
de ses rksultats dans la pratique et le système d'éducation, de même que l'édu-
cation intellectuelle,morale et en vue du travail de la génération qui aura t?I
manifester ses talents et ses capacités non seulement au XXe, mais au
X X I e siècle tout proche,de manière t?I faire démarrer des activités créatives dans
le troisième millénaire de notre ère.Une vaste armée de professeurs,de savants,
d'étudiants diplômés et autres travaillent actuellement A résoudre ces problèmes
et beaucoup d'autres.
NOTES ET RÉFÉRENCES
1. Marks, K. Tezisy O Fejerbahe [Thbses sur Feuerbach] In; Marks, K.;Engel's,
F.SoEinenija [(Euvres] Izd.2-e.Moskva, Gospolitizdat, 1955,t. 3, p. 4.
2. Istorija sovetskoj konstitucii v dokumentah [L'histoire de la Constitution soviétique B
travers les documents] Moskva, 1957,p. 146.
3. Pravda (Moskva), 24janvar' 1981.
4. URSS. Lois, statuts, etc. Loi-cadre de l'l7.RS.S.et des Républiques fédérées sur
l'instruction publique. Moscou, 1973,Article 4.[Les Nouvelles de Moscou, supplément
au No 33,août 19731
Situation actuelle dans le monde 101
5. Eljutin, V. PervejSij dolg VysSej Skoly [La tâche principale de l'éwle supérieure]
Kommunist (Moskva, Central'nyj komitet, KommunistiEeskaja partija Sovetskogo
Soyuza), No 10,1981.
6. Zimjanin,M.VysSaja Skola na novom étape [L'éCole supérieure: une nouvelle étape]
Kommunist (Moskva, Central'nyj komitet, KommunistiEeskaja partia Sovetskogo
Soyuza),No3, 1980,p. 17 ss.
7. Eljutin,V. Op. cil.
8. Brejnev, L.I.Rapport d'activité du Comifd central du P.C.U.S.au XXVle Congrès du
Parti communiste de I'Union soviétique et tâches immédiates du Parti en politique inté-
rieure et extérieure. Genève,Imprimeriecoopérative du Pré-Jérôme,1981,p. 116.
9. Eljutin,V.Op. cit.
10. Le&, V.I.UZuvres. Paris,Editions sociales;Moscou, Editions en langues étrangères,
1961,vol.31,p.295.
11. Brehev,L.I.Leninskim kursom: reti i stat'i [Dansla voie léniniste: discours et articles]
Moskva,Politizdat,1980,t. 7,p. 319.
12. URSS. Constitution. Constitution (loi fondamentale) de Z'Union des Républiques
socialistes soviétiques adoptée par la XIIe Session extraordinaire du Soviet Suprême de
I'URSS,9e législature, le 7 octobre 1977.Moswu, Progrès,1977,p. 16,Article 28.
13. Ibid.,p. 16,Article 29.
6. Europe occidentale
et Amérique du Nord
par J.A.Lauwerys et R. Cowen
Partout dans le monde chrétien, jusqu'au XVIe siècle, les finalités et buts de
l'éducation étaient principalement exprimés en termes religieux et théologiques.
Mais les découvertes géographiques, les progrès rapides de la science, les
nouveaux humanismes et la réforme ont changé et élargi les vues de ceux et
celles qui ont affaire avec l'école. LtI où le calvinisme a exercé une influence,
l'école pour tous est apparue c o m e indispensable parce que, sans instruction,il
ne serait pas possible d'entrer en contact direct avec la parole de Dieu, avec la
Bible. Mais naturellement, cela ne signifiait pas que les écoles dussent apprendre
aux enfants comment gagner leur vie, cette tâche Ctant réservée au système
d'apprentissage.
E n Amérique du Nord, les colons, pour la plupart protestants,ont organisé
un enseignement public pour se protéger des tentations du diable et des risques
de barbarie qu'offrait leur nouvel environnement.A la m ê m e date tI peu prks -
avant 1650 - en Europe, Comenius proposait non seulement l'enseignement uni-
versel mais l'enseignementde disciplines qui aideraient tI comprendre la nature,
102 Finalités de l'éducation
par des principes socialistes.L'un et l'autre événements ont renforcé les aspira-
tions des radicaux, tels que les Fabians en Angleterre et les Compagnons de
l'université nouvelle en France qui réclamaient une remise en question des fina-
lités et des politiques de l'éducation.
Pour ce qui est de la théorie de l'éducation, les idées de John Dewey ont
exercé une influence internationale et inteme. A u plan national, Dewey a été
considéré c o m m e ayant élaboré une nouvelle théorie libérale et démocratique de
l'éducation qui apportait une réponse intelligente aux questions de savoir
comment préparer les enfants A la vie dans une démocratie américaine devenue
aussi une des grandes puissances industrielles du monde. Sur le plan intema-
tional,les théories pédagogiques de Dewey ont révélé des affinités avec les théo-
ries éducatives dont il était débattu ailleurs, notamment les théories de Georg
Kirchensteiner en Allemagne et la théorie polytechnique naissante des Soviets.
Pendant quelque temps,il a semblé que les idées de Dewey pouvaient être appli-
cables m ê m e en Chine. Certains aspects des théories de Dewey allaient aussi
dans le m ê m e sens - pour ce qui est de leur perception de l'enfant - que
quelques-unesdes nouvelles théories de l'éducation de la première enfance,les-
quelles soulignaient la curiosité et l'initiative des enfants, ainsi que les moyens
par lesquels, eu égard A ces premiers principes psychologiques, ils pouvaient
apprendre le plus efficacement. U n e certaine convergence est apparue donc sur
le plan international dans l'idéologie de l'éducation, notamment une certaine
convergencedans la critique.Les Compagnons de l'université nouvelle ont argué
avec force que les modes d'organisation de l'éducation en honneur servaient
implicitement des finalités éducatives: certains groupes sociaux étaient piégés
dans les systèmes français d'enseignement primaire; seuls les enfants de farmlles
relativement aisées et instruites pouvaient avoir accès au système des lycées.Ces
finahtés implicites du systkme éducatif étaient contraires aux buts civiques et
sociaux d'une démocratie. Les groupes sociahstes,notamment la Fabian Society,
le Parti travailliste naissant et certains théoriciens en Angleterre et adleurs se
mirent A formuler des arguments analogues.Ils commencèrent A mettre en ques-
tion les finahtés et politiques éducatives habituelles,ainsi qu'A suggérer d'autres
solutions.M ê m e aux Etats-Unis,un courant socialiste est apparu en théorie de
l'éducation. L'idéologie de Dewey, reprise par d'autres, eut tendance A se
scinder. U n groupe a souligné les aspects de la théorie pédagogique de Dewey
axée sur l'enfant; un autre, en particulier après 1929, a commencé A mettre en
relief les finahtés de reconstruction sociale et les virtualités politiques de la
théorie.
Ces virtualités ont été A la fois interrompues et confirmées par la Seconde
guerre mondiale. La guerre a encouragé A réexaminer les finalités éducatives,
ainsi que les buts et politiques de l'éducation, et A renforcer chez les spéciahstes
le débat théorique sur l'éducation. Ces processus ont été particulikrement évi-
dents en Europe, où les problèmes de reconstruction sociale, économique,poli-
tique et éducative étaient manifestement de la plus grande importance. Les
~ préparatifs ont commencé avant la fin de la guerre. Certains ont été faits A
l'échelle internationalepar le biais de la Conférence des ministres de l'éducation
alliés. Des groupes nationaux sont également intervenus dès le début de 1943
106 Finalités de I‘èducation
D e plus en plus, la critique s'est abattue sur des théories éducatives attribuées &
John Dewey, souvent &tort. Des arguments essentialistes sur les raisons d'etre et
le contenu de l'éducation ont été le plus fréquemment invoquts. En 1957, le
débat a été assez soudainement catalysé par la crise des Spoutnik.Il semblait que
l'Union sovittique eût acquis une supériorité technologique sur les Etats-Unis;
la politique éducative fut rapidement encadrée dans la loi intitulée ((National
Defense Education Act)) qui visait & renforcer le travail des écoles dans des
domaines c o m m e les langues étrangères,les mathématiques et les sciences. Les
censeurs, au nombre desquels figurait le président Eisenhower, se livrèrent & des
réflexions sévères sur la valeur morale de la jeunesse américaine. L a politique
éducative,spécialement au niveau de l'enseignement primaire, servit de prétexte
& la recherche des moyens de confirmer les jeunes Américains dans leur
croyance & des formes de démocratie amtricaine.O n exigea de plus en plus des
serments de loyauté de ceux qui auraient & transmettre cette finahté éducative
aux jeunes.
Egalement au milieu des années 50, il fut reconnu par la loi que la finalité
éducative de l'égalité des chances devant l'tducation ne serait sans doute pas
réalisée si l'on conservait,c o m m e tel ttait le cas dans de nombreux domaines,
des écoles distinctes pour les Noirs et les Blancs. La politique éducative fut
conçue dans le but de commencer & réduire ces intgahtés. Les obstacles & la
solution étaient cependant subtils. L a ségrégation de jure dans les écoles devint
illégale. Mais les constatations de la théorie éducative ((faible))confirmèrent
qu'en fait la situation persisterait,du fait qu'elle était renforcke par des phéno-
mènes c o m m e les structures résidentielles,régionales et urbaines. L'immigration
aux Etats-Unis, en particuher des nouveaux Hispano-Américains,diversifia la
définition du problkme de l'enseignement dispensé aux minoritts. D e plus en
plus au cours des anntes 70,le processus enseignement-apprentissagefut ins-
piré par des objectifs tducatifs qui concédaient une certaine identité culturelle
distincte aux groupes qui l'exigeaient. Les Noirs, les Hispano-Américains et les
femmes commencèrent & demander des contenus pédagogiques différents (y
compris en matière de langue). A l'heure actuelle,l'une des réactions politiques
au niveau fédéral est l'octroi de crédits fédéraux pour l'éducation bilingue.
L e style de la réaction américaine en matière de politique éducative et de défi-
nition des objectifs éducatifs en est venu & privilégier la politique éducative et
l'objectifde ((compensation)).Tel a été particuhèrement le cas avec la loi de 1964
sur l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire. Cette loi était en
partie baste sur la reconnaissance,au milieu des années 60,d'une réelle pauvreté
dans certaines parties des Etats-Unis,ainsi que des différences dans les résultats
scolaires selon les groupes. La loi a chercht &identifier les groupes relativement
désavantagés et & consacrer spécifiquement & leur éducation une aide supplé-
mentaire.
A l'heure actuelle, se manifeste une certaine convergence entre la politique
éducative poursuivie en Europe au cours des anntes 70 et la politique des Etats-
Unis &la fin de la décennie 50 et au cours des années 60.En partie par le fait de
l'immigration et en partie grfice aux revendications des minorités (Gallois,
Basques, Lapons, etc.), la politique européenne de l'tducation s'est attachée de
108 Finalités de I‘éducation
plus en plus A définir des buts et des objectifs appropriés pour une éducation
multiculturelle.
La recherche pédagogique a également montré au cours des années 50 et 60
qu’en Europe aussi l’égalité des chances devant l’éducation était en pratique
inégalement répartie,souvent selon les classes.Les formes d’éducationcompen-
satoire (y compris le recours A l’éducation préscolaire) ont commencé A faire
partie de la politique éducativeen Europe.Cette préoccupation transparaît dans
les objectifs d’enseignement-apprentissage.Devrait-ily avoir un programme
d’études commun A tous? Quelle stratégie de l’enseignementest la plus & m&me
d’encourager A l’étudeles enfants des travailleurs? Quel contenu et quel style
d‘enseignementcorrespondent &quels besoins?
Cependant, les politiques éducatives en Europe ont été surtout conçues en
termes de structure;elles ont consisté A inventer de nouvelles institutions plutôt
que des stratégiescompensatoiresau bénéfice de groupes cibles.Le problème de
structure - qui a dominé en grande partie le débat sur l’éducation pendant les
années 50 et qui s’est soldé par la définition de politiques dans les années 60 et
leur application dans les années 70 - était de savoir s’il convenait d’organiser
une école commune pour tous dans le premier cycle du second degré. C‘est la
solution A laquelle se sont arrêtés les pays scandmaves et l’Italie.Le Royaume-
Uni s’est rapproché d’une telle politique.En République fédérale d’Allemagne,
les politiques diffèrent selon les finder. Fréquemment,la politique éducative est
censée insister sur les programmes communs pour une période plus longue que
le cycle primaire et/ou utiliser les premières années du second cycle pour un tra-
vail approfondi d’orientation.
Deux autres problèmes principaux de structure ont été au centre des grandes
politiques en Europe. L‘un est le développement et la redéfinition des systkmes
d’enseignement supérieur. Les modkles européens et anglais d’universités
n’étaientpas conçus pour absorber les effectifs possédant les qualités requises
pour être admis dans les années 60.Traditionnellement,elles ont été très sélec-
tives, soit A l’admission, soit A la sortie (les taux de déperdition nationaux
variaient). Au cours des dernières anntes 50,les diplômés représentaient entre
5 et 8% de la classe d’âge correspondant A une promotion typique.Cependant,la
finalitégénéralisée de l’égalité des chances devant l’éducation peut s’entendre de
l’admissionde tous les candidats qualifiés.Sous la pression d’une pareille pré-
tention sociale & l’enseignement supérieur, des politiques éducatives ont été
adoptées,qui correspondaient aux recommandationsde commissions nationales
(par exemple au Royaume-Uni,en Norvège et en Suède) au cours des dernières
années 50 et au début de la décennie 60.En général,ces politiques favorisaient
la création de nouvelles universités.La Belgique a maintenant huit universités
alors qu’elle en avait quatre dans les années 50.La Grande-Bretagnepossède
actuellement quarante-cinquniversités;six nouvelles universités ont été créées
dans les années 60 comme conséquence directe du Rapport Robbins. D’autres
adaptations &la pression des effectifs ont entraînéle développement des collèges
d’enseignement supérieur technique ou,comme avec les IUT en France et les
collèges polytechniques britanniques, la création de nouveaux établissements.
Cette politique de l’éducation n’a pas été seulement dictée par la finahté de
Situation actuelle dans le monde 109
l’égalité des chances devant l’éducation; des théories fort répandues dans les
années 50 ont laissé entrevoir que de tels établissements contribueraient ja la
croissance économique.
Comparativement, on peut noter que les Etats-Unis avaient déjja apporté ja
leur système d’enseignement supérieur des modificationsde structure analogues,
et cela dès le XIXe siècle. Il en va de m ê m e des autres problèmes de structure qui
ont influé sur la politique européenne dans le domaine de la formation des
enseignants. L‘Europe a pris beaucoup plus longtemps que les Américains A
faire relever la formation des enseignants du secteur de l’enseignement supé-
rieur. C‘est pendant ce siècle et plus particulièrement après la Seconde guerre
mondiale que les Américains ont opéré la transition entre le modèle d’école nor-
male et la mise en place d’une formation de tous les enseignants dans des éta-
blissements délivrant des diplômes. C e n’est qu’A la fin des années 70 que
l’Europea commencé A définir des politiques de l’éducation qui devaient aboutù
A des résultats analogues.C e processus d’application n’est pas encore achevé.
Le vigoureux mouvement désigné par des noms divers - éducation perma-
nente, éducation récurrente,éducation continue - correspond A l’augmentation
et au développement massifs de tous les établissements d’enseignement supé-
rieur, encore qu’il en soit distinct.Bien qu’il soit profondément enraciné dans le
système tr&s développé de l’éducation des adultes, il représente quelque chose de
nouveau. O n pourrait le décrire c o m m e une tentative délibérée pour éliminer
tous les derniers obstacles ja une parfaite égahté d’accès aux ressources éduca-
tives et ja tous les certificats d’aptitude,y compris les titres universitaires.Quoi
que l’on ait pu faire pour ouvrir largement les portes aux enfants, aux adoles-
cents et aux jeunes adultes, il y a encore de nombreux adultes qui, en raison de
leur âge, de leurs responsabhtés familiales, de conditions gtographiques, etc.,
n’ont pas réussi ou ont eu du mal ja bénéficier de ces conditions. Maintenant,
grâce aux nouveaux moyens qu’offrent les media, grâce aux services postaux,
grâce ja la facile duplication des documents,etc., ces étudmnts virtuels peuvent
recevoir l’aidedont ils ont besoin. Dans certains pays, il existe m ê m e des univer-
sités ouvertes où les étudiants peuvent prQarer des diplômes très divers, voire
m ê m e le doctorat, sans devoir fréquenter les locaux universitaires ou devoir
abandonner leur travad pour assister aux cours ou conférences obligatoires.
RI?SUMfi ET CONCLUSIONS
A considérer l’ensemble Amérique du Nord et Europe occidentale,il apparaît ja
l’évidence qu’il représente une zone culturelle définie de la planète qui pourrait
être appelée zone du christianisme occidental - y compris des portions qu’il
serait plus juste de décrire c o m m e post-chrétiennes.Des mouvements très nets
se manifestent vers une unification politique, militaire et économique; mais en
matière culturelle,il y a une grande diversitt entre les entités nationales.
Il peut être A la fois intéressant et utile de noter quelques ressemblances
importantes dans les objectifs,buts et finalités reconnus de l’éducation.La liste,
il va de soi,répond principalement A un souci d’illustration.
110 Finalités de I'éducation
Objectifset écoles
1. Les matières directement liées h l'industrie, A l'agriculture et la technologie
sont de plus en plus en faveur,en particulier les mathtmatiques,la physique,
la chimie,la biologie et les manipulations scientifiques.
2. O n attache partout une grande importance A l'expérienceacquise de première
main et A l'emploi de machines simples (c'est-&dire aux travaux pratiques).
On accorde plus de prix qu'autrefois A l'application des connaissances.
3. Les études sociales (histoire, gtographie, instruction civique) prennent de
plus en plus d'importance. O n prête moins d'attention A l'ttude des langues,
encore que l'on parle beaucoup de la langue maternelle. Les langues classiques
ont été presque abandonnées dans de nombreux pays.
4. Toutes les méthodes actives sont partout en honneur, encore que l'ancienne
méthode didactique reste chose courante.
5. L a discipline en classe et la discipline scolaire sont beaucoup moins strictes
que naguère.E n fait,on se plaint de plus en plus du chahut et du désordre.
6. Les qualités personnelles,les vertus, le comportement et les attitudes que les
enseignants et les éducateurs souhaitent dtvelopper chez leurs élkves sont
sensiblement ce qu'elles ont été pendant des siècles: franchise,honnêteté et
courage, bonté envers les faibles et les vieillards, etc. Mais le langage main-
tenant utilist est moins religieux,plus laïque. Quant aux raisons qui justifient
une conduite (juste et morale), elles sont d'ordinaire exprimtes en termes
sociaux, personnels ou philosophiques plutôt qu'elles ne s'appuient direc-
tement sur la foi en un dogme religieux et la croyance au surnaturel.
Buts et politiques
A l'échelon national, deux politiques ont dominé l'tvolution: la recherche de
l'égalité sous toutes ses formes et la recherche de la liberté indwiduelle - qui ne
sont pas toujours compatibles.
1. L e terme égalité se prête A une double interprétation.En premier lieu,il s'agit
pour tous les êtres humains,ou tout au moins pour tous les citoyens adultes,
de bénéficier d'un traitement égal de la part des administrations publiques,
par exemple d'avoir accès A tous les équipements publics y compris les écoles
et les collèges.E n second lieu, il peut être utilisé avec un sens plus restreint
(napoléonien), c'est-&dire d'égalité des chances ou d'égalité d'acces après la
réussite A des épreuves qui sont indépendantes de tout préjugé de race, de
sexe, de croyance, de classe ou de fortune. Dans tous les pays de la région
l'égalité prise dans son sens premier existe dans l'enseignement primaire et de
plus en plus dans l'enseignement du second degré (jusqu'h l'âge de 16 ou
18 ans); mais presque partout,elle n'est pratiquée au troisikme niveau (ensei-
gnement supérieur) que dans son second sens: il existe des épreuves d'admis-
sion et parfois des droits de scolarité. La recherche de l'égalité a fait pression
sur le système, tout d'abord en aidant A en accroître la dimension totale par
une augmentation des effectifs et, en second lieu, en exerçant une pression
pour abaisser l'âge d'admission (tcoles maternelles, etc.) et pour accroître la
Situation actuelle dans le monde 111
Mais peut-être peut-on d’ores et déjh se permettre une mise en garde: les
écoles de l’occident servent h transmettre une culture qui est démocratique en
partie, mais en partie seulement.Elle contient des Cléments de privilèges fondés
sur la naissance, une surévaluation de la fortune et des succès d’argent plus que
sur une juste appréciation du mérite et du service social, sur une crainte que la
liberté ne soit licence et menace plutôt que la condition essentielle de l’accom-
plissement de soi et de l’innovation.Les conditions actuelles tendent A affaiblir
l’élan démocratique. La crainte de la guerre, les anxiétés engendrées par une
évolution trop rapide,les influences omniprésentes de la publicité et des media,
la tendance économique au monopole et le contrôle d’Etat, tous ces Cléments et
beaucoup d’autres forces sociales préparent les gens ordinaires A accepter une
réglementation autoritaire,A succomber au conformisme,A soupçonner ceux qui
de quelque façon sont différents,A respecter et craindre le pouvoir et la force,
ainsi qu’A accepter la domination brutale et sans sanction des dictateurs.
réducation peut-elle servir A rétablir l’équilibre,A renforcer les idéaux démo-
cratiques et A défendre la liberté et la justice? Oui,elle le peut certainement.
Mais seulement h la condition qu’il y ait une harmonie totale entre les finalités
qu’ellepoursuit et celles qu’un Etat démocratique accepte c o m m e siennes et que
consacrent ses lois et si la politique de l’Etat apporte au systhme éducatif les res-
sources dont il a besoin pour fonctionner dans les meilleures conditions.
CHAPITRE TROIS
Universalité et spécificité
des finalités de l’éducation
par A. Bouhdiba
tenants du maintien coûte que coûte des traditions locales trouvent toujours ii
réclamer le ((retouraux sources))c o m m e garant exclusif de l'authenticité. Spéci-
ficité et authenticité seraient les antidotes de la banalisation et de la perte
d'identité.
C e bref rappel était nécessaire pour situer la problématiquede I'universahté et
de la spécificité des finalités de l'éducation dans sa vraie dimension.Se réahser
par l'éducatiofi implique l'universalité des finalitks. Mais le risque est alors
d'assigner A l'éducation des finalités creuses et abstraites.Cet enfant qui doit se
réaliser hic et nunc ne doit pas se perdre dans les sables de l'universel. Mais par
ailleurs, on ne se réalise que par le dépassement. N e pas voir grand, haut et
large, c'est se noyer dans une goutte d'eau. Les arbres ne doivent pas cacher la
forêt. C'est une exigence de civilisation: se réaliser et assumer sa propre condi-
tion, c'est aussi viser ll atteindre l'universel. Le chauvinisme,le nationalisme, le
fanatisme,le racisme et les préjugés de toutes sortes se nourrissent des particu-
larismes.
Les totalitarismesqui marquent si tragiquement notre époque sont incapables
de voir les probltmes sous l'angle de l'unité de la condition humaine. Le totalita-
risme consiste toujours A investir mystérieusement une nation, un peuple, une
religion,une caste ou une classe sociale d'une responsabilité telle que les autres
nations, peuples, religions, castes ou classes sociales se trouvent dértahsés. Les
finalités de l'éducation ne doivent pas &tre un pikge ou un traquenard. En les
définissant, il faut éviter A la fois la réduction par exds d'universalisme et le
solipsisme par excts de focalisation. C'est cette double et grave exigence qui
marque le débat de l'universahté et de la spécificité des finalités de l'éducation.
Sur un point, toutes les études réunies par le BIE sont unanimes: ce qui passe
trop souvent pour universel n'est qu'une version vulgaire et uniformisante de
l'européanité. Les pays occidentaux eux-mêmes ont pris heureusement cons-
cience de l'extrême relativité de leur philosophie de I'éducation. U n auteur peu
suspect n'hésitait pas a écrire il y a déjll dix ans:
Les écrits traitant des objectifs de l'kducation se caractkrisent en gknkral par la générosité
de l'inspiration,par l'élévation de la pensk et par la noblesse de la forme [.. .]Les
rapports pouvant exister entre ces écrits et d'éventuelles modifications dans les pratiques
kducatives ou la structure de l'appareil scolaire sont plus difficiles h preciser. [. .]Ces
,
rapports,de toute façon,ne peuvent être tres ktroits,pour une raison simple:les objectifs
dont il s'agit dans ces écrits sont en gknkral d'une nature telle qu'il est tout A fait
impossible de définir un critbe opératoire empirique,utilisable de façon cohérente par des
observateursdiffkrents,et qui permettrait de s'entendre sur le fait de savoir si un objectif
dktermink a dtk atteint ou non.La recherchede critlxes opkratoires aux buts de l'éducation
est difficile.'
Nous voila mis en garde et doublement: contre l'excessive généralisation et
contre la confusion des objectifs et des finalités.Les pays les plus avancés eux-
mêmes ne trouvent pas toujours le moyen d'établir la jonction entre,d'une part,
les finalités conçues dans un sens très large et, d'autre part, les exigences
concrttesde l'&lucation. Le m e m e auteur n'hésita pas ii noter:
Universalité et spécificité 117
Il existe actuellement, dans les ecrits pkdagogiques dont une large part sont dus A des
auteurs de formation littkrakeou philosophique,un consensus impressionnantsur un cer-
tain nombre de prkvisions et de dkmarches: on prkvoit une évolution radicale de l’tduca-
tion, appelke dit-on A nkghger de plus en plus la simple transmission des connaissances
pour favoriser le libre kpanouissement des virtuabtks individuelles dont on postule le
caractkre spkcifique et socialement souhaitable, on valorise toute mkthode favorisant la
spontankitk [.. .]Le consensus est si large, autour de ces thQmes et de quelques autres,
qu’il n’est pas abusif de parler d‘un nb-conformisme qui impose avec force ses
contrainteset ses tabous dans la plupart des conversations,des rencontres et des kcrits des
spécialistes de l’kducation.*
C e danger n’a pas échappé aux participants de la rencontre de Paris sur les fina-
lités de l’éducation qui ont mis en garde contre le risque que fait courir la spécu-
lation abstraite sur les finalités - risque de passer a côté des problkmes concrets
de l’éducation. ((11 faut tout A la fois se garder de tomber dans le mythe en
posant le problbme des finalités en termes trop lointains et éviter les écueils de la
politique A courte vue en adhérant de trop prbs au réelP. E n tant qu’effort de
rationalisation, les sciences de l’éducation se doivent de postuler a priori l’uni-
versalité épistémologique de leurs méthodes et des finahtés qu’elles se proposent
de poursuivre. Il en est de m ê m e de toute philosophie de l’éducation. U n e telle
œuvre ne saurait souffrir de cassure A l’intérieurdu continuum humain. Il est
une unité fondamentale de l’homme que toute éducation doit assumer, prendre
en charge et en vue de laquelle elle se doit d’œuvrer sans relâche. L‘unité de
l’homme est peut-être la finalité premikre de toute éducation. Le divers Consti-
tutif des expériences concrktes ne doit pas faire illusion; il demeure toujours
conditionné par cette visée de l’universelqui appelle le dépassement et implique
que la finahté est toujours un au-delaA atteindre.
Bien entendu il ne faut pas confondre l’universalitédes fins avec la générahsa-
tion des moyens. Il y a une illusion néfaste et qui n’a joué que trop de mauvais
tours aux pédagogues et aux hommes politiques. La généralisation des moyens
est un fait majeur de notre temps. La technologie moderne, qui est un produit de
l’occident (produit de la civilisation occidentale mais aussi production maté-
rielle rhlisée dans des usines occidentales et commerciahske par des structures
techniques de distribution occidentales), elle aussi s’introduit un peu partout.
Avec une présence plus ou moins indiscrbte, avec un suc& plus ou moins
affirmé, puisqu’on trouve partout les memes produits types. La planétarisation
de la civilisation moderne fait de la science et de la technologie modernes et
occidentales le support obligé et presque ordinaire de toute action de dévelop-
pement.
La diffusion a grande échelle des moyens techniques jette l’humanité dans un
ordre nouveau. Les hommes tendent a mieux se connaître faute de pouvoir se
reconnaître. Malheureusement, l’impact de cet ordre nouveau de la technologie
sur l’éducation - et donc sur les finalités a lui assigner - demeure des plus
modestes dans les pays en développement. L‘écart entre pays riches et pays en
développement se creuse chaque jour un peu plus. Si des pays ont assez de res-
sources pour s’offrir un systbme de télévision scolaire efficace et se doter d’une
118 Finalités de l'éducation
Trois idées forces doivent être retenues de cette analyse.Une approche universa-
liste des finahtés de l'éducation risque de tomber dans des spéculations
abstraiteset passer h côté des problèmes concrets de l'éducation.Certes,il n'y a
pas d'éducation sans idéal.Une bonne dose d'utopie et de rêve est strictement
nécessaire.Mais les finalités ne sont pas interchangeableset ne doivent surtout
pas être dégagées en termes trop lointains.L'échec de tant de politiques éduca-
tives - dans le Tiers monde et même dans certains pays avancés - vient assuré-
ment du côté par trop abstrait de l'analyse des objectifs h atteindre et des fina-
lités A viser.
Les finalités sont donc profondément engagées dans des contextes sociaux
concrets.11 y a lieu de les en faire émerger.Néanmoins,les finalités explicitées
par les théories de l'éducation et les philosophies, ou qui sont systématisées A
partir d'elles, ne doivent pas nous faire perdre de vue l'existencedes finalités
implicites qui, vécues sur le mode du spontané,jouent un rôle souvent de tout
premier plan. L'appel au concret s'impose non seulement pour incarner l'idéal,
mais pour permettre h celui-cid'émerger. L'éducation en acte est d'emblée un
temps fort de l'explicitation et de la mise en évidence des finahtés. L'éVeil de la
conscience ne se situe pas seulement au niveau de l'élève. Plus fondamentale-
ment,il est au niveau de l'institution qui englobe élève,maître et administration
Universalité et spécificité 119
et fait appel A la société globale. Les finalités ne sont pas des données toutes
faites et une fois pour toutes. Elles s’élaborent,se prouvent et s’éprouvent au
sein de l’institutionéducative.
On ne saurait enfin néghger l’interférencedes finalités de l’éducation- expli-
cites ou implicites, clairement conçues ou inavouées - avec les mouvements
sociaux:confits de groupes,luttes de classes, émergence des statuts et des rôles,
stratification,affrontementspour la conquête des pouvoirs,rapports de domina-
tion, etc. C e qui est pris pour spécifique pourrait n’être qu’un masque qui cache
des réalités plus profondes. Il faut donc se garder de tomber dans la mythfica-
tion, voire la mystification,en pensant les finahtés de l’éducationen temes trop
généreux et coupés de leurs racines réelles,sociales,économiques, culturelles et
politiques.
Les concepts de spécificité et d’authenticité sont parfois les ((tartes 8 la
crème)) du Tiers monde. Tout c o m m e il y a une vraie et une fausse universahté,
il y a une vraie et une fausse spécificité. Il est bien évident que toutes les diffé-
rences qui séparent les groupements et les sociétés humaines ne sont pas spéci-
fiques.Il y a des différences qui ne sont que de conjonctures, qui tiennent 8 de
simples retards, ou qui ne sont que des différences de degrés. S’attacher par
exemple A dstinguer au sein d’un système éducatif le superficiel du profond, ou
encore ce qui est destiné A l’enseignement des masses de l’éducation des élites,
peut se traduire de plusieurs manières dfférentes mais qui ne définissent pas
pour autant des spécificités.L a m ê m e valeur A inculquer 8 l’élève peut être sup-
portée par des actions pédagogiques nettement différenciées mais qui n’autori-
sent pas pour autant A parler de spécificités dfférentes: ici,l’amour de la nature
se traduira par une recherche créative en matière d’expression artistique; 18,il
prendra de préférence la forme d’un apprentissage des travaux agricoles; 18
encore, celle de l’éducation physique, du sport intensif ou du simple bricolage.
Les pédagogies sont diverses et les méthodes variées; l’intentionalité demeure la
même: former des hommes capables de s’appréhender en tant qu’êtres situés
dans un milieu physique détermin6et qu’il leur faut respecter et saisir c o m m e un
moyen privilégié de présence au monde.
Il faut également prendre garde de ne pas tomber dans une autre confusion
très répandue.Si le spécifique n’est pas la pure différence,il n’est pas non plus le
simple exclusif. En effet, d’une part, certains traits spécifiques peuvent bien se
retrouver dans des sociétés très différentes et, d’autre part, la coexistence de plu-
sieurs traits par ailleurs d’une extrême banalité peut dessiner un profil unique en
son genre et A nul autre pareil. La spécificité d’une société ne se réduit pas 8
quelques traits schématiquement dressés. C‘est toute l’histoire dalectique du
groupe qui est en cause. Chaque société a son histoire propre, son temps propre,
ses exigences propres,ses accidentspropres,etc.
L a dialectique du groupe et du milieu trace pour chaque société un canevas
d’actions possibles A entreprendre que le groupe prend ou ne prend pas sur lui
de réaliser.Dans un cas c o m m e dans l’autre,par ses choix ou par son absence de
choix et par son action ou par son inaction,il se donne un faciès déterminé. Les
finalitésgénérales d‘adaptation au milieu se dffractent ainsi en mille et une fina-
lités particulières qui pour être différentes d’un cas 8 l’autre n’en restent pas
120 Finalités de l'éducation
tion étrangers dans les pays du Tiers Monde où, par ailleurs, ont été trans-
plantées des pratiques complètement coupées de leurs fondements théoriques et
philosophiques originels))'.
Il est fort instructif de voir comment les différentes réunions d'experts consti-
tuées A l'échelle régionale ont pu dégager les finalités. Les Latino-Américains
ont insisté sur ce fait fondamental que la formulation des finalités de l'éducation
est une tâche permanente de la société qui traduit ainsi ses aspirations et qui les
concrétise A un moment historique indiqué.Les finalités peuvent donc être trai-
tées A différents niveaux: celui des finalités générales, celui des finalités spéci-
fiques et celui des moyens.
L a réunion de Santiago a reconnu par ailleurs que, du point de vue sociolo-
gique, économique et politique, il existe de multiples facteurs internes et
externes qui conditionnent l'éducation dans la région. Parmi ces facteurs, on a
cité: le degré de développement de l'éducation; l'idée que l'éducation est une
condition nécessaire mais non suffisante pour l'amélioration de la distribution
des ressources; l'affirmation des potentiahtés de l'individu en tant qu'agent de
changement; la conception de l'éducation c o m m e élément de prise de cons-
cience et m ê m e du développement de la conscience critique. On a également
souligné le fait capital que, bien que les systèmes éducatifs soient apparemment
homogènes,on peut détecter de grandes différences tant qualitatives que quanti-
tatives pour ce qui est des groupes qui ont accès A ces systèmes,A leur contenu et
A leur organisation. Etant donné les conditions d'inégahté des sociétés
d'Amérique latine il était impossible de penser A une société égalitaire;mais on a
reconnu qu'une des finahtés de l'éducation était de faire un effort spécial pour
essayer d'atteindre une plus grande équité dans la qualité des chances
d'éducation.
Dans une étude de cas relative A cette régions, on note l'impossibilité de
traiter des finahtés de l'éducation au niveau de toute l'Amérique latine, compte
tenu des disparités qui existent entre les divers pays et des changements rapides
qui affectent chacun d'entre eux:
Toujours est-il qu'en rkgle générale [. ,] les finalités de l'éducation sont définies par et
.
pour une élite alors qu'elles devraient viser le devenir de l'ensemble des populations: car
c'est bien pour le changement que l'on définit des finalités.
Et ce changement doit faire dériver les finalitCs du réel vécu de l'homme concret
et non de l'homme idéal.
Cette réalité concrète,en Amérique latine, est représentée par la classe politique au pou-
voir et par les valeurs qu'elle véhicule.
C'est un tout autre type d'analyse qui nous vient des Etats arabes dont les parti-
cipants,réunis au Caire,ont estimé:
[. .]qu'une bonne méthode pkdagogique est celle qui apprend A l'enseigné:
.
de santé qui renforce l'idée de coopération et d'khange entre eux, et met en relief la possi-
bilité d'entreprendre une action positive en vue de consolider l'unité arabe, dans un
domaine où il s'avkre aisé de rassembler les Arabes autour d'un intérêt commun et concret
sans lequel l'unité restera un vœu pieux difficile réaliser.'O
L'ajustement de soi-même et d'autrui est retenu par les participants c o m m e
critère de finalisationde l'éducation:
Nous pouvons puiser dans notre longue histoire et dans le patrimoine universel de l'huma-
nité bien des ressources pour trouver des voies rationnellesqui nous permettent de réaliser
nos grandes aspirations,considéréesjusqu'alors c o m m e utopiques.11
Pour ((seressourcer)),les participants sont tombés d'accord sur la nécessité de
dégager ((unconsensus reflétant l'âme de la nation, son authenticité culturelle et
son esprit créateur, et orientant l'éducation vers la réalisation de ses grandes
aspirations A savoir: la formation d'un h o m m e nouveau dans une société
nouvelle))12.
Les Arabes réunis au Caire sont-ils tellement éloignés des Africains qui,
réunis A Dakar, ont ressenti ardeinment eux aussi le besoin de définir un type de
société et un type d'homme pour la servir? C e type A viser est une société auto-
suffisante,capable de se nourrir suffisamment,économiquement viable, com-
merçant sur un pied d'égalité avec le monde extérieur,ayant sa propre identité
culturelle, prônant le respect des valeurs morales et garantissant la liberté, la
justice,l'équité, le respect pour les droits des autres, la démocratie,l'égalitédes
chances pour tous sans aucune Qstinction régionale, ethmque, raciale, confes-
sionnelle ou autre. Quant & l'homme africain nouveau, il doit être capable de
satisfaire ses besoins physiques fondamentaux,être adapté A un environnement
aussi naturel que possible, faire montre également d'une très grande volonté de
travailler, être soucieux de l'épanouissement de sa personnalité tout en étant
conscient de la valeur du groupe, connaitre l'importance du changement et être
capable de s'adapter A l'une et A l'autre.L'accent est ainsi mis sur la nécessité de
s'ériger en h o m m e mûr, capable d'initiative et digne. L'Africain idéal visé par
l'éducation doit être un innovateur conscient de son identité et un agent de
changement.
Les experts d'Asie ont tenté une plus grande théorisation et systématisation
des finalités.Quatre objectifs ont été retenus: permanence de l'intégrité natio-
nale; amélioration de la qualité de la formation Qspensée; efficience et effica-
cité; apprentissage de la vie en société. A vrai dire, ce ne sont la que des expé-
riences Qverses d'une finalité plus profonde: l'autosuffisance (selj-reliance)qui
peut se diffracter, il est vrai, en cinq finalités: développement socio-économique
en fonction des besoins humains fondamentaux;égahté,justice sociale et maî-
trise du changement social;affirmation de l'identité culturelle et développement
124 Finalités de I'éducation
divers intérêts des groupes en présence. Mais la finalité qui n’est jamais donnée
d’avance est un choix, ou au contraire un dépassement,mais toujours une créa-
tion. Et c’est d’ailleurs de l’aptitude A se dessiner A soi-même ses propres fina-
lités et A en inventer les moyens de réalisation que se mesure la vitalité d’un sys-
tème éducatif et, A travers lui,celle de la société globale.
O n réalise alors qu’au fin fond de la plus stricte spécificité gît l’universel.
Toutes les réunions régionales d’experts ont insisté sur le sens de l’homme
c o m m e fin dernière de l’éducation.
L‘idée africaine de l’autosuffisance,le souci arabe d’être maitre de soi, de se
hisser A la hauteur de son passé et de forger son propre destin,l’idéal de libéra-
tion latino-américain, le rêve socialiste d’un h o m m e nouveau et l’intégrité
ardemment revendiquée par l’Asiatique ne sont que variations sur un m ê m e
thème. Avec des accents différents, c’est le sens de la valeur qui est en cause.
Justice, liberté, dignité, accomplissement de soi-même,intégritk et dépassement
sont des fins universelles, des valeurs étemelles, inahénables et qui portent la
marque de l’homme.Le problème n’est jamais d’adhkrer ou non A ces valeurs, il
est d’oeuvrer A les réaliser hic et nunc. Le problème n’est pas tant de concevoir les
finalités que de chercher A leur donner un contenu précis et A les enraciner. Tel
est le sens de l’authenticité,mieux encore de l’authentificationdes valeurs. La
meilleure façon d‘enraciner une valeur c’est encore de la traduire en termes de
spkcificité.
L‘éducation est synthèse ou n’est point. Elle travadle le concept mais avec un
éclairage théorique;elle burine le réel mais avec des visées idéales; elle construit
le présent mais y faisant entrer le passé et l’avenir.
A juste titre le Nouvel ordre économique international (NOEI)a été longue-
ment évoqué par la réunion de N e w Delhi. C e n’était pas céder A l’attrait de
I’actuahté.La revendication d’un nouvel ordre économique mondial peut et doit
être traduite en termes de finalités de l’éducation.Atteindre la spécificité est une
exigence lancinante ressentie par toutes les rencontres d’experts et ce en raison
m ê m e du caractère imposé des modèles ((pseudo-universels))de l’éducation.
L‘identité qui ne veut pas tomber dans le folklorisme doit remonter aux vraies
sources de soi qui, pour être singulières,ne sont guère pour autant particulières.
Mais l’universalité en acte est, elle aussi, quête et conquête. Faute de quoi les
finalités spécifiques ne seraient que les ahbis d’une révolte pathétique mais
condamnée A terme.
Singulières sans être particulières, elles sont communes sans être semblables.
La vraie spécificité n’aboutit pas A l’exaltation d’une race ou d‘une tradition
privilégiée. Elle doit éviter l’archkologismequi prétend enfermer la création dans
une sorte de primitivisme condamné d’ailleurs A se refuser des prolongements.
Le retour aux sources qui ne serait qu’un système de dkfense - une des seules
armes A la portCe des peuples opprimés - peut constituer un terrain de repli, un
moyen de se mettre en attente de jours meilleurs. Cette position provisoire et
tactique se justifie en pkriode de domination coloniale. Elle ne sied pas A un
peuple qui veut s’affirmer dans la liberté.
L e caractère revendicatif, contestataire, voire parfois subversif du NOEI
montre que nous sommes parvenus ii une autre étape des relations intematio-
128 Finalitès de l'éducation
NOTES ET RXFXRENCES
1. Reuchlin, M.L'enseignement de l'an 2000: le problème de l'orientation. Paris, Presses
universitaires de France, 1973,p. 97.
2. Ibid.,p. 7-8.
3. Rtunion du Groupe de consultants sur ((Lesfinalitts et les thtories de l'éducation))
organiste conjointement par la Division de la philosophie et le Bureau intema-
tional d'tducation, 2e, Paris, 1976. Rapport final. Paris, Unesco, 1976, p. 3-4.
(SS.BIE.76/CONF.645/10)
4. Réunion du Groupe de consultants sur les ((Finaliteset théories de I'tducation))orga-
nisée conjointement par la Division de la philosophie et le Bureau intemational d'tdu-
cation,Genkve, 1975. [Rapportfinal]Paris,Unesco, 1975,p. 9.(ED.75/WS/67)
5. Ibid.,p. 10.
6. Ibid.,p. 3-4.
7. Ibid.,p. 4.
8. Rkunion du Groupe de consultants ...,2e, Paris, 1976. Op. cit.,p. 5-6.
9. Séminaire sur les objectifs futurs de l'éducation dans les pays arabes, Le Caire,1978.
Rapport final.Le Caire, Bureau rtgional de l'Unesco pour l'tducation dans les pays
arabes, 1978,p. 13.
Universalité et spécificité 129
L‘I~VALUATION
L’évaluation peut se faire B différentes échelles,du contrôle journalier des résul-
tats d‘un élève B l’ktude critique du degré de rationalité et d’efficience d‘un sys-
tème d’enseignement (ou d’une politique de l’enseignement). Entre ces extrêmes
s’intercalent,par exemple, les travaux relatifs aux mérites comparés de diverses
méthodes didactiques, aux effets d’une réforme intéressant telle ou telle caté-
gorie d’établissements,au fonctionnementd’une Ccole, aux incidences d’un stage
ou d’un séminaire, etc. Les remarques qui suivent se rapportent exclusivement h
l’évaluation des systèmes et des politiques de l’éducation’.
A cette échelle,le champ de l’évaluationconcerne notamment, en principe:
1. Les buts (finalitks et objectifs). Cohkrence des rapports entre objectifs et finalitks.
Buts explicites et implicites.Compatibilitk entre les buts du systkme d’enseignement et
de la politique de l’kducation et ceux des autres chapitres de la politique fondamentale
du rkgime, ainsi que ceux du gouvernement en place au moment considkrk (sa poli-
tique de l’emploi,de la culture, etc.). Rapports des buts du systkme d’enseignement et
de la politique de l’bducation avec les aspirations spontanks et les besoins vécus de
diverses catbgories sociales et rkgions.Rapports avec les exigences du dkveloppement
kconomique, social,culturel et politique et aussi avec les principes de justice, aux yeux
d‘experts,de penseurs,de reprksentants d’Eghses,de partis,de mouvements sociaux.
2. La gestion.Politique du personnel, des constructions,etc. Finances.Degrb de rationa-
lit6 de leur utilisation. Gaspillage.L‘enseignement comme entreprise. Les comptes de
l‘kducation.
Finalités et résultats 131
15. Les effets A long terme sur la santé de l'adulte des programmes d'éducation physique
et des contrôles médicaux de l'époque des études.
16. Les effets de l'enseignement sur l'état des rapports sociaux et sur leur évolution. Vie
de famille.Cohésion sociale, marginalité, violence, etc. Mouvements sociaux.Vie poli-
tique.Renforcement de la démocratie.Vitalité culturelle de la collectivité.Eventail des
inCgalités.
17. Les effets de l'enseignement sur les rapports internationaux et sur leur évolution.
Compréhension internationale.
C e sont les eflets ù long terme (12 A 17)qui importent le plus. L'enseignement est
conçu c o m m e une machine 9 les produire. C'est 18 sa fonction majeure.
Les effets qu'il a ù court terme sur les élèves (9 A 11) ne sont certes pas 8
négliger pour autant: ils sont censés préparer les effets 8 long terme et, en outre,
ils sont importants par eux-mêmes en tant qu'ils contribuent 9 déterminer la
qualité des phases de la vie qui sont consacrées aux études. A noter que, de ce
point de vue, ce sont les satisfactionsvécues que les études procurent ainsi dans
l'immédiat qui ont le plus d'intérêt. Le progrès des connaissances réalisé au
cours des études n'a de sens que s'il provoque de telles satisfactionsimmédiates
(plaisir de la découverte, admiration face 9 de grandes œuvres, amusement en
d'autres occasions, etc.) et que s'il se traduit, 8 long terme, par un supplément
durable de culture, de compétence, d'aptitudes 9 se perfectionner, de valeur
humaine. Le problème de la formation et de la condition des enseignants (8)
constitue un chapitre h part.
Les rubriques 2 A 5 concernent les moyens mis en œuvre. Les flux d'tlèves et
l'origine sociale de ces derniers (6 et 7) sont des faits qui sont moins intéressants
en eux-mêmes que par leurs incidences.Les redoublements,par exemple, alour-
dissent les dépenses d'éducation. Ils sont par ailleurs susceptibles d'avoir des
effets sur les connaissances,la personnalit6 et l'avenir professionnel des Clèves
concernés.
C'est par rapport aux buts (1) que l'évaluation des effets (9 8 11) est 8 mener.
C o m m e il n'y a pas unanimité sur tous ces buts, une certaine pluralité des
échelles d'évaluation est normale.
Les pages qui suivent se rapportent A trois thèmes: action du système d'ensei-
gnement et de la politique de l'éducation quant au développement du savoir, au
développement économique et A la mobilité sociale. Le premier thème corres-
pond 9 la partie cognitive des rubriques 10 et 12 ci-dessus;le deuxième relève
d'une partie de 13 et le troisième est 8 l'intersection de certaines parties de 7,de
13 et de 16.
élèves d'une m ê m e classe ou d'une m ê m e faculté, y compris ceux qui ont suivi
exactement le m ê m e enseignement aux degrés antérieurs, ne parviennent pas
aux mêmes résultats dans les branches du programme, pour ne pas parler de
tout ce qui les distingue quant au reste de leur culture. Entre les premiers et les
derniers, l'écart est en général très grand.La diversité des résultats s'intercalant
entre ces extrêmes est habituellement considkrable. Donc, un m ê m e enseigne-
ment ne parvient pas A amener tous les klkves au m ê m e niveau. Cela vient de ce
que leurs connaissances sont largement fonction de facteurs autres que l'ensei-
gnement lui-même:caractéristiquesindividuelles,plus ce que l'on peut appeler
l'école de la vie (l'action du milieu familial,des camarades,des loisirs,etc.). Per-
sonne ne doute de ces évidences. Néanmoins, les résultats des travaux statis-
tiques sur le degré de dkpendance des compktences par rapport aux études sur-
prennent. Ces travaux ne font pourtant qu'exprimer sous forme numkrique ce
que chacun a mille fois constat6 dans la réalité.
Les titulaires d'un m ê m e niveau formel d'instruction ne sont que l'ensemble
des personnes qui ont terminé leurs études A un m ê m e degré. Autrement dit, ils
sont l'addition des élèves de classes plus ou moins semblables.Si dans chacune
de ces classes les élèves sont inégaux,ils le sont aussi A l'échelle de l'ensemble, et
encore plus, dans toute la mesure où les diverses classes ainsi réunies diffèrent
par la nature exacte de l'enseignement dispensé, leur climat psychologique, le
recrutement social des élèves et leur mentalité. Exemple, en Suisse, parmi les
jeunes adultes (hommes) de 20 A 21 ans qui ont accompli des études secondaires
supérieures, 14% déclarent comprendre très bien l'anglais, 32% le comprendre
bien, 26% assez bien, 17% un peu, 6% un tout petit peu et 5% pas du tout. Parmi
les autres jeunes adultes, ceux qui ont une formation de type commercial, un
diplôme d'apprentissage manuel ou pas de diplôme, ces divers niveaux de
connaissances de l'anglais sont aussi reprksentés,mais pas dans les mêmes pro-
portionsI2. Pour les autres sortes de connaissances génkrales (maîtrise de la
langue maternelle, calcul,etc.), dans la mesure où des données d'ensemble exis-
tent - et elles sont extrêmement rares -, elles conduisent A des constatations
semblables. Les corrélations calculées sur de telles bases pour exprimer le degré
de dépendance du niveau réel des C O M ~ ~ S S ~ ~ CparZ S rapport au niveau formel
d'instruction sont tout au plus moyennes. Traduites en pourcentage de variance
expliquée, elles indiquent que le niveau rkel des connaissances s'explique, sui-
vant les branches, A raison de 15%, 25%, 30%, par exemple, par le niveau formel
d'instruction. Le reste - 85%, 75%, 70%, dans de tels exemples - est A attribuer
aux caractéristiquesindividuelleset A l'école de la vie.
Mais les proportions ainsi attribuées au niveau formel d'instruction sont
exagérées car, plus un niveau d'instruction formel est haut, plus ceux qui le
possèdent tendent A être favorisés par les caractkristiquesindividuelles,le milieu
familial,etc. Ces avantages agissent sur les connaissances,indépendamment de
l'enseignement. Il faut donc dissocier, dans l'explication de la différence du
niveau des connaissances,la part de ces avantages et celle qui revient en propre
A l'enseignement. L'influence de ce dernier est alors ramenée A un certain nom-
bre de points au-dessousdes pourcentages ci-dessus.A u lieu de 1596, 10%, etc.
Finalitès et rèsultats 139
Certains chercheurs ont été plus loinl3. Ils Qsposaient de renseignements sur
le budget des écoles, leurs programmes et méthodes,la formation des maîtres,le
nombre d’élèves par classe et d‘autres points semblables.Ils ont donc fragmenté
l’effet global du type d’enseignement reçu en dtterminant ce qui est imputable
aux différencesskparant les écoles du point de vue de divers facteurs. Chacun
d’eux n’apparaît alors responsable que d’une petite fraction de l’inégalitk des
résultats.La politique de l’kducation, en manipulant tel ou tel de ces facteurs
- par exemple, en réduisant le nombre d’tlèves par classe, en modifiant le pro-
gramme d’une branche ou l’organisation générale d’une ttape des études, etc. -
n’agit que sur quelques centitmes, ou moins, de l’ensemble des causes expli-
quant comment les individus se répartissent entre les degrés les plus bas et les
plus élevés du savoir.
Des enquêtes de l’Association internationale pour l’évaluation du rendement
scolaire (IEA),il ressort aussi que les diffkrences plus globales de type d’ensei-
gnement ne paraissent pas avoir d’effet évident sur le niveau des connaissances.
Elles concernent des pays industriels. Plus haut, nous avons fait mention des
comparaisons que ces enquêtes comportent au sujet des éltves de 10 8 14 ans.
Pour les élbves des classes terminales de l’enseignement secondaire - c’est-
&-dire des degrés les plus affectés par les différences globales de type d’enseigne-
ment - les conclusions de ces enquêtes sont du m ê m e genre. Qu’il s’agisse de
la High school américaine, du lyde français ou des tcoles secondaires supé-
rieures du Japon, de la Rkpublique fédkrale d’AUemagne ou de la Hongrie par
exemple, les lyckns qui obtiennent un score élevé (déterminé par les mêmes
tests quel que soit le pays) reprtsentent 8 peu prbs le m ê m e pourcentage de tout
leur groupe d’âge. Le fait le plus curieux est peut-êtreque les résultats de cette
élite lyctenne sont indépendants de la durée des études: ils sont plus ou moins
les mêmes, au stade final des études secondaires, dans les pays où celui-ci est
atteint vers 17-18 ans, 8 18-19 ans ou ZI 19-20ans.
Le nombre d’heuresde classe accumulées depuis leur entrée ZI l’école primaire
par les Clèves de 10 ou de 14 ans varie beaucoup selon les pays. C‘est que les
études obligatoires ne commencent pas au m e m e âge et que les horaires quoti-
diens sont différents, tout c o m m e le nombre de jours de classe par an. Le lien
entre quantité d’enseignement reçu jusque-18et résultats 8 10 ou 14 ans est faible
et il est ntgatif. Cela confirme que les programmes peu chargés et les études qui
ne traînent pas en longueur sont de bonnes solutions14.
Rappelons que les écarts séparant les klbves du point de vue des connais-
sances tendent 8 être trbs stables au cours du cycle des étudeSIS.C‘est observer
sousun autre angle que, d’une façon gknkrale,celles-cin’ont que peu d’effets sur
ces différences.
Conclusion
Cette section paraît montrer que, sous réserve des degrés élémentaires, dont la
fonctionnaliténe paraît pas douteuse,le rendement effectif des systèmes d’ensei-
gnement et les résultats des politiques de l’éducation mériteraient de faire l’objet
de plus d’évaluations systématiques.Celles-ci provoqueraient certainement des
polémiques, c o m m e celles qui se développent actuellement, par exemple aux
Etats-Unis, et compromettraient certains programmes. Mais & la longue, elles
seraient profitables &la cause de l’enseignement,en aidant celui-ci & concentrer
ses ressources et ses efforts sur les tâches qu’il peut réellement réaliser et &
gagner ainsi en crédibilité.
EDUCATION ET DEVELOPPEMENT
Le système d’enseignement influe sur la structure de la population active et sur
la qualité du travail.
Son action structurelle est celle qui provient de la répartition des jeunes par
genre d’études (y compris formation professionnelle). Le cycle de la vie active
s’étend en moyenne sur environ un demi-siècle.C o m m e , dbs le départ,beaucoup
d’individus entrent dans des professions plus ou moins éloignées de leur forma-
tion et que par la suite les changements sont nombreux, le rapport diplôme-
profession (et grade dans la profession) n’est rien moins que rigoureux. D’ail-
leurs beaucoup d’individus n’ont pas de diplôme.
D e plus, sauf exceptions (médecine par exemple), les programmes de forma-
tion cherchent & préparer & un éventail assez large de branches d’activité pro-
fessionnelle. Tous cherchent A rendre l’individu aussi capable que possible
d’adaptation aux occasions que les aléas de la vie font surgir. L‘éducation des
adultes facilite la mobilité professionnelle, qui est grande. C‘est seulement dans
les théories toutes faites de certains que chaque division de l’enseignementassure
la reproduction d’une catégorie sociale déterminée ou d’une profession précise.
Jan Tinbergen a écrit:
En r6gle générale: une m ê m e profession peut &tre exerde par des gens qui ont fait des
études différentes.Ainsi le directeur commercial d’une grande entreprise peut avoir, mais
n’a pas toujours,fait des études supérieures; s’il en a fait, il peut avoir rqu une formation
Finalités et résultats 141
leurs manuels. Il s’agirait de savoir dans quelle mesure les aspirations évoluent
en paralltle: c’est-&dire dans quelle mesure les études supérieures tendent plus
souvent que par le passé être entreprises pour elles-mêmes,par des jeunes qui
n’ont pas l’intention trts arrêtée de briguer des situations dirigeantes ou d’entrer
dans une carritre scientifique.
Dans la mesure où tous les jeunes, ou presque, qui entreprennent de telles
études sont animés par des ambitions professionnelles de niveau élevé, les frus-
trations ne peuvent manquer d’être nombreuses si l’économie n’a pas suffisam-
ment de postes de cols blancs supérieurs A offrir. En pareille hypothèse, le déve-
loppement de l’enseignement est pour une partie de la jeunesse, c o m m e l’a dit
Sauvy, créateur non d’aptitudes utiles, mais d’une ((inaptitudemorale A certains
métiersV1.
Dans beaucoup de pays, notamment en développement, le système d’ensei-
gnement comporte de telles distorsions.Elles ne s’observent pas qu’A propos de
l’enseignement supérieur. Ces distorsions freinent l’essor économique et aggra-
vent certains problèmes sociaux.
Certains programmes sont dysfonctionnels, en ce sens qu’ils éloignent
beaucoup de jeunes du cadre de vie et d‘action où ils pourraient mener une exis-
tence normale et utile. Ils développent chez eux des aspirations et des qualifica-
tions sans rapport avec la réahté. Cela est particulitrement vrai dans les zones
rurales de certains pays du Tiers monde. Il resulte de la un regrettable accroisse-
ment des courants migrateurs en direction des villes surpeuplées,où le chômage
et le paupérisme sévissent. Les flux de sortie des écoles d’enseignement profes-
sionnel ou général et des facultés ne peuvent pas, 111 où ils sont en désaccord trop
grand avec les besoins, être intégrés convenablement A l’économie. Cela crée des
probltmes de chômage, de sous-emploi et de mal-emploi (mis-employment).
Actuellement, la société ne dispose que de peu de moyens d’incitation qui pour-
raient contribuer A réduire ces dysharmonies22.D u point de vue de l’individu, un
diplôme élevé demeure un atout pour trouver une bonne situation. Mais la
collectivité aurait besoin de pourvoir beaucoup de postes manuels et techniques
que les titulairesde diplômes élevés tendent A dédaigner.Certains d’entre eux se
disputent des postes non manuels parasitaires et pas toujours bien rémunérés,
alors qu’ils pourraient être utiles dans d’autresemplois.
Des tendances nouvelles se font jour, pour rapprocher l’enseignement de la
réahté économique et sociale et augmenter le degré de polyvalence des forma-
tions dispensées23.
Passons la question de l’action des études sur la quahté du travail,laquelle
conditionne sa productivité, non pas A elle seule mais côté de la qualité de
l’outillage,de la t d e des entreprises,de leur organisation,du climat social,etc.
L a qualité du travail présente des aspects affectifs (ardeur, conscience profes-
sionnelle,etc.) et cognitifs (habileté générale, discernement, quahfications tech-
niques, administratives, etc.). Seuls ces derniers seront pris en considération
dans les remarques qui suivent.Il est clair que la réalité de l’action de l’éduca-
teur sur les aspects cognitifs du comportement des travailleurs (au sens large,
toute la population active y compris employés, patrons, enseignants,médecins,
etc.) dépend: a) de l’ampleur des effets de l’enseignement sur le développement
Finalitks et résultats 143
des connaissances au cours des études; b) du degré de réalité des effets différés
(en aval des études,jusqu’a la retraite) de cette influence initiale sur le devenir
des connaissances; c) de la question de savoir si les connaissances dont l’indi-
vidu se sert le plus dans son travail appartiennent ou pas aux parties de son
bagage cognitif qui sont le plus nettement affectées par ces effets différés des
études. Nous avons vu qu’une large partie des compétences intervenant dans le
travail semble ne pas venir de l’enseignement.Pour illustrer ce fait, pensons A un
agriculteur ayant appris son métier aux champs avec son père. Pensons aussi A
un ex-instituteur devenu pilote d’avion en suivant le programme de formation
d’une compagnie aérienne, en m ê m e temps que des ex-élèves d’écoles tech-
niques, commerciales ou autres et sans que ces différences de background sco-
laire aient aucune incidence perceptible sur la rapidité et le degré d’assimilation
de ce programme d‘initiation au pilotage par les uns et les autres. Les exemples
pourraient être multipliés.
En pratique, dans les calculs que l’économie de l’éducation effectue pour éva-
luer l’incidence des études sur la qualité du travail, c’est le niveau formel d’ins-
truction qui est pris en considération. Plus il est élevé, plus les individus sont
censés avoir acquis grâce A l’enseignementun supplément de compétences. Cette
méthode appelle des réserves que les sp6cialistes qui se livrent A ces calculs sont
les premiers A formuler.Par d’ingénieux efforts,ils tentent d’atténuer les incerti-
tudes de cette méthode en estimant la part des différences de niveau formel
d’instruction qui revient a l’enseignement lui-mêmeet celle qui est due aux apti-
tudes (quotient intellectuel), au milieu social d’origine, etc. D’autres difficultés
viennent de ce que la production des travailleurs, elle aussi, n’est pas observée
directement,mais estimée par des hypothèses24.
MOBILITI? SOCIALE
C'est pourquoi elle se prépare de ses propres mains,par la voie de l'éducation, les travail-
leurs [.. .]dont elle a besoin. C'est donc pour elle et c'est aussi par elle que l'éducation
s'est ainsi di~ersifiée.~'
Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états
physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son
ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destine.'*
Il s'agit lA non du fruit de l'observation,mais de déductions à partir de pré-
misses correspondantA une société imaginaire.Dans cette société,chaque milieu
social et professionnel a sa façon d'être (sous-culture) que l'on retrouve chez
tous ses membres.Dans cette société,l'enfant est destiné A une fonction profes-
sionnelle et à un milieu. Dans cette société,l'enseignement se présente sous
autant de types qu'il y a de genres de fonction et de milieu, modèle l'élève de
part en part,en fonction de sa destination professionnelle et sociale.Dans cette
société,l'individu reçoit la fonction A laquelle il a ainsi été approprié et est inté-
gré au milieu social correspondant,une foispour toutes.
En fait, les diverses professions sont pratiquées par des personnes qui diffè-
rent par la personnalité,le style de vie,les revenus (surtout considérés A l'échelle
du ménage), le genre exact d'entourage; l'enseignement ne leur fournit qu'une
fraction de leurs compétences et ne dicte certainement pas davantage la nature
de leur personnahté; entre les divisions de l'enseignement,la division du travail
et la mosaïque des milieux d'existence,la symétrie est loin d'être très poussée;
dès l'entrée dans la vie active, la diversité des emplois et des milieux vers les-
quels se dirigent les jeunes provenant de chaque filière de formation est grande
Finalitès et rèsultats 147
NOTES ET RÉFÉRENCES
1. Institut international de planification de I'6ducation.L'évaluation des systèmes éduca-
tifs: un séminaire de l'IIPE,29 mai-2 juin 1972. Paris, 1972. 169 p.; Organisation de
coopération et de développement économiques. LRs indicateurs de résultats des sys-
tèmes d'enseignement. Paris, 1973. 121 p.; Evaluation studies review annual (Beverly
Hills, Calif.) liyr., 1976- ; Abt, C.C.,ed. The evaluation of social programs.
Beverly HiUs, Calif.,Sage Publications, 1977. 503 p.; Lazarsfeld, P.F.;Sewell,W.H;
Wilenski, H.,eds. The uses of sociology. New York, Basic Books, 1967. 902 p.;
Lazarsfeld, P.F.,et al. An introduction to applied sociology. New York, Elsevier, 1975.
196 p.; Weiss, C.H.Evaluation research: methoh for assessing program effectiveness.
Englewood Cliffs., N.J., Prentice-Hall, 1972. 160 p.; Finsterbusch, K.; Motz,
Amabelle B. Social research for policy decisions. Belmont, Calif.,Wadsworth, 1980.
199 p.; Baker,H.Education and socioeconomic development. Saskatoon,Sask.,Univer-
sity of Saskatchewan,1978.3 v.
2. Unesco.Alphabétisation 1972-1976.Paris,1979,p. 17.
3. Unesco. Office of Statistics.Division of Statistics on Education.Estimates andprojec-
tions of illiteracy.Paris, 1978,p. 144.(CSR-E-29)
4. Ibid.,p. 128.
5. Furet,F.;Ozouf,J. Lire et écrire: l'alphabétisation des Français de Calvin ÙJules Ferry.
Paris,Editions de Minuit, 1977,vol. 1, p.292.
6. Unexo. Office des statistiques.Division des statistiques relatives ti I'éducation. Ten-
dances et projections des effectifsscolaires par degré d'enseignement et par age. Paris,
1978,p. 49.(CSR-E-21)
7. Unesco. Office of Statistics. Division of Statistics on Education.Estimates andprojec-
tions ofilliteracy. Op. cit.,p. 72 et 1 1 1.
8. Hummel,C.L'éducation d'aujourd'hui face au monde de demain. Paris, Unesco; Presses
universitaires de France, 1977,p. 67-82.Voir aussi Meister,A.Alphabétisation et déve-
loppement: le rôle de l'alphabétisation fonctionnelle dans le développement économique et
la modernisation.Paris,Editions Anthropos, 1973.274p.
150 Finalités de l'éducation
C'est la créativité qui donne aux hommes le maximum de liberté qui leur soit
accessible. C'est grâce aux Cléments créateurs que le travail cesse d'être le dur
effort ayant pour seul but de nous assurer des moyens d'existence, pour devenir
une manière de vivre, le sens m ê m e de notre vie et la source de notre enga-
gement. C'est grâce 8 la création que le jeu cesse d'être un divertissement stan-
dardisé, que nous acceptons passivement, pour devenir notre aventure et
l'expression de nous-mêmes.C'est grâce A elle que nous dépassons les frontières
du monde des objets produits et consommés pour entrer dans un monde de
possibilités imaginées dont nous sortons des choses inédites. C'est encore grâce
8 elle que nous cessons d'être toujours identiques A nous-mêmes,dans un monde
hérité et sans cesse reproduit, pour devenir des hommes qui, dans la nouveauté
de leurs actions, acquièrent,pourrait-ondire, des visages nouveaux.
C'est aussi la créativité qui, parce qu'elle nous absorbe,nous protège contre la
saturation et l'ennui; qui nous permet d'encourir hardiment le risque et, m ê m e
en cas d'échec, de ne pas perdre le sentiment du sens de la vie. C'est pourquoi la
liberté que nous trouvons sur les chemins de la création n'est jamais une liberté
qui effraie, une liberté dont le fardeau pourrait paraître trop lourd. C o m m e on
l'a observé avec raison, il est des libertés auxquelles les hommes préfèrent la
condition d'esclave où ils trouvent la paix et la sécurité dans l'obéissance et la
soumission. La création nous offre, elle, une liberté d'un tout autre genre; les
hommes mûrs pour une vie créatrice sont non seulement 8 m ê m e de ((supporter
le fardeau de la liberté));ils sont effectivement et authentiquement libres.
Nos développements sur l'homme de l'avenir ont le caractère d'une réflexion
pleine de modération.Tout ce que nous pouvons dire se ramène 8 exprimer la
complexité de cette problématique afin de faire comprendre que jamais encore,
depuis que l'humanité existe, tant de choses n'ont dépendu de la ((qualité))de
l'homme et que, dans le cadre de la lutte pour cette qualité, jamais tant de
choses n'ont dépendu d'une claire conscience de la situation historique dans
laquelle nous vivons et qui exige que la reconstruction socialiste de la vie soit
renforcée et approfondie par l'éducation d'un h o m m e nouveau.
Il faut orienter l'individu vers ses semblables et vers les valeurs; non vers les
succès et la domination. La stratégie de la vie individuelle peut être diversement
conçue. Elle peut l'être suivant un principe vertical, c'est-&dire axée vers le haut
par les échelons du succès,afin d'avoir toujours plus d'importance et d'argent et
d'exercer un pouvoir plus grand sur les hommes. Cette orientation menace la
nature des rapports inter-individuels en ce qu'elle fait des autres nos alliés ou
nos ennemis et exclut la possibilité de relations désintéressées, donc l'amitié
désintéressée,l'amour désintéressé,la communauté désintéressée.
Cette orientation de la vie vers les succts et la domination a pesé d'une
manière caractéristique sur toute la civhsation moderne, ce que Bacon annon-
çait dans sa philosophie. Nous ressentons aujourd'hui la crise de ce comporte-
ment dominateur de l'homme également &l'égard de la nature.Nous voyons que
son attitude &cet égard ne peut être uniquement de lutte et de domination mais
peut aussi impliquer coexistence et coopération.Le grand programme de protec-
tion de l'environnement est non seulement un programme technologique et éco-
nomique; il exprime aussi la nouvelle phdosophie du monde, la philosophie de
la nature; il exprime - disons-le clairement - la nouvelle métaphysique
définissant l'attitude de l'homme A l'égard de la nature. Nous croyons que l'atti-
tude de domination est indivisible et nous sommes obligés de la limiter dans
toute sa portée, par conséquent dans le domaine de la domination: de l'homme
sur les hommes et des hommes sur la nature.
Cette tâche implique la défense de la stratégie des actions non violentes. Il
s'agit de la lutte sans brutalité, sans haine. Bien que fréquemment considérée
c o m m e utopique,cette stratégie est néanmoins appliquée réellement.Elle est liée
au grand n o m de Gandhi qui, précisément,concevait la lutte pour la liberté de
l'Inde, la lutte pour le bien-être de tous, en tant que ((luttesans lutte)). Aujour-
d'hui, la valeur de cette méthode s'est estompée.
Dans un monde si cruel,la stratégie de l'action sans violence dont je viens de
citer des exemples parait irréelle. Et pourtant, il faut dire que nous sommes
confrontés & l'alternative: ou l'escalade de la violence,de la terreur,des coerci-
tions de toute sorte, ou la recherche d'une solution pertinente des conflits qui
engendrent ces actes de violence, la tentative de les résoudre autrement.Je pense
que la stratégie de l'action sans violence est une stratégie extrêmement difficile &
appliquer,mobilisant rarement pour l'action commune, moins propre & captiver
les masses qui &dent plutôt facilement & la fascination de la coercition et & la
fascination de la violence. Néanmoins, cette stratégie doit - au moins dans notre
conscience - avoir priorité, et non faire l'objet du complaisant sourire de bien-
veillance qui n'oblige & rien. A u fond, il n'y a pas de raison de prétendre que
cette stratégie est utopique et que celle de la violence est réelle. En dernier
ressort,les atouts de l'une et de l'autre se distribueraient de manière fort diffé-
rente. Si nous ne devons pas choisir le fanatisme,nous devons choisir la tolC-
rance - c'est-&dire, au fond, que nous devons choisir le dévouement, l'action
par le modèle et par l'exemple, plutôt par rayonnement que par le 'biais des
institutions,de la bureaucratie et de l'administration. Notre civilisation,qui est
&un haut degré une civilisation d'organisations et d'institutions, a certainement
besoin de la vérité sur l'homme et de la vérité sur les rapports entre les hommes.
160 Finalitès de l'èducation
Notre civilisation, qui est A un haut degré un mécanisme guidé vers ce qui est
bon ou vers ce qui est mauvais, a besoin de tout ce qui inspire la liberté,l'œuvre
créatrice et l'action, de tout ce qui rattache l'homme A l'homme et non uni-
quement l'homme A l'institution et A l'organisation.
Si ce retour A la vie authentique doit s'opérer, nous devons attacher une très
grande importance précisément Zi la stratégie de l'action sans violence, dans une
atmosphère de tolérance opposée A tout fanatisme, une action qui soit surtout
celle des hommes et non des institutions et des organisations,une action spon-
tanée et non un arrêté de l'administration, une action volontaire et non une
action imposée. D e telles actions semblent particulièrement nkcessaires A notre
civilisation. Elles sont la meilleure garantie de paix, mais d'une paix cette fois
qui règne dans le monde objectif;les hommes doivent comprendre le bien-fondé
de ces formes directes d'action de l'homme avec l'homme et de l'homme pour
l'homme. U n jour,Herbert Read a écrit: ((Lapaix descend du ciel avec la grâce
de la colombe,mais seulement pour demeurer dans les esprits sereins, dans les
cœurs qui battent sans peur et sans contrainte.))
Le problkme suivant, Zi savoir l'éducation pour la paix, tient au fait que la
formation dispensée dans un esprit de tolkrance et de coopération déborde le
cadre de la vie individuelle. Cela n'implique pas ce que nous appelons ((paix
intérieure))mais oblige A neutraliser l'ascendant exercé par plusieurs idéologies
qui pèsent sur la neutralité de l'homme et l'entraînent dans la voie des passivités
dangereuses et du fanatisme. Des idéologies c o m m e le nationalisme et le
fascisme dont l'histoire n'est pas encore close, telles que l'impérialisme et le
colonialisme,des idéologies qui divisent le monde et incitent les hommes A pro-
fiter de ce partage pour occuper les postes de haut rang - de souverains, de
maitres qui exploitent tous les autres peuples -, ces idéologies sont très difficiles
A démasquer. Mais il est important de le faire afin de montrer comment elles
cernent perfidement la mentalité humaine et exploitent habilement les besoins
fondamentaux de l'homme.Pour cela, il faut s'élever au-dessusdu niveau étroit
des stricts intérets de sa propre nation, pour atteindre celui des relations humai-
nes mutuelles,indépendantesdes frontières qui séparent les hommes.
En démasquant ces fausses idkologies, il faut avoir une vision positive de la
vie sociale.C'est ce qu'on appelle aujourd'hui le dialogue entre civilisations.La
situation actuelle de l'Europe, mère de la ciwhsation scientifiw-technique qui
cerne le monde entier, est une situation difficile, précisément du fait que les
solutions humanistes sont différentes en Europe et dans les autres parties du
monde. Il faut entamer ce grand dialogue entre les civilisations pour tenter de
parvenir A une entente entre toutes les nations de la terre, entente réalisée dans
la tolérance, la coopération, la compréhension des valeurs propres aux autres
civilisations éloignées dans le temps et l'espace, mais importantes en tant
qu'expérience de la vie humaine, en tant qu'éléments de l'opinion ((humaine))sur
le monde. Nous vivons dans des régions différentes de cette terre,mais les pro-
blèmes de la compréhension du sens et de la valeur de la vie y ont été toujours
abordés dans les mêmes intentions. Lorsque nous analysons les problèmes de la
paix intérieure en tant que l'une des conditions de l'éducation pour la paix, nous
devons non seulement cerner les probltmes de la lutte contre les idéologies qui
Pour une approche mondiale 161
Nous intensifions nos efforts pour créer les bases d'un nouvel ordre économique
mondial qui ouvrirait les perspectives d'un avenir meilleur où serait abolie
l'injustice dans le partage des biens, égdsées les conditions d'existence de tous
les peuples de cette terre,limité le gaspillage dans les pays (triches))et supprimés
dans les pays ((pauvres))la misère, la maladie et l'obscurantisme. Les grandes
organisations internationales(a commencer par l'ONU),les dizaines d'associa-
tions scientifiques et les centaines d'éminents savants et de spéciahstes des
domaines de l'économie,de la science appliquée et de la technique,de l'alimen-
tation,de la santC et de la politique de I'éducation concentrent leurs efforts pour
établir les principes de ce nouvel ordre économique dans le monde.
Mais l'ordre économique n'est pas seulement le fruit d'une politique juste
dans le domaine des matières premières,des capitaux,du commerce extérieur;il
ne découle pas simplement de la formation de cadres quahfiés et d'une orga-
nisationjudicieusea l'échellerégionale et mondiale.
L a gestion des hommes est en dernière instance enracinée dans l'image qu'ils
se font de ce qui est précieux et souhaitable dans la vie, dans leurs aspirations et
leurs décisions touchant le style de vie qu'ils veulent mettre en place. Il est
évident qu'un type donné d'économie consolide le type correspondant d'atti-
tudes humaines en affaiblissant ou éliminant leurs autres aspects; en effet,
chaque nouveau type d'économie oblige A reconsidérer le système de valeurs en
cours. C'est donc A juste titre que depuis un certain temps nous observons -
mais encore trop peu - la problématique des associations entre les conceptions
et les projets du nouvel ordre écononomique et la ((réorientation))qui s'opère
dans le domaine des valeurs fondamentales qui guident la vie humaine.
L a création du nouvel ordre économique nous confronte réellement au grand
problème de la culture mondiale. Faudrait4 l'uniformiser et dans quelle
mesure? Suivant les modèles de la science et de la technique qui sont partout les
mêmes? L'unité culturelle du monde doit-elle respecter l'hétérogénéité régionale
des opinions sur le monde et la vie? Mais si elle devait le faire, voire m ê m e les
développer, quelles seraient les possibilités d'intégration? U n ctdialogue))
pourrait-il suffire?
Consacrons un moment d'attention A cette problématique. Des siècles durant,
l'évolution de l'humanité s'opérait dans des cercles culturels réciproquement
assez isolés. Il est vrai qu'A la jonction de ces cultures différentes,certaines idées
affluaient - parfois sous forme de controverses violentes - mais ces courants
d'idées importants pour les diverses régions géographiques n'étaient jamais
durables ni profonds. E n général, ils ne pénétraient que dans le domaine intel-
lectuel- mentionnons notamment A cet égard la science et la philosophie arabes
médiévales - et le domaine artistique, surtout la peinture et la musique des
temps derniers. Il est vrai que les historiens de l'art apprécient hautement le rôle
que l'art des peuples d'Afrique, d'Asie et de Polynésie a joué dans le dévelop-
pement de l'art européen moderne; mais ce rôle ne s'est pas fait sentir au-dela
du d e u artistique.
Pour une approche mondiale 163
religieux du monde. Il n'y a aucune chance que, dans ce débat, les uns puissent
convaincre les autres. Mais il y a des chances que cette controverse soit un dia-
logue incessant et non une lutte incessante,que ce soit un débat poursuivi dans
un esprit de tolérance et non une source de fanatismes croissants. C e dialogue
doit être intCgré dans le nouvel ordre culturel du monde.
saurait être violent ni s’effectuer dans et par la violence car il menacerait alors la
sécurité et le bonheur des hommes.
La participation consciente des masses A toutes les activités visant A améliorer
la civilisation moderne et & préserver notre planète et l’humanité tout entière
d’une catastrophe est un facteur très important. Cette problématique globale se
pose aujourd’hui A tous les habitants de la terre. Sa compréhension n’est
évidemment pas la m ê m e partout, mais partout, A l’heure actuelle, la tâche
primordiale de l’éducation consiste & atteindre un certain niveau de convictions
communes, indispensablesA l’actioncommune.
Dans ce contexte où des tâches sociales nouvelles, autrefois inconnues, se
posent A l’éducation, les conceptions tradtionnelles de l’instruction, les insti-
tutions traditionnelles qui la servent, c o m m e les programmes qui indiquent ses
principaux objectifs,ne peuvent aujourd‘hui suffire.A &té de la théorie et de la
pratique de l’instruction conçues en tant que bien de l’homme, il faut élaborer
une théorie et une pratique de l’éducation conçues en tant que bien social,parti-
culièrement important & l’heure où notre civilisation se trouve & la croisée des
chemins.
Il est évident que ces deux conceptions de la formation ne sont pas opposées
ni nettement distinctes. Elles sont au contraire inséparablement liées et
s’influencentréciproquement.Les hommes ne vivent pas isolés et ce qu’ils consi-
dèrent c o m m e leur propre bien dépend de la société A laquelle ils appartiennent
et m ê m e du sort du monde entier. D’autre part, l’éducation en tant que bien
social est dispensée aux individus leur vie durant. Et c’est précisément A cause de
cela que les nouvelles tâches qui lui incombent déterminent son programme,
lequel s’associe A celui que les hommes établissent pour eux-mêmes,pour leur
profit personnel et au bénéfice du développement. Malgré cette intégration qui
s’opère de façon naturelle et non consciemment programmée, il faut nécessai-
rement distinguer ces deux domaines et comprendre la double tâche de l’éduca-
tion: former la personnalité de l’homme et le former en tant que citoyen de son
propre pays et du monde.
Ces deux directions ont souvent été précisées au cours de l’histoire de
l’éducation et un instant de réflexion sur les expériences historiques permettrait
de comprendre plus profondément les visées propres A chacune.
Dans le cadre de la première, la réalité est un terrain opératoire où l’homme
organise sa vie; pour la seconde, cette m ê m e réalité constitue la partie d’un tout
avec lequel l’individus’associe intimement grâce A la réalité en soi et A l’appel et
aux exigences de cette réalité. Dans le premier cas, il s’agit d’une activité effec-
tuée dans l’ordre matériel et pratique de la vie; dans le second, c’est la vie inté-
rieure personnelle qui est en jeu. ((Que dois-je faire?))- se demande l’homme
pour lequel la réahté constitue un champ d’action. ((Que dois-je être?)) - se
demande l’homme considérant la réalité c o m m e un monde de valeurs et
d’obligations. Ces deux attitudes impliquent des conséquences éducatives
diverses.
En rapport avec la première apparaissait une pédagogie préoccupée par la
préparation & la vie; en rapport avec la seconde, une pédagogie orientée vers la
formation de la personnalité. L’idée de la préparation & la vie &tait liée A la
168 Finalités de réducation
CONCLUSION
Ainsi que nous avons tenté de le montrer, l’éducation doit, A notre époque,
remplir de grandes taches.C‘est précisément pour cette raison que la responsabi-
lité des éducateurs s’accroît.Leur rôle est beaucoup plus difficile qu’autrefois car
les objectifs de l’éducation qu’ils doivent atteindre ne sont pas aussi clairs ni
aussi généralement reconnus qu’ils l’étaient dans le passé. Alors qu’autrefois le
rôle des éducateurs était seulement de transmettre les finalités de l’éducation
fixées par la société, aujourd‘hui ils doivent participer A leur formulation. E n
unissant leurs efforts A ceux de la fraction la plus éclairée de la société, en liant
partie avec ceux qui cherchent A instaurer dans le monde entier un ordre juste et
général, en s’associant aux aspirations et aux inquiétudes des jeunes, les éduca-
teurs doivent poursuivre un dialogue difficile, plein d‘incertitudes, d’espérances
et d’hésitations,un dialogue se donnant pour fin l’établissement de la commu-
nauté entre les hommes et la lutte contre le fanatisme et les dscriminations.
Dans ce dialogue devront être formulés les objectifs lointains de l’éducation
en vue de mettre fin A tous les conformismes et opportunismes qui consolident
l’état de choses actuel qu’il faut améliorer. C e dialogue ne doit toutefois pas
aller trop loin dans l’avenir dont la vision risquerait de perturber les activités
actuelles. L‘éducation permanente, qui est le grand thème de notre époque,
oblige A déterminer sans cesse les buts qui règlent les changements dans la vie
des peuples et des individus. Il s’agit d’accepter les traditions historiques
vivantes qui renforcent le sentiment d’identité nationale, mais il s’agit aussi, et
simultanément, de prévenir le nationalisme par une large (<ouverture))sur les
tâches de la cidsation globale.
Il faut lier le patriotisme local aux obligations de tous les peuples et de tous
les Etats A l’égard de la communauté humaine. Dans cette optique, les éduca-
teurs doivent chercher et déterminer les valeurs reconnues par tous les hommes.
A l’encontre des tenLalilies relativistes de notre temps, il nous faut - c o m m e
l’enseignela tradition de la culture européenne formée par Qfférentes sources -
retrouver l’ident té humaine dans l’hétérogénéitédes images et des actions créées
par les hfférentes civilisations du monde.
Les finalités et les valeurs éducatives liées A la problématique de la civilisation
doivent être complétées par une réflexion sur les tâches de l’éducation dans la
vie des différentes sociétés de cette terre. Le sens multiple des propositions de la
démocratie doit être concrktement précisé dans des situations concrètes. Il s’agit
surtout de développer la participation de tous A tout ce qui est important pour
tous, ainsi que d’associer les droits et les obligations,l’évolution de 1’inQvidu et
la consolidation de la communauté. Dans les conditions difficiles de la vie
contemporaine pleine de tensions et de contradictions,l’immunité de l’homme
180 Finalités de l‘éducation
d'âge correspondant et dans les crèches, A tous ceux dont les mères, pour une
raison quelconque,ne pourront pas utiliser entièrement le congé payé de mater-
nité d'une durée pouvant aller jusqu'A un an qui leur est spécialement accordé
après la naissance de l'enfant et qui, par la suite, ne veulent pas rester A la
maison sans salaire ou ne peuvent pas être aidées par une grand-mère ou par
une autre parente. Ainsi, du point de vue quantitatif,la mise en place du sous-
système SS 1 touche A sa fin. C'est alors que se pose le problème de la quahté:
que doivent être ces établissements préscolaires de masse pour préparer conve-
nablement et également les enfants en vue de leur entrée A l'école et comment
doit s'effectuer le passage d'un service public conçu dans ,l'intérêtdes parents A
un établissement spécifiquement scolaire, premier maillon de l'instruction
générale?
L'attirance massive des jeunes,A l'issue de l'école secondaire,pour les établis-
sements de formation spécialisée,la demande étant ici supérieure de beaucoup
au nombre de places offertes, a provoqué un fort développement des cours de
préparation (SS7)et a obligé l'Etat A les rendre publics, sous forme de cours pré-
paratoires spéciaux organisés dans beaucoup d'universités du pays. S'est posé
alors le problème de l'organisation optimale du passage de l'école A l'université,
afin que puissent y accéder non pas seulement les étudmnts les plus enclins A
poursuivre des études, mais surtout les plus aptes A devenir des spécialistes
diplômés.
L a formation massive de spéciahstes diplômés a conduit A mettre l'accent
davantage sur la qualité que sur la quantité. L'idée est née de la différenciation
en matière de formation spéciahsée,conformément aux particularités des diffé-
rentes spéciahsations. E n Union soviétique et en Bulgarie ont commencé des
expériences A grande échelle consistant A diviser la formation en deux cycles:
- l'un pour les ((praticiens))- 2 A 3 ans de formation théorique suivie d'un long
stage pratique sur le futur lieu de travail;
- l'autre pour les ((théoriciens))- avec une formation théorique plus longue,
suivie de travaux obligatoires, avant l'obtention du diplôme, dans un institut
scientifique,un laboratoireou une université.
Sous-système1
Le sous-systèmedes établissements préscolaires se développe et est appelé A se
développer encore dans le sens de l’admission de tous les enfants d’âge présco-
laire, c o m m e c’est le cas pour l’école. Il est vrai qu’il n’atteindra pas, ni & court
ni & moyen terme, leb effectifs de l’école,en particulier dans les pays en dévelop-
pement, car une grade partie des mères, par obligation ou par choix, éduque-
ront leurs enfant:, par leurs propres moyens pendant les premières années de
leur vie, avec l’aide des grands-mères,d’autres parentes ou de nourrices sala-
riées. Dans une large mesure, cela concernera le premier échelon du sous-
système (les deux ou trois premibres années de la vie de l’enfant), et dans
une mesure moindre (et de moins en moins grande) le second échelon (après
2-3 ans). D a n s une série de pays, essentiellement les pays socialistes,le second
échelon englobera déjA dans dix ou quinze années la quasi-totalité des enfants
Buts et perspectives de l’dducation 193
Sous-systèmes2 et 3
L e sous-système des établissements scolaires présente deux tendances univer-
selles: d’une part, la tendance A la prise en charge totale de tous les enfants,
jeunes gens et jeunes filles d’âge scolaire (de 5-6 h 16-18 ans) et, d’autre part, la
tendance A l’intégration organique de la formation générale et de la formation
professionnelle A ce niveau. Les deux tendances concernent les trois niveaux de
ce système (école primaire, premier cycle du secondaire et école secondaire
complète), mais dans des mesures différentes: la première concerne davantage le
premier niveau; la deuxième, le troisième niveau; quand au niveau central, il
occupe en quelque sorte une position intermédiaire.
L a tendance générale du système consiste h assurer progressivement l’admis-
sion de tous les enfants - de 5 A 10 ans, puis de tous les adolescents de 10 h
194 Finalités de l‘éducation
Sous-systèmes4 et 5
A la différence des deux sous-systèmes précédents, les deux suivants ne se
prêtent pas A une intégration puisqu’ils sont qualitativement différents,m ê m e si,
d’une certaine façon,ils se complètent l’un l’autre.Le premier (SS4)est entière-
ment orienté vers la satisfactiondes besoins économiques et culturels en spécia-
listes diplômés, de sorte qu’il ne peut en aucun cas avoir un caractère global,
qu’il ne peut pas s’adresser A la totalité de la population correspondante. Les
utopies technocratiques selon lesquelles tous les travailleurs seront en fin de
compte des spéciallstes diplômés se révèlent A l’examen dénuées de fondement.
M ê m e si l’on atteint une automatisation complexe de tous les secteurs de la pro-
duction, il restera toujours assez d’emplois n’exigeant pas d’instruction supé-
Buts et perspectives de l’éducation 195
Sous-système6
La tendance générale du développement de ce sous-systèmedans son ensemble
est A l’inclusion progressive de la totalité de la population, tout c o m m e pour les
sous-systèmes 1,2et 5, puisque le vieillissement des connaissanceset la nécessité
qui en découle d’un perfectionnement systématique des travadleurs sont l’une
des particularités objectives de la production contemporaine. On observe ici
deux caractéristiquescomplémentaires:la tendance A l’accélérationdes cycles de
perfectionnement, pour qu’ils s’adaptent au rythme de plus en plus rapide du
vieassement des C O M ~ ~ S S ~(aujourd’hui,
~ C ~ S en moyenne, ces cycles s’étalent
sur environ dix années, mais de plus en plus souvent ils sont ramenés A 5 ou
7 ans et parfois m ê m e A 3 ou 4 ans) et aussi la tendance A lier de manière plus
organique les cycles de perfectionnement aux cycles d’accroissement des qualifi-
cations.Tout cela demande encore un effort d’organisation,de systématisation,
qui n’en est encore qu’A ses débuts dans presque tous les pays du monde, sinon A
un stade expérimental.D e la manière dont il sera tenu compte de ces deux ten-
dances caractéristiques dans l’organisation du sous-systèmedépendent entière-
ment les perspectives de développement de celui-cidans un avenir prévisible.
Sous-système 7
A l’opposé du précédent,le sous-systèmedes études dirigées (par un répétiteur)
a toujours eu et aura toujours une ampleur relativement h t é e . L’expérience
montre qu’il ne connaît un développement excessif, hypertrophié, que dans les
cas où apparaissent de sérieuses Qsproportions qui rendent plus Qfficile, sans ce
recours, le passage d’un sous-systèmed’éducation au suivant (par exemple, de
Buts et perspectives de I’éducation 197
Sous-système8
C e sous-système,c o m m e le précédent, a toujours eu et continuera A avoir un
aspect assez limité, loin de la globalité. Cela s’explique par la constatation de
plus en plus évidente que les effectifs scientifiques ne peuvent pas continuer A
s’accroîtrefortement pendant une longue période (un rythme équivalant au dou-
blement du nombre des scientifiques en quelques années, c o m m e celui qui a eu
lieu dans un certain nombre de pays au cours des dernières décennies, condui-
rait vers l’an 2000 A une situation absurde ou l’on verrait une écrasante majorité
de la population engagée dans le secteur scientifique et, par la suite, la popula-
tion tout entière!). Le fait est qu’au-del8d’un certain seul,une croissance exten-
sive a un effet de moins en moins important et, A la lirmte, n’a plus d’effet du
tout car, en matière de sciences, le succès est toujours obtenu non pas grâce au
nombre de chercheurs mais grâce A leurs capacités, au niveau de leur prépara-
tion et ii l’efficacitéde leur organisation,y compris dans ses aspects matériels.
L‘afflux vers la science d’un nombre excessif de personnes incapables de mener
des travaux de recherche aboutit finalement ?i l’apparition d’un ((poidsmort))
qui abaisse l’efficacité du sous-systèmetout entier. On obtient un résultat ana-
logue si l’on applique des méthodes anachroniques de formation des scienti-
fiques méconnaissant les particularités de la recherche scientifique moderne
(par exemple, leur caractère collectif,la nécessité d’équipements de plus en plus
complexes,etc.). Tout cela fait que l’on comprend de mieux en mieux et partout
la nkessité de donner ti la science un développement non plus extensif mais
intensif, en profondeur. Cela suppose, en particulier, la nécessité d‘adapter la
formation des scientifiques aux exigences du monde contemporain. D e cette
adaptation dépendra aussi le développement futur de ce sous-système.
Nous avons parlé plus haut des disproportions qui se forment de temps en
temps entre les sous-systtmes énumérts, lors du passage de tout le système
d’éducation d’un état caractéristique d’un passé encore récent A un état qualita-
tivement différent,qui sera caractéristique de l’avenir. O n trouve également des
dsproportions analogues A l’intérieur de chaque sous-système. O n ne les
198 Finalités de I‘éducation
remarque habituellement pas quand le champ visuel est limité par le cadre du
sous-systèmelui-même;mais elles deviennent évidentes si l’on sort de ce cadre
et si l’on observe le fonctionnement du sous-systèmeen fonction des facteurs
essentiels qui en déterminent le développement et qui sont la base (background)
des prévisions à caractère d’extrapolation.
Nous disposons aujourd’hui d’une quantité suffisante de données prospec-
tives fiables sur les contours essentiels de l’an 2000.Nous savons que la popu-
lation mondiale aura dépassé alors les 6 milliards d’individus, dont les 80%
environ se trouveront dans les pays en développement et presque la moitié
seront des enfants ou des jeunes, c’est-A-direune clientèle potentielle des sous-
systèmes 1, 2 et 3. Nous savons que le produit total de tous les pays du monde
aura au moins doublé par rapport au début des années 80, mais que si l’on ne
freine pas la course aux armements,une partie encore plus importante que celle
d’aujourd’hui en sera perdue. Cela signifie,en ce qui concerne le financement du
système d’éducation, qu’il n’y aura aucun miracle et que, c o m m e auparavant,le
budget des huit sous-systèmesénumérés restera très serré.
Or,les besoins de la famille réduite moderne en matière d’établissements pré-
scolaires vont augmenter très rapidement;les besoins de la société,des familles
et des individus en matière d’instruction générale des jeunes (y compris la for-
mation professionnelle) également;les besoins de la société en matière de spé-
cialistes de qualifications variées également; les besoins des individus en matière
de formation permanente également; et les besoins de la société en matière de
perfectionnement et de recyclage systématiques des travdeurs et de formation
de cadres scientifiques également. Il suffit de s’imaginer, dans l’absolu,que les
sous-systèmes éducatifs que nous avons examinés resteront sous leur forme
actuelle jusqu’à l’an 2000 ou m ê m e que leur développement restera purement
quantitatif pour déceler immédiatement des disproportions criantes entre les
besoins de l’individu et de la société d’une part, et les formes et proportions de
leur satisfaction par les établissements d’éducation d’autre part, c’est-à-dne
entre la ((demande))et l’((offre))dans le domaine de l’éducation.
Ainsi donc, la recherche prospective dévoile trois types de problèmes à long
terme liés au domaine de l’éducation:
- les problèmes de disproportion entre les différents sous-systèmes de l’édu-
cation;
- les problèmes de disproportion à l’intérieurm ê m e de ces sous-systèmes;
- les problèmes de disproportion entre l’ensemble du système d’éducation et les
autres systèmes sociaux.
Et ces trois types de problèmes n’exigent pas, pour être résolus, un simple
accroissement quantitatif de la capacité de chaque sous-systèmesous sa forme
actuelle mais des transformations qualitatives, des innovations dans des
domaines précis, permettant d’obtenir le maximum d’effet avec l’inévitable
minimum d’investissements économiques.
Nous avons jusqu’ici abordé essentiellement les tendances globales, mon-
diales, du développement du système éducatif. Il semble que, quelles que soient
les différences régicnales,qui sont dûment reconnues et dont il est dûment tenu
Buts et perspectives de l'éducation 199
compte, il est rationnel d'examiner le problème sous cet aspect global. Cepen-
dant, les dfférencesrégionales sont si importantes que, m ê m e dans une appro-
che globale,il faut constamment s'y référer. Et d'deurs, la prise en considéra-
tion des différences régionales ne fait que renforcer nos conclusions sur les
particularitésdes problèmes sociaux h long terme de l'éducation.
Les différences régionales ne concernent pas seulement les différents systèmes
sociaux du monde. Elles apparaissent aussi assez clairement dans le cadre de
chaque système; mieux encore, dans le cadre de chaque Etat et parfois m ê m e
dans le cadre de différentes régions d'un Etat un tant soit peu étendu. L'examen
de toutes ces différences nous conduirait bien au-delh du cadre de la présente
étude. Mais m ê m e si l'on se limite aux différences qui existent entre grands
groupes de pays - sociahstes, capitahstes et pays en développement d'Asie,
d'Afrique et d'Amérique latine - les conclusions mentionnées ci-dessus
apparaissent sous un jour encore plus catégorique.
C'est ainsi que, dans les pays en développement,le rythme de croissance de la
population reste encore aujourd'hui supérieur au rythme de développement du
sous-système2, de sorte que le pourcentage des analphabètes n'y h u e que
dans une mesure insignifiante,et qu'en nombre absolu, nous le savons, ce pour-
centage augmente m ê m e sur l'ensemble du globe terrestre. Le problème de la
formation professionnelle des jeunes de ces pays est tout aussi peu satisfaisant,
tout aussi grave. Dans ces pays, le développement du sous-système4 doit tenir
compte du danger représenté par la ((fuitedes cerveaux)),émigration de spécia-
listes diplômés dans les pays plus développés, ce qui complique considérable-
ment le fonctionnement normal de ce sous-systèmeet fausse l'indication que
constitue son taux de croissance.Dans ces conditions,les établissements présco-
laires, l'autodidaxie et le perfectionnement des cadres passent loin au second
plan. Si l'on extrapole la courbe de développement de l'éducation de ces pays
jusqu'en l'an 2000,on met en évidence un retard encore plus considérablesur les
pays développés et une satisfaction encore plus réduite des besoins correspon-
dants de l'individu et de la sociéth.
Nous avons déjja dit qu'en Union soviétique et dans d'autres pays sociahstes,
l'introduction de l'enseignement secondaire complet et obligatoire pour tous les
jeunes, la réalisation quasi totale de l'accueil de tous les enfants d'âge présco-
laire dans les établissements d'éducation correspondants,le désir de la grande
masse de la population de bénéficier d'un enseignement spécialiséet de l'éduca-
tion générale permanente, l'organisation du sous-système de recyclage et de
perfectionnement des cadres, etc. ont donné lieu h des problèmes complexes
exigeant une refonte sérieuse du système tout entier.
Dans les pays capitalistes développés, le fonctionnement normal des sous-
systèmes 2, 3 et 4 se heurte au problème de la montée du chômage et pose la
question de l'utilisation réelle des ((produits))de ces sous-systèmes:leurs élèves
trouveront-ils, h l'issue de leur formation, un emploi correspondant h leur
spécialisation et s'ils n'en trouvent pas, quel est alors le sens de l'existence des
sous-systèmes eux-mtmes? Dès lors, dans ces pays c o m m e dans les pays en
développement,les autres sous-systèmespassent au second plan et une situation
dépressive s'étend au système d'éducation tout entier. Selon nous, la solution ne
200 Finalitès de I‘èducation
peut être cherchée ici dans le cadre du seul système d’éducation,mais exige des
transformations radicales de toute la société. C‘est dans ce contexte seulement
que peuvent être examinées telles ou telles transformations quahtatives du
système d’éducation lui-même.L a m ê m e conclusion s’applique d’ailleurs égale-
ment 9 beaucoup de pays en développement.
Ainsi donc, les perspectives de développement du système d’éducation sont
liées non seulement aux tendances observées, mais également 8 des transforma-
tions quahtatives qui sont inévitables.Cela nous oblige A passer d’une approche
exploratoire 9 l’approche normative et 8 examiner la question de l’opportunité
d’innovations dans chacun des grands sous-systèmesen tant qu’élément impor-
tant du fondement scientifique de la planification de leur développement. C e
faisant, étant limité par le cadre du présent chapitre,nous passerons de nouveau
sur le plan des générahsations globales tout en formulant évidemment certaines
réserves ou précisions de caractère régional.
PLANIFICATION ET INNOVATIONS
lées, qui méritent l’attention.Cela donne une base certaine aux réflexions préa-
lables de caractère normatif.Nous nous arrêterons plus en détail sur celles qui, h
notre avis, sont les plus importantes,dans la séquence logique des sous-systèmes
éducatifs fondamentaux définie précédemment.
Sous-système1
Nous avons déjA dit que la famille d’aujourd’hui ne pouvait pas se passer de
l’aide des établissements préscolaires mais que, d‘autre part, la théorie selon
laquelle ces établissements pourraient remplacer totalement la famdle était mal
fondée et qu’il était indispensable qu’entre la famille et ces établissements pré-
scolaires s’établisse une collaboration sur de nouvelles bases. Quelle pourrait
être cette collaboration? Pour répondre h cette question, essayons un instant
d’oublier l’ordre actuel des choses et d’imaginer la situation idéale, plus exacte-
ment optimale, qui répondrait non pas tellement h l’intérêt immédiat des
parents (bien que ce soit fort important) mais aux besoins du développement
harmonieux de la personnalité de l’enfant. Nous n’oublierons pas h ce propos
que, selon les dernières données pédagogiques, c’est justement dans les pre-
mikres années de la vie que se forme essentiellementla personnahté,de sorte que
l’approche proposée est tout A fait justifiée du point de vue de la qualité de la
formation des générations nouvelles.
D e quoi l’enfant a-t-ilbesoin pour un développement général harmonieux? E n
premier lieu, de l’attention constante, des soins et des caresses de la mère et éga-
lement, si possible, du père. E n second lieu, de contacts périohques avec
d’autres adultes,avec des enfants de son âge et avec d’autres enfants un peu plus
âgés ou un peu plus jeunes. En troisième lieu, de l’observation constante d’un
pédagogue et d’un médecin qui sont prêts h intervenir en cas de déviation dange-
reuse du régune d’éducation optimal.Essayons d’imaginer le premier échelon du
sous-système en cause sous la forme d’un établissement techniquement bien
équipé, proche de la maison des parents, où les enfants de O k~ 2-3 ans se trou-
vent sous la sumefiance constante d‘un éducateur et de ses adjoints, sont l’objet
d’examens médicaux périoQques et restent en m ê m e temps en contact systéma-
tique avec leurs parents, grands-parents et autres adultes qui sont en l’occur-
rence des sortes d’auxiltaires de l’éducateur, et en contact aussi avec d’autres
enfants d’âges variés. Il est évident que de tels contacts nécessitent une organisa-
tion stricte, une définition précise des droits et des devoirs de ces ((adaireso.
Mais une telle approche rend assez souple le séjour m ê m e de l’enfant dans l’éta-
blissement préscolaire.Telle m a m a n préférera laisser son enfant sous la surveil-
lance de l’éducateur; d’autres mhres pendant une, deux ou trois heures, telle
autre le laissera une demi-journée, une journée, une semaine, selon son travad
ou son caractère. Mais dans tous les cas, elle saura que son enfant bénéficie des
medleurs soins, auxquels elle participe dans la mesure de ses moyens.
Tout au long de l’histoire de l’humanité, h de rares exceptions près, la mère
n’est jamais restée seule h seul avec son enfant pendant des jours entiers. Cela
est contre nature, néfaste autant pour le psychisme de la mère que pour celui de
l’enfant. L a mère a toujours continué h mener une vie ((sociale)),h diriger son
202 Finalités de l‘éducation
Sous-systèmes2 et 3
11 serait, A notre avis, tout A fait logique que le principe d’intégration de la
famille et des établissements préscolaires que nous venons de proposer soit
étendu également aux relations entre la famille et l’école, du moins au niveau
des deux premiers échelons du SS2, c’est-&dire pour les enfants et les adoles-
cents dont l’âge va de 5-7ans il 14 ou 16 ans. A ces âges, il est prématuré de
choisir un métier. Mais vers 14-16ans, l’adolescent doit avoir non seulement une
assez bonne culture générale,mais aussi une idée précise de ses possibilités pro-
fessionnelles et de ses goûts, et savoir quel type d’activité lui conviendrait le
mieux et dans lequel il pourrait être assuré du meilleur succès. Autrement dit, il
s’agitici d’une bonne orientation professionnelle,qu’il est trop tard de commen-
cer au cours de la dernière année d‘études car elle exige de longues années
d’assimilation, l’information correspondante, une sérieuse connaissance d’une
série de professions (pour pouvoir les comparer), une certaine expérience pra-
tique - un ((tempsd’essai))- dans plusieurs d’entre elles, etc. Cela signifie qu’h
côté des études habituelles,il est indispensabled’organiser des cours facultatifs,
des groupes d’intérêts communs, des stages pratiques dans l’industrie,etc. et
cela en introduisant partout une approche aussi individuelle que possible pour
déterminer au plus près les goûts et les possibilités de chacun. L‘enseignant
peut-il venir bout de tout cela? S’il est seul, cela est peu probable. Mais avec
des auxiliaires bénévoles (dont les parents, les grands-parents et d’autres
proches), il y parviendra pleinement. Il convient de ne pas oublier, A ce propos,
le problème de l’optimisation du travail de l’enseignant lui-même (en fait, cela
ne concerne pas le seul sous-système2,mais tous les sous-systèmesd’éducation).
O n sait que la profession d’enseignant, aujourd’hui, n’est pas des plus presti-
gieuses ni des mieux rétribuées, mais en revanche une des plus difficiles et des
plus complexes,et qui implique le plus de responsabilité.Que peut-on faire pour
faciliter le travail de l’enseignant,renforcer sa créativité,son effort personnel de
mise en évidence et de stimulation des possibilités des élèves, et pour faire en
sorte que le travail pbdagogique se rapproche davantage du travail scientifique
hautement quahfié? Il est évident qu’un rôle important incombe ici au cinéma et
il la télévision scolaires,de m ê m e qu’aux machines A enseigner ou il toutes sortes
d’appareils mécaniques ou électroniques pouvant faciliter les opérations mono-
tones ou augmenter le rendement du travail pédagogique. Mais les auxdiaires
bénévoles n’ont et ne doivent pas avoir un rôle moins important auprès de
l’enseignant, car ils le soulagent du poids des tâches secondaires et lui per-
mettent de se concentrer sur l’essentiel, c’est-&dire sur l’approche attentive et
créative de chaque élève.
U n e question peut se poser: celle du rôle que peuvent jouer lesdits auxiliaires
de l’enseignant dans l’appréciation des possibilités et des dispositions des
enfants si ceux-ci,c o m m e il est habituel A cet âge, rêvent d’être savants, pein-
tres, cosmonautes ou champions sportifs,alors que l’économie de chaque pays a
besoin d’abord de professions courantes - d’ouvriers spécialisés, ingénieurs,
agronomes, médecins et enseignants connaissant bien et aimant leur métier
- d’autant plus qu’il est très difficile aux parents et aux proches de déterminer
204 Finalités de I‘éducation
objectivement les possibilités réelles de leurs enfants. A notre avis, ce rôle peut
se révéler très constructif si ces parents font instamment comprendre aux
enfants que, de nos jours,un bon ouvrier a plus de valeur qu’un savant médiocre
c o m m e on en compte aujourd’hui des millions, qu’un bon cuisinier ou un bon
tailleur sont plus utiles qu’un mauvais artiste ou un mauvais peintre, qu’un
employé consciencieux et efficace est plus apprécié qu’un sportif de second
ordre; et qu’ils ne se contentent pas seulement de le leur faire comprendre,mais
qu’ils le démontrent aussi par l’exemple de leur propre carrière et fassent
connaitre leur profession B un nombre aussi grand que possible d’autres jeunes.
A 14-16ans, l’adolescent atteint la maturité, devient adulte, et le maintenir
dans une situation d’enfant, c o m m e c’est encore souvent le cas, est contre
nature,néfaste pour son psychisme et coûte très cher B la société,non seulement
sur le plan économique mais aussi sur le plan social Cjusques et y compris la
déhquance des jeunes non motivés). Dès 14-16ans, l’adolescent ne peut plus
rester un élève A qui l’on enseigne. Il doit absolument devenir un étudiant, une
personne indépendante qui acquiert et a s s d e des connaissances B l’aide du
pédagogue. Quelles connaissances doit-il donc acquéir et assimiler pour qu’A
18 ans au plus tard il soit devenu un citoyen A part entière,un participant B part
entière de la production nationale? E n premier lieu, il s’agit d’un éventail de
matières générales suffisamment large pour achever sa culture générale (qu’il
devra par la suite améliorer dans le cadre du sous-système5); en second lieu,des
matières spécialiséessuffisamment amples pour lui permettre de devenir un pro-
fessionnel qualifié.
U n e telle approche pose la question de la liaison optimale de l’enseignement
général et de la formation professionnelle. Cela suppose non seulement les
études scolaires habituelles,mais aussi des cours d’introduction,des séminaires,
des stages en usine, l’utdisation du cinéma et de la télévision scolaires et des
machines B enseigner, de tout ce qui n’est aujourd’hui accessible qu’aux établis-
sements spécialisés(SS4). En revanche,cela fait totalement disparaître l’opposi-
tion actuelle entre l’enseignement général et la formation professionnelle et
conduit B une totale intégration des sous-systèmes2 et 3. L a totale maitrise d’un
métier exige, outre tout le reste,non seulement de simples stages pratiques,mais
encore de longues périodes de travail réel, d’un mois et plus, dans la spécialité
choisie. Cela est d’ailleurs excellent car cela permet d’appliquer le principe,
essentiel en éducation, de la liaison entre l’apprentissagedes jeunes et le travail
productif, sans laquelle l’apprentissage et l’éducation perdent dans une large
mesure leur efficacité. Cela fadte en outre le passage au sous-système 4 pour
ceux des jeunes qui souhaitent recevoir une éducation spécialisée:la possibilité
pour le jeune de devenir un spécialiste diplômé sera déterminée non plus par
l’examen d’entrée B l’université,et encore moins par les sessions de contrôle au
sein de cette Université,mais préalablement,au cours des études et des stages de
travail productif B l’échelonsupérieur du sous-système2.
L a dernière année des études générales et spéciahsées ti l’échelonsupérieur du
sous-système2 sera-t-elleaccompagnée d’un stage d’avant diplôme dans la spé-
cialité choisie? Tel ou tel grade sera-t-ilattribué aux intéressés,c o m m e cela se
fait dans certains pays? Ces questions ne présentent qu’une importance secon-
Buts et perspectives de l’éducation 205
Sous-système4
Nous avons déjja vu plus haut que l’organisation optimale de ce sous-système,A
la différence des précédents et de la plus grande partie des suivants,doit se faire
selon le critère non point tant des besoins individuels (des étudiants et de leurs
parents) que des besoins économiques et culturels réels de chaque pays en spé-
cialistes de niveaux et de profils déterminés (sans oublier que toute personne qui
le souhaite peut continuer A améliorer sa culture générale dans le cadre du sous-
système 5 et accroître systématiquement ses compétences professionnelles dans
celui du sous-système 6). Nous avons vu également qu’une telle approche
suppose une diversification du sous-systtme 4 en au moins cinq Cléments inter-
dépendants. Essayons maintenant d’imaginer plus concrètement un établisse-
ment d’enseignement expérimental de ce type.
U n professeur d’université perspicace cherchera ses futurs étudiants parmi les
élèves de l’échelon supérieur et peut-être m ê m e de l’échelon moyen du sous-
système 2. Il aura avec eux des entretiens, organisera pour eux des jeux-
concours et des séminaires, survedlera attentivement leurs études de spéciah-
sation et surtout leurs stages de travd productif, les regroupera dans des écoles
d’été et les invitera ii faire connaissance avec l’université.Les recommandations
des enseignants et des moniteurs des stages pratiques de travail productif du
sous-système2 joueront évidemment un rôle essentiel. Il importe beaucoup que
toutes ces procédures n’aient pas un caractère de sélection élitiste (pseudo-
élitiste), mais soient c o m m e le prolongement de l’orientation professionnelle et
aident les jeunes A choisir avec plus de conviction et d’espoir leur futur métier.
Les impétrants du sous-système2, une fois entrés A l’université, y suivront
d’abord un cours préparatoire où ils se feront une idée plus précise de leurs
futures études et de leur futur travad, et grâce auquel s’éliminera la majorité de
ceux qui ont fait une erreur d’orientation. Les étudiants restants suivront un
cours théorique suffisamment intensif, en alternance avec des stages pratiques
de production, uthsant largement le cindma, la télévision et les machines ii
enseigner, et avec une aide individualisée aussi complète que possible des pro-
fesseurs.Après quoi, la majorité d’entre eux feront un stage de longue durée sur
leur futur lieu de traval, tout en continuant A passer des examens de contrôle
des connaissances et a préparer leur diplôme. U n e minorité d’étudiants plus
aptes et plus motivés pour les travaux théoriques poursuivront des études A
l’université,puis feront eux aussi un stage dans un institut de recherche, un
laboratoire ou une chaire d’université. Les uns et les autres obtiendront leur
diplôme en étant déjh parfaitement familiarisés avec leur travail. Ils n’auront
pas A ((toutréapprendre))et n’auront pas besoin d’une longue période d’adapta-
tion après l’obtention du diplôme. Les secteurs économiques et culturels dans
206 Finalités de l‘éducation
Sous-système5
C o m m e il est souhaitable que ce sous-système englobe la totahté de la popula-
tion intéressée,et qu’il soit en m ê m e temps de trbs bonne quahté, au m ê m e titre
que le sous-systbme précédent qui, lui,ne s’adresse qu’A un nombre d’étudmnts
relativement limité,il y a 18 un problème qu’il n’est guère possible de résoudre ni
dans le cadre des établissements traditionnels d’éducation des adultes, ni dans
celui des écoles et universités de type habituel. La solution consiste, 8 notre avis,
A créer un réseau d’établissements d’enseignement d’un type qualitativement
nouveau.
Pour assurer le fonctionnement optimal de ce sous-système,il faut certai-
nement utiliser le cinéma et la télévision, qui doivent permettre de faciliter
l’intégration des formes individuelles et collectives de l’autodidaxie. Cependant,
pour être efficace, l’autodidaxie doit nécessairement comporter des réunions
périodiques de groupes d’étudiants, des cours introductifs attrayants, des sémi-
naires-débats,des examens-interviews compétitifs, des échanges d’expériences,
la reconnaissance publique des résultats de l’autodidaxie,etc. Le problbme se
complique du fait qu’il est souhaitable que chaque adulte qui entre dans ce sous-
système y reste toute sa vie durant,en permanence. On a besoin pour cela d’une
organisation et de stimulants pour cette variété de travail intellectuel qui ne le
cède en rien aux autres variétés d’effort intellectuel quant A la difficultt, A
l’attentionrequise et 8 la portée sociale.
Buts et perspectives de l’éducation 207
Sous-système6
L a qualité de ce sous-système dépend autant de la mesure dans laquelle il
englobe la totahté de la population concemte que de la succession rationnelle de
ses divers échelons, et d’une combinaison plus organique du perfectionnement
professionnel et du recyclage. Le vieihssement des connaissances est aujour-
d’hui si rapide que si le détenteur d’un diplôme, quel qu’il soit,ne perfectionne
pas systématiquement ses quahfications dans les années qui suivent l’obtention
de ce hplôme et ne suit pas des cours de recyclage, en huit A dix ans au maxi-
m u m ce diplôme n’est plus qu’une feuille de papier, aussi inutile que s’il avait été
208 Finalitès de l‘èducation
Sour-système 7
Si les innovations ainsi proposées sont dûment appliquées, le sous-systèmedes
études dmgées perdra dans une grande mesure sa raison d’être,car il n’y en aura
plus besoin lors du passage d’un sous-système 2I l’autre et son utilité se limitera
aux cas de rattrapage pour raisons de maladie ou autres, ou aux cas de diffi-
cultés individuelles d’assimilation de certaines connaissances.
Sous-système 8
Pour rendre le système de formation de cadres scientifiques aussi efficace que
possible, il est A notre avis indispensablede tenir compte de deux considérations
principales: il faut que les scientifiques commencent 21 faire davantage de tra-
vaux de recherche créatrice h un âge relativement plus jeune que ce n’est le cas
actuellement,et il faut qu’il y ait un rapprochement plus marqué des travaux de
thèse de doctorat et des travaux de recherche fondamentale de pointe. Il est
scientifiquement établi que, chez la majorité des savants,la création scientifique
atteint généralement son ((apogée))entre 30 et 40 ans, après quoi elle décroît
progressivement. Bien qu’il y ait beaucoup d’exceptions A cette règle, et que la
sagesse des anciens remplace l’audacede la jeunesse,le problème de l’utilisation
maximale du potentiel créatif des jeunes savants reste entier, et il est impossible
de le résoudre en reculant jusqu’h 40 ans et plus le moment de l’entréeen action
des jeunes scientifiques, c o m m e cela se fait dans certains pays. Quant aux
thèses, il ne faut pas oublier que toute information nouvelle (y compris l’infor-
mation scientifique) suscite généralement au début - et doit m ê m e susciter,dans
la mesure où les idées avancées sont fondées et viables - une attitude sceptique
chez les collègues, surtout chez les ((experts)).D’où la tentation, qui est loin
d’être rare, d’emprunter les voies de moindre résistance et de ne pas se rendre
plus difficile l’obtention du grade recherché en avançant des idées scientifiques
trop audacieuses.11 en résulte que la thèse se présente souvent c o m m e l’imita-
tion plus ou moins bien réussie de recherches faites par d’autres. Les potentia-
lités créatrices des jeunes scientifiquessont alors gaspillées.
L a solution A cet état de choses consiste, semble-t-il,2I incorporer le plus tat
possible les jeunes scientifiques prometteurs aux travaux de groupes de cher-
cheurs et d’évaluer “ m e il se doit leur contribution personnelle aux travaux
de leur groupe, en leur accordant des titres et grades scientifiques en fonction
justement de cette contribution.Aucune innovation particulière n’est ici néces-
saire: on dispose de suffisamment de données sur l’expérience positive acquise 2I
ce sujet dans différents pays. Malheureusement,ces données sont encore mal
210 Finalités de I'éducation
connues et mal diffusées,et ce sont des expériences négatives qui prévalent. Les
institutions scientifiques de l'Unesco pourraient ici aussi jouer un rôle essentiel
de stimulation.
Si l'on tient compte de toutes les innovations proposées plus haut pour planifier
le développement du système éducatif, au niveau global c o m m e au niveau
régional,il faudra encore éviter deux défauts fort répandus: le faux prestige de
certains sous-systèmes d'éducation (ou bien de certains éléments de sous-
systèmes) et les tendances A l'élitisme de certains sous-systèmes(ou de certains
de leurs Cléments). C'est ainsi que dans certains pays en développement, on
accorde artificiellement un grand prestige, par exemple, A la formation de
spécialistes (SS4), sans tenir compte des besoins réels de l'économie et de la
culture du pays en spécialistes de profils et qualifications donnés. Résultat: des
disparités surgissent, la ((fuite des cerveaux))commence et les dépenses géné-
rales consacrées A l'éducation ont un rendement inférieur A celui qu'elles
auraient eu si elles étaient réparties proportionnellement aux besoins réels de la
société. D e même, dans certains pays capitahstes développés, on observe une
tendance A réserver telles ou telles institutionsdu système éducatif A un cercle de
gens restreint, en maintenant artificiellementla majorité des autres jeunes A cer-
tains niveaux de ce système. Il en résulte une baisse de potentiel intellectuel
créatif du pays et, bien entendu, aussi celle de l'efficacité potentielle du système
éducatif. Certes, la clé du problème réside dans le régime socio-politique de
chaque pays. Mais nous nous contentons ici de faire ressortir dans l'absolu les
aspects négatifs de tels faits du point de vue de l'efficacité du système éducatif.
Les considérations du type de celles qui sont faites ci-dessus pourraient, A
notre avis, être A la base de prévisions exploratoires et normatives du développe-
ment du système éducatif A l'avenir (A titre indicatif jusqu'en l'an 2000 ou m ê m e
jusques et y compris la première décennie du X X I e siècle). A leur tour, de telles
prévisions pourraient donner une information scientifique utile pour les pro-
grammes A long terme établis pour au moins les dix prochaines années. Sur cette
base, il est possible d'établir des plans quinquennaux de développement de
l'éducation nationale, A l'échelle globale ou A l'échelle régionale,en en précisant
les objectifs A atteindre au cours de chaque année. D'autre part, les prévisions,
programmes et plans supposent nécessairement l'élaboration de projets d'inno-
vation dans ce domaine conformément aux données nouvelles relatives aux
perspectives du développement de l'éducation.O n voit finalement apparaître un
modèle systémique de prévisions, de planification et de programmation dont
l'efficacité pour le perfectionnement du développement de tel ou tel secteur a été
objectivement démontrée A maintes reprises au cours des deux dernières
décennies (par exemple, pour la réalisation du programme de recherches sur la
Lune). Et A ce propos, il nous faut revenir une fois de plus au problème du sous-
emploi considérable du potentiel des institutions scientifiques de l'Unesco qui
sont, nous en sommes convaincus, pleinement A m ê m e de prendre l'initiative
d'un tel travail et d'entraîner derrière elles les institutions correspondantes des
Etats membres de l'organisation.
CHAPITRE SEPT
Les finalités de l’éducation:
génération et re-génération
par S.Roller
L’GDUCATION OBLIG~E
L a nature, au cours des millénaires,a d‘abord déroulé sur les parties émergées
de la planète le tapis luxuriant de la vie verte. Puis,poursuivant sa marche créa-
trice, elle a inventé le monde animal. A u nombre de ses innombrables essais,
deux sont particulièrement remarquables: les mollusques et les vertébrés. Les
premiers, mous de nature, ne tiennent qu’en raison d‘une protection pierreuse
qui,tout en les protégeant,les alourdit. Les mollusques vivent peu, ils survivent.
Leur espace vital est de médocre dimension. Ils n’invententrien. Les vertébrés,
en revanche, frappent par leur mobilité. L a nature a rendu celle-ci possible en
raison d’une inversion de génie: la solidité qu’elle avait mise, tel un rempart, A
l’extérieur de la bête, elle l’installe désormais B l’intérieur. L e squelette tient
l’animaldu dedans. Articulés B lui, les membres assurent la mobilité. L e sang,
mer intérieure, nourrit l’organisme et pourvoit B sa restauration. Un dispositif
isothenniquepermet d’échapper A l’irrégularitédes températuresclunatiques. L a
gestation interne des mammifères accroît encore l’autonomie de l’animal.Ainsi
la nature dépose-t-elle,dans ses créatures,par intériorisation et complexification
croissantes,les germes de la liberté.
Avec l’homme, les choses s’acdlkent et culminent. L e squelette se redresse.
L‘homme est le seul animal debout. Et, simultanément, la main libérée du
212 Finalités de réducation
fardeau de la marche et, de plus, dotée du pouce opposable aux quatre autres
doigts, se fait fabricatrice.L‘homme se donne des outils inorganiques. La tête,
haut dresste et, désormais, dispensée du fouissage alimentaire, peut laisser le
maxilaire inférieur se résorber au profit du crâne qui abrite un cerveau grand au
milliard de cellules interconnectées.Avec l’homme,la mobilité est A la fois maxi-
male et optimale. L‘homme, de tous les animaux,est le seul qui ait pu s’adapter
A presque toutes les conditions. O n le trouve sous toutes les latitudes,alors qu’il
n’y a pas de girafes en Laponie, ni d’ours blancs sous les tropiques. Avec
l’homme,un pas immense a été franch: le pas de la raison. L‘homme pense et il
sait qu’il pense. Homo faber avec sa main,il est devenu homo sapiens avec son
cerveau.L‘homme de raison non seulement vit et agit mais il crée. Il s’adapte au
monde et fait le monde. Il n’est cependant pas que de raison. En lui subsistent
les besoins de la vie végétative, de la vie instinctuelle et pulsionnelle. Il vit cette
vie et la protège des dégradations que pourrait lui faire subir I’être fabricateur
- et aussi destructeur -, l’être de raison et de froide logique. L‘homme a sacrahé
certaines de ses conduites, inventant des morales protectrices et des dieux pour
les confirmer: morales et religions closes. Investiguant plus avant,plus profond,
et sans doute plus haut, l’homme mystique, parvenant aux sources mêmes de la
vie, s’est approché du Dieu ontologique.Il lui a alors rendu le culte de ses reli-
gions. Fabriquant,pensant, adorant, l’homme, simultanément,avec le surplus
de forces que lui donnaient ses réussites, s’est donné le luxe des inventions gra-
tuites, le luxe vital de l’art. Ainsi ont pu se bâtir les civilisations, les cultures;
ainsi l’homme a-t-ilétendu son règne sur le globe.
Toute-puissance de l’homme. Et pourtant extrême vulnérabilitb. Car cet
h o m m e libre,le plus libre de tous les êtres vivants, paie cher sa liberté: il devra,
longuement, difficilement,apprendre A s’en servir pour lui être fidèle. Sa liberté
le contraint.
L‘animal naît programmé. Ses gènes organisent sa conduite. Les apprentis-
sages sont quasi inexistants ou relativement brefs. Il a une enfance courte qui
suffit A son adaptation au réel borné qui est le sien. L‘homme, en revanche,naît
sans programme avec une seule aptitude, celle d’être programmable ou de pou-
voir se programmer. Il lui faudra du temps pour monter ses conduites élé-
mentaires et pour apprendre A en monter de nouvelles. Celles que requerra son
monde. Or,ce monde est d’une complexité extrême. Il est de nature et, aussi,de
culture (la culture étant la nature plus l’homme). Cette culture, élaborée au
cours des siècles, ((constitueun capital informationnel de savoirs, savoir-faire,
normes, comportements qui, venant de l’extérieurde l’individu,se combine A la
détermination génétique intérieure))*.Le petit de l’homme doit s’insérer dans
cette culture, s’y équilibrer,y vivre, y grandir et y déposer son empreinte. Il doit
être, par elle, institué. Il doit aussi, sur elle, agir. O n comprend que son temps
d’apprentissage ne puisse être que long. D e tous les vivants, l’homme a l’enfance
la plus longue. Il est d’deurs remarquable qu’elle n’ait cessé de s’allonger au
cours des âges. A u siècle dernier, la scolarité obligatoire (quand elle existait)
s’achevait A douze ans. Aujourd’hui, elle le fait A seize. Pratiquement,rares sont
les jeunes qui entrent dans la vie active avant vingt ans. A u m ê m e moment
cependant, la maturité sexuelle se fait plus précoce. L‘enfant coexiste dans
Génération et re-génération 213
L’STAT DU MONDE
L‘homme, par nature, est contraint,s’il ne veut pas renoncer A son humanité, de
se prendre tous les jours en charge, de pourvoir A son éducation jusqu’h son
dernier souffle. Cette contrainte est, aujourd’hui, d’autant plus lourde que l’état
du monde lance h l’homme un ultime défi: ou vaincre par un effort accru
d’hominisation,ou mourir. Qu’on en juge.
L’accroissement de la population
O n estime qu’au début du X X I e sibcle, les hommes qui peupleront la Terre
seront plus nombreux que l’ensemble de ceux qui l’occupèrent depuis que le
globe porte des hommes. L‘agressivitC étant, on le sait, corrélative A la densifi-
cation des groupements humains, on peut prévoir des conflits nombreux et
violents.
Le tissu social
Pendant longtemps, la société a été un milieu aux interconnexions rares, faibles
et lentes. Aujourd’hui,elle tend h devenir un système aux interconnexions nom-
breuses, rapides et fortes. Ces interconnexions se sont multipliées avec l’impri-
merie, h la Renaissance, coïncidant avec le processus d‘urbanisation. Actuel-
lement, avec les moyens modernes de transmission de l’information,en raison
aussi d’une urbanisation accélérée, les interconnexions se démultiplient et se
renforcent. Le système social, lui aussi, se renforce; mais, en m ê m e temps, il se
referme sur lui-même,se développant par le jeu d’autortgulations cybernétiques.
D’où l’absence,désormais,de toute finahté extrinsèque qui donne lieu A un vide
métaphysique douloureusement ressenti,par les jeunes surtout.
214 Finalités de I'éducation
Par ailleurs, le tissu social est pris en charge, aux fins de gouvernement, par
des systèmes politiques stato-nationahtes. L'Etat règne; l'Etat s'arroge la
dignité de la valeur; il se soumet tous les hommes et tout l'homme.
Le couple science-technique
Pendant longtemps, la science se développait de manière toute gratuite,
craignant de se commettre avec les arts mécaniques. D e nos jours, science et
technique cheminent de concert, l'une appuyant l'autre, l'une assurant le pro-
grès, souvent foudroyant, de l'autre.L a méthode expérimentdeinnerve tous les
secteurs de l'activité humaine et, au premier chef, la techmque que sert une
machinerie toujours plus complexe, dotée d'une énergie toujours plus grande.
Couplée avec les récentes méthodes d'invention (l'heuristique, l'inventique),
cette m ê m e méthode expérimentale, d'une part, prétend résoudre, A plus ou
moins longue échéance,les problèmes des hommes et, d'autre part, constate que,
plus elle sonde le réel, plus nombreux sont les problèmes qui surgissent.Appré-
hendant le réel, la science offre aux hommes d'avoir prise sur lui. Mais,ce
faisant,elle déchaîne des forces é-normes;elle change la face du monde. Science
et technique semblent n'avoir d'autre fin que leur accroissement sans frein,celui
m ê m e des cellules cancéreuses. Le règne de la technique est le règne des moyens.
L'homme lui est soumis; il appartient A la technique,lui étant c o m m e consubs-
tantiel;il est devenu lui-mêmeorgane technique,moyen.
Le gonflement de I'information
Il est corrélatif A celui de la science. Des marées d'informations, par la presse, le
livre, la radio, la télévision et la télématique déferlent sur les individus, les
encombrant, les menaçant. A l'ère de l'automatique succède celle de l'infor-
matique. Mais quelle information? Celle, untlatérale et volontairement propa-
gandiste, descendue des satellites, ou celle, personnalisée, que les individus
sauront choisir eux-mêmespour leur seul et unique profit?
Le processus de cérébralisation
Le réel des hommes, physique ou social, travaillé par le cerveau humain, est
d'une complexité extrême. Pour le maitriser, deux voies: la prise en compte
séquentielle et la prise en compte globale. L a première recourt A la logique et ?I
la mathématique. Elle a pris un élm particulièrement puissant quand l'impn-
merie a incliné l'homme ti penser de manière linéaire et discursive. L'analyse a
pris le pas sur la saisie globale, la réflexion sur l'immédiateté, l'abstrait sur le
pragmatique,la neutralité du message sur l'émotionalité.L a pensée logique s'est
de plus en plus formahsée. Elle a dégagé des structures et des ensembles de
structures (des systèmes). Cette pensée s'est, son tour, donné un outil inor-
ganique,l'ordinateur qui,prenant le relais du cerveau,travadle séquentiellement
plus vite que lui.
La prise en compte globale appréhende le réel en une fois, sous plusieurs
dimensions. Elle est, pour le moment, l'apanage du seul cerveau humain. Si ce
Génération et re-génération 215
L’accélération du changement
Depuis Héraclite,on sait que le monde change et qu’on ne se baigne jamais deux
fois dans le même fleuve. Ce qui est nouveau, c’est l’accélération de ce
changement. Jadis, les modifications du train de vie étaient imperceptibles aux
yeux d‘une génération. Il fallait le recul de l’historien pour en saisir l’existence.
Aujourd’hui,le changement constitue la trame mouvante de la vie. Il en résulte
des bouleversements qui peuvent mettre en péril des économies, des systèmes
sociaux,des politiques. Si,par plusieurs de ses aspects, le changement peut &tre
considéré c o m m e indice d’une création qui se continue, donc c o m m e Clément
constructif,il est, par ailleurs, agent destructeur. Il ruine des structures sur les-
quelles s’appuyaient les hommes, celles qui leur donnaient sécurité et stabilité.Il
s’ensuit un désarroi que certains supportent mal. Le nombre des inadaptés
grandit, celui des inquiets, des déboussolés, de tous ceux qui, plus ou moins
consciemment, se demandent avec angoisse où tout ce changement les mènera.
Les périls
Chacun des regardr portés jusqu’ici sur le monde comporte son poids d’espé-
rance comme, aussi, celui d’une désespérance. Il est pourtant des périls t e m -
blement actuels qu’il faut citer:
- Le pillage de la planète; sa sur-exploitation au profit, presque exclusivement,
des nantis du Nord.
- L a pollution de la nature et la désertification galopante.
- La faim des hommes, ceux du Sud notamment, qui meurent pour engraisser
les riches.
- L‘oppression des peuples qui insulte les Droits de l’homme, aussi bien A l’Est
qu’A l’Ouest, au Sud qu’au Nord.
- La guerre endémique dévoreuse d’armes aux coûts exorbitants.
- Le chômage qui,cornme une peste malkfique, réapparaît 18 où,jadis (moins
d’un demi-siècle), il avait suscité les révoltes, la terreur et généré l’holocauste.
- L’entropie envahissante. Tout se neutralise, tout se banahse. Le désordre
grandit sous l’apparence de l’ordre.Celui de la normalisation neutralisante,
anesthésiante. Les crkations originales, qui attestaient la résurgence d’ondes
de vie, se rarefient. La Terre devient termitière. L‘homme, l’Occidental sur-
tout,ne croit plus &ce qu’il fait, ni &son avenir; il ne voit plus de signification
A sa vie.
216 Finalités de I'éducation
moyens de réalisation que se mesure la vitalité d’un systkme éducatif et, B travers lui, celle
de la société globale.8
Pacte du Mayflower
A u début du XVIIe siècle,l’Angleterrepost-élisabéthainese durcit;la Royauté
tente de s’absolutiser;elle affaiblit le Parlement et renforce son empire sur
1’Eghse(anacane). La révolte sourd,chez les Puritains particulièrement.Ceux-
ci n’admettent d‘autorité que de Dieu. Certains s’embarquent alors sur le
Mayflower. C e sont les ((Pères pèlerinsu qui fonderont la Nouvelle-Angleterre,
puis, au-delhd’elle,plus tard,les Etats-Unisd’Amérique.Avant de quitter leur
navire, le 11 novembre 1620,les Pères pderins signent un pacte politique, le
Pacte du Mayflower, affirmation d’une liberté conquise, volonté d’assurer sa
pérennité:
Au N o m du TrBs Haut, Amen. Nous, les soussignés [. .]convenons et disposons par les
.
[4”]Qu’une levée d’argent pour la Couronne ou il son usage, sous prétexte de prérogative,
sans le consentement du Parlement,pour un temps plus long et d’une manikre autre
qu’elle n’est ou ne sera consentie par le Parlement,est illégale;[.. .]
[8”] Que les élections des membres du Parlement doivent être libres [.. .
Article 5. Nul ne sera soumis II la torture, ni A des peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants. [.. .]
Article 18.Toute personne a droit A la liberté de pensée, de conscience et de religion;[ . .]
.
L'HOMME,VALEUR PRFiMIhE
A l'éducation,une finalité,une seule:la formation de l'homme.Et aussitôt nait,
douloureux,amer,un soupçon.Ne va-t-onpas, une fois de plus, une fois de
trop,ahgner des mots,des mots prétentieux et vains. L'homme,valeur première.
Mais quel homme? Et,du fond de l'amertumedésabusée,un désir,grand,quasi
désespéré,de faire crédit et de voir ceux qui parlent,ceux qui écrivent,prendre
enfin en considération l'homme vrai, l'homme de chair. Car il ne devrait plus
être permis d'oser prononcer sur l'homme en oubliant sa concrétude. Aussi,
toute parole sur l'homme ne doit-elleêtre proférée qu'en référencepermanente à
l'homme réel. Et cet homme ne peut être, d'abord, que celui qui, misérable,
démuni,souffre.Le handicapé,souvent victime d'une civrlisationgénératrice de
malformations. Le prisonnier des geôles totalitaires qui torturent les corps et
avilissent les âmes.L'affamé du monde austral. Le chameur en proie A la déses-
pérance.Témoin,cettejeune femme,mise au chômage,progressivementenvahle
par la psychose du chômeur (celle de la lente dévalorisation de l'individu) et qui,
l'autre jour,s'est donnée la mort.Dans son journal: ((Unjeune travailleur vaut
plus que tout l'or du monde.)) Tel est l'homme auquel tout rapporter,l'homme
auquel est due toute révérence.
Dans le secteur de l'éducation, d'autres chances d'instruction devront être offertes aux
catégories défavorisées: enfants non scolarisés, analphabètes,adultes, femmes vivant dans
les milieux ruraux et ouvriers, émigrants vers les villes B la recherche d'un travail,
inadaptés sociaux.''
L'homme concret.Encore faut-il,pour le bien saisir,le bien comprendre et,si
possible,le bien accompagner,être en mesure de porter sur lui un regard juste.
Or,ce regard dépend, lui, d'une certaine conception que l'on s'est faite de
Génération et re-génération 225
L‘homme, cet être inaccompli, qui ne cesse pourtant d’être exigence d’accom-
plissement (Jankélévitch), est donc fondamentalement vocation et engagement.
La vocation est,en lui,appel de sa nature profonde,de son essence,de son être
primordial, sohcitation de manifestation, d’enracinement dans l’humus des
hommes. L’homme de la vocation est singulier.Unique parmi les hommes, il a
pour devoir d’assumer son oripalité et d’en assurer le développement optimal.
Chacun a le droit et le devoir d’être entikrement lui-même et de travailler B
atteindre,par un effort personnel,voire par la souffrance,son propre sommet.
226 Finalités de I'éducation
L’instruction
Chaque individu a le droit d’être instruit. Ainsi se trouvent légitimés tous les
efforts tentes, et A poursuivre encore, pour alphabétiser les humains. Ainsi se
trouvent aussi condamnées les alphabétisations avortées dont sont victimes,
dans les pays ((développés)),le nombre inquiétant d’enfants ((retardés)),
d’enfants qui,jamais, ne recevront la ration minimale d’instruction h laquelle ils
ont droit.Ainsi se trouventjugés les modes de vie qui génèrent l’actuel néo-anal-
phabétisme. Des &ers d‘individus sont menacés de n’être, profession-
nellement, que des presse-boutons,quasi sans formation,ne menant, en dehors
de leur travad alimentaire,qu’une vie végétative de consommateurs de TV.
L‘éducation [l’instruction, ici] a d’abord pour tâche de donner aux individus et aux
groupes le maximum de compétences et de capacités de choix afin qu’ils puissent gérer
leur vie.22
Cette gérance concerne deux choses au moins: la maîtrise des notions de base
qui permettent, en tout cas, de s’établir dans un statut matériel décent, h l’abri
de la pauvreté. Les savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter) doivent assurer
le pain quotidien. Ils doivent cependant faire plus: conférer qui les conquiert
une maîtrise qui, lui donnant confiance en lui-même,lui donne assez d’audace
pour refuser tout avilissement.Les savoirs de base doivent être libérateurs.
L’identité
L‘individu a besoin de se sentir enraciné dans un sol (un humus), dans une
f d e , dans une patrie, dans une communauté. Il a droit B l’initiation.Par quoi
il faut entendre que tout ce qui constitue le patrimoine de son lieu d’existence
doit pouvoir être, par lui, intégré et fait substance de sa substance. Car ce sont
les valeurs locales, les us et coutumes, qui skcurisent le mieux l’indwidu naissant
et qui le conduisent le mieux A lui-même. Cette revendication d’identité,
d’authenticité, est particulièrement forte dans la plupart des pays dits ((endéve-
loppement)). Le colonialisme les a rendus culturellement orphelins. Aussi
aspirent-ilsh retrouver les valeurs d‘antan, celles de la tribu, de la race, de la foi.
228 Finalités de réducation
Les savoirs
Les institutions éducatives- les écoles - ont toujours voulu, au-del8des notions
de base, nantir leurs élèves d’un ensemble de savoirs, tous jugés indispensables.
D e 18 les programmes scolaires chargés, toujours trop chargés et que jamais per-
sonne ne réussit 8 alléger. Or,sur ce point, la présence de la finalité éducative
humanisante qui est la nôtre ici pourrait jouer un rôle particulièrement efficace.
Car ce qui compte pour un individu,quel qu’il soit et quel que soit son âge,c’est
d’acquérir des savoirs dont il sait le sens pour lui, des savoirs désirés, voulus.
Des savoirs qui, dès lors, seront maîtrisés et qui, l’étant,assureront 8 leur tour
l’individu en lui-même,le rendant du m & m e coup plus fort et plus résolu 8 pour-
suive sa propre conquête du savoir.Toute la nouvelle pédagogie des apprentis-
sages par module ou crédit trouve ici sa justification. Avec elle pourront
tomber en obsolescence les structures scolaires qui ne sont que lits de Procuste
et productrices,artificielles,de retard scolaire, d’échec et de découragement.Les
savoirs, par ailleurs, ne sont pas que cérébraux. L a pensée, sans doute, est
remontée de la main au cerveau;mais sans le cerveau,la main reste malhabile.Il
s’ensuit qu’une éducation vraiment humanisante maintient en équilibre travail
manuel et travail intellectuel pour que l’individu sache, un jour, agir en h o m m e
de pensée et penser en h o m m e d‘action.
La culture
Les savoirs,tels que les programmes scolaires en dressent encore l’inventaire, ne
constituent pas une culture. Et c’est probablement 8 cause de cela qu’ils sont,
par les élèves, si peu prisés. A tel point que cette mésestime dont ils sont l’objet
pourrait bien signer, 8 brève Cchéance, leur condamnation. Toute ctscola-
risationw est minorative, et elle l’est parce qu’en rupture avec la finalite huma-
nisante. E n effet, il n’y a de culture qu’humaine. Et si elle l’est, elle ne peut être
Génération et re-gènération 229
par les élèves des écoles que reçue, désirée et aimée. Les jeunes sont humains,
plus qu’on ne veut l’admettre. Les forces jeunes de la vie bouillonnant en eux
déj’a les rendent tels. Et ces mêmes forces ne peuvent que les rendre sensibles et
accueillants ‘a tous les ouvrages des hommes, de ces hommes qui sont déj’a,eux.
Toutes les œuvres des hommes, celles de la techque, de la science, des arts, de
la musique et de la littérature,toutes ces œuvres ne sont que l’homme, l’homme
créateur,l’homme inventeur et libre projeté en elles.Ces œuvres disent l’homme,
exaltent l’homme et ne peuvent, en raison m ê m e de la vibrance humaine qui les
anime, qu’exalter qui s’en approche. Il est vrai qu’une distance, temporelle et,
jusqu’h un certain point, de nature, les sépare des générations montantes
actuelles que l’accélération du changement emporte dans sa turbulence et rend
peu propres A percevoir l’humain au sein des choses qui leur sont proposées. Le
rôle des mdtres est, ici, capital. Il est de l’ordre de la catalyse. A eux de mettre
les jeunes ((enprésence)) de la culture de telle sorte qu’entre elle et eux, leurs
élèves, un feu prenne, un métabolisme se produise. Alors la culture A nouveau
intérioriséedans des humains retrouve son vrai statut. Elle sort du musée-nécro-
pole où on l’enferme souvent pour redevenir être vivant parmi les vivants, les
aidant A vivre et A se dépasser.
L’écologie
Au nombre des choses A connaître, les disciplines de la vie que l’écologie met
aujourd’hui sous son égide ont pris et prendront sans doute encore demain une
importance telle qu’il convient de leur faire,dans cet inventaire des valeurs, une
place ‘a part. Si l’homme a pour vocation d’être entreteneur de la vie, son pour-
voyeur,voire son animateur, encore faut-il qu’il sache le faire. D o ù la nécessité
qu’il y a d’apprendre aux jeunes le respect de la vie et la manière dont la vie, ici-
bas, chemine, se reproduit,meurt et, sans cesse,renaît.L’écologisme ne doit pas,
cependant,devenir un conservatisme frileux.Edgar Morin avertit:
L’tcologisme qui ne conçoit pas la possibilitt de nouveaux développements dans Saven-
ture de la vie et dans l’aventure humaine (c’est-&dire qui ne conçoit pas la vie et l’huma-
nit6 aussi comme aventures) devient mutilant c o m m e ce qu’il combat.24
L’autonomie
La conquête par un individu de sa stature d’homme passe par celle de la liberté.
Il convient qu’au fur et A mesure de son développement,qu’au fur et A mesure
que se renforce son miheu intérieur, cet individu devienne capable de s’auto-
gérer,de prendre ses propres décisions, de se donner ses propres déterminismes;
en u n mot, de se comporter en h o m m e libre. La fin de l’éducation exige cela au
premier chef. Aussi, tout, dans le secteur éducatif, absolument tout, devrait-il
être entrepris pour donner aux jeunes - dès l’fige le plus tendre - des occasions
d’exercer dans des h t e s convenables leurs pouvoirs de liberté. Car c’est l’acte
libre, l’acte de volonté, qui, quand il aboatit,renforce le mieux et le plus l’indi-
vidu. C‘est par lui qu’il grandit; c’est par lui qu’il devient homme. Et c’est dans
la mesure où il s’éprouverafort, sain,vigoureux,de corps et d’esprit, qu’il peut,
230 Finalités de l‘èducation
La simplicité
L‘homme moderne est encombré. Le nombre sans mesure des informations qui
l’assaillent va croissant et constitue, pour lui, une agression qui risque de
menacer sa santé mentale. Comment filtrer pour retenir l’essentiel,conforme à
son orient,il sa vocation,à ce qui l’accorde avec lui-même?
Dans une vie où les signaux se multiplient et se compliquent, l’enseignement a pour but
d’aider &classer,&interpréter et &critiquer l’information, et cela au sein d’activités profes-
sionnelles et quotidiennes qu’il doit rendre démocratiques, c’est-&-direaussi maîtrisables
que possible.26
Tout cela dépend,on le voit, de la qualité du rkférentiel personnel que chacun se
sera donné. C’est moins une affaire de méthode de travail,encore qu’elle ait son
importance, que de volonté. Qui sait où il va et le fait avec assurance, avec,
même, une sorte de bonheur, se déleste de ce qui freine son cheminement. Il
dégraisse son esprit et lui donne du muscle.
La dignité
Le Yi King,cet étonnant recueil de la sagesse chinoise la plus ancienne, parle à
chaque page de l’homme noble, qui n’est autre que l’homme profond de Diderot,
l’homme que dresse devant nous la finahté ultime de l’éducation. Cet h o m m e
apparaît c o m m e doté des plus hautes quahtés morales. Les rapports des pays de
l’Islam sont, sur ce point, particulièrement explicites. Ils plaident pour l’honnê-
teté, la justice, le droit et la fraternité internationale. Toutes qualités, toutes
vertus qui sont celles de l’homme fort, de l’homme de maitrise. Le moraliste
suisse, Alexandre Vinet, a formulé cela de manière lapidaire et convaincante:
((Je veux l’homme maitre de lui-même afin qu’il soit mieux le serviteur de
touW7. Cette maîtrise demande cependant qu’on l’explique. Certains redou-
teraient qu’elle ne soit que rigueur,voire raideur austère. Ils auraient tort.Car la
maîtrise de l’homme noble, de l’homme de dignitk, comporte la maîtrise de la
maîtrise, ce qui veut dire que l’homme fort est aussi l’homme de la sensibihté,de
la compassion, de la tendresse et de l’amour. C‘est alors qu’il atteint - ou
commence d’atteindre - la plénitude et qu’il peut, riche de sa joie, donner aux
autres cette m ê m e joie et les aider à progresser en humanité.
Génération et re-ginération 231
L a difficulté est d’importance. Car,ou elle est telle qu’on renonce A objectiver
les finahtés et alors on risque de ne pas évaluer ou de mal évaluer, ou elle auto-
rise quand m ê m e des objectifs rationnels qui, 9 y regarder de près, ne corres-
pondent qu’imparfaitement aux finalités et, derechef, on évalue mal. Il semble
que, sans dénier aux docimologues le droit d’inventer des techmques rigoureuses
d’évaluation,on doive ici encore s’en remettre aux enseignants eux-mêmes. Si
ces derniers ont intériorisé les finalités, s’ils les vivent, les faisant passer de
manikre presque inconsciente dans leur pratique éducative, il y a de fortes
chances pour qu’ils sachent trouver, inventer eux-mêmes’ et sur-le-champ,les
critères,les signes qui diront si, dans telle ou telle activité éducative,les finalités
ont vraiment passé.
Les finalitéséducatives enfin doivent être explicitées.Elles doivent descendre
dans l’arène et se mêler aux combattants.Tous les gens de l’éCole - de toutes les
écoles, d‘humanité ou de techcité - doivent connaitre ces finahtés. Mais aussi
les spectateurs du combat, les gens du forum:citoyens, employeurs, employés,
parents. Tous non seulement doivent savoir ces finalités, mais aussi les accepter,
les intérioriser, les aimer jusqu’h œuvrer pour leur actualisation et, le cas
échéant,se battre pour leur défense. Car ces finalités éducatives concernent tous
les hommes et tout l’homme.Nul ne saurait leur demeurer étranger.
234 Finalités de l‘éducation
processus permanent, car notre vie est en perpétuel changement, de m ê m e que nos exi-
gences et nos besoins. Aussi devons-nous réviser constamment nos objectifs, et corriger
nos orientations pédagogiques afin d’éviter qu’un fossé se creuse entre l’éducation et les
exigences de la vie.38
O n devra, dès lors, être en mesure de voir où les dysfonctionnements se
produisent:au niveau des moyens mis en œuvre ou au niveau des finahtés elles-
mêmes qui auraient pu être ni idoines, ni bien formulées. En effet, écrit
Bouhdiba:
[. . .]les finalités ne sont pas des données toutes faites et une fois pour toutes.Elles s’éla-
borent,se prouvent et s’éprouvent au sein de l’institutionéducative.39
Et Edgar Morin,A sa manière,d’insister:
Toute notion au départ élucidante devient abêtissante dks qu’elle se trouve dans une éco-
logie mentale et culturelle qui cesse de la nourrir en complexité.Les idées, les théories
n’existent pas en dehors de la vie mentale qui les anime. Elles ont besoin d’être sans cesse
régénérées,re-géndrte~.~~
On se trouve ici,en présence d’un phénomène d’auto-créationet,plus particuliè-
rement d’auto-créationd’un référentiel.Tout référentiel et toute finalité ont un
caractère de fixité auquel on tient.Ils stabilisent la pratique;ils rassurent.Ils ont
même quelque chose de sacré;on craint d’y toucher.Et cependant,il le faut.La
dignité de l’hommelibre le commande.
Sans doute la finahté ultime de l’éducation sera-t-elletoujours d’aider
l’homme A s’in-former,de l’accompagner dans la recherche de son humanité.
Mais cet homme, qui le connaît? Qui a pu prendre conscience de sa véritable
nature,de la dimension de ses pouvoirs,de l’ampleurde ses espérances et de la
plénitude de sa destinée? Qui? Une réflexion permanente sur l’hommes’impose
Génération et re-génération 235
donc afin que toute aide éducative ne puisse jamais, ne puisse plus jamais,
empecher l’homme de devenir pleinement lui-même,mais qu’au contraire elle
l’aide B trouver de mieux en mieux, en lui-même,son orient.
Ainsi faudra-t-iltoujours, et sans relâche, remodeler le portrait de l’homme.
Qui le fera? Sans doute des hommes et des femmes venus des quatre horizons et
que saura Convoquer un organisme international c o m m e l’Unesco dont c’est
d’ailleurs la vocation. L a présente publication l’atteste.
Mais qui convoquer? O n songe,un peu par tradition,par habitude,aux sages
parmi les sages: philosophes, représentants des grandes religions, anthropo-
logues, sociologues, économistes, hommes politiques, psychologues et péda-
gogues, etc. Leur assemblée pourtant devrait en tout cas compter en son sein
deux sortes d‘humains: des prêtres et des prophktes. Les prêtres, qui se recru-
teraient essentiellement parmi les sages, sont ceux qui, toujours, élaborent la
doctrine,font les lois et en règlent les applications.Ils sont ceux qui prononcent.
Les prophètes, en revanche,venus d’ailleurs, cassent la doctrine,transgressent les
lois,perturbent les applications.Ils sont ceux qui hurlent.
Or,dans l’état actuel du monde, il semble bien que l’assemblée commise au
soin de définir l’homme doive se composer surtout, et d’abord, de proph2tes.
Car l’homme auquel il faut songer, c’est l’homme A aider, B soutenir, à accom-
pagner: l’homme souffrant. Et l’homme souffre, dans le monde, atrocement.
L’affamé,l’assoiffé,l’emprisonné,le captif des camps, le torturé,l’ouvrier avili,
la femme dégradCe, le chômeur qui se déprime, le handicap6 qui gémit, le soli-
taire qui appelle, le désespCré qui se noie. H o m m e de douleur.11 attend qu’on lui
tende la main. Il attend qu’on fasse quelque chose pour que son monde à lui
change. Il attend qu’on lui donne le moyen de découvrir, en lui, les forces qui
lui appartiennent, qui feraient de lui un h o m m e fait, un h o m m e digne et
heureux, et qui - et c’est en cela que consiste son &énation - n’ont jamais pu
sourdre et le faire croître.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’homme de douleur ne se rencontre pas que
dans les s l u m des mégapoles, dans les déserts des tropiques, dans les geôles des
dictateurs, dans les usines des profiteurs; cet homme, à visage d’enfant, se
rencontre dans les écoles aussi. Et m 2 m e dans les écoles luxueuses des nations
riches. Partout où un enfant est bafoué, partout où un enfant a subi un échec et
se trouve en proie au découragement,partout où un enfant n’a pas r q u la ration
de tendresse B laquelle il a impérativement droit, il y a torture, dégradation,
avilissement.C‘est 18 que doivent intervenir les sages, les faiseurs du portrait de
l’homme.
Ainsi l’homme, dont on prétend faire la fin ultime de l’éducation,ne sera pas
l’homme glorieux et triomphant des idéalistes.C e sera,bien davantage, l’homme
peinant; l’homme qui, malgré tout, se redresse et tente de vivre avec, en lui, un
bonheur. La fin de l’éducation? Entretenir en l’homme, fût-ille plus misérable,
le courage de faire un pas, encore un pas; pour ne pas tomber,pour ne pas, dans
sa chute,entraîner le reste des hommes; pour que, en raison de ce pas courageu-
sement fait, l’humanité se sauve.
L a re-génération des finalités de l’éducation prend dès lors l’allure d’un
combat, d’une croisade. Et ce combat, en raison m ê m e de sa gravité et de son
236 Finalitès de 1'èducation
urgence, doit être mené non pas uniquement par les notables qui foulent la
moquette des clubs internationaux,mais par des êtres de plein air, hardis, coura-
geux, nourris d'espérance et de foi. Des êtres qui,éprouvant en leur chair que
l'enjeu de la lutte est la vie elle-même,celle de l'écosystbme,celle de l'homme
dans ce système, vont au combat avec, en eux déjja, une joie. Car la joie atteste
que la vie a passé; qu'on est dans le vrai. Telle est la joie de la Neuvième de
Beethoven. Cette joie qui, en fin de compte, pourrait bien être le critère ultime
de toute finahté éducative.La joie env&t qui réussit. Et quelle réussite ne sera
jamais plus totale que celle qui coïncide avec la promotion de l'homme?
NOTES ET RÉFÉRENCES
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2. Morin,E.Lu vie de la vie. Tome II: Lu méthode. Paris,Seuil, 1980,p. 136.
3. Valéry, P. Le bilan de l'intelligence. In: Euvres. Paris, NRF,Bibliothèque de la
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4. Faure, E.,et al.Apprendreà étre. Paris,Fayard; Paris,Unesco, 1972.368 p.
5. Maritain,J. Pour unephilosophie de I'éducation.Paris,Arthkme Fayard, 1959,p. 19.
6. Agblemagnon, N s . Buts et finalités de I'éducation en Afrique aujourd'hui. Paris,
Unesco, 1976,p. 13. [Document présenté la Réunion du Groupe de consultants sur
les finalitéset les théories de l'éducation,IIe,Paris,19761
7. Pantillon,C. Une philosophie de I'éducation pour quoi faire? Lausanne, Mitions 1'Age
d'Homme, 1981,p. 43.
8. Voir Chapitre III, p. 127.
9. Hersch,Jeanne,comp.Le droit d'êire un homme. Paris,Unesco, 1968.588 p.
10. Zbinden, L.-A. La Suisse aujourd'hui: crise de société et chances de renouveau.In:
Société suisse des professeurs de l'enseignement secondaire.Semaine d'études, Davos,
1980. L'éCole secondaire aujourd'hui: le temps des défis. Compte rendu de la Semaine
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sionnel des professeurs de l'enseignementsecondaire,1981,p. 36.
1 1. Pays-Bas.Etats-généraux.Déclaration d'indkpendance des Provinces-Unies.La Haye,
1581.
12. Le Pacte du ((Mayflower,II novembre 1620, cité dans Hersch, Jeanne, comp. Op. cit.,
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13. Bill des droits, du 13 février 1689. In: Dareste, F.-R.; Dareste, P. Les constitutions
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14. Déclaration d'indépendance des colonies américaines, rédigée par Thomas Jefferson,
4juillet 1776.Citée dans Hersch,Jeanne,comp. Op. cit., p. 199-200.
15. Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, décrétke par l'Assemblée nationale
française dans les séances du matin des 20,21,22,23,24et 26 août 1789,signée par le
Roi,le 5 octobre 1789. Citke dans Hersch, Jeanne,comp. Op. cit.,p. 201-202.
16. Organisation des Nations Unies. Assemblée générale.Déclaration universelle des droits
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17. Séminaire sur les objectifs futurs de l'éducation dans les pays arabes, Le Caire, 1978.
Rapport final. Le Caire, Bureau régional de l'Unesco pour l'éducation dans les pays
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Génération et re-génération 231
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Peretti, A. de. Finalités de I’éducation et fomtion des cadres de I‘éducation.Genkve,Bureau
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[Egalementpublié en anglais]
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