Multiples Chemins

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LES MULTIPLES LA DECISION DATE DE DE- CEMBRE 1941, LA PREMIERE UTILISATION DU 6 AOUT 1945. VOICI COMMENT, EN MOINS DE QUATRE ANS, CHEMINS “2=".D'UN PROJET TECHNIQUE D’UN TYPE NOUVEAU DIRI- GEE PAR LE MINIS- TERE DE LA GUERRE AMERICAIN, PLANI- DEMESURE FIA, CONCUT ET MIT EN SERVICE LE RESEAU DE BUREAUX D’ETUDE, DE LABORATOIRES ET D’INSTALLATIONS INDUSTRIELLES QUI, GRAMME PAR GRAMME, ALLAIT PRODUIRE L’ARME LA PLUS PUISSANTE DU MONDE. PAR PIERRE RADVANY! ET MONI UE BORDRY in 1941, "Allemagne nazie et ses alliés occupaient presque toutel'Europe de la Sicile au Cap Nord, de Brest jusqu’a la Crete. Les troupes alle- ‘mandes avaient envahi une grande par- tie deTURSS, encerclaient Leningrad et se trouvaient devant Moscou, Dans la premiere partie de année 1942, elles al Jaient avancer plus loin encore, jusqu’ Stalingrad et au Caucase. Scule, la Grande-Bretagne, bien que bombardée, avait tenu bon. En Extréme-Orient, les Japonais,alliés de Hitler et Mussolini, venalent de lancer une attaque surprise sur la base améri- caine de Pearl Harbor, dans les Tles Ha- wai. Le7 décembre 1941, au petit matin, ils avaient, en plusieurs vagues d/assaut, détruit plus de la moitié de la flotte du Pacifique. Les troupes japonaises occu- paient une partie dela Chine, 'indochine et de nombreux archipels du Pacifique. Au cours della premiére moitié de 1942, éliesallalent envahir les Philippines, Sin- gapour et les Indes Néerlandaises, la Bir- manie et une partie de la Nouvelle-Gui- née. Depuls ie 11 décembre 1941, 'Amé&- rique se trouvait ainsi engagée dans la guerre, contre le Japon, l'Allemagne et Mae. LE 16 DECEMBRE 1941, AWWASHINGTON.... Ce jour se réunt le Top Policy Group. avait été formé quelques mois plus tot pour définiret suivrela politique de re- cherche et de développement scienti- fique et technique des Etats Unis, Le Top Policy Group comprenalt le pré- sident des Etats-Unis Franklin D. Roose- 32 vette vice-président H.A. Wallace, lese- crétaire d'Etat la Guerre HL. Stimson, lechet détat-major le général Marshall et deux scientifiques, le Dr Vannevar Bush, président de '0.S.8.D. (Otfice of Scienttic Research and Development), et le Dr James B, Conant, président de 'Unk- versité Harvard, son adjoint, président du ND.RC.( National Defence Research Committee) Atordre du jour dela réunion :état avancement des travaux sur uranium. Bush et Conant proposent- et cette pro- position va étre acceptée- que la re- ‘herche atomique aux Etats-Unis change échelle. Ainsi, au lieu de poursuivre si- multanément des recherches sur les ap- plications cviles de I’énergie nucléaire- une nouvelle source d’énergie-et sur ses applications militaires, on se concen- trera uniquement sur ce second but LES MULTIPLES CHEMIN: Le 8 décembre 41, au lendemain de Poor! Harbor, le présicien’ Roose velt signe lenirée en guerte des EtatsUnis contre lo Japon. Le 16, i lance la recherche sur uranium dod sortra la bombe atomique. construire une bombe atomique"? utili sable avant la fin de la guerre. La crainte est de voir les Allemands la réali- serles premiers Dés lors, il ne sufit plus d’avoir des contrats avec les laboratoires, il faut aussi envisager une nouvelle organisa- tion qui permette d’étudier et de construire des unités de production in- dustrielle. V. Bush recommande que des officiers de 'armée (du corps du génie, Cest-é-dire des ingénieurs) se joignent aux équipes de recherche pour se fami- liariser avec le probleme de uranium. Crest ainsi que J.B. Conant fut chargé de passer en revue l'ensemble du pro- gramme nucléaire. Son analyse (prin- temps 42) détailla cing méthodes pour parvenir ala réalisation d'une bombe atomique. Les connaissances accumu- ges semblaient indiquer que toutes pourraient étrewilisables. Il fut done dé- {0} los termes “énergie olomiqu” et “bonbe oie rnige” on bubs pls Amicon pore q's ‘operant pl lamers ao grond ple quéner ie mcboee” et "bore reclare” cidé ce poursuivre le développement de cces méthodes en paralléle, tant quill ne serait pas démontré que certaines entre elles ne pourraient about rapi- dement. Vannevar Bush proposa que armée soit introduite dans le Projet au cours de 'été 1942, pour collaborer ala construction d'usines de production Le 17 juin 1942, le rapport Bush fut transmis au président Roosevelt qui l'ap- prouvallelendemain. Un colonel du gé- nie fut chargé de former un aouveau dé- partement d'ingénteurs pour développer énergie atomique a des fins militares. Le 11 aoit il fallut donner un nom ce nouveau département. Il n’était jusqu’alors connu que comme *Départe- ment pour le développement de maté- riaux de substitution” (D.S.M). Ce nom paraissant devoir atirer la curios, il fut décidé de 'appeler "Manhattan En neer District” (ME.D.), ses bureaux de- vant d'abord tre implantés & New York dans le quartier de Manhattan. Ce fut le début d'un énorme effort qui coiita des milliards de dollars et mobilisa Atravers tous les Etats-Unis, plus de 100.000 hommes et femmes (scientif ques, ingénieurs, militares, tech ‘ouvriers et administratfs). En 1945, 'ac- tiviteaucléaire atteindra un volume simi- laire & celui de toute l'industrie automo- bile américaine laméme époque. Le I7 septembre 1942, e colonel Leslie Groves, du corps du génie, fut nommé parle secrétaire d’Etat a la guerre, res- ponsable du Manhattan District, Cette responsabilité comportait les pleins pou- voirs pour l'ensemble des travaux ato- rmiques aux Etats-Unis durant la guerre Son supérieur hiérarchique lui dit:°Si est faisable, vous ates capable d'y parve- ir’, Apprenant qu’ll serait promu quelques jours plus tard au grade de bri gadier général, Groves demianda que sa ‘nomination officielle ala téte du MED fut retardée d'autant, car, & son avis, il vaait mieux avoir un grade élevé pour en im- poser & tous les scientifiques avec les- uels il aurait a trater. Cela fut fait le 23 septembre, et, & partir de Ia, le général Groves ne perdi pas une minute 34 'UN PROJET DEMESURE Radioactivité : proprié d'un élément chi- rmique de se transformer spontonément en Ln aute, por émission de royonnements ‘énergétiques. Cette ronsformation, plus ou ‘moins rapide, est coractérisée por sa pé triode, temps au bout doquel la moti des ‘oyaux présentsiniclement se seront ron: | formés. On dira done ques, ou dépor, ily " apor exemple 800 olomes, ov bout dune période (len subsite 400, ov bout de ilies : fen | rose ph que 100. e Hy } ‘AU COURS DES ANNEES TRENTE, EN EUROPE. On sait, depuis 1932, ala suite des ex- périences du physicien britannique James Chadwick, que le noyat del'atome est constitué de protons et de neutrons. En janvier 1934, Paris, Frédéric et Irene Joliot-Curie découvrent que les éléments chimiques stables comme le phosphore et I'azote, ont des isotopes radioactils que fon peut produire artficillement Peu de mois aprés, a Rome, Enrico Fermi et son équipe obtiennent, en bom- bardant des noyaux avec des neutrons, des isotopes radioactifs de la plupart des éléments chimiques connus. lls s'at- taquent alors au plus lourd d’entre eux, Une expérience de Fermi : la for. mation d'un rodio-élement artifice! dans le dysprosium jun méicil rare). Veprou- vette content une source de nev- trons: {rodivm + beryliom). | Adroite, le bioc tg de poratfine supporiaat le“) dysprosium est dating 6 raleatic es neutrons, ¢ LES MULTIPLES CHEMINS D'UN PROJET DEMESURE T'uranium, un métal, pour tenter d’obte- nir un élément chimique n'existant pas dans la nature, plus lourd que uranium, un “transuranien”. ls observent effecti- vvement un grand nombre de radioactivi tés nouvelles mais cette quéte des trans- uraniens n’aboutt pas Ifallnt quatre ans de travaux intenses, en particulier ceux de 'équipe d'tréne Joliot-Curie et ceux de Otto Hahn et de Lise Meitner Berlin pour que, fin décembre 1938, ‘on parvienne la conclu- sion (expériences dO. Hahn et FStrassmann) que les noyaux uranium sous action des neutrons Jents, se scindent en deux, don- nant deux noyaux ps petits Lise Meitner (émigrée en Suede) et son neveu Stto Frisch expliqueront peu aprés ce phénomene qu'ils baptiseront fission : dans un noyau d’ uranium, les forces de répulsion, a longue portée, entre les 92 protons de meme charge positive contrebalancent presque les forces d’attraction nucléaires a courte portée. I suifit d'un petit apport d’éner- gle provenant de l'absorption du neu- tron incident, pour que le noyause dé- forme et fissionne en deux morceaux, ibérant une énergie trés importante Ces morceauix sont des noyaux plus pe- tits, isotopes stables ou en général radio- actfs ¢’€léments chimiques connus. La fission était un phénoméne specta- culaire et, dés le début de 1939, plu- sieurs groupes se lancérent dans. lacourse: Frédéric Joliot et ses. collaborateurs au College de France & Paris, Enrico Fermi, émigré entre temps d'italie aux Etats-U L.éo Szilard, Hongrois émigré d'Alle- magne, a université de Columbia a New York, Le groupe de Jolit - avec quinze jours davance-et les groupes de Columbia démontrent que, dans la fission de uranium, de nouveaux neutrons sont libérés. On entrevoit alors la possibilité ’une réaction en chaine qui pro- voquerait le dégagement une énergie considérable. Une nouvelle source d'éner- sie apparaissait ainsi a /hori- zon, mais également, et on Je com = itd 2 prit dés e J fission nucléaire. Le noyau d élément fissile , 1} resoit un neutron al » le début, la lent. aes na possibilité de la réalisation d'une bombe tout a fait différente de toutes celles qui exis- taient: Devant cette perspective et devant Timminence de la guerre, LéoSuilard ef force, au printemps 1939, d’obtenir que Jes nouveaux résultats ne soient plus pu- bliés. n'y parvient pas, mais le secret fut tout naturellement établi, en France, partir du début de la guerre et aux Etats-Unis, a partir du printemps 1940, Léquipe Joliot réussit a démontrer forme (2), puis fssionne (3) en donnant deux fragments de masses inégales (4), et en lib&- rant plusieurs neutrons ainsi qu'une énergie tr8s importante. Ce processus, initié dans un ma- Kriau contenant suffisamment de noyaux fissiles, peut donner lieu & tune réaction en chaine (ci-dessous) & La fission mise en évidence par ol ne sneiaonemenn {axe} est introduite dans un cy- lindre de loiton recouvert d'une couche d'uranium (1), Des aiomes duronium fissionnent et leurs frag: ments sont projetés sur les parois dv cylindre de bakelite qui 1U, L’enrichissement en =U s'accroit ainsi d’étage en étage. Vopération Y- 12, un an aprés la fin de la guerre, dépassa largement 500 millions de dollars Cest en mars 1944, quatre mois seule- ment apres la mise en service de 'usine que fut effectuée la premiére livraison une petite quantté ¢'uranium enrich Los Alamos, 'énorme laboratoire ot fu- rent construites les bombes. A.OAK RIDGE, UNE DEUXIEME USINE, K-25. AOak Ridge fut également construite usine appelée K-25 pour la séparation de°U par diffusion gazeuse, Cette méthode repose sur le fait que si Von pompe de l'uranium naturel sous forme d'un composé chimique gazeux- Vhexafluorure d'ura- nium - a travers une “batriére” poreuse, les usine K-25 de séparation por diffusion gazeuse molécules les plus égeres, celles conte- nant de"°U, traversent plus rapidement la barriére que les molécules plus lourdes de’*U. Le probléme était de trouver la barritre appropriée. Ce devait tre une feuille métallique ou une mem- brane comportant des centaines de mil liers de petits trous par em’, chaque trou ayant un diamétre de ordre de 1/100 de micron. Ces feuilles étaient contenues dans des enceintes étanches, Pour réaliser la séparation, il faut utili ser des milliers de parois poreuses pla- cées en cascade, c'est dire employer le processus de différenciation par diffu- sion gazeuse des millers de fois, Lenri chissement en ?°U augmente d’étage en atage Une filiale de Kellogg fut chargée de ce projet ; Union Carbide and Carbon Cor- poration prit en charge le fonctionne. ‘ment de usine, On construisit une par tie importante de 'usine et on acheta Véquipement nécessaire avant méme @avoir su produire le matériau conve. nable pour les parois poreuses. Celles-ci ne furent fabriquées en série qu’a partir de la fin 1944, Le gaz en mouvement a travers Vinstallation tant6t se trouve & basse pression, tantot doit étre recomprimé Des milliers de pompes de différentes dimensions étaient donc nécessaires et un systéme de refroidissement pour le gaz devait tre prévu. Les centaines de kilometres de tuyauterie devaient étre compléte- ment étanches, Pour résoudre ce pro- bleme extrémement difficile a "époque, ‘on mit au point un détecteur de fuites & hélium comportant un petit spectro- sgraphe de masse Groves et ses offciers, ayant une peur constante du sabotage, avaient installé des dispositifs de sécurité et des gardes armés & tous les points sensibes. Un an aprés la fn dela guerre, 275 mil- lions de dollars avaient été dépensés pour le projet Ks. Pour 'élaboration du processus de dit fusion gazeuse, ily eut des discussions avec les représentants britanniques qui avaient travaill sur ce sujet et qui furent mis au courant en detail du projet améri cain. Cependant, les solutions tech niques envisagées par les Anglais, dflé rentes de celles des Américains, ne fu: rent pas retenues, AOak RIDGE, UNE TROISIEME USINE ; S-5O La diffusion thermique dans les li- (quides fut la troisigme méthode de sépa- ration mise en ceuvre & Oak Ridge. Ce programme porta le nom de cade de S- 50,C'est sous la conduite de PH. Abel- son qu'avaient été menés, des 1940, les essais et les expériences pour séparer les isotopes d'uranium par diffusion thermique dans Vhexailuorure liquide uranium. Commencés at National Bur reau of Standards et Institut Carnegie a Washington, puis financés parla Ma- rine au Naval Research Laboratory, ces travaux avaient progressé de facon régu- ligte, mais n’avaient pas été considérés comme spectaculaires. Un prototype était en construction au chantier naval de Philadelphie. Une colonne est remplie du liquide ot s‘opére la diffusion. Elle consiste en un long tube vertical refroidi extérieure- ment et comportant un cylindre concen- trique chaud a intérieur. Les molécules contenant l'isotope léger "“U se concen- trent pres dela surlace chaude et ten- dent ensuite a monter vers le haut. Len- richissement obtenu est faible mais lins- tallation est moins coiiteuse que les autres et plus rapide & construire. En juin 1944, Oppenheimer, qui dirl- geait le laboratoire de Los Alamos, eut Tidée que le processus de diffusion ther- ‘mique pourrait servir de premidre étape dans le processus d’enrichissement. Cette substance enrichie serait ensuite utilisée comme produit de départ pour Jes autres méthodes de séparation. Cette

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