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AIRBUS GROUP :

une diversification créatrice de valeur ?

www.aircharter.fr

© CCMP année 2018

Auteur(s) : Gaël Trividic, Pierre Jeanblanc

Etablissement(s) créateur(s) : ISAE, Brest Business School

© CCMP 2018– Airbus Group : une diversification créatrice de valeur ? Pierre Jeanblanc, Gaël Trividic –ISAE, BBS
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Table des matières
I. Introduction ................................................................................................. 3

II. Questions à traiter ........................................................................................ 6

III. Les activités d’Airbus Group ......................................................................... 7

A. Airbus sur le segment de l’aéronautique civile .................................................. 7


1. Le contexte macro-économique. ............................................................................ 7
2. Les attentes du marché ....................................................................................... 11
3. Principe du modèle économique ............................................................................ 12
4. Le modèle économique d’Airbus. ........................................................................... 13
B. Airbus Helicopters........................................................................................... 28
1. L’industrie des hélicoptères. ................................................................................. 28
2. Les acteurs ........................................................................................................ 29
3. Airbus Helicopters ............................................................................................... 30
C. Airbus Defence & Space .................................................................................. 32
1. Military Aircraft ................................................................................................... 33
2. Space Systems ................................................................................................... 39

IV. Le regard du financier ................................................................................ 42

A. L’évolution du marché. ................................................................................... 42


B. Global market forecast .................................................................................... 43
C. Analyse de la rentabilité ................................................................................. 43
D. Tendance et perspectives ............................................................................... 44
E. Les récentes décisions .................................................................................... 45
F. Finmeccanica et Thalès, deux cibles alternatives ? ......................................... 45
G. Comparaisons boursières ................................................................................ 45

V. Annexes ...................................................................................................... 47

A. Evolution du cours de bourse d’Airbus Group.................................................. 47


B. Eléments démographiques et sociologiques .................................................... 47
C. Budget de l’ESA............................................................................................... 48

VI. Remerciements ........................................................................................... 49

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AIRBUS GROUP :
une diversification créatrice de valeur ?

I. Introduction

L’industrie de l’aéronautique est structurée autour d’un duopole constitué d’Airbus et de Boeing avec
une « frange concurrentielle » composée de deux avionneurs. Le russe Irkut, avec le MC-21 et le
nouvel entrant chinois Comac, avec son C919.

Même si le MC-21 est équipé de moteurs Pratt & Whitney aussi performants que le Leap A & B de
Safran, Irkut n’a enregistré en 2016 que 175 commandes là où ses concurrents en décrochaient plus
de 4500. Quant à Comac, son espace concurrentiel, face aux deux membres du duopole, se limite
strictement au marché chinois qu’il ne pourra satisfaire à lui seul puisque ses capacités de production
de son modèle n’ont rien à voir avec celui des leaders. En effet, il prévoit d’en produire 2000 d’ici
2027, face à une demande prévisionnelle chinoise de plus de 6500 aéronefs.

Les duopoleurs sont quasiment de force identique dans le secteur de l’aéronautique et ont adopté la
même logique de diversification. En effet, leur portefeuille intègre les grandes activités de l’industrie
de la défense et du spatial1. Malgré un alignement total sur le processus de croissance de son rival,
Airbus ne parvient pas à atteindre le même niveau de performance. Ainsi, en 2016, Boeing réalisait
un chiffre d’affaires supérieur de 30% à celui d’Airbus avec 89 861 millions d’euros, avec une marge
opérationnelle quatre fois et demi supérieure. Les marchés financiers sanctionnaient ce différentiel
de création de valeur puisque la capitalisation boursière de l’avionneur européen était de 69,5
milliards de dollars face aux 206 milliards de l’américain. Alors que sur la même période, le carnet
de commandes de l’européen correspondait à 2,5 fois celui de Boeing.

1
Avions de combats, hélicoptères de combats, missiles, avions de transport et de mission, systèmes de réseaux
et de télécommunication, lanceurs et systèmes orbitaux (satellites, stations spatiales, navettes, …). Chacune de
ces activités étant accompagnée de services de maintenance (MRO).
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Ces données permettent de comprendre pourquoi, après la constitution d’Airbus Group, Tom Enders,
souhaitait un taux de marge opérationnelle de 10%, pour se rapprocher de la performance
économique de Boeing.

Sur le domaine de la défense, les deux avionneurs évoluent sur des marchés oligopolistiques face à
quelques concurrents américains et européens.

Ainsi, aux Etats-Unis, Lockheed Martin, avec


une capitalisation boursière de 95,5 Milliards
de dollars, s’est dégagé de l’avionique civile
pour devenir la première entreprise
américaine et mondiale dans les domaines de
la défense et de la sécurité (avions de
combats, navires de guerre, véhicules blindés
et les équipements associés embarqués et
terrestres dans l'électronique de défense). LM
obtient des résultats supérieurs à ceux de
Boeing et d’Airbus.

Ensuite, l’américain Northrop Grumman avec


55 Milliards de dollars, est un conglomérat né
de la fusion entre Northrop et Grumman en
1994 dont les activités tournent autour du
secteur de la défense : aéronautique,
construction navale, espace, électronique,
espace, etc.

Là encore, celui-ci affiche pour un chiffre


d’affaires trois fois plus faible que celui d’Airbus
un taux de marge d’exploitation une fois et
demi supérieur.

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On trouve en Europe deux spécialistes.

L’anglais BAE Systems, avec un chiffre


d’affaires de plus de 20 milliards d’euros, un
résultat net de 1,5 milliards d’euros et une
capitalisation boursière de 18,16 milliards
d’euros.

Le groupe réalise 54% de son chiffre


d’affaires dans l’aéronautique militaire avec
la conception et fabrication d’avions de
combats (notamment le Typhoon), la
conception, fabrication et support
d'équipements avioniques et de systèmes
d’armement pour aéronefs militaires. BAE est
aussi présent dans le maritime militaire (25%
du chiffre d’affaires) dans la conception et la
fabrication de navires de guerre avec leurs
systèmes de guidage et d’armements. Il
réalise 16% de son chiffre d’affaires dans le
terrestre avec la conception et fabrication de
véhicules de combat, de système d’armes et
de munitions, ainsi que toute l’électronique
embarquée. Enfin, 5% de ses activités sont
réalisés dans la cyber-sécurité.

Tom Enders, comprenant que l’activité défense était plus rentable, vus les intérêts stratégiques des
nations, voulut fusionner EADS avec BAE Systems. Pour des raisons politiques l’opération ne put
aboutir.

L’Italien Leonardo SpA, affiche un chiffre


d’affaires de 12 milliards d’euros, un résultat
net de 500 millions d’euros et une capitalisation
boursière de 4,97 milliards d’euros. Le groupe
est présent dans l’aéronautique civile et
militaire avec sa filiale Alenia Aermacchi, dans
le secteur des hélicoptères civils et militaires
avec sa filiale Agusta Westland, dans les
systèmes de défense avec la conception et
fabrication de véhicules terrestres (en
partenariat avec Fiat) mais aussi de systèmes
d’armements, aérien, terrestres et maritimes,
l’électronique de défense (activité dans laquelle
il est le numéro 6 mondial). Il est aussi présent
dans le spatial en partenariat avec Thales avec
sa filiale Thales Alenia Space, détenue à 33 %,
qui fabrique des satellites de navigation, de
télécommunications, météo, militaires,
scientifiques ou d'observation de la Terre. Il est
présent également dans le ferroviaire avec la
conception et fabrication de trains à grande
vitesse, des locomotives diesel et électriques,
des tramways, des métros ainsi que des
systèmes de signalisation.

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Tom Enders ne parvient pas à atteindre l’objectif d’un EBIT à 10% qu’il avait annoncé à ses
actionnaires en 2014.

Au moment où, fin avril 2016, se tenait l'assemblée générale annuelle des actionnaires à Amsterdam,
l’action Airbus chutait de plus de 6%, après l’annonce de résultats sur le premier trimestre, marqué
par un bénéfice divisé par deux sur un an (à 399 millions d’euros) pour un chiffre d’affaires stable
(12,18 milliards). Fin 2016, la situation se dégradait avec pour la première fois un EBIT qui passait
sous la barre de 6%, creusant ainsi l’écart avec son rival de toujours mais aussi avec les spécialistes
de l’aerospace & defense.

II. Questions à traiter

 Menez un diagnostic détaillé de la situation du groupe Airbus. Vous analyserez notamment


chacun des domaines d’activité et porterez un regard critique d’une part, sur la stratégie de
diversification mise en œuvre et d’autre part sur la stratégie de croissance organique menée sur
chacun de ces domaines.
 Cette étude vous permettra :
d’expliquer pourquoi la rentabilité d’Airbus Group est inférieure à celle de Boeing
de définir des préconisations susceptibles de permettre à Airbus Group d’accroître son efficacité
économique

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III. Les activités d’Airbus Group

Le 2 Janvier 2014, EADS devient Airbus Group. Au-delà d’un changement de dénomination, il faut y
voir une volonté de réorganisation autour d’entités susceptibles de permettre une gestion stratégique
par la valeur. Le groupe dépendant alors d’un actionnariat privé, il doit radicalement changer de
culture avec une volonté de rémunération de l’actionnaire. D’où un objectif affiché d’EBIT supérieur
à 10%.

RÉPARTITION DU CHIFFRE D'AFFAIRES 2016


Espace et Défense
18%

Hélicoptères
10%

Aéronautique civile
72%

Seront présentés ici les grands segments sectoriels occupés par Airbus Group.

A. Airbus sur le segment de l’aéronautique civile


Cette activité constitue le cœur de métier du groupe puisqu’elle représente plus de 70% de son
chiffre d’affaires. En outre le secteur du transport aérien offre encore des possibilités de croissance
organiques sérieuses.

1. Le contexte macro-économique.
La croissance du secteur du transport aérien est étroitement corrélée à la croissance économique
mondiale évaluée à partir le PIB mondial moyen. De façon empirique, il est admis que l’élasticité de
la demande de transport aérien est de l’ordre de 2. En d’autres termes, si le PIB augmente de 2
points le trafic aérien augmentera de 4 points. Ceci est parfaitement logique puisque cela agit d’une
part sur le commerce international, avec les déplacements corrélatifs et d’autre part sur le revenu
des ménages qui peuvent d’une part opter pour un mode de transport plus rapide et disposer d’un
“budget vacances“ leur permettant de voyager plus et plus loin.

Ainsi en 2015, le PIB mondial avait augmenté de plus de 3% et la demande de transport de près de
5,5 points. Celle-ci résulte du rôle moteur qu’exercent les pays émergents dont les BRICS qui ne
sont maintenant plus simplement les « usines du monde ». Ils sont de plus en plus industrialisés
dans des industries à forte valeur grâce aux transferts de technologie venus des pays industrialisés.
Leur croissance porte la croissance mondiale.

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Les prévisions indiquent qu’ils
représenteront 40% du PIB
(contre 28% aujourd’hui),
67% de la population
mondiale et 54% du trafic
aérien en détenant 51% de la
flotte en service. En 2014, le
trafic depuis et vers les USA
s’était accru de 2,4%, de
4,6% pour l’Europe
occidentale et 13,2% vers les
pays émergents.

La mondialisation apparait
comme la tendance
déterminante de bon nombre
d’industries, et plus Source Airbus
particulièrement le transport
aérien. De nombreuses
régions du monde, jusque-là absentes du processus économique, sont devenus des acteurs majeurs
dans un nombre croissant de secteurs. Pour ces pays, l’industrialisation va se traduire d’une part,
par un exode rural massif et donc par taux d’urbanisation élevé, avec l’apparition probable de
mégapoles et, d’autre part, par une prospérité croissante qui permettra une augmentation des
revenus. Il est prévu qu’en 2020, le revenu moyen par personne devrait être 50% plus élevé qu’en
2000. L’apparition et le développement d’une classe moyenne dans les émergents va avoir un impact
immédiat sur le nombre de passagers potentiels.

C’est autour des BRICS que devrait se structurer l’économie des années 2020. Les prévisions de
trafic sont optimistes sur les 20 prochaines années, puisqu’il devrait doubler en 15 ans.

Par conséquent, la combinaison d’une démographie croissante, d’une amélioration du revenu des
ménages et des entreprises (notamment dans l’Asie Pacifique), de l’émergence de villes de plus en
plus grandes (la population urbaine devrait progresser de 60%) va contribuer à un renforcement du
trafic, notamment long courrier.

La libéralisation du trafic aérien en Asie, en Amérique Latine et en Afrique va y renforcer la


concurrence entre les compagnies (il y a plus de 2000 compagnies aériennes dans le monde) et y
permettre l’apparition de compagnies low-cost. L’effet sur les prix, va nécessairement agir sur la
demande.
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De leur côté les pays du Golfe investissent des milliards de dollars dans leurs infrastructures
aéroportuaires, avec l'ambition, comme aux Emirats arabes unis (EAU) et au Qatar, de devenir des
plateformes aéroportuaires de correspondances internationales. Le secteur du transport aérien
constitue pour ces pays un réel levier de croissance et de création de richesse.

L’ensemble de ces facteurs aura un impact sur le trafic court et moyen-courrier, mais surtout sur le
long courrier intercontinental. L’internationalisation des grands groupes industriels et financiers, va
avoir non seulement un impact sur les balances commerciales et le PIB des pays concernés mais
aussi faire des régions occupées des zones d’échanges commerciaux. Les flux de marchandises et de
personnes entre les pays occidentaux et les membres des BRICS va avoir un impact immédiat sur
les modalités du transport aérien. Les pays membres des BRICS ayant une superficie élevée, cela se
traduira par un trafic intérieur aussi dense que celui que l’on peut trouver aux USA ou en Europe.

Il en résulte une demande de monocouloirs pour le trafic intérieur et de bi couloirs pour les liaisons
intercontinentales.

Le demande de l’Asie-Pacifique, comme pour les pays du Golfe, est plus orientée sur les bi couloirs
à long rayons d’action.

Une tendance générale est liée à la saturation des grands hubs internationaux, qui se traduit par un
recours croissant aux bi-couloirs gros porteurs qui permettent de réduire les fréquences des vols
entre deux destinations.

Airbus peut donc compter sur des prévisions intéressantes avec une augmentation de la demande
d’aéronefs de 3,7% par an. De son côté Boeing table sur 38000 appareils. Les prévisions
macroéconomiques garantissent un essor du transport aérien. Celui-ci sera porté par l’impact des
actuels pays émergents sur la croissance mondiale. Il s’en suit que l’avenir de l’industrie de
l’aéronautique est loin d’être sombre.

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Cependant va se poser pour elle un choix complexe dans sa stratégie de gamme, comme le précise
le cabinet Cylad Consulting

Les prévisions de la multiplication des mégapoles a conduit Airbus à largement miser sur le troisième
segment, celui des très gros porteurs à fuselage large. Ce type d’aéronef était, selon eux, le seul
moyen de gérer le flux massif de passagers allant d’une mégapole à l’autre ou transitant par l’une
d’elles. D’où l’A380. Les VLA sont sensés couvrir à eux seuls tous les besoins en termes de distances
et de flux de passagers. Ainsi la flotte d’Emirates est composée de 45 A380 (court, moyen et long
courrier) et 90 777 dédiés au long courrier.

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2. Les attentes du marché
Les airlines sont très attentifs à ces attributs qui vont déterminer la diversité de leur offre, leurs coûts
d’exploitation, la signature de leur marque.

Sources : Cylad Consulting

La structure du coût donne à l’avionneur des axes d’innovation susceptibles de permettre à l’airline
de réduire ses charges d’exploitation.

Ventilation par type d’avions


Moyens Couriers Longs courriers

Les “redevances“ correspondent aux taxes aéroportuaires liées aux coûts de “touchés“, de route,
d’escale (services d’approche, d’atterrissage, de balisage et de stationnement). Ces taxes sont
fonction de la masse maximale certifiée au décollage de l'aéronef (MMD).

Cela explique les efforts d’innovation réalisés par les motoristes pour développer des moteurs plus
performants, par les avionneurs pour améliorer sur l’aérodynamique du fuselage et de la voilure, sur
l’utilisation de matériaux plus légers afin de réduire la masse. Ainsi un gain de 1 tonne de masse
permet de réduire la consommation de 400kg. Ce que l’on appelle le “taux d’échange“ renvoie au
fait que l’Airline est prêt à payer 2000€ par Kg gagné sur la masse de l’avion. Le surcoût lié au gain
de masse est immédiatement amorti en consommation de kérosène.

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Les compagnies cherchent de plus en plus à reporter le risque d’obsolescence sur le fournisseurs en
passants de l’achat pur et simple à un système de facturation à l’heure de vol (avec les motoristes),
au nombre de cycles (ainsi Messier-Bugatti qui fournit les freins carbone se rémunère par un tarif à
l’atterrissage).

Les Airlines voudront une gamme d’avions adaptée à la gestion de leur flux de façon à en maximiser
la densité. Il doit y avoir une corrélation forte entre les capacités de l’avion et le trajet. Ils ne pourront
réduire leurs coûts qu’à deux conditions : si les avions sont complets à chaque voyage et si la
consommation de carburant est minimisée. D’où la nécessité pour l’avionneur d’avoir une stratégie
de gamme cohérente et une politique d’innovation permanente.

3. Principe du modèle économique


Pour comprendre les enjeux des choix stratégiques des avionneurs, il est important d’avoir à l’esprit
l’organisation de cette industrie2.

L’avionneur contribue, par son rôle d’architecte de l’ensemble et de réalisateur de la totalité de la


structure, à plus de 60% de la valeur ajoutée de l’aéronef. Ceci génère en moyenne un coût de 10
milliards d’euros sur le plan du développement et de près de 2 milliards d’euros de coûts de
certification. Un Airbus fabriqué et certifié en Europe doit aussi être certifié dans chaque pays
d’immatriculation3.

Dans cette chaîne de valeur, l’avionneur n’a pas forcément la situation la plus lucrative par
comparaison avec certains équipementiers qui contribuent aux 38% restants de la valeur ajoutée.
Les motoristes et les spécialistes de l’aménagement intérieur bénéficient d’une activité récurrente
tout au long de la vie de l’avion. L’activité maintenance et remplacement constitue l’essentiel de la
marge opérationnelle des motoristes (la vie de l’avion étant plus de trois fois plus longue que celle
du moteur qui doit être révisé toutes les 30 000 heures). L’activité retrofit des aménagements cabine
bénéficie d’un cycle de 4 à 5 ans (pour gagner en confort, en place supplémentaires pour plus de
passagers, en design qui donne son identité à l’airline, …). La part “service“ d’Airbus, concernant la
révision de la cellule, atteint difficilement les 5% de son chiffre d’affaires, contre 12% pour Boeing.

Chaîne de valeur d'un avion

avionneur motoriste équipementiers


62,5% 24,5% 13%

Les avionneurs, dans cette organisation industrielle ont axé leur recherche sur la masse de la cellule
pour permettre le coût d’exploitation le plus faible par l’airline.

Le premier axe consiste à s’orienter vers le tout électrique. Airbus est le pionnier, en ayant déjà
intégré son système de pilotage totalement électrique. Mais la technologie permet d’aller plus loin
(régulation moteur, commandes d’inverseurs, pompes à carburant, déshuileur, freinage, etc.). Ces
fonctions vont se substituer aux systèmes mécaniques et hydrauliques car ils sont plus légers, ils
libèrent de l’espace et sont plus faciles à entretenir par les airlines. Cette orientation technologique
est liée à l’évolution de la génération de puissance électrique primaire et secondaire. Il semble que
ces technologies ne soient pas mûres. Si Boeing a pris le pari d’embarquer 1,5 mégawatt sur son
787, Airbus a été plus prudent en évitant de se lancer dans le « tout électrique » avec l’A350.

2
Etude PIPAME septembre 2009
3
La certification constitue une barrière à l’entrée pour les concurrents potentiels que sont COMAC et Sukhoi
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Le second qui implique toute la cellule suppose l’utilisation de matériaux composites. Ce nouveau
virage a été pris par Boeing avec son 787 massivement construit à partir de résines
thermodurcissables, en prenant le parti technologique du “full barrel“. Cette méthode consiste dans
la fabrication de tronçons de la cellule monoblocs construits dans des autoclaves géants. Tronçons
qui sont ensuite assemblés. Airbus prit le même virage pour son A350, mais avec une méthode plus
classique consistant à assembler des panneaux sur une structure en métal.

L’utilisation de polymères thermodurcissables nécessite des équipements coûteux puisque les pièces
sont fabriquées dans des autoclaves spécifiques pour permettre la polymérisation sous pression. Soit
un investissement de l’ordre de 360 millions d’euros pour les infrastructures de production des
panneaux de l’A350.

Ces éléments peuvent être produits par moulage parce que leur forme n’est pas spécialement
complexe. Si des effets d’échelle réels ne peuvent être attendus parce que la durée de vie d’un moule
ne dépasse pas la production de 500 pièces et que cette technologie suppose beaucoup de
manutention, elle est plus productive que la fabrication de pièces en métal ou alliage qu’il fallait
usiner les unes après les autres.

Cette rupture technologique va totalement dans le sens des attentes des Airlines, mais l’absence de
recul ne permet pas d’avoir de garanties sur la résistance à la fatigue de ces avions qui durant 30
ans devront voler au moins 100 000 heures

4. Le modèle économique d’Airbus.

La stratégie de gamme face à la concurrence.


Outre l’amélioration constante du niveau de performance de l’avion, la déclinaison de la gamme est
l’un des leviers concurrentiels auquel Boeing et Airbus accordent le plus d’attention. La valeur
attendue par l’airline passe par la qualité de la réponse à ses attentes sur le rapport : nombre de
sièges - rayon d’action. Les avionneurs doivent être capables de fournir une gamme profonde, pour
permettre de densifier ses flux sur l’ensemble des routes desservies. Il convient aussi d’ajouter la
capacité de fret que ce soit des bagages ou des marchandises pour rentabiliser un vol en faisant du
cargo sur un avion de ligne.

Airbus A318 A319 A320 A321

Passagers 107 - 132 124 - 156 150 - 180 185 - 220

Autonomie 5950 Km 6850 Km 6150 Km 5950 Km

Prix catalogue 74,3 Mn$ 88,6 Mn$ 97,0 Mn$ 113,7 Mn$

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Boeing 737-700 737-800 737-900ER

Passagers 120 - 149 162 - 189 180 - 215

Autonomie 6230 Km 5665 Km 6230 Km

Prix catalogue 80,6 Mn$ 96 Mn$ 101,9 Mn$

(1) Les moyens courriers


Compte tenu des prévisions de la nature du trafic, les monocouloirs constituent le segment le plus
stratégique. C’est sur celui-ci que la concurrence sera la plus forte entre Boeing et Airbus, d’autant
que son attractivité a d’une part conduit COMAC4 à s’y positionner en priorité et d’autre part incité
les fabricants d’avions régionaux à étendre leur gamme vers les plus de cent places (sauf ATR face
au risque de cannibalisation de la famille A320). D’ici 2030, ce segment devrait représenter un
volume de production de près de 23.000 avions, soit 70% du total d’aéronefs avec plus de 32.500.
En valeur il ne représentera que 45% du marché total estimé à 4.900 Md$.

La famille A320 depuis son lancement a reçu près de 12 000 commandes dont 6 600 ont été livrées.
Ceci en fait le second avion le plus vendu au monde derrière le 737 de Boeing.

Le marché des monocouloirs longs courriers est le segment le plus demandé par les compagnies
aériennes. Airbus a largement dépassé Boeing qui cherche à sauver son 737 en trouvant une nouvelle
motorisation ou lui trouver un successeur. Ainsi, la famille 320 se décline sur 4 lignes, A318, A319,
A320 et A320neo pour affronter la ligne 737 de Boeing.

L’environnement concurrentiel va changer avec l’entrée du COMAC C919 un monocouloir conçu pour
transporter en version standard 158 - 174 passagers sur 4075 km. Une version à rayon d’action
allongé à 5 555 km est également prévue. Il est équipé de réacteurs CFM International LEAP-1C. Le
C919 a été commandé à 517 exemplaires par 21 clients, principalement des sociétés de leasing
chinoises et une américaine, GECAS, filiale de GE, mais aussi des compagnies aériennes comme Air
China, China Eastern Airlines, China Southern Airlines ou Hainan Airlines. S’il y peu de risque que
COMAC vienne déstabiliser le duopole sur ses marchés traditionnels, il va naturellement capter une
part significative de la demande en Chine, malgré l’unité de production d’A320 d’Airbus à Tianjin.
Selon Boeing, la Chine aura besoin de 6330 nouveaux avions d’ici vingt ans, ce qui laisse des
opportunités de croissance aux avionneurs occidentaux. L’avionneur chinois veut aussi lancer un
long-courrier bi-couloir d’environ 300 places, le C929, avec un premier vol à l’horizon 2023. COMAC
est aussi associé à un consortium russe pour développer un nouvel avion long-courrier à large
fuselage.

Il faut noter l’arrivée d’avions régionaux à forte capacité d’emport et rayon d’action étendus. On y
trouve l’avionneur canadien Bombardier avec la version étendue de ses modèles Cseries et dans une
moindre mesure Embraer avec son 195-E2. Cela dit, Bombardier est dans une situation financière
critique, n’ayant pas les débouchés attendus pour ces CS-100 et -300. En effet, la gamme CSeries
souffre de son positionnement sur l’entrée de gamme des monocouloirs (110 à 130 sièges), un
segment en perte de vitesse vu l’augmentation régulière de la taille moyenne des avions. Les
récentes tendances dans les commandes montrent que le cœur du marché a glissé vers les appareils
de 150-200 sièges, soulignaient les analystes d’AirInsight fin 2014. Même Airbus et Boeing ont des
difficultés à vendre des avions de cette taille : Airbus n’a vendu que 49 A319neo en 2014, quand son
prédécesseur, l’A319 "classique", avait atteint près de 1.500 commandes.

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Avionneur chinois
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Embraer-195-E2 Bombardier CS100 Bombardier CS300

Passagers 108 - 144 108 - 133 130 – 160

Autonomie 4000 km 7500 km 6100 km

Prix catalogue 60 Mn$ 72 Mn$ 82 Mn$

(2) La course à l’innovation avec A320neo versus 737Max


Compte tenu des attentes des airlines en matière de consommation, dès 2010 Airbus a cherché à
relancer sa famille A320 en re-motorisant son avion vedette, en retravaillant l’aérodynamique,
notamment avec des sharklets sur la voilure. Ces innovations permettront de réduire la
consommation de carburant de 15% par rapport à la génération actuelle grâce à l'utilisation de
nouveaux moteurs : le LEAP-1A de CFM et le PurePower PW1100G de Pratt & Whitney, déjà sur le
marché puisqu’il avait motorisé la seconde génération d’avions d’Embraer et de Bombardier.

Airbus a consacré son attention sur l’aménagement de la cabine avec ses équipementiers afin de
réduire la masse. Outre l’économie en carburant, si chère aux compagnies aériennes en ces temps
de cours du pétrole très élevé, ces innovations devraient permettre la réduction d’émissions de CO2
de 700 tonnes par an et par avion. De quoi diminuer aussi les factures au titre de la « taxe carbone »
instaurée depuis 2012 par l’Union Européenne.

SNECMA travaille sur une nouvelle génération de moteurs, l’Open Rotor, qui devrait permettre de
réduire encore la consommation de carburant. Airbus très intéressé par ce nouveau type de
propulsion qui devrait émerger après 2030, a préféré retravailler sur sa famille A320 plutôt que de
se lancer dans un nouveau programme monocouloir. Il attend de voir les avancées de l’Open Rotor.
Le coût du programme A320 neo n’a été que de 1,2 milliards d’euros, soit 10% du coût d’un
programme d’un nouvel avion.

En décembre 2010, Airbus comptabilisait déjà 3267 commandes émanant de 60 clients. L’équivalent
de six ans de production en se fondant sur les cadences de fabrication de l’A320 classique, soit 38
exemplaires par mois en 2010. Ce qui pose un problème logistique au groupe, augmenter les
cadences pour réduire les backlogs d’A320 classiques pour passer progressivement à la production
des Neo en 2015. Sachant que la nouvelle génération d’aéronefs sera assemblée dans les mêmes
FAL (Final Assembly Line).

Devant le succès rencontré par l’A320-neo, Boeing n’eut d’autres choix que de re-motoriser son 737
et de créer une nouvelle famille, 737-Max. Cette nouvelle famille sera équipée des futurs moteurs
LEAP-1B de CFM International (Safran-GE). Boeing annonce des coûts d’exploitation de son 737-Max
inférieurs de 8% à ceux de son concurrent.

A319-neo A320-neo A321-neo

Passagers 140 - 160 165 - 189 206 – 240

Autonomie 6950 Km 6500Km 7400Km

Prix catalogue 97,5 Mn$ 106,2 Mn$ 124,4 Mn$

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15
737 MAX 7 737 MAX 8 737 MAX 9

Passagers 149 189 220

Autonomie 7000 Km 6700 Km 6600Km

Prix catalogue 90,2 Mn$ 110 Mn$ 116,6 Mn$

Airbus se trouve avec des retards importants compte tenu des problèmes de moteurs que Pratt &
Whitney a du mal à résoudre. Airbus a donc décidé de ralentir la production des A320neo, en
attendant que Pratt & Whitney règle son problème : de huit exemplaires par mois (10 prévus en
juillet), ce rythme passera à quatre en attendant que P&W trouve une solution. Plus d’une vingtaine
d’A320neo sont déjà assemblés mais attendent leurs moteurs Pratt & Whitney sur le tarmac, soit
près d’un milliard d’euros de cash.

Airbus n’a pu livrer que 5 A320 neo (deux à Lufthansa et trois à la compagnie indienne IndiGo).
Qatar Airways devait initialement réceptionner la première livraison d'A320neo en décembre sur les
50 qu'elle avait commandés, mais elle a refusé de réceptionner ces appareils en raison, selon elle,
de problèmes de moteurs. Lufthansa a réceptionné cette livraison à sa place.

En avril 2015, le directeur de la compagnie Qatar Airways a décidé de réduire le montant d’A320-
neo commandés pour s’orienter vers les B727 de nouvelle génération compte tenu du fait que les
problèmes rencontrés avec les neo ne se limitaient pas simplement aux réacteurs fournis par Pratt
& Whitney mais concernaient aussi le système hydraulique et les logiciels de ces appareils. Airbus a
alors annoncé que tous les défauts seraient corrigés d'ici l’été.

Les premiers A320neo équipés du LEAP-1A de CFM International sont entrés en service en juillet
2015, chez la low-cost Pegasus Airlines.

De son côté, Safran a annoncé qu’il était prêt au ramp’up5. Il a notamment créé avec son partenaire
Albany International deux usines dédiées à la production des pièces spécifiques au LEAP : l'une à
Rochester, aux États-Unis, l'autre à Commercy, en France. La première est entrée en service en
2013, la seconde devrait ouvrir ses portes à l'automne 2014. De plus, en avril, sa filiale Aircelle a
posé la première pierre d'un nouveau site d'intégration à Hambourg, destiné à l'assemblage et à la
livraison des nacelles des moteurs LEAP de l'Airbus A320neo. Il a aussi anticipé cette montée en
cadence en travaillant avec toute la chaîne de sous-traitance ainsi qu’avec ses fournisseurs.

Le fait que P&W prenne du retard permet de gagner du temps sur la certification du LEAP-1A, puisque
les équipes d’essai en vol peuvent s’y consacrer totalement. C’est donc vers l’été 2016 qu’Airbus
compte pouvoir livrer son premier neo équipé du LEAP. Safran n’envisage pas d’assumer les
commandes que devait assurer P&W. « Nous avons déjà des objectifs très ambitieux de certification
et de montée en cadence de la production, souligne-t-il. Nous nous concentrons sur nos
engagements. Mais nous ne pourrions pas nous engager, à ce stade, sur des volumes de production
supplémentaires ». Si Airbus devait avoir à suppléer à un problème de moteur, ce serait réellement
problématique. Ces retards pénalisent l’avionneur français qui avait dix-huit moins d’avance sur
Boeing. Le premier 737 MAX devrait être livré au troisième trimestre 2017, après avoir fait son roll-
out6 en décembre 2015.

5
montée en cadences
6
Lancement
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16
(3) Les longs courriers
La famille A340 constituait l’offre de longs courriers d’Airbus. Cet avion fut conçu en quadriréacteur
car la réglementation interdisait les vols intercontinentaux à deux réacteurs. Cette législation
changea et la production de cet avion fut arrêtée.

C’est désormais avec les familles A330 et A350 qu’Airbus compte reprendre sa place sur ce segment,
occupé par Boeing avec ses 777 et 787.

Réaction d’autant plus indispensable que Boeing avait eu une meilleure anticipation des besoins des
airlines. En effet, Airbus avait considéré que pour résoudre les problèmes d’engorgement de leur
hubs, les compagnies chercheraient à réduire les fréquences en prenant l’option des gros porteurs
longs-courriers (VLA). D’où le lancement de l’A380-800. Celui-ci peut embarquer de 525 passager
(trois classes) à 853 (une classe). 329 A380 ont été commandés (entre 2000 et 2016) et 187 ont
été livrés (entre 2007 et 2016). Boeing avait pris une autre direction, celle d’un allègement des
fréquences des hubs en revenant sur des politiques de point à point. Donc des avions de moyenne
capacité à long rayon d’action moins gourmands en carburant afin de réduire le coût passager. Il
lança le 787. Entre 2004 et 2016, Boeing enregistra 1143 commandes du Dreamliner et effectua 380
livraisons.

Airbus a fait le pari d’attaquer à la fois le B787 et le B777 avec les différentes versions de son A350.
L’attaque du triple sept semble risquée puisque depuis 2003, Boeing en a déjà vendu 1895 et livré
1384. Quant à lui, Airbus a dépassé le seuil de 783 en dix ans, mais n’avait livré en 2016 que 19
A350-XWB sur 783 commandés, ayant beaucoup de mal à gérer le ramp up. Sa ligne a aussi du mal
à s’affirmer puisque 16 A350-800 étaient
commandés, contre 586 A350-900 et 181 A350-1000.

Le programme A350-800 est dans une situation


délicate, puisque le -900 lui est préféré pour des
raisons de coûts d’exploitation plus faibles avec un
plus grand nombre de sièges. Le -900 ainsi que
l’A330-300 ont tous deux mis à mal le B777-200 de
Boeing, cannibalisé par nouveau modèle B777-300ER.
Le -200 fut arrêté considéré comme un appareil de
niche en fin de vie. Le rapport nombre de sièges -
rayon de l’A350-800 est très proche de l’A350-900 en
termes de rayon d’action, mais avec une capacité
d’emport beaucoup plus faible. Les “direct operating
cost » des airlines ne sont alors plus les mêmes.

Le lancement du programme A330 neo risque de


mettre à mal l’A350-800, ayant déjà enregistré 184
commandes lors de l’annonce de son lancement.
L’A330 neo aurait une consommation inférieure de 5% à celle de l’A350-800 sur des distances
inférieures à 10 000 Km. En 2014, l’année du lancement du neo, 70% des commandes de l’A350-
800 avaient été annulées.

L’A330 neo avec une capacité d’emport voisine de celle du 787 aura des coûts de maintenance et
d’opération plus faibles.

Un grand nombre de compagnies américaines équipées de B767 et de B747 vieillissants se disent


prêtes à opter pour une version remotorisée de l’A330.

C’est en 2017/2018 que les A330 devraient commencer à sortir des unités d’assemblage. Ce modèle
sortira alors que les A350 et B787 accusent des retards avec d’importants backlogs. Début 2017,
l’avionneur passera d’une cadence de 6 à 8 A330 par mois.

Le coût du programme du neo n’aura pas dépassé deux milliards d’euros. En partant d’un appareil
déjà amorti dans sa version classique (avec plus de 1200 exemplaires livrés), Airbus aura vite fait
de dégager une forte rentabilité sur son marché potentiel estimé à 1200 appareils.

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C’est sur la conception des lignes de produits que s’exerce la compétition entre les deux opérateurs,
sachant que de multiples options peuvent différencier chacun des modèles proposés.

A330-200 A330-300 A330-800 neo A330-900 neo

Passagers 253 - 380 295 - 440 263 - 390 305 - 450

Autonomie 13 400 km 10 800 Km 14 000 km 11 400 km

Prix catalogue 191,4 Mn$ 212,4 269,5 Mn$ 304,8 Mn$

A350-800 A350-900 A350-1000

Passagers 270 (3 Cl) 314 (3 Cl) 350 (3 Cl))

Autonomie 15 300 Km 15 000 Km 15 600 Km

Prix catalogue 269 Mn$ 304,8 Mn$ 351,9 Mn$

777-200 777-200ER 777-200LR 777-300ER 777-8X 777-9X

Passagers 305 - 400 313 (2 Cl) 317 (2 Cl) 396 (2 Cl) 350 (3 Cl) 400-425(2Cl)

Autonomie 9 695 Km 11 370 Km 13 767 Km 11 860 Km 17 200 Km 15 485 Km

Prix Arrêté 277,3 Mn$ 313,8 Mn$ 339,6 Mn$ 371,0 Mn$ 400,0 Mn$
catalogue

787-8 787-9 787-10

Passagers (Deux classes) 242 280 330

Autonomie 15 200 Km 15 750 Km 11 910 Km

Prix catalogue 224,6 Mn$ 264,6 Mn$ 306,1 Mn$

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C’est sur la profondeur de la gamme de
produits que les avionneurs affinent leur
réponse aux airlines en optimisant le rapport
nombre de passagers - rayon d’action, afin
de minimiser le coût passager. Airbus, dans
sa déclinaison de gamme travaille beaucoup
sur les niveaux de commonalité (le nombre
de pièces sous-ensembles et ensembles
communs à plusieurs modèles) afin de jouer
sur les coûts à la fois par économies de
champ et d’apprentissage.

Malgré tout, Boeing semble avoir un


avantage sur Airbus qui couvre moins bien
les segments 225-275 et 375-450
passagers.

Les deux avionneurs sont dans une guerre


des prix sans merci. Les appareils ne sont
jamais vendus au prix catalogue, ce qui est
aussi lié à la taille des airlines.

Logiquement, les grosses


compagnies obtiennent les
meilleures conditions et obtiennent
des remises de 60%, les plus petites
parviennent à de rabais de 35 à
40%. Easyjet n’est équipée que
d’Airbus. Au salon du Bourget de
2013, le low-cost en commandant
120 A319, a pu faire passer le prix
de 44 millions de dollars (prix
catalogue) à 19,4 millions.
Lorsqu’un modèle d’avion se voit
concurrencé par l’arrivée d’un
nouveau, les concessions sont alors
énormes. Ainsi Boeing était en
situation de monopole sur le
segment du 777-300ER, l’annonce
de l’arrivée de l’A350-1000 l’a
conduit a accorder des remises, ce
qui ne fut jamais le cas jusqu’à présent. Pour limiter l’essors du 727NG, Airbus a dû concéder à des
discounts massifs sur ses A320 NEO. D’une manière générale, 10% du montant des achats est versé
à la commande.

Le prix d’achat ne représente que 15% du coût de possession de l’avion sur 20 ans. Le client transfère
les risques sur les fournisseurs en imposant des garanties sur la consommation, des prestations de
maintenance, de formation des pilotes d’une part, mais aussi des personnels chargés de l’entretien
technique de l’aéronef. Sans parler des aides au financement. Ce qui a probablement conduit Airbus
a racheter la Salzburg München Bank. Celle-ci sera baptisée Airbus Group Bank.

Après le lancement de leurs nouveaux modèles, les deux protagonistes considèrent que leur gamme
est aboutie. Son évolution dépendra des innovations ou inventions que pourront réaliser les
motoristes. En effet, l’utilisation de nouveaux matériaux ne semble pas avoir fait ses preuves,
puisque des aéronefs classiques mais re-motorisés ont des consommations moindres que ceux en
composites. sans compter l’absence de recul sur le vieillissement de ce type de matériaux. Il semble
que les grandes évolutions seront proposées par les motoristes. Le projet d’Open Rotor attire toute
l’attention d’Airbus, mais pas avant 2030.

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Par conséquent, ce n’est plus sur l’extension de la gamme que les avionneurs pourront trouver des
relais de croissance, mais sur sa profondeur. La MRO pourrait quant à elle permettre aux avionneurs
de se diversifier.

Les services : MRO (Maintenance, Repair and Overhaul)


Cette activité concerne la maintenance, réparation et refonte des avions.

Les compagnies ont, outre la responsabilité du service aérien, celle de la maintenance et des
réparations de leurs appareils. Les constructeurs aéronautiques leur fournissent avec leurs produits
un jeu complet d’informations et de méthodes de maintenance et de réparation. Les deux principaux
constructeurs aéronautiques rivaux, Boeing et Airbus, et les autres, soumettent leur production à un
certain nombre de tests réguliers obligatoires baptisés habituellement A, B, C et D (« checks ») :

 A-Check : tous les mois ou 500h de vol


 B-Check : tous les 3 mois
 C-Check : cette opération se fait environ tous les 12-18 mois ou pour un nombre précis d'heures
de vol effectives tel que défini par le constructeur. Cette vérification d'entretien met l'appareil
hors service et exige beaucoup d'espace - le plus souvent dans un hangar de maintenance.
 D-Check : cette phase est également connue sous le nom de visite de maintenance lourde
appelée refonte (overhaul). Elle s’effectue environ tous les 4-5 ans. Elle nécessite plus de temps
et d’espace que les autres types de maintenance et doit être exécutée dans un hangar de
maintenance. Elle dure au minimum deux semaines, parfois jusqu’à 2 ou 3 mois en fonction du
type d’appareil, de son âge et du nombre d’heures de vol. Les compagnies en profitent en général
pour installer les dernières améliorations apportées par les constructeurs (« retrofit »).
Le marché de la MRO représente en 2015 67 Mds $, et une forte croissance est attendue étant donné
les augmentations très fortes de la flotte mondiale en service. La majeure partie de la croissance
prévue se focalise sur la zone Asie-Pacifique.

Ce marché est très fragmenté, avec différents acteurs plus ou moins spécialisés:

 Les spécialistes : ST Aerospace, HAECO, …, et un grand nombre de PME.


 Les OEM, (fabricants de pièces originales et de modules) : Thales, Sagem, … La généralisation
de l’architecture modulaire et la nature des contacts qu’ils tissent avec les airlines leur permet
de développer ce type de services.
 Les filiales de compagnies aériennes : Lufthansa Tecnik, Air France Industries, SIA EC, …
 Les motoristes : Safran, GE, Rolls Royce, Pratt & Withney, ..
 Les avionneurs
Ce marché est également en mutation quant à son modèle économique. De plus en plus d’opérations
de maintenance sont désormais facturés en heures de vols ou en cycles (nombre d’atterrissages pour
les trains par exemple). Ce modèle du « Flight Hour Service » est une composante stratégique pour
Airbus afin de pénétrer plus ce marché de la MRO. Ceci est la déclinaison d’une stratégie en cours

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dans l’industrie automobile où les constructeurs ont poussé au packaging de la maintenance (leasing,
offre commerciale à l’achat) afin de reconquérir le marché.

Source : Oliver Wyman

Les enjeux technologiques sur ce marché sont nombreux : les capacités de traitement de données
permettent désormais de transformer les avions convenablement équipés en véritables senseurs.
Ainsi 1h de vol d’A320 peut en l’état actuel fournir environ 1Go de données sur tous les différents
systèmes embarqués, permettant notamment :

 de mettre en place des algorithmes de Big Data afin d’améliorer grandement la maintenance
prédictive, et d’optimiser les opérations de maintenance dans le cadre des opérations des
Airlines, toute immobilisation (AOG, Aircraft On Ground) générant des pertes pour la compagnie.
 de mettre en place des « Aircraft Health Monitoring Systems Market », qui permettent de suivre
en temps réel en vol l’état de tous les systèmes. Ce marché de 3 Mds € a un CAGR de 7%
 d’utiliser l’avion comme un senseur météo, afin d’optimiser de manière récursive les plans de vol
en utilisant les données collectées par les avions précédents sur une route donnée, ce qui peut
permettre d’éviter des turbulences et/ou d’optimiser la consommation de carburant.
Si ces problématiques sont intégrées dans la conception des nouveaux avions produits, une des
difficultés actuelles provient du fait que les avions en service ne possèdent pas ou peu des capacités
de collecte et de transfert de données. Le retrofit de cette flotte d’avions et la maîtrise des données
afférente est un des enjeux entre les différents acteurs (Airlines, MROs associés à ces airlines,
constructeurs et équipementiers fournisseurs de ces solutions de données (Sagem, Teledyne,
Rockwell, …). Si le coût de retrofit est pour l’instant un frein pour les Airlines, l’enjeu de la maîtrise
de ces données amène à trouver des sources de financement indirectes.

Equiper un avion d’un dispositif de communication satellite permet non seulement de collecter les
données comme vu précédemment, mais également d’en recevoir, autorisant par exemple la vente
par l’Airline de services internet à ses passagers.

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Toutes ces données permettent également de vendre des services, à l’instar des EFB (electronic flight
bag) qui tendent de plus en plus à coupler à la gestion des tâches de vol une boucle de rétroaction
avec les données émises par l’avion, optimisant ainsi l’efficacité opérationnelle des pilotes.

Airbus tend ainsi à se focaliser sur les services et l’édition de logiciels de services. A titre d’exemple
la compagnie canadienne Navtech a ainsi été achetée fin 2015 dans ce but, pendant que la filiale de
Boeing Jeppesen est en position claire de leader.

Ces évolutions s’inscrivent dans la stratégie globale de digitalisation mise en place fin 2014 par Tom
Enders, avec notamment la mise en place d’une organisation propre dédiée à l’innovation et à la
digitalisation au sein d’Airbus.

D’une manière générale dans le cadre de l’absence de lancement de nouveau programme, les
services sont désormais stratégiques pour Airbus afin de dégager des revenus récurrents en
capitalisant la position acquise en termes d’avions en service. Ceci est néanmoins un changement
culturel en cours, car la société a durant de nombreuses années été focalisée sur la conquête de part
de marchés sur la vente de nouveaux avions au détriment de la vente de services, souvent offerts
dans le cadre de négociation avec les Airlines.

De ce fait en 2015 il est estimé qu’à l’échelle de la flotte en service, Airbus vend environ 4 fois moins
de services que son rival Boeing.

La supply chain d’Airbus.


Pour bénéficier des effets d’expérience, les avionneurs ont de tout temps compris qu’ils ne pouvaient
s’appliquer sur l’ensemble de l’aéronef (compte tenu de la dimension et de la complexité de la
conception et du montage impliquant des savoir-faire scientifiques et techniques sans le moindre lien
entre eux), mais uniquement sur des sous-ensembles homogènes.

Le principe est d’avoir des sites de production dédiés à des tâches spécifiques sur des tronçons de
l’aéronef. Une fois ces tronçons produits et contrôlés, ils sont acheminés vers une unité
d’assemblage. Le choix des sites est établi après audit de ses compétences acquises dans le passé.
Chaque site est constitué d’un bureau d’études et d’unités de production.

(4) Des sites de production spécialisés


Concernant la voilure (sur la totalité de la gamme), c’est au Royaume-Uni qu’elle est conçue (Bristol)
et fabriquée (Chester) Un nouveau site a été développé à côté de Chester au Pays de Galles pour
fabriquer les ailes de l’A380. Les ailes sont ensuite envoyées à Toulouse pour l’assemblage final,
éventuellement en faisant un crochet par une autre unité pour y apporter, selon les modèles, des
compléments tels que le bord d’attaque, équipements électriques, etc.

Concernant certains tronçons du fuselage, c’est l’Allemagne qui a été choisie pour cette spécialité.
Parmi les divers établissements, c’est celui de Finkenwerder qui a en charge l’étude d’ensemble des
appareils et la production des tronçons de fuselage, ainsi que, sur certains modèles, l’installation des
systèmes hydrauliques et de l’aménagement intérieur. Les tronçons achevés sont expédiés pour
l’assemblage.

Concernant l’empennage de chaque modèle, c’est à côté de Madrid qu’ils sont conçus, fabriqués, puis
expédiés.

Répartition du travail en France : la pointe avant est conçue et produite à Méaulte en Picardie,
acheminée à Saint Nazaire. L’établissement de Nantes7 conçoit et produit le caisson central qu’il
expédie à Saint Nazaire qui est alors en mesure de s’occuper du montage avant du fuselage.

7
Le site de Nantes a acquis une solide expertise dans le traitement des matériaux composites.
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Le site de Toulouse est en charge de
l’assemblage des différents tronçons
fabriqués par les autres partenaires
européens. Il s’occupe de l’installation des
nacelles et des moteurs, pour cela il doit
d’abord installer les mâts de moteurs qui
permettent d’arrimer le propulseur à l’aile
avec toutes les commandes électroniques
et mécaniques pour permettre son
fonctionnement. Toutes ces pièces sont
fabriquées sur le site de St Eloi à Toulouse.
Il faut ensuite intégrer les trains
d’atterrissage. Le choix de Toulouse était
légitime pour l’assemblage puisque chaque
appareil avait été conçu dans sa globalité
sur ce site, qu’il est possible de bénéficier
de la présence du CEAT (centre d’essai en
vol) et que le climat est moins contraignant
qu’en Allemagne.

D’où une coordination complexe entre des sites éloignés, avec parfois des aller et retour pour
compléter un élément de l’appareil.

Logistique des avions standards La logistique A380 est plus complexe

La complexité géographique est réelle, mais elle peut être compensée par les gains de compétitivité
développés par chacun des sites au cours du temps. Elle est complexe car il faut non seulement gérer
les flux physiques et économiques, mais les susceptibilités politiques.

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(5) La gestion des Backlogs8
C’est sur la réduction des backlogs que la
concurrence va dorénavant jouer.

La multiplication des sites d’assemblage


pourrait être un moyen de réduire le montant
des backlogs. Cela dit, les avionneurs ne sont
pas prêts à cela.

Ils ont affaire à deux types de clients les


compagnies aériennes et les sociétés de
leasing. Concernant les premiers il faut être
prudent car ils ont pu surdimensionner leur
commande par erreur de prévisions ou par
volonté de faire baisser les prix. Ils ont pu aussi
surestimer leur solidité concurrentielle et
financière. Concernant les sociétés de leasing
au moment où elles passent leurs commandes
lors des divers salons, elles n’ont pas
nécessairement une demande réelle quantifiable. De plus, si un avionneur augmente son rythme de
production sur un modèle, cela va supposer des investissements en cascade sur chacune des unités
de fabrication. Le recrutement massif induit va nécessairement diluer l’effet d’expérience. La montée
en cadence de chaque site va imposer une montée en cadence de toute la chaîne de sous-traitance.
Investissements que les sous-traitants ne sont probablement pas en mesure de faire. Le risque est
que si par exemple Airbus augmente son rythme de production d’A320 neo, ses sous-traitants
allouant leurs efforts sur ce programme au détriment des autres qui prendront à leur tour du retard.
Finalement, les airlines connaissent l’inertie des avionneurs et sont amenés à anticiper sur la longue
période.

(6) La montée en cadence des A320 ceo et neo.


La compétition sur les niveaux de commandes entre Airbus et Boeing se déplace aujourd’hui sur les
niveaux de livraisons, avec les nécessaires montées en cadence. L’enjeu est d’une part financier mais
aussi stratégique pour laisser le moins d’espace possible à COMAC et à Bombardier avec les versions
allongées de sa famille Cseries. Airbus avait tenté de se rapprocher de l’avionneur compte tenu du
risque qu’il représentait pour l’entrée de gamme de la famille A320.

Concernant Airbus, son site de Toulouse avait du mal à gérer seul le “ramp up“ d’assemblage, face
à la demande d’appareils de la famille A320. Il fut alors décidé de monter trois nouveaux sites
d’assemblage. Le premier fut construit à Hambourg, pour des raisons essentiellement politiques.
Ensuite un autre fut installé à Tianjin en Chine et enfin le dernier fut implanté à Mobile aux Etats-
Unis, pour des raisons économiques de proximité avec le marché et, pour Mobile, de présence en
zone dollar.

Airbus envisage d'augmenter la production de ses moyen-courriers de la famille A320 à plus de 60


appareils par mois au plus tôt en 2018, contre 42 aujourd’hui. Airbus produit 42 appareils de la
famille A320 actuellement et vise déjà une production de 50 par mois au premier trimestre 2017.
Concernant le neo, le ramp up des aéronefs est totalement lié aux capacités de montée en cadence
des motoristes, donc peu d’espoir concernant ce modèle avant 2018. La cadence de production
mensuelle passera de 22 A320 à 24 à Hambourg, restera à 16 à Toulouse, 4 à Tianjin et passera de
2 à 4 à Mobile.

Les montées en cadence nécessitent près de 18 mois d’organisation car elles ne concernent pas que
les avionneurs, mais la totalité de la chaîne de sous-traitance. C’est pour cela qu’une pause fut prise
entre 2014 et 2016, lorsque le rythme de 42 A320 par mois fut atteint, afin de “laisser souffler“ les
sous-traitants. De son côté, Boeing est monté de 38 à 42 monocouloirs assemblés en 2014 et compte
atteindre les 47 par mois en 2017.

8
carnets de commandes
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(7) La difficile montée en cadence de l’A350.
En 2015, seulement 15 A350-XWB étaient sortie des FAL9 de Toulouse. Pour 2016, l'avionneur
européen prévoit d'en livrer trois fois plus. Soit 45 appareils au lieu de 60 prévus, loin des objectifs
annoncés par le groupe. Le processus de production est plus long en raison des retards de certains
fournisseurs, dont Zodiac. L'équipementier français a d’ailleurs annoncé en décembre des retards
dans la livraison des toilettes. Dans le viseur de l'avionneur, il y a également d’autres sous-traitants
dont certains font même partie du groupe, le français Stelia et l'allemand Premium Aerotec. Enfin,
les Britanniques ont du mal à livrer les ailes de l'A350. "Ce serait le gros problème de l’A350 !“, selon
l’avis d’un consultant.

Il semble que ce ne soit pas que le seul problème car la situation est tendue avec l’ensemble de la
chaîne de sous-traitance, sachant que près de 70% de la production est sous-traitée. En effet, Airbus
met une très forte pression sur les prix de ses sous-traitants, sur les quantités et sur le délai. Certains
disent que le niveau d’endettement de Latécoère qui l’a conduit à être repris par un fonds
d’investissements, était lié aux investissements massifs qu’il dut faire pour pouvoir s’aligner sur les
exigences de son donneur d’offre sur ces trois critères. La presse relate que les conditions
commerciales sont de plus en plus dures avec les PME sous-traitantes. Celles-ci auraient été
informées par courrier qu’il fallait baisser leurs prix de 10% entre 2015 et 2017. Les dirigeants
affirment ne plus pouvoir s’en sortir. Sur les appels d’offres, il leur est demandé de se positionner en
deux semaines, alors qu’il faudrait plus de temps pour réaliser les pré-études.

Tom Enders, le CEO d’Airbus Group, vise une rentabilité de 10 %. Le plan de restructuration Power 8
lancé en 2007 aurait d’ailleurs, selon de nombreux témoins, marqué un tournant dans les rapports
avec la chaîne d’approvisionnement. Un autre dirigeant de PME spécialisée dans les pièces de
structures précise : "La méthode est devenue sauvage. Les donneurs d’ordres pourraient être dans
une logique de partenariat et nous demander ce qu’il faudrait mettre en œuvre pour tenir les
objectifs. Mais ils exigent tout, tout de suite, sans plus aucune forme de discussion !“

Il faut rajouter à cela des retards de paiement. Normalement à 45 jours, les délais sont souvent
proche de 60 jours. Ce sont donc des PME qui assurent la trésorerie de leurs donneurs d’ordre. Elles
n’ont pas le choix puisqu’elles réalisent en moyenne 70% de leur chiffre d’affaires avec Airbus. La
question peut se poser si, étranglées financièrement, ces firmes pourront être en mesure de répondre
à des appels d’offres de plus en plus exigeants en termes de technologie et de volume.

Une dernière chose : pour suivre le ramp up sur l’ensemble de ses FAL, Airbus a du mal à recruter
du personnel qualifié. Il n’hésite pas à débaucher chez ses sous-traitants, quitte à les mettre en
difficulté par rapport à ses propres exigences. Comme la demande de personnel qualifié ne cesse
d’augmenter le marché est totalement déséquilibré. La réponse est de mettre en place des centres
de formation. Ce qui est possible pour de grosses entreprises l’est moins pour des PME.

Enfin, étant donné les montées en cadence pour l’A320-ceo et l’A330-ceo en fin de vie pour liquider
les derniers backlogs et pour l’A320-neo et l’A330-neo pour répondre au marché, les demandes pour
les sous-traitants renvoient largement aux mêmes produits. Vues les contraintes imposées par
Airbus, il leur est plus facile de répondre à ces commandes qu’à celles de l’A350 qui est un programme
totalement nouveau. Allouant leurs ressources sur des technologies déjà avérées sur des volumes
de commandes importants, il leur est difficile de répondre dans les délais aux commandes liées aux
trois modèles de l’A350.

Il semblerait que Zodiac ne soit pas le seul responsable de tant de retard. Rien d’étonnant à ce que
les sous-traitants aient du mal à produire les pièces au rythme prévu, générant des goulots
d’étranglement.

Enfin, un problème de fissures sur les fuselages de l’A400M pourrait se retrouver sur celui de l’A350.

9
Final Assembly Line
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Airbus dans le transport régional, ATR.
Cette activité occupe une place “secondaire“ dans la stratégie du groupe pour la simple raison que
le transport régional est resté très longtemps un marché de niche, avec une faible capacité passagers
et un faible rayon d’action. Il a constitué le dernier maillon de l’organisation en “hub and spokes“.
Ainsi, en 2013 lorsque Boeing et Airbus livrent à eux deux 1275 avions, le transport régional n’en
livre que 220.

L’offre est celle d’avions d’une capacité inférieure à 100 places avec une autonomie maximale de 3
000 Km. Sur des liaisons transversales avec une faible densité de passagers, ce type d’appareils
permettait d’optimiser les coûts de l’airline qui pouvait amener un passager d’un aéroport secondaire
connecté à un hub. Ce marché est apparu comme particulièrement attractif.

C’est dès les années 80 que l’Aérospatiale et Aeritalia s’allient pour constituer le GIE ATR (Avions de
Transport Régional). Actuellement, la structure de contrôle est de 50% pour Airbus Group et 50%
pour Alenia Aeronautica (filiale de Finmeccanica).

Ils prennent alors le parti de lancer un appareil turbopropulsé. Il avait l’avantage d’être moins
consommateur de carburant et d’être plus silencieux que les avions à turboréacteurs.

Les concurrents d’ATR sont le brésilien Embraer et le canadien Bombardier, actuellement en


difficultés, au point de chercher à se rapprocher d’Airbus.

E-Jets E-Jets Q400 CRJ CS 100/300 ATR 42 ATR 72


170/175 190/195 en cours

Opérateurs Embraer Embraer Bombardier Bombardier Bombardier ATR ATR

Passagers 70 - 88 98 - 124 70 - 80 69 - 104 110 - 125 48 - 50 68 – 74

Autonomie 3700 Km 4070 Km 2500 Km 3100 Km 4500 Km 1580 Km 1665 Km

En fait, le segment doit être à nouveau segmenté par rapport au mode de propulsion :
turbopropulseurs versus turboréacteurs. ATR n’est concurrencé que par la ligne Q-400 de
Bombardier. Cela dit, leur cible est la même. Le turbopropulseur bénéficie d’un avantage solide
depuis la hausse du prix du pétrole, c’est sa performance en termes de consommation qui en fait
maintenant tout son intérêt. Malgré tout, les airlines sont aussi sensibles à la vitesse. Ce mode de
propulsion est plus lent que les autres. L’avion régional est, malgré tout, tenu à des contraintes
d’horaires pour les correspondances des passagers. Comme pour tous les appareils, c’est le temps
passé dans le ciel avec un remplissage maximum qui constitue la base de leur rentabilité. Il s’en suit
que ce type de propulsion ne peut être rentable que si elle est utilisée sur des petits rayons d’action.

Ces avionneurs, notamment avec turboréacteurs, cherchent à améliorer les performances de leurs
appareils. Aller plus vite et plus loin avec de plus en plus de passagers. Leur stratégie est clairement
d’aller vers le court courrier et de prendre des parts de marchés aux 737-600 et aux A318 et A319
en fin de vie.

ATR a également réalisé un nouveau record en termes de livraisons d’avions, avec 88 appareils
contre 83 en 2014, et une progression de 72% par rapport aux 51 livraisons de 2010. Les problèmes
rencontrés par les sous-traitants l’ont toutefois empêché d’atteindre l’objectif de 95 livraisons. ATR
a tout de même atteint un nouveau record de son chiffre d’affaires en 2015, porté à 2 milliards de
dollars (2014 : 1,8 milliards).

ATR souhaite étendre sa gamme vers une capacité de plus de 90 passagers. Les motoristes sont
prêts, le marché est là, notamment dans les pays émergents. Sur la gamme actuelle, l’Asie
représente 39% du carnet de commandes et l’Amérique Latine 18%.

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Ce sont des régions où les équipements de transport terrestres ne sont pas suffisamment développés
qui laissent un espace pour le transport régional. D’autant que de nombreux aéroports n’ont pas de
pistes qui permettraient à des avions à réaction classiques de se poser facilement. Le développement
économique de ces pays constitue une réelle opportunité. Les Airlines locaux seraient donc
demandeurs d’appareils économes de plus grandes capacités puisque leur essor économique implique
des capacités d’emport plus élevé, que ce soit sur des routes transversales ou sur des radiales.

ATR souhaite développer un aéronef de plus grande capacité (plus de 100 places). Fabrice Brégier,
le patron de la branche Airbus s’y oppose. Il refuse de se lancer dans un nouveau programme dont
le coût est évalué à 2 milliards de dollars. Il préfère une montée en cadence des programmes actuels,
dans la gamme ATR. La réaction de son partenaire ne convient pas à Finmeccanica qui envisage
même un changement de gouvernance. En effet, la menace de nouveaux entrants est élevée sur un
marché attractif avec des ventes qui pourraient dépasser les 1000 aéronefs dans les 20 ans à venir.

COMAC est déjà prêt avec des turboréacteurs comme son ARJ-21 (70 - 80 places et une autonomie
de 3700Km) dont plus de 300 exemplaires ont été commandés par des compagnies asiatiques.

Les Russes, avec la firme UAC est opérationnelle avec des turboréacteurs. La famille Sukhoi SSJ-100
(75 - 100 places et 2500 - 4550 Km) est en circulation depuis 2011 avec près de 250 avions exploités.

Le japonais Mitsubishi Aircraft va proposer un turboréacteur, le MRJ-70/90 (78 - 92 places et une


autonomie de 1500 - 3300 Km).

L’indien Hindustan Aeronautics Ltd, spécialistes d’avions de combats et d’hélicoptères semble


intéressé par ce segment.

Sur le segment d’ATR, l’avionneur chinois Xi'an Aircraft Industrial Corporation, est déjà présent avec
2000 MA60 en service (60 passagers et une autonomie de 1430 Km) et travaille sur le segment des
plus de 70 places avec son prochain MA700 offrant des économies de 10% supérieures à son
précédent modèle. “Le MA700, d’une capacité de 70 à 80 sièges, ressemble beaucoup, tant par ses
dimensions que par ses caractéristiques techniques, à l’avion franco-italien ATR-72… pour ne pas
dire que c’est presque une copie conforme“ indique-t’on sur Air-Journal. Il est conçu pour être livré
en version allongée.

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B. Airbus Helicopters

1. L’industrie des hélicoptères.

Généralités
Lorsque l’on s’intéresse à la configuration générale d’un hélicoptère, on retrouve toute la terminologie
classique de l’aéronautique avion. On parle de cellule, comme pour le fuselage d’un avion. On parle
aussi de voilure, mais ce sont les rotors sustentateurs, mais aussi du rotor anticouple. Le groupe
motopropulseur n’a pas les mêmes fonctions, les commandes de vols n’on pas les mêmes missions.
Sur les servitudes de bord et sur l’avionique, des transferts de technologie peuvent être envisagés.
Les missions d’un avion sont simples tandis que celles d’un hélicoptère sont multiples et complexes.

On distingue les usages civils et les usages militaires.

Concernant les usages militaires, les missions affectées à chaque appareil sont très différentes :
reconnaissance et repérage de cibles, lutte antiaérienne, lutte anti-sous-marine et appui de troupes
au sol, le transport de troupe ou de matériel, éclairage des forces au combat de l’armée de terre,
l’évacuation des blessés, etc.

Les usages civils


concernent
essentiellement la
sécurité et l’assistance
pour la police et la
gendarmerie, la lutte
anti-incendie, l’aide
médicale d’urgence, le
transport vers les plate-
formes pétrolières off-
shore, l’acheminement
de matériaux dans les
endroits inaccessibles,
les usages privés et
d'affaires, les activités
touristiques. Ils sont
aussi massivement
utilisés pour l’épandage
agricole, les prise de
vue aérienne, les
reportages télévisés,
etc.

Tendances
Comme pour les avionneurs, le marché des hélicoptères civils est porté par les pays émergents.

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Le secteur traverse une crise sans précédent. En 2014, les livraisons ont baissé de 15%. Les
bénéfices ont augmenté car la demande s’est orientée vers des modèles de taille plus importante et
que les hélicoptéristes ont renforcé leur activité de services. La demande a encore chuté de 23% en
2015, pour cause de la crise du secteur pétrolier et gazier qui subit une baisse d’activité et qui a mis
un frein à la recherche de nouveaux gisements. Ce secteur représente la moitié des ventes
d’hélicoptères civils.

Il faut rajouter la décision du Pentagone de réduire ses commandes pour l’armée américaine, d’ici à
2020. Le marché américain absorbe à lui seul les deux-tiers du marché mondial des appareils
militaires. Le Pentagone a décidé de lancer un programme sur des hélicoptères de nouvelle
génération avec un financement de 100
milliards de dollars afin de remplacer sa
flotte actuelle (le “Future Vertical Lift“).
Avec des prévisions de commandes de
plusieurs milliers d’appareils, Locheed
Matin a décidé de racheter Sikorsky qui
avait été sélectionné pour participer à la
conception de prototypes.

La demande européenne est quasiment


inexistante. Faute de nouveaux
programmes, les hélicoptéristes
européens ont opté pour une
militarisation de leur gamme civile, afin
d’éviter les coûts de lancement d’un
nouveau programme et de l’obtention de
la qualification militaire.

2. Les acteurs
Dans le civil, fin 2015, le marché est
dominé par quatre groupes. Airbus
Helicopters est le leader dans le civil
avec un chiffre d’affaires de 8,3
milliards de dollars. Le groupe a une
exposition réduite vis-à-vis du marché
militaire puisqu’il ne réalise que 48% de
son CA dans cette activité contre 52%
dans le civil. Il compte sur ses
nouveaux H160 et X6 pour maintenir
son rang. Il est suivi par Sikorsky avec
7,5 milliards de dollars de chiffre
d’affaires, encore peu présent dans
cette activité (uniquement avec le S-92
et le S-76D), le groupe envisage de se
renforcer dans ce segment. Augusta-
Westland, sous total contrôle de
Finmeccanica, est devenu Finmeccanica
Helicopters et réalise un chiffre
d’affaires de 5,6 milliards de dollars.

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Enfin, Bell filiale de Textron a réalisé
un chiffre d’affaires de 4,2 milliards
de dollars.

Dans le militaire, en 2015, ce sont les


hélicoptéristes russes qui ont la plus
forte part de marché. United
Industrial Defence Corporation
OboronProm, est une association de
sociétés constructrices russes
d’hélicoptères. Plus de 8 000
hélicoptères de la production russe
sont exploités dans 110 pays au
monde. Traditionnellement, les
appareils produits par le holding sont
en forte demande dans le Moyen-
Orient, en Afrique, en Asie-Pacifique,
en Amérique latine, dans les pays de
la CEI.

Le marché mondial est dominé par les américains. Sikorsky est le leader sur le marché du militaire
sur lequel il investit plus que sur celui du civil. Suivi de Boeing absent du civil et de Bell, plutôt
positionné sur le civil. La position du chinois est dû à une forte demande intérieure. Parmi les “autres“
il faut compter l’indien Hindustan Aeronautics, le sud-africain Denel avec son hélicoptère d’attaque
AH-2 particulièrement efficace.

La crise de demande qui frappe cette industrie (civile et militaire) joue sur l’intensité concurrentielle
sur un marché où les six constructeurs en présence doivent se disputer une demande de 900
machines par an. Les tendances sur le marché militaire américain vont conduire Lockheed Martin,
Bell et Boeing à chercher des débouchés à l’export.

3. Airbus Helicopters
De 2013 à 2016, les livraisons ont chuté de près de 20% avec un montant de 395 appareils. Sur
cette période, le chiffre d’affaires a malgré tout augmenté de près de 6% pour atteindre les 6,7
milliards d’euros et l’EBIT de 4% avec 427 millions d’euros. Airbus Helicopters est sur une activité à
forte valeur ajoutée, avec la possibilité de customiser ses aéronefs selon une multitude de besoins.
C’est sur la maintenance et les services que Airbus est parvenu à maintenir son niveau d’activité et
de rentabilité.

La crise qui frappe le secteur du militaire (-64% entre 2014 et 2015) n’a pas épargné le groupe,
malgré une moindre exposition au marché militaire. En revanche le civil et parapublic s’est effondré
de 45% sur cette même période. Le premier semestre 2015 seulement 269 appareils ont été vendus.
Ces ventes ont permis une augmentation de ses parts de marché de 10%, grâce à ses nouveaux
produits (H175 et la nouvelle version du H145) et un taux de change euro/dollar favorable. Le H175,
le modèle de transport civil de 7 tonnes, a été un succès avec une quarantaine de commandes en
2015. Le groupe compte aussi sur son hélicoptère “low-cost“ le H215 qui sera assemblé en Roumanie.
Il vise le marché du renouvellement de flotte en Europe de l’Est (600 appareils), Amérique Latine
(400) et pays Asiatiques (100). Soit un marché de près de 2,7 milliards d’euros par an. Airbus, fin
octobre 2015 a décidé d’installer une FAL H135 en Chine pour répondre à la demande locale pour
des besoins en EMS10 et maintien de l’ordre.

Se rajoute à ce contexte, une succession d’accidents dramatiques et d’incidents graves sur des
appareils civils d’Airbus en Ecosse, en Angleterre et en Norvège (deux fois), qui ont parfois entrainé
des suspensions de vols sur les modèles concernés. Cela a entamé la confiance des clients car les
causes étaient liées à des raisons techniques impliquant la responsabilité de l’avionneur. Cette

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Electronics Manufacturing Services
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confiance était déjà mise à mal par les multiples problèmes liés aux retards de livraison de pièces
détachées.

Certains hélicoptéristes se sont orientés vers des innovations de rupture avec les appareils hybrides.
Ainsi l’AW609 de Finmeccanica Helicopters et le V-22 de Boeing-Bell sont équipés de deux rotors
basculants, de part et d’autre de l’appareil. Suivant la phase de vol, cet hélicoptère cumule les
avantages de l’hélicoptère, avec un atterrissage et un décollage à la verticale, et de l’avion à hélices,
avec une vitesse de croisière plus élevée. Airbus a développé le X3 qui est un appareil qui cumule
les fonctions de l’hélicoptère et celles de l’avion. Il n’est toujours pas commercialisé.

Parallèlement Airbus à lancé un nouveau modèle pour renforcer sa présence dans les hélicoptères
moyens, le H160. Après avoir détenu 40% de parts de marché avec le Dauphin qui n’a pas pu résister
à son rival de Finmeccanica Helicopters l’AW189, le groupe ne détient plus que 25% de parts de
marché sur ce segment. Ce modèle est présenté comme une véritable rupture technologique, en
intégrant les matériaux composites. La forme de pales et la nouvelle motorisation doit permettre de
réduire le bruit de 50%, de maximiser les économies de carburant. L’appareil dispose d’une
autonomie de 843 Km. le H160 est crédité d’une vitesse de croisière de 296 km/h, d’une capacité
d’emport de douze passagers sur des distances pouvant atteindre 222 km pour les opérations dans
le secteur gazier et pétrolier et d’un rayon d’action de 834 km pour les missions de service public ou
les opérations de recherche et de sauvetage. Malgré tout lors du salon Heli Expo 2016 qui s’est tenu
en mars 2016 à Louisville aux USA, aucune commande ne fut passée.

Les hélicoptéristes cherchent de nouveaux marchés Ainsi, Airbus s’est rapproché du californien Uber
pour transposer dans les hélicoptères le modèle économique des véhicules avec chauffeur. Airbus
est donc prêt à fournir des H125 et des H130 pour assurer des transports à la demande. Cette niche
aurait selon son PDG un très gros potentiel. Ils cherchent à développer le MRO. cela suppose de
renforcer la présence mondiale en termes de sites de maintenance. Bell est le meilleur dans ce
domaine avec une centaine de sites répartis dans 34 pays.

Airbus Helicopters a décidé de s’inspirer des modes d’organisation industrielle de l’automobile. Les
unités de production se situent à Marignane et La Courneuve, pour la France, à Donauwörth en
Allemagne et à Albacete en Espagne. Contrairement à l’aviation, aucun des sites n’est spécialisé sur
un sous-ensemble de l’aéronef, de façon à ne pas perdre la maîtrise de la conception ni de la
fabrication de l’ensemble.

Son PDG, Guillaume Faury, indiquait à la presse : “Sur les chaînes de production, cela revient d’abord
à écrire des standards de production, formaliser, effectuer les actions de manière répétitive et
commune. La standardisation et la répétabilité sont trop peu mises en œuvre dans les productions
en petite série. Elles permettent de tirer la qualité vers le haut. » Sur le plan, il a transposé quelques
outils tels que Management visuel, méthodes de résolution de problèmes communes, partage des
indicateurs, renforcement du travail en équipe. le temps d’assemblage final sera ramené de 36 à 18
mois.

Airbus Helicopters a investi 130 millions d’euros dans une nouvelle usine de production de pales
d’hélicoptères de 40 000 m² à Dugny (Seine-Saint-Denis). Ultramoderne et automatisée, elle va
remplacer dans le courant de l’année 2016 son installation devenue vétuste de La Courneuve. Cette
unité de production dotée de tels équipements et avec de nouveaux modes d’organisation devrait
permettre de réduire les coûts de 15%.

Légers monoturbine EC130 & AS350, Robinson R66, Bell 407, Airbus helicopters

Légers biturbine EC135, Bell 429, Agusta-Wesrland AW109

Moyens biturbine EC145, AW139, AW169, Bell 412, Sikorsky S-76D

Lourds multiturbine EC225 (Super-puma), Sikorsky S92

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C. Airbus Defence & Space

Début 2014, dans le cadre de la réorganisation d’EADS en Airbus Group, est effectué le
rapprochement des activités de défense et des activités spatiales, notamment de la fusion entre
Cassidian, Astrium et Airbus Military.

Cette nouvelle société est organisée en quatre branches principales :

 Military Aircraft, reprenant les activités d’Airbus Military


 Space Systems, qui reprend les activités d’Astrium :
o Space Transportation (les lanceurs et infrastructures orbitales)
o Satellites (dont systèmes au sol)
o Services (développement et fourniture des services satellitaires).
 Communication, Intelligence and Security, qui reprend une partie des activités de Cassidian pour
les systèmes de communication satellitaire et terrestres, solutions de renseignements et de
sécurité.
 Electronics, qui est composée d'une partie des activités électroniques de Cassidian ainsi que
d'une partie de l'ancienne division Équipements d'Astrium Satellite
En mars 2016, Airbus Defence and Space a vendu sa division d'électronique de défense basée à Ulm
en Allemagne pour environ 1,1 milliard d'euros (environ 4000 salariés, principalement sur le site
d’Ulm en Allemagne). Cette division gère les capteurs militaires, la guerre électronique, l'avionique
et l'optronique, pour un CA annuel d’environ 1 milliard d’euros. Cette vente s’est effectuée au profit
du fond de pension américain KKR

A fin 2015, Airbus Defence and Space réalise un chiffre d’affaires de 14,4 Mds €, réparti comme suit :

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Airbus Defence & Space possède les participations importantes dans Eurofighter GmbH (46%) du
capital, avec BAE (33%) et Alenia (31%). Le programme a du mal à se développer. Les pays qui
s’étaient engagés revoient tous leurs commandes à la baisse (y compris les européens). Il faut
rajouter de cuisants échecs à l’export. Une fin prévisible du programme en 2018 est sérieusement
envisagée. L'avion de combat européen Eurofighter ne séduit plus mais les Etats qui le développent
(Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni) continuent d'investir pour son développement. Ils ont
décidé, fin 2014, de débloquer un milliard d’euros pour installer un radar de nouvelle génération sur
l'Eurofighter Typhoon. Ceci devrait rapprocher l’avion du niveau de ses concurrents, dont le Rafale.
Ceci est défini comme “l’opération de la dernière chance“. Il est aussi dans le capital du fabricant de
missiles MBDA (37,5%),% dans Arianespace (27%).

Airbus détient aussi 46,3% du capital de Dassault Aviation. Airbus a décidé fin 2014 de céder cette
participation par paquets. Deux blocs de 10% vont être rachetés par le groupe Dassault. Ensuite,
Airbus cèdera les 26,3% restants. Au moment de l’annonce la participation d’Airbus étaient évaluée
à 4,4 milliards d’euros. “Cette opération fructueuse est un pas de plus dans la mise en œuvre de la
stratégie et la revue de portefeuille du Groupe“, a déclaré Marwan Lahoud, Directeur Général délégué
à la Stratégie et au Marketing d’Airbus Group.

1. Military Aircraft

Le contexte
Le marché est totalement dépendant des dépenses militaires engagées par les Etats dans leur budget
défense. Celui-ci est largement déterminé par les évolutions géopolitiques et les risques de conflits
armés.

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La crise de 2008, avec le
surendettement des Etats les a
conduits à réduire l’ensemble de leurs
dépenses, y compris les budgets
militaires.

Les grandes menaces géopolitiques qui


avaient conduit les pays de la triade à
renforcer leurs investissements dans le
militaire, ont disparu. Les enjeux de
sécurité nationale dans les pays
industrialisés face à un conflit inter-
étatiques semblent négligeables. Les
nations cherchent un équilibre
économique sans passer par la lutte
armée. Le conflit prend aujourd’hui la
forme du terrorisme, ce qui n’implique
plus la nécessité d’être une grande
puissance militaire.

Parallèlement, la guerre prend une autre forme, celle de la cyberguerre. Selon le Pentagone
américain ces menaces de cyberguerre dépassent désormais celles du terrorisme. Les cyberattaques
se multiplient. Ainsi en 2015, les services secrets britanniques ont découvert une tentative de l’Etat
Islamique (EI) d’accéder aux courriels de ministres et de membres de la famille royale, avec des
assassinats à la clef. Le GCQH (Government Communications Heaquarters ou Quartier général des
Communications du gouvernement), une agence des services de renseignement britanniques a
découvert la cyberattaque et a réussi à empêcher un attentat. Le pentagone a lui-même subi une
cyberattaque provenant de pirates russes, contre un système de courriels non confidentiels de l'état-
major interarmées. Notons le rôle que joue dans ce cyberespace le groupe de hackers Anonymous.

En ce qui concerne la vente d’armements, l’attitude agressive de la Russie depuis l’annexion de la


Crimée, a poussé les Etats baltes, l’Europe centrale et surtout la Pologne à réarmer. Cette dernière
a par exemple prévu un budget défense en hausse de 9,4 % en 2016 par rapport à l’an passé. Suite
aux attentats terroristes, la France a mis un terme à la diminution des personnels militaires et de
son budget de la défense. L’Allemagne a programmé 34,2 milliards d’euros de dépenses militaires
en 2016 contre 32,9 milliards en 2015.

Les opérateurs américains conservent le leadership dans la vente d’armements. Si l’axe militaire
franco-britannique était allé jusqu’au bout de sa logique avec la fusion entre EADS et BAE Systems,
le plus grand groupe mondial serait né avec un chiffre d’affaires de 45,5 Mns$.

Ici le processus de commercialisation passe d’abord par le lobbying politique et ensuite, par les
accords de compensations industrielles. Enfin, ce n’est pas dans les classiques salons que
s’apprécient les qualités d’un appareil, mais dans son efficacité au combat. Un pays qui procède de
façon récurrente à des opérations militaires peut montrer la valeur de son matériel.

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Sociétés Ventes Résultats Sociétés Ventes Résultats
d’armes net (Mn$) d’armes net (Mn$)
(Mn $) (Mn $)

36 270 2 655 Northrop 21 390 2 118


Lockheed Martin
Grumman

Boeing 31 830 4 018 EADS (trans- 16 390 1 422


Europe)

BAE Systems (UK) 29 150 2 349 Finmeccanica 14 560 –3 206


(Italy)

General Dynamics 23 760 2 526 L-3 12 520 956


Communications *

Raytheon 22 470 1 896 United 11 640 5 347


Technologies **

* Cette firme est spécialisée dans la défense et l'armement. Elle est issue, en 1997, d'une scission
de Lockheed Martin juste après la fusion entre Lockheed et Martin Marietta en 1995.

** UT était implantée dans l’armement et l’aéronautique grâce au contrôle de Sikorsky à ses


participations de près de 24% dans Pratt&Whitney.

La gamme d’avions de transports


Cette division avait généré en 2013 un chiffre d’affaire de 2,9 milliards d’euros et un EBIT de 166
millions d’euros. Le groupe travaille sur deux segments, celui du transport de troupes et de matériels
et celui des avions ravitailleurs.

C’est en fait CASA qui a apporté ce savoir-faire dans le transport militaire.

Le CASA C-212 est un avion de transport tactique et logistique biturbopropulseur. Il est conçu pour
effectuer des missions de parachutage, de transport militaire, d’évacuation sanitaire sur zone de
combat et de surveillance maritime. Il fait partie de la gamme Light Military Transport avec une
capacité d’emport de 2 à 3 tonnes ou 25 passagers. Il peut se poser sur des pistes courtes et non
revêtues. Il n’a que deux concurrents, le M-28 du polonais Polskie Zaklady et DHC du canadien
Viking. Mis en service en 1974, produit en plus de 450 exemplaires, il est toujours en activité.

Le Airbus Military C295 & CN-235, est un avion tactique de transport léger biturbopropulseur à cabine
pressurisée. Il est parfaitement adapté pour les patrouilles maritimes. Il fait partie de la gamme
Medium Military Transport, avec une capacité d’emport de 6 à 9 tonnes. Son rayon d’action est de 5
000Km. Il est devenu leader sur ce segment avec 58% de parts de marché quand il a remplacé une
partie de la gamme HC-130 Hercule de Lockheed-Martin en fin de vie. Grâce à son aérodynamique
et son système propulsif, il permet de solides économies d’exploitation. Une version améliorée du C-
295, baptisée W pour “Winglets“, qui sont en fait les sharklets de l’A320 Neo, a été lancée en 2013
avec une nouvelle motorisation, permettant de nouveaux gains d’exploitation, d’autonomie et de
capacité d’emport. Outre cette nouvelle voilure, le C-295W adopte la nouvelle version du
turbopropulseur PW127G de Pratt & Whitney.

Ces différents modèles sont un réel succès compte tenu de leur fiabilité.

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C212 C295 CN295

Commandes 483 167 283

Livraisons 478 147 274

En opération 221 145 234

Airbus était absent du segment Heavy Military Transport, sur lequel se situaient Lockheed-martin
avec son C130J et Boeing avec son C17 version upgradée des DC de Douglas, et le russe Antonof
avec son An-70. Ses partenaires européens demandèrent à Airbus Military de concevoir ce que l’on
appelait un Future Large Aircraft, l’A400M. L’idée était de faire un avion se situant entre les
performances des deux concurrents. Une capacité voisine de celle de Boeing pour un prix voisin de
celui de Lockheed.

Le programme de l’A400M fut lancé.

Le projet était de réaliser un avion multifonctions. Il a été conçu pour avoir une capacité de charge
supérieure à n’importe quel avion de transport équipé́ pour des missions tactiques, à laquelle s’ajoute
une autonomie également supérieure, qui lui permet d’être utilisé pour des missions stratégiques.

Son rayon d’action est de 3 300Km avec une charge utile de 37 tonnes, de 4500 Km avec 30t et de
6400 Km avec 20t. Les avions actuellement en circulation, ne parviennent pas à la moitié de ces
différents rayons d’action.

Avec une vitesse de croisière de plus de 0,72 Mach, il est beaucoup plus rapide que ses concurrents.
La cellule a été conçue avec une soute extrêmement vaste pour permettre de transporter des charges
volumineuses avec la possibilité de transporter plus de 50 hommes de troupe en cabine. Son train
d’atterrissage lui permet de se poser et de décoller de toute type de terrain, y compris sur une piste
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de moins de 1Km avec une charge utile de 25 tonnes. Le train a été aménagé pour faciliter le
chargement et le déchargement du matériel au sol. Enfin, sa possibilité de voler aussi à faible allure
à basse altitude en fait un parfait appareil de largage de troupes et de matériel.

L’organisation logistique est particulièrement complexe, tout autant pour des raisons économiques
que politiques.

Le mode d’organisation a entrainé des retards importants, avec d’importantes pénalités à accorder
aux états clients. L'avionneur a aussi dû accorder à chaque pays une part de la fabrication de l’avion,
dispersant ainsi les responsabilités et ralentissant toute forme de coordination. Les états partenaires
avaient décidé de concevoir un turbopropulseur européen. Cette décision se traduisit par la création
d’Europrop International (consortium intégrant Safran, Rolls Royce, MTU et l’espagnol ITP). Cette
organisation est largement à l’origine des retards dans la conception des moteurs. Ces retards ont
été limité par des politiques de contrôle accélérées. Ce n’est pas sur une montée en cadence que le
consortium de motoristes aura le plus de difficultés, mais sur le fait de garantir la fiabilité attendue
sur la durée. Par conséquent, en 2010, le programme avait déjà plus de trois ans de retard et
supposait que les gouvernements remettent des fonds11, soit 11 milliards d’euros. Sur un
programme dont le coût de lancement avait été très élevé, cela fait près de 80% d’augmentation du
budget pour produire les 180 avions commandés par les pays de l’OTAN. Ce qui faisait un coût
unitaire de l’avion avoisinant les 200 Millions d’euros.

Sur le plan des prévisions, la direction d’Airbus Military envisage un marché global de 700 unités, sur
lequel Airbus Military prévoit d’en contrôler 71%. Le seuil de rentabilité se situe à hauteur de 140
avions pour Airbus Military. Cela semble difficile pour l’A400M, car celui-ci est un avion multifonction.
Certains experts se posent la question de savoir quels sont le pays qui ont besoin ce type de produit
capable de remplir à lui seul toutes ces missions. Ceci pose la question du périmètre du marché et
du nombre de commandes. Le carnet de commandes était de 220 A400M en 2012 avec 29 livraisons.
En février 2016, il était de 174 aéronefs ; 23 avions avaient été livrés et 23 appareils étaient
exploités. Le modèle industriel semble avoir des difficultés à gérer les backlogs.

En mai 2015, un A400M s’abimait en Espagne lors d’un vol d’entrainement, suite à une perte de
puissance sur trois moteurs. La cause est liée au programme informatique de contrôle des moteurs
qui a été mal installé au moment de l’assemblage final, suite à une précipitation dans le montage
afin d'éviter tout risque d’un nouveau retard industriel. Une précipitation des équipes qui s’explique
par un retard de 2 700 heures accumulées en amont, sur le site de fabrication allemand de MTU qui
a eu des difficultés à développer ce système informatique de contrôle moteur et à en obtenir la
certification.

11
L’Allemagne a indiqué qu’elle refusait de débourser plus des 650 millions d’euros supplémentaires prévus dans
le contrat pour couvrir l’inflation et des surcoûts.
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En Allemagne, plus de 800 défauts furent relevés sur le premier appareil livré à la Luftwaffe. En
France, l’incapacité des premiers avions à ravitailler en vol les hélicoptères ou bien encore à larguer
des parachutistes par les portes latérales reste encore un sujet de préoccupation.

Vient alors se rajouter en 2016, un problème mécanique moteur au niveau des boîtiers de
transmission (AGB accessory gearbox), fournis par l’entreprise italienne Avio aéro (filiale de General
Electric). De trop fortes sollicitations sur les pignons entrainent la production de limaille ce qui
nécessiterait des opérations de contrôle toutes les vingt heures de vol. Le fournisseur cherche des
solutions.

Concernant les moteurs, un rapport démontre la difficulté de réapprovisionnement en pièces


détachées, ce qui impliquerait une immobilisation de l’appareil pendant plusieurs mois, en cas de
panne.

Des fêlures ont été découvertes par l’armée de l’air allemande sur le fuselage de certains appareils
dus à la corrosion d’un alliage en aluminium. Ces problèmes pourraient aussi concerner l’A350.

Ces derniers incidents ont conduit les allemands à vouloir sortir du programme A400M pour s’orienter
vers le Lockheed C-130J Super Hercules.

Aussi, Airbus précisait que "le coût issu de l'évaluation devra être adapté en conséquence, mais à ce
stade nous n'avons pas de vision suffisamment mure des conséquences techniques, commerciales
et industrielles, et de leur potentiel impact sur les publications financières, qui pourraient être
significatifs », d’où une incapacité totale à valider l’objectif de 20 livraisons pour 2016. Pour le
groupe, les difficultés liées à l’A400M se sont traduites par l’imputation de 290 millions d’euros en
charges exceptionnelles au premier semestre 2016.

L’avion mixte : A330- MRTT. Il y avait dans l’aéronautique de défense européenne une lacune, celle
d’un avion très long courrier transporteur de troupe et surtout ravitailleur. EADS a décidé de produire
une version militarisée de son A330, avion à fuselage large, baptisée A330-MRTT (Multi-Rôle
Transport Tanker). La conversion se fit en lui implantant la voilure de l’A340 de façon à augmenter
sa capacité d’emport. Le volume de carburant contenu dans les ailes étant supérieure à ses besoins
propres lui permet d’approvisionner d’autres avions de combats (bombardiers et avions de chasse).
La voilure retravaillée avec des “sharklets“ permettait d’augmenter l’autonomie et simultanément la
capacité d’approvisionnement. Il peut transporter 111 tonnes de carburant dans les ailes. Airbus
Military a un produit bien conçu et finalement à peu de frais, parce qu’il n’est autre que la
customisation d’un avion déjà amorti. Ceci était indispensable compte tenu de la taille du marché et
des barrières à l’entrée politiques qui auraient compromis le dépassement du point mort sur un
programme totalement nouveau. L’A340 étant un quadriréacteur, les emplacements des nacelles
non utilisées ont été remplacés par des “gousses de ravitaillement“. Ce qui permet de ravitailler deux
avions simultanément. L’aménagement de la cellule permet de conserver la totalité de la cabine pour
le transport de troupes et d’utiliser la soute cargo pour le matériel militaire. Cet avion peut
transporter 300 soldats et 45 tonnes de charge utile. Le prix d’un A330—MRTT est de 117 millions
d’euros. Le carnet de commandes en février 2016 se monte à 49 appareils. Le nombre de livraisons
se montait à 27 et le nombre d’aéronefs en opération s’élève à 27.

Les concurrents sont Boeing et Lockheed. Ceci compromet sérieusement les chances du groupe
européen dans ses réponses aux appels d’offres du gouvernement américain face au lobbying des
opérateurs locaux. Ainsi en 2008, Boeing avait réussi à faire annuler le contrat qu’Airbus avait
pourtant remporté.

En dehors du marché américain sur lequel Boeing usa de toute son influence pour faire éliminer
Airbus, c’est l’A330-MRTT qui remporte tous les appels d’offre au détriment du KC-46A de Boeing.
L’A330 MRTT s’est imposé en Corée, en Australie, au Royaume-Uni, en Arabie Saoudite, aux Emirats
Arabes Unis, à Singapour, en Inde, au Qatar et en France.

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2. Space Systems

Le contexte budgétaire
Le contexte du secteur spatial européen reste, malgré les problèmes des pays membres, encore
attractif. La France est un contributeur actif puisqu’elle participe au financement de l’agence spatiale
européenne (ESA, à hauteur de 22,6% du budget 2016) et du CNES.

Le budget du CNES a quant à lui augmenté entre 2014 et 2015 et représente un montant de 2,1
milliards d’euros.

Le contexte concurrentiel
L’industrie du spatial a connu une croissance soutenue mais stabilisée en raison du renforcement de
l’intensité concurrentielle, en particulier avec l’émergence de nouveaux concurrents des pays
émergents et l’apparition d’opérateurs privés. La concurrence dans le domaine des lanceurs spatiaux
s'est accrue, toujours avec l’industrie aérospatiale américaine très opérationnelle et Russe, même si
celle-ci a encore des difficultés avec ses lanceurs « Proton ». Ce lanceur est fabriqué par ILS, filiale
de Lockheed Martin, lui-même constructeur des fusées Atlas. Boeing a récupéré après le rachat de
MDD les lanceurs Delta.

Se rajoutent les chinois et les indiens qui viennent d’entrer dans la compétition, et le secteur privé
américain, avec Space X fondée en 2002 par l’industriel Elon Musk.

Cet opérateur a lancé pour la première fois en 2010 son Falcon 9 qui peut embarquer 13 tonnes en
orbite basse et 4,5 tonnes en orbite géostationnaire. Son prix de lancement est de 56,5 millions de
dollars (41,8 millions d’euros), soit le plus bas du marché. En outre, cette firme travaille sur le
concept de fusée réutilisable afin de diminuer les coûts de lancement, et a réussi par trois fois à fin
mai 2016 à faire atterrir la dernière évolution du Falcon 9.

On peut également noter les activités de Blue Origin fondé par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, qui
a réussi en novembre 2015 le 1er atterrissage de lanceur, coiffant au poteau Space X. Le lanceur
New Shepard est néanmoins moins ambitieux à ce stade que le Falcon 9.

Boeing a lancé en 2012 le premier satellite commercial de télécommunications à propulsion


uniquement électrique, le 702SP, mis en orbite par le Falcon 9.

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On peut également noter les enjeux actuels considérables relatifs aux constellations de satellites de
communication visant à diffuser internet sur toute la planète :

 OneWeb, soutenu par Airbus qui a participé au tour de table de levée de fonds, qui vise à mettre
en place une constellation de 900 satellites construits par Airbus Defence and Space, lancés par
Ariane Espace et Virgin Galactic. On peut noter l’implication personnelle de Tom Enders dans la
défense de ce projet.
 Google a investi en 2015 1 Md$ dans Space X suite à l’annonce d’Elon Musk, avec pour projet de
lancer une constellation de 4000 micro-satellites
 Google a également investi dans la constellation O3b (other 3 billion) qui a commencé à lancer
ses satellites développés par Thales Alenia Space en 2013
 Facebook collabore avec Eutelsat afin de lancer le satellite Amos-6 visant à couvrir l’Afrique,
toujours sur la fourniture d’internet
Le segment des satellites se segmente en termes de taille. Des petits, pour lesquelles Ariane est mal
adaptée et les volumineux qui est dans le cœur de compétence d’Ariane. Des lignes de crédits ont
été affectées à l'adaptation d'Ariane 5 pour augmenter le volume sous la coiffe. Cette augmentation
du volume sous coiffe, 2 mètres de plus en hauteur, permettra à Arianespace de suivre l'évolution
du marché des satellites qui deviennent plus volumineux. Cela dit ce marché est relativement étroit
(20 à 30 par an). Il concerne essentiellement les satellites commerciaux. En effet, les satellites
militaires et scientifiques sont beaucoup moins volumineux.

On peut ainsi noter qu’en 2014 et 2015, Il y a eu autant de tirs d’Ariane que de Falcon 9.

En 2014 a été décidé le lancement du programme Ariane 6, en décidant de poursuivre dans la lignée
des lanceurs consommables, car le développement d'un lanceur entièrement réutilisable serait bien
trop coûteux (entre 13 et 19 milliards d'euros) et la maintenance d'un tel lanceur coûterait aussi cher
que l'actuelle Ariane 5. Airbus et Safran sont les deux principaux industriels impliqués dans la
construction de ce nouveau lanceur. Ils ont fondé une coentreprise nommée ASL (Airbus Safran
Launchers) qui réunira à terme quelque 8000 employés. Le but est de diminuer le prix d’un lancement
de 200 M$ à 100 à 120 M$, et de permettre les lancements multiples des petits satellites grâce à
son étage supérieur réallumable.

Néanmoins malgré ce choix du consommable, les études en Europe se poursuivent sur les moteurs
réutilisables (le moteur, la baie de propulsion et les équipements d’avionique liés représentent 70 à
80% de la valeur totale d’une fusée) :

 Airbus Defence & Space travaille sur un concept baptisé Adeline. Le lanceur équipé du système
Adeline décolle normalement, larguant son premier étage une fois hors de l’atmosphère. Le
"module de retour" (les parties réutilisables) redescend sur terre à une vitesse supérieure à Mach
5. Une fois de retour dans l’atmosphère, l’engin se mue en petit drone, en mettant en marche
deux hélices amovibles sur ses ailes, qui lui permettent de finir son vol comme un avion.
 Le CNES étudie un moteur réutilisable, baptisé Prométhée, qui pourrait fonctionner à oxygène
liquide et méthane liquide

Les activités de Space Systems (ex-Astrium)


La filiale Astrium avait réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de 5,7 milliards d’euros et un EBIT de 347
millions d’euros. En 2015 la division Space Systems d’Airbus Defence & Space a réalisé un CA de 4,2
Mds €.

Airbus D&S Space Systems travaille sur la fourniture d’un service complet à son client : conception
et construction du satellite, mise sur en orbite avec le service de contrôle et de surveillance.

Pour en arriver là de multiples et interminables négociations eurent lieu entre les pays européens au
cours des années 70. Pour conclure un accord acceptable, la France proposa de participer à hauteur
de 60% au projet initial en s’engageant à payer tout dépassement budgétaire (au-delà de 120%).
En contrepartie, le CNES est maître d'œuvre et l’Aérospatiale est le maître d’ouvrage sachant que

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chaque pays a tenu à être impliqué industriellement. Le programme Ariane pu démarrer et connaître
un succès sans précédent donnant 50% du marché à l’Europe.

La division est scindée en plusieurs activités principales.

(1) Space Transportation


Cette division est spécialisée dans la conception et fabrication de lanceurs et leurs dérivés.

Les quatre premières générations de fusées Ariane étaient spécialisées dans la mise sur orbite de
satellites lourds géostationnaires. Ariane 5 est maintenant capable d’élargir sa gamme et de placer
des charges lourdes aussi bien en orbites basses qu’en géostationnaires. La demande semble aussi
se porter sur des satellites plus légers, d’où les orientations choisies pour le programme Ariane 6.

Le principe du lanceur fut transféré au militaire avec la fabrication de missiles nucléaires. Le missile
M51 est un missile balistique de mer-sol. Son ogive peut contenir plusieurs têtes nucléaires et qui
équipe les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins depuis 2007. Sa portée est de plus de 10 000
Km. C’est le dernier de toute une famille de 5 éléments.

Une autre activité de cette division est la conception d’infrastructures orbitales, stations spatiales
internationales habitées ou non, comme le module Columbus de l’ISS, ou L’ATV chargé du
ravitaillement de cette station.

(2) Satellites
Cette branche s’occupe de la conception et de la fabrication de trois types de satellites.

 Télécommunication. Ils sont destinés à des usages civils et militaires. Ces satellites
géostationnaires conviennent parfaitement aux
applications de transmissions pour la radio et la
télévision. Ils sont aussi parfaitement adaptés pour
les télécommunications fixes ou mobiles et internet
(plutôt à usages militaires ou industriels).
 Observation scientifique. Ils permettent des
applications exploitables dans le civil comme dans
le militaire telles que la cartographie, la
météorologie, la prospection minière et pétrolière,
la surveillance agricole, …, mais aussi la
reconnaissance et l’observation militaire. Il peut y
avoir d’importants transferts de technologie d’un
usage militaire vers le civil et une certaine forme
de standardisation. Pour des usages scientifiques,
Airbus Defence & Space peut faire des satellites sur
mesure. Le groupe est aussi capable de produire
les stations sol pour traiter et exploiter les
informations envoyées par le satellite
 Navigation satellite. Astrium a joué un rôle
déterminant dans la réalisation du projet européen
de géolocalisation « Galileo», concurrent du GPS
américain, utilisable dans les transports aériens
terrestres ou maritimes.
La concurrence est sérieuse dans le segment des satellites, en 2011 en valeur Astrium réalisait 18%
de part de marché.

(3) Services
Cette branche est spécialisée dans les services de communication militaire (environ 2000 personnes).
Elle est notamment chargée du service Galileo (GPS européen)

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IV. Le regard du financier

L’étude portera principalement sur la partie financière en comparant les principaux acteurs sur les
marchés. Ces acteurs sont d’abord des concurrents mais peuvent devenir des opportunités de
croissance pour Airbus Group.

L’analyse se limitera à l’étude du binôme Boeing-Airbus. Les positions de Bombardier, Comac et


Embraer seront simplement évoquées

A. L’évolution du marché.
La progression continue du trafic aérien depuis 2010 s’est traduite par une augmentation significative
des commandes des industriels de l’aéronautique. Leur profitabilité atteint également des niveaux
record. L’année 2015 a confirmé la tendance d’une hausse de trafic toujours soutenue par le
dynamisme des pays émergents. Ces derniers ont néanmoins connu une période agitée caractérisée
par une baisse de leur taux de croissance et un affaiblissement de leurs monnaies.

Le ralentissement des économies matures a provoqué une baisse importante des prix du pétrole.
Cette nouvelle donne pourrait conduire les compagnies aériennes à différer leurs achats de nouveaux
avions. Il est probable que le carnet de commande des avionneurs se dégarnisse : les cadences de
production ont augmenté et pourraient être supérieures aux nouvelles commandes et on devrait
aussi voir des différés voire des annulations de commandes. Par ailleurs l’appétit non démenti des
financiers pour le risque aéronautique pourrait se reporter sur d’autres secteurs.

Le niveau très bas des taux d’intérêts présente aussi des inconvénients ; la valeur résiduelle de
nombreux appareils s’est effondrée. Les modèles de financement d’appareils sont fragilisés et
provoquent une concurrence exacerbée sur les pièces d’occasion.

La solvabilité de nombreuses compagnies aériennes reste fragile. Ces compagnies, qui se trouvent
majoritairement dans les pays émergents, seraient les premières victimes d’une hausse des taux.
Toutefois, les compagnies nord-américaines ont connu récemment un redressement financier
spectaculaire ainsi qu’une consolidation du secteur. Cet assainissement a provoqué un rebond
important de leurs commandes.

Les constructeurs se sont adaptés en augmentant les cadences de production. La hausse des
livraisons pourrait alimenter le spectre des surcapacités. Les livraisons d’appareils neufs semblent
dépasser les besoins. A ce titre, le segment des gros porteurs pourrait être le plus fragile à court et
moyen terme. Certes les longs courriers continuent de présenter une belle visibilité à long terme,
mais l’arrivée du B787 pourrait créer des surcapacités. Les segments des courts/moyens courriers
semblent plus sains même si l’arrivée de nouveaux entrants pourrait modifier la donne.

Les livraisons d’appareils commerciaux mesurés en masse sont passées de 25000 tonnes en 1985 à
plus de 70000 en 2012 soit un taux de croissance moyen annuel de 4% par an. Le phénomène s’est
accéléré en 2013 atteignant les 90000 tonnes.

L’envolée des livraisons concerne surtout les gros porteurs (notamment A380 et B747) passant d’un
pallier de 200 appareils/an entre 2007 et 2011 à plus de 300 depuis 2012. Ce niveau de livraisons
et plus encore de commandes pourrait conduire à des surcapacités très prochainement. Un long
courrier a une capacité siège offert au kilomètre nettement supérieure à un court/moyen-courrier.
Les plans de charge anticipés des avionneurs pourraient ainsi dépasser les besoins des compagnies
sur ce segment, en dépit du dynamisme des marchés émergents.

A noter que quand Boeing prévoit un besoin de marché de 790 B 747-8 pour les 20 prochaines
années, Airbus prévoit 1330 A380 ! Boeing a d’ailleurs récemment abaissé sa cadence de production
de B747-8 de 2 à 1.75 unité par mois.

Les commandes dans ce secteur représentent 3,1 années de production contre 8 années pour les
court/moyen-courriers.
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De même les perspectives sur les longs courriers (A330-200 et 300, B767-300ER et B787-8, B787-
9) posent question : Boeing a produit 10 B787 par mois en 2014. Donc il faudrait que les livraisons
se maintiennent au-dessus de 200 par an pour permettre à Airbus de continuer à écouler plus de
100 A330 par an. D’autant que les premières livraisons de l’A350-900, ont réduit l’attractivité de
l’A330.

Airbus pourra se consoler avec l’A350-1000 pour concurrencer le B777 mais pas avant 2017 !

Sur les court/moyen-courriers les cadences de production semblent davantage coller aux besoins
des compagnies. Toutefois le duopole Boeing/Airbus sera remis en cause d’ici 4/5 ans par Bombardier
et Comac.

B. Global market forecast


Actuellement plus de 17000 avions (+ de 100 places) sont en service dans le monde. A l’horizon
2034, il y en aura 36000. Chaque année les 2 constructeurs publient des prévisions avec trafic par
zones, et capacités en conséquence nécessaires. Ces prévisions sont décomposées par type
d’appareils, et raison de leur mise en service (remplacement ou croissance du trafic). La prévision
d’avions à livrer sur 20 ans est de 32600 soit 11% de plus que l’année précédente. La hausse
prévisionnelle se situerait principalement sur les monocouloirs (+13% à 22900). A l’inverse, la
prévision est abaissée sur les très gros porteurs (-9% à 1550). 60% de la croissance viendra des
nouveaux développements des airlines et 40% du renouvellement de la flotte en service. Une hausse
des cadences est donc indispensable. Les livraisons d’Airbus devraient passer de 629 à 815
appareils/an. Enfin, les perspectives de l’A380 seront probablement revues en baisse (offre mégacity
assez éloignée des marchés en croissance : marché domestique chinois, USA, Europe).

En 2016, Airbus attend 650 livraisons (+2.3%). L’accroissement est ininterrompu depuis…1995 (sauf
2002).1036 commandes ont été enregistrées en 2015 (1456 en 2014). Le carnet de
commandes représente 6787 appareils, plus haut historique. Sur l’A320, une forte hausse des
cadences est prévue de 43/mois en 2015 à 50 fin 2016 et 60 en 2019. Sur l’A330, 6 par mois pendant
la transition CEO>NEO. Sur l’A350 10/mois en 2018. Sur l’A380, abaissement du point mort à 20/an
vs 27 en 2015 avec un carnet qui baisse. Airbus est confiant sur un gain de clientèle pour l’A380 (13
compagnies actuellement) avec un NEO toujours en réflexion.

Les 24% restant de Dassault restent à vendre pour 2.25Md€. D’autres actifs de défense devraient
aussi être vendus. La constitution d’Airbus Safran Lauchers permettra d’encaisser 800 M€ (différence
de valeurs apportées). Safran a déjà apporté en 2015 à la joint-venture Herakles (propulsion
spatiale), Europropulsion (assemblege de moteurs spatiaux), Regulus (propergol) et Arianespace.
Ces actifs font l’objet d’une convention spécifique avec l’Etat. ASL assure déjà les programmes civils
et regroupe certaines participations dans le domaine des lanceurs commerciaux. La deuxième phase
correspond à l’apport de lanceurs militaires. Le secteur comprend 2 débouchés pour la propulsion :
1) civil : lanceurs destinés à la mise sur orbite de satellites et leur motorisation 2) militaire : missiles
balistiques (dissuasion nucléraire) et tactiques (type MBDA).

ASL produit l’Ariane 5 (depuis 1996 : 77 lancements) et développera l’Ariane 6. La filière européenne
est morcelée et doit donc se réorganiser pour réaliser des économies d’échelles. Il s’agit de courtes
séries à quantités limitées avec une base de coûts fixes importante. Safran attend un effet positif sur
l’intégration de la JV en termes de résultats. L’enjeu de cette JV est un accroissement de son poids
économique.

C. Analyse de la rentabilité
La rentabilité d’Airbus est faible comparée à celle de Boeing.

Airbus a une structure de couts en euros pour un chiffre d’affaires en dollars. Selon Airbus toute
baisse de 10cts du dollar a un impact de 1Md€ sur l’EBIT.

Boeing bénéficie de soutien du Pentagone qui finance une partie la RD puis achète les avions au prix
fort. Airbus bénéficie des avances remboursables des états européens (7.3Mds€ au bilan 2015) ce
qui correspond à 2% à une subvention de 146M€
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La multitude des sites de production répond à une logique politique et non à une logique de
rationalisation économique.

Le budget militaire des Etats Unis s’élève à près de 600Mds$ soit 4.9% du PIB. Par comparaison
l’Europe fait figure de nain. L’addition des budgets britannique, allemand et français ne dépasse pas
160M$ et 2.3% du PIB.

La taille du budget US et l’éclatement des donneurs d’ordres européens rendent la compétition


inégale.

Les principaux fournisseurs du Pentagone sont :

 Lockheed Martin : 36Mds$


 Boeing : 21Md$
 General Dynamics : 18Mds$
 Raytheon : 14Mds$
 Northrop Grumman : 12Mds$
 BAE Systems : 7 Mds$
On peut donc imaginer ce que peuvent donner les chiffres européens en divisant ces chiffres par 3
ou 4!

D. Tendance et perspectives
Les considérations de niveaux élevés de l’endettement public entraînent des restrictions budgétaires
qui conduisent les principaux intervenants à se restructurer. Les réductions de personnel sont à
l’ordre du jour et les taux de profits, hors coûts de restructurations, sont, au mieux maintenu. A titre
d’illustration, BAE a passé 1.9MdS€ d’impairments tests entre 2007 et 2011 et le stock de survaleurs
à son bilan (11Mds€) est encore très conséquent après les nombreuses acquisitions réalisées dans
la défense et la sécurité aux Etats Unis. La dégradation à venir du marché de la défense pourrait se
traduire par de nouvelles provisions comprises entre 800M et 1.6Md€.

Par rapport à Boeing, Airbus est en déficit de 24Md€ de chiffre d’affaires qui devraient être trouvés
dans la branche défense. D’où l’intérêt d’un rapprochement avec BAE avorté en septembre 2012.

Airbus fait aussi figure de mauvais élève en termes de rentabilité. Son taux de marge d’Ebit peine à
atteindre 5% (il atteint 2.99Md€ en 2015 soit 4.6% du chiffre d’affaires) alors que ses concurrents
américains dans la défense se situent entre 9% et 12%.

L’autre fait saillant dans la comparaison est la dette négative d’Airbus qui bénéficie de la part des
états européens d’avances remboursables tant contestées par Boeing.

En dehors de BAE, les seules grosses cibles potentielles pour Airbus sont Finmeccanica (17Mds de
CA dont 9 dans la défense) puis Thales (10 Mds dont 5 dans la défense). Ensuite, on arrive à des
sociétés de 3/4Mds de CA dans la défense comme Rolls Royce, DCNS, Safran, Saab et Rheinmetall.

Pourtant cette fusion avait du sens car elle rééquilibrait le pôle défense d’EADS.

D’autres pistes de rapprochement ont été évoquées. Seuls Finmeccanica et Thales se distinguent par
leur taille en Europe. Ces deux sociétés ont les qualités pour prétendre jouer un rôle de fédérateur
de l’industrie. Un rapprochement Thales-Finmeccanica aurait du sens alors qu’un Thales-Safran
offrirait peu de synergies, sauf dans l’optronique.

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E. Les récentes décisions
Airbus a pris 3 décisions stratégiques majeures récemment :

 Vente de sa participation dans Dassault Aviation (4.5Mds€). Cette participation historique


d’actionnaire minoritaire aux côtés de la famille Dassault n’a pas apporté de synergies
industrielles majeures. Airbus n’a jamais eu droit au chapitre dans les décisions stratégiques de
Dassault malgré un pourcentage d’intérêt (45%) largement au-dessus de la minorité de blocage.
Néanmoins elle a généré un retour sur investissement meilleur que celui d’Airbus sur la période.
 Réorganisation d’actifs avec Airbus Safran Launchers (voir ci-dessus).
 Tentative de coopération avec Bombardier
Le programme CSeries de Bombardier intéresse Airbus. Ces avions (modèles 100’ et 300’) motorisés
Pratt et Whitney PW1500G entrent en service en 2016. 243 avions ont déjà été commandés
notamment par Luftansa pour sa filiale Swiss. Les A318 et A319, dans la famille monocouloirs se
trouvent en concurrence sur ces programmes. Or Airbus n’a que 71 commandes en carnet, quatre
fois moins que Bombardier. Cette tentative de transaction, avortée récemment semble-t-il, démontre
les difficultés d’Airbus sur l’entrée de gamme et donc sur le maintien ou l’arrêt de ces modèles.

F. Finmeccanica et Thalès, deux cibles alternatives ?


Finmeccanica semble être un groupe en restructuration. Après avoir vendu son pôle énergie fin 2013,
la société envisage désormais de céder sa branche transports (11.2% du chiffre d’affaires). Cela
permettrait au groupe de poursuivre son désendettement (3.7Mds€) et de rendre le groupe plus
attractif pour un éventuel rapprochement. Le chiffre d’affaires après cession s’élèverait à environ
15Mds€ répartis comme suit :

 39.6% défense (armes, radars…)


 28.6% hélicoptères (civile et militaires)
 23.4% équipements aéronautiques
 7% satellites
Il existe toutefois une certaine suspicion de l’autre côté des Alpes vis-à-vis de leurs cousins latins du
nord réputés ne pas aimer partager le pouvoir. D’ailleurs Finmeccanica pourrait aussi se rapprocher
de Thalès avec lequel les synergies potentielles apparaissent plus évidentes.

Thalès aussi voudrait grandir… Avec un chiffre d’affaires de 14Mds€ en 2015 dont 52% dans la
défense, Thalès pourrait aussi être une option pour Airbus destinée à renforcer la filière militaire à
l’instar de Boeing. Dassault est actuellement actionnaire à 26% de Thalès ce qui rend cette
éventualité plus compliquée compte tenu des relations tendues avec Airbus.

Par ailleurs cette option franco-française modifierait le fragile équilibre actionnarial et managérial
d’Airbus.

G. Comparaisons boursières
Sur 5 ans on constate une surperformance d’Airbus par rapport à Boeing. Ce différentiel s’explique
davantage par les paramètres de change entre $ et € que sur des critères financiers.

Les performances de Thalès et de Safran sont comparables à celles d’Airbus. En particulier, Thalès
a rattrapé son retard, voire dépassé Airbus depuis juillet 2015, point de départ d’une sous-
performance du titre Airbus. Thalès a sans doute été aussi porté par la période d’attentats en Europe.
Safran connait une évolution très corrélée à Airbus avec une performance légèrement inférieure.

La performance négative de Finmeccanica est liée à son endettement jugé trop élevé. Le groupe est
en train de se recentrer pour tenter de rester dans la course des fédérateurs potentiels.
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De même BAE a beaucoup souffert suite au rapprochement échoué avec Airbus.

Analyse de la sous-performance récente du titre Airbus

Les résultats du 1er trimestre 2016 sont clairement mauvais. Le Chiffre d’affaires à 12.18Md€ ne
progresse que de 1%, l’EBITDA à 874M€ recule de 50%, l’EBIT est à 501M€, le carnet de commande
baisse de 5% à 956Md€ (Boeing 480Md$, -2%).

Les résultats de Boeing sont de la même veine : CA 14.4Md$ (-6%)EBIT -36%, marge 7.2% (contre
10,5%). Retards sur le KC-46.

Pourtant, chez Airbus, le volume livré semblait de meilleure qualité en termes de marge. Toutefois
Airbus a consenti des réductions de prix de vente des A320CEO (queue de programme avant de
passer aux A320NEO). La tendance se dégrade sur les hélicoptères et rend assez hypothétique
l’atteinte des objectifs de stabilisation des résultats pour l’ensemble de l’année, soit 4Mds d’EBIT
pour 64Mds de CA. Enfin les rumeurs liées à des difficultés opérationnelles sur les montées en
cadences restent persistantes.

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V. Annexes

A. Evolution du cours de bourse d’Airbus Group

B. Eléments démographiques et sociologiques

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C. Budget de l’ESA

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VI. Remerciements

Tous nos remerciements à Francis BERTHELIN, gérant de portefeuille et Nicolas MARSON, consultant,
pour leur contribution à la rédaction de ce cas.

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