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Saindoui FR M1 13
Saindoui FR M1 13
LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE
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UNIVERSITE DE TOLIARA
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FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES
HUMAINES ET SOCIALES
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DEPARTEMENT D’ETUDES FRANCAISES
SAINDOU Ibrahim
Sous la direction de :
SAINDOU Ibrahim
Sous la direction de :
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Dédicace :
Je dédie ce Mémoire de Maîtrise à mon père Monsieur IBRAHIM Saïd Hafidhou qui
m’a toujours dit que : « L’Education est la seule clé qui ouvre toutes les portes. »
4
REMERCIEMENTS !
• Mes premiers remerciements s’adressent d’abord à Allah (Dieu) le Tout-Puissant qui
nous a gardé en vie jusqu’à ce que nous puissions réaliser ce Mémoire de Maîtrise.
• A Monsieur BEMIARANA Jean Marie, Maître de conférences à l’Université de
Toliara et Directeur de ce Mémoire de Maîtrise.
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INTRODUCTION GENERALE
La littérature est la discipline que nous avons choisie d’étudier au sein du Département
d’Etudes Françaises. Le présent travail de mémoire de maîtrise s’inscrit dans le cadre de la
littérature maghrébine d’expression française plus particulièrement la littérature marocaine de
langue française. Le Maghreb est formé d’un ensemble de trois pays (Algérie, Maroc,
Tunisie) situés dans le Nord-africain.
La littérature marocaine est marquée par deux cultures radicalement différentes, deux
histoires antagonistes et un public hétérogène, car la colonisation porte atteinte à la culture du
6
Maroc. Abdelkébir Khatibi est né à El Jadida, une ville marocaine au Sud de Casablanca, le
11 février 1938 et est décédé le 16 mars 2009 à Rabat à l’âge de 71 ans. Son ambition est de
se lancer dans une réflexion et une pratique de l’écriture qui le conduit à rechercher une
langue dialogique qui puisse exprimer la langue maternelle dans la langue française.
Dans ce roman, Khatibi évoque, à travers une éducation sentimentale et une formation
intellectuelle, les déchirements d’un garçon né dans le Maroc colonisé. Cet enfant a vécu les
années de lutte pour l’indépendance et a retrouvé en métropole la guerre, les préjugés, les
interdits d’une société dominée par la pensée colonialiste. La déstabilisation a été la
conséquence directe de la colonisation, d’où les trous de mémoire.
Il est à noter que toutes les œuvres d’Abdelkébir Khatibi, qui s’étendent du roman aux
essais sociologiques en passant par la poésie, gravitent autour du même thème :
l’interrogation sur l’identité et l’origine. L’identité, exprimée par le nom propre, est soumise
aux contraintes engendrées par le joug de la colonisation. D’où la question suivante : quel
jugement Khatibi porte-t-il sur le déracinement culturel provoqué par l’action coloniale ?
Cette interrogation laisse entendre que la colonisation est la cause majeure qui provoque les
bouleversements des valeurs culturelles du Maroc.
7
d’aliénation culturelle par lequel l’individu ou le groupe social se trouve dépossédé de sa
langue et de sa culture au profit d’une langue ou d’une culture étrangère imposée par des
rapports de domination politico-économique ou culturelle.
En plus, le Maroc, une région du Maghreb, est une nation attachée profondément à sa
culture. Mais depuis l’instauration du régime colonial, le Maroc subit la dégradation de ses
valeurs culturelles. En d’autres termes, la présence française au Maroc pendant la colonisation
a suscité un bouleversement considérable de la mentalité marocaine.
Quand nous observons un pays comme le nôtre, nous nous apercevons que la
population abandonne progressivement les valeurs traditionnelles. Elle s’apprête à imiter
arbitrairement les mentalités occidentales comme le tatouage du corps, la dépigmentation qui
se fait chez les femmes, le port d’habit à la mode occidentale afin de ressembler aux blancs.
La dégradation des valeurs culturelles liées à la religion dans notre pays nous a incité
à réfléchir des solutions envisageables pour conserver le patrimoine menacé de disparition.
Ce sont toutes ces raisons qui nous ont motivé dans notre présent travail à choisir et à
orienter notre sujet sur l’acculturation.
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travers cette Autobiographie d’un décolonisé, Abdelkébir Khatibi entreprend une quête de
l’identité et de la différence. Ici, la trame narrative est divisée en trois étapes différentes : celle
des souvenirs, celle d’une réflexion et d’une méditation sur les rapports entre l’Orient et
l’Occident, et, enfin, celle d’une réflexion sur l’autobiographie.
En outre, pour mieux appréhender notre sujet, nous allons adopter deux approches
littéraires. Il s’agit de l’approche psychanalytique et de l’approche sociocritique.
Par définition, l’approche psychanalytique est une méthode d’analyse littéraire qui
consiste à étudier un texte à l’aide de la psychanalyse littéraire. La critique littéraire
psychanalytique est une critique interprétative. La psychanalyse littéraire désigne l’analyse de
la psyché, à travers l’analyse du texte. De ce fait, nous allons mettre à profit la théorie de Jean
BELLEMIN-NOËL qui consiste à orienter l’étude sur le texte. Il convient dans ce domaine
d’étudier les symptômes qui ont échappé au contrôle de l’auteur : les formulations
inconscientes, les répétions, les absences, les lapsus et les oublis.
Notre travail se divise en trois grandes parties dont chacune est composée de trois
chapitres. La première partie traitera des effets pervers de l’usage de la langue française pour
la culture du décolonisé. La deuxième partie va étudier le bilinguisme conflictuel comme
facteur d’acculturation. Et la troisième partie s’occupe de la blessure de la mémoire.
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PREMIERE PARTIE :
CULTURE DU DECOLONISE
10
INTRODUCTION
Les raisons du choix du français sont multiples. Certains écrivains maghrébins qui ont
grandi sous la colonisation ont été marqués par l’enseignement du régime colonial. D’autres
écrivains dont la langue maternelle est l’arabe parlé ne maîtrisent pas parfaitement l’arabe
classique. D’où, la marginalisation de la langue arabe provoquée par l’utilisation de la langue
française.
L’usage du français provoque aussi d’autres conflits sociaux attribués aux écrivains
maghrébins francophones, car ces derniers ont été considérés par la société maghrébine
comme des traitres une fois qu’ils ont choisi d’utiliser la langue française. D’où, l’opposition
entre la langue du colon et celle du colonisé.
11
CHAPITRE I : LE MÉCANISME DE L’ACCULTURATION.
Pour introduire leur culture dans les pays colonisés, les colons s’attaquent à la langue
maternelle des colonisés.
La minorisation de l’arabe est parmi les stratégies mises en place par les colons afin de
mettre en avant leur propre culture. Ils ont commencé par enseigner le français aux Arabes
pour que ceux-ci soient dominés rapidement. Abdelkébir Khatibi le dit déjà dans son texte que
cet enseignement du français était imposé dès l’école de sa petite enfance :
La dévalorisation de la langue arabe fait partie des stratagèmes mis en œuvre par les
colons afin de privilégier leur propre culture. Khatibi en parle presque dans toutes ses œuvres.
L’auteur évoque que la présence de la langue étrangère supprime la langue maternelle :
1
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, Paris, Denoël, Lettres Nouvelles, Tome I, 1971, p.40.
12
l’autre, qui tourne à vide, se défaisant par implosion dans le
désordre bilingue. »2
La politique coloniale d’assimilation est une méthode stratégique utilisée par les
colons pour s’intégrer dans les relations entre eux et les autochtones. Ces derniers ont subi
cette ruse sans leur consentement et restent dépendants du colon durant toute la période
coloniale. Nous pouvons citer par exemple le cas de la dépigmentation chez les femmes qui
est à l’origine de la politique d’assimilation instaurée par le régime colonial.
L’évocation de l’habit occidental exprime ici le désir de porter ce que portent les
colons. Ces derniers ramènent leurs vêtements usés pour les offrir sinon les vendre aux
colonisés afin que ceux-ci soient considérés comme leurs semblables.
Dans cette citation, l’expression « pantalon occidental »laisse entendre que porter les
habits occidentaux c’est s’assimiler, c'est-à-dire accepter ce que les colons imposent dans le
mode d’habillement.
2
Abdelkébir Khatibi, Amour bilingue, Montpellier, Fata Morgana, Tome I, 1983, p.232.
3
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., pp.94-95.
13
« -Ecoute, tant que ma langue est parlante, dans l’exacte
mesure où je suis sacrifié à cette langue étrangère qui sépare
mon être. Ô ma langue originelle, ne t’ai-je pas trahie ! Ne t’ai-
je pas bafouée ! N’ai-je pas blasphémé tes morts ! »4
Dans cet extrait, Khatibi montre que sa langue maternelle paraît humiliée à cause de
l’usage de la langue étrangère imposée par les colons. Ceux-ci ont privilégié leur langue pour
la mettre en bonne posture et la faire une arme de domination. L’auteur s’exclame dans ce
texte pour marquer son inquiétude face à la division causée par l’utilisation de la langue
étrangère.
4
Abdelkébir Khatibi, Le Livre du sang, Paris, Gallimard, Tome I, 1979, p. 196.
14
CHAPITRE II : L’ ABÂTARDISATION CULTURELLE
L’abâtardisation culturelle est un processus qui consiste à faire perdre les qualités
originelles de la culture du colonisé. Ce phénomène a été introduit par l’idéologie colonialiste
qui prône la primauté de la culture occidentale. L’occident colonial demeure le coupable de la
dégénérescence de la culture autochtone.
Le colon avait comme objectif de valoriser sa façon de vivre propre à lui face à un
peuple différent de lui. Ce qui fait que la culture originelle se décline en faveur de celle de
l’Autre. Ce dernier s’impose à l’aide de la violence engendrée par la politique coloniale.
Le colon ne voit d’autres moyens que de nier la culture de l’indigène pour ensuite
imposer la sienne. Dans le passage ci-dessus, Khatibi fait l’analyse de l’idéologie colonialiste
qui prétend toujours balayer la culture originelle du dominé afin de plonger celui-ci dans le
désordre biculturel. L’auteur emploie des verbes péjoratifs tels que « juxtaposer »,
« compartimenter », « découper », « ensabler » qui évoquent le champ lexical de la division.
5
Abdelkébir Khatibi , La Mémoire tatouée, op.cit., p.34.
15
La perte des valeurs culturelles marocaines fait partie des conséquences néfastes de la
colonisation. Cette dernière a laissé derrière elle beaucoup de malheurs qui affectent tous les
secteurs. Par exemple la culture, la langue et la religion qui sont toutes menacées par la
présence du colon.
La dégradation des valeurs culturelles marocaines est analysée par Abdelkébir Khatibi
comme un mal intérieur de son peuple. Le colon a d’abord introduit la terreur et les troubles
afin de désorienter la culture du dominé. Le terme « hagard » employé par l’auteur signifie le
désordre ou le trouble.
En fait, le peuple marocain ne sait pas où elle devrait aller une fois que ses valeurs
culturelles restent dévalorisées par l’étranger. Car c’est un peuple qui se ressent ahuri et même
étranger dans un pays qui lui appartient. Le Marocain colonisé est alors forcé de vivre avec
l’oppresseur afin de sauver sa vie menacée par les effets néfastes de la colonisation.
Donc, la perte des valeurs culturelles marocaines est une conséquente directe de la
colonisation qui se manifeste même pendant l’acquisition de l’indépendance. Car cette
dernière, malgré sa présence, n’a pas atteint entièrement son objectif.
Il convient de dire ici que la langue française est présentée comme un mal qui porte
atteinte à la religion du décolonisé. L’administration coloniale a passé par la laïcisation pour
pouvoir imposer au colonisé l’emploi de sa langue. Donc, le processus de laïcisation reste un
facteur destructeur de la culture du colonisé.
6
Op.cit., p.40.
16
Abdelkébir Khatibi parodie le Coran à travers La Mémoire tatouée. Il montre
l’importance de cette parodie dans sa part et sa vocation d’écrivain. Il n’a pas manqué de
souligner que la culture religieuse domine sa pensée et que l’usage du français l’inquiète :
La primauté du Coran dans l’esprit de l’auteur est très importante. Cette importance se
manifeste dans ses écrits aussi bien que dans son expression orale. Car Khatibi met en avant la
langue du Coran malgré que celle-ci soit dominée par l’enseignement laïc du système
colonial. Dès lors, la laïcisation se présente comme un piège tendu au décolonisé pour
profaner sa religion de culture musulmane.
7
Abdelkébir Khatibi , La Mémoire tatouée, op.cit., p.41.
17
CHAPITRE III :L’ALIENATION CULTURELLE
Depuis 1970, les romans écrits dans cette période se veulent une révolte contre
l’histoire d’une aliénation qui se continue. De ce fait, la recherche de l’identité ne s’est pas
limitée, dans la littérature maghrébine contemporaine. Sur ce, les écrivains s’intéressent de
plus en plus à la mémoire collective afin d’y rechercher les sources d’une identité maghrébine
que l’aliénation causée par la colonisation a fait disparaître.
Les écrivains maghrébins ont été contraints par plusieurs formes d’aliénations comme
l’aliénation culturelle. Au fait, l’aliénation de l’écrivain est surmontée par l’écriture, mais pas
n’importe quelle écriture, surtout quand il s’agit d’homme colonisé ou en période de
décolonisation. Les premières formes d’aliénation se manifestent par le déchirement
linguistique et le déracinement culturel.
L’identité maghrébine est remise en cause en raison de l’aliénation culturelle qui finit
par provoquer la perte de cette identité.
L’identité maghrébine est le point focal autour duquel sont issues toues les œuvres
littéraires de la littérature maghrébine d’expression française. L’identité est le caractère
permanent et fondamental de la personne du Maroc. C’est une valeur qui fait l’être et le bien-
être de tous les Maghrébins et qui se résume dans le terme de maghrébinité. Cette dernière a
été remise en cause depuis l’arrivée des colons au Maghreb.
18
réfléchi en profondeur sur cette question de la perte de l’identité. C’est une question
problématique du fait que des auteurs continuent à la traiter jusqu’alors.
Khatibi évoque la mort de sa culture par l’aliénation. Après avoir acquis la double
culture, il a pris le même visage que celui de l’Autre. C'est-à-dire qu’il est à la fois le même et
l’Autre. Cette ressemblance a fini par se transformer en dissemblance puisque la culture du
colonisé est annihilée. Cette annihilation culturelle signifie la perte de l’identité de l’auteur
qui ne cesse de se plaindre de sa personne et de tous les Marocains.
En fait, il est à noter que la réflexion menée par Abdelkébir Khatibi sur cette perte de
l’identité est difficile à appréhender. Il se projette de rechercher son être de nature maghrébine
confisquée, victime d’un « rapt culturel ». Car la perte d’identité devient sa préoccupation
majeure de son roman:
8
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.71.
9
Idem, p.45.
19
Dans cette citation, Khatibi ne cache pas sa crispation identitaire qui s’impose depuis
son enfance. Le problème de sa personne se dessine chez lui dès qu’il s’aperçoit infligé par le
désordre colonial de son temps. L’auteur s’interroge sur la confiscation de son être influencée
par le désir d’apprendre les valeurs culturelles françaises. Car ce désordre identitaire est la
conséquence immédiate du rapt de sa culture.
En plus, l’auteur exprime la rupture qui se met en place dans sa personne et explique
que celle-ci lui affecte depuis sa naissance. Il est un enfant né au début de la Seconde Guerre
mondiale et les conséquences de ce conflit touchent son pays engagé dans une guerre qui n’est
pas la sienne. Donc, il est évident que l’identité recherchée à travers ce roman
autobiographique est loin d’être acquise, car des conflits de tous genres rendent instable le
Maghreb, y compris le Maroc et son peuple.
Par définition, la culture est un système de connaissances transmises par des systèmes
de croyances, par le raisonnement ou l’expérimentation qui la développent au sein du
comportement humain, en relation avec la nature et le monde environnant. Ce genre de
culture a un rapport étroit avec le concept de l’identité culturelle d’un peuple, car la culture
est une dimension de l’identité de l’homme.
Abdelkébir Khatibi a vécu réellement cette hybridité culturelle étant donné qu’il a
passé beaucoup d’années en France. Ses moments vécus à l’étranger lui ont permis d’acquérir
20
la culture de l’Autre qui s’ajoute finalement à la sienne. D’où cette liaison dangereuse entre
les éléments des deux cultures qui se mettent en place au sein de son écriture :
En outre, l’auteur a employé une autre figure de style qui fait partie de la catégorie des
figures d’opposition. Il s’agit de l’oxymore ou l’alliance des contraires qui met en relation
grammaticale des termes qui s’excluent par leur sens. Dans l’expression « le délire délicieux
des cultures », il y a de l’opposition causée par la combinaison du nom « délire » qui veut dire
un trouble psychique caractérisé par la confusion des idées, sans rapport avec la réalité. Ce
terme qui relève de la psychanalyse littéraire signifie dans notre contexte la confusion sentie
par Khatibi face aux deux cultures dans un pays qui n’est pas le sien. L’auteur n’y arrive pas à
conserver sa propre culture qui est contrainte à l’imitation de celle de l’Autre (toc), c’est une
imitation qui se fait d’une manière inéluctable dans la mesure où Khatibi se trouve dans un
pays qui n’est pas le sien.
10
Abdelkébir Khatibi , La Mémoire tatouée, op.cit., p.78.
21
enrichissement culturel a abouti à la dévalorisation de sa propre culture qui demeure la culture
seconde en territoire étranger.
22
CONCLUSION
Au terme de cette partie, il est vrai que l’usage de la langue française demeure
problématique pour la culture du colonisé. Abdelkébir Khatibi n’a pas manqué de souligner
les conséquences néfastes engendrées par l’utilisation de la langue française. Parmi ces
conséquences, nous pouvons citer la déconsidération de la langue maternelle et la perte des
valeurs culturelles marocaines.
Abdelkébir Khatibi se présente dans le roman comme un auteur à double face, c'est-à-
dire à la fois colonisé et décolonisé. Car le processus de la décolonisation qu’il est en train
d’analyser n’a pas atteint son objectif. Etant décolonisé, l’écrivain se sent encore colonisé
moralement à cause de l’usage du français qui est au détriment de son identité cultuelle.
23
DEUXIEME PARTIE :
24
INTRODUCTION
Le bilinguisme est une situation qui désigne la présence de deux langues différentes
dans une société donnée. Dans le cas du contexte colonial, c’est un bilinguisme imposé au
profit de la langue du colon. Cette dernière est la langue de l’administration et de
l’enseignement. D’une part, le bilinguisme se présente comme un phénomène négatif du fait
qu’il est imposé dans la violence. D’autre part, il est une arme pour les écrivains puisqu’il leur
permet de se libérer du joug de la colonisation. Dans ce sens, il est un instrument de
jouissance et un outil de travail.
Le bilinguisme est toujours négatif dans le contexte colonial. Car il a envahi tous les
domaines tels que l’administration, l’enseignement, la culture et même la religion. C’est la
langue du colon qui occupe la grande partie de la vie de la société. C’est le primat du français
au détriment de l’arabe.
Les colonisés qui sont contraints à une langue qui n’est pas la leur restent confrontés à
un problème de choix de langue. Il s’agit de choisir entre la langue française ou la langue
arabe dans l’écriture.
En fait, beaucoup d’écrivains ont choisi d’utiliser le français pour exprimer leur
mécontentement, jouir de cette langue étrangère et l’utiliser comme un outil de travail.
25
CHAPITRE I: LA NOTION DE TRANSCULTURATION DANS LA MÉMOIRE
TATOUÉE
Dans le contexte colonial sur lequel s’est penché notre travail, la notion de
transculturation se produit lorsque le colonisateur adopte des éléments culturels du peuple
colonisé. Dans cette situation, il s’agit d’un mélange culturel qui s’effectue par les effets
produits par les deux cultures. D’où l’interpénétration culturelle qui se met en œuvre dans le
cadre de notre étude.
Sur ce, la notion de la transculturation se concrétise dans deux volets. D’une part,
l’adoption de la culture étrangère. D’autre part, l’attachement à la tradition ancestrale.
L’adoption de la culture étrangère s’est produite quand Abdelkébir Khatibi fait sienne
la culture du colonisateur. A partir du moment où l’auteur s’approprie de la langue étrangère,
il adopte alors la culture étrangère. C’est dans ce sens que la question de la transculturation
surgit. C’est pourquoi il convient de mettre en lumière la transculturation dans notre travail.
D’autre part, la transculturation se fait sentir lorsque Khatibi a vécu son séjour en
France pour ses études supérieures. C’est dans cette période de son âge adulte que l’auteur a
connu la double culture. Sur ce, il est à noter que depuis l’école franco-marocaine,
l’adolescent a adopté la culture française. Mais son séjour en France a accentué la réalité des
choses.
Ce passage illustre bel et bien la présence du lexique arabe dans l’écriture en langue
française. Cette adoption de la culture arabe par le colon se manifeste au mot « fqih ». Ce
11
Abdelkébir Khatibi , La Mémoire tatouée, op.cit., p.25.
26
vocable désigne un guide spirituel responsable de l’enseignement coranique. Sur ce, le stock
lexical français s’est alors nourri du lexique des colonies.
Dans Le Livre du sang et Amour bilingue, le lexique arabe devient récurrent. Cette
récurrence marque l’enrichissement de la langue française par l’arabe. Et cet enrichissement
est occasionné par la fascination de ce qui appartient à l’autre. C’est ainsi que Khatibi écrit :
Dans Amour bilingue, l’un des récits de Khatibi où il a employé beaucoup de termes
arabes en même temps francisés. Dans ce texte, le mot « kalima » signifie « mot » en français.
C’est d’ailleurs le premier mot arabe utilisé à travers tout le récit. De ce fait, « calma »
et « kalma » forme une paire homonymique et à la fois homophonique. Ainsi, les deux
lexiques « kalima » et « mot » sont linguistiquement et culturellement étrangers l’un par
rapport à l’autre.
En outre, concernant Le Livre du sang, l’auteur n’a pas hésité d’employer les lexiques
arabes :
12
Abdelkébir Khatibi , Amour bilingue, op.cit., pp.207-208.
13
Abdelkébir Khatibi, Le Livre du sang, op.cit., p.117.
27
« J’organisais les autres à partir de mes aléas et leur intrigue ;
au centre de la vie, je pouvais m’occuper des livres et reprendre
les jeux de la culture. »14
Le passage d’une langue à l’autre est une occasion tant attendue par Khatibi. Cet acte
est un facteur libérateur et enrichissant. En même temps, il est condamné à subir quelques
contraintes face au mélange des deux cultures. Car le biculturalisme ne va pas sans
inconvénient. C’est pour cette raison que l’auteur stipule :
14
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.84.
15
Abdelkébir Khatibi ,Un Eté à Stockholm, Paris, Flammarion, Tome I , 1990, p.310.
16
Abdelkébir Khatibi , Amour bilingue, op.cit., p.246.
28
Pour ce faire, Khatibi expose la richesse du bilinguisme. Ce dernier est la source de la
communion avec le colon. Car pour dépasser le colonisateur, il faut d’abord dominer sa
langue. C’est la stratégie appliquée par bon nombre d’écrivains. Dans ce cas, l’adoption de la
culture étrangère se fait par l’usage de la langue.
Les villes marocaines symbolisent elles aussi la tradition culturelle ancestrale. Ces
villes sont les lieux de l’enfance de Khatibi. Et chaque fois elles réapparaissent dans son
écriture romanesque. En plus, le souvenir de la ville natale permet d’évoquer les autres villes.
Il s’agit de Marrakech, El Jadida, Essaouira et Casablanca. Dans ce sens, l’évocation de ces
villes représente un signe purement culturel, car celles-ci constituent un double statut : un
statut maternel et culturel :
17
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p16.
29
« Marrakech se fit dépouiller de la place Djamaa Lfna par un
certain puritain, les bordels furent rayés de notre géographie.
Le Pacha, sous le poids de la défaite, s’inclina. On barbouillait
l’espace de morale triomphante, on voulait nettoyer d’un trait la
longue servitude. La tradition semblait, pour un instant,
refoulée. »18
Mais dans le cadre de notre passage, le mot « refoulée » prend le sens de « censuré »
ou de « défendu ». Ceci laisse entendre que la pratique de la tradition était ambiguë pendant
l’époque coloniale. Ici Marrakech est représentée comme une ville favorable pour le
narrateur. C’est un espace authentique et digne de la tradition ancestrale. La dernière phrase
du passage renvoie à un langage de crainte de la part du narrateur. Celui-ci se plaint de voir la
tradition en train d’être bannie, c'est-à-dire que Khatibi fait allusion au déclin de la civilisation
arabe.
La tradition est dans un sens le refuge de toute personne. Dans une situation
transculturelle, le dominé est appelé à être vigilant, car dans tous les cas, c’est la culture
autochtone qui laisse place à celle de l’étranger. Dans ces conditions, c’est la violence et
l’imposition qui privent le dominé de sa culture. C’est ainsi que Khatibi fait machine arrière
dans son texte suivant :
18
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.67.,
19
Idem, p.66.
30
Dans ce passage, l’auteur parle de l’échec de la langue française. Dans la mesure où
cette langue veut exprimer des sentiments arabes, il faut employer la langue arabe. Mais ici le
narrateur vit ce problème bilinguistique qui devient biculturel. Certes, l’auteur semble se
demander comment manifester des sentiments arabes dans une langue étrangère. Ce qui fait
que « le public n’avait rien compris. »
Mais dans cette situation, c’est la question de la transculturation qui impose sa place.
Il s’agit même d’un dilemme biculturel car l’auteur est confronté à deux choix en même
temps nécessaires. Ces deux éléments culturels ne peuvent aller ensemble. D’où le recours à
« la tradition » ancestrale qui est la « seule manière de séduire ». Ce refuge dans la tradition
symbolise le retour aux sources et à la langue arabe.
Sous un autre angle, Khatibi ne voit pas trop mal le bilinguisme. Malgré ses effets,
l’auteur arrive à gérer la complexité du bilinguisme. Car quelles que soient les circonstances,
le bilinguisme est toujours ambigu. D’où, l’utilisation du terme péjoratif « s’écrase ». Selon
Khatibi, même si sa langue se détruit, il est capable de la rendre vivante. C’est pourquoi il dit :
« je travaille aussi à la faire revenir.»
Ce passage laisse entendre que Khatibi possède la clé de déjouer les effets négatifs du
bilinguisme. Celui-ci a fait couler beaucoup d’encre dans l’écriture khatibienne. C’est pour
cette raison que l’auteur se donne comme objectif de tirer parti dans le bilinguisme.
De plus, Abdelkébir Khatibi ne cache pas son appartenance inéluctable des deux
cultures. Son séjour à Paris était le premier signe de la transculturation. C’est ainsi qu’il dit :
20
Abdelkébir Khatibi, ‘’Repères’’, Pro- culture, Spécial Khatibi, 1979, p.49.
31
« Faut-il tout dire ? Avant le départ pour Paris, pas de
promesse à ma mère de revenir intact : partir pour toujours, me
faire griser ou perdre le feu aïeul de ma tribu. Elle accepta ma
tentation nomade, et elle pleura, car elle me savait devenir un
peu plus simulacre. »21
Les signes transculturels s’apparentent les uns des autres. « Cordoba » est une ville
d’Argentine qui laisse entendre le passage de l’Islam et de la civilisation arabe en Occident.
Dans le passage, « Cordoba » et « Marrakech » se rapprochent l’une après l’autre. C’est ce qui
prouve l’effet biculturel à la fois transculturel. Le Champ lexical de la civilisation arabe est
dominant : « ancestrale », « mosquées », « lignée », « déserts », « ancêtres », « labyrinthe » et
« mythe ». Ces vocabulaires marquent l’aspect à la fois mythico-religieux de la culture arabe.
Le narrateur est en train de chercher ses racines ancestrales.
21
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.73.
22
Idem, pp.96-97.
32
Selon Khatibi, si son « frère erra dans ces déserts », c’est qu’il s’adonne aussi à la
recherche de sa tradition. Car la phrase « l’Andalousie respirait maintenant une autre fureur »
fait allusion à la chute de la civilisation arabe en Andalousie au XIVe siècle. Donc, ce va-et-
vient de la culture arabe entre l’Orient et l’Occident justifie la transculturation. Malgré cela,
Khatibi entreprend toujours son attachement à la tradition ancestrale.
Le terme « déserts » a une double signification chez Khatibi. De ce fait, le désert est
une notion relative à la pensée des origines. Il est la métaphore de l’imaginaire et de la
création de la pensée dans l’écriture khatibienne. La deuxième signification du désert est
relative à la mémoire et au nomadisme. Cette analyse du désert dans ce passage révèle de
l’aspect dimensionnel de l’espace. C’est ce qui fait l’importance culturelle du désert chez
Khatibi.
33
CHAPITRE II : L’ÉCHEC DE L’ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE FRANÇAISE
La deuxième autre forme de danger que présente la langue française c’est que celle-ci
s’attaque à la culture indigène. La culture marocaine perd petit à petit sa valeur initiale. Dans
ce cas, le bilinguisme devient conflictuel et facteur d’acculturation. D’où l’interférence
culturelle néfaste entre deux cultures différentes.
La diglossie est une situation linguistique dans laquelle l’une des deux langues qui
coexistent a un statut inférieur par rapport à l’autre. Cette situation prévaut généralement dans
les pays qui ont été colonisés. Il y a une inégalité de statut des langues en présence qui
provoque un désordre langagier presque insurmontable chez le colonisé :
La diglossie apparaît véritablement violente car il s’agit ici d’une langue imposée au
détriment de l’arabe. Dans cette situation, le désordre diglossique règne d’abord à l’école
ensuite dans la conscience de l’enfant. Ce bilinguisme inégal est instauré par l’école
française. L’imposition de la langue française affecte d’abord la langue du narrateur puis à sa
religion. Dans ce texte, le désordre de la diglossie s’élargit de plus en plus et dégrade l’esprit
de l’enfant tout empêchant celui-ci de penser authentiquement :
23
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée , op.cit., pp.39-40.
34
m’expédier à l’école franco-marocaine, je devins la conscience
dégradée, donnée à la mécréance. »24
L’origine de tous les problèmes évoqués ici est l’école française. Car cette dernière est
porteuse de ce qui appartient à l’Autre. En effet, la dégradation de la conscience nourrit
l’impossibilité de l’auteur de pouvoir réfléchir aux problèmes de sa vie. C’est le drame de
l’acculturation. L’auteur est condamné de suivre les exigences de l’école française à partir du
moment où son père l’a jeté aux mains des colons. Ces exigences sont au détriment de sa
propre culture. C’est-à-dire qu’il est dans l’obligation de penser à la manière française à cause
de l’usage du français.
En effet, dans une perspective intertextuelle, Kateb Yacine est le premier qui a vécu
les douleurs de l’enfant envoyé à l’école française. L’auteur n’a pas manqué de souligner les
dangers que présente l’école coloniale. C’est une perte véritable de sa langue et de sa culture :
La situation de malaise sentie par l’enfant lors de son expédition à l’école française
était une réalité vécue. L’auteur a comparé « l’école française » à une « gueule du loup » dans
la mesure où celle-ci est la cause majeure de la perte de sa langue et de sa culture.
24
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.18.
25
Kateb Yacine, Le Polygone étoilé, Paris, Editions du Seuil, 1966, p.180.
26
Abdelkébir Khatibi , Amour bilingue, op.cit., p.219.
35
Les effets néfastes du bilinguisme semblent occuper une place importante dans
l’écriture de Khatibi. Ce passage en témoigne du fait que les deux langues en présence
connaissent des statuts inégaux.
Le désordre diglossique semble hanter l’auteur dès son enfance. Ce passage demeure
un exemple concret de la situation linguistique propre à Khatibi. Celui-ci subit la confusion de
sa langue natale et celle du colonisateur. Dès le début du texte, l’auteur clame la perte de sa
langue maternelle au profit de la langue étrangère. Dans ce cas, il convient d’évoquer les
douleurs atroces du bilinguisme conflictuel. La diglossie est l’origine irréversible de la perte
de la langue maternelle, c'est-à-dire l’arabe. Ce passage se présente comme une plainte d’un
auteur qui a perdu son identité.
Autrement dit, parmi les effets négatifs du bilinguisme, il faut citer la persistance des
écrivains maghrébins d’employer toujours la langue du colonisateur. Certains nationalistes
s’interrogent sur la raison qui pousse les intellectuels à privilégier le français au lieu de
l’arabe, car il y a un véritable danger qui consiste à accentuer le problème de l’acculturation.
Même après les indépendances, les écrivains maghrébins continuent à utiliser la langue du
colonisateur dans l’écriture. C’est pourquoi Abdelkébir Khatibi affirme :
27
Abdelkébir Khatibi , Amour bilingue, op.cit., pp.248-249.
36
depuis des temps immémoriaux, nous n’avons pas su écrire le
berbère. C'est-à-dire que le bilinguisme et le plurilinguisme ne
sont pas dans ces régions des faits récents. »28
Dans son essai intitulé Maghreb pluriel dans lequel est tiré ce passage, Abdelkébir
Khatibi développe scrupuleusement la complexité du bilinguisme au Maroc. Cette complexité
se fait sentir du fait que le berbère est marginalisé au profit du français. Il convient en effet de
dire que c’est la colonisation qui est derrière cette complexité plurilinguistique. C’est-à-dire
que dans ces trois langues, c’est la langue du colonisateur qui importe, les deux dernières
étant reléguées au rang inférieur.
Ce n’est pas seulement sa langue qui se perd, mais le Maghrébin perd aussi son
identité. Comme l’illustre bel et bien la citation suivante :
« J’ai rêvé, l’autre nuit, que mon corps était des mots. »29
Ecrire en français, c’est aussi modifier sa propre personne ; c'est-à-dire son propre
corps. C’est s’incarner ou s’incorporer dans la langue française, c'est-à-dire faire de l’occident
une partie de soi :
« […] L’Occident est une partie de moi, que je ne peux nier que
dans la mesure où je lutte contre tous les Occidents et Orients
qui m’oppriment ou me désenchantent. »30
C’est une remise en cause de sa « marocanité ». Autrement dit, Khatibi ne cache pas sa
double culture. Il souligne sa personnalité d’écrivain acculturé que la langue a façonné.
En effet, Abdelkébir Khatibi fait à travers ses œuvres une analyse très approfondie du
bilinguisme. Les rapports du bilinguisme et de l’identité ont toujours été les préoccupations
28
Abdelkébir Khatibi, Maghreb pluriel, Paris, Denoël, 1983, p.179.
29
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.53.
30
Idem, p.68.
37
majeures des écrivains maghrébins. Surtout quand il s’agit du drame linguistique. Assia
Djebar fait partie des écrivains maghrébins qui ont été contraints d’utiliser la langue française.
Etant un écrivain femme, elle défend la cause féminine contre le discours dominant de
l’homme d’une part. D’autre part, elle réclame le droit pour les femmes de pouvoir
s’exprimer.
Dans cette situation, Assia Djebar s’inquiète des effets de ce drame linguistique dans
le passage suivant :
Assia Djebar montre ici les effets néfastes du bilinguisme qui sont la cause de la
dévalorisation de la langue arabe. Cette dernière est selon la narratrice la langue mère, la
langue intime, la matrice des émotions et des sentiments. Alors que la langue française
l’éloigne de sa culture, de ses tabous et de son amour intérieur. Ce passage d’Assia Djebar est
un témoignage du bilinguisme conflictuel en tant que générateur d’acculturation. La langue
française devient une profanation des interdits qui caractérisent la culture algérienne et la rend
étrangère à sa propre culture. La narratrice fait en quelque sorte une plainte d’avoir été
étrangère dans sa propre culture.
31
Assia Djebar, L’Amour, la fantasia, Paris, Editions Jean-Claude Lattès, 1985, p.241.
38
simple richesse polyglotte, qui bénéficie d’un clavier
supplémentaire mais relativement neutre : c’est un drame
linguistique ».32
Albert Memmi figure dans la liste des écrivains qui ont pu analyser en profondeur les
dangers du bilinguisme colonial. Dans ce passage, l’essayiste analyse ce qu’il appelle « drame
linguistique » vécu par le colonisé soumis à un bilinguisme inégal. Il évoque dans ce texte la
perte douloureuse de sa propre culture véhiculée par sa langue maternelle. Et cette dernière est
contrainte à disparaître à cause du bilinguisme colonial imposé dans la violence. L’auteur se
sent étranger dans son propre pays dans la mesure où la langue française envahit tous les
secteurs. Et cette invasion est destructrice de son être, de sa langue et de sa culture.
En effet, il faut dire que La Mémoire tatouée est dans son ensemble un roman de la
dualité. Khatibi s’est toujours présenté dans ce récit sous son double aspect. La personnalité
de Khatibi est bipolaire, en lui sont réunis l’Occident et l’Orient.
32
Albert Memmi, Portrait du décolonisé, Paris, Buchet- Chastel, 1957, pp.136-137.
33
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.17.
39
L’interférence culturelle semble s’afficher d’une manière concrète. La rencontre de
deux formes de cultures aboutit à une « contradiction d’agression et d’amour. »
Quelles que soient les circonstances, l’interférence culturelle prend toujours l’image
d’une humiliation culturelle. C'est-à-dire que la culture française prime largement celle de
l’auteur. Les deux cultures se superposent en créant des liens d’opposition.
34
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.21.
35
Idem, p.43.
40
Au fait, les difficultés culturelles engendrées par la conjonction de deux cultures
deviennent récurrentes. Ces problèmes sont parmi les conséquences de l’enseignement reçu à
l’école coloniale. C’est dans ce sens que Khatibi souligne ce désordre culturel :
Dans ce passage, l’adolescent nous fait part du malaise culturel reçu auprès de
l’enseignement colonial. Il présente l’intrusion de la culture française dans la sienne. Dans le
texte, les vocabulaires péjoratifs priment : « épater », « nous soustraire », «baraquée », « sans
retour », « me charriait ». Cet ensemble de vocables négatifs justifient bien l’interférence
culturelle de l’enseignement colonial.
Dans ce contexte biculturel, Albert Memmi soutient que c’est l’usage des deux
langues qui en sont responsables. Il analyse la situation conflictuelle engendrée par les deux
langues, c'est-à-dire leur coïncidence :
En effet, il faut dire que l’interférence culturelle est l’un des effets négatifs de l’usage
de la langue du colon. Kateb Yacine n’a pas manqué de manifester les douleurs qu’il a
connues :
36
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.55.
37
Albert Memmi, Portrait du décolonisé, op.cit., p.136.
41
« Jamais je n’ai cessé, même aux jours de succès près de
l’institutrice, de ressentir au fond de moi cette seconde rupture
du lien ombilical, cet exil intérieur qui ne rapprochait plus
l’écolier de sa mère que pour les arracher, chaque fois un peu
plus, au murmure du sang, aux frémissements réprobateurs
d’une langue bannie, secrètement, d’un même accord, aussitôt
brisé que conclu…Ainsi avais-je perdu tout à la fois ma mère et
son langage, les seuls trésors inaliénables et pourtant
aliénés. ».38
38
Kateb Yacine, Le Polygone étoilé, op.cit., pp.181-182.
39
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., pp.40,54.
42
culturel devient un frein pour la culture autochtone. Cette ambiguïté culturelle est symbolisée
par l’usage du terme « frileux » synonyme de « refus d’aller de l’avant. »
En d’autres termes, dans La Mémoire tatouée, le texte en français est écrit à l’aide
d’une série de paraboles coraniques. Celles-ci expriment le caractère sacré du Coran dans
l’écriture de Khatibi. La désacralisation du Coran provient alors de l’imposition du français.
Ecrire en français devient synonyme de profanation. Car l’imposition de langue française
demeure la source majeure de la désacralisation :
40
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.46.
41
Op.cit.,40.
43
Dans ces conditions, Khatibi utilise deux méthodes narratives. D’abord, il emploi la
langue française qu’il trouve sans morale. Ensuite, il procède à la subversion du langage
maternel à l’aide de la parabole qu’il détourne en sa faveur.
Dans cet extrait de texte, la parabole coranique se place à la fin. Elle joue une fonction
subversive. Car sur le plan social, le terme « bordel » employé dans le texte s’oppose à la
parabole du Coran. Cette dernière est porteuse de la morale du verset coranique. Abdelkébir
Khatibi manifeste la volonté de parodier le Coran pour donner sens à l’écriture du sacré. Avec
le terme « chassé-croisé » combiné au « bordel », ceci exprime cette double désacralisation de
la parabole coranique en fin du texte.
42
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.49.
44
CHAPITRE III : LES AVANTAGES DU BILINGUISME
Dans cette optique, il convient d’abord de voir la victoire que Khatibi a connue face
au désordre de la colonisation et la souffrance que celle-ci engendre. Et enfin, il faut
souligner que le bilinguisme colonial accorde un pouvoir aux écrivains sur les autres et sur le
monde.
Dans ce passage, Khatibi nous fait part de sa victoire sur le désordre et la souffrance.
Et il ajoute que l’usage de la langue française permet donc de contester le prestige de ceux qui
l’ont imposée. L’auteur va plus loin lorsqu’il glorifie la langue de l’Autre en disant que
«c’était le seul moyen. » Dans ce sens, Khatibi laisse entendre que cette langue étrangère
peut être qualifiée d’arme. De là, l’auteur en profite pour critiquer violemment le système
d’enseignement colonial :
43
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.57.
45
« Au collège, l’action politique, à tous égards, était tortueuse.
Nous arrivaient de façon épisodique quelques tracts que nous
commentions par petits groupes. Aucune organisation interne,
seulement le sabotage de la sécurité de l’Autre : pour désarmer
un enseignant colonialiste, on inscrivait au tableau un énorme
DIEU-BIEN-PHU. Comme le cours était foutu, il nous insultait,
occasion de nous traiter de vandales, de wisigoths, de barbares,
de tant de noms forcés qui chantaient curieusement leur
terreur. ».44
A cet égard, le bilinguisme colonial devient une arme pour Khatibi de manifester son
indignation face au colon. Ce dévoilement de sa colère lui permet de vider en partie le
désordre de l’école coloniale. C’est pourquoi il convient de dire que le bilinguisme dans cette
condition est nécessaire. Car Khatibi s’en sert afin de témoigner de ce qu’il pense et de
partager son vécu.
Dans La Mémoire tatouée, Abdelkébir Khatibi ne cesse d’évoquer les avantages que le
bilinguisme présente. Ces avantages se trouvent d’abord dans la lecture puis dans l’écriture.
C’est ainsi que l’auteur privilégie la lecture comme secours. La lecture devient alors pour
l’écrivain un acte libérateur :
44
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.62.
46
année de convalescence entre le Maroc, Paris, Combloux et
Stockholm. ».45
Khatibi fait l’apologie de la lecture. Celle-ci est pour lui porteuse d’apaisement. La
lecture lui permet aussi d’échapper à la discipline de l’école, au conformisme de
l’enseignement classique et à l’ordre social et colonial. C’est donc une véritable réponse au
désordre et à la souffrance de la colonisation.
Dans ce texte, l’auteur a employé une figure d’opposition. Il s’agit d’un oxymore qui
sert à relier deux concepts de sens différents. L’expression « le goût féroce de la lecture »
entend signifier que l’auteur tire de l’avantage là où règnent le désordre et la souffrance. C’est
l’effet oxymorique produit par l’alliance du nom « goût » à l’adjectif « féroce » qui exprime
la violence.
Dans ce sens, c’est la littérature qui a porté secours à l’auteur. Car la littérature est le
refuge des écrivains lorsque ceux-ci se sentent agressés. C’est pourquoi Khatibi emploie
l’expression « ce dédoublement me sauva. » Cette dernière laisse entendre que l’auteur se
trouve dans une situation gênante. Mais celle-ci a été déjouée par ce dédoublement qu’est le
bilinguisme colonial.
Cette nécessité du bilinguisme développée par Khatibi a été aussi traitée par Albert
Memmi. Celui-ci attribue au bilinguisme un facteur d’accéder au développement des
colonisés. C’est dans ce sens qu’il dit ceci :
En fait, le bilinguisme a son importance quand il s’agit aux écrivains de véhiculer leur
message. Sur ce, le colonisé s’approprie de la langue du colon afin de la maîtriser. Bien que
l’écrivain acculturé soit soumis aux contraintes de la langue, il reste clair que l’usage du
français est source de liberté. C’est ainsi qu’Assia Djebar voit dans la langue française la
source de lucidité et de liberté :
45
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.86.
46
Albert Memmi, Portrait du décolonisé, op.cit., p.136.
47
qu’à ce prix je puisse circuler, dégringoler toutes les rues,
annexer le dehors pour mes compagnes cloîtrées, pour mes
aïeules mortes bien avant le tombeau. »47
Sur ce, le bilinguisme présente des valeurs indispensables aux colonisés. Il a aussi
contribué à leur développement économique. Ce qui fait que les écrivains continuent encore et
toujours d’employer le français. En somme, il est indéniable que le bilinguisme a déjoué le
désordre et la souffrance coloniale.
Les avantages du bilinguisme selon Khatibi sont multiples. Cette langue étrangère qui
s’ajoute à la sienne lui donne un pouvoir. Et ce pouvoir se manifeste sur ceux qui ont colonisé
le Maroc. Ce qui fait que Khatibi a connu une notoriété internationale comme le prouve
Jacques DERRIDA dans sa préface.
47
Assia Djebar, L’Amour, la fantasia, op.cit., p.204.
48
amies. Pour exciter l’inspiration, on m’apportait des photos.
Entouré de mes dictionnaires, j’étais exalté, multiple à travers
ces passions épistolaires. Je gérais ainsi, jusqu’à midi, la
sensibilité du monde. »48
Dans ce texte, l’auteur évoque le goût acquis dans l’exercice de la lecture. Ce plaisir
s’acquiert à l’aide d’un effort d’imitation d’autres écrivains. Ces derniers lui servent de guide
48
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.53.
49
Idem, p.54.
49
et de source d’inspiration. C’est ce qui a rendu l’auteur capable de s’enrichir
intellectuellement et spirituellement.
En plus, le pouvoir de l’écrivain est révélé lorsque celui du colon cesse. Car dans
l’écriture, l’écrivain se sent libre de penser et d’agir. C’est pour cela que l’écriture renforce le
pouvoir de l’auteur. D’où la phrase « j’avais donc un pouvoir irréversible. » Ce pouvoir est le
résultat de son désir « d’avaler le dictionnaire. »
Selon Khatibi, le bilinguisme lui sert d’arme et d’outil de connaissance. Il lui permet à
la fois de se défendre et d’attaquer à son tour le colonisateur. Cette offensive se manifeste du
fait que Khatibi tourne la langue française contre le colon. Et ce pouvoir offensif s’acquiert
par des exercices d’imitation. C’est pourquoi l’auteur affirme:
50
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.71.
51
Idem, p.57.
50
Dans ce sens, la parodie demeure alors une technique puissante pour Khatibi. Il s’en
sert afin d’acquérir ce pouvoir sur les autres. D’où l’expression « je torturais les autres. »
Cette parodie qui sert à dépasser est une manière de décoloniser la littérature.
51
CONCLUSION
52
TROISIEME PARTIE :
BLESSURE DE LA MEMOIRE
53
INTRODUCTION
Sur ce, il est nécessaire d’évoquer les conséquences morales engendrées par la
colonisation. Pour le cas du Marocain ayant vécu l’époque coloniale, celui-ci a vécu ces
douleurs morales dues à la terreur de la guerre. Enfin, le colonisé est toujours confronté à
cette difficulté morale qui est à l’origine de la déchirure de la mémoire.
Le cas du bilinguisme est aussi fâcheux étant donné qu’il est imposé. Cette imposition
est une agression morale du colonisé du fait que celui-ci est soumis à l’utilisation de deux
langues de statut différent. En fait, le bilinguisme et le biculturalisme sont à l’origine de la
blessure de la mémoire.
54
CHAPITRE I : LE TRAUMATISME LAISSÉ PAR LA COLONISATION
Dans ce passage, l’auteur évoque en lui un moment passé qui a marqué son esprit. Il
raconte son enfance malheureuse liée aux contraintes morales de la colonisation. Le « je »
exprime ici la personne de l’auteur, lui-même menacé par les événements fâcheux du temps.
Avec l’emploi de l’expression « le temps se détruit dans une répétition fissurante », nous
comprenons alors que la colonisation a été une entreprise de la destruction de l’esprit.
52
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.34.
55
« Une mélodie semblable, recracher dans les rédactions
l’essence des morceaux choisis, telle quelle, quand, en flèche
brisée, l’esprit d’un enfant se colonise. » 53
Dans La Mémoire tatouée, Khatibi a scindé son texte en deux moments dont l’un est
celui de son enfance, et l’autre celui de son âge adulte. En plus, la colonisation a laissé de
mauvais souvenirs de son enfance qui ont continué de hanter pendant la période de maturité.
C'est-à-dire que ces mauvais souvenirs réapparaissent toujours au fur et à mesure qu’il vit :
Pour toutes ces raisons, il est vrai que Khatibi manifeste sa terreur des contraintes liées
à l’esprit. Selon lui, le « rapt de l’esprit » est plus douloureux qu’être menacé de mort par« un
couteau inattendu ». Car les problèmes psychiques sont difficiles à guérir. Pour cela, « le rapt
de l’esprit » peut signifier ici une maladie pour laquelle Khatibi est en train de chercher les
solutions. L’auteur lui-même n’a pas échappé à l’emprise de cette contrainte morale étant
donné qu’il est la première victime. Il précise à la fin du texte que son engagement n’est rien
d’autre que la lutte contre ce genre d’oppression. Celle-ci touche en totalité toutes les
personnes qui ont été colonisées.
53
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p. 42.
54
Idem, p.80.
56
qui sont restées témoins de mauvais traitements coloniaux. Le corps du décolonisé a aussi été
affecté car l’auteur lui-même parle de la perte de son corps, c’est-à-dire de la perte de soi qui
connote son identité :
Le traumatisme du passé a été provoqué d’une part par la Seconde Guerre mondiale,
d’autre part par les guerres d’indépendance du Maghreb. Ce grand conflit mondial a fait que
les Occidentaux impliquent leurs colonies dans cette guerre qui n’est pas la leur. Abdelkébir
Khatibi en témoigne dans son texte suivant :
55
Abdelkébir Khatibi La Mémoire tatouée, op.cit., pp. 67-68.
57
de ma mémoire de vagues paroles sur la rareté des produits ou
le drame de parents engagés de gré ou de force. Radio-Berlin
captait l’attention de nos pères ; l’histoire internationale entra
dans ma petite enfance par la voix du sinistre dictateur. »56
Il était convenu pendant l’époque coloniale que toutes les colonies soient engagées
dans la Seconde Guerre mondiale qui éclate en Europe. Un pays colonisé comme le Maroc
était contraint à s’engager dans le conflit qui se déroule en Europe. Ce qui fait que l’auteur
évoque « le drame de parents engagés de gré ou de force » dans ce conflit européen mais
mondialisé. Ainsi, Khatibi souligne l’intrusion de cette histoire coloniale internationale dans sa
personne d’un enfant fragile moralement. Et l’auteur dénonce le colon exprimé dans le texte
sous le nom de « dictateur ». Car c’est à cause de lui que le colonisé subit ce désordre de la
conscience.
56
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.15.
58
descente précipitée contre l’Occident. Enigme sur énigme, nous
prenions cet Occident contemporain pour une blessure. »57
La déstabilisation morale causée par l’Occident a marqué tous les esprits maghrébins.
Khatibi manifeste la volonté d’afficher sa colère contre les colons. Car il n’y a rien de bon
dans le fait d’être sous la domination coloniale. C’est pour cette raison que Frantz FANON dit
dans l’une de ses œuvres majeures :
L’auteur privilégie la liberté de l’homme même si celui-ci vit dans la misère. Car la
domination coloniale aboutit à des fins négatives.
Par ailleurs, dans le texte de Khatibi précédemment cité, il précise les contraintes
instaurées par le régime colonial. Il insiste aussi sur l’évocation des effets pervers de la
colonisation qui se présentent aux yeux de Khatibi comme une blessure multiforme.
Dans cette citation, l’auteur semble dire que les écrivains possèdent le pouvoir de lutter
contre la division coloniale. Il va même jusqu’à exprimer sa sureté face à cette contrainte
qu’est la division. C’est une façon d’accorder une grande importance à tout intellectuel
écrivain qui a lutté contre l’oppression coloniale.
Ainsi, il convient de souligner que le désordre de la conscience des colonisés reste une
véritable citatrice morale du régime colonial. Ce qui fait qu’un écrivain comme Abdelkébir
Khatibi s’est nourri de ces événements fâcheux pour écrire un roman dont le titre reflète le
traumatisme du passé et sa lutte pour l’exorciser.
57
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., pp.108- 109.
58
Frantz Fanon, Les Damnés de la terre, Paris, Maspero, 1961, p.143.
59
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op. cit., p.110.
59
En plus, il est évident que même l’usage de la langue française peut présenter ce
problème de la conscience. Car face à un enseignement trilingue, Abdelkébir Khatibi
démontre l’incapacité de l’enfant qu’il était de maîtriser la complexité de ces langues. Dans le
roman, l’auteur en parle cette discontinuité, ce manque de cohérence qui aboutit au désordre
de la conscience :
Car l’emploi du nom composé « chassé-croisé » connote une situation de sens péjoratif
qu’un esprit d’un enfant n’en est pas capable de réussir.
60
Op. Cit., p .40.
60
CHAPITRE II : LA DECHIRURE DE LA MEMOIRE
61
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p. 18.
61
déchirure de la mémoire dans la mesure où Khatibi connaît « la conscience dégradée ». C’est
pourquoi l’auteur emploie l’expression de « mémoire à la moindre rature ».
« Je t’ai souvent répété que mon être n’est pas ce vide que tu
nommes, cet œil noir où je me perdrais dans la mortelle
fascination, même s’il y a au fond de la pupille la peur d’être
dévoré par une simple fumée de tabac, quand, revenant vers ma
fatigue, elle s’enroule et disparaît dans ma propre chair.
Supposons ce vide irrévocable dans le battement, n’est-ce pas
que le souvenir est pure rature ? On peut commencer par
n’importe où, et tout le reste est hasard, chaque fois le souvenir
est à gagner ou à détruire, une fois pour toutes, dans une fraude
inavouée. »62
L’auteur met l’accent sur le problème de la mémoire. La mémoire n’est pas une chose
palpable. Mais c’est par métaphore que l’auteur qualifie la mémoire de tatouée, de souillée et
même de raturée. Car la mémoire est comparée à quelque chose tatouable dans la mesure où
les souvenirs traumatisants de la colonisation restent encore gravés dans les esprits des
colonisés.
En effet, Abdelkébir Khatibi explique que ce sont les souvenirs du passé qu’il faut
chercher à surmonter. Ceux-ci représentent pour lui un obstacle moral. Sur ce, il est évident
que le processus de la colonisation a laissé derrière elle de mauvais souvenirs de tous genres.
L’homme décolonisé est loin de pouvoir oublier définitivement ces troubles moraux qui se
présentent comme un vide laissé dans la conscience du colonisé. Khatibi accuse le
colonisateur comme étant le générateur de cette souillure et de cette déchirure de la mémoire :
62
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.107.
62
« Il n’y a rien de plus atroce que la déchirure de la mémoire.
Mais déchirure commune au colonisé et au colonial, puisque la
médina résistait par son dédale. »63
Abdelkébir Khatibi souligne à travers ce passage les douleurs subies par la mémoire.
L’auteur va jusqu’à dire que même l’agresseur a subi des séquelles coloniales. Car le colon
qui fait figure d’oppresseur a instauré des idées opprobres, c’est-à-dire pleines d’humiliation
au peuple colonisé. Donc, la déchirure de la mémoire est une contrainte morale qui menace le
sujet dominé et celui du dominant.
Dès le début du roman, Khatibi décrit le caractère sacré de son nom, c'est-à-dire de sa
personne. Cette valeur sacrée est ensuite désacralisée par des événements perturbateurs étant à
l’origine de la déchirure nominale. Dans le passage, l’auteur évoque la présence des troubles
représentés par l’expression « raturé en images ». Cette expression semble dire que les
souvenirs choquants du moment passé ont transformé son être tout entier. Bref, il convient de
dire que Khatibi se présente dans le roman comme une personne hantée par les troubles
traumatisants du passé. Car la répétion de la déchirure de la mémoire laisse entendre qu’il
s’agit du dévoilement de l’auteur afin de surmonter les problèmes qui pèsent sur lui.
63
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.34.
64
Idem, p.13.
63
II.2. La perte de la mémoire.
En effet, dans La Mémoire tatouée, Khatibi fait l’analyse du moi en évoquant la perte
de sa mémoire qui apparaît d’un épisode à l’autre. L’auteur présente cette mémoire de façon
problématique puisque cette dernière reste perdue à cause de l’histoire coloniale. Ce qui fait
que Khatibi écrit ainsi :
La perte de la mémoire est décrite non seulement dans La Mémoire tatouée mais aussi
dans beaucoup de ses écrits. Cette perte de la mémoire résulte de la blessure de la mémoire
due aux guerres d’indépendance. C’est ainsi que l’auteur parle d’une mémoire blessée:
65
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.68.
66
Abdelkébir Khatibi, Un Eté à Stockholm, op.cit., p.355.
64
La blessure dont parle Khatibi est une blessure morale. Cette dernière est le résultat de
deux conflits qui ont marqué son siècle. Il s’agit de la Seconde Guerre mondiale et de la
guerre d’indépendance au Maroc. Ces deux conflits sont les causes profondes de la blessure
de la mémoire.
67
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.20.
65
de mémoire, la joie de tout omettre et de tout oublier, y compris
mon visage. La rencontre : une passion amnésique »68
Dans la citation précédente, Khatibi relate les effets néfastes de l’amnésie provoquée
par une rencontre de deux personnes de langues différentes. La perte de mémoire est ici une
conséquence de l’amour qui s’impose face au couple. Cet amour est soumis d’abord au
problème d’adaptation. Dès lors, la blessure de la mémoire reste une fatalité même dans le cas
des personnes d’origine différente.
En fait, il est évident que le concept de la perte de la mémoire figure parmi les
confrontations présentes dans l’écriture de Khatibi. Celui-ci n’a pas échappé à la perte de la
mémoire. Car cette dernière parvient d’une part aux souvenirs atroces de la colonisation.
D’autre part, aux conséquences malheureuses engendrées par le mariage mixte.
68
Abdelkébir Khatibi, Amour bilingue, op.cit., p.257.
66
CHAPITRE III : LA MEMOIRE APAISEE
L’apaisement de la conscience du colonisé a été parmi les points positifs véhiculés par
le processus de la décolonisation. Cette dernière a permis aux colonisés d’accéder à
l’indépendance d’une part. D’autre part, elle a ouvert le champ de l’expression.
Rappelons que pendant la colonisation, les écrivains ont été contraints par beaucoup
d’obstacles notamment les assassinats fréquents des intellectuels au Maghreb (Tahar Djaout,
Mouloud Feraoun). Ce qui fait que l’acquisition des indépendances a élargi le champ de la
liberté d’expression.
L’indépendance a permis aux gens des pays colonisés de retrouver leur autonomie, et
la liberté. Les trois pays du Maghreb ont vu leurs territoires sous le contrôle des Français
depuis des années, des décennies voire même des siècles. Pour le cas du Maroc, il est rentré
sous le régime de protectorat français en 1912 et n’a recouvré son indépendance que le 20
mars 1956.
69
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.17.
67
Français sont empêchés de s’accaparer aux richesses du pays après l’acquisition de
l’indépendance. Car le mot « sein » connote la vie, c'est-à-dire la nourriture. Dans ce
contexte, cet empêchement renvoie au sevrage qui est une cessation d’allaitement maternel.
Par réduction métaphorique, le sevrage peut signifier la fin de l’exploitation des richesses
minières marocaines par les colons.
Par ailleurs, l’indépendance a joué un rôle important dans la lutte contre les
conséquences négatives postcoloniales. Car, les souvenirs atroces laissés par la colonisation
ont été effacés progressivement grâce à l’indépendance. Cette dernière a permis aux écrivains
de s’approprier de la langue du colon pour ensuite en faire un instrument de jouissance. C’est
pourquoi Khatibi écrit ainsi dans son texte suivant :
Khatibi fait ici l’éloge de l’indépendance qui est la source originale de la liberté.
L’homme colonisé a vu les contraintes physiques derrière lui et celles du moral devant. Mais
ces deux genres de contrainte ont été franchis à l’aide de l’utilisation de la langue française.
Ce qui fait que l’auteur n’a pas manqué de souligner le recours à l’action. Et ce recours a
permis à la libération de l’esprit.
Khatibi met en lumière ce processus de l’indépendance, qui pour lui, a élargi sa vie
soumise au désordre postcolonial. Parmi les effets de l’indépendance, il convient de citer le
problème de l’imaginaire sous l’effet immédiat de la colonisation.
70
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.61.
68
étranger mais libérateur. Car cette utilisation du français leur permet de décoloniser l’arabe et
la culture marocaine. Ainsi, grâce à l’usage de la langue du colon, les intellectuels marocains
parviennent à se faire entendre d’un public plus large.
Dans ce cas bien précis, l’usage de la langue française après l’indépendance continue
de perpétuer le phénomène d’acculturation. Donc, c’est cette langue qui sert aux écrivains de
prendre une revanche contre le colon agresseur.
En plus, Abdelkébir Khatibi n’a cessé d’évoquer à travers son roman le sens positif de
la notion de l’indépendance. Celle-ci reste porteuse des merveilles spirituelles visant à libérer
tous les secteurs colonisés :
La liberté d’expression tant attendue par les écrivains maghrébins, a été définitivement
acquise grâce à l’obtention de l’indépendance. Il convient dans ce contexte de profiter de
l’usage de la langue française comme moyen de transmission de message. Car durant la
colonisation, les choses ne se passaient pas de la même manière qu’après. Ce qui fait que les
écrivains du Maghreb continuent encore de perpétuer une littérature d’expression française
postcoloniale.
71
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.73.
69
blessure de la mémoire semble occuper une place cruciale dans la réflexion littéraire de
Khatibi. Selon ce dernier, l’usage de la langue du colonisateur apaise sa mémoire :
Après les indépendances, la langue française reste le seul véritable outil pour tenter
d’effacer les traces de lien établies par la colonisation. Celle-ci a provoqué chez les colonisés
un complexe d’infériorité. Sur ce, les oppressions imposées aux dominés peuvent être
contournées à partir de l’écriture. C’est pourquoi l’auteur du texte précédemment cité insiste
sur l’éloge de l’écriture comme moyen d’apaisement moral. Dans ce sens, il convient
d’affirmer que le pouvoir de l’expression reflète par la suite la liberté d’expression.
Dans ce cas bien précis, il est clair que la liberté d’expression se manifeste non
seulement au niveau social mais aussi sur le plan de l’écriture. Elle leur permet d’exprimer
leurs revanches face à l’occident :
72
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.53.
73
Idem, p.104.
70
Dans ce passage, il est important d’évoquer la violence du texte. Cette violence est
engendrée par un esprit de revanche vis-à-vis de la colonisation. Car le départ du colonisateur
rend de plus en plus violent l’écriture des écrivains. Ceux-ci profitent de la liberté
d’expression pour subvertir les règles du roman français. Cette subversion a aussi été
appliquée dans le renouvellement de quelques valeurs culturelles marocaines. Ce qui fait que
certains écrivains marocains ont été menacés d’incarcération. L’idée de revanche apparaît
dans un paragraphe à l’autre. Abdelkébir Khatibi est parmi les auteurs marocains qui
manifestent leur colère à travers l’écriture :
Dans ce passage, l’auteur semble habité par le désir de se venger du colon. Celui-ci
prend figure d’oppresseur contre un peuple colonisé et faible. C’est ce qui a poussé les
écrivains à recourir à l’écriture pour se venger. Pour cela, l’expression sert d’outil de soulager
la mémoire. Dans ce sens, la liberté d’expression contribue à apaiser l’esprit agressé pendant
des années. Khatibi présente le Maghreb comme un horizon emprisonné par le processus de la
colonisation. Cet emprisonnement renvoie à l’emploi du mot « rapt » synonyme d’otage. Et
la liberté d’expression est le facteur qui a déjoué le « rapt » du colonisateur. De ce fait,
l’ambition première des écrivains maghrébins est de se défaire du complexe d’infériorité.
C’est pourquoi les intellectuels fournissent leurs efforts en vue de rayer tout rapport
problématique entre colonisateur et colonisé.
En effet, dans Un Eté à Stockholm, Abdelkébir Khatibi fait l’éloge d’un voyage en
Europe. Il y décrit les plaisirs des découvertes de la langue et de la culture suédoises. Cet
enrichissement culturel a fait de Khatibi un homme guéri de la blessure de la mémoire. C’est
pourquoi il donne ce témoignage dans son texte suivant :
74
Abdelkébir Khatibi, La Mémoire tatouée, op.cit., p.104.
71
dérobées à ma rapidité de traduire, à ma mémoire surchargée.
C’est une langue que je capte par chuchotements »75
75
Abdelkébir Khatibi, Un Eté à Stockholm, op.cit., p.298.
72
CONCLUSION
Enfin, bien que Khatibi figure parmi les colonisés qui ont été malmenés par la
colonisation, il a choisi l’option de l’écriture. Cette dernière est le seul recours permettant
d’échapper au chaos et au désordre moral. D’où, l’appropriation de la langue du colon pour
combler ses lacunes et vides.
73
CONCLUSION GENERALE
Ce sont surtout les nationalistes qui ont reproché aux écrivains francophones, au temps
du régime colonial et au moment des indépendances, qui s’amusent à écrire dans la langue de
l’Autre. Le choix de la langue française par les écrivains maghrébins reste une question de
fascination. C’est-à-dire que ces écrivains sont attirés par un goût particulier d’utiliser le
français en tant que langue dominante afin d’être compris par les colons.
D’une part, les écrivains maghrébins emploient le français comme un outil de travail.
D’autre part, ils l’utilisent comme un instrument de jouissance personnelle. Par ailleurs, les
points de vue sur l’emploi de la langue française divergent. Car l’imposition du français par le
régime colonial constitue une agression morale qui provoque un dualisme linguistique
problématique et un bouleversement des valeurs culturelles du Maghreb.
74
Pour cela, Khatibi présente la notion de l’acculturation dans deux mondes différents.
L’auteur parle du moment de son enfance au Maroc. Il évoque aussi le temps qu’il a passé à
l’Occident. C’est un personnage qui a vécu donc deux cultures et deux langues différentes.
D’où, le brassage culturel qui s’effectue à l’aide d’un passage de la culture marocaine à la
culture française.
Abdelkébir Khatibi est parmi les décolonisés du Maroc qui ont vécu les douleurs du
bilinguisme imposé et du biculturalisme. Or Khatibi voit en même temps de l’enrichissement
occasionné par le bilinguisme. Il considère l’utilisation du français comme un moyen efficace
pour montrer au colon une nouvelle maîtrise de la langue. Il montre aussi que l’usage de la
langue de l’Autre est une victoire aux souffrances et douleurs provoquées par le déracinement
culturel de l’action coloniale.
En fait, la mémoire de l’auteur est marquée par les cicatrices morales laissées par la
colonisation. C’est dans cette situation que la mémoire reste agressée.
Ces deux cultures se sont assimilées et finissent par connaître chacune un statut différent.
D’où, le conflit culturel qui oppose ces deux cultures.
75
En outre, ce problème du statut culturel a affecté celui de la langue. Celle-ci est la
source de l’acculturation car elle a été imposée. Cette imposition dévalorise la langue de
l’auteur notamment l’arabe et favorise celle de l’Autre. Dans ce cas, le décolonisé se trouve
donc dans une situation embarrassée parce que vivre deux langues dont l’une est choisie et
l’autre est imposée, c’est être agressé moralement. Et cette agression touche la mémoire.
Ainsi, l’Autre emploie sa langue comme moyen d’élargir son champ d’occupation et
de domination. Mais Khatibi trouve dans la domination linguistique une sorte de richesse
intellectuelle qui lui permet de lutter contre toutes formes d’acculturation.
Dans La Mémoire tatouée, Khatibi raconte sa vie depuis son enfance au Maroc jusqu’à
son passage en France où il a passé ses années d’études supérieures. C’est cette expérience
vécue chez soi et chez l’Autre qui lui a causé le mal de la double culture et un drame
linguistique. Son autobiographie semble se faire de telle sorte qu’il est parvenu à dévoiler son
intériorité et à montrer son caractère d’écrivain acculturé.
76
BIBLIOGRAPHIE
I-OUVRAGE ETUDIE
III-OUVRAGES GENERAUX
10. DEJEUX, Jean, Dictionnaire des auteurs maghrébins de langue française, Paris, Karthala,
1984.
12. DUGAS, Guy, Bibliographie de la littérature marocaine des français (1875-1983), Paris,
CNRS, 1986.
VI-OUVRAGES CRITIQUES
13. AHNOUCH, Fatima, Image not available, Abdelkébir Khatibi, la langue, la mémoire et le
corps, 2004, 287 pages.
14. AΪT YOUSSEF, Abdelaziz, La littérarité de Abdelkébir Khatibi, autour du livre sang et
l’ensemble de l’œuvre, 2000, 385 pages.
77
16. MEMMES, Abdallah, Abdelkébir Khatibi, L’Ecriture de la dualité, Paris,
L’Harmattan, 1994.
V- ARTICLES
78
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION GENERALE.......................................................................................................... 6
INTRODUCTION ............................................................................................................................. 11
CONCLUSION ................................................................................................................................. 23
INTRODUCTION ............................................................................................................................. 25
CONCLUSION ................................................................................................................................. 52
79
TROISIEME PARTIE : BLESSURE DE LA MEMOIRE ............................................................ 53
INTRODUCTION ............................................................................................................................. 54
CONCLUSION ................................................................................................................................. 73
CONCLUSION GENERALE............................................................................................................. 74
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 77
80
RAPPORT D’ERREURS
Nous tenons à apporter des précisions supplémentaires sur les concepts clés utilisés dans ce
mémoire pour en accroître la lisibilité.
1- Acculturation : Adaptation d’un individu à une culture étrangère avec laquelle il est en
contact, ou à un nouveau milieu socio-culturel dans lequel il s’est trouvé transplanté.
2- Aliénation : Tout processus par lequel l’être humain est rendu comme étranger à lui-même,
et perd la conscience claire des ses rapports avec l’Autre.
3-Biculturalisme : Coexistence de deux cultures nationales dans un même pays.
4-Bilinguisme : Usage simultané de deux langues ; caractère d’une personne, d’une région
bilingue.
5- Culturalisme : Doctrine sociologique qui met en évidence l’action du milieu « culturel »
(des formes acquises de comportement) sur l’individu.
6- Culture : Ensemble de formes acquises de comportement, dans les sociétés humaines.
7- Diglossie : Situation linguistique d’un groupe humain qui pratique au moins deux langues
en leur accordant des statuts hiérarchiquement différents, notamment lorsque ces langues ou
variétés linguistiques sont apparentées et particulièrement intercompréhensibles.
8- Interférence : Phénomène résultant du contact entre deux usages sociaux.
9- Mécanisme : Se dit de certains processus psychologiques, notamment en psychanalyse.
10- Mémoire : Ensemble des fonctions psychiques grâce auxquelles nous pouvons nous
représenter le passé et le reconnaître comme tel (fixation, conservation, rappel et
reconnaissance des souvenirs).
11- Transculturation : Processus de transition d’une culture à une autre, de la disparition de
la culture traditionnelle jusqu’à l’acquisition de la culture nouvelle.
Le grand Robert de la Langue française. Le Robert/SEJER, 2005.
81