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Ingeborg. Bachmann Ingeborg Bachmann (1926-1973) n'a vécu que 47 ans, mais son cxuvre, dont une partie importante resta inachevée, constitue lune des productions de Tangue allemande Jes plus remarquables du 2% siécle. Moins connue en France que d'autres écrivains ¢origie autrichienne, dont certains qu'elle a ‘conmus ou aimés, comme Paul Celan ou Thomas Bernhard, 'univers de cette auteure engagée est déchiré entre une tradition dont elle hérite, marquée par la guerre et le nationa-socialisme, et le monde tel quelle Fesquisse et le Féye dans son ceuvre lyrique ou en prose. Elle inventa une pensée sans pré- cédent, mouvante, otllant, quia préfiguré bien des évalutions uleérieres fet est matérialisée dans la déconstruction des genres. Ingeborg Bachmann FaanOise Alene oe aes ee Cc voix allemandes COLLECTION DIRIGEE PAR MICHEL ESPAGNE lis Canes, 0. gard. Heiner Mier, F Ballet, Friedrich Schley 8. Fort ‘Artur Schitcler, J Ue Riser ‘Bertolt Bri, F Maier Schacter. Alfred Dabin, M. Vancosthuyse, (Ginter Gress, T. Seve, Wolfram von Eschenbach, R, Pérennec Peul Celan. A. Lauter, Henvich Heine, M8, Male. Rainer Mara Rilke, K. Winkelvoss, rane Kafe, FBancnud. Johar Friadrich Herbrt, C. Magn. Hans Blumerberg, JC. Monod, (don vou ora, Bale. Georg Christoph Lichtenberg. J. Mondo. sa782 0 P30 sca 00900: BAC Je Ingeborg Bachmann 8, rue Ferou ~ 75278 Paris cedex 06 A mon pere (pour metre pas un Pere) AVANFPROPOS Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 (Chapitre 5 Chapitre 6 Phot de ouverte © La Collection / ite ANNEXE Notes Sommaire Une ceuvre ouverte La Boheme est au bord de la mer Guerre et utopie Du coté de la mort la vie. autre regard 'Orphée Musique et littérature, Voix et écriture La loi du Pere en question, Déconstruction du récit Ondine s'en va. Art au féminin, art paradoxal ‘ELEMENTS DE BIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE u 2 6 83 104 136 159 162 176 Avant-propos Louvre de Pécrivaine autrichienne Ingeborg Bach- ‘mann (1926-1973) constitue l'une des productions essentielles des littératures germanophones de la seconde moitié du xx* sitcle. Ce n'est cependant que depuis le milieu des années quatre-vingt que la critique selentifique, sattachant & une analyse rigoureuse et systématique de Tensemble des. écrits accessibles, commenca de soustraire Tceuvre a Vinfluence des clichés, mythes et légendes qui entourérent la vie et la mort de Pauteure. Ingeborg Bachmann naquit le 25 juin 1926 dans la ville de Klagenfurt, capitale de la Carinthie, la plus méri- dionale des régions autrichiennes, i Yougoslavie et de Italie, comme ai Yécrivaine elle-meme, car cette origine emblématique d'une tendance fondament un drame, des lettres probablement fictives, un journal de guerre. Jeune étudiante en germanistique et philoso- phie a Innsbruck, Graz et finalement Vienne, ot elle arriva a lautomme 1946, elle continua d'écrire, notam- ment un roman Stadt ohne Namen (Ville sans nom) et soutint brillamment une these sur «La Réception critique de la philosophie existentielle de Martin T INGEBORG BACHMANN Heidegger » losophie Martin Heideggers»), dans laquel «deja, en 1950, crtiquer le eélébre philosophe. En 1952, elle fut invitée par Hans Werner Richter potmes devant le Groupe garde regut le prix décemé par le Groupe et publ i de potmes, Le Temps en surs ‘gestundete Zeit). A partir de ce moment legende le potmes, Invocation de la Grande Ourse (Anrufing des Groen Baren, 1956), et de pices radiophoniques, Die Zikaden (Les Cigales) et Le bon Diew dle Manhattan (Der gute Gott von Manhattan, 1958), consacrérent sa gloire ~ une consécration redoutable, reposait, en partie au moins, sur une lecture aprés avoir subi la poésie lapidaire et désa- bbusée de limmédiat aprés-guerre, [Allemagne de la 3), qui faisat et dfaisat La - Yactualité lttéraire, sempressait de se recon- nalire dans un lyrisme qui, par son intensité ‘motionnelle et la beauté ainsi que la richesse de sa langue, semblait si bien renouer avec la ta ainsi @oublier la terrible rupture bi qui venait de se produi Mais les choses n’en restérent pas longtemps a ce point pour Ingeborg Bachmann: lorsque, @ partir de 1961, bien quelle continuat a écrire des poemes, ce furent les écrits en prose qui occuperent le devant de la oon AVANT-PROPOS geait, Sa féminité provocante: ses liaisons diffi ‘ombrageuses, scandaleuses, voire funestes, pour surtout, avec des écrivains (ou musiciens) tout aussi célebres qu'elle: Hans Weigel, Paul Celan, Hans Werner ‘Max Frisch; sa vie instable entre Rome, Zurich, sporadiquement Paris, tandis que ses héroines ins Vienne; sa prose et sa pensée non conformistes, tellement critiques vis-a-vis des pays germaniques et des hommes, qui ne Vempéchérent pas ‘cependant de recevoir les plus grandes distinctions litté- raires, en particulier le Prix Bichner en 1964; ses crises et périodes de silence, surtout celle quielle connut entre 1961 et 1971; sa_mort, enfin, accidentelle et tragique, a Rome, en 1973, alors quelle laisait derrigre elle un fonds tres important de manuscrits inachevés embarrassait En fait, derriere ces catégorisations rapides et super- , commencent dapparaitre, & travers les formes différentes quielles revétent au cours du temps, la permanence des thématiques et la continuité d'une quéte. Ingeborg Bachmann fut une écrivaine profondé- in avoir oublié les épreuves de inschlu8, en 1938, alors avait douze ans ~ weut de cesse de ns, dans la so colonialiste et patriarcale des années cinquante, w on soixante-dix, de ce quelle continua résolu- sme. La révolte de la jeune ppoéme Tous les jours (Alle Tage) ignée de celle qui poussait la ferme mire a coneevoir un triptyque romanesque, dont on ne posséde que Malina dans une forme achevée, su les INGEBORG BACHMANN ainsi quelle a affirmé dans Les Lecons de Francfort (Die Frankfurter Vorlesungen), un moyen dagit, de tenter de transformer le monde, de sapprocher d'un idéal dont on utefois quil ne Sera jam: type nouveau prot une femme en mal dune éerivaine cherchai sein dune tradition transformer. Un Je a I enue le monde = propre au en voulant la désire, entre une feminine, essayant de deux, voite plus encore, cherche tou avec opi Ingeborg Bachmann ant tions culture rant Tavenir sans oublier le passé, renouvelant un certain nombre de formes et conceptions esthetiques qui imaginent un autre espace non seule- , chatoyante, d'une fluidicé permet dosciller des tons majeurs aux cons mineurs dans un chant polyphonique. 10 ee Cuaprrre 1 Une ceuvre ouverte Ingeborg Bachmann na pas, pas encore, en France, est par qui recon- sportance, voire Tinfluence que Tainée a pu exercer sur son aeuvre et sest & plusieurs reprises confrontée & ses textes, ne seraitace qulen écrivant pour Werner Schroter le scénario du film Malina, qui, tout en inspirant du propos du roman éponyme de Bachmann, transforme radicalement dans le sens des problema- ues jelinekiennes, Tous ces « grands » noms, auxquels jaudrait ajouter celui de Peter Handke, lui aussi né en jouissent dans notre pays dune renommée qui fait défaut a Ingeborg Bachmann, Cette méconnais- sance est une exception francaise tout a fat paradoxale, uisque son ceuvre constitue, aux ebtés des autres auteurs autrichiens cités, Pune des productions de langue allemande les plus remarquables du xx° siecle. Pour le trentitme anniversaire de sa mort, en 2003, Repubblica italienne lui consacra des pages entieres; certes, elle vécut longtemps a Rome et y était connue comme une pice maitresse de son intelligentsia, bien aurelle vécit isolée comme tout exilé, Elle y est morte n Cuaprrre 6 Ondine s’en va Art au féminin, art paradoxal Ondine incarnation de l'art Ondine s'en va (Ondine geht), la nouvelle qui clot le recueil de La Trentigme année, auquel travailla Ingeborg Bachmann dés 1958, se termine par les mots, par les vers «Viens. Une seule fois/Viens» («Komm. Nur einmal/ Komm»), une invitation a venir on ne peut plus paradoxale pour un texte qui inscrit le départ dans son titre. Ondine sien va en disant « Viens ». Il semble donc difficile de prétendre, comme ont fait certains critiques ou traducteur!, que lon a affaire & «Tadieu » de la sirene Ondine, ou encore a Tadieu de Ingeborg Bachmann a tune certaine forme de création, meme sila fin du recueil Souvre sur le gouffre de dix ans de silence? Cette inversion paradoxale du partir et du venir, le partir précédant le venir, invalide, entre autres, Yordre logique et traditionnel de la mort aprés la vie tel que Tillustre, par exemple, le Roi des Aulnes dans le poéme éponyme de Goethe: quand le roi dit a enfant « Cher enfant, viens, pars avec moi» («Du liebes Kind, komm, geh mit mir»), on sait que cela signifie la mort de Ven: fant. Dans le texte de Bachmann, de fagon encore plus nette que dans un autre poeme de Goethe, Le Pécheur, 136 6. ART AU FEMININ, ART PARADOXAL invitation de la nymphe laisse le sens en suspens. Lon comprend que le commencement est & la fin, la fin est ouverture vers Tavenir, peut-étre méme la condition dun revenir different. «Ondine sen va», cependant avec ce depart et cette derniére nouvelle, Tensemble du recueil ne se clot pas, mais souvre au contraire sur le «viens», sur Vinvitation @ vivre autrement, dans un autre monde, selon les lois de courage et d'authenticité qui sont celles de Tondine qui ne cesse de répéter aux hommes qu'elle a aimés etre enfin dignes deux- ‘mémes: «Pense. Sois. Exprime-le>. Le refus de l'adiew, de la loiet de la logique de Ia séparation fait partie inté- grante du rejet de Ia société et de ses postulats, du rejet du monde vil et utlitaire des hommes, des valeurs bour- geoises et des contre-valeurs de la société de consom- mation qu'Ondine vilipende tout au long du texte. Ondine part: «je ne reviendrai pas», dit-elle; mais elle ne dit pas oit elle va. Elle ne peut le savoir. La seule chose qu’elle sache: elle ne reviendra pas. Cependant, elle part avec «viens» en écho, résonance qui suspend la rupture en prolongeant la présence. Fle saitce qu'elle ne veut plus faire. Mais elle ne sait pas ce qu'elle cherche. Elle sait quelle ne peut plus que dire NON désormais: elle est allée au bout des avancées possibles. Le temps du gouffre, de Tattente, de la recherche de autre rive ott aborder a commencé. Avec Ondine s'en va, pour Ingeborg Bachmann aussi, cest le temps de la révolte qui a commence. Il faut cependant se garder didentifier Ondine a Ingeborg Bachmann et Ondine a une femme. Le texte extrémement virulent a Tendroit des hommes a souvent été interprété, dans les années 1980, comme un mani- feste féministe avant la lettre. Or, sil est cela, il est loin de metre que cela. Car, comme Ta souligné Bachmann elle-méme dans des interviews, Ondine non seulement nest pas une femme, mais une siréne (ailleurs elle est 137 INGERORG BACHMANN ique aussi envers les femmes); mais surtout en eure a voulu incamer Tart («die Kunst, ach die Kunst», «Lart, ah, Part..»)?, Un certain art au féminin, ‘car pour n'étre pas femme, Ondine nen est pas moins un esprit de Teau de sexe féminin. La nouvelle Ondine sen va est avant tout un manifeste lité- largement unm. les conceptions dor Cette nouvelle fait date dans histoire de la ¢ et de lart, car non seulement ia siréne, repre- in gré, mais de plus, pour la premitre fois, elle prend parole, elle prend voix, elle prend chant sur terre en son nom propre: pour la premiére fois, ce n’est pas un autre qui parle et décide pour elle. Pour la premiére fois dans la littérature oc i, dun art au fem LOndine de Bachmann siinserit dans une longue tradition allemande qui remonte au romantisme: son texte est une réécriture du célebre conte de Friedrich de la Motte Fouqué, Ondine. Cependant Vhistoire de cette ondine trés germanique siinscrit elle-méme dans This- toire dun tres vieux mythe européen, celui des sirénes, A Vorigine, dans tOdyssée, les sirenes, aprés avoir subi une demi-métamorphose, comme nous le raconte Ovide, étaient devenues mi-femmes mi-oiseaux et tité: par son re: 1¢ son identité devant les Phéaciens, sur Ile desquels ila échoué nui et depossédé de tout, mais de plus il devient pote «Entendre le chant des sirénes, cest d'Ulysse qu’on éta devenir Homéze », écrira Maurice Blanchot dans Le Livre 138 6. ART AU FEMININ, ART PARADOXAL 1 des sirénes ne vaut déja plus pour soi, én sof: il est instrumentalisé par ceux qui vont coucher sur le papier. Le charme des sirénes est dou! ‘ment neutralisé par Ulysse, dans Paction et dans le ré isque Ulysse accede a la qualité de poéte eur defaite, Une facon de s'approprier leur chant. Les sirénes sont non seulement vaincues, mais définitivement soumises. Here chrétienne, quelques sicles plus tard, entérine cette defaite en leur faisant subir plusieurs mutations: elles troquent leurs pattes et ailes doiseaux pour une queue de poisson ou de serper lans le cas de Mélusine); elles passent dans un autre jonde, dans un autre régne, sous la surface de eau, cerdites sur terre; et surtout, si elles gagnent en beauté, elles perdent leur chant. Elles sont exclues du royaume de rhumain et de la création? Genevieve Fraisse a noté «le renouvellement de la figure de la sirene aprés 1800», signe du dereglement naissant des représentations des sexes®. I nous faut insister sur le fait que ce renouvellement est formidable et brusque resurgissement, au sens terme, quia liew d2s la fin du xvin® sigcle en Allemagne test étroitement associé au surgissement ou plutot a la refondation dun genre liuéraire: le conte”. Ce resurgis- sement commence en effet avec le texte Conte (1795) de Goethe, ce texte emblématique d'un genre litteraire Jusque dans son titre, dans lequel la belle Fleur de Lys la fois nymphe et Méduse, Les contes de cette epoque — que ce soit avec Fouqué et son Ondine, Hotf- mana et Le Vase dor, Grimm et La nymphe de Goethe de nouveau avec La nouvelle Mélusine ~ racon- rencontre, de réconciliation, voire de fusion, excepte le Conte de Goethe, Be aS = = INGEBORG BACHMANN sexes, de la forme et du chant, d disent finalement Penfermene! et la fata separation: temps, juste ce quil faut pour inspirer un genre (| aire) qui a parte lige avec le monde me le provient, puis on la renvoie lad t pas risquer d'etre contaming... Avec le person- nage mythique de la siréne, le fossé_prétendument insurmontable entre corps ‘et esprit, “masculin et feminin, nature et culture qui se ereuse tout au long des sitcles, ainsi que Font démontré Adorno et Horkheimer dans La Dialectique de la raison, apparait pour la premiere fois dans toute son ambiguité la rchabili des sirénes dans la littérature al vn et du debut du xix®sigcle témoigne en effet la fois du désir et de la peur de le combler. Ingeborg Bachmann, en orchestrant la voix de la siréne, ala fois inverse et invalide ces dichotomies aussi vieilles quela civilisation occidentale. LOndine de Bach- mann incarne en fait une autre loi, sa loi, qui est juste. ment la transgression des frontiéres. Contrairement aux autres ondines qui la précédérent, elle franchit allegre- ment la frontiere de Peau, «la frontitre humide entre (elle) et (elle)». Avant de déclarer son depart a priori elle a transgressé sans relache, dans les deux de son plein gré, la frontigre qui sépare son Je monde de Feau, le monde naturel, dur monde des hommes, le monde de la civilisation. Elle n'a rien fait autre que s'employer a passer de Feau a la terre et a aimer; sans relache elle passe et repasse, sa loi, c'est le passage. Chaque ligne du texte exprime cette logique da passage et de la non-contradiction, non seulement dans son contenu, mais surtout dans sa forme: parce que les limites des genres (lyrique, dramatique, épique) sont transgressées; parce que les paroles dOndine «nous introduisent dans un monde d'une grande subtilitéoit se Vart et de la vie. Is 140 6. ART AU FEMININ, ART PARADOKAL roduisent effacement des charnitres 4’ net la dissolution des frontiéres»® ; parce que Veau, élément dont vient et provient Ondine, est par definition un élément fluide, mouvant, imprévisible, sur lequel on ne eut tracer de frontigres quiinvisibles et perméables. Diailleurs Ondine aime sa «iransparence épaisse »: eats defie la logique binaire des hommes; et Ondine monte sur terre pour Ia défier aussi. Elle est de Tun et Pautre elle appar- naturel; quand elle est sur tere, femme ante, elle qui exhorte Thomme a plus de verite, qui incite & penser autrement, qui le conduit plus prés dune ame ~ alors que chez Fouqué, elle venait sur terre pour obtenir Fame qui manquait aux étres naturels grace 4 Tunion avec un homme ~ elle représente une autre forme de culture. En Ondine, le corps et l'esprit, la nature et la civilisation ne font qu'un. En Ondine, Wrest pas que du cote de la civilisation et de la culture a la ftuidité, té chatoyante, la ment naturel qu cette logique de la fluidite,trés proche, nous lavons vu, de celle de la musique, devrait elle-meme permettre avenement dun autre ordre du monde, od les anciennes catégories seraient dépassées parce que struc- nn des frontitres étanches et figées dans un systtme dopposition. Une étude détallée du texte permet de mettre en évidenee cette opposition entre le de la fidite moins des Sexes art au féminin. Elle symbolise, de plus, une écriture qui sacrifie pas la voix, puisque cest son monologue que fon entend, en affirmant le dépassement possible de ‘opposition entre écriture et oralit autre fagon radicale de transgresser les limites entre les genres. INGEBORG BACHMANN deja simultanément dans et au-dela que dans et en deca de la post-moder dans le féminisme, parce qu'Ondine crit les hi iste. Mais elle est déja au-del parce que les femmes sont pas une femme, illustre 1s, et Ie texte fut lu, dans les années soixan atte-vingt, nous avons dit, comme wn mat premigrement Hes aussi séverement criti- ce que le point de vue dO: ee dans ce tout au le se situe done feminisme, ainsi lle se situe severe ine, qui la valorisa- on du féminin, non des femmes. En Ondine, laremise en question des catégories figées de genre va bien at dela de po etre déclarée desuate, Construction et déconstruction de la différence des sexes Uceuvre dingeborg Bachmann dans cilla sans cesse entre construction et ion binaire homme-femme, la guerre des sexes; toutefois la guerre des sexes est loin au-dela de de la difference des sexes. Feministe avant Vheure par sa pensée, elle ne s'engagea ja ce mouvement, ce sont plut critiques quelle fit entendre; en tout cas, jamais parti pour Jamais laissée «corrompre par Vactualité»°, lui a permis de voir beaucoup plus loin et venir, tout en prévenant les dangers qj 142 is publiquement aupres de Cest ce qui ‘anticiper réservait ‘Cest ainsi que, tout en préfigurant une certaine decons- se de stig 6. ART AU FEMININ, ART PARADOXAL ‘matiser oppression des hommes par les femmes et les bus du systeme patriarcal. Et tout en réclamant l'égalité des femmes, ou en stigmatisant des ins le mariage, elle sest élevée co ferames aux hommes ou au que contre le renoncement a cet es. Une fois de plus, sa position est unique, originale, en dehors de tout programme poli- Lique ou électoral: elle est inclassable, variant les points de vue, les passant tous en revue pour en critiquer certains et en adopter d'autres, insouciantes des prises de position dominantes ou a la mode, refusant de se fixer définitivement sur Tune ou Tautre, eritiquant et int, inventant ne serait-ce que par cette structure luide de sa pensée. Ni construction ni déconstruction, sa déconstruction consiste peut-étre en cette oscillation de Ia pensée qui ne laisse pas fixer, sinon dans le refus de la violence et de linégalité entre les sexes. Ingeborg Bachmann niattendit pas les années soixante pour clouer au pilori les inégalités et les diffé- abyssales entre les sexes, dans la conception de Yamour en particulier, différences qui semblent vouer & Yechec toute possibilité d’entente. Dans ses pitces radio- phoniques, imer de werse, Ia femme vietime de son amour ionné. Cette réécriture voilée du mythe de Tristan et Iseult inverse les données traditionnelles!®: Jan (alias Tristan) ne perd jamais le sens des réalités et rejoint & ‘temps son pays et sa famille en abandonnant Jennifer (alias Tseult) aux foudres du Bon Dieu de Manhattan (alias le Roi Marc), sorte de juge supréme, garant de 143 rs cp aa cee TNGEBORG BACHMANN qui la sacrifie sur Fant s¢e par Tristan, Comme dans le mythe par con uur est condamné po ifs. Car cet passion, ceite «transgression de représente doit eire « éliminé» pour ferme est qui reste fidele & la quielle fut representée dans les romans «daventure » ié doit donc etre considérée vers Gomormhe du recueil La Trentiéme année montre comment une femme, Charlotte, tente d'échapper a Forde patriarcal du mariage. En env’ sageant la possibilité dune liaison homosexuelle, elle prend conscience de tout ce qui manque a Yalfirmation de son identité et qu’elle ne peut continuer de vivre dans le carcan d'un modele, d'une image imposée. Elle songe lun moment a inverser les roles, & faire de son amie, Mara, «sa proie», sa «créature », & Pinstar du compor. tement de son mari envers elle-méme. On a pu montrer que cette nouvelle est une sorte de réécriture d'un roman de Simone de Beauvoir, losophe existent ou semblait thématiser la conception 6. ART AU FEMININ, ART PARADOXAL sartrienne de Autre comme «aliénation subtile de toutes mes possi 2 Ia théorie du conflit inevi- table des consciences. Dans une note manuscrite en effet, Bachmann sen prenait aux femmes qui «pensaient dans les categories des hommes, ces eatégories dégra- dées et simpiifiées, un monde ott “Pautre” devenait “TAuure”, la diablesse, le pauvre diable, la séductrice legendaire, une pauvre fille, une sczur dans le m des cas», Lécrivaine autrichienne montre ex ‘ment dans Un Pas vers Gomorrhe que le comport de Charlotte rest que la conséquence de Ia situation dalignation a connue et que, a ce releve pas du prétendu con De plus, Theroine bachmannienne ne se résout pas & inverser les roles; ce que représenterait pour elle le choix de Phomosexualité. Toutefois, elle a fait «un pas» a rever dun monde dans Ie it pas prison- lune images. En dau se refuse & franchir le seuil qui la ménerait & la reprodu comportements ma ar rapport a certains comportements. fémi ler une critique corrosive «parole de femmes ou dune certaine ine. Entre universalisme et essentialisme, sexe ~ une sorte de «mutation » du genre! — qui trou- vera son aboutissement dans le poéme de 1964 La Bohéme est au bord de la mer. Mais le reve @un monde ot tre soi-méme sans devoir obgir & une rapports de sexe: en cela, ipé sur le danger potentiel une déconstruction des rapports sociaux de sexe qui 145 INGEBORG BACHMANN envisagéun monde ou opposition des sexes n plus. Dans f mn et déconsiruction des genres indétermi igrane, dans le potme Dire la fois Orphe et Eurydice (et pour le Tu lyrique). Par contre, dans le tre Le Temps en sursis, ily a nettement un tole feminin passif et un role masculin actif. Dans le poeme Le Pay: fe Je féminin, mordu comme Eurydice par la vipere, a le pouvoir de se sauver seul en pressant la bouche sur la morsure, Le po met en scéne Ia. libérati vers: «Ma part: elle doit se perdre», semble convoquer 4a résignation du Je; cependant, on la dit, ce Je vest pas particuligrement marqué au féminin, et Ton demander si ce qui doit se perdre n'est pas la pa du Je, quil soit masculin ou féminin, pour Voix neutre qui renonce a toute «quali Boheme est au bord de la mer enfin the pour Ia 4) de «toucher toujours plus a F un continuum qui relie non seulement les genres bles», mais les differents régnes, Bref, ces quelqui 5 montrent que Ia poésie aussi Ot les roles tradi femmes victimes, de la violence de leur r guer des sexes y domine, surtout & travers le personnage 146 __ SS | aT: eg = — 6. ART AU FEMININ, ART PARADOXAL cemblématique du Pere que nous avons deja éevoqué, soulignons cependant que le modéle utopique de la é tion des sexes est, cette fois, dans ce roman, possible devient ‘un autre moment Niséparation, ni ch inverse du modéle lacanien qi chose perdue, on a parole est le meurtre de la chose», lécriture serait alors la trace de la fécondité de smbe sur mon sol prospere, je me reproduis!® avec les mots et je reproduis aussi Ivan, fengendre une lignée, de'mon union avec Ivan vient au monde ‘ce que Diew a voulu: Oiseaux de few Flamines jaillissantes Gouttes de jade a INGEBORG BACHMANN 1 sragit ici, ebauchée sous forme dutopie, dune forme particulirement intéressante de venuie & Téeri- Landrogynie, loin de toute pensée essentialiste, donne acces a un systéme symbolique qui ne reposerait pas sur Ja reparation de la perce, mais sur naissance, du gain d'amour pour lequel sullient les deux élements du feu et de Veau, se rejoignant dans des mouvements verticaux et des matérialites (densité ou fluidite) opposés. Cette conception utopique de l'art Soppose & la conception occidentale dominante selon laquelle Vart est une forme de sacrifice ou plus exacte- ment est fondé sur une mimesis sacrifcielle, ainsi que le demontre Jean-Luc Nancy dans le chapitre «insacri- fable» de Une pensée finie. En commentant Bataille, Nancy alfirme en effet que Vart vient «suppléer, relayer ou relever impasse du sacrifice» en mettant en scene son simulacre'’, Nous avons deja souligné que, dans Malina, si Moi se suicide en entrant de son plein gré dans le mur, non seulement elle est acculée au suicide, mais, de plus, ce suicide est concomitamment dénoneé comme meurtre. I n'y a done pas simulacre de sacrifice, ‘mais sacrifice réel. Nombre héroines féminines bachmaniennes, de Jennifer dans Le Bon Diew de Manhattan i Ondine, de Franza a Moi, ne simulent pas le sacrifice: elles sont véritablement sacrifiees ou se sacrifient tout en de gant ce sacrifice. Elles récusent donc doublement la logique sacrificielle: premierement, parce que Fart n'est pas seulement simulacre, mais sacrifice réel; deuxieme- ‘ment parce que le sacrifice n'est pas exalt (comme chez Blanchot ou Bataille), mais dénoneé. Lart au feminin tel que Vinvente Bachmann est paradoxal dans la mesure oi il se construit sur la base de la dénoncia- tion, voire du refus de la conception consensuelle de 6, ART AU FEMININ, ART PARADOXAL autre révolte La critique féministe, tout en louant et en se recon sant dans un texte comme Ondine sen va, n'a cessé ner du grand nombre d'héroines féminines et résignées que contient feeuvre de Bachmann, ier dans le dernier recuell Trois seniers vers le lac (Simulcan), Dans La Trentiéme année, su les sept protagonists, cing sont des hommes. Ondine ~ qui nest dailleurs, on ta dit, ni une femme ni un homme ~ une fois exclue, Charlotte est la seule femme protagoniste. Or, elle est également la seule & ne pas franchir la frontire de la révolte, ne pas accomplir lacte qui la rend manifeste sen faut de peu que le protagoniste de La trentieme année ne pale sa révolte de la mort; le pre dans Tout abandonne son fils parce quil est incapable d'accomplir Ja révolte qu'il souhaite; Wildermuth pousse son fameux ride révolte et quitte la robe de magistrat. Tous se rendent compte quils sont allés trop loin dans leur rejet, dans leur refus, et reviennent en arriere, la limite tune fois transgressée. ls illustrent done la célebre phrase prononcée, en 1959, dans le discours «On peut cexiger de homme quill affonte la verte»: apres avoir adepassé les limites qui nous sont imposées», il jprennent «qu'il faut rester dans Vordre social, quill est impossible de sortir de Ia société» et que «cest dans confrontation du possible et de impossible que nous élargissons Ie champ de nos possibilités»'®, Toutefois, meme si le regard est différent et si le désir de trans: former le monde est réel, la révolte des hommes debouche toujours sur Iz réintégration dans Tordre Euabli. Dans Un pas vers Gomorrhe par contre, Charlot sarréte avant Tacte de révolte. La révolte pour elle consisterait a renoncer a la vie quelle mene avec son ‘mari Franz pour entrer dans une relation homosexuelle 149 INGEBORG BACHMANN avee Mara. Elle ne se décide pas. I ny a pasa propre- went parler de renoncement volontaire et refléchi a te de transgression. Lacte n'est tou comme une perver- sion a priori. Cette forme de révolte ne peut etre une solution pour Bachmann, Par ailleurs, remarquons que la seule raison trés vaguement invoquée pour expliquer Je renoncement est «quil est trop tard», et que les deux femmes sont «toutes deux mortes ». C. revolter meurt (symboliquement bien temps que la possibilite de révol révolte est également renoncer bien peut-étre estce deja presque plus qu’ Dans le cas des protagonistes masc rent: la mort est la consequence de etne frappe pas le révolté lui-méme, mais un autre. homme detente ans échappe a la mort, son compagnon de route, son double, non. Le pére de Tout rest étranger a la mort de son ils y a mort homme égal ment dans Parmi les fous et les assassins. Paradoxal est la ot on aurait pu Tattendre que la mort ne as: en renoncant a sa charge de juge, Wildermuth renonce également a exercer son droit de de mort sur les autres. I parcourt le chemi inverse des autres protagonistes masculins du recuel tandis qu’eux vont de la vie a la mort pour revenir a conception de la seul homme dont cles hommes ont dispar Les cing femmes protagonistes des cing nouvelles rren 150 6. ART AU FEMININ, ART PARADOXAL sont pa devenues des heroines pour aut Au ine semble que, exception dEsabeth, heroines: en tout eas ‘loppée dans le * fvcugles de guerre, selon laquelle «on peut exiger des homes a verte» Ce son toutes des femmes malades, physiquement ou paychiquement; Nadja et nevotique ft se déplace dans fe monde comme une somnambule, Beatix dans Problemes, Problemessoure une perver. sion peu commune qui consste a dormir autant que fire se peut; ia ville Madame Jordan est physiquement intellectuelle qui est également des Yeux du bonheur. N'ayant pas daffronter la ré changer la réalité de ce monde t devenue insupportable, mais en prisonniéres — comme cé incapable de faire autre chose que de singer son mari. Beatrix n'a qu'une seule préoceupation: étre conforme au canon de beaui Miranda mime le comportement de Thomme qui quitige en se jetant dans les bras du premier homme disponible; Nadja est devenue conforme a ce que la ologique et capitaliste du sigcle attendait fonctionne comme une machine, un ide de réflexion, incapable de réagie a la forme oppression quielle subit, ayant assimilé les exigences du systéme au point den devenir névrotique Toutes ont développé une stratégie de survie qui, dans le cas de Miranda et de Beatrix au moins, nest pas sans ridicule: Vironie de Bachmann afleure @ chaqu du texte. Nous sommes trés loin de la moindre vel de révolte! INGEBORG BACHMANN Levolution de Ia représentation de la femme dans Veeuvre, si 'on considere ces deux recuei ttre héroique des femmes! Si lon se rappelle que le premier recuell date de 1961 et le second de 1972, c'est. acdire d'une époque ob, aprés 1968, les mouvements feministes sont en pleine effervescence et en pleine expansion, on ne peut que constater que Teeuvre de Bachmann semble évoluer a rebours de histoire. Or écrivaine était trop a Tcoute de l'actualité pour que ce ne soit la qu'un effet da hasard. Rappelons & ce propos que la nouvelle Un pas vers Gomorrhe fut écrite en réne- tion a une ceavre de Simone de Beauvoir, que lon peut considérer comme Phistoire de la révolte d'une femme stemparant, en partie au moins, des armes des hommes: si Bachmann lit en effet le roman de Beauvoir dans la traduction allemande parue en 1953, sa lecture prend nécessairement en compte la parution du Dewxieme sexe (1949) traduit en allemand dés 1951. Des le dépar Bachmann prend position par rapport a une réalité historique qui est celle du féminisme. En prenant ses distances par rapport & Tuniversalisme dominant dans les années soixante, qui tend a identifier les femmes: hommes, et par rapport 4 un essential ‘que commencer de poindre quand elle qui prone la différence des femmes en c essence» feminine, Bachmann monte | révoltes feminines de son temps". Ses h en deca de la révolte tent, elles meureni pas dautre la mort. Cest dans et par leur m révolte — et les, Wan pour vivre, et de Malina rent, chacun des deux hommes étant nécessaire 8 Tac- complissement, chacun signifiant la survie des deux 152 ten écrivant. Abandonnée par Ivan, il ne peut plus étre question pour elle que «des fins dernizres. et de vivre comme Malina, sans refuse de a diktat rme de résis- le meurt parce qurelle re menerait a renoncer pour quoi De mame Franza, aprés avoir lutté pour survivre au ‘mal qu'elle a subi, aux blessures infligées, apres avoi pour essayer de comprendre, quand elle finit par ‘comprendte, quand elle ne peut plus faire autrement que de savouer que les hommes «ont besoin de faire peur, que c'est cela leur maladie, cette maladie des hommes qui Ta rendue malade —alors «elle frappe de toutes ses forces sa téte contre le mur» et son autre voix: non. N se te, mais Cest une forme de révolte, Ce NON de Franza, cette autre voix, Cest peut-étre également celui @ingeborg Bachmann ne réussissant pas @ achever son roman, commencé pourtant avant Malina, Ingeborg Bach- ‘mann qui se Teluse «a tuer fexpérience de la femme en la transformant en art». Ingeborg Bachmann qui, comme Moi, préfere renoncer a Fécriture plutst que décrire Montauk ou Mein Name sei Gantenbein?!. INGEBORG BACHMANN Franza erie NON et se frappe la Moi entre dans le mur. Mais Franza a moins deux fois avant, par son maria Vienne et par cet exhi pyramides, «ce p che sa réaction de désespoit. Le s te a resister sans faire la ‘guerre, Au prix de la mort, mais de la mort imposée. La pensée est amour Dans Une plus exactement dans le tre «Lamour en éclats, Jean-Luc Nancy part du que, c Platon, la pensée aura dit et aura manque de dite le est amour—et ce que ca veut dre, Iln'y a pas de losophie qui ait échappe a cette double cont Lamour oveupe dans chacune une place a la evidente et dissimulée.[...] La philosophic ne parvient a cette pensée — que “la pensée est amour” — pour: ramme, ou en épigraphe e7G0 sum » de Descartes, car pour | en lant exposé a toi»®. Nancy part da postulat heideggerien se de edésigne le son propre devenir», la pense: Nancy ont en commun Texpos 1st 6. ART AU FEMININ, ART PARADOXAL ropriation), lexposition aux frontieres et la profondeur, Cest-d-dire exposition au caractére insondable et indé- chiffrable (« Abgrandigheit») de la réalité: Létre exposé est peut-etre en méme temps le suj un procts dialectique, mais ce qui est exposé, ce en quoi il est exposé, c'est que ce procés ne Tacheve pas, et quil “siin-acheve” au-dehors, présenté, offert & ce qui ‘est pas lui, ni son devenir propre», on aura compris, de rien de ce que ralement par amour: il sagit dune re au monde, d'un autre etre pas un accés te", mais une autre articulation de Famour et de la communauté +2 « Les amants exposent, sur a limite, Texposition des s singuers les uns aux autres, et le battement de la comparution, le passage et le 1 Toucha est elle-meme le les amants cependant la different», La transcendance, qui n'en est pas une, puisque Vetre est sans essence, est redéfinie en tant que «la traversée de Tamour» Ce qui est offert par Ia transcendance, ou comme tanscendance, ce jessant. Ce qui est offert est meme: exposé & fa venue et au dépa est traversé par Taltérite de autre, fixe nulle part, ni en “lui" ni en “me ‘autre: il ne revient pas & lui- méme, car il ne part que pour venir encore. (..) La ranseendance sera done mieux nommée la traversée de tamour. Ce quill traverse, et ce quil revele par sa traversée, cest ce qui est exposé a elle, son veninet- INGERORG BACHMANN mble que cete défiition de lamour donnée par Nancy (1990) s'applique parfaitement & cette incarna- m de Fart et de Yamour qu'est Ondine, cet étre qui ne se laisse jamais «fixer», ne cesse de venir et partir et exhorte les homme: le est et pense, avant de pa rement, mals en disant «viens». La nouvelle ne serait ainsi pas seule. ment un manifeste po lant une poetologie “equivalence entre pensée et amour. Art, pensée et amour ne font qu'un dans cette autre transcendance du etoucher a», de lexposition es, du suspens de sens, de la «finitude » i Naney apres a incarnée par a dire que Ingeborg Bachmann, de Ia frequentation de Heidegge? figure ‘exposition aux frontiéres 1, écrite ne sont qu'un — ‘au-monde. Si cette autre forme -au-monde n'est plus possible, il n'y a plus qu’a partir. Cest ce que fait Ondine, en invitant toutefois les hhomines @ la suivre ~ eviens» ~ ¢ 2 faire Tex- érience du «fond», de Tinsondable et de la renai sance, de Vanamnése qui suivent, telles qu’elles sont evoquées dans La Boheme est au bord de la mer. En Bohéme, Ingeborg Bachmann renalt, comme le chamte le potme Prague, janvier 64. La voix, le eri amour fait pont: Papel peut résonner de nouveau. appelle reponse. Au «viens» de la fin de la nouvel ‘Ondine sen va fait alors écho Ie « venez» lancé par le Je du poeme bohémien les deux appels se touchent dans 156 6. ART AU FEMININ, ART PARADOXAL entre, dans récart, comme Teau touche aux tives du Aleve. «Enize la Moldau, le Danube et la rivitre de Menfance»®, cest la que Técriture P'ingeborg Bach- ‘mann est ancrée, au centre de Europe. Mais débordant de son lit, transgressant les frontieres, charriant et rmalmenant les traditions, sans bruit, sans violence, sans le ébranle les fondations dun art occidental nt et autosuffisant. Sans rien refonder a la isse lesens en suspens, infiniment, dans une autre forme d'écriture qui slinterroge

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