Download as pdf or txt
Download as pdf or txt
You are on page 1of 25

Human Anatomy and Physiology Lab

Manual Fetal Pig Version 10th Edition


Marieb Solutions Manual
Visit to download the full and correct content document:
https://testbankdeal.com/download/human-anatomy-and-physiology-lab-manual-fetal-
pig-version-10th-edition-marieb-solutions-manual/
Human Anatomy and Physiology Lab Manual Fetal Pig Version 10th Edition Marieb Solutions Manu

INSTRUCTOR GUIDE

Human Anatomy & Physiology


Laboratory Manual
CAT VERSION, Tenth Edition
MAIN VERSION, Ninth Edition
FETAL PIG VERSION, Tenth Edition
RAT VERSION, First Edition

ELAINE N. MARIEB, R.N., Ph.D


Holyoke Community College

SUSAN J. MITCHELL, Ph.D


Onondaga Community College

ROBERT J. SULLIVAN, Ph.D


Marist College

LINDA S. KOLLETT, Ph.D


Massasoit Community College

PhysioEx™ Exercises authored by


Peter Z. Zao, North Idaho College
Timothy Stabler, Indiana University Northwest
Lori Smith, American River College
Greta Peterson, Middlesex Community College
Andrew Lokuta, University of Wisconsin—Madison

Visit TestBankDeal.com to get complete for all chapters


Editor-in-Chief: Serina Beauparlant
Project Editor: Sabrina Larson
PhysioEx™ Project Editor: Erik Fortier
Associate Editor: Nicole Graziano
Editorial Assistant: John Maas
Managing Editor: Deborah Cogan
Production Manager: Michele Mangelli
Production Supervisor: Leslie Austin
Copyeditor: Anna Reynolds Trabucco
Compositor and Interior Designer: Cecelia G. Morales
Proofreader: Martha Ghent
Cover Design: Riezebos Holzbaur Design Group
Senior Manufacturing Buyer: Stacey Weinberger
Marketing Manager: Derek Perrigo

Cover Credit: Masterfile

Copyright © 2011, 2008, 2005 Pearson Education, Inc., publishing as Benjamin Cummings, 1301 Sansome St.,
San Francisco, CA 94111. All rights reserved. Manufactured in the United States of America. This publication is
protected by Copyright and permission should be obtained from the publisher prior to any prohibited reproduction,
storage in a retrieval system, or transmission in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying,
recording, or likewise. To obtain permission(s) to use material from this work, please submit a written request
to Pearson Education, Inc., Permissions Department, 1900 E. Lake Ave., Glenview, IL 60025. For information
regarding permissions, call (847) 486-2635.

Many of the designations used by manufacturers and sellers to distinguish their products are claimed as
trademarks. Where those designations appear in this book, and the publisher was aware of a trademark claim,
the designations have been printed in initial caps or all caps.

ISBN 10: 0-321-64415-8; ISBN 13: 978-0-321-64415-2

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10–BRR–13 12 11 10
Contents

Preface vi
Human Anatomy and Physiology Laboratory Safety Procedures viii
Trends in Instrumentation x

Part One: Exercises


Exercise 1 The Language of Anatomy 1
Exercise 2 Organ Systems Overview 7
Exercise 3 The Microscope 11
Exercise 4 The Cell: Anatomy and Division 18
Exercise 5A The Cell: Transport Mechanisms and Permeability–Wet Lab 24
Exercise 6A Classification of Tissues 33
Exercise 7 The Integumentary System 41
Exercise 8 Classification of Covering and Lining Membranes 47
Exercise 9 Overview of the Skeleton: Classification and Structure of Bones
and Cartilages 51
Exercise 10 The Axial Skeleton 57
Exercise 11 The Appendicular Skeleton 65
Exercise 12 The Fetal Skeleton 73
Exercise 13 Articulations and Body Movements 76
Exercise 14 Microscopic Anatomy and Organization of Skeletal Muscle 82
Exercise 15 Gross Anatomy of the Muscular System 87
Exercise 16A Skeletal Muscle Physiology: Frogs and Human Subjects 96
Exercise 17 Histology of Nervous Tissue 105
Exercise 18A Neurophysiology of Nerve Impulses: Wet Lab 111
Exercise 19 Gross Anatomy of the Brain and Cranial Nerves 116
Exercise 20 Electroencephalography 124
Exercise 21 Spinal Cord, Spinal Nerves, and the Autonomic Nervous System 128
Exercise 22 Human Reflex Physiology 135
Exercise 23 General Sensation 142
Exercise 24 Special Senses: Vision 146
Exercise 25 Special Senses: Hearing and Equilibrium 155
Exercise 26 Special Senses: Olfaction and Taste 162
Exercise 27 Functional Anatomy of the Endocrine Glands 166

iii
Another random document with
no related content on Scribd:
—Ce sera fait, dit Hulot en serrant la main du mourant.
—Portez-les à l’hôpital voisin, s’écria Corentin.
Hulot prit l’espion par le bras, de manière à lui laisser l’empreinte de
ses ongles dans la chair, et lui dit: —Puisque ta besogne est finie par ici,
fiche-moi le camp, et regarde bien la figure du commandant Hulot, pour
ne jamais te trouver sur son passage, si tu ne veux pas qu’il fasse de ton
ventre le fourreau de son bancal.
Et déjà le vieux soldat tirait son sabre.
—Voilà encore un de mes honnêtes gens qui ne feront jamais fortune,
se dit Corentin quand il fut loin du corps de garde.
Le marquis put encore remercier par un signe de tête son adversaire,
en lui témoignant cette estime que les soldats ont pour de loyaux
ennemis.
En 1827, un vieil homme accompagné de sa femme marchandait des
bestiaux sur le marché de Fougères, et personne ne lui disait rien
quoiqu’il eût tué plus de cent personnes, on ne lui rappelait même point
son surnom de Marche-à-terre; la personne à qui l’on doit de précieux
renseignements sur tous les personnages de cette Scène, le vit emmenant
une vache et allant de cet air simple, ingénu qui fait dire: —Voilà un bien
brave homme!
Quant à Cibot, dit Pille-miche, on a déjà vu comment il a fini. Peut-
être Marche-à-terre essaya-t-il, mais vainement, d’arracher son
compagnon à l’échafaud, et se trouvait-il sur la place d’Alençon, lors de
l’effroyable tumulte qui fut un des événements du fameux procès Rifoël,
Briond et La Chanterie.

Fougères, août 1827.


UNE PASSION DANS LE DÉSERT

—Ce spectacle est effrayant! s’écria-t-elle en sortant de la ménagerie


de monsieur Martin.
Elle venait de contempler ce hardi spéculateur travaillant avec sa
hyène, pour parler en style d’affiche.
—Par quels moyens, dit-elle en continuant, peut-il avoir apprivoisé
ses animaux au point d’être assez certain de leur affection pour...
—Ce fait qui vous semble un problème, répondis-je en
l’interrompant, est cependant une chose naturelle...
—Oh! s’écria-t-elle en laissant errer sur ses lèvres un sourire
d’incrédulité.
—Vous croyez donc les bêtes entièrement dépourvues de passions?
lui demandai-je, apprenez que nous pouvons leur donner tous les vices
dus à notre état de civilisation.
Elle me regarda d’un air étonné.
—Mais, repris-je, en voyant monsieur Martin pour la première fois,
j’avoue qu’il m’est échappé, comme à vous, une exclamation de surprise.
Je me trouvais alors près d’un ancien militaire amputé de la jambe droite
entré avec moi. Cette figure m’avait frappé. C’était une de ces têtes
intrépides, marquées du sceau de la guerre et sur lesquelles sont écrites
les batailles de Napoléon. Ce vieux soldat avait surtout un air de
franchise et de gaieté qui me prévient toujours favorablement. C’était
sans doute un de ces troupiers que rien ne surprend, qui trouvent matière
à rire dans la dernière grimace d’un camarade, l’ensevelissent ou le
dépouillent gaiement, interpellent les boulets avec autorité, dont enfin les
délibérations sont courtes, et qui fraterniseraient avec le diable. Après
avoir regardé fort attentivement le propriétaire de la ménagerie au
moment où il sortait de la loge, mon compagnon plissa ses lèvres de
manière à formuler un dédain moqueur par cette espèce de moue
significative que se permettent les hommes supérieurs pour se faire
distinguer des dupes. Aussi, quand je me récriai sur le courage de
monsieur Martin, sourit-il, et me dit-il d’un air capable en hochant la
tête: —Connu!
—Comment, connu? lui répondis-je. Si vous voulez m’expliquer ce
mystère, je vous serai très-obligé.
Après quelques instants pendant lesquels nous fîmes connaissance,
nous allâmes dîner chez le premier restaurateur dont la boutique s’offrit à
nos regards. Au dessert, une bouteille de vin de Champagne rendit aux
souvenirs de ce curieux soldat toute leur clarté. Il me raconta son histoire
et je vis qu’il avait eu raison de s’écrier: —Connu!
Rentrée chez elle, elle me fit tant d’agaceries, tant de promesses, que
je consentis à lui rédiger la confidence du soldat. Le lendemain elle reçut
donc cet épisode d’une épopée qu’on pourrait intituler: Les Français en
Égypte.

Lors de l’expédition entreprise dans la Haute-Égypte par le général


Desaix, un soldat provençal, étant tombé au pouvoir des Maugrabins, fut
emmené par ces Arabes dans les déserts situés au delà des cataractes du
Nil. Afin de mettre entre eux et l’armée française un espace suffisant
pour leur tranquillité, les Maugrabins firent une marche forcée, et ne
s’arrêtèrent qu’à la nuit. Ils campèrent autour d’un puits masqué par des
palmiers, auprès desquels ils avaient précédemment enterré quelques
provisions. Ne supposant pas que l’idée de fuir pût venir à leur
prisonnier, ils se contentèrent de lui attacher les mains, et s’endormirent
tous après avoir mangé quelques dattes et donné de l’orge à leurs
chevaux. Quand le hardi Provençal vit ses ennemis hors d’état de le
surveiller, il se servit de ses dents pour s’emparer d’un cimeterre, puis,
s’aidant de ses genoux pour en fixer la lame, il trancha les cordes qui lui
ôtaient l’usage de ses mains et se trouva libre. Aussitôt il se saisit d’une
carabine et d’un poignard, se précautionna d’une provision de dattes
sèches, d’un petit sac d’orge, de poudre et de balles, ceignit un cimeterre,
monta sur un cheval, et piqua vivement dans la direction où il supposa
que devait être l’armée française. Impatient de revoir un bivouac, il
pressa tellement le coursier déjà fatigué, que le pauvre animal expira, les
flancs déchirés, laissant le Français au milieu du désert.
Après avoir marché pendant quelque temps dans le sable avec tout le
courage d’un forçat qui s’évade, le soldat fut forcé de s’arrêter, le jour
finissait. Malgré la beauté du ciel pendant les nuits en Orient, il ne se
sentit pas la force de continuer son chemin. Il avait heureusement pu
gagner une éminence sur le haut de laquelle s’élançaient quelques
palmiers, dont les feuillages aperçus depuis longtemps avaient réveillé
dans son cœur les plus douces espérances. Sa lassitude était si grande
qu’il se coucha sur une pierre de granit, capricieusement taillée en lit de
camp, et s’y endormit sans prendre aucune précaution pour sa défense
pendant son sommeil. Il avait fait le sacrifice de sa vie. Sa dernière
pensée fut même un regret. Il se repentait déjà d’avoir quitté les
Maugrabins dont la vie errante commençait à lui sourire, depuis qu’il
était loin d’eux et sans secours. Il fut réveillé par le soleil, dont les
impitoyables rayons, tombant d’aplomb sur le granit, y produisaient une
chaleur intolérable. Or, le Provençal avait eu la maladresse de se placer
en sens inverse de l’ombre projetée par les têtes verdoyantes et
majestueuses des palmiers... Il regarda ces arbres solitaires, et tressaillit!
ils lui rappelèrent les fûts élégants et couronnés de longues feuilles qui
distinguent les colonnes sarrasines de la cathédrale d’Arles. Mais quand,
après avoir compté les palmiers, il jeta les yeux autour de lui, le plus
affreux désespoir fondit sur son âme. Il voyait un océan sans bornes. Les
sables noirâtres du désert s’étendaient à perte de vue dans toutes les
directions, et ils étincelaient comme une lame d’acier frappée par une
vive lumière. Il ne savait pas si c’était une mer de glaces ou des lacs unis
comme un miroir. Emportée par lames, une vapeur de feu tourbillonnait
au-dessus de cette terre mouvante. Le ciel avait un éclat oriental d’une
pureté désespérante, car il ne laisse alors rien à désirer à l’imagination.
Le ciel et la terre étaient en feu. Le silence effrayait par sa majesté
sauvage et terrible. L’infini, l’immensité, pressaient l’âme de toutes
parts: pas un nuage au ciel, pas un souffle dans l’air, pas un accident au
sein du sable agité par petites vagues menues; enfin l’horizon finissait,
comme en mer, quand il fait beau, par une ligne de lumière aussi déliée
que le tranchant d’un sabre. Le Provençal serra le tronc d’un des
palmiers, comme si c’eût été le corps d’un ami; puis, à l’abri de l’ombre
grêle et droite que l’arbre dessinait sur le granit, il pleura, s’assit et resta
là, contemplant avec une tristesse profonde la scène implacable qui
s’offrait à ses regards. Il cria comme pour tenter la solitude. Sa voix,
perdue dans les cavités de l’éminence, rendit au loin un son maigre qui
ne réveilla point d’écho; l’écho était dans son cœur: le Provençal avait
vingt-deux ans, il arma sa carabine.
—Il sera toujours bien temps! se dit-il en posant à terre l’arme
libératrice.
Regardant tour à tour l’espace noirâtre et l’espace bleu, le soldat
rêvait à la France. Il sentait avec délice les ruisseaux de Paris, il se
rappelait les villes par lesquelles il avait passé, les figures de ses
camarades, et les plus légères circonstances de sa vie. Enfin, son
imagination méridionale lui fit bientôt entrevoir les cailloux de sa chère
Provence dans les jeux de la chaleur qui ondoyait au-dessus de la nappe
étendue dans le désert. Craignant tous les dangers de ce cruel mirage, il
descendit le revers opposé à celui par lequel il était monté, la veille, sur
la colline. Sa joie fut grande en découvrant une espèce de grotte,
naturellement taillée dans les immenses fragments de granit qui
formaient la base de ce monticule. Les débris d’une natte annonçaient
que cet asile avait été jadis habité. Puis à quelques pas il aperçut des
palmiers chargés de dattes. Alors l’instinct qui nous attache à la vie se
réveilla dans son cœur. Il espéra vivre assez pour attendre le passage de
quelques Maugrabins, ou peut-être! entendrait-il bientôt le bruit des
canons; car, en ce moment, Bonaparte parcourait l’Égypte. Ranimé par
cette pensée, le Français abattit quelques régimes de fruits mûrs sous le
poids desquels les dattiers semblaient fléchir, et il s’assura en goûtant
cette manne inespérée, que l’habitant de la grotte avait cultivé les
palmiers. La chair savoureuse et fraîche de la datte accusait en effet les
soins de son prédécesseur. Le Provençal passa subitement d’un sombre
désespoir à une joie presque folle. Il remonta sur le haut de la colline, et
s’occupa pendant le reste du jour à couper un des palmiers inféconds qui,
la veille, lui avaient servi de toit. Un vague souvenir lui fit penser aux
animaux du désert; et, prévoyant qu’ils pourraient venir boire à la source
perdue dans les sables qui apparaissait au bas des quartiers de roche, il
résolut de se garantir de leurs visites en mettant une barrière à la porte de
son ermitage. Malgré son ardeur, malgré les forces que lui donna la peur
d’être dévoré pendant son sommeil, il lui fut impossible de couper le
palmier en plusieurs morceaux dans cette journée; mais il réussit à
l’abattre. Quand, vers le soir, ce roi du désert tomba, le bruit de sa chute
retentit au loin, et ce fut comme un gémissement poussé par la solitude;
le soldat en frémit comme s’il eût entendu quelque voix lui prédire un
malheur. Mais, comme un héritier qui ne s’apitoie pas longtemps sur la
mort d’un parent, il dépouilla ce bel arbre des larges et hautes feuilles
vertes qui en sont le poétique ornement, et s’en servit pour réparer la
natte sur laquelle il allait se coucher. Fatigué par la chaleur et le travail, il
s’endormit sous les lambris rouges de sa grotte humide. Au milieu de la
nuit son sommeil fut troublé par un bruit extraordinaire. Il se dressa sur
son séant, et le silence profond qui régnait lui permit de reconnaître
l’accent alternatif d’une respiration dont la sauvage énergie ne pouvait
appartenir à une créature humaine. Une profonde peur, encore augmentée
par l’obscurité, par le silence et par les fantaisies du réveil lui glaça le
cœur. Il sentit même à peine la douloureuse contraction de sa chevelure
quand, à force de dilater les pupilles de ses yeux, il aperçut dans l’ombre
deux lueurs faibles et jaunes. D’abord il attribua ces lumières à quelque
reflet de ses prunelles; mais bientôt, le vif éclat de la nuit l’aidant par
degrés à distinguer les objets qui se trouvaient dans la grotte, il aperçut
un énorme animal couché à deux pas de lui. Était-ce un lion, un tigre, ou
un crocodile? Le Provençal n’avait pas assez d’instruction pour savoir
dans quel sous-genre était classé son ennemi; mais son effroi fut d’autant
plus violent que son ignorance lui fit supposer tous les malheurs
ensemble. Il endura le cruel supplice d’écouter, de saisir les caprices de
cette respiration, sans en rien perdre, et sans oser se permettre le moindre
mouvement. Une odeur aussi forte que celle exhalée par les renards,
mais plus pénétrante, plus grave pour ainsi dire, remplissait la grotte; et
quand le Provençal l’eut dégustée du nez, sa terreur fut au comble, car il
ne pouvait plus révoquer en doute l’existence du terrible compagnon,
dont l’antre royal lui servait de bivouac. Bientôt les reflets de la lune qui
se précipitait vers l’horizon éclairant la tanière firent insensiblement
resplendir la peau tachetée d’une panthère. Ce lion d’Égypte dormait,
roulé comme un gros chien, paisible possesseur d’une niche somptueuse
à la porte d’un hôtel; ses yeux, ouverts pendant un moment, s’étaient
refermés. Il avait la face tournée vers le Français. Mille pensées confuses
passèrent dans l’âme du prisonnier de la panthère; d’abord il voulut la
tuer d’un coup de fusil; mais il s’aperçut qu’il n’y avait pas assez
d’espace entre elle et lui pour l’ajuster, le canon aurait dépassé l’animal.
Et s’il l’éveillait? Cette hypothèse le rendit immobile. En écoutant battre
son cœur au milieu du silence, il maudissait les pulsations trop fortes que
l’affluence du sang y produisait, redoutant de troubler ce sommeil qui lui
permettait de chercher un expédient salutaire. Il mit la main deux fois sur
son cimeterre dans le dessein de trancher la tête à son ennemi; mais la
difficulté de couper un poil ras et dur l’obligea de renoncer à ce hardi
projet. —La manquer? ce serait mourir sûrement, pensa-t-il. Il préféra les
chances d’un combat, et résolut d’attendre le jour. Et le jour ne se fit pas
longtemps désirer. Le Français put alors examiner la panthère; elle avait
le museau teint de sang. —Elle a bien mangé!... pensa-t-il sans
s’inquiéter si le festin avait été composé de chair humaine, elle n’aura
pas faim à son réveil.
C’était une femelle. La fourrure du ventre et des cuisses étincelait de
blancheur. Plusieurs petites taches, semblables à du velours, formaient de
jolis bracelets autour des pattes. La queue musculeuse était également
blanche, mais terminée par des anneaux noirs. Le dessus de la robe,
jaune comme de l’or mat, mais bien lisse et doux, portait ces
mouchetures caractéristiques, nuancées en forme de roses, qui servent à
distinguer les panthères des autres espèces de felis. Cette tranquille et
redoutable hôtesse ronflait dans une pose aussi gracieuse que celle d’une
chatte couchée sur le coussin d’une ottomane. Ses sanglantes pattes,
nerveuses et bien armées, étaient en avant de sa tête qui reposait dessus,
et de laquelle partaient ces barbes rares et droites, semblables à des fils
d’argent. Si elle avait été ainsi dans une cage, le Provençal aurait certes
admiré la grâce de cette bête et les vigoureux contrastes des couleurs
vives qui donnaient à sa simarre un éclat impérial; mais en ce moment il
sentait sa vue troublée par cet aspect sinistre. La présence de la panthère,
même endormie, lui faisait éprouver l’effet que les yeux magnétiques du
serpent produisent, dit on, sur le rossignol. Le courage du soldat finit par
s’évanouir un moment devant ce danger, tandis qu’il se serait sans doute
exalté sous la bouche des canons vomissant la mitraille. Cependant, une
pensée intrépide se fit jour en son âme, et tarit, dans sa source, la sueur
froide qui lui découlait du front. Agissant comme les hommes qui,
poussés à bout par le malheur, arrivent à défier la mort et s’offrent à ses
coups, il vit sans s’en rendre compte une tragédie dans cette aventure, et
résolut d’y jouer son rôle avec honneur jusqu’à la dernière scène.
—Avant-hier, les Arabes m’auraient peut-être tué?... se dit-il. Se
considérant comme mort, il attendit bravement et avec une inquiète
curiosité le réveil de son ennemi. Quand le soleil parut, la panthère ouvrit
subitement les yeux; puis elle étendit violemment ses pattes, comme
pour les dégourdir et dissiper des crampes. Enfin elle bâilla, montrant
ainsi l’épouvantable appareil de ses dents et sa langue fourchue, aussi
dure qu’une râpe. —C’est comme une petite maîtresse!... pensa le
Français en la voyant se rouler et faire les mouvements les plus doux et
les plus coquets. Elle lécha le sang qui teignait ses pattes, son museau, et
se gratta la tête par des gestes réitérés pleins de gentillesse. —Bien!...
Fais un petit bout de toilette!... dit en lui-même le Français qui retrouva
sa gaieté en reprenant du courage, nous allons nous souhaiter le bonjour.
Et il saisit le petit poignard court dont il avait débarrassé les Maugrabins.
En ce moment, la panthère retourna la tête vers le Français, et le
regarda fixement sans avancer. La rigidité de ses yeux métalliques et leur
insupportable clarté firent tressaillir le Provençal, surtout quand la bête
marcha vers lui; mais il la contempla d’un air caressant, et la guignant
comme pour la magnétiser, il la laissa venir près de lui; puis, par un
mouvement aussi doux, aussi amoureux que s’il avait voulu caresser la
plus jolie femme, il lui passa la main sur tout le corps, de la tête à la
queue, en irritant avec ses ongles les flexibles vertèbres qui partageaient
le dos jaune de la panthère. La bête redressa voluptueusement sa queue,
ses yeux s’adoucirent; et quand, pour la troisième fois, le Français
accomplit cette flatterie intéressée, elle fit entendre un de ces rourou par
lesquels nos chats expriment leur plaisir; mais ce murmure partait d’un
gosier si puissant et si profond, qu’il retentit dans la grotte comme les
derniers ronflements des orgues dans une église. Le Provençal,
comprenant l’importance de ses caresses, les redoubla de manière à
étourdir, à stupéfier cette courtisane impérieuse. Quand il se crut sûr
d’avoir éteint la férocité de sa capricieuse compagne, dont la faim avait
été si heureusement assouvie la veille, il se leva et voulut sortir de la
grotte; la panthère le laissa bien partir, mais quand il eut gravi la colline,
elle bondit avec la légèreté des moineaux sautant d’une branche à une
autre, et vint se frotter contre les jambes du soldat en faisant le gros dos à
la manière des chattes. Puis, regardant son hôte d’un œil dont l’éclat était
devenu moins inflexible, elle jeta ce cri sauvage que les naturalistes
comparent au bruit d’une scie.
—Elle est exigeante! s’écria le Français en souriant. Il essaya de
jouer avec les oreilles, de lui caresser le ventre et lui gratter fortement la
tête avec ses ongles. Et, s’apercevant de ses succès, il lui chatouilla le
crâne avec la pointe de son poignard, en épiant l’heure de la tuer; mais la
dureté des os le fit trembler de ne pas réussir.
La sultane du désert agréa les talents de son esclave en levant la tête,
en tendant le cou, en accusant son ivresse par la tranquillité de son
attitude. Le Français songea soudain que, pour assassiner d’un seul coup
cette farouche princesse, il fallait la poignarder dans la gorge, et il levait
la lame, quand la panthère, rassasiée sans doute, se coucha
gracieusement à ses pieds en jetant de temps en temps des regards où,
malgré une rigueur native, se peignait confusément de la bienveillance.
Le pauvre Provençal mangea ses dattes, en s’appuyant sur un des
palmiers; mais il lançait tour à tour un œil investigateur sur le désert pour
y chercher des libérateurs, et sur sa terrible compagne pour en épier la
clémence incertaine. La panthère regardait l’endroit où les noyaux de
datte tombaient, chaque fois qu’il en jetait un, et ses yeux exprimaient
alors une incroyable méfiance. Elle examinait le Français avec une
prudence commerciale; mais cet examen lui fut favorable, car lorsqu’il
eut achevé son maigre repas, elle lui lécha ses souliers, et, d’une langue
rude et forte, elle en enleva miraculeusement la poussière incrustée dans
les plis.
—Mais quand elle aura faim?... pensa le Provençal. Malgré le frisson
que lui causa son idée, le soldat se mit à mesurer curieusement les
proportions de la panthère, certainement un des plus beaux individus de
l’espèce, car elle avait trois pieds de hauteur et quatre pieds de longueur,
sans y comprendre la queue. Cette arme puissante, ronde comme un
gourdin, était haute de près de trois pieds. La tête, aussi grosse que celle
d’une lionne, se distinguait par une rare expression de finesse; la froide
cruauté des tigres y dominait bien, mais il y avait aussi une vague
ressemblance avec la physionomie d’une femme artificieuse. Enfin la
figure de cette reine solitaire révélait en ce moment une sorte de gaieté
semblable à celle de Néron ivre: elle s’était désaltérée dans le sang et
voulait jouer. Le soldat essaya d’aller et de venir, la panthère le laissa
libre, se contentant de le suivre des yeux, ressemblant ainsi moins à un
chien fidèle qu’à un gros angora inquiet de tout, même des mouvements
de son maître. Quand il se retourna, il aperçut du côté de la fontaine les
restes de son cheval, la panthère en avait traîné jusque-là le cadavre. Les
deux tiers environ étaient dévorés. Ce spectacle rassura le Français. Il lui
fut facile alors d’expliquer l’absence de la panthère, et le respect qu’elle
avait eu pour lui pendant son sommeil. Ce premier bonheur
l’enhardissant à tenter l’avenir, il conçut le fol espoir de faire bon
ménage avec la panthère pendant toute la journée, en ne négligeant
aucun moyen de l’apprivoiser et de se concilier ses bonnes grâces. Il
revint près d’elle et eut l’ineffable bonheur de lui voir remuer la queue
par un mouvement presque insensible. Il s’assit alors sans crainte auprès
d’elle, et ils se mirent à jouer tous les deux, il lui prit les pattes, le
museau, lui tournilla les oreilles, la renversa sur le dos, et gratta
fortement ses flancs chauds et soyeux. Elle se laissa faire, et quand le
soldat essaya de lui lisser le poil des pattes, elle rentra soigneusement ses
ongles recourbés comme des damas. Le Français, qui gardait une main
sur son poignard, pensait encore à le plonger dans le ventre de la trop
confiante panthère; mais il craignit d’être immédiatement étranglé dans
la dernière convulsion qui l’agiterait. Et d’ailleurs, il entendit dans son
cœur une sorte de remords qui lui criait de respecter une créature
inoffensive. Il lui semblait avoir trouvé une amie dans ce désert sans
bornes. Il songea involontairement à sa première maîtresse, qu’il avait
surnommée Mignonne par antiphrase, parce qu’elle était d’une si atroce
jalousie, que pendant tout le temps que dura leur passion, il eut à
craindre le couteau dont elle l’avait toujours menacé. Ce souvenir de son
jeune âge lui suggéra d’essayer de faire répondre à ce nom la jeune
panthère de laquelle il admirait, maintenant avec moins d’effroi, l’agilité,
la grâce et la mollesse.
Vers la fin de la journée, il s’était familiarisé avec sa situation
périlleuse, et il en aimait presque les angoisses. Enfin sa compagne avait
fini par prendre l’habitude de le regarder quand il criait en voix de
fausset: «Mignonne.» Au coucher du soleil, Mignonne fit entendre à
plusieurs reprises un cri profond et mélancolique.
—Elle est bien élevée!... pensa le gai soldat; elle dit ses prières!...
Mais cette plaisanterie mentale ne lui vint en l’esprit que quand il eut
remarqué l’attitude pacifique dans laquelle restait sa camarade. —Va, ma
petite blonde, je te laisserai coucher la première, lui dit-il en comptant
bien sur l’activité de ses jambes pour s’évader au plus vite quand elle
serait endormie, afin d’aller chercher un autre gîte pendant la nuit. Le
soldat attendit avec impatience l’heure de sa fuite, et quand elle fut
arrivée, il marcha vigoureusement dans la direction du Nil; mais à peine
eut-il fait un quart de lieue dans les sables qu’il entendit la panthère
bondissant derrière lui, et jetant par intervalles ce cri de scie, plus
effrayant encore que le bruit lourd de ces bonds.
—Allons! se dit-il, elle m’a pris en amitié!... Cette jeune panthère n’a
peut-être encore rencontré personne, il est flatteur d’avoir son premier
amour! En ce moment le Français tomba dans un de ces sables mouvants
si redoutables pour les voyageurs, et d’où il est impossible de se sauver.
En se sentant pris, il poussa un cri d’alarme, la panthère le saisit avec ses
dents par le collet; et, sautant avec vigueur en arrière, elle le tira du
gouffre, comme par magie. —Ah! Mignonne, s’écria le soldat, en la
caressant avec enthousiasme, c’est entre nous maintenant à la vie à la
mort. Mais pas de farces? Et il revint sur ses pas.
Le désert fut dès lors comme peuplé. Il renfermait un être auquel le
Français pouvait parler, et dont la férocité s’était adoucie pour lui, sans
qu’il s’expliquât les raisons de cette incroyable amitié. Quelque puissant
que fût le désir du soldat de rester debout et sur ses gardes, il dormit. A
son réveil, il ne vit plus Mignonne; il monta sur la colline, et dans le
lointain, il l’aperçut accourant par bonds, suivant l’habitude de ces
animaux, auxquels la course est interdite par l’extrême flexibilité de leur
colonne vertébrale. Mignonne arriva les babines sanglantes, elle reçut les
caresses nécessaires que lui fit son compagnon, en témoignant même par
plusieurs rourou graves combien elle en était heureuse. Ses yeux pleins
de mollesse se tournèrent avec encore plus de douceur que la veille sur le
Provençal, qui lui parlait comme à un animal domestique.
—Ah! ah! mademoiselle, car vous êtes une honnête fille, n’est-ce
pas? Voyez-vous ça?... Nous aimons à être câlinée. N’avez-vous pas
honte? Vous avez mangé quelque Maugrabin? —Bien! C’est pourtant
des animaux comme vous!... Mais n’allez pas gruger les Français au
moins... Je ne vous aimerais plus!
Elle joua comme un jeune chien joue avec son maître, se laissant
rouler, battre et flatter tour à tour; et parfois elle provoquait le soldat en
avançant la patte sur lui, par un geste de solliciteur.
Quelques jours se passèrent ainsi. Cette compagnie permit au
Provençal d’admirer les sublimes beautés du désert. Du moment où il y
trouvait des heures de crainte et de tranquillité, des aliments, et une
créature à laquelle il pensait, il eut l’âme agitée par des contrastes...
C’était une vie pleine d’oppositions. La solitude lui révéla tous ses
secrets, l’enveloppa de ses charmes. Il découvrit dans le lever et le
coucher du soleil des spectacles inconnus au monde. Il sut tressaillir en
entendant au-dessus de sa tête le doux sifflement des ailes d’un oiseau,—
rare passager! —en voyant les nuages se confondre,—voyageurs
changeants et colorés! Il étudia pendant la nuit les effets de la lune sur
l’océan des sables où le simoün produisait des vagues, des ondulations et
de rapides changements. Il vécut avec le jour de l’Orient, il en admira les
pompes merveilleuses; et souvent, après avoir joui du terrible spectacle
d’un ouragan dans cette plaine où les sables soulevés produisaient des
brouillards rouges et secs, des nuées mortelles, il voyait venir la nuit
avec délices, car alors tombait la bienfaisante fraîcheur des étoiles. Il
écouta des musiques imaginaires dans les cieux. Puis la solitude lui
apprit à déployer les trésors de la rêverie. Il passait des heures entières à
se rappeler des riens, à comparer sa vie passée à sa vie présente. Enfin il
se passionna pour sa panthère; car il lui fallait bien une affection. Soit
que sa volonté, puissamment projetée, eût modifié le caractère de sa
compagne, soit qu’elle trouvât une nourriture abondante, grâce aux
combats qui se livraient alors dans ces déserts, elle respecta la vie du
Français, qui finit par ne plus s’en défier en la voyant si bien apprivoisée.
Il employait la plus grande partie du temps à dormir; mais il était obligé
de veiller, comme une araignée au sein de sa toile, pour ne pas laisser
échapper le moment de sa délivrance, si quelqu’un passait dans la sphère
décrite par l’horizon. Il avait sacrifié sa chemise pour en faire un
drapeau, arboré sur le haut d’un palmier dépouillé de feuillage. Conseillé
par la nécessité, il sut trouver le moyen de le garder déployé en le
tendant avec des baguettes, car le vent aurait pu ne pas l’agiter au
moment où le voyageur attendu regarderait dans le désert...
C’était pendant les longues heures où l’abandonnait l’espérance qu’il
s’amusait avec la panthère. Il avait fini par connaître les différentes
inflexions de sa voix, l’expression de ses regards, il avait étudié les
caprices de toutes les taches qui nuançaient l’or de sa robe. Mignonne ne
grondait même plus quand il lui prenait la touffe par laquelle sa
redoutable queue était terminée, pour en compter les anneaux noirs et
blancs, ornement gracieux, qui brillait de loin au soleil comme des
pierreries. Il avait plaisir à contempler les lignes moelleuses et fines des
contours, la blancheur du ventre, la grâce de la tête. Mais c’était surtout
quand elle folâtrait qu’il la contemplait complaisamment, et l’agilité, la
jeunesse de ses mouvements, le surprenaient toujours; il admirait sa
souplesse quand elle se mettait à bondir, à ramper, à se glisser, à se
fourrer, à s’accrocher, se rouler, se blottir, s’élancer partout. Quelque
rapide que fût son élan, quelque glissant que fût un bloc de granit, elle
s’y arrêtait tout court, au mot de «Mignonne...»
Un jour, par un soleil éclatant, un immense oiseau plana dans les airs.
Le Provençal quitta sa panthère pour examiner ce nouvel hôte; mais
après un moment d’attente, la sultane délaissée gronda sourdement. —Je
crois, Dieu m’emporte, qu’elle est jalouse, s’écria-t-il en voyant ses yeux
redevenus rigides. L’âme de Virginie aura passé dans ce corps-là, c’est
sûr!... L’aigle disparut dans les airs pendant que le soldat admirait la
croupe rebondie de la panthère. Mais il y avait tant de grâce et de
jeunesse dans ses contours! C’était joli comme une femme. La blonde
fourrure de la robe se mariait par des teintes fines aux tons du blanc mat
qui distinguait les cuisses. La lumière profusément jetée par le soleil
faisait briller cet or vivant, ces taches brunes, de manière à leur donner
d’indéfinissables attraits. Le Provençal et la panthère se regardèrent l’un
et l’autre d’un air intelligent, la coquette tressaillit quand elle sentit les
ongles de son ami lui gratter le crâne, ses yeux brillèrent comme deux
éclairs, puis elle les ferma fortement.
—Elle a une âme... dit-il en étudiant la tranquillité de cette reine des
sables, dorée comme eux, blanche comme eux, solitaire et brûlante
comme eux...
—Eh! bien, me dit-elle, j’ai lu votre plaidoyer en faveur des bêtes;
mais comment deux personnes si bien faites pour se comprendre ont-
elles fini?...
—Ah! voilà!... Elles ont fini comme finissent toutes les grandes
passions, par un mal-entendu? On croit de part et d’autre à quelque
trahison, l’on ne s’explique point par fierté, l’on se brouille par
entêtement.
—Et quelquefois dans les plus beaux moments, dit-elle; un regard,
une exclamation suffisent. Eh! bien, alors, achevez l’histoire?
—C’est horriblement difficile, mais vous comprendrez ce que
m’avait déjà confié le vieux grognard quand, en finissant sa bouteille de
vin de Champagne, il s’est écrié: —Je ne sais pas quel mal je lui ai fait,
mais elle se retourna comme si elle eût été enragée; et, de ses dents
aiguës, elle m’entama la cuisse, faiblement sans doute. Moi, croyant
qu’elle voulait me dévorer, je lui plongeai mon poignard dans le cou.
Elle roula en jetant un cri qui me glaça le cœur, je la vis se débattant en
me regardant sans colère. J’aurais voulu pour tout au monde, pour ma
croix, que je n’avais pas encore, la rendre à la vie. C’était comme si
j’eusse assassiné une personne véritable. Et les soldats qui avaient vu
mon drapeau, et qui accoururent à mon secours, me trouvèrent tout en
larmes... —Eh! bien, monsieur, reprit-il après un moment de silence, j’ai
fait depuis la guerre en Allemagne, en Espagne, en Russie, en France;
j’ai bien promené mon cadavre, je n’ai rien vu de semblable au désert...
Ah! c’est que cela est bien beau. —Qu’y sentiez-vous?... lui ai-je
demandé. —Oh! cela ne se dit pas jeune homme. D’ailleurs je ne regrette
pas toujours mon bouquet de palmiers et ma panthère... il faut que je sois
triste pour cela. Dans le désert, voyez-vous, il y a tout, et il n’y a rien...
—Mais encore expliquez-moi? —Eh! bien, reprit-il en laissant échapper
un geste d’impatience, c’est Dieu sans les hommes.

Paris, 1832.

FIN DU CINQUIÈME LIVRE.


SIXIÈME LIVRE,
SCÈNES DE LA VIE DE CAMPAGNE.

LE MÉDECIN DE CAMPAGNE.
Aux cœurs blessés, l’ombre et le silence.

A MA MÈRE.

CHAPITRE PREMIER.
LE PAYS ET L’HOMME.

En 1829, par une jolie matinée de printemps, un homme âgé


d’environ cinquante ans suivait à cheval le chemin montagneux qui mène
à un gros bourg situé près de la Grande-Chartreuse. Ce bourg est le chef-
lieu d’un canton populeux circonscrit par une longue vallée. Un torrent à
lit pierreux souvent à sec, alors rempli par la fonte des neiges, arrose
cette vallée serrée entre deux montagnes parallèles, que dominent de
toutes parts les pics de la Savoie et ceux du Dauphiné. Quoique les
paysages compris entre la chaîne des deux Mauriennes aient un air de
famille, le canton à travers lequel cheminait l’étranger présente des
mouvements de terrain et des accidents de lumière qu’on chercherait
vainement ailleurs. Tantôt la vallée subitement élargie offre un irrégulier
tapis de cette verdure que les constantes irrigations dues aux montagnes
entretiennent si fraîche et si douce à l’œil pendant toutes les saisons;
tantôt un moulin à scie montre ses humbles constructions
pittoresquement placées, sa provision de longs sapins sans écorce, et son
cours d’eau pris au torrent et conduit par les grands tuyaux de bois
carrément creusés, d’où s’échappe par les fentes une nappe de filets
humides. Çà et là, des chaumières entourées de jardins pleins d’arbres
fruitiers couverts de fleurs réveillent les idées qu’inspire une misère
laborieuse; plus loin, des maisons à toitures rouges, composées de tuiles
plates et rondes semblables à des écailles de poisson, annoncent l’aisance
due à de longs travaux; puis au-dessus de chaque porte se voit le panier
suspendu dans lequel sèchent les fromages. Partout les haies, les enclos
sont égayés par des vignes mariées, comme en Italie, à de petits ormes
dont le feuillage se donne aux bestiaux. Par un caprice de la nature, les
collines sont si rapprochées en quelques endroits qu’il ne se trouve plus
ni fabriques, ni champs, ni chaumières. Séparées seulement par le torrent
qui rugit dans ses cascades, les deux hautes murailles granitiques
s’élèvent tapissées de sapins, à noir feuillage et de hêtres hauts de cent
pieds. Tous droits, tous bizarrement colorés par des taches de mousse,
tous divers de feuillage, ces arbres forment de magnifiques colonnades
bordées au-dessous et au-dessus du chemin par d’informes haies
d’arbousiers, de viornes, de buis, d’épine rose. Les vives senteurs de ces
arbustes se mêlaient alors de sauvages parfums de la nature
montagnarde, aux pénétrantes odeurs des jeunes pousses du mélèze, des
peupliers et des pins gommeux. Quelques nuages couraient parmi les
rochers en en voilant, en en découvrant tour à tour les cimes grisâtres,
souvent aussi vaporeuses que les nuées dont les moelleux flocons s’y
déchiraient. A tout moment le pays changeait d’aspect et le ciel de
lumière; les montagnes changeaient de couleur, les versants de nuances,
les vallons de formes: images multipliées que des oppositions
inattendues, soit un rayon de soleil à travers les troncs d’arbres, soit une
clairière naturelle ou quelques éboulis, rendaient délicieuses à voir au
milieu du silence, dans la saison où tout est jeune, où le soleil enflamme
un ciel pur. Enfin c’était un beau pays, c’était la France!
Homme de haute taille, le voyageur était entièrement vêtu de drap
bleu aussi soigneusement brossé que devait l’être chaque matin son
cheval au poil lisse, sur lequel il se tenait droit et vissé comme un vieil
officier de cavalerie. Si déjà sa cravate noire et ses gants de daim, si les
pistolets qui grossissaient ses fontes, et le portemanteau bien attaché sur
la croupe de son cheval, n’eussent indiqué le militaire, sa figure brune
marquée de petite-vérole, mais régulière et empreinte d’une insouciance
apparente, ses manières décidées, la sécurité de son regard, le port de sa
tête, tout aurait trahi ces habitudes régimentaires qu’il est impossible au
soldat de jamais dépouiller, même après être rentré dans la vie
domestique. Tout autre se serait émerveillé des beautés de cette nature
alpestre, si riante au lieu où elle se fond dans les grands bassins de la
France; mais l’officier, qui sans doute avait parcouru les pays où les
armées françaises furent emportées par les guerres impériales, jouissait
de ce paysage sans paraître surpris de ces accidents multipliés.
L’étonnement est une sensation que Napoléon semble avoir détruite dans
l’âme de ses soldats. Aussi le calme de la figure est-il un signe certain
auquel un observateur peut reconnaître les hommes jadis enrégimentés
sous les aigles éphémères mais impérissables du grand empereur. Cet
homme était en effet un des militaires, maintenant assez rares, que le
boulet a respectés, quoiqu’ils aient labouré tous les champs de bataille où
commanda Napoléon. Sa vie n’avait rien d’extraordinaire. Il s’était bien
battu en simple et loyal soldat, faisant son devoir pendant la nuit aussi
bien que pendant le jour, loin comme près du maître, ne donnant pas un
coup de sabre inutile, et incapable d’en donner un de trop. S’il portait à
sa boutonnière la rosette appartenant aux officiers de la Légion
d’honneur, c’est qu’après la bataille de la Moskowa, la voix unanime de
son régiment l’avait désigné comme le plus digne de la recevoir dans
cette grande journée. Il était du petit nombre de ces hommes froids en
apparence, timides, toujours en paix avec eux-mêmes, de qui la
conscience est humiliée par la seule pensée d’une sollicitation à faire, de
quelque nature qu’elle soit. Aussi tous ses grades lui furent-ils conférés
en vertu des lentes lois de l’ancienneté. Devenu sous-lieutenant en 1802,
il se trouvait seulement chef d’escadron en 1829, malgré ses moustaches
grises; mais sa vie était si pure, que nul homme de l’armée, fût-il général,
ne l’abordait sans éprouver un sentiment de respect involontaire,
avantage incontesté que peut-être ses supérieurs ne lui pardonnaient
point. En récompense, les simples soldats lui vouaient tous un peu de ce
sentiment que les enfants portent à une bonne mère; car, pour eux, il
savait être à la fois indulgent et sévère. Jadis soldat comme eux, il
connaissait les joies malheureuses et les joyeuses misères, les écarts
pardonnables ou punissables des soldats qu’il appelait toujours ses
enfants, et auxquels il laissait volontiers prendre en campagne des vivres
ou des fourrages chez les bourgeois. Quant à son histoire intime, elle
était ensevelie dans le plus profond silence. Comme presque tous les
militaires de l’époque, il n’avait vu le monde qu’à travers la fumée des
canons, ou pendant les moments de paix si rares au milieu de la lutte
européenne soutenue par l’empereur. S’était-il ou non soucié du
mariage? la question restait indécise. Quoique personne ne mît en doute
que le commandant Genestas n’eût eu des bonnes fortunes en séjournant
de ville en ville, de pays en pays, en assistant aux fêtes données et reçues
par les régiments, cependant personne n’en avait la moindre certitude.
Sans être prude, sans refuser une partie de plaisir, sans froisser les mœurs
militaires, il se taisait ou répondait en riant lorsqu’il était questionné sur
ses amours. A ces mots: —Et vous, mon commandant? adressés par un
officier après boire, il répliquait: —Buvons, messieurs!
Espèce de Bayard sans faste, monsieur Pierre-Joseph Genestas
n’offrait donc en lui rien de poétique ni rien de romanesque, tant il
paraissait vulgaire. Sa tenue était celle d’un homme cossu. Quoiqu’il
n’eût que sa solde pour fortune, et que sa retraite fût tout son avenir,
néanmoins, semblable aux vieux loups du commerce auxquels les
malheurs ont fait une expérience qui avoisine l’entêtement, le chef
d’escadron gardait toujours devant lui deux années de solde et ne
dépensait jamais ses appointements. Il était si peu joueur, qu’il regardait
sa botte quand en compagnie on demandait un rentrant ou quelque
supplément de pari pour l’écarté. Mais s’il ne se permettait rien
d’extraordinaire, il ne manquait à aucune chose d’usage. Ses uniformes
lui duraient plus longtemps qu’à tout autre officier du régiment, par suite
des soins qu’inspire la médiocrité de fortune, et dont l’habitude était
devenue chez lui machinale. Peut-être l’eût-on soupçonné d’avarice sans
l’admirable désintéressement, sans la facilité fraternelle avec lesquels il
ouvrait sa bourse à quelque jeune étourdi ruiné par un coup de carte ou
par toute autre folie. Il semblait avoir perdu jadis de grosses sommes au
jeu, tant il mettait de délicatesse à obliger; il ne se croyait point le droit
de contrôler les actions de son débiteur et ne lui parlait jamais de sa
créance. Enfant de troupe, seul dans le monde, il s’était fait une patrie de
l’armée et de son régiment une famille. Aussi, rarement recherchait-on le
motif de sa respectable économie, on se plaisait à l’attribuer au désir
assez naturel d’augmenter la somme de son bien-être pendant ses vieux
jours. A la veille de devenir lieutenant-colonel de cavalerie, il était
présumable que son ambition consistait à se retirer dans quelque
campagne avec la retraite et les épaulettes de colonel. Après la
manœuvre, si les jeunes officiers causaient de Genestas, ils le rangeaient
dans la classe des hommes qui ont obtenu au collége les prix
d’excellence, et qui durant leur vie restent exacts, probes, sans passions,
utiles et fades comme le pain blanc; mais les gens sérieux le jugeaient
bien différemment. Souvent quelque regard, souvent une expression
pleine de sens comme l’est la parole du Sauvage, échappaient à cet
homme et attestaient en lui les orages de l’âme. Bien étudié, son front
calme accusait le pouvoir d’imposer silence aux passions et de les
refouler au fond de son cœur, pouvoir chèrement conquis par l’habitude
des dangers et des malheurs imprévus de la guerre. Le fils d’un pair de
France, nouveau venu au régiment, ayant dit un jour, en parlant de
Genestas, qu’il eût été le plus consciencieux des prêtres ou le plus
honnête des épiciers. —Ajoutez, le moins courtisan des marquis!
répondit-il en toisant le jeune fat qui ne se croyait pas entendu par son
commandant. Les auditeurs éclatèrent de rire, le père du lieutenant était
le flatteur de tous les pouvoirs, un homme élastique habitué à rebondir
au-dessus des révolutions, et le fils tenait du père. Il s’est rencontré dans
les armées françaises quelques-uns de ces caractères, tout bonnement
grands dans l’occurrence, redevenant simples après l’action, insouciants
de gloire, oublieux du danger; il s’en est rencontré peut-être beaucoup
plus que les défauts de notre nature ne permettraient de le supposer.
Cependant l’on se tromperait étrangement en croyant que Genestas fût
parfait. Défiant, enclin à de violents accès de colère, taquin dans les
discussions et voulant surtout avoir raison quand il avait tort, il était
plein de préjugés nationaux. Il avait conservé de sa vie soldatesque un
penchant pour le bon vin. S’il sortait d’un repas dans tout le décorum de
son grade, il paraissait sérieux, méditatif, et il ne voulait alors mettre
personne dans le secret de ses pensées. Enfin, s’il connaissait assez bien
les mœurs du monde et les lois de la politesse, espèce de consigne qu’il
observait avec la roideur militaire; s’il avait de l’esprit naturel et acquis,
s’il possédait la tactique, la manœuvre, la théorie de l’escrime à cheval et
les difficultés de l’art vétérinaire, ses études furent prodigieusement
négligées. Il savait, mais vaguement, que César était un consul ou un
empereur romain; Alexandre, un Grec ou un Macédonien; il vous eût
accordé l’une ou l’autre origine ou qualité sans discussion. Aussi, dans
les conversations scientifiques ou historiques, devenait-il grave, en se
bornant à y participer par des petits coups de tête approbatifs, comme un
homme profond arrivé au pyrrhonisme. Quand Napoléon écrivit à
Schœnbrunn, le 13 mai 1809, dans le bulletin adressé à la Grande Armée,
maîtresse de Vienne, que, comme Médée, les princes autrichiens avaient
de leurs propres mains égorgé leurs enfants, Genestas, nouvellement
nommé capitaine, ne voulut pas compromettre la dignité de son grade en
demandant ce qu’était Médée, il s’en reposa sur le génie de Napoléon,
certain que l’empereur ne devait dire que des choses officielles à la
Grande Armée et à la maison d’Autriche; il pensa que Médée était une
archiduchesse de conduite équivoque. Néanmoins, comme la chose
pouvait concerner l’art militaire, il fut inquiet de la Médée du bulletin,
jusqu’au jour où mademoiselle Raucourt fit reprendre Médée. Après
avoir lu l’affiche, le capitaine ne manqua pas de se rendre le soir au
Théâtre-Français pour voir la célèbre actrice dans ce rôle mythologique
dont il s’enquit à ses voisins. Cependant un homme qui, simple soldat,
avait eu assez d’énergie pour apprendre à lire, écrire et compter, devait
comprendre que, capitaine, il fallait s’instruire. Aussi, depuis cette
époque, lut-il avec ardeur les romans et les livres nouveaux qui lui
donnèrent des demi-connaissances desquelles il tirait un assez bon parti.
Dans sa gratitude envers ses professeurs, il allait jusqu’à prendre la
défense de Pigault-Lebrun, en disant qu’il le trouvait instructif et souvent
profond.
Cet officier, auquel une prudence acquise ne laissait faire aucune
démarche inutile, venait de quitter Grenoble et se dirigeait vers la
Grande-Chartreuse, après avoir obtenu la veille de son colonel un congé
de huit jours. Il ne comptait pas faire une longue traite; mais, trompé de
lieue en lieue par les dires mensongers des paysans qu’il interrogeait, il
crut prudent de ne pas s’engager plus loin sans se réconforter l’estomac.
Quoiqu’il eût peu de chances de rencontrer une ménagère en son logis
par un temps où chacun s’occupe aux champs, il s’arrêta devant quelques
chaumières qui aboutissaient à un espace commun, en décrivant une
place carrée assez informe, ouverte à tout venant. Le sol de ce territoire
de famille était ferme et bien balayé, mais coupé par des fosses à fumier.
Des rosiers, des lierres, de hautes herbes s’élevaient le long des murs
lézardés. A l’entrée du carrefour se trouvait un méchant groseillier sur
lequel séchaient des guenilles. Le premier habitant que rencontra
Genestas fut un pourceau vautré dans un tas de paille, lequel, au bruit des
pas du cheval, grogna, leva la tête, et fit enfuir un gros chat noir. Une
jeune paysanne, portant sur sa tête un gros paquet d’herbes, se montra
tout à coup, suivie à distance par quatre marmots en haillons, mais
hardis, tapageurs, aux yeux effrontés, jolis, bruns de teint, de vrais
diables qui ressemblaient à des anges. Le soleil pétillait et donnait je ne
sais quoi de pur à l’air, aux chaumières, aux fumiers, à la troupe
ébouriffée. Le soldat demanda s’il était possible d’avoir une tasse de lait.
Pour toute réponse, la fille jeta un cri rauque. Une vieille femme apparut
soudain sur le seuil d’une cabane, et la jeune paysanne passa dans une
étable, après avoir indiqué par un geste la vieille, vers laquelle Genestas
se dirigea, non sans bien tenir son cheval afin de ne pas blesser les
enfants qui déjà lui trottaient dans les jambes. Il réitéra sa demande, que
la bonne femme se refusa nettement à satisfaire. Elle ne voulait pas,
disait-elle, enlever la crème des potées de lait destinées à faire le beurre.
L’officier répondit à cette objection en promettant de bien payer le dégât,
il attacha son cheval au montant d’une porte, et entra dans la chaumière.
Les quatre enfants, qui appartenaient à cette femme, paraissaient avoir
tous le même âge, circonstance bizarre qui frappa le commandant. La
vieille en avait un cinquième presque pendu à son jupon, et qui, faible,
pâle, maladif, réclamait sans doute les plus grands soins; partant il était
bien-aimé, le Benjamin.
Genestas s’assit au coin d’une haute cheminée sans feu, sur le
manteau de laquelle se voyait une Vierge en plâtre colorié, tenant dans
ses bras l’enfant Jésus. Enseigne sublime! Le sol servait de plancher à la
maison. A la longue, la terre primitivement battue était devenue
raboteuse, et, quoique propre, elle offrait en grand les callosités d’une
écorce d’orange. Dans la cheminée étaient accrochés un sabot plein de
sel, une poêle à frire, un chaudron. Le fond de la pièce se trouvait rempli
par un lit à colonnes garni de sa pente découpée. Puis, çà et là, des
escabelles à trois pieds, formées par des bâtons fichés dans une simple
planche de fayard, une huche au pain, une grosse cuiller en bois pour
puiser de l’eau, un seau et des poteries pour le lait, un rouet sur la huche,
quelques clayons à fromages, des murs noirs, une porte vermoulue ayant
une imposte à claire-voie; tels étaient la décoration et le mobilier de cette
pauvre demeure. Maintenant, voici le drame auquel assista l’officier, qui
s’amusait à fouetter le sol avec sa cravache sans se douter que là se
déroulerait un drame. Quand la vieille femme, suivie de son Benjamin
teigneux, eut disparu par une porte qui donnait dans sa laiterie, les quatre
enfants, après avoir suffisamment examiné le militaire, commencèrent
par se délivrer du pourceau. L’animal, avec lequel ils jouaient
habituellement, était venu sur le seuil de la porte; les marmots se ruèrent
sur lui si vigoureusement et lui appliquèrent des gifles si caractéristiques,
qu’il fut forcé de faire prompte retraite. L’ennemi dehors, les enfants
attaquèrent une porte dont le loquet, cédant à leurs efforts, s’échappa de
la gâche usée qui le retenait; puis ils se jetèrent dans une espèce de
fruitier où le commandant, que cette scène amusait, les vit bientôt
occupés à ronger des pruneaux secs. La vieille au visage de parchemin et
aux guenilles sales rentra dans ce moment, en tenant à la main un pot de
lait pour son hôte. —Ah! les vauriens, dit-elle. Elle alla vers les enfants,
empoigna chacun d’eux par le bras, le jeta dans la chambre, mais sans lui
ôter ses pruneaux, et ferma soigneusement la porte de son grenier
d’abondance. —La, la, mes mignons, soyez donc sages. —Si l’on n’y
prenait garde, ils mangeraient le tas de prunes, les enragés! dit-elle en
regardant Genestas. Puis elle s’assit sur une escabelle, prit le teigneux
entre ses jambes, et se mit à le peigner en lui lavant la tête avec une
dextérité féminine et des attentions maternelles. Les quatre petits voleurs

You might also like