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Solutions Manual To Accompany Complex Variables With Applications 3rd Edition 9780201756098
Solutions Manual To Accompany Complex Variables With Applications 3rd Edition 9780201756098
Complex Numbers.
Introduction.
More Properties of Complex Numbers.
Complex Numbers and the Argand Place.
Integer and Fractional Powers of Complex Numbers.
Loci, Points, Sets and Regions in the Complex Plane.
Introduction.
Limits and Continuity.
The Complex Derivative.
The Derivative and Analyticity.
Harmonic Functions.
Some Physical Applications of Harmonic Functions.
Tous les matins, pendant des jours, si pareils, qu’à cette distance d’une
demi-année je ne les distingue plus, — pendant des jours, pendant des
semaines, nous levons le camp en pleine nuit avec la lune.
Il est deux heures ou trois heures du matin. Dans le sommeil où nous
sommes plongés, éclate le gémissement des chameaux qu’on charge. Les
membres sont encore las de la course de la veille et l’on fait durer cette
sensation de rêve, on tarde à ouvrir les yeux, jusqu’au moment où, soudain,
la voix du guide prononce près de votre oreille :
— Mon lieutenant…
Cheikh est debout avec la tasse de thé ou la cafetière à la main. Il vous
arrache vos brodequins, car on se chausse seulement pour dormir, afin
d’être prêt à toute alerte et à cause des bêtes qui rampent ; pour le méhari, il
ne supporterait point sur son cou le frottement d’un talon de bottines.
On s’étire. On se lève. Ce réveil est frileux ; bêtes et gens ont encore
dans les jambes l’engourdissement du somme. Dans le ciel très haut, les
étoiles ont disparu ; la lune est basse ; sa clarté si légère, que nous marchons
presque sans ombres.
La lueur qui nous guide semble plutôt sortir de la terre ; c’est une vague
blancheur qui se condense à la ligne d’horizon.
Dans quelques heures, le soleil surgira tout d’un coup. Brusquement, on
passera de la nuit au jour. Ce pays sans nuances ne connaît ni les nacres de
l’aurore, ni les embrasements du crépuscule. Tout d’un coup, le soleil rond
et ardent s’élance dans le ciel comme un obus, comme un boulet rouge. Il
est encore à ras de terre et déjà il brûle. Les guides accourent au galop ; ils
apportent les casques dont on se coiffe à la hâte.
C’est pourtant à cette minute que nous causons le plus volontiers, nos
méhara, trottant à l’amble, côte à côte.
La distraction du matin, c’est, au passage des dunes, de déchiffrer sur le
sol les empreintes de la nuit. Nous nommons maintenant toutes les bêtes qui
ont laissé leurs traces sur cette page lisse : l’outarde la sème de fleurs de
lys ; la vipère à cornes y dessine un ruban qui serpente ; le sautillement de la
gerboise la perce de trous réguliers à l’emporte-pièce ; les chacals, les
porcs-épics, les gazelles tracent de grands « huit », des chiffres fantastiques
qui, tout d’un coup, s’enfuient, vont se perdre dans la direction des
broussailles ; — toute la vie du sable est écrite dans ces empreintes : guerre,
chasse, amour.
Vers huit heures, la chaleur est déjà ardente. On commence à se hausser
sur sa selle pour voir si l’on n’aperçoit pas, en relief, sur la plaine, la petite
flaque d’ombre où l’on pourra s’asseoir. Ce plein soleil nous scelle la
bouche comme font les profondes ténèbres. Et, pendant des lieues, notre
pensée oisive reste suspendue au rythme de la petite cloche que nos
montures balancent à leur cou.
C’est ici la minute splendide du jour que tous les peintres ont cherché à
fixer sur leurs toiles et qui éternellement leur échappera.
On ne peut pas plus enfermer l’atmosphère et le soleil du Sahara dans
un cadre qu’y contenir la mer. C’est l’air, l’air tout seul qu’il faudrait
peindre ; le ciel est trop haut, la terre ne compte pas. Elle se creuse, elle
s’abîme sous les pas de l’homme, comme un gouffre. Autour, au-dessus,
l’espace est formidable et vide. Il y a des gens qui ne peuvent entrer dans
les cathédrales à cause du vertige : ils voient les colonnes fléchir, les voûtes
descendre sur eux. Une angoisse pire écrase l’homme au seuil du Sahara. Il
succombe sous le poids de la colonne d’air qui pèse sur ses épaules.
Colonne d’air et colonne de feu. Dans les flots de ce fleuve de jour qui
submerge toute vie, roule un globe incandescent. Il embrase l’atmosphère,
comme un fer rouge brûle l’eau où on le plonge. Il est l’ennemi et le roi de
ces solitudes, le sultan nomade qui ne tolère nulle création sur le passage de
sa razzia. Après l’air et les nuages, il dévore la terre ; il chauffe ses pierres à
blanc ; il les dissout en poussière impalpable. Sa splendeur hostile ne veut
éclairer que la mort ; elle incendie les dunes comme une moisson.
Après qu’il s’est fait place nette, il recrée en illusions splendides les
réalités qu’il a tuées. Sous le reflet de cette fournaise, le sol se colore de
tons que l’aube n’a point mis dans le ciel. On croit marcher dans de
l’aurore. Est-ce du rose ? Est-ce du bleu ? Le drine, les broussailles tordues
qui, avant le lever du soleil, rampaient incolores et desséchées, se
fleurissent de lilas. A leurs pieds, les mares de sable revêtent un éclat doux
d’ors lavés. Aux lisières des tons où ces couleurs se fondent, s’épousent, ce
sont des nacres saumonées, si savoureuses, si voisines de la chair, que le
palais, tous les sens, s’émeuvent avec les yeux. Le tremblement de la
chaleur fait de toutes ces notes une seule vibration, une seule onde. Et l’on
s’y plonge avec une volupté de désespoir, un vertige d’amour
inassouvissable pour la couleur que nulle forme ne soutient.