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1n'3765 semaine du31 aoit au 6 septembre 2023 Education : les proviseurs sortent du silence ha td = A Economie: la Chine en panne La Talents : la mafia Tesla attire CLA Récit : Jimmy Goldsmith le flamboyant. Travail Le nouveau mal frangais ~Linquiétante chute de la productivité ~Alerte rouge sur l’'absentéisme % ~Leras-le-bol des managers EXCLUSIF f Extraits dulivre de Pascal Perri, éditorialiste économique M01722-.2765-F:6,90€ 18 werture Travail : le nouveau mal francais Productivi enberne, absent¢isme record, effets collatéraux du télétravail... LaFrance sort groggy de la crise du Covid. PAR ARNAUD BOUILLIN ET MURIEL BREIMAN. eptembre est la. Les mails nonlusencombrentlesmes- sageries, agenda Outlook se repeuple de réunions, le téléphone sonne a nou- vaeau, Cette rentrée mobi- lise davantage de Francais que Ian passé. Le secteur privé comptait presque 250000 salariés de plus fin juin qu’a'été 2022. Le taux d’emploi des 15-64 ans, & (68,6 %, set installéason plushaut niveau de mémoired'Insee, soit depuis 1975. Le ‘chomage,7,2 %audeuxiemetrimestre,se stabilised un plancher inéditdepuis2008, Pourtant, le compte n'y est pas. Les Franeaistravaillent moinsque leursvoi ‘européens. Les deniers chiffres publiés remontent2019 maisl’écartestéloquent: ‘on dénombrait 1680 heures travailléesen moyenne par an dans!Hexagone pourun, salariéatempscomplet. Soit 8 % de moins qu'un Allemand et 9% de moins que la moyennedel'Unioneuropéenne.« Méme siles comparaisons internationales sont Aifficiles, laFrancese situebiendanslebas du classement. En outre, la situation de ‘nos finances publiques continue de se dégrader et nous accusons un déficitdela balance des paiements courants. Notre niveaudevieesttrop élevé parrapportaux revenus générés », souligne Anthony Morlet-Lavidalie, économiste chez Rexecode. Sonconirére Jean-MarcDaniel, professeur & I'ESCP (et chroniqueur & Express), abonde :« Nous nettravaillons pas assez par rapport au standard de vie auquelnousprétendons.Lepouvoird'achat est excessif par rapport la réalité produc tive, il faut doncaugmenter la quantité de ‘uavaill». Dansunessaitonique, Génération LEXPRESS farniente, a paraitre le 4 septembre aux éditionsdelArchipel (voirpage 26), lejour- naliste économique de LCI Pascal Perri enfonceleclou :« Lallergieau travail, voi sonrejet, menace gravementnotremodéle social. C'est un défi de grande ampleur, puisqu’en France les actifs financent les inactifsen tempsréel.Cemodélenetolere aucune rupture de charge. Que'se passe~ raitilsiunegénérationvenaitamanquer’ son devoir de solidarité pour abonder les pensions des retraités?Leffondrementdur systéme! ».Lespistesmacroéconomiques pour relancer la machine ne font pas consensus, mais elles ne manquent pas. Poursuivrelaréformedesretraitesenallon- geantladuréedu travail toutaulongdela vie, dans les métiers les moins pénibles. ‘Supprimer des jours fériés. Encourager immigration économique, pour contre- balancer le déclin démographique. Renversantes,ellestrancheraientavecl'en- gourdissement général dans lequel la Francesest enfoneée a l’égard du travail. Uneléthargie quivientdeloin. 19 Longtemps, arbre dela productivité ‘acaché la forét. Depuis 2000, cetindica- teur, qui rapporte la production un volume de travail - nombre d'actifs ou heuresdelabeur-progressait mollement chaque année, faisant dire aux chantres des 35 heures que la réduction du temps detravail, grace au progréstechnologique, nlavaiteu aucun effet négatif sur ’écono- mie. Au prix, on loubliait souvent, d'une exigenceinchangéeis-a-visdescadresaut forfait qui ont dd stescrimer autant, sice nfest plus,enmoinsdejoursdans!'année, sans sombrer danse burn-out. Une pan démie plus tard, la these du « travailler moins pour produire plus » a du plomb dansTaile, Selon leschiffres publiésenjan- vier dernierparlaDares, la productivitédu travail par téte, dans les branches mar- chandesnonagricoles,addécroché deplus de6 %desatendance d'avant Covid. ire, la perte enregistrée entre 2019 et 2022 (-3,2.%en moyenne par an), s'est révelée plus marquée que chez nos voisins : +22 %enEspagne,- 0 %en Allemagne... et + 0.9 %en Italie. « C'est problématique carlaproductivitésoutientlacroissance& longterme. Notonstoutefoisquen France, pourl'instant, cette baisse n'a pas nila création de valeur: le PIB résiste mieux quien Allemagne. Le fléchissement dela productivitéest d'abord liéaudynamisme dumarché du travail et au nombred'em- ploiseréés », explique Anthony Morlet- Lavidalie. Spécificité tricolore :unimpres- sionnant effet « apprentissage ». Depuis 2020, le dispositif, qui facilite insertion professionnelle des jeunes, a prisdel’am- pleuretlesrangsdesalternantssesontgar- niscommejamais.Demoinsde 400000 en 2018, leurnombre est passé 4830000 en 2022. « On estime quills représententun tiersdescréationsd'emplois privés depuis quatre ans », ajoute l'expert de Rexecode. ‘Une main-d’ceuvre appréciable pour les entreprises, maissansexpérience, moins disponible du faitdelascolaritémen¢een_ paralléle, et dont le financement, assuré paruneaidedel'Etatexceptionnelleet non ciblée, a absorbé indiiment 13 milliards En 2022, 43 %des salariés ont été absents au moins une journée, contre32 %en2021 euros de fonds publics en deux ans, cingle BranoCoquet, économisteal'OFCE. ‘Ceboomdel'apprentissagen'est pasla seule explication au coup de mou de la productivité francaise. Les spécialistes ointentaussiunetendancea larétention des effectifs, meme quand le chiffre d’af- {aires stagne. Dans un autre contexte, de nombreux ditigeants auraient réduit la voilure, quittearéembaucherenphasede reprise, Or, comme I'amesuré la Banque de France en juillet, 82% d’entre eux avouent leur peine a recruter. Mieux vaut tenir, et garder ses troupes sousle coude, quecourir. Unchoixe'autant moinsrisqué pour le compte d’exploitation que les ‘employeurs« ont conservé énormément de trésorerie de la période Covid et n’ont paseu d'arbitrages. faire, jusqu’ici, entre investissements et main-d’ceuvre », remarque Anthony Morlet-Lavidalie. Biberonnée a la potion magique du «quoi quillen coate »,entreprise France adone pris de 'embonpointsalarial, sans produirea due proportion. Ellese réveille pataude et percluse, éronnamment, d'un ‘nouveau mal:Tabsentéisme.L’an dernier, ce taux a atteint des sommets, frappant touslessecteurset catégories profession- nelles. Dans une note dont L'Expressa eu. laprimeur, jaFondation Jean-Jauréss'est penchée sur cette poussée inédite et contre-intuitive : en 2022, 43 % des sala- rigs interrogés ont été absents au moins une journée, contre 32 % en 202, alors -mémequeépidémiede Covid était large- ment endiguée, avec prés de 80 % de la population bénéficiant d'une couverture vaccinalecomplete. Lafauteau virus, tou- jours présent bien que moins virulent, pour4 arrétsmaladiesuri0. Auxtroubles musculosquelettiques et aux risques psychosociaux, en hausse. Mais aussi, & en croire 32 %des absents, pour un motif. quiinterpelle :« unegrande fatigue». Les auteursde la note, Romain Bendavid, de 'ifop,etSabeihaBouchakour,ducourtier Diot-Saci, y voient une forme de 20 « dépression », consécutivedla fortepr siondupicpandémique.« Lapérioded'in- ‘rospection existentielleengendréeparla crise sanitaire, notammentautourdusens donne a son travail, fait que certains aspects peu valorisants des conditions de travail, qui étaient auparavant plus natu- rellement acceptés ou intégrés, sont aujourd'hui davantage challengés ou remisen cause », expliquent-ils. Sensuit «une certaine lassitude, une envie de licher prise ». « C'est le signe d’une plus grande distance parrapportalactivité pro- fessionnelle, pas d'une paresse générali- sée, tempére Romain Bendavid : 'absen- ‘téisme de complaisance, sans lien avecla santé, n'est revendiqué que par 7 % des salarigsarrétés, Certes, ls'agitdedéclara- tifmais ce chiffre est cohérent avec diffé- rentes sources issues de controles médi- caux ou de process antifraude. Il est ‘mettreen regard de "'absentéisme cache”, donton ne parle jamais :57 %dessalariés quinvontpasétéabsentsen2022déclarent avoir été malades mais avoir malgré tout continuéatravailler.» ‘Objet mouvant, aux confins dela psy- chologiecollectiveetdeschoixindividuels de vie, le travail n'est passorti grandidela Ionguenuit covidienne. Lesapplaudisse- ‘ments auxbalcons, quicélébraient!'abné- gationdela« premiereligne »,sesonttus. Bt sa désacralisation, dans toutes les strates de lasociété, arepris de plus belle. Lorsque I'Ifop les interroge, les Francais sont peine 20 % Aaffirmer aujourd'hui ‘quesa place est « is importante » dans Ieurvie. £n1999, ilsétaient60 %.Legenre ne change rien a 'affaire : 20% d’accros chezles hommes, 22 % chez les femmes. Lestatut professionnel non plus :20 %des cemployés, 23 % des ouvriers et 25 % des cadres manifestent encore une passion débordante pourleurjob. Lage, alors? Pas avantage :21 96des18-24ansensont fans, contre 23 % des 50-65ans. Le « jeunetire- au-flane » et le « senior dévous corps et ‘Ame »sontlesdeuxfacesduméme cliché. Ce quiest sir, en revanche, c'est que les priorités des actifs se sont inversées :en trenteans, les loisirs ont supplanté le tra- vail dans leurs préférences. EtI'argent a ccessé d’étre un moteur pour une majorite dentreeux. La pratique du télétravail, amplifi¢e parla pandémie, aurait-elle nourri cette disgrace? La part des salariés connectés alamaison abondide3% en2017422% werture en 2022. Raressontlesétudesscientifiques permettant de jauger leur productivité. Luned’elles,conduiteavantlavague virale par des Américainssurlabased'une expé- rience dans des centres d’appels chinois, montrait des résultats positifs. Verdict identique pour lenquéte lancée par des économistes de la Banque de France fin 2020surlabasededonnéesde2019 -avant confinement, donc-auprésd’entreprises frangaises :celles autorisantletélétravail affichaientune productivité supérieurede 10 %environauxautres, car «elles étaient mieux équipées », détaille Pun des cher- cheurs, Antonin Bergeaud, aujourd'hui professeur a HEC. Les auteurs en concluaient que « optimum est trouvé lorsque le salarié travaille deux jours par semaine & distance ». Dans ce modéle hybride, « un managementplusefficaceet un matériel plus moderne sont porteurs effets favorables A long terme, estime Travailler, oui, mais pas n‘importe quel prix. Ou plutét, pasn’importe comment Antonin Bergeaud. La France a rattrapé sonretarden|amatiére,endotantsessala- rigs d’ordinateurs portables et delogiciels, ad hoc, et les entreprises ont gagné dura- blement en productivité » Pour le reste, le bilan semble moins rose, Sur la créativité, d’abord, difficile- ‘ment soluble dans les visioconférences & 10 ou 20. La recherche montre que « la proximité physique entre innovateurs potentielsauneffet positifsurlaquantité et la qualité de innovation », note l’éco- nomiste Pierre Poradansune publication, dense. Sa consceur a France Stratégie, Cécile Jolly, s'inquiéte d'un autre dom- mage collatéral :« Letélétravail remetles femmesilamaisonaveclerisquederalen- tirleur chemin vers 'égalité profession- nelle, carla présence compte dans a pro- ‘motion ». Professeur au Conservatoire national desartsetmétiers(Cnam), Mare EricBobillier Chaumon pointe, enfin, une troisiéme conséquence dans le rapport 2022 de la chaire « Nouveaux risques », créée par le Cnam et Allianz France : « Guvreruniquementloindel'entrepris peutse révéler délétére, carily aun réel besoindesesentirintégréaunestructure. Etcela passe nécessairement par unatta- chement matériel et corporel a Yentre- prise ». Accueil des jeunes arrivants,sen- timent d'appartenance, entraide entre collégues :cesélémentsclefd'unerelation au travail heureuse s'accommodent mal un effectif dispersé aux quatre vents. Loin des yeux, loin du coeur? Méme le champion de a vidéoconférencearedé- couvert!'adage al'instard'autres vedettes delatech, Zoom impose désormais ses salariéshabitant dansun rayondeS0 miles (80 kilométres) autourde ses bureaux de semontrer deux jours par semaine, Lafirmecaliforniennentestpaslaseule Arepenserson organisation. TouslesDRH deFranceetde Navarrese fontdesnoeuds aucerveau. Avecunchomagerelativement basetdespostesquitrouventdifficilement preneurs,lessalariés, présentsouavenir, font valoir haut et fort leurs desiderata. ‘Travailler oui, mais pas an'importe quel prix. Ou plut6t, pas n’importe comment. Payeetambiancesont au coude-i-coude Jorsqu’ondemande aux Francaisleur pre mier facteurd’spanouissementau travail. « Lambition réside moins dans 'idée de “seréaliser” parletravail que, plusmodes- tement, dans e fait des'y sentir bien », résumait récemmentla Fondation Jean- Jaurés. Manquede chance, «aFranceest championne d'Europe des conditions de travail les plus dégradées, dans le senti- ‘ment comme dans la réalité du travail : caractére répétitif, interruptions, pénibi- lité physique, absence d’autonomie... », déplorel’économiste Cécile Jolly.Labonne volonté, forcément, en patit. Selon la norme Ifopdeclimat social, la proportion desalariéssedisantmoinsmotivésen202L était bien plus élevée en France (34%) qu’au Royaume-Uni (26 %),en Allemagne (24%), en Espagne (22 %) ow en Ital (18 %). Aprés des décennies de capora- lisme, de culte du reporting et de gestion uniformedescarriéres,ilesturgent queles 6tats-majorstricoloresrevoient leur copie pourredonnerauxFrancaislegoitdutra- vail. Pasparphilanthropie, parsimpleinté- reét.« Notte priorité, cesontnosemployés, afin qu'ils donnent satisfaction & nos clients, donc nosactionnaires », confie le patron d'une société financiere. Une ordonnance simple, pour une maladie depuistrop longtemps chronique. * 21 Les signaux inquiétants du désamour Des priorités personnelles qui sinversent En % des personnesintertogées Dans ma vie LE TRAVAIL tient une place.. Dans ma vie LES LOISIRS tiennent une place.. rae assez importante Importante = cox 2% assez importante importante oe 28% importante pars Assoz Tres “1% importante nie importante 32% ws 1% a ici 1990 2021 1990 2021 Je préfere 2008 Je préfére 2008 gognerphs corgent A 62% gogner moins dargent A 36 % malsavoirmoins 292 pouravoir plus 2022 de temps libre mmm 29% de temps libre o% Un regain d’absentéisme dans toutes les catégories Bvobtion a taux dabsentsisme par statten % 2019 2020 2021 2022 cadres ®@ @ @ gS Employés administratifs/ @ @ @ @ ezhenns retinitis e..-o----® Les 35 heures ont fait chuter la durée annuelle La productivité frangaise décroche par rapport de travail celle de ses voisins Nombre cheuresteavaiées por an Rotio de ia valeur ajoutée en volume et de Fempict des soleriés& temps complet totalen personnes physiques, bose 100 en 2018, = Aiemagne = Italie — Allemagne am = vez ta roone see rorce = Espagne = kate 2000 tnt France 100% 1900 1800 90 1700 85 1600 1988 20002002 200420062008 2010 2072 2014 20% 20% ©2018 =SC«OH==SC«CONSCi«iSSSCOSCSC URCES: ENQUETE EUROPCENNE SUR LES VALEURS (1990), NORME IFOP DE CL (QUETE FOP POUR SO. UTIONS SOLIDAIRES 2022) OBSERVATOIRE DIOT SAC: DEL ABKENTEISME (AVRIL 2023. ENQUETE SUR LES FORCES DE TRAVAIL EUROSTAT, GOMPTES NATIONAUX TRIMESTRIELS (2023) Leexeness 21400 2003 Témolgnages Remue-ménage chez les employeur: werture Delastart-up au grand groupe, chacun y va de sa recette pour recruter, accompagner et conserver des collaborateurs plus mouvants que jamais. Comme out marché ceil du travail n’échappe pas tla régle. Lorsque la demandechange, offre doits‘adapter, att risque d'un déséquilibre durable que les, entreprises francaises, engagéesdansune ‘compétition européenneoumondiale,ne peuventsepermettre. Quatred’entreelles ~ BNP Paribas, la Maif, Alan et Sodexo - livrent Express leurs réflexionssurles grands défis actuels en matiére de res- sourceshumaines, etleséponsesqu‘elles ‘yapportent. Avecsuccés. Preuvequiilest tout. fait possible de remettre la locomo- tivetravailsurlesbonsrails. JEUNES «La nouvelle génération ne se projette plus dans des parcours linéaires » Plerre-Henri Havin, directeurdu reerutement cetdelamabiitéen France de BNPParibas leurs ainés? Pierre-Henri Havrinbalaielecliché d'un revers de main. gnementmanagérial etal'environnement detravail », rétorque le directeurdu recru- tement et de la mobilité en France pour plusdansdes parcours |linéaires. Les aspi- rations a diriger une équipe sont moins centrales pourelle », constate Pierre-Henri majorité (53 %) des cadres du privé de moinsde40 anssansresponsabilitésd'en- Vambition de gravir les échelons hiérarchiques Face cette nouvelle donne, BNP Paribaschercheaattirersesfuturssalariés eninsistantsurleurs perspectivesd'évolu tion interne. « Les jeunes qui nous rejoignent peuvent exercer des métiers, complétement différents, y compris dans autrespays.EnFrance,nousenregistrons plusde10000 mobilitésinternesparan », se félicite Pierre-Henri Havrin, quia un tempscontribuéalastructuration desres- sourceshumainesdelabanquealternative ‘Nickel, détenue 495 % par BNP Paribas. ATimagedenombreusesautresentre- prises, 'établissement francaiss’est aussi doté de son école interne, la B-School by BNP Paribas, qui dispense en Ile-de- Franceetdans quelques villes~ Marseille, Bordeaux et Lille - des formations allant de larelationclient informatique. Lesrésultatssontaurendez-vous. E2022, les deuxtiers des personnes embauchées par BNP Paribas avaient moinsde30 ans. Unscorequeladirectionespérereproduire cette année, elle qui prévoit de recruter plusde 3000 salariésen CDI. ENCADREMENT « impact du manager sur le bien-étre ou le mal-étre des collaborateurs est considérable » seca Demurger dlecteurgénéraldelaMai Estampillée« assureur militant », Jamutuelle installée a Niort avait déja pris desengagementssurlessujetsenvironne- 2009, s'attaqueaun autre dossier :lesrela- tantem‘afaitréaliser'impactconsidérable En France, le groupe bancaire enregistre pplus de 10.000 mobiltés internes par an, 900 managers un séminaire. « A leur grandesurprise, jeleuraidit que eurobjec- tifuniquedevaitétrel’épanouissementde leuréquipe, passaproductivité »,seremé- morele patron dela Maif. Sengagealorsun programmed'accom- pagnement degrandeenvergute, person- nalisé, pour sensibiliser les cadres cette nouvelle culture, fondée sur laconfiance et 'autonomie des salariés. « On se rend comptetrésrapidementquecelanevapas AYencontre de la responsabilité écono- mique du dirigeant, c'est efficace, insiste Pascal Demurger. Travailler sur ce sujet entraine une hausse extraordinaire de la motivation, de Venvie, du sentiment d’appartenance, de l'engagement des collaborateurs. » Leschiffresontrapidement validécette stratégie :letauxd'absentéismeachutéde 25 % en espace de dix-huit mois. Surun plan plus qualitatif, la direction a pu constateruneffet positifsurleséquipeset eur fiertéa légard de rentreprise. Plusde lamoitiédessalariésétantencontactavec les sociétaires, la satisfaction etla idélité des clients ont mécaniquement grimpé, «Notre “Net PromoterScore”, qui mesure Ia différence entre les défenseurs et les détracteursd'unemarque,estde 40 points supérieur a celui de notre concurrent le plusproche », se félicite Pascal Demurger. Cet énarquedes8 ansaimeraitfairedes ‘émules, lui quivient de prendrelatétedu ‘mouvement de patrons engagés Impact 23 France, aux cdtésde Julia Faure, fondatrice delamarquede vétements Loom. I quiéte de voir le lien se distendre entree salarigetl’entreprise,aléchellenationale. « Un pays oi! le travail perd sa dimension <épanouissante et intégratrice estun pays en risque surle plan du développement économiqueetdelacompétitivitéinterna- tionale.Orilexisteen ce momentune indif- férence Ala communauté, ila construc- tionducollectif. Tout econtrairedeceque nouspromouvonsala Maif! » TELETRAVAIL « Onne peut plus obliger quelqu’un a venir cing jours par semaine au bureau » ‘PaulSauveplone chargé desressourceshumaines cheuAlan ‘O)_Impossiblediévoquerle télétra- EGS vail sans penser & ta crise du Covid. Lesportesdesentreprises n’étant pas étanches au virus, celles-ci se sont résolues a laisser leursemployés tla maison. Une situation vécue pour beau- ‘coupcommeun calvaire, Mais pour Alan, cétaitunlundicommeunautre. Vassureur 30ale télétravail dans le sang depuisses buts, ilyaseptans. Jusqu‘aul00 %télé- travail. Devenue une licorne francaise ~lundes30 spécimensvalorisésplusd'un milliard d’euros -, Alan dispose de 15 & 20 %decontratsdelasortedansseseffec- tifs (525 personnes). L’explication est simple. « On savait que Ton devait prépa- rerlentreprise a une croissance rapide ct Aunecompétition férocedanslaguerredes talents. Or on ne peut plus obliger ‘quelqu'un a venir cing jours par semaine aubureau », commente Paul Sauveplane, en charge des ressources humaines. Un maitre mot s‘impose : flexibilité. Quitte & ne jamais voir, ou presque, certains. La culture d'entreprise d’Alan en découle.Lalicornene fait pasderéunions. Ellen‘apasnon plusdemanagerset parie surla responsabilité de chacun. « C'est ce qui permet au télétravail d’étre efficace. Lesingénieurs,lesddatascientists,sontdes diesels. IIsne peuvent pas travailler qua- rante-cinqminutespuiss‘arréter pour dis- cuter dans un couloir, reprendre, et ainsi desuite. Ils ont besoin de longues plages deconcentration,etdone, depouvoirmai- triser leur emploi du temps », poursuit Paul Sauveplane. En retour, la moindre informationestconsignéeparécritsurune plateformemaison,cequipermeteffec- tifde se tenir au courant et de se sentir concerné par les décisions prises. Exit «radio-moquette » Le modéle plait. Selon une enquéte interne, plus de 90 % des employés se sentent autonomes, comprennent leurs missionsetsedisentsuffisammentrensel- gnéssurla vied'Alan, Alors méme quela moitié des troupes est dispatchée loin du iége parisien, voire en Espagne et en Belgique, ot se déploie la fintech. Inimaginableailleurs?Unsondage deT'ins- titut foetdeEnconPolEuropeindiqueque es Francais opteraient bien pour 14 jour, enmoyenne, detélétravail parsemaine. ls niontdroitaujourd'huiqu’a06 jour Leplus faible score en Europe, apréslaGréce. FIDELISATION « La hausse de notre turn-over a été enrayée » Ack Vanesy duectice des resources IhimaineseSodete Comment aemeurer vu BHF sspoeurdesablev danse monde de l’aprés-Covid? La question agite Sodexo depuis 2021. A époque, legéant de la restauration collec tive~ 100 millions deconsommateursser- vis chaque jourdans53 pays parquelques, 42.000 salariés ~ digéreapeinesonexpo- sition en premiere ligne. Renforcementdes regles sanitaires, réaffectation de ses employés vers les hépitaux et les centres Le géant de la restauration collective a revu a la hausse sa « promesse employeur » de tests anti réduction defies mieaétérude, «La crise sanitaire a bousculé la ‘maniére donton géraitetfidelisaitlessala- rigs »,résume ladirectrice des ressources ‘humaines, Annickde Vanssay. Touché par ‘une pénurie de main-dceuvreet un bond duturn-over, Sodexo entreprendalorsde réinventer « sa promesse employeur ». Grace au programme Vita, qui garantit depuispeuun soclecommun davantages sociaux. Lessalariésen postedepuisdouze mois bénéficient d'une assurance-vie représentant/'équivalent’unan desalai en cas de décés, d'un congé parental de douze semaines pour le premier parent et dedeuxsemainespourlesecond, rémuné- réssurlabase des congés payés, ainsi que /'une ligne ¢’assistance proposantdusou- tien psychologique et des conseils pra- tiques, «I est essentiel d’en faire profiter Yensembledenoscollaborateurs,cartous les pays ne sont pas logés & la méme enseigneenmatiéredeprotectionsociale », pointelaDRH,en postedepuisdeuxans. Diici&2024, le groupe esperedéployer ce programme dans 60 % des pays out il opere. Annick de Vanssay en voit déja les effets. « La hausse de notre turn-over a été enrayée », assure-t-elle, Quant 4 «Employee Net Promoter Score », qui permetdemesurer 'engagementdessala- Hiésvis-a-visde'entreprise,ilagrimpéde SA points par rapport 2021. * PROPOS RECUEILLIS PAR MURIEL BREIMAN, MAXIME RECOQUILLE ET JULIE THOIN-BOUSQUIE Covid, activité partielle, “ Lechocdelapandé- 24 Analyse Bruno Mettling : « L werture rapport au travail est devenu contractuel » L’ancien DRH d’Orange décrypte les nouveaux ressorts qui déterminent, ounon, 'engagement des salariés. présune richecarriéredanslahaute Jonction publique et les états-majors degrandsgroupes~LaPoste, Banquepopu- laire, Orange...-, Bruno Mettlingafondé en2018lecabinet Topics, quiconseilleles entreprises dans leurstratégie RH. LaFrance a-t-elleun problémeavecle travail? BrunoMettlinglatransformationdutra- vail,etplusseulement laquestiondeYem- ploi, est redevenue un theme central du «débat public et des préoccupations dans lesentreprises. C'est unebonnenouvelle, parcequionaenfincomprisquelerapport autravail esten train dechanger vitesse grand V.Unsigne, parmid'autres :/aiplan- ‘ché récemment devant les responsables ‘de magasins d'un grand réseau de distri- bution. D’ordinaire, mes interlocuteurs sont plutot les directions générales. Mais cette enseigne voulait passer en circuit court et donner, en direct, aes patrons de terrain les clefs de compréhension de ‘ce qui se passe aujourd'hui dans la téte des jeunes. Pourquoi certains d'entre eux ne se présentent pas le premier jour de leur CDI?0udémissionnentauboutd’un, mois? Dans beaucoup de boites, on se bagarreaujourd huipourrecruteretsipos- sible attirer les meilleurs, en y mettant énormémentde moyens. Btdansleméme temps, lesdépartssesuccédent, letauxde fidélisation chute. Cest une lessiveuse. ‘Ona calculé le cout de ce tonneau des Danaides pour entrepriseinternationale it nous intervenions. Ilest colossal et se chiffre en dizaines de millions d’euros par an. Il faut analyser ces ressorts nouveaux de la motivation et sortir des schémas que les générationsantérieures, qui sont souvent aux commandes, conti- nuent d'appliquer. En clair, redonner du. sensau travail. Cest un mot-valise, non?Iyaautant desensqued’individus... Justement. On entend de grands discours surlesens deentreprise,samission. C'est «Sionrefuse aun collaborateurun aménagement de ses horaires, illéve le pied » bien. Maiscen’est pascelaquimotiveen- gagement des ollaborateurs. Il faut reve- nirdunelogiquedu quotidien :& quoisert ‘monjob?Quelleestmacontribution?Dans lesgrandsgroupes, desorganigrammesde plus en plus matriciels éparpillent les ‘métiers :lafinancepartagéeentrel'Europe et Asie, la production largement en Asie, informatique en Inde... Du fait de cet éclatement, géographiqueou fonctionnel, beaucoup desalariés perdentlafinalitéde leurtravail. Quandjevoisce quejefais, que jepeuxmesurermonimpact,celuidemon équipe, et faire lelienaveclastratégiedont aparlé le patron de la boite, jesuis beau- coup plus engagé. Pardon dele rappeler, maiscestfondamental. r Ye HT I os ( \ 1. \ Bruno Mettling voit entreprise comme «un péle de stabilité d'un pays fracture » I's Ci ‘autre péril quimenacel'engagement, c'est la bureaucratie. Un grand espoir est né pendant le Covid : au gré des confine ‘ments, lesentreprisesont montréuneagi- litéineroyable. Dujouraulendemain,ona vudisparaitre les couches de reporting et decontrdleinterne. Lessalariésont prisde autonomie, ilsont donné, ou recu, dela conflance, Malheureusement, depuis que Iaviea repris un coursnormal, on assiste augrand retour de cette bureaucratie. Les collaborateurs sentent queleurquotidien estdeplusen pluscontraint par destiiches annexes et improductives. Quant aux managers, qui s’épuisent a remplir des tableaux de bord, ils rongent leur frein. ‘Mon cabinet a mené un sondage au sein desgrandes entreprises. Alaquestion « Si vousaviezlechoixaujourd'hui,seriez-vous préts a renoncer a votre role de manage- ‘ment? »,51 %desmanagersrépondentoui. (Crest un indicateur trés inquiétant. Orla relation avecson chefest un élément clef dansT’envied'unjeunederester,oudepar- tir. Vous connaissez l'adage :« On rejoint uneentreprise, on quitteun manager ». Lentreprise peut-elle encorejouer sur lacorde sensible pour conserver ses troupes? Demoinsen moins. Le nouveau rapport autravail n'est plusaffectif,commeill était ilya vingt ans, mais contractuel. Sion refuse a un collaborateur un aménage- ‘mentde seshoraires quinegéne paslecol- lectif,laréponseest simple :illévele pied ouils’enva.Ce changementest concomi- tant "un autre phénoméne, plus positif dansles années 1980, fentrepriseétaitun lieu de tensions dans une société qui pro- duisait des olidarités. Aujourd’hui, cest inverse :elleest devenue l'un des poles destabilité d'un pays fracture. C'est assez stupéfiant de voir que dans les grandes crisesrécentes~giletsjaunes,débatsurles retraites, émeutesen banlieues-, 'entre~ priseentantqu‘entitén’ajamaisété remise encause. Parcequiilyadel’encadrement, un reglement intérieur, un juge quiveille au respect du droit, des corps intermé- diaires qui jouent leur 6le. Les pouvoirs publics, souventtentésdefairelalegonau secteur privé, feraient bien de sen ins} rer. Le vivre-ensemble en entreprise est, au-deliide difficultés réelles, une réalité fortedansnotre pays. PROPOS RECUEILLIS PAR ‘ARNAUD BOUILLIN Leadership Comment remotiver les managers ? Enlien direct avec les équipes, ils assurent la bonne performance de entreprise. A condition qu'on leur laisse la juste marge d'action. asociété avait!'habitude de pratiquer Iabienveillance « avantquecemotne deviennedilamode ». Etpourtant. Pierre", directeur commercial dans un grand groupeacompté,ilyacingans, parmiles victimes d'un gigantesque flasco mana- gérial. « Lintégralitéd’une forcede vente ‘quisemet l'arré, jen’avai a», confle, encoresous le choc, celui qui Sest retrouvé coincé entre une nouvelle directrice générale« quifaisaitrégnerun climat de terreur »et des équipestétani- ‘sées, prétesajeterl’éponge. Avec, pourne rien arranger, des problémes d’approvi- sionnement, desclientsencoléreet une direction monde « déconnectée des spé- cificitésdela iliale francaise ».« Onaplu- sieurs foistentéde faire remonter ces i ficultés,sanssucees »,sesouvient Pierre, qui tant bien que mal a « joué le role de filtre » pour préserver ses commerciaux. Depuis,lafameuse« N+1» etsonmanage- ‘ment moyenageuxa été remerciée, mais pource cadresupérieurde42 ans, redon- nerconfianceasescollegues « prendradu temps». Siilreste un cas extréme, Yexemple de Pierre llustre bien le mal-étre quitouche une partiedesmanagersfrangais, Unbaro- metre Opinion Way publié en mars 2023, les classe au troisiéme rang des popula- tionsiesplustouchéesparlesrisquespsy- chosociaux, derriére les moins de 29 ans cet les femmes. « Les managers intermé- diaires ou de proximité sont prisen sand- wich, c'est ’échelon oi le pouvoir de décision et d'action peut étrele pluscom- promis, au risque de mettre ces individus en décalage avec leurs valeurs person nelles », analyse Valérie Flores-Rodriguez, dirigeante du cabinetdeconseilReshura, ‘quiaccompagne les comités de direction dansleurvolontéde transformation orga- nisationnelle. Autre cause du malaise, a lourdeur des procédures, de la fameuse réunionite—laproductivitédesemployés est de35 %plusélevée lorsque les éunions sont réduites de 20 %, selon uneétude de Ia Harvard Business Review de 2022 -,& obsession destableauxExcel.« Cestune organisation trop taylorienne, souligne Laurent Cappelletti,chercheurensciences degestion, oitlesmanagersintermédiaires ont des objectifs qui viennentd’en haut, sans marge de manceuvre pour les négocier.»| Pour booster leur motivation, Charlotte Cadé, PDG dusite de brocante enligne Selency, a récemment organisé deux jours de brainstorming avec ’en- semble du management, supérieur et intermédiaire, « pourréfléchir a lavision etcroiserlessujets ». Despratiques, certes, plus faciles a mettre en place dans des, petites structures, mais peu importe la tailledeT'entreprise :« LetempsduCodir [NDLR :comité de direction] quisedonne comme charge de tout savoir, c'est fini », tranche Valérie Flores-Rodriguez, « tres exigeante avec les leaders qui sont ade hauts niveaux de responsabilité, parce quilsdonnentleton ». PourChristophe Mosse, cadredirigeant dans la santé, cela passe d’abord par un «lacher prise ». « I faut accepter que les. choses ne soient pas faites comme on les aurait faites soi-méme. En général, on est surpris positivement. » Cet ancien de Colgate et de Novartis qui affiche quinze années a des postes de direction s« inter- ditderentrerdanslessujetsquinesontpas deson ressort », préférant « la posture de ‘coach acelle du sachant ». Valérie Flores- Rodriguez, elle, nsistesurfauthenticitédu message :« Aujourd'hui, unleader n'apas autre option que d'étre raccord entre ce quilldit et ce qu'il fait, et entre ce qu'il fait etcequilest. » Siilne doit pas étre qu'une histoire de mots, le management est parfois une affairedechiffres.« Uneuroinvestien qua- lité du managementen rapporte quatre, ennmoyenne, ensurcroit de productivité », indiqueune étudedejuin 202 réaliséepar Laurent Cappelletti pour le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des poli- ues publiques de Sciences Po. LeCMI, unegrandeécolede management britan- nique, afaitle calcul :lesorganisationsqui investissent dans des formations autour du leadership voient leur performance bondirde 23. Le managementcomme levier de rentabilité?« Quand onchiffred Yéchelled’uneentreprise lescotitsengen- drés parces dysfonctionnements mana- gériaux, on est entre 10000 et 20000 euros par personne et par an », estime Laurent Cappelletti. Un argument qui devrait terminer de convaincre les der- niersréfractaires. * LAURENT BERBON *Leprinoma témodifi 26 Bonnes feuilles « La France avance les n couverture tée de semelles de plomb » Pascal Perri, journaliste économique de LCI, consacre un livre décoiffant Alla désaffection dont le travail fait aujourd’hui objet. La gauche francaise « réhabilite le travail-pénitence », soutient auteur. Doceiser en sciences de gestion essayiste protixe, Pascal Perri estla voixetlevisagedel'économiesurlachaine LCL Dans Génération farniente. Pourquol tant de Francais ont perdu le got du tra- vail, publiéle 14 septembre aux éditions deLArchipel,ilexplored'une plumealerte lesmuttiples facettes~historiques, socio- logiques, politiques ou macroécono- miques—denotrerapportdésenchantéau salariat. Etappellea« renoncer alégoisme duprésent ». Morceaux choisis. EXTRAITS La fin du « chef, oui, chef! » «

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