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Consolidation de L'état Libéral en Espagne (1833-1874)
Consolidation de L'état Libéral en Espagne (1833-1874)
Consolidation de L'état Libéral en Espagne (1833-1874)
Trois phases peuvent être distinguées. La première (1833-1835) est favorable aux
carlistes, chapeautés par le général Zumalacarregui, commandant de l’armée de
Don Carlos à la zone basco-navarraise. Après la mort de Zumalacarregui pendant le
siège de Bilbao (1835), c’est le général Ramón Cabrera qui va prendre la relève
dans cette deuxième période (1835-1837). Cette étape finit avec l’échec de
l'expédition royale, dirigée par le prétendant en personne, qui échoue aux portes de
Madrid. Cet échec marqua le début de la dernière phase de la guerre. Les tensions
entre les ultras (Cabrera et Don Carlos) et les partisans d’un compromis s’accrurent.
Le chef du dernier groupe, le général Maroto, trouve un accord avec le
gouvernement de Marie-Christine en 1839 (l’accolade de Vergara) qui accepte la
négociation pour conserver les fueros des provinces basques et de Navarre et
permet aux militaires carlins d’intégrer l’armée royale. Seulement une petite partie de
l’armée carliste résiste sous les ordres de Cabrera au sud d’Aragon jusqu’en 1840.
2.1.2. Les régences de Marie-Christine et d’Espartero (1833-1843)
La guerre carliste a obligé la régente Marie-Christine (1833-1840) à initier des
réformes libérales. C’est le Premier ministre Martínez de la Rosa qui convainquit la
régente de promulguer le Statut Royal de 1834. Cette charte octroyée reconnaissait
quelques droits et libertés politiques, mais elle n’acceptait pas les principes de
souveraineté nationale et de séparation des pouvoirs et adoptait un suffrage
censitaire très étroit (0’15% de la population). Ce texte n’était pas suffisant pour les
libéraux progressistes, qui désiraient une vraie constitution. Ils ont initié des
soulèvements urbains contre le gouvernement des modérés en 1835.
Face à cette situation, la régente confie la formation d’un nouveau gouvernement
au libéral progressiste Juan Álvarez de Mendizábal, qui initie un programme de
réformes sous les limites du Statut Royal. Mais le début du processus de
désamortissement des biens de l'Église catholique a impliqué des fortes pressions
de part de la noblesse et du clergé et, finalement, Marie-Christine le destitue en mai
1836. Après ce fait, des soulèvements libéraux progressistes se succèdent. C’est
avec la révolte de La Granja (août 1836) que Marie-Christine rappelle les
progressistes au pouvoir, rétablit la Constitution de 1812 et convoqua des Cortès
constituantes.
C’est pendant le gouvernement des progressistes (1835-1837) quand les
institutions de l’Ancien Régime vont disparaître définitivement en Espagne. D’abord,
le régime seigneurial disparaît en août 1837 quand les seigneurs perdent les
pouvoirs juridictionnels sur les terres, mais ils conservent la propriété.
Deuxièmement, l’État confirme la dévinculation des terres et, en conséquence, se
permet la libre vente des terres privées. Finalement, et après la suppression de la
plupart des ordres religieux et la nationalisation des biens des anciens ordres, l’État
procède en 1836 au désamortissement des terres obtenues et à sa vente. De plus,
d’autres mesures furent prises pour instaurer le libéralisme économique en
Espagne, comme l’élimination des corporations, des douanes intérieures ou de la
dîme.
La Constitution de 1837 traduit le chemin parcouru par le constitutionnalisme
libéral dans un sens plus conservateur que celle de 1812. Le système n’est plus
unicameral : un Sénat siège aux côtés du Congrès des députés. Le pouvoir de la
Couronne est renforcé par rapport à 1812 : le pouvoir législatif n’est plus le
monopole des Cortès, mais est partagé avec le souverain qui dispose d’un droit de
veto absolu. La loi électorale accroît le corps électoral (2’2% de la population contre
0’15% sous le Statut Royal) sans pour autant rétablir le suffrage universel de Cadix.
Depuis 1833, la régente a joué un rôle permanent de frein et d’obstruction à
l’égard de tous les changements. En 1840 elle appuya les projets modérés de
revenir sur certains acquis de 1835-1837 comme la liberté de la presse ou la
suppression des dîmes. Après des révoltes urbaines contre la politique du
gouvernement modéré et de Marie-Christine, elle renonça à la régence en octobre
1840 et s’exila en France, laissant le champ libre aux progressistes.
Peu après commence la régence du général Espartero, soutenu par les
progressistes. Mais il ne gouvernera pas longtemps. L’insurrection de Barcelone en
1842 enleva à Espartero son principal soutien : celui du peuple libéral. En effet,
l’accord commercial de libre-échange avec le Royaume-Uni sur le coton déclenche
l’émeute dans la capitale catalane, très industrialisée. La réponse du régent fut
brutale : la ville fut bombardée. Après de multiples insurrections urbaines contre
Espartero en 1843, Espartero s’exila en Angleterre. Automatiquement les Cortès ont
déclaré la majorité d’Isabelle II, âgée de 13 ans.
2.1.3. Le système politique du règne d’Isabelle II
Le libéralisme conservateur ou modéré a toujours compté avec le soutien de la
reine Isabelle II. Les modérés estimaient que l’ère des révolutions était terminée et
que l’organisation sociale fondée sur l’ordre et la propriété constituait le nouveau
socle des monarchies constitutionnelles. Ces monarchies rejettent l’idée de
souveraineté populaire, ce qui se traduit par l’application du suffrage censitaire,
normalement très restreint. De plus, pour les modérés la liberté cesse d’être un
principe universel pour se limiter à ce qui est défini par la loi, ce qui comporte des
restrictions des libertés individuelles telles que la liberté d’expression, de culte ou de
presse.
Cette reformulation idéologique trouve son expression dans la Constitution de
1845. Par rapport à la Constitution de 1837, la nouveauté principale réside dans
l’accroissement du pouvoir royal. Ainsi, le gouvernement dépend totalement de la
couronne et le Sénat devient entièrement le produit d’une nomination royale. En
matière religieuse, le texte revient à un confessionnalisme catholique de l’État. En
outre, le corps électoral se restreint encore plus, réduit à 0’8% de la population.
En ce qui concerne l’Église catholique, la réconciliation avec le Saint Siège arrive
en 1851 avec la signature d’un concordat. Il règne les deux principaux problèmes :
celle de la reconnaissance de la légitimité du trône d’Isabel II au détriment du
prétendant carliste, et celle de la vente des biens du clergé. L’Église accepte les
ventes de son patrimoine réalisées jusqu’en 1844, mais les curés de paroisse sont
désormais payés sur le budget public.
D’autre part, les modérés ont continué la centralisation et uniformisation de l’État
espagnol. D’abord, la structure pyramidal politique de l’administration espagnole est
renforcée: le ministre de l’Intérieur nomme les gouverneurs civils et les maires des
villes de plus de 2000 habitants. Les autres maires sont nommés par le gouverneur
civil. Dans le même sens, l’éducation fut totalement centralisée sous les ordres du
gouvernement espagnol.
Ce système ne plaisait pas entièrement aux libéraux progressistes. Partisans
d’une sphère politique potentiellement ouverte à tous, ils étaient néanmoins
partisans du suffrage censitaire, bien que dans un sens moins restrictif que les
modérés. De plus, ils prônent pour une division des pouvoirs très claire, idée
contraire au rôle joué par la couronne espagnole sur le pouvoir législatif. Leur projet
est à la fois égalitaire et élitiste car, pour les progressistes, la vraie liberté est celle
qui est acquise par la propriété qui seule permet d’exercer une vraie citoyenneté.
D’après ce courant, l’éducation du peuple peut transformer les masses non cultivées
en un peuple sage et discipliné. Par rapport aux modérés, ils croient défendre les
faibles face aux puissants, soutien traditionnel des modérés.
D’une partie des progressistes naisse en 1849 le Parti Démocrate qui est pour le
suffrage universel, l'ampliation des libertés individuelles et collectives et la fonction
sociale de l’État afin de limiter les différences sociales.
2.1.4. La décennie modérée (1843-1854)
Après l’exil d’Espartero, les modérés occupent le pouvoir avec Ramón María
Narváez comme nouveau premier ministre. Les lois fondatrices du modèle de l’État
libéral sont adoptées de 1844 à 1851 : constitution, concordat et réforme
administrative. Mais vers 1854 le Parti modéré devient de plus en plus fractionné et
contesté à cause de la restriction des droits politiques des et des accusations de
corruption. En conséquence, les progressistes et une partie des modérés préparent
un coup d’État (pronunciamiento) chapeauté par le général Leopoldo O’Donnell. De
plus, des secteurs des modérés et des progressistes rédigent le Manifeste de
Manzanares où exigent le respect de la Constitution et la réforme de la loi
électorale. Face à cette situation d’instabilité, Isabelle II appelle à la tête du
gouvernement le général Espartero.
2.1.5. Le biennat progressiste (1854-1856)
Les premières mesures du gouvernement d’Espartero ont consisté à rétablir les
principales lois progressistes antérieures sur la liberté de presse. Une assemblée
constituante est élue en octobre 1854, mais le texte constitutionnel, proche de la
Constitution de 1837, ne sera jamais appliqué.
En revanche, l'œuvre est importante en matière économique. Les milieux
d’affaires exigent au gouvernement de stimuler les investissements pour bénéficier
l’essor industriel, pression qui se traduira par la Loi de chemins de fer (1855) qui
permettait de faire appel au capital étranger et prévoyait des aides publiques aux
entreprises privées. En outre, la loi Madoz (1855) relance le projet de
désamortissement des terres des municipalités.
Néanmoins, les progressistes ne parviennent pas à stabiliser politiquement le
pays. Les classes populaires urbaines sont de plus en plus sensibles aux idées
démocrates et républicaines qui intègrent des préoccupations sociales nouvelles et
rejettent la monarchie des Bourbons. Dans un contexte d'agitation sociale croissant,
O’Donnell obtient de la Reine la direction du gouvernement en juillet 1856, réprime
les soulèvements urbains et finit avec l’expérience progressiste.
2.1.6. La crise du modérantisme (1856-1868)
Après l’échec progressiste, les modérés reviennent au pouvoir avec le
gouvernement formé par Narváez en décembre. Il rétablit la Constitution de 1845,
mais en 1858 il est substitué par O’Donnell, leader du parti Union Libérale, qui
gouvernera jusqu’en 1863. Pendant ce long gouvernement, l’Espagne expérimente
une époque de croissance économique. Il prétend aussi redonner à l’Espagne une
place internationale pour dépasser les tensions politiques et sociales intérieures.
Même s’il y a certains échecs (Mexique, Pérou), la guerre au Maroc (1859-1860)
permet à l’Espagne d’accroître sa présence territoriale et commerciale dans ce pays
africain. Dès ce moment, le Maroc joue un rôle essentiel pour l’armée et pour le
nationalisme espagnol. Il remplace désormais l’Amérique comme territoire symbole
de la grandeur nationale.
Après la chute du cabinet O’Donnell en 1863, les modérés sont rappelés par la
Reine au pouvoir. Narváez gouverne jusqu’au moment de son décès, en 1868, d’une
façon autoritaire qui propricie le rassemblement les progressistes et les démocrates
contre le régime d’Isabelle II. En 1866 ces deux groupes signent en Belgique le
pacte d’Ostende qui envisage le départ d’Isabelle II et l’élection d’une assemblée
nationale constituante au suffrage universel en vue d’établir un régime démocratique
en Espagne. Même l’Union Libérale va rejoindre ce pacte en 1867 après la mort du
général O’Donnell. La crise économique de 1866-1868 accroît les mécontentements
et la mort de Narvárez en avril 1868 laisse la Reine sans son “espadón”.
Manifeste de Sandhurst
[…] Si un groupe de députés et de sénateurs a décrété la république sans aucun respect
des formes légales, bien vite les seules Cortés légalement convoquées dans cet objectif
furent dissoutes par l’intervention des baïonnettes […].
Heureusement, la monarchie héréditaire et constitutionnelle détient dans ses principes la
nécessaire flexibilité et les conditions requises pour que soient résolus tous les problèmes
liés à sa restauration en conformité avec les vœux et l’unité de la nation.
Il ne faut pas attendre de moi de décisions tranchées et arbitraires ; dans les temps
reculés de la monarchie, les princes espagnols ne résolurent aucune affaire difficile sans les
Cortés, et dans ma situation je ne dois oublier cette parfaite règle de conduite alors que tous
les Espagnols sont habitués désormais aux règles parlementaires. […]
Quel que soit mon destin, je ne cesserai jamais d’être un bon Espagnol ni, comme tous
mes ancêtres, un bon catholique, ni, comme homme de mon temps, un authentique libéral.