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Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale -


Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0)

http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr

BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
BU-ODONTOLOGIE

11111111111111111111111111111
D 344 01 0926 0

UNIVERSITE CLAUDE BERNARD-LYON 1


U.F.R. D'ODONTOLOGIE

Année 2014 THESE No 2014 LYO 10 024

THESE
POUR LE DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN CHIRURGIE DENTAIRE

Présentée et soutenue publiquement le :

par

BONHOMME Clément

Né le 03 juin 1989, à Lons-le-Saunier (39)

Une même déontologie pour les chirurgiens-dentistes


et les systèmes d'assurance santé ?

JURY

Mr ROBIN Olivier Président

Mr COMTE Bruno Assesseur

Mme RICHARD Béatrice Assesseur

Mr VENET Laurent Assesseur

Mr MICHEL Jean-Claude Membre invité

BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
Sommaire

Glossaire
Introduction
1 La déontologie des chirurgiens-dentistes
1.1 Le Code de déontologie
1.2 Le Conseil de l'Ordre
2 Les différents systèmes d'assurance santé
2.1 L'Assurance Maladie Obligatoire et l'UNCAM
2.2 L'Assurance Maladie Complémentaire et l'UNOCAM
3 Les principes déontologiques fondamentaux
3.1 Le secret médical
3.1.1. définition et législation
3.1.2. les systèmes d'assurance santé et le secret médical
3.2 Le libre choix du praticien
3.2.1. définition et législation
3.2.2. les systèmes d'assurance santé et le libre choix du praticien
3.3 L'indépendance professionnelle du praticien
3.3.1. définition et législation
3.3.2. les systèmes d'assurance santé et l'indépendance professionnelle du praticien
3.4 L'exercice non commercial de l'art dentaire
3.4.1. définition et législation
3.4.2. les systèmes d'assurance santé et l'exercice non commercial de l'art dentaire
4 Prospectives d'avenir
4.1 Projet de proposition de loi Le Roux
4.2 Accord interprofessionnel pour la sécurité de l'emploi
4.3 Avenant n°3 de la convention nationale des chirurgiens-dentistes et charte de
bonnes pratiques
Conclusion
Bibliographie

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Glossaire

AMC : Assurance Maladie Complémentaire

AMO : Assurance Maladie Obligatoire

CCAM: Classification Commune des Actes Médicaux

CMU : Couverture Maladie Universelle

CNSD: Confédération Nationale des Syndicats Dentaires

CSP: Code de la Santé Publique

DREES : Direction de la Recherche, des Etudes, de l'Evaluation et des Statistiques

FSDL : Fédération Syndicale des Dentistes Libéraux

NGAP : Nomenclature Générale des Actes Professionnels

UJCD: Union des Jeunes Chirurgiens-Dentistes

UNCAM : Union Nationale des Caisses d'Assurance Maladie

UNOCAM : Union Nationale des Organismes Complémentaires d'Assurance


Maladie

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BONHOMME
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Introduction

Le préambule de la Constitution de 1958 affirme l'attachement du peuple


français «aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels
qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789». Par cette Constitution, l'État
garantit à chaque français des droits sociaux, en particulier le respect des libertés
individuelles et l'égalité devant l'accès aux soins médicaux.
L'apparition en 1945, après la seconde guerre mondiale, de la Sécurité Sociale, a
permis de donner à l'État et aux citoyens français les moyens de ces engagements
constitutionnels en y apportant le principe d'un financement collectif et solidaire.

Le conventionnement facultatif des professionnels de santé a, dans un


premier temps, permis, tout en encadrant un mode d'exercice libéral fondé sur leur
indépendance professionnelle et leur responsabilité, de garantir et maintenir des
valeurs déontologiques fortes, à savoir celles basées sur :
- le respect du secret médical
- le libre choix du praticien par le malade
- la liberté thérapeutique et de prescription.

La Sécurité Sociale a été généralisée à tous les français, salariés et non


salariés, et n'a jusqu'à présent dérogé en rien quant au respect de ces principes
fondamentaux de déontologie.
Parallèlement, dès 1945, sont apparues les assurances complémentaires (les
mutuelles dites de 45) qui complétaient le «ticket modérateur», c'est à dire la part
non remboursée par la Sécurité Sociale. Ces systèmes d'assurances
complémentaires se devaient d'appliquer le respect des mêmes principes

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déontologiques, au même titre que la Sécurité Sociale.

Or, on constate aujourd'hui que le remboursement des actes médicaux par


la Sécurité Sociale, devenue Assurance Maladie Obligatoire, n'a pas suivi l'évolution
des pratiques médicales, celle-ci s'étant désengagée peu à peu du domaine
dentaire à travers ses réformes successives. Ainsi, les tarifs conventionnels des
actes codifiés dans la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP) ne
sont plus en rapport avec le coût de ces actes qui a progressé compte tenu de
l'évolution des techniques et des matériaux utilisés.

Les assurances complémentaires, plus en phase avec la réalité économique


de l'offre et de la demande de soins, se sont mises à établir des contrats proposant
des remboursements de plus en plus attrayants et conséquents. Le taux de
couverture des ayants droits à l'Assurance Maladie Obligatoire par une assurance
complémentaire est en augmentation constante, jusqu'à approcher aujourd'hui les
100% ( 96 % des Français bénéficieraient d’une couverture complémentaire santé
en 2013 contre 69% seulement en 1980). Ces assurances complémentaires ont
donc pris de plus en plus de «poids» dans le financement global de la santé, et se
sont mises à fonctionner en «déconnexion» avec l'Assurance Maladie Obligatoire.
On peut alors s'interroger sur le respect des principes déontologiques cités plus
haut par ces organismes, qui ne disposent pas de code déontologique le
garantissant comme pour l'Assurance Maladie Obligatoire ou les chirurgiens-
dentistes eux-mêmes. Le risque est de voir apparaître des entorses aux droits
fondamentaux des patients.
Il y aurait donc peut être nécessité de légiférer, afin de garantir pour les
patients le respect absolu de ces droits déontologiques, tout en permettant
l'évolution du mode d'exercice de l'art dentaire et des prises en charge des
honoraires.

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Cependant un principe est «qui paye commande !» : face aux organismes
d'assurance complémentaire devenus majoritaires dans le financement du
domaine dentaire, quel poids représentent le chirurgien-dentiste et son patient,
dans leurs droits respectifs et dans une pratique éthique de la santé ? Si un
organisme comme le Conseil de l'Ordre a été chargé par le législateur de contrôler
et de faire respecter la bonne application des principes déontologiques aux
praticiens, quel organisme pourrait-être, aujourd'hui, chargé de l'imposer aux
différents organismes d'assurance santé ?

Le but de ce travail n'est pas de contester d'une quelconque façon les


évolutions tant dans le mode d'exercice de la profession que dans l'organisation du
financement des soins. Il cherche uniquement à savoir si les droits auparavant
reconnus comme fondamentaux des malades sont toujours respectés et ne sont
pas altérés par la recherche des équilibres économiques des organismes
d'assurance santé. S'il parvient également à dégager quelques perspectives de
solutions susceptibles d'intéresser le législateur, il aura le mérite supplémentaire de
l'utilité.

Ce travail sera construit en 4 parties :


- Une première partie de rappels historiques sur le Code de déontologie des
Chirurgiens-dentistes et leur Conseil de l'Ordre chargé de le faire appliquer ;
- une deuxième partie sur la création de l'Assurance Maladie Obligatoire et
des assurances complémentaires et leur évolution ;
- une troisième partie d'enquête sur le traitement actuel des droits du
patient par le chirurgien-dentiste et les différents systèmes d'assurance santé ;
- une quatrième partie permettant d'entrevoir l'avenir du respect de ces
règles déontologiques, et les solutions envisageables pour son application.

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1. La déontologie des chirurgiens-dentistes

1.1 Le Code de déontologie

Toutes les professions de santé sont aujourd'hui soumises à un code


régissant leur mode d’exercice selon le respect de principes déontologiques : le
"Code de déontologie". Inscrit au Code de la Santé Publique français créé en 1953,
en sa 4ème partie ayant trait aux professions de santé, le Code de déontologie
dentaire consiste en un ensemble de droits et de devoirs s’appliquant à notre
profession, à la conduite des chirurgiens-dentistes, ainsi qu’aux relations entre
patients et praticiens. Il sert donc de guide éthique aux chirurgiens-dentistes dans
leur pratique quotidienne, pour le bon fonctionnement de leur corps professionnel
avec des règles propres, au service des patients.

La demande faite par le corps médical à l’État de reconnaître ses règles


d’exercice, avec élection d’un « Conseil médical » chargé de les faire respecter par
l’application de peines disciplinaires, a émergé durant le XIXème siècle, en même
temps que celle de l’instauration d’un monopole des docteurs en médecine sur la
pratique médicale. La loi a instauré ce monopole en 1892 et autorisé les syndicats
médicaux qui, comme toutes les associations corporatives, avaient été interdits en
1791 (loi Le Chapelier). Mais un premier « règlement de déontologie médicale » n’a
été publié qu’en 1936. Il n’avait d’autre valeur que celle de règlement intérieur de
la confédération des syndicats médicaux français. Les dispositions prises par le
régime de Vichy ayant été frappées de nullité à la libération, le premier Code de
déontologie officialisé par un pouvoir légitime républicain est donc celui de 1947,
sous la forme d’un règlement d’administration publique.

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Le Code de déontologie n'est pas seulement établi par la profession. Si celle-
ci, représentée en l'occurrence par le Conseil de l'Ordre, est chargée de l'élaborer,
le texte qui en découle est soumis à l'Administration, au Conseil d'État et
finalement au gouvernement de la République Française. Chacun de ces
organismes a la charge de vérifier sa conformité avec les lois et autres règlements
régissant la société où exercent les chirurgiens-dentistes et a la possibilité d'y
apporter des modifications. Enfin, le Code est publié au Journal Officiel sous la
signature du premier ministre. Le Code de déontologie médicale possède une
valeur législative forte puisque celui-ci a été édicté sous forme de décret en Conseil
d'État et qu'il est partie intégrante du Code de la Santé Publique. Le Code de
déontologie précise ainsi les dispositions réglementaires concernant un exercice
professionnel. Celles-ci sont légitimement subordonnées à d'autres textes plus
importants - la Constitution de la République et le Corpus législatif - et doivent être
compatibles avec d'autres décrets commandant ou influant sur d'autres textes de
moindre portée, en particulier les arrêtés et circulaires administratives.
(TERRIER, 2003)

1.2 Le Conseil de l'Ordre

Les Ordres représentent les instances de régulation des professions


réglementées.
Le Conseil de l'Ordre est donc l'organisme chargé d'établir mais aussi de faire
respecter et d'appliquer le Code de déontologie.

Dans sa forme actuelle, l'Ordre des chirurgiens-dentistes fut institué le 24


septembre 1945, sur proposition du ministre de la santé, par l'ordonnance n° 45-
2184 « relative à l'exercice et à l'organisation des professions de médecin, de

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chirurgien-dentiste et de sage-femme ». Composé de chirurgiens-dentistes élus
(dans les instances départementales, régionales disciplinaires et nationales),
l'Ordre des chirurgiens-dentistes est chargé de veiller au maintien des principes de
moralité, de probité et de dévouement indispensables à l'exercice de l'art dentaire,
comme le précise l'article L.4121-2 du Code de la Santé Publique :

« L'Ordre des médecins, celui des chirurgiens-


dentistes et celui des sages-femmes veillent au
maintien des principes de moralité, de probité, de
compétence et de dévouement indispensables à
l'exercice de la médecine, de l'art dentaire, ou de la
profession de sage-femme et à l'observation, par tous
leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que
des règles édictées par le code de déontologie prévu à
l'article L. 4127-1.
Ils assurent la défense de l'honneur et de
l'indépendance de la profession médicale, de la
profession de chirurgien-dentiste ou de celle de sage-
femme.
Ils peuvent organiser toutes œuvres d'entraide et de
retraite au bénéfice de leurs membres et de leurs
ayants droit.
Ils accomplissent leur mission par l'intermédiaire des
conseils départementaux, des conseils régionaux ou
inter-régionaux et du conseil national de l'ordre ».

L'Ordre prend des décisions dans le cadre des textes légaux qui le régissent ;
il ne peut agir que dans les limites de sa compétence définie par la loi.

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L'organisation de l’Ordre des chirurgiens-dentistes repose sur une structure
composée du Conseil National, de conseils régionaux et inter-régionaux et de
conseils départementaux.
Organisme privé à mission de service public, l'Ordre est une structure
strictement professionnelle et ne subit aucune tutelle. Ses membres sont des
conseillers élus par l'ensemble des chirurgiens-dentistes français qui assurent, seuls,
le financement de l'institution par une cotisation obligatoire.
L'Ordre est l'interlocuteur, parfois même le conseiller des pouvoirs publics,
notamment en donnant son avis sur les projets de règlements, de décrets ou de
lois qui lui sont soumis par les autorités. L'Ordre porte aussi les intérêts des
patients et de la profession auprès des institutions européennes.
(P0UILLARD, 2011)

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2. Les différents systèmes d'assurance santé

2.1 L'Assurance Maladie Obligatoire

Dès 1944, le Conseil national de la résistance annonce le principe d’un plan


complet de sécurité sociale visant à « assurer à tous les citoyens des moyens
d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail,
avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État»
(programme du conseil national de la résistance). Ce plan est mis en œuvre par les
ordonnances du 4 et 19 octobre 1945 créant la Sécurité Sociale obligatoire pour
tous les salariés.

Pierre LAROQUE va élaborer la Sécurité Sociale en France selon un modèle


hybride entre le modèle allemand de Bismarck et le modèle anglais issu du rapport
de Beveridge en 1942 :
- Elle est financée par les cotisations des employeurs et des salariés, soit un
financement reposant essentiellement sur un mécanisme d'assurance payée par les
actifs (à la différence du modèle anglais, où le financement repose essentiellement
sur l'impôt payé par tous les contribuables);
- Elle est gérée paritairement par l'ensemble des partenaires sociaux
représentés par les syndicats de travailleurs et les organismes patronaux.

Peu de temps après, la Constitution de la IVème République, adoptée par


référendum, crée dans son préambule une obligation constitutionnelle d'assistance
financière de la collectivité envers les citoyens, et notamment les personnes
exposées aux risques sociaux les plus importants (mères, enfants, travailleurs âgés).

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« La Nation assure à l'individu et à la famille les
conditions nécessaires à leur développement.
Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la
mère et aux vieux travailleurs, la protection de la
santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs.
Tout être humain qui, en raison de son âge, de son
état physique ou mental, de la situation
économique, se trouve dans l'incapacité de
travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des
moyens convenables d'existence »
Préambule de la Constitution de 1946

Ainsi donc, le 22 mai 1946, une loi établira le principe d'une généralisation
de la Sécurité Sociale à tous les Français, salariés ou non salariés.
La Sécurité Sociale va désigner un ensemble de dispositifs et d'institutions qui ont
pour fonction de protéger les individus des conséquences de situations ou
d'événements divers, généralement qualifiés de « risques sociaux ». Quatre
branches sont définies par le Code de la Sécurité Sociale en France qui sont censées
couvrir chacune un type de risques avec les modes de couverture et prestations
prévus pour les ayant-droits concernés :
- la branche maladie (maladie, maternité, invalidité, décès) ;
- la branche accidents du travail et maladies professionnelles ;
- la branche vieillesse et veuvage (retraite) ;
- la branche famille (dont handicap, logement...).

L'adhésion au système français de Sécurité Sociale est donc à la fois un droit


et une obligation. Ce droit à la protection sociale est dérivé du fait de la vie
commune et repose sur un principe simple et toujours d'actualité : chacun paye

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selon ses moyens (cotisations sociales sur les revenus du travail à l'origine, et
aujourd'hui du capital) et reçoit selon ses besoins (de soins médicalement justifiés).
Ainsi, toute personne qui réside de manière régulière en France, et qui cotise à la
Sécurité Sociale a le droit à la protection sociale, quelle que soit sa situation, son
état de santé etc.
(DORION et GUIONNET, 2004)

Depuis la loi du 13 Août 2004 relative à l'assurance maladie, l'Assurance


Maladie Obligatoire est représentée par l'Union Nationale des Caisses d'Assurance
Maladie (UNCAM), instance qui regroupe les trois principaux régimes d'assurance
maladie1 :
1. Le plus important de tous les régimes est le régime général. Il concerne les
salariés ou salariés retraités, soit 80% de la population. Les chirurgiens-
dentistes conventionnés relèvent également du régime général du fait de leur
convention (au titre de l'avantage social maladie des praticiens conventionnés).
2. Le régime social des indépendants est destiné aux travailleurs non salariés
non agricoles. Il s’agit des artisans, des commerçants, des professions libérales
(sauf professionnels de santé libéraux conventionnés)
3. Enfin, le régime agricole au sein de la mutualité sociale agricole qui couvre
les exploitants agricoles, ainsi que les ouvriers agricoles.
(CHAUCHARD , 2013)

Des conventions entre les caisses d'assurance maladie et les chirurgiens-


dentistes ont été établies à la suite de la création de la Sécurité Sociale, afin de

1
En marge de ces trois grands régimes subsistent, aujourd'hui, plus de 100 régimes spéciaux qui préexistaient à la
création de la Sécurité Sociale et dont l'autonomie a été maintenue en 1946, dans le but de conserver des avantages
statuaires spécifiques : SNCF, RATP, EDF-GDF, Assemblée Nationale, Banque de France, régime des mineurs, militaires,
régime des cultes, etc. Le régime des étudiants - pourtant créé postérieurement (23 septembre 1948) au régime général
- ne lui est pas intégré et devient un régime spécifique dont la gestion est confiée à un opérateur privé, puis plus tard, à
plusieurs opérateurs privés se trouvant en situation de concurrence.

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régir les rapports entre ces deux organismes. Elles ont permis d'appliquer des tarifs
et un remboursement des actes odontologiques. Tout chirurgien-dentiste exerçant
à titre libéral, ou salarié d'un autre praticien exerçant à titre libéral, peut choisir
d'adhérer à ce dispositif. La Convention Nationale des chirurgiens-dentistes
actuellement en vigueur a été conclue et signée en mai 006. lle a été négociée
entre, d'une part, l' C et, d'autre part, la Confédéra on a onale des
Syndicats Dentaires (CNSD) et l'Union des Jeunes Chirurgiens-Dentistes – Union
Dentaire (UJCD-UD). Elle a été publiée au Journal Officiel de la République
Française du 18 juin 2006.
Cette convention rappelle toujours l'attachement qu'ont les deux parties
pour le respect de la déontologie médicale, afin de
« garantir la qualité des soins dispensés, et à
préserver l'accès aux soins dentaires aux assurés
sociaux ».
- préambule de la convention nationale des
chirurgiens-dentistes

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2.2 L'Assurance Maladie Complémentaire

En parallèle à la création de l'Assurance Maladie Obligatoire, sont apparus,


dès 1945, des organismes privés d'Assurance Maladie Complémentaire.

La couverture complémentaire représente la part prise en charge par un


assureur complémentaire dans l’ensemble des dépenses de santé occasionnées par
un individu. Cette couverture complémentaire correspond soit à une partie, soit à
la totalité des dépenses que la Sécurité Sociale ne rembourse pas (c’est-à-dire le
ticket modérateur pour les soins opposables, le dépassement d'honoraires pour les
soins non opposables, ainsi que les honoraires des soins hors nomenclature).
Contrairement à l’affiliation à la Sécurité Sociale, la souscription à une
assurance complémentaire est facultative (du moins à l'origine), chacun pouvant,
sauf exception, choisir librement le contrat auquel il souscrit. La cotisation à la
Sécurité Sociale dépend des revenus et est plafonnée. La cotisation auprès d'une
complémentaire santé dépend du risque assuré, donc de l'âge de chaque adhérent
et des prestations médicales couvertes choisies (avec quelques exceptions, surtout
au sein des mutuelles de la fonction publique où subsistent encore quelques
mutuelles dont les cotisations dépendent des revenus de chaque assuré).
La part de la couverture complémentaire dans la prise en charge des soins
médicaux augmente sensiblement chaque année en France . Cette augmentation
s’explique en partie par une légère réduction de la part de la couverture obligatoire,
mais aussi par la hausse continue, depuis 2005, des taxes payées par les assureurs
complémentaires sur les contrats d’assurance. plus long terme, l’augmentation
de la part des complémentaires s’explique par la croissance endémique des
dépenses de santé, due pour une part au vieillissement de la population.
(BRAS et TABUTEAU, 2012)

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Il existe différents types d’organismes complémentaires d'assurance
maladie :
- les mutuelles : organismes à but non lucratif, régis par le code de la
mutualité, dans lesquels les adhérents participent directement, ou par
l’intermédiaire de leurs représentants élus, au fonctionnement et aux
décisions ; (86% de l’ensemble des organismes complémentaires pour 59%
des parts de marché)
- les entreprises d’assurances : organismes régis par le code des assurances,
qui peuvent être soit des sociétés anonymes, soit des sociétés d’assurances
mutuelles ; (10% des organismes complémentaires pour 24% des parts de
marché)
- les institutions de prévoyance : organismes à but non lucratif régis par le
code de la sécurité sociale, gérés à parité par les représentants des
employeurs et les représentants des salariés, dont l'objectif est de couvrir
les salariés et anciens salariés dans le cadre de la branche professionnelle ou
de l’entreprise. (4% des organismes complémentaires pour 17% des parts de
marché)

En fait, lorsque les mutuelles assurent un risque santé, elles le font presque
à l'exclusion de toute autre activité. Près de 90 % de leur chiffre d’affaire global
concerne l'activité santé, alors que ce taux n’est que de 47 % pour les institutions
de prévoyance, et de seulement 13 % pour les entreprises d'assurances. Ces deux
derniers organismes ne proposaient à leur origine que des contrats d'assurance
automobile et habitation, et ne se sont que progressivement diversifiées dans la
santé, ainsi que dans des produits d'épargne et de prévoyance.
(DREES, 2012)

La nature des couvertures « santé » est en outre différente selon le type

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d’organismes. Les mutuelles proposent essentiellement des contrats « santé »
individuels : une personne choisit seule un contrat en fonction des garanties qu’il
lui offre. Les entreprises d’assurance et les institutions de prévoyance proposent
essentiellement des contrats « santé » collectifs : ici, ce sont des entreprises qui
souscrivent un contrat d'assurance pour leurs employés. Dans ce cas, l’entreprise
prend en charge une partie de la prime d’assurance (généralement 50%). Ce
contrat est assorti d’exonérations sociales pour l’employeur et d'exonérations
fiscales pour les salariés.

La loi du 13 août 004 relative à l’assurance maladie a prévu la création de


l’ nion ationale des Organismes Complémentaires d’ ssurance aladie
(UNOCAM), ainsi que le champ de ses missions.
Celle-ci s'est fondée en mai 005 sous la forme d’une association (loi 1901), en
regroupant tous les organismes complémentaires d’assurance maladie.

Ses membres fondateurs sont :


- la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) ;
- la Fédération Française des Sociétés d’ ssurances (FFS ) ;
- le Centre Technique des Institutions de Prévoyance (CTIP) ;
- l’instance de gestion du régime local d’assurance maladie complémentaire
obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas Rhin et de la Moselle.

Ses membres adhérents sont :


- le Groupement des ntreprises utuelles d’ ssurances (G ), qui a
adhéré à l’ OC en 005 ;
- la Fédération Nationale Indépendante des Mutuelles (FNIM), qui y est
adhérente depuis 2008.

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L’ OC a vu ses compétences renforcées et étendues progressivement,
notamment par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui lui donne
le droit de participer, si elle le souhaite, aux négociations conventionnelles, dès lors
que les organismes d'assurance santé complémentaire assurent la majorité des
remboursements du secteur, ce qui est le cas aujourd'hui du secteur dentaire.
n effet, les dépenses dentaires ont représenté au total 10, milliards d’euros en
2011 dont :
- 34 % par l’ ssurance aladie Obligatoire
- 37 % par l’ ssurance aladie Complémentaire
- 28 % restent à charge des patients.

L’ OC permet donc maintenant à l’assurance maladie complémentaire


d’exprimer son point de vue sur les projets de loi de financement de la sécurité
sociale et les projets de décrets et d’arrêtés relatifs à l’assurance maladie, ainsi que
de participer à la fixation des prix ou des tarifs des produits de santé.
Bien que regroupant des fédérations de l'assurance maladie complémentaire ayant
chacune un modèle économique et une gouvernance propre, l'UNOCAM affirme
préserver son unité dans une volonté de dialogue constructif avec les autres
acteurs de la santé, qu'il s’agisse des pouvoirs publics, de l’assurance maladie
obligatoire, des représentants des professionnels de santé et naturellement de
ceux des malades et des usagers.
L’ OC se présente donc comme un lieu d’échanges, où les responsables
des fédérations travaillent à l’élaboration de prises de position et à la formulation
de propositions consensuelles portant notamment sur les politiques
conventionnelles et le prix des produits de santé, dans une recherche de l’efficience
et de la défense de l’intérêt collectif.
(UNOCAM, 2012)

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3. Les principes déontologiques
fondamentaux

Les systèmes d'assurances santé, obligatoires comme complémentaires, ont


donc une place importante dans le secteur dentaire, et l'on peut se demander si la
même déontologie appliquée au chirurgien-dentiste et édictée dans le Code de
Déontologie, peut leur être appliquée.

3.1 Le secret médical

3.1.1 Définition et législation

« Quoi que je voie ou entende dans la société


pendant, ou même hors de l'exercice de ma
profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être
divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en
pareil cas ».
- Serment d'Hippocrate, traduction Emile Littré

Tradition remontant au moins aux origines hippocratiques de la médecine, le


secret, attaché à l'exercice des professions de santé, est aussi simple dans son
énoncé qu'il peut être parfois complexe et subtil dans son application.

Il est un élément essentiel du Code de déontologie des chirurgiens-dentistes


comme de toute profession médicale. Ceux-ci sont contraints de taire les
informations personnelles concernant les patients ou leur entourage qu'ils ont
recueillies au cours de leur activité. Il ne s'agit pas seulement des observations

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qu'ils ont pu faire, mais aussi des déductions qu'ils ont pu tirer de leurs
observations. Outre les interdictions qui lui sont relatives en vue de protéger le
secret médical, les textes imposent d'autres obligations aux chirurgiens-dentistes :

« Le secret professionnel s'impose à tout


chirurgien-dentiste, sauf dérogations prévues par
la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la
connaissance du chirurgien-dentiste dans l'exercice
de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui
lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou
compris. »
- Article R4127-206 CSP

« Le chirurgien-dentiste doit veiller à ce que les


personnes qui l'assistent dans son travail soient
instruites de leurs obligations en matière de secret
professionnel et s'y conforment. »
- Article R4127-207 CSP

« En vue de respecter le secret professionnel, tout


chirurgien-dentiste doit veiller à la protection
contre toute indiscrétion des fiches cliniques, des
documents et des supports informatiques qu'il peut
détenir ou utiliser concernant des patients.
Lorsqu'il utilise ses observations médicales pour
des publications scientifiques, il doit faire en sorte
que l'identification des patients soit impossible. »
- Article R4127-208 CSP

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Suite à la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et
à la qualité du système de santé, cette obligation a également valeur légale, car
elle est codifiée dans les dispositions législatives du code de la santé publique,
dans les termes suivants :
« Toute personne prise en charge par un
professionnel, un établissement, un réseau de
santé ou tout autre organisme participant à la
prévention et aux soins a droit au respect de sa vie
privée et du secret des informations la
concernant. »
- Article L.1110-4 CSP

Le respect du secret médical s’inscrit dans le champ plus large du respect du


secret professionnel tel qu’il est défini par le ouveau Code pénal :

« la révélation d'une information à caractère


secret par une personne qui en est dépositaire soit
par état ou par profession, soit en raison d'une
fonction ou d'une mission temporaire, est punie
d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros
d'amende. »
« L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas
où la loi impose ou autorise la révélation du
secret. »
- Art. 226-13 et Art. 226-14 NCP

Enfin, le Code de la Sécurité Sociale rappelle également que le respect du

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
secret professionnel (et donc du secret médical) fait partie des principes
déontologiques fondamentaux qui sont édictés dans l’intérêt des patients et de la
santé publique.

Ainsi, les différentes sources juridiques, susceptibles de s'appliquer à


l’exercice médical, convergent toutes pour confirmer que le secret médical revêt un
caractère général et absolu, et qu’il n’appartient à personne d’en affranchir les
professionnels qui en sont dépositaires. Ainsi :
- le patient ne peut délier le chirurgien-dentiste de son obligation de secret ;
- cette obligation ne cesse pas après la mort du malade ;
- le secret s’impose même devant le juge ;
- le secret s’impose à l’égard d’autres professionnels de santé dès lors qu’ils
ne concourent pas à un acte de soins ;
- le secret s’impose à l’égard de personnes elles-mêmes tenues au secret
professionnel (agents de services fiscaux, par exemple).

Il existe cependant des exceptions au secret médical en France instaurées


par des lois. Pour certaines dérogations au secret médical (les maladies infectieuses
à déclaration obligatoire, les agressions sexuelles et les mauvais traitements sur des
personnes vulnérables) , le chirurgien-dentiste a l'obligation de révéler
l’information. Pour les autres dérogations (les accidents du travail et les maladies
professionnelles), le chirurgien-dentiste est simplement autorisé par la loi à révéler
l’information sans en avoir l'obligation.

22
BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
3.1.2 Les systèmes d'assurance santé et le secret
médical

Si tous les textes convergent pour imposer au chirurgien-dentiste le respect


absolu du secret médical, c'est pour rappeler que cette obligation n'est que la
résultante d'un droit de l'être Humain, avant d'être un devoir pour les
professionnels de la santé.
Or, ce droit absolu doit aller de pair avec deux autres droits du patient :
- le droit de se faire soigner
- le droit à se faire rembourser ses dépenses d'actes médicaux par les
assurances qui les couvrent.

La demande de remboursement des honoraires médicaux par l'Assurance


Maladie Obligatoire exigeait bien sûr la transmission à cet organisme de certaines
informations. C'est là la raison d'être historique du codage des actes médicaux. Ce
codage et la tarification par coefficient multiplicateur de lettres clefs, devait
permettre d'assurer le traitement financier du remboursement tout en respectant
une discrétion sur le détail des pathologies traitées. Et comme tout système doit
avoir ses « garde-fous », c'est un professionnel de santé, le dentiste-conseil ou le
médecin-conseil des Caisses d'assurance maladie, qui seul pouvait exiger du
praticien, préalablement pour des actes soumis à entente préalable, ou à postériori
pour des actions de contrôle de bonne pratique, tout détail relevant du secret
médical. Cette dérogation au secret médical apparaît ici comme nécessaire au bon
fonctionnement du remboursement des dépenses avancées.
Il faut d'ailleurs noter que la possibilité pour le patient de ne pas adresser ses
feuilles de remboursement reste toujours possible s'il veut préserver son secret
médical vis à vis du dentiste conseil sans se faire rembourser.

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
On parle de "secret partagé" concernant l’échange entre le praticien traitant
et le praticien-conseil du service médical de la sécurité sociale, lui-même tenu au
secret absolu. C’est pourquoi, les dentistes-conseils des caisses de l'Assurance
aladie Obligatoire n’ont accès aux informations médicales concernant les assurés
sociaux, que dans la limite de ce qui est strictement nécessaire à l’exercice de leur
mission, d’une part, et du respect du secret médical, d’autre part. n outre, il
appartient aujourd'hui au chirurgien-dentiste de s’assurer que les modes de
transmission informatisés des données médicales répondent aux garanties de
confidentialité indispensables au bon respect du secret professionnel auquel il est
soumis.

Il n’existe pas, en revanche, de " secret partagé " entre le praticien traitant et
les praticiens consultants des organismes d'Assurances complémentaires. Le strict
respect du secret professionnel par le praticien traitant doit donc conduire à
l’interdiction pour tout chirurgien-dentiste d’adresser directement à l’organisme
complémentaire, tout document, pièce ou renseignement comportant des
informations médicales, même si la demande lui en est faite par un dentiste
consultant. Il en est de même si cette demande lui est faite par le patient lui-même
d'ailleurs. Le patient ayant donc tout pouvoir de transmettre ou non ces éléments à
son assureur, le seul moyen est de faire transiter l'information par le patient lui
même qui décidera de délivrer ou non à autrui une information qui lui est
personnelle.
Hormis certains communiqués du Conseil national de l’Ordre rappelant le
principe selon lequel c’est au patient et non au praticien d’adresser le devis
descriptif ou tout autre document à son organisme complémentaire afin de
conformer le chirurgien-dentiste à ses obligations déontologiques, on relève très
peu d'articles dans la presse spécialisée sur ce sujet. Il existe cependant de
nombreux témoignages ou exemples où le droit fondamental du patient au secret

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
médical est bafoué par son organisme d'assurance complémentaire. Le patient
semble mis devant une alternative incompatible avec les droits du malade : soit il
doit renoncer au secret médical, soit il doit renoncer aux remboursements
auxquels il devrait pouvoir prétendre.
Les personnes à qui le patient confie des informations médicales
personnelles (devis détaillé, voire même des radiographies afin de vérifier que les
soins soient nécessaires alors même que la vérification devait être avant tout du
ressort du contrôle dentaire de l'Assurance Maladie) ne sont pas toujours soumises
au secret médical ni au code de déontologie. Ainsi, des chirurgiens-dentistes
consultants, voire même de simples secrétaires ont accès de façon habituelle à des
informations médicales que le patient devrait pouvoir garder secrètes. Et rien n'est
fait dans l'organisation du traitement des données pour assurer le respect de la
confidentialité et du secret médical. Pour rappel, avec l'AMO, il existe un codage
des actes destiné avant tout à assurer le secret médical, et un système de double
volet pour les actes à ententes préalables, dont l'un est destiné au contrôle avec les
actes définis, et l'autre destiné à la comptabilité où les actes sont codés et
globalisés.

Le Conseil de l'Ordre ne s'occupe, de fait, que des relations entre les


praticiens eux-mêmes, et des relations entre les praticiens et les patients. Il n'a pas
de compétence pour ce qui relève des relations entre les patients et les systèmes
d'assurances ; c'est donc au législateur de s'emparer du problème. Il conviendrait
aujourd'hui de légiférer afin que le droit fondamental des patients quant au respect
du secret médical, soit respecté sans conditions auprès des organismes d'assurance
complémentaire, et ce avec des systèmes similaires à ceux utilisés à l'origine par
l'Assurance Maladie Obligatoire.

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
3.2 Le libre choix du praticien

3.2.1 définition et législation

Le Code de la Santé Publique précise par la loi du 4 mars 2002 relative au


droit des malades et à la qualité du système de santé que :

« le droit du malade au libre choix de son praticien et


de son établissement de santé est un principe
fondamental de la législation sanitaire»
- Art. L. 1110-8 al.1 CSP

Le libre choix est donc, selon le CSP, un droit fondamental du patient.


Associé à la totale indépendance du chirurgien-dentiste et à sa liberté de
prescription, le libre choix constitue l'un des piliers de l'éthique de l'exercice
médical actuel, fidèle en cela à l'esprit et aux pratiques de la tradition de la
médecine depuis Hippocrate.
C'est donc bien la loi de la République qui reconnaît au patient le droit de
choisir son médecin et son chirurgien-dentiste. Il ne s'agit donc pas que d'une
simple considération déontologique qui oblige le praticien. Le rappel du droit du
malade au libre choix de son praticien, dans le Code de déontologie, n'est là que
pour faire prendre conscience au chirurgien-dentiste qu'il doit tout à la fois
respecter ce droit fondamental de son patient (y compris à ses dépens, matériels
ou psychologiques) et en respecter l'application ; par exemple, lorsqu'il doit
adresser son patient à un confrère spécialisé. Il a même le devoir de le lui rappeler
ou de l'en informer.

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
« Les principes ci-après énoncés, traditionnels dans la
pratique de l'art dentaire, s'imposent à tout
chirurgien-dentiste, sauf dans les cas où leur
observation serait incompatible avec une prescription
législative ou réglementaire, ou serait de nature à
compromettre le fonctionnement rationnel et le
développement normal des services ou institutions de
médecine sociale.
Ces principes sont :
- Libre choix du chirurgien-dentiste par le patient ;
- Liberté des prescriptions du chirurgien-dentiste ;
- Entente directe entre patient et chirurgien-dentiste
en matière d'honoraires ;
- Paiement direct des honoraires par le patient au
chirurgien-dentiste.
Lorsqu'il est dérogé à l'un de ces principes pour l'un
des motifs mentionnés à l'alinéa premier du présent
article, le praticien intéressé doit tenir à la disposition
du conseil départemental et éventuellement du
Conseil national de l'ordre tous documents de nature
à établir que le service ou l'institution auprès duquel
le praticien exerce entre dans l'une des catégories
définies audit alinéa premier et qu'il n'est pas fait
échec aux dispositions de l'article L. 4113-5. »
– Article R4127-210 CSP

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
3.2.2 Les Systèmes d'assurance et le principe du
libre choix

Affirmé dans le Code de Santé Publique auquel sont soumis l'ensemble des
systèmes d'assurance santé, ainsi que dans l'article L.162-5 du Code de la Sécurité
Sociale, le droit au libre choix de son praticien a été réaffirmé dans les conventions
nationales organisant les rapports entre les praticiens libéraux et les caisses
d'assurance maladie. Cependant, si ce principe reste dans son énoncé
fondamental et reconnu, son application pose toute une série de problèmes liés
aux conditions de remboursement des soins. Le CSP donne un éclairage :

« Les limitations apportées à ce principe par les


différents régimes de protection sociale ne peuvent
être introduites qu'en considération des capacités
techniques des établissements, de leur mode de
tarification et des critères de l'autorisation à
dispenser des soins remboursables aux assurés
sociaux. »
- Article L. 1110-8 al. 2 CSP

Ce sont donc, pour l’essentiel, des considérations d’ordre technique ou


financières qui peuvent intervenir. En effet, le « plateau technique » d’un
établissement est défini en accord avec les autorités sanitaires, et le malade ne
peut exiger de bénéficier de soins dans des établissements qui ne les délivrent pas
usuellement.
ais les considérations relatives à la prise en charge par l’assurance maladie
(praticiens conventionnés ou non, établissements privés, qui sont autant de
considérations d'ordre non technique) ne devraient donc pas limiter le choix du

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
patient et donc restreindre le libre choix auquel il a droit.
La question de la légitimité, au regard du « libre choix », d'une différence de
remboursement par l'Assurance Maladie Obligatoire pour un même acte, selon
qu'il a été dispensé par un praticien conventionné ou non, peut alors se poser.
L'éventualité d'une différence de remboursement pour l'assuré d'une
complémentaire santé, selon qu'il s'adresse à un praticien ayant signé un accord ou
non avec cet organisme, pose de façon plus pertinente cette question, en raison de
la tentation de plus en plus affirmée de ces organismes de constituer et contrôler
leur propre réseau de praticiens.
Ainsi, depuis quelques années, se développent des systèmes de réseaux de soins
de deux sortes : réseaux ouverts et réseaux fermés.

Les réseaux ouverts sont négociés au niveau national ou départemental


entre un organisme d’assurance santé et un ou plusieurs syndicats de praticiens.
Ces assurances complémentaires, après de nombreuses négociations avec les
syndicats, ont voulu suivre le modèle du réseau constitué par l’ ssurance maladie
(qui dans notre profession, est formalisé par la Convention nationale des
chirurgiens-dentistes, et auquel 99 % des chirurgiens-dentistes ont adhéré). Ils ont
conclu des accords avec la C SD, comme la utuelle Générale de l’Éducation
Nationale (MGEN) en 1996 et la Mutualité de la Fonction Publique (MFP) en 1999.
Chaque professionnel de santé a pu avoir ensuite, individuellement, le choix d’y
adhérer ou non.

Les réseaux fermés ne sont pas négociés collectivement mais


individuellement, praticien par praticien. L'adhésion se fait par cooptation et
engagement du praticien à respecter notamment des demandes de soins
spécifiques et des plafonds d'honoraires non liés au niveau du remboursement de
l'Assurance complémentaire. Les praticiens qui y adhèrent acceptent de voir leurs

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
tarifs encadrés ou limités en échange d’un certain flux garanti de patients. Ces
réseaux fermés sont aujourd'hui constitués, organisés et gérés par des courtiers
d'assurance (Santéclair, Carte blanche) et obligent le plus souvent le paiement des
honoraires en tiers payant.
Même si le droit fondamental de chaque patient au libre choix du
professionnel de santé semble être garanti, ce système serait susceptible d'être
considéré comme un détournement de « patientèle », ainsi qu’une remise en cause
du principe du libre choix du praticien par le patient qui, fortement incité par les
remboursements différenciés, s'orientera plus volontiers vers les praticiens
appartenant au réseau sur ce seul critère.

Le Conseil de l'Ordre s'inquiète à juste titre de l'accélération de la


constitution de ces réseaux en termes de libertés de choix du patient. Dans un
article paru dans La Lettre de l'Ordre n°114 de janvier 2013, il explique que "par
essence, notre déontologie est universelle et s’applique à tous les praticiens, qu’ils
soient salariés ou libéraux, adhérents ou non d’un réseau de soins. Faudra-t-il
imaginer une déontologie (sans parler d’une responsabilité médicale) au rabais, à
l’usage des praticiens membres d’un réseau de soins ?"
Le Conseil de l'Ordre estime que cette logique de réseau accélère et amplifie
un mouvement de fond qui impacte déjà notre pratique depuis quelques années
dans la relation entre le praticien et le patient. Cette relation, faut-il le rappeler, est
fondée sur la liberté de choix du patient et la responsabilité professionnelle du
praticien.
Ce système sous-entend également une subordination croissante des
professionnels vis-à-vis de ces mutuelles et donc une perte partielle
d'indépendance professionnelle des praticiens. C'est l'ensemble de la déontologie
médicale qui se voit ainsi ébranlée.
(La Lettre de l'Ordre, 2013)

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
3.3 L'indépendance professionnelle

3.3.1 Définition et législation

« Le chirurgien-dentiste ne peut aliéner son


indépendance professionnelle de quelque façon et
sous quelque forme que ce soit. »
- Article R4127-209 CSP

Cette indépendance est justement assurée quand chacun des actes du


praticien n'est déterminé que par le seul jugement de sa conscience et des
références aux données avérées de la science, avec, comme unique objectif, le seul
intérêt médical du patient.
Quand il s'adresse à un chirurgien-dentiste, le patient a le droit d'être assuré
de trouver en lui quelqu'un qui va l'écouter et le soigner, sans autre préoccupation
que de lui rendre les services médicaux dont il a besoin.
Indépendance, confiance et responsabilité, constituent les éléments fondamentaux
du contrat tacite qui lient le patient à son praticien. Le contrat n'est pas loyal si le
médecin ou le chirurgien-dentiste pouvait être disposé à accepter d'agir sous
d'autres influences que le seul intérêt de son patient.
Mais bien qu'admise et confirmée dans son principe, l'indépendance du
chirurgien-dentiste reste menacée dans ses applications. Si elle constitue un
élément fondamental de l’éthique médicale, et de la déontologie professionnelle,
ainsi qu'une condition psychologique indispensable à la confiance des patients, la
défense de leurs seuls intérêts médicaux peut se trouver limitée par les contraintes
financières.

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
3.3.2 Les systèmes d'Assurance santé et
l'indépendance professionnelle

Le Code de la Sécurité Sociale rappelle l'importance du respect de la


l'indépendance professionnelle :

Dans l'intérêt des assurés sociaux et de la santé


publique, le respect de la liberté d'exercice et de
l'indépendance professionnelle et morale des
médecins est assuré conformément aux principes
déontologiques fondamentaux que sont le libre
choix du médecin par le malade, la liberté de
prescription du médecin, le secret professionnel, le
paiement direct des honoraires par le malade, la
liberté d'installation du médecin, sauf dispositions
contraires en vigueur à la date de promulgation de la
loi n° 71- 525 du 3 juillet 1971.
Art. L 162-2 CSS

L'Assurance Maladie Obligatoire propose par le biais de la NGAP une liste


d'actes thérapeutiques qui sont remboursables. Le chirurgien-dentiste ne se voit
pas imposer une thérapeutique, mais cela peut déjà l'inciter, consciemment ou non,
à privilégier les actes répertoriés dans la nomenclature, même s'il garde la
possibilité de proposer et facturer des actes en « hors nomenclature ».
On peut cependant se demander si les organismes d'Assurance Maladie
Complémentaire permettent le même respect de l'indépendance professionnelle
des praticiens que l'Assurance Maladie Obligatoire.

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
Notre Code de déontologie, au regard de plusieurs articles, ne permet pas au
praticien d'adapter ses honoraires en fonction des garanties des mutuelles.

« Sont interdits :
1. tout acte de nature à procurer à un patient un
avantage matériel injustifié ou illicite ;
2. toute ristourne en argent ou en nature faite à un
patient... »
- Article R. 4127-221 CSP

« Le chirurgien-dentiste doit mettre son patient en


mesure d'obtenir les avantages sociaux auxquels son
état lui donne droit, sans céder à aucune demande
abusive. »
- Article R. 4127-234 CSP

« le chirurgien-dentiste doit toujours déterminer le


montant de ses honoraires avec tact et mesure.
Les éléments d'appréciation sont, indépendamment
de l'importance et de la difficulté des soins, la
situation matérielle du patient, la notoriété du
praticien et les circonstances particulières.
Le chirurgien-dentiste est libre de donner
gratuitement des soins. Mais il lui est interdit
d'abaisser ses honoraires dans un but de
détournement de la clientèle... »
- Article R. 4127-240 du CSP

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
Le non respect de ces dispositions est passible de poursuites devant les
juridictions civiles ou ordinales. Le montant des remboursements des
complémentaires ne saurait donc constituer un élément déterminant dans la
fixation des honoraires du chirurgien-dentiste, surtout si la demande lui est faite
par la complémentaire elle-même.

De ce point de vue, la situation des praticiens membres de réseaux fermés


est ambiguë.
Les praticiens membres de réseaux de soins sont tenus d'accepter les
patients adressés par la complémentaire santé à l'origine du réseau, et d'établir un
plan de traitement et des tarifications encadrés par cette même complémentaire.
Cette pratique semble contraire à la règle déontologique qui précise que les
chirurgiens-dentistes doivent rester indépendants et libres dans leur exercice
professionnel. (Qu'en est-il du reste du droit du chirurgien-dentiste à refuser un
malade pour des motifs dont il n'a pas l'obligation de dévoiler?)

Il faut également évoquer la situation des chirurgiens-dentistes exerçant


dans des centres de soins dirigés par des organismes d'assurance complémentaire.
Ces centres de soins ont fait leur apparition depuis quelques années en France.
Dans un article intitulé « Une mine d'or dans la mâchoire des pauvres », paru dans
Le Canard Enchaîné du 7 mars 2012, l'hebdomadaire s'intéresse de près aux
centres de soins mutualistes. Sur les conditions de soins, l'auteur affirme que pour
améliorer le rendement, le travail est exécuté quasiment « à la chaîne » par des
dentistes salariés. Par mesure d'économie les patients sont traités en un minimum
de séances, lesquelles peuvent durer plusieurs heures. Et l'hebdomadaire d'ajouter
que, pour maintenir la cadence, les cas d'urgence sont systématiquement renvoyés
vers les hôpitaux publics ou les dispensaires communaux .
(LIFFRAN, 2012)

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
S'il convient d'être prudent sur de telles affirmations, le problème de la
déontologie médicale dans les centres mutualistes devrait alerter et inciter la
profession à la vigilance. On peut raisonnablement penser que les praticiens, quel
que soit leur mode d'exercice, sont soucieux de respecter la déontologie (dont ils
ont fait serment), dans l'intérêt médical de leurs patients. Les gestionnaires des
centres de santé, non soumis personnellement à la déontologie car non
professionnels de santé, peuvent être tentés de peser sur l'indépendance
professionnelle des praticiens qu'ils emploient dans le seul intérêt financier de leur
établissement.
En invoquant leur statut de personne morale, les centres de santé estiment
ne pas avoir à observer les obligations déontologiques des praticiens qu'ils
emploient.
Plusieurs juridictions ont été saisies par les conseils départementaux de l'Ordre
pour méconnaissance de la déontologie, pour non respect d'indépendance
professionnelle et concurrence déloyale avec publicité.
(JACOTOT, 2014)

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(CC BY-NC-ND 2.0)
3.4 L'exercice non commercial de l'art dentaire

3.4.1 Définition et législation

« La profession dentaire ne doit pas être pratiquée


comme un commerce.
Sont notamment interdits :
1. L'exercice de la profession dans un local auquel
l'aménagement ou la signalisation donne une
apparence commerciale ;
2. Toute installation dans un ensemble immobilier à
caractère exclusivement commercial ;
3. Tous procédés directs ou indirects de publicité ;
4. Les manifestations spectaculaires touchant à l'art
dentaire et n'ayant pas exclusivement un but
scientifique ou éducatif. »
- Article R4127-215 CSP

Il est évident et légitime que les honoraires du chirurgien-dentiste doivent


être calculés afin d'assurer la pérennité du cabinet ainsi qu'un revenu au praticien
en correspondance avec son niveau de qualification et de responsabilité. Mais tout
procédé visant à entraîner un détournement de patientèle, ou une concurrence
déloyale entre chirurgiens-dentistes est interdit par la déontologie, car cela se fait
au détriment du seul intérêt médical des patients et de la bonne moralité de la
profession.

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(CC BY-NC-ND 2.0)
3.4.2 Les Systèmes d'Assurance Santé et l'exercice
non commercial de l'art dentaire

Privilégier certaines solutions thérapeutiques au détriment d'autres pour la


seule raison d'une meilleure rentabilité est considéré comme contraire à la
déontologie dentaire. L'AMO, par des analyses statistiques ou des actions de
contrôle de bonne pratique par les dentistes-conseils, peut contrecarrer
d'éventuelles dérives. A titre informatif, et seulement à la demande d'un patient,
une caisse de l'AMO peut renseigner sur le conventionnement ou non d'un
chirurgien-dentiste, ce qui peut difficilement être assimilé à de la publicité.
De même, un organisme d'Assurance Complémentaire peut communiquer à
la demande de l'un de ses assurés, la liste complète des chirurgiens-dentistes
membres d'un réseau de soins, sans que cela puisse être considéré comme une
tentative de publicité. En revanche si c'est l'organisme d'AMC qui, à la vue d'un
premier devis, conseille à un adhérent de consulter tel chirurgien-dentiste de son
réseau dans le but de bénéficier d'un devis moins onéreux, un tel agissement peut
être assimilé à une publicité indirecte, voire à un détournement de patientèle.

Il faut également s'intéresser à la création récente des « centres de soins »


d'un nouveau type. Les centres dentaires dits « low-cost » qui se proposent de
dispenser exclusivement des actes d’implantologie ou de prothèse en
communiquant sur des coûts supposés avantageux, ne constituent qu'une
exception parmi ces structures associatives, mutualistes ou gérées par des caisses
d'assurance maladie.
n juillet 013, l’Inspection générale des affaires sociales (IG S) a remis un
rapport sur les centres de santé à la ministre de la Santé, intitulé « Les centres de
santé : situation économique et place dans l’offre de soins de demain ». On peut
noter dans ce rapport que l’IGAS « a constaté, sans pouvoir, du fait de l’objet de ses

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
travaux, pousser plus loin ses investigations, que certains centres dentaires ou
polyvalents adoptaient des pratiques qui éliminaient certains types de patients et
développaient un recours aux prothèses dentaires pouvant apparaître excessif au
regard de l’objectif de “réduire ou de retarder le recours aux soins prothétiques”
inscrit dans l’accord de 2003. La mission souhaite ainsi appeler l’attention sur les
risques que comporte un pilotage axé uniquement sur l’optimisation des
paramètres de gestion du centre ».
(IGAS, 2013)

Le Conseil de l'Ordre recense une autre pratique contraire à a déontologie


fréquente de certain de ces centres avec la publicité. Dans un article paru dans La
Lettre de l'Ordre n°121 intitulé "Vers un contrôle des centres dentaires suspects", il
rappelle que les associations qui gèrent ces centres de soins n’hésitent pas à
communiquer via des publicités (presse écrite, télévision, enseignes), et sont ainsi
en contradiction avec les règles applicables à la profession. De telles entorses au
Code ne peuvent être acceptées. Elles génèrent une concurrence déloyale envers
les praticiens des cabinets dentaires environnants, qui ne peut être que
préjudiciable à l'intérêt médical des patients.
(La Lettre de l'Ordre, 2013)

Il apparaît également que la prévention, les soins conservateurs, les


urgences ou encore les soins aux patients jeunes semblent volontairement exclus
du champ des « prestations » de certain de ces centres de soins. Au-delà de la
suspicion de refus de soins, de faits avérés de publicité illégale, d’une pratique
manifestement commerciale et, donc, au-delà même du respect des règles
déontologiques, c’est le fondement de l’éthique médicale qui est en jeu. L'art
dentaire qui a acquis sa parité avec la médecine, ne saurait devenir une pratique
exclusive

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
4. Actualité et prospectives d'avenir

4.1 Projet de Proposition de Loi Le Roux

Le Sénat a adopté le 24 juillet dernier la proposition de loi du député Bruno


Le Roux dont l’objectif affiché consiste à instaurer un meilleur remboursement des
soins aux adhérents des mutuelles recourant à un professionnel de santé "membre
d'un réseau de soins ou avec lequel lesdites mutuelles (ou complémentaires santé)
ont conclu un contrat comportant des obligations en matière d'offre de soins".
Ce texte avait été adopté en première lecture à l‘ ssemblée nationale le 9
novembre 2012.
Techniquement, il vise à modifier l'article L.112-1 du Code de la mutualité
qui le leur interdisait. La Cour de Cassation rappelait dans un arrêt du 14 mars 2013
que l'article L.112-1 permettait aux mutuelles d'instaurer des différences dans le
niveau des prestations uniquement "en fonction des cotisations payées ou de la
situation de famille des mutualistes". Ainsi selon la Cour, cette restriction avait
"pour contrepartie d'autres avantages qu'il leur consent et l'appellation spécifique
qu'il leur garantit, de sorte qu'elles ne sont pas placées en situation de concurrence
défavorable par rapport aux autres organismes complémentaires d'Assurance
Maladie".
Il s’agit donc, par cette loi Le Roux, de permettre aux mutuelles ce que les
autres complémentaires de santé (assurances et institutions de prévoyance)
pratiquent déjà dans les secteurs où l’assurance maladie obligatoire couvre peu les
soins, notamment le domaine dentaire.

Le Conseil de l'Ordre a déjà fait part de ses objections au gouvernement

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BONHOMME
(CC BY-NC-ND 2.0)
quant à une possible atteinte de la liberté de choix du praticien par les patients, car
même si ce principe est réaffirmé dans la proposition de loi, en pratique les
patients pourraient être incités financièrement à choisir leurs professionnels de
santé sur les "catalogues" de leur mutuelle.

Les syndicats professionnels majoritaires représentant les chirurgiens-


dentistes se sont élevés également contre cette proposition de loi. Ainsi on pouvait
entendre le Président de la Fédération Syndicale des Dentistes Libéraux déclarer à
la télévision : "Je pense que nos patients ne sont pas au courant que bientôt leur
liberté de choix sur leur praticien, de leur médecin et même de leur opticien est en
train de disparaître. Ils ne pourront même plus choisir leur traitement. Tout se fera
au niveau des mutuelles et des assureurs qui à partir de simples critères financiers
vont faire passer la qualité à un degré moindre"
(BFM TV, 2013)

Ces mêmes syndicats ont signé une déclaration contre la PPL Le Roux pour
maintenir l'indépendance professionnelle. Dans celle-ci, ils dénoncent l'atteinte à
l'indépendance professionnelle des chirurgiens-dentistes que donnerait l'adoption
de ce texte, car ils seraient placés sous la dépendance des régimes
complémentaires. Ils dénoncent aussi le fait que cette PPL Le Roux "nie le caractère
médical de notre profession, l'assimile abusivement à une profession commerciale
et diffuse ainsi auprès du public une image déformée et dévalorisante de notre
profession."

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4.2 L'accord national interprofessionnel du 11
janvier 2013

Constatant la part croissante des dépenses de Santé engagées et prises en


charge par les systèmes d'assurances maladie complémentaires, constatant
également la nécessité de plus en plus criante de cette couverture complémentaire
pour un accès aux soins "normaux" et l'inégalité générée par l'existence de
systèmes complémentaires santé d'entreprises pour certains salariés et leur
inexistence pour d'autres, le Gouvernement s'est attaché à la correction de cette
inégalité.

Ainsi, les partenaires sociaux (Medef, CGPME et UPA du côté patronal, CFTC,
CFE-CGC et CFDT du côté syndical) ont conclu le 11 janvier 2013 un accord
permettant de renforcer la flexibilité du marché du travail en échange d’un
renforcement des droits des salariés. Dorénavant, tous les salariés qui ne profitent
pas encore d’une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de
remboursements complémentaires de frais de santé (environ 4 millions de
personnes en France) devront pouvoir en bénéficier d’ici 016. Le financement de
cette couverture sera assuré conjointement par les salariés et les employeurs, qui
devront prendre en charge au minimum 50 % de la cotisation. L'accord a été
transcrit dans un projet de loi de "sécurisation de l'emploi", adopté en Conseil des
ministres le 6 mars 2013. Son article 1er rend ainsi obligatoire l'instauration d'une
complémentaire santé dans toutes les entreprises au 1er janvier 2016.

Là encore, si l'intention de renforcer l'égalité des droits sociaux des salariés,


et la volonté de permettre à tous un accès correct aux soins médicaux sont
louables, il faut bien constater :

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- une atteinte de la liberté du salarié de choisir sa complémentaire santé ;
- une atteinte indirecte au libre choix du praticien par le salarié, qui se voit imposer
une mutuelle, donc un possible réseau de soins qui peut se limiter à un seul
praticien dans certaines régions ;
- une inégalité dans les droits sociaux des assurés, au détriment des non salariés
qui n'ont pas toujours les moyens de s'offrir une complémentaire maladie, sans
pour autant être bénéficiaires de la CMU.

4.3 Avenant n°3 et charte de bonnes pratiques

Il apparaît donc nécessaire de limiter les possibles atteintes aux principes


déontologiques que la PPL Le Roux et l'accord national interprofessionnel laissent
apparaître.

Ainsi, le 31 juillet 2013, un avenant (numéro 3) à la Convention Nationale


des Chirurgiens-dentistes ainsi qu'une charte de bonnes pratiques pour les
relations entre les chirurgiens-dentistes et les organismes complémentaires
d'assurance maladie ont été signés par la CNSD et les différents partenaires.

L'avenant numéro 3 parachève la mise en place de la CCAM (classification

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commune des actes médicaux). La transposition de la NGAP, nomenclature
officiellement "résiduelle", en CCAM, se fait en intégrant tous les actes médicaux et
dentaires pouvant être dispensés par les chirurgiens-dentistes. Elle permet de
partager avec les médecins un référentiel commun qui codifie l'ensemble de nos
actes. Ainsi, la liste exhaustive des actes est définie, les tarifs opposables sont fixés,
et les dispositions générales modifiées, pour établir une nomenclature qui doit
correspondre à la réalité de l'exercice, et permettre une revalorisation de nos actes
plus adaptée aux logiques de financement de l'Assurance Maladie.

Cependant, les assurances complémentaires, financeurs devenus


majoritaires du secteur dentaire, sont devenues plus exigeantes, notamment sur la
volonté d'information qui leur est transmise sur les actes qu'elles s'engagent à
rembourser. L'absence de garanties sur ces informations, dans le respect absolu
des règles déontologiques, a considérablement complexifié le débat.
En effet, les tentatives de détournements de patients, les analyses de devis sur des
critères uniquement tarifaires, à l'exclusion des critères médicaux, sont des
pratiques assez communément répandues par certaines complémentaires. La
transmission de ces informations ne ferait que faciliter ces pratiques commerciales.
C'est donc autour de cette problématique "informations et respect des règles
déontologiques" que l'idée d'une charte de bonnes pratiques a vu le jour.

La présidente de la CNSD, déclarait à propose de cette charte dans un article


du Chirurgien dentiste de France de septembre 2013 qu'elle "avait pour objectif de
prémunir d'un mauvais usage par les Complémentaires, des informations dont elles
vont pouvoir disposer via l'accès direct aux données de l'Assurance Maladie. Elle les
engage à bien respecter ce qui est fixé par le code de déontologie. Bien que
l'UNOCAM représente 3 familles d'organismes aux intérêts parfois divergents, tous
ses membres ont donc bien voulu signer cette charte pour continuer à avancer sur

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l'ensemble de la prise en charge des actes. Reste à savoir si elle sera bien respectée :
l'accord sera ainsi contrôlé par un comité de suivi qui aura pour objectif de mettre à
jour les difficultés et de les régler."

La transposition de la nomenclature en CCAM reprend le principe d'une


codification des actes médicaux, prévue à l'origine pour le respect du secret
médical.
Des remarques s'imposent :
- Une codification de plus en plus fine et détaillée des actes réduit d'autant la
garantie du secret médical.
- L'accès à la CCAM par les assurances complémentaires devrait être limité au seul
praticien-conseil. La barrière qui existe encore à la Sécurité Sociale entre le
"contrôle dentaire" ou "médical", et les services financiers, n'est pas prévue et
imposée aux systèmes complémentaires.
- Il n'a pas été non plus prévu d'organisme indépendant chargé de faire appliquer le
respect de la charte de bonne pratique, qui n'a aucune valeur légale contrairement
au Code de déontologie qui fait partie intégrante de la Loi de la République
(aucune sanction disciplinaire ou légale n'est donc prévue en cas de non respect de
cette charte).

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Conclusion

La profession de chirurgien-dentiste est une profession médicale à part entière, qui


a su conquérir la respectabilité et l’honorabilité que lui confère ce statut. Le Code
de déontologie et l’ordre des chirurgiens-dentistes, ainsi que le doctorat d’exercice
lui ont donné son image actuelle de profession scientifique à haute technicité.
Si l’exercice individuel en cabinet libéral, et le strict respect des règles
déontologiques imposé aux praticiens ont permis d’assurer cette image en
protégeant le patient, il faut constater que la profession a évolué très vite.
Or, s’il n’est pas question de juger ou de privilégier tel ou tel mode d’exercice ou
telle ou telle organisation de la santé dentaire, s’il parait légitime de permettre un
meilleur accès aux meilleurs soins ainsi qu’un meilleur remboursement de ceux-ci,
l’intérêt des patients ne se limite pas pour autant aux seuls critères financiers.
Bien que le secret médical, le libre choix du praticien et l’indépendance
professionnelle soient des notions qu’il est difficile d’estimer, elles n’en restent pas
moins dignes d’intérêt pour les patients. La dignité du malade, le respect de sa
liberté et de son intimité valent peut être qu’on en paye le coût.
Sans compter d’ailleurs que l’adhésion d’un malade et son engagement pour un
traitement qu’il a choisi librement peut avoir un effet sur l’efficacité de ce dernier.
L’impression est grande aujourd’hui que ces principes déontologiques sont négligés
ou même simplement sacrifiés sur l’hôtel des équilibres financiers d’organismes
éloignés des malades.
Or il doit être possible de les faire respecter quel que soit l’organisation des soins et
des remboursements. Il revient au législateur d’établir les moyens pour faire
imposer et faire respecter les principes déontologiques à tous les acteurs des
systèmes de soins et de leur financement. Une loi doit remplacer une charte. A
défaut, c’est à nouveau une marchandisation de l’art dentaire qui est à craindre.

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Bibliographie

- Articles de lois cités :


 Code de Déontologie Dentaire : articles R4127-207 ; R4127-208 ; R4127-
209R4127-210 ; R4127-215 ; R. 4127-221 ; R. 4127-234 ; R. 4127-240Code de la
santé publique : articles L.4121-2 ; L.1110-4 ; L. 1110-8
 Code de la Sécurité sociale : articles L 162-1 ; L 162-2
 Code de la mutualité : article L.112-1
 Nouveau Code Pénal : articles 226-13 ; 226-14
 Loi du 13 Août 2004 relative à l'assurance maladie

 BRAS P., TABUTEAU D., Les assurances maladie, PUF,‎2012

 CHAUCHARD J., KERBOURC'H J. et WILLMANN C., Droit de la sécurité


sociale, L.G.D.J coll. « Manuel », 2013 6ème éd.
 DORION G. et GUIONNET A., La Sécurite sociale, PUF coll. "Que sais-je ?",
2004 8ème éd.
 DREES, Rapport sur la situation financière des organismes complémentaires
assurant une couverture santé, Décembre 2012
 IGAS, Les centres de santé : situation économique et place dans l’offre de soins de
demain, juillet 2013
 JACOTOT D., Les ressorts d'une décision judiciaire contre un centre de santé, La
Lettre de l'Ordre n°124, Janvier 2014
 La Lettre de l'Ordre, Menace sur la liberté de choix, La Lettre de l'Ordre n°114,
janvier 2013
 La Lettre de l'Ordre, Vers un contrôle des centres dentaires suspects, La Lettre de
l'Ordre n°121, octobre 2013
 LIFFRAN H., Une mine d'or dans la mâchoire des pauvres, Le Canard Enchaîné, 7

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BONHOMME
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mars 2012
 POUILLARD J., L'Ordre des Médecins, Glyphe, 2011
 TERRIER E., Déontologie médicale et droit, Ed. Études hospitalières, 2003
 UNOCAM, Rapport d'activité, 2012

 BFM TV, La Proposition Le Roux inquiète les professionnels de la santé, Vidéo du


24 juillet 2013

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No 2014 LYO 10 024

BONHOMME Clément : Une même déontologie pour les chirurgiens-dentistes et les


systèmes d'assurance santé ?
(Thèse: Chir. Dent. : Lyon: 2014.024)
N°2014 LYO 1D 024

Le Conseil de l'Ordre des chirurgiens-dentistes doit garantir aux malades une pratique éthique
de l'art dentaire en faisant respecter le code de déontologie aux chirurgiens-dentistes, très
majoritairement libéraux à l'origine. L'Assurance Maladie Obligatoire permettait le
remboursement des actes tout en se conformant à cette déontologie, avec son propre code. Le
poids économique grandissant des systèmes d'assurance complémentaire dans le
remboursement des soins, comme dans la dispense des actes eux-mêmes, laisse apparaître le
problème du respect de la déontologie par des organismes soumis entre eux à une
concurrence sévère et à des objectifs de rentabilité et de gestion serrés. Les dérives se font au
détriment des droits fondamentaux des patients qui, croyant y voir un intérêt financier immédiat,
sont peu nombreux à s'en plaindre. Ce travail cherche à souligner les atteintes faites à la
déontologie, et celles qui sont à craindre avec des nouvelles réformes.

Rubrique de classement : Déontologie

- Assurance maladie obligatoire


Mots clés:
- Assurance maladie complémentaire
- Secret médical
- Libre choix
- Indépendance professionnelle
- Mandatory health insurance
Mots clés en anglais :
- Supplementéiry health insurance
- Medical confidentiality
- Free choice
- Professional independence

Jury: Président: Monsieur le Professeur Olivier ROBIN


Assesseurs: Monsieur le Docteur Bruno COMTE
Madame le Docteur Béatrice RICHARD
Monsieur le Docteur Laurent VENET
Membre invité : Monsieur le Docteur Jean-Claude MICHEL

Adresse de l'auteur : Clément BONHOMME


105 Rue de Hauts de Challes
01000 Bourg en Bresse

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