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Lope p28 eee geld gent = sly ob = cot byl Gao lt © Les Deux Océans, Parts, 1982 Nuroddin 'Abdorrahman b. Ahmad JAMI Les Jaillissements de lumiére Lavayeh Texte persan édité et traduit avec introduction et notes par Yann Richard Ouvrage publié avee le concours du Centre National des Lettres Les Deux Océans Paris Les « Jaillissements de lumiére » ou « Illuminations » (Lavayeh) de Jami méritaient un meilleur traitement que celui qui leur était imparti dans la littérature orientaliste et dans I’édition persane. C'est du moins l'opinion de deux savants qui se sont intéressés récemment & Jémi', Ce tente est en effet un grand traité de soufisme par le dernier podte persan classique. Ce travail n'aurait pas été possible sans la collabora. tion de nombreux amis et chercheurs iraniens et francais, gue je tiens & remercier tout spécialement ici. Je me contenterai de nommer les principaux : M. C. Sa'idi pour la collation des manuscrits, I. AfSar pour la typographie du texte persan, Md-T. DaneS-Paiuh pour les références des manuscrits, le professeur ‘A. Zarrinkub, P. Lory et Y. Lebastard pour la traduction; et, enfin, G. Rutten, qui eut initiative de cette publication, et eut la patience de la mener & terme. La transcription a été simplifiée, et correspond & Vusage le plus commode pour le persan. On remarquera que « j » se prononce « dj », « u» se prononce «ou», « q > se prononce comme le «r» parisien grasseyé (dans «bar »), le «r » est roulé, Je « 8 » se prononce «ch », et le «x » se prononce « kh »(ou comme le « ch » dur allemand), 1. Voir W. Chittick, introduction en persan & Nagd al-masus, p. XI, 1. SHE Nasr, introduction en anglais aux Lavéyeh, trad. Whinfeld, p. XIX sq. (Les références bibliographiques completes sont données dans la liste des ceuvres de Jimi, dans Tntroduction, et pour les autres ‘ouvrages, en fin de volume.) INTRODUCTION Jami et son temps Nuroddin ‘Abdorrahman b. Ahmad est né en 817/1414 & Jam, prés de Hardt (ou Hérat), dans I'Afghanistan actuel. Son pére était originaire de Dast, prés d'Ispahan. On peut imaginer qu'il était venu s'installer pres de Harat, attiré par la prospérité de cette région, & une époque ou de gran- des invasions n’étaient plus a craindre, et ott le plateau ira- nien central n’avait pas encore accédé & la paix d'un grand empire stable, comme le royaume timuride au Xorasén, Litran au m‘/xve sidcle est partagé en deux zones poli tiques dont les frontigres n‘ont cessé d’évoluer jusqu’s Vinstauration du pouvoir safavide (907/1501). A Touest, les tribus turkménes basées en Anatolie, les « Moutons-noirs » et les «Moutons-blanes », se disputent les provinces autour d'Ispahan, Qazvin et Tabriz. Les premiers, Qara. goyunlu, étaient les ennemis jurés des Timurides. Ils furent dispersés lorsque Jahan-Sah fut vaincu, en 872/1467, par son rival Uzun Hasan Aq-qoyunlu. Avec ce dernier, et son fils Ya'qub Beyk, Jami entretint des rela- tions épistolaires. 11 fit une longue étape dans sa capitale, Tabriz, au retour du Hajj en 878/1473. Les Moutons-blancs avaient des convictions sunnites trés prononcées, et leur dynastie ne survécut pas & la conquéte safavide. Plus & Vouest, a partir de 857/1453, la dynastie otto- mane commence & prendre un poids politique important, et menace tant l'Europe, aprés la prise de Constantinople, que les émirats islamiques situés sur le plateau iranien. La renommée de Jami fut rapide dans cette terre of le sou- fisme et la pogsie persane étaient fort prisés. Bien qu’il ait décling les invitations et évité les offres financiéres, Jami eut des relations épistolaires avec les sultans Moham- mad II et Bayazid TI (886.918/1481-1512). 1 écrivit sur la requéte de Mohammad I, en 886/1481, un traité en arabe intitulé La Perle précieuse pour départager les opinions des théologiens, des soufis et des philosophes. On dit 9 Jaillissements de lumiere méme qu'il céda & invitation insistante de Bayazid II et se mit en route pour Istambul quelques années avant sa mort. Mais, une épidémie de peste s’étant déclarée en Anatolie, il se fit excuser et fit demi-tour a Hamadan. Crest bien entendu les Timurides qui eurent le plus dimportance pour Jami : aprés les grandes conquétes de Tamerlan, qui fonda un empire allant de I'Inde au Bos- phore, la’ dynastie se maintint dans un grand royaume comprenant en gros le Xordsén, l'Afghanistan et le Tadji- kistan actuels, Ses deux brillantes capitales étaient Samar- gang et Harat. ‘Sah-Rox, qui exerca le pouvoir entre 807/1405 et 850/1447, avait décrété, en 815/1412, le retour & la loi isla- mique @ari‘at) en remplacement de la loi mongole. C'est sous son régne que Jami commencera ses brillantes études. Ses sticcesseurs Abo'l-Qasem Babor et surtout Abu Sa'id Gurkén (assassiné en 873/1469) furent de grands hommes politiques. Le premier, qui était attiré par la spiri tualité du soutisme, cut certainement de bons rapports avec Jami, qui lui dédia un livre. Quant a Abu Sa‘id, son nom n'est cité que quelques rares fois par le potte, qui avait peutetre a se plaindre de ses mauvais traitements. Avec Soltan Hoseyn Baygara (873.91 1/1469-1506), on peut parler sans exagération de I'age d'or de la dynastie imuride, pendant trente-cing ans. La prospérité et la sta- bilité politique vont permettre aux artistes, poetes, pein: tres, calligraphes, architectes, etc., de s'épanouir, Sous le regne de ce roi lettré et poate Iuiméme, les bazars de la ville, qui regorgeaient de marchandises apportées d’Inde, d'Asie cantrale et du Moyen-Orient, débordaient des murs trop. étroits de l'ancienne cité. Les faubourgs s'agran- dissent jusqu’a 2 farsang (environ 12 kr). Des jardins splendides sont plantés sur les collines autour de la capi- tale encombrée, du cété du tombeau d’Anséri?. On en voit des reproductions symboliques dans les miniatures du 2. Voir Brandenburg, Her Hoseyn Bayqard et ‘Ali Shir pp. 1317: «La splendeur de Herat sous 10 Introduction grand maitre de la peinture iranienne, Behzad, que Sah Esm@’il emmena plus tard a Tabriz, Soltan Hoseyn Baygara était plus qu'un protecteur pour Jami, puisque celui-ci était également.son confident, et exercait une réelle influence sur lui, Jami dédia de nom. breuses ceuvres & ce souverain, et son nom revient souvent dans les gasida de son Divdn, que ce soit pour faire la louange du sultan lu-méme, ou pour décrire ses jardins et palais, Jami mourut en 898/1492 alors que Hoseyn Bay- gard était au faite de sa gloire : il fit faire des funérailles grandioses & son pote, Mais si Hardt était devenue la capitale des arts, c’était peut-étre surtout gréce & la personnalité d’un autre ami et protecteur de Jami, Mir ‘Ali Sir Nava'i (m. 906/1501), qui fut élevé en méme temps que le sultan et devint’ son ministre. Mir 'Ali Sir fut un véritable mécéne et un écri- vain, en ture comme en persan. On lui doit notamment une biographie de Jami en ture Eagata’i, Xamsat al- motahayyerin. La gloire de Hardt ne devait pas survivre longtemps & ces hommes : Ia ville, qui avait déja été attaquée par les Uzbeks en 850/1446, fut pillée & nouveau par eux aprés la mort de Hoseyn Baygara. C'est Mohammad Seybani qui y régna, avant d’étre délogé & son tour par le fondateur de Ia puissante monarchie safavide, Sah Esmé'il, en 916/1510. Dans son ardeur anti-sunnite, Esmd'il fit changer, dans les livres qu'on trouva & Hardt, le nom de Jami en « Xami » (le niais). Mais son fils, le prince Sam Mirza, qui fut gouver- neur de Hardt entre 928 et 936, fit un portrait élogieux de Hoseyn Baygaré dans l'anthologie postique qu'il rassem- bla, Tohja-ye Sdmi, dans laquelle il rend également hom- mage a Jami u Jaillissements de lumiére Jami et le soufisme Les succes littéraires de Jami et sa familiarité avec les grands de ce monde ne doivent pas faire oublier qu'il Fut abord un grand spirituel Enfant prodige, Jami commenga ses études & Hardt, 11 surprenait ses contemporains par la rapidité avec laquelle il comprenait les legons de logique et d'astronomie. ‘Abd al.Qafur Lari rapporte que ‘Ali Quséi, astronome réputé, chargé de construire l'observatoire de Samargand, était confronté & un probléme dont il ne trouvait pas la solution. Jami le résolut aussitét. Mais c'est dans les sciences religieuses, Coran, commentaires, tradition (hadith) que Jami s'illustra. Pen- dant son voyage 4 La Mecque, il n’hésita pas a faire un détour important pour aller s'entretenir avec le Qazi Mohammad Heysari (ou Xeyzari)& Damas, chez qui il resta quarante-cing jours pour profiter de ses connaissances en hadith?. Profondément croyant et possédant une riche cul- ture théologique, Jami s‘engagea toute sa vie au service du soufisme et plus précisément de la confrérie NagSbandi La tradition nagSbandi* commence avec Abu Ya'qub Yusof Hamadéni (m, 534/140). Son successeur, ‘Abd al- Xéleq al-Qojdavani (m. 617/1220), originaire de la région de Boxérd, amis accent sur les exercices spirituels intérior 86s (zekr) qui sont restés dans la « chaine » des naqSbandi. A Vorigine il y avait huit régles, et Bahi’oddin Naqband en ajouta trois autres 1. Yad kard : remémorer (tekr) & la fois oralement et mentalement le nom de Dieu, jusqu’a atteindre la vision béatifique. « Le but dans le zekr est que le coeur soit toujours conscient du Vrai (Hag), car cette pratique bannit Minattention, » Sa'doddin 3. Faxroddin “Al, RaSahd, I, p. 262 4Sur laquelle nous possédons des sources sOres = Yami lukmeme dans les Nafahdt alons, et Faxroddin ‘Ali, Rasahat. Voir aussi Triming- hain, The Sufi Orders in Islam, pp. 62 sj, 92 sq. et 203-204; Hekmat, Jami, p. 144 89, 12 Introduction Kagaari décrit ainsi le zekr : « Au début le maitre doit dire en son coeur Lé eldha ella'Llah Mohammad rasul-Alléh. Le disciple doit préparer son coeur et le mettre face & celui du maitre; il ferme les yeux, ferme la bouche, colle sa langue au palais, serre les dents, retient son souffle et se met & prononcer le zekr en s‘inclinant et de toutes ses forces, avec Vaccord du maitre. Ile dira avec le coeur, non avec la langue. I retiendra patiemment son souffle, de telle sorte que l'effet de douceur de ce zekr par- vienne jusqu’a son coeur. Pour faciliter la retenue du souffle, il retiendra l'air plus bas que le nombril, collera l'une & autre les lévres et 1a langue sur le palais, afin que le souffle ne soit pas trop comprimé et que la réalité du coeur soit débarrassée des idées (suggérées) et se tourne vers ce morceau de chair quia la forme d'une pomme de pin (le cceur). Tl faut ‘occuper (le corur) A dire le zekr de telle sorte que le mot “Ld” soit tiré du nombril vers le haut, "eldha”” fasse mouvement vers Ia main droite, et "eld Llah” igoureusement vers le cozur en forme de pomme de pin, pour que sa chaleur soit communiquée & tous Jes membres. » 9. Baz gast (retour) : chaque fois que le pratiquant du zekr prononce la formule sacrée, « Il n'y a de diew que Dieu, Mohammad est son Prophete », il doit ajouter du méme souffle : « Seigneur, c'est Toi que jfaspire, et A Ta satisfaction. » Ainsi il évitera les idées suggérées intempestives. . Negdh da8t : attention portée & la conscience; dans un méme souffle le soufi doit dire la formule sacrée de profession de foi et son esprit ne pas s’en écarter. Sa'doddin Ka8qari (m. 860, maitre de Jémi) ajoutait, qu'il fallait s'efforcer pendant une heure ou deux de fixer son attention, et d’éliminer les pensées subrep- tices. . Yad dat ; Ja fixation dans la mémoire de la pré- sence du Vrai comme d’une saveur qui ne fasse jamais défaut & la conscience. 1B Jaillissements de lumiére 5. Hu dar dam (conscience dans le souffle) : chaque expiration doit étre faite avec une conscience pré- sente, et sans négligence de Vattention. « La base extérieure de cette Voie mystique, dit Bahd’oddin, c'est le souffle. » 6. Safar dar vatan : c'est le voyage vers la patrie vérita- ble; les attributs humains doivent étre délaissés pour les attributs angéliques. 7. Nazar bar gadam (regard porté vers le pas) : ob qu'il soit, dans la ville ow la plaine désertique, le pélerin doit étre attentif a son pas, a Yendroit d’ou il vient, et au lieu oi il se rend, et ne pas laisser égarer sa pensée. 8, Xalvar dar anjoman (isolement en société) : selon Yexpression de Baha’oddin, c'est d’étre extérieure- ment avec la société des hommes, mais intérieure- ment, spirituellement, dans l'intimité et la retraite avec le Vrai. Il y a complémentarité entre la retraite et la participation & a vie sociale collective. 9. Voquf-e zamdni : « pause temporelle » consistant & faire le bilan des occupations; si elles sont bonnes, en rendre grace, et si elles sont mauvaises, en demander pardon. 10. Voqufe ‘adadi : faire le bilan numérique des remé- morations du coeur, en prenant en considération les, Bensées errantes. 11. Vogufe qalbi : se représenter son propre eceur avec, gravé, le Nom de Dieu, pour mettre l'accent sur le fait que le coeur n’ait d’autre but que Dieu’, Les origines de ces exercices spirituels ne sont pas bien connues, on les retrouve dans le yoga et aussi dans les pra- ues ascétiques des chamans et dans le christianisme oriental, En tout cas, c’est une pratique courante, avec des. variantes selon les ordres spirituels, chez les mystiques 5. Voir Hekmat, Jam, p. 151; Trimingham, Sufi Orders, 203.204, 4 Introduction musulmans. Jami y fait clairement allusion, a deux reprises, dans le texte que nous éditons ici, quand il évo- que la technique du souffle : voir les « Illuminations » VIL et VIII, et aussi 'avant-dernier quatrain de la Conclusion, qui fait le portrait du soufi méditatif. Aprés ‘Abd al-Xéleg, les maitres suivants se succédent dans l'ordre des Naqgbandi : ‘Aref Rivgaravi (m. 657/1259); Mahmud Anjir Faqnavi (m. 643/1245 ov 67011272); ‘Azizan ‘Ali Ramtani (m. 705/1306 ou 721/1321); Mohammad Babé Sammasi (m. 740/1340 ou 75/1354); Amir Seyyed Kolali Boxdri (m. 72/1371); Mohammad b. Mohammad Bahé’oddin Nag’band (717-791/1318-1389) qui donna son nom a Yordre; ‘ala’oddin ‘Attar (m. 802/140); ‘Ali b. Mohammad Jorjéni (m. 816/1413); X"4ja Mohammad Parsa (m. 82/1419); Sa'doddin Mohammad Kagqari (m. 860/1455) C'est par ce dernier que Jami fut initité & la Voie spiri- tuelle de Vordre Nagébandi. Mais son premier contact avec lordre était plus ancien : lorsque X"aja Mohammad Pérsa. se rendait au pélerinage de La Mecque pendant lequel il trouva la mort, il passa par Harét. Jémi, qui avait cing ans, accompagna son pére qui vint écouter le saint homme, et raconte lurméme dans les Nafahét al-ons le souvenir que lui a laissé cette rencontre : «Il y a maintenant soixante ans, mais le ravissement de sa présence lumineuse est encore dans mes yeux, et le délice de sa ren- contre bénie dans mon coeur. Les rapports d'inclination spirituelle, de croyance et d'amour que j'ai eus avec la famille des X“ajagan (= Vordre NaqSbandi) sont venus de la bénédiction de son regard... »¢ 6.Nefahat alons, éd, Towhidipur, p. 393. Cité par Hekmat, Jami, p. 150, 15 Jaillissements de lumiére Sa premigre rencontre avec Sa’doddin KaSqari, qui devint son maitre et son beau-pere, fut, si l'on en croit la biographic de notre potte par Lari, un’« événement spiri- tuel » (vdge’a) : Jami, qui étudiait alors a Samarqand, eut une vision qui le persuada de rentrer au Xorasan pour y suivre l'enseignement de ce maitre & la grande mosquée de Hardt. Son deuxitme grand maitre spirituel, X’aja Naserod- din 'Obeydolléh Ahrar (805-895/1404-1490), jouissait d'une grande influence, tant politique que spirituclle, C'est lui qui succéda, & la téte de l'ordre, a Sa’doddin en 860/1455. Jami ne le rencontra personnellement que quatre fois, mais échangea avec lui une copieuse correspondance, et le mentionne souvent dans son ceuvre. Il lui a méme dédié un grand potme, Tohfat al-Ahrdr, consacré, entre autres, & la louange des grands saints nagSbandi. Sans devenir luiméme «ple » spirituel de l'ordre, Jami y avait regu le titre de Seyx (maitre) et initiait Iui- méme par délégation certains disciples, comme par exemple ’Abd al-Oafur Lari, qui devint son biographe. Le soufisnie a profondément marqué toute I'ceuvre de Jami, tant par sa référence constante aux Naggbandi que par la mention non moins fréquente de Vhéritage spirituel des grands soufis, de Hallaj A Mowléna Rumi. Mais c'est a Vécole d'Ebn ‘Arabi que se rattachait en premier liew la pensée de Jémi, Ce lien spirituel est primordial dans le texte des Lavdyeh. Nous y reviendrons aprés avoir donné la liste des couvres de Jami, De par son affiliation aux NaqSbandi, ordre’ resté encore aujourd'hui vivant dans les communautés sunnites Afghanistan, du Kurdistan et d’Anatolie, Jami confessait Juiméme un sunnisme rigoureux et rendait hommage aux trois. premiers califes considérés par les chi'ites comme des usurpateurs, Le milieu sunnite intransigeant de la cour timuride ne permettait pas d’audace en ce domaine, malgré certains glissements de sympathie chiite auxquels les soufis n’étaient probablement pas étrangers (comme la « découverte » d'un soi-disant tombeau de “Ali & Mazar 16 Introduction Sarif). Outre la place importante qu'il accorde a 'Ali dans ses invocations, Jami eut l'occasion de prouver qu'il n’¢tait pas hostile 4 }'imamisme, Pris & partic par Jes communau- tés chi'ites d’Trak, sur une provocation, il sut montrer ses sentiments a l'égard des Imams et gagna leur respect?. La tombe de Jami est dans les faubourgs de Harat, non Join de Gozargéh, o8 est enterré Ansari, C’est une simple sépulture ombragée (aujourd'hui) de pistachiers. Autour, on identifie les tombes de Sa’doddin KA8qari (son maitre et deau-pére), de ‘Abd al-Qafur Lari (son disciple et bio- graphe), et du poste Hétefi’ Principales ceuvres de Jami Les numéros reprennent ceux de Ia liste de W. Chit- tick®, I, Quvres Lirrératres 1. Bahdrestan, Berit en prose rythmée, en 892, & Vimi- tation du Golestan de Sa'di, Souvent édité, Trad. frangaise par H. Massé, Paris, 1925. 2.Monia‘at. Correspondance réunie par Jami lui- méme; lettres écrites aux grands princes de son temps. Plusieurs fois imprimée en Inde. 3, Selselat al-Zahab. « La chaine d’or » (écrit entre 873 et 877). La dernitre partie est dédiée & Soltén Baya- id I. 2. oie Fasroddin ‘Ai, Rafa, p. 256 9, Browne, Lt Het of Per si, p90 24 Elbberpion dane randenbusg, Hera, p 48: hotgrapies dans int lam onte les pp Boe 2 veep coduelion persone & Naga alnosis, pp. XIL-XXVIIL; Chick seprendilcars sesso modo ia iste donne par eka Jam pp. 15 SiS Tce quaranesepetitzes “nous donnonstes pe sgt fs ew Ferment preci du murs dondre dans steer sive de Te date Ge inposion quelle ex conve 17 Jaillissements de lumiere 4. Saldman va Absal, poeme allégorique écrit en 885. Trad. en prose anglaise, abrégée, par B. Fitzgerald, London, 1856. Trad. frangaise par A. Bricteux, Paris et Bruxelles, 1911, 5. Tohfat al-Ahrar, potme écrit en 886, dédié a ‘Obey- ae pe crit e1 a ‘Obey. 6. Sobhat al-ahrar, posme écrit en 887. 7. Yusof va Zoleyxd, potme écrit en 888. Trad, fran- saise par A. Bricteux, Paris 1927, 8. Leyli va Majnun, poeme écrit en 889, 9. Xeradsndmase eskandari, podme écrit environ en Les poémes numérotés ici 3 A 9 sont réunis générale- ment en un recueil appelé Haft owrang, « Les sept mer- veilles », 10. Premier Divén (recueil de 884), 11, Deuxitme Divan (recueil de 886). 12. Troisieme Divan (recueil de 896). I, Brocrarnes 18 16. Najahat al-ons, biographies de 606 soufis célébres. La base de ces biographies est reprise des biogra. Phies classiques, notamment les Tabagat alsufiva de Solami (en arabe), et d’Anséri (en persan). Ed. Mehdi Towhidipur, Tehran 1336 §. Trad, frangaise partielle par Sylvestre de Sacy : Vie des soufis ou les Haleines de la familiarité, rééd. Paris, 1977, 17, Mandgebe Seyx abeslam X"Aja ‘Abdollah al-Anséri, Texte partiellement repris dans les Nafahdt (n° 16). Voir Arberry, « Jami’s Biography of Ansari », Isla- mic Quaterly, 1963, 2, vol. 7, pp. 57-82. Introduction IIL. Sourisme 20. Resila-ye tarige sufidn, plusieurs fois imprimée (ex, dans les marges des Magdmdte X°dja Nagiband, Boxara, 1327 q, pp. 139-157; ou en annexe de Saldt-e mas'udi de Mas'ud b. Mahmud b. ‘Yusof Samargandi, Tagkent, 1329 q., pp. 398-399). Sur le zekr et les pratiques des NaqSbandi, 21, Resdlaye La eldha ella'Llah, ou Tahliliya, court traité sur le zekr, inédit 32. Nagd al-nosus fi Sarh Nagé al-Fosus, écrit en 863 en ersan et arabe, recueil de textes pour commenter les Fosus al-hekam d’Ebn ‘Arabi, Texte édité par W. Chittick, Tehran, 2536/1977, Académie impériale iranienne de philosophie, n° 17. Cf. Abstracta Iranica, 1, 184. 33. Sarh-e Rob@’iyat. Commentaire de Jami sur certains de ses propres robdi. Ed. par M. Haravi, Kabol, 1343 8, Ouvrage difficile, probablement de jeunesse. 34, Lavdyeh. Le présent livre (voir plus loin). 35. Lavdme' ya Sarh-e gasida-ye Meymiya-ye Ebn Farez, Edité par Hekmat Ale Aqd, Tehran, 1341 8, Com- mentaire de la célébre gasida d’Ebn Farez. 36. Sarhe ba'zi az abyate qasida-ye ta'lifa-ye Ebn Farez. Commentaire et traduction persane de 75 distiques de la gasida intitulée Nazm al-soluk. Inédit. 37. Aie"at al-lama’ét (écrit en 886), CEuvre trés impor- tante. Commentaire des Lama’at de Faxroddin "Brdqi, que celui-ci avait écrites aprés la fréquenta- tion des séances de Sadoddrin Qonyavi. Imprimé & Téhéran en 1302 q. (lithographie) et en 1352 §. par les soins de Hamed Rabbani. 38, Al-Dorrat al-faxera « La Perle précieuse » (écrit en arabe en 886, & la demande du sultan ottoman Mohammad I), Texte arabe et commentaires de Jami lui-méme et de son disciple Lari, édités par N.Heer et A, Musavi Behbahéni, avec intr. en anglais, Tehrén, 1358/1980, coll. Wisdom of Persia 19 Jaillissements de lumiere (Mc Gill Inst. for Isl. St., Tehran Branch), n° CE Abstracte tranica, Il, $65, Trad, anglaise aves trod, et notes par N. Heer, Alb: New York Press, 1878, fee 39. Sarh Fosus athekam (écrit en arabs it en arabe en 896). Com mentaire des Fosus d’Ebn ‘Arabi, imprimé ay Catve en marge du comm. de Nablosi, 1304-1324 q,, et & Firuzibad (Inde) en 1907. Commentaire trés literal, sécartant Tarement dui texte, CL, W. Chittick, intr persan a Nagd al-nosus (ci-dessus n° eo petean (cidessus n° 32), 40. Resdla fi'lvojud ou al-Vojudiya (en arabe). ai teadult par N. Hees : « AlJamis Treatise on Bae fence », Islamic philosophical Theolo, Morewedge, Albany, 1977. coe ee 41. Soxandne X°dja Parsd ou al-Has i sd ou al-HaSiyat al-godsiya (en persan et arabe). Inédit, I] ne s’agit pas d'un come mentaire d’al-Qodsiya du Seyx X"aja Pars comme certains Vont er, mais de sentences tirées de ses livres et rassemblées par Jémi 44. Sarhve do beyte Masnavi ou Ney.ndi . ay sy nama, Bd, ment pa snl Mega. B ota XVI année, n° 7. Commentaire des deux premiers distiques du Masnavi de Jaldloddin Rumi La doctrine d’Ebn ‘Arabi et les Lavdyeh On a pu constater que plusieurs ox i 1 2 urs ceuvres de Jami fe expressément référence 4 Bbn ‘Arabi (560-6381 165-1280), 1< maitre arabo-ndalou eut, on le sait, une trés forte influence sur le soufisme et Ia théosophie chi'ite, notem. ent Aes 11 gest indispensable d'en présenter les andes lignes : la doctrine des e i Sopris fnes ‘la doctrine des Lavayeh se réfare plusieurs Lintuition fondamentale @’Ebn ‘Arabi _ in le est cell la réalité profonde du monde sensible. Il faut felarie 20 Introduction certes du pidge de la conscience naive qui chosifie les phé- nomenes comme sil s‘agissait d’autant de substances onto- logiquement définies. Car les phénoménes sont des « lieux theophaniques »: leur réalité est une donnée fondamentale de notre perception, mais non une réalité en soi. Ils ren- voient & une Existence fondamentale unique et perma- nente, Les phénoménes sont réels en tant que liewx od se manifeste cette existence, qui sans eux serait isolée dans sa solitude éternelle, Le début de toutes choses est done dans ce hadith godsi (parole de Dieu révélée au Prophete en dehors du Coran) ; « J'étais un Trésor caché et j'ai aspiré 4 étre connu. Alors, j'ai créé les créatures afin d’étre connu par elles. » Dieu ne se révéle pas A des étres qui existeraient en dehors de Lui : Il se révele d’abord & Lui-méme, dans une premiere épiphanie qui va s‘amplifier 2 l'infint, jusqu’a comprendre I'univers entier, par étapes ontologiques, Le mystére de cette théophanie est I'umité fonciere de I'Btre divin caché devenant multiplicité apparente dans le monde des phénomenes; la premiére diversification a lieu dans la Connaissance divine, au niveau o0 sont congues (et done posées dans l'existence) les essences individuelles éter- nelles, les heccéités immuables des étres de l'univers. A mesure que le processus d'individuation et de détermina- tion des étres se poursuit, ils perdent leur caractére dabsoluité, mais sans gagner une existence autonome. Il s'agit toujours de la méme existence unique, qui se répand dans les individuation. Pour faire comprendre le mystare de Vunicité de Vexis- tence (vahdat al-vojud) les mystiques de Mécole d'Ebn ‘Arabi emploient plusieurs images que nous retrouvons dans les Lavayeh, Parmi elles, l'image de l’Océan, unique, dont on ne perg wrement que les vagues, mul- tiples. Ou encore celle du miroir aux innombrables facettes, qui donnent des images en nombre infini d'une réalité-unique”. 10, CE Iauteu, Unicité de Vexistence, p. 32 59 21 Jaillissements de lumiere Pour mieux comprendre la terminologie rigoureuse uti- lisée ici par Jami a la suite d’Ebn ‘Arabi, il est utile de se référer au schéma qu'il nous donne lui-méme dans I'Tllumi- nation XXIV : L’Essence divine est au-dela de toute indivi- duation, et de toute « entrave » A son absolue unité; dans une premitre individuation, elle englobe toutes les indivi- duations a venir; elle se resserre ensuite dans l'unité divine, puis de nouveau s‘ouvre, et fait émaner delle les Noms et les Présences; dans un troisitme mouvement de systole-diastole, elle englobe en son unité les individua- tions du monde du devenir, et les libere enfin dans la réa- lite de univers. Telle est en gros la cosmogénése que Jami nous fait découvrir dans les Lavdyeh, Or, si on essaie de lire la pen- sée directrice de ce texte, on verra qu’il ne s'agit pas pour Jami d’un enseignement philosophique, d'une. analyse ontologique de V’étre : Jami nous invite véritablement A nous insérer existentiellement dans cette vision du monde, Nous ne sommes pas séparés de 'épiphanie générale, et nous sommes reli¢s & I’Etre par un rapport tout spécial. Le message des Lavdyeh, exprimé clairement partir de la sixiéme Illumination, est la découverte du rapport que hous avons aux étres et al'Btre, et de notre insertion corps et ame dans ce rapport. Non pas donc, comme dans le dis- cours des philosophes, une ratiocination sur la réalité (voir Illumination XXVD. En effet, dans la théophanie qui est décrite ici, la place du pélerin en quéte se révele centrale, Il est lui-méme. Dieu aimant, et il est le miroir amoureux indispensable pour faire connaitre l'étre-désirable et l’étre-aimé de Dieu (lu- mhinatidn XX1). Tout ce qu'il fait, c'est Diew qui le fait en lui (XXX). Lianalyse de l’épiphanie révéle l'identité fonciére de la forme épiphanique, le liew od est révélé I'Btre, avec Etre luiméme (XXXI) : désormais, toute revendication de la créature pour s'attribuer le mérite de ses actes devient insensée puisque la créature n'est que le lieu od se révele Dieu. Est-ce & dire qu'il faille se désintéresser de tout ? 22 Introduction ifférence de non- ion entend par 1a non pas une indifférence pariielpation, mais une harmonie telle avec le monde que parler plus serait un acte de violence, une indiscréti ‘coupable. : aa e le « pélerin » Jes derniers quatrains, Jami exhorte le « p a trouver cette quiétude, & abandonner les Jugements moraux sur le bien et le mal, le vice et la pearly I faut < mettre dans T'attitude de’ contemplation des | soufis nagSbandi, fermer les yeux et se replier humblemen _ sa bure. Alors (dernier quatrain), l'amour ineffable de Diew déchirera cette envelope charnelle, et fera du pélerin un homme ressuscité pour lequel le langage n’est d’aucun secour: Le texte : sfagit d'un court traité écrit dans une Iangue assez iste eee seulement quelques Sisgressionsphis tec fa 1s Tauteur se laisse aller et emploie eae dum coup Tarabe. Cest un travers quan fei connait dans autres auvres (cf. Nagd al-nosus). Les parties en prose sont souvent rythmées et rimées, selon un procédé Phétorique tres prisé dans la littérature persane. Quant & Falternance entre la prose et Jes quatrains, c'est un pro- cédé courant, déja utilisé par Ahmad Qaz8li, dans les Sav neh par exemple. Le quatrain permet d'exprimer une idée tur Ie style del'aphorisme, avec une pointe 8 la fin L’agen cement des rimes (aaba) permet en elfet de eréer un dese quilibre et de faire attendre le mot de la fin 8a troisitme ime. Le quatrain persan a été utilisé pour toutes sortes de Sujets, mais certains mystiques en ont fait un usage priv legig, notamment depuis les fameux robd' attribués & Abu Said b. Abil-Xeyr (m. 40/1049) : c'est le cas par exemp! d’Ansari, de Baba Taher ‘Oryan et de ‘Attar. ne roe pa, dane Isa (retin dita et ea a De ane a Ene say an Wek ce Pca The Se ee ses Sale 23 Jaillissements de tumiare Voici le métre du robd't: (de droite a gauche) Le texte qui nous est parvenu dans les éditions anté- rieures des Lavdyeh a subi de noml é i Les quatre principales sont : ne 24 1. Lawd'ih, A Treatise on Sufisrn by i , A Treatise on Sufism by Nursud-Din ‘Abd-ur- Rahman Jami, Fascimite of ant old Ms, transl EX, Whinfield and Mireé Mubammad Kazi ‘and reface on the Influence of Greek Philosphy uy Safism, 1" €d. Londres, 1906, Dernitye reinpreston avec une nouvelle introduction sein Nasr, Londres, 1978. Foe Le « vieux manuscrit » reprodui Le. » reproduit et tradui Whintield date du xive sigce, et Sete copie'en Inde. Limprimeur a été obligé den retoucher les épreuves photographiques en raison des trous creu- sés par les vers. Ce ms, n'a as de titre niles pas- Sages en arabe; probablement Iuissés en blanc par le copiste pour. les calligraphier plus tard a Vencre Ouge. Whinfield a utilisé plusieurs autres Mss pour $a traduction (p. XVI} et signale parfois les passages resttués. 1 travaillé seul sur Ie texte jusqu's Iu n VII, puis, sa vue ayant baissé, s'est fait der par Qazvini (Kazvini), éminent érudit renin gui vivait & Paris et traduisit Ie texte en frangais cigpres le ms Add, 16819 du Butish Museum, Whin- dis texte, de traduire du rangle. S Sande Parte Outre que sa base textuelle n’étai xtuelle n’était pas sire, cette double traduction n’a pas de rigueut Philosophigue Elle eraploic par exemple sans aucune justi cation les termes « essence »,« substance » « Truth » pour e arabo-persan unique (hagigai), ce qui peut Introduction induire & des confusions. Fn revanche, elle a le mérite, venant de Kazvini, de déméler quelques diffi- cultés de constructions’ de phrases. Et elle est fagréable & lire: Whinfield a en effet traduit en vers tous les quatrains, sacrifiant la encore l'exactitude & Velégance. ‘La préface de Whinfield, qui raméne le soufisme @Ebn ‘Arabi au monisme plotinien, est un témoi- gnage de l'état d'esprit gui régnait dans lorienta- fisme du xix* siécle; en découvrant les richesses spi- rituelles de V'islam, on n’avait de cesse que de les ramener A des origines occidentales. Dans sa récente ct courte préface, S.H. Nasr critique & juste titre ce point de vuc en appelant & une lecture de Jami dans Yesprit de la « tradition » islamique. 2.Lavéyehe Jami. Lithographie, 29 p., Lucknow 1355/1936 (avec en annexe Menhaj al-‘drejin), Bdition plus soignée que la précédente, mais non critique. 3. Erfan va tasavvof, Lavayeh-e Jami bd tafsir va Sarh-e Logat va estelahate falsafi va ‘erfani (Ed., intr., com- mentaire et elossaire), par Mohammad Hoseyn Tas- bihi. Tehran, 1342, rééd. 2536 Sah., XXV-184 p, Tas- iki affirme s’@tre servi comme base de l'édition Whinfield. En réalité, il a ajouté de nombreuses erreurs qui rendent Je texte incompréhensible, fotamment dans les podmes oa il a bafoué les lois de Ia métrique persane. Cest malheureusement V’édi- tion la plus courante en Iran. 4.Lavayeh dar bayane ma'dref va ma'anie ‘erfani, Ystanbul 1309/1891-2. Cette édition, non critique mais reposant sur de bons Mss., a été reproduite anastati- quement dans le volume suivant : ‘Abdorrahman Jami, Se resdla,dar tasavvoj, Lavdme' va Lavéyeh... peenzemdm-e Sarhe Robaiyat dar vahdat-e vojud, jntrod, d’1. AfSar, Tehran 1360/1982 (Farhang-e Iran- amin, 30). 25 Jaillissements de tumiére Les manuscrits Is sont trés nombreux, comme on pourra s‘en assurer en consultant la liste sélective donnée par Monzavi". Beau- coup d’ceuvres de Jami qu’on dit recopi¢es de sa main ne Je sont pas, car le poéte aurait dd. alors passer son temps & transcrire ses propres oeuvres, avec, souvent, des fautes, et avec des ductus différents... Aprés avoir consulté plusieurs manuscrits datant (d’aprés les colophons) de la fin du ix¢ ou du début du x* sitcle de U'hégire, nous avons choisi utiliser les deux premiers mentionnés par Monzavi méme s‘ils n'ont pas été copiés en 877, ils offrent le texte qui semble le plus sGr, avec des divergences minimes. Nous avons pratiquement suivi partout dans notre édition le texte du ms. de Sainte-Sophie, sauf lorsqu'il saute des lignes, en indiquant en note les variantes du ms. de Ketabxana-ye Melli. — Ketdbxana-ye Melli, Téhéran, n° 2012. Ce sont deux gros volumes in-folio contenant une Kolliyat de Jami. Le premier tome serait de la main de Jami oir :’A, Anvar, Fehreste nosaxe xattie Ketabxana- ye Melli, IM, Tehran, 1351 §, pp. 395 et 397; M.Bayani, Nosxahd-ye xatti, VI, Tehran, 1348 §, P. 283}, Mais W. Chittick a prouvé qu'il n'en était rien (Nagd alnosus, intr. persane, p. LXXID), Et il est daté 887 (non 877!) alors qu'il contient les Haft owrang terminés en 890. Le tome II est de la méme main soignée, et les Lavdyeh y sont & la fin, pp. 680 & 693. Le texte occupe une surface de 23 X 15 cm a 27 lignes par page. — Aya Sufiya (sainte Sophie) 4207/5, daté du 22 Sa’ban 877, Dans une kolliyd écrite & Bagdad ; le microfilm gst & la Bibliotheque Centrale de l'Université de Téhéran, n° 96 (Fehreste mikrofilm-hd, p. 160). 12. A. Monzavi, Fehveste nosrashdiye sate farsi, U1, Tehrén, 1349 §, nnuméros 12829 3 12929, 26 Introduction L’année de composition Nous savons seulement avec certitude que ce texte est bien de Jami, puisqu'il se nomme dans le premier quatrain dela conclusion, Mais les bibliographes se sont interrogés sur ce gouverneur de Hamadan auquel il est fait allusion dans le dernier quatrain de Vavant-propos. SH. Nast n’hésite pas a écrire que l’geuvre date de 870/1465- aps et qu'elle est dédige & Jahan Sah Qara-goyunlu. Jahan Sah a certes été le suzerain de I’émir de Hamadan, mais pour- quoi le nommer seulement d’aprés cette ville provinciale ? L’explication par le jeu de mot hamadan = «qui sait tout » ne justifierait pas ce manque de respect, Du reste Nasr ne dit pas quelles sont ses sources. Whinfield propose de son coté diidentifier ce 34h-e Hamadén avec le Sah Manuéehr que Jami rencontra lorsque, en route pour La Mecque en 877, il s‘arréta trois, Jours dans cette ville. Trois jours, c'est peu pour nouer une amitié, mais une correspondance a pu avoir lieu, dont nous n’avons pas la trace, Une autre source, postéricure, indique un voyage qu’aurait fait JAmi A Hamadan, en route pour Istanbul ; arrété par I'annonce d'une épidémie de peste en Anatolie, il s‘arréta dans cette ville et fit demi- tour. Pourquoi étre passé, venant de Harat, par Hamadén sinon pour y visiter un ami'? ? Faudrait-l alors remettre en cause Vannée généralement admise pour la composition des Lavayeh ? Nous laissons la question ouverte. Jami a pu écrire le texte en 870 et le dédier plus tard au gouverneur de Hamadan... 13, Pour le pélerinage de 877/1473, voir Fexroddin ‘Ali, Ratah Pour le deuxiéme voyage, voir TaSkbrinada (Taskdpriizade) Zt Faqayeg ‘enno'manisie, trad. all. par O, Rescher, Konstantinopel Galata, 1927, PAivl 27 Jaillissements de lumidre Commentaires Il n’existe, curieusement, pas beaucoup de commen: taires connus des Lavayeh. Btait-ce un texte considéré comme trop littéraire et «facile » pour nécessiter des gloses ? Nous avons trouvé trace de deux commentaires dans les manuscrits catalogués jusqu’ici 1.’Abd al-Malek b. ‘abd al-Qafur al-Ansari, dit «Aman », luiméme disciple de Samsoddin Mohammad Lari, ASe"at al-Lavayeh, avec introduction sur Ebn ‘Arabi et Qonyavi, Debut :'«Mahdmede bi giydse hazrate padesahira ke monazzeh az taayyonéte zolmanist va nurdni.. » —W. Pertsch, Die Handschriften-Vergleichnisse der Kéniglichen Bibliothek cu Berlin, IV, Persische Hds., Berlin, 1888, p. 284, n° 245 (Sprenger 812), ms. de 312 p., copié en 1089/1678. —DéneS-Paluh, Fehrest-e nosxarhdye xattive Kerdbxana- “ye Daneskadeye adabiyét (Majmu'aye vagfie AA. ‘Hekmat), Tehran 1341 3,, p. 4. ms, n° 318 non daté, 2. Sarh-e Lavayehe Jémi, probablement composé en 908/1502-1503 par un certain Molla ‘Emad, Début : « Ey az to 'ayan Lavayehe nure gedam / Yek ldyeha zin lavayeh dmad ‘tlam / Gar nure vojude to nagasti layeh / Zaher rigdodi hagd’eg az katne-e ' adam, —Bibliothéque nationale (Paris), Supp. persan, n° 2063, non encore catalogué. 55 feuillets, copiés en Chine avec certaines gloses intralinéaires en sino- musulman. —H, Bthé, Catalogue of the Persian Manuscripts in the Library of the India Office, vol. I, Oxford, 1903, notice n° 1373, « Glosses on the Law4’ih », ms. n° 704. —Bibliothéque Malek (Téhéran), ms. 4056/14, xiixvue sitcle (catalogue encore inédit), pp. 453-477. 28 Introduction Dans la revue Nosxa-ha-ye xatti, M. Dane’-Paluh décrit un nouveau ms. de ce commentaire, découvert récemment Pékin, et il donne le nom complet de l'auteur : ‘Emad al- Din Afzal alLah, disciple de Jami tué par Mohammad Seybani en 914/1508.9, Le texte aurait été écrit en 903/14978, et il en existe encore un autre ms. dans la bibliothéque Ganjbax$ (catalogue Monzavi n° 989). Voir Nosxahacye xatti, X, pp. 1019-1020. 29 ETS KY PEA pt ee FAT le 9 Teg OL ys Gale laglics PS 9 calie bey nae a bd 9 A ue I LS Cyl PE BEF MES Mey LS Tee Wy os jl ol ae whee yt F OTS lt Sy cghes% fei Pe lee ar pd le Hes ok JUS oS LT ws She Sy A de Gly tee dee ble 30 AU NOM DE DIEU LE CLEMENT LE MISERICORDIEUX «Ma louange ne parvient pas jusqu’a Toi »'. Or, si « toute louange remonte & Toi », Ta sainte Seigneurie res- plendit bien au-dessus de ma louange, car Tu es tel que Tu T’es louangé Toi-méme. Seigneur! Nous n’arrivons pas & articuler Ta louange, et & proclamer Ta gloire jusqu’é Ta hauteur. Tout ce qui, dans le livre de la création, est Jouange et glorification, renvoie & Ta majesté et & Ta grandeur. Que peuvent expri- mer nos mains et nos lévres en action de graces et de louange qui Te convienne ? Toi-méme Tu dis comment Ta es, Le joyau qui Te rend hommage est celui que Tu as Toi- méme taillé, Quatrain Dans l'immensité de Ta grandeur Le monde n'est qu'une goutte de Yocéan de Ta générosité. Nest-il pas au-dessus de nos forces de Te louer ? Seule Ta propre louange est digne de Toi 14, Un dit da Prophéte. CE, Wensinck, I, p. 305, 47-50, Muslim Salar’ 222. Tn Hanbal, Musnad, 1, 9, 3 Jaillissements de lumigre SE alae ay cata Coad ale aha Gn Tous oy ah Sil ay gh OW NGI, Uj Kt ac es pole Ua Sl a cot gah Jae S12 pl Leal Sle Sal a hu 289 II BSI ope Se ae ao ag Ged aye s al : mer Bh a pS yt alee Po pls al OF slit ya oe Ki aaj ey Fo gt Me ese SE Sa at 9 SS be ear pa lid Las AOR EM aes cade le ok pe 3 ey s 3 Iyer PR Ns S999 le Chew GF igs Jl ws anibianes TY Mave al | 32, Jami La of celui qui a proféré!5 « Je suis le meilleur ora- teur» a baissé létendard de V’éloquence et s'est avoué incapable de proférer Ta louange, comment un begue pourrait.il ouvrir la bouche, et comment peut] oser parler celui dont lesprit n’est pas clair ? Ici, limpuissance méme consiste & avouer sa faiblesse et son impuissance : et cher- cher & partager le rang de ce Prince de le Religion et du monde, c’est manquer & tous les usages. Quatrain Qui suisse? pour qui me prendrai-je ? Par mes passions je ne peux prétendre que partager le [sort de Ses chiens Je sais, Je n’arriverai pas jusqu’a Sa suite. Que parvienne au moins 2'mon oreille le grelot lointain [de Sa caravane! © Dieu bénis Mohammad, qui porte I’étendard de Ia louange et posséde I'« état’ glorieux »"4, ainsi que sa Famille et ses Compagnons gui ont obtenu par leur persé- vérance les faveurs auxquelles ils aspiraient. Donneleur ‘en abondance Ton salut! Invocations Dieu, 6 mon Dieu, délivre-nous de l'empire des vanités et faisnous voir dans leur quiddité Ia réalité ontologique des choses! Ote de nos yeux ces ceilléres dinsouciance, et montre- nous les choses comme elles sont. Ne nous montre pas le néant sous la forme de l’étre, Ne mets pas le voile du néant sur I’éclat de etre, et fais, de ces formes imaginales, non une cause de dissimulation et de distance, mais des miroirs épiphaniques de Ta beauté! Transforme ces figures imaginaires en capital de savoir et de vision, non en instrument d’égarement et d’aveuglement. 15. Le Prophet, meilleur orateur des Arabes. 16. Abmagdm abmahmud, Coren, XVO, 81/79. Lit. « station louan- Bee». 33, Jaillissements de lumiere FA EIS 9 SNe HG IS tas ebb bh seb, tn Fd Abt et jn ST OS Sal ses aL iy Sa. Kis ae Ki pat Stes Pe oF a as Gal Ye Ol oe 3 oF Sy 34 SAE aly GT eR UU be so ae cl camer bens) wb aid gts a 2 AT Ley Shou OS ee pape jg! ape oly yo ob SH eeeb ge osau FATS Spe er U3 555 Be le FU B28 de A jl SAF os | Jami Notre alignation et notre ¢loignement (de Toi) viennent de nous seuls. Que Ta munificence nous délivre de nous- mémes, et nous donne de Te connaitre. Quatrain 0 Seigneur donne-moi un cacur pur et un esprit éveillé Donne-moi les sanglots du crépuscule et les larmes de aube! Dans la voie qui méne & Toi, arrache-moi d'abord mon ego! Alors, délivré de moi-méme, donne-moi accds & Toi! Quatrain © Seigneur rends-moi toute la création amére Et éloigne-moi de la société des humains | Détourne mon cceur de tout autre que Toi ! Fais-moi tout entier l'amoureux exclusif de Toi! Quatrain Seigneur, Tu pourrais me sauver du désespoir [— pourquoi pas ? Me guider vers la Connaissance mystique [— pourquoi pas ? Dans Ta bonté Tu as converti tant de guébres"” & Islam : Tu ferais (de moi) un musulman de plus... pourquoi [pas ? 17, Les gudbres, ou zoroastriens, dont la religion était le cute officiel de ran avant Vsiam, encore présents aujourd'hui en Inde et en Iran, 35 Uaillissements de tumiere ab OF i SF eFe UY OS ib pp Lb oly yo OF pili ts als, OF es ip Ky Ty ages Aol ha olees Gye Obes aul y ae J sll ool SEs BY hls y pact Slay 9 dys ae a a 3 f he FeV Olay y GS lal diye OL) cll] PAE Be SOL LOL Gl cher yy dy eee 2 ok os se cad, PE MS ee i et Fy IF Ly he ca fe BITS ay a EF fs oI PA BG les He le bog eee PS al SS 3 ie pass ol oes 36 Jami Quatrain Seigneur, rends-moi les deux mondes superflus ! Accorde-tnoi la couronne de pauvreté! Dans cette quéte, fais-moi le confident de Ton mystére ! Et détourne-moi de toute voie qui ne conduit pas vers (Toi! Avant-propos Voici un traité intitulé « Iuminations » (Lavayeh), dans lequel on présente les connaissances discursives et intui- tives qui ont illuminé les Tables des mysteres"* et les esprits des maitres spirituels et des mystiques. On y trou- vera les mots appropriés, et des formules bien tournées. Il est souhaitable que lexistence de 'auteur de ce discours y soit indiscernable, et que le lecteur ne se complaise pas & Ia critique et au dénigrement : l'auteur n'a en effet ici dautre role que d'interpréter (tarjomdni), et seul le style du discours peut lui étre attribué. Quatrain Je ne suis rien et bien moins que rien. Rien n’advient de rien et de moins que rien, Sinon du dire lui-méme je n’ai aucun mérite Chaque fois que je dis I'un des mysteres de la Réalité. Quatrain En terre de dénuement, mieux vaut passer inapercu. En affaire d'amour, mieux vaut étre muet. Pour qui n'est pas initié a la mystérieuse saveur de W'Etre (vojud) Mieux vaut en parler comme un simple interpréte. 18. Alvdlie asrdr. Jou de mots sur «Lavayeh » et «alvdh » (ph. de lowh) qui sont de racine semblable. Lowh est Ia» table bien gardée » sur faquelte sont inscrits étemellement les mystares du monde. 37 Jaillissements de lumidre Ola hs ee ea ey tis 38 f Oe aa Me AE nit onan lhe Boe gj LL Jami Quatrain Jai poli comme font les sages, quelques pierres [précieuses Pour embellir une tradition venue de haute source. Qu’on mi'ignore, moi qui ne suis rien — mais que des [gens scars Fassent parvenir ce présent au Roi de Hamadan'!! 19, Probablement Sah Manuéehr, qui gouvernait Hamadan Wancicane Bcbatane, petite ville & Vouest de Iran) lorsque Jami y passa fen 877/1473. Voir Vatroduction. Il ya un jeu de mots sur lenom, « hama- day + voulant dire « qui sait tout » le Rai saura bien qui je suis! 39 Jaillissements de tumiére dy! dow BEB OAD oy Sty ps wl Us Sg gO 3053 cul ale iss ” ei AEST Syms opin PEN ns ape sl ad Sly eds Sry th 639 S, wll saat JI ome ge Uc HUSA SS ol dol Jo SST & bees Uy gs Test WSS Ty ol ays Us tse pinay Lt AE lee be ph Poe Gol noha Shing Mig he ee te ua 40 Jami Premiére illumination «Dieu n'a créé aucun homme avec deux cceurs (dans sa poitrine). »? Le Seigneur ineffable qui t'a donné la gréce d'exister n’a mis en toi qu’un seul cceur, afin que dans ton amour pour Lui tu n’aies qu'un esprit et qu’un coeur, que tu te détournes de tout autre que Lui pour te diriger vers Lui, et que tu ne déchires pas ce coeur unique en mille morceaux, chacun s’égarant vers son propre but. Quatrain 0 toi qui te tournes vers le pole spirituel?! de Fidélité, Pourquoi envelope charnelle étouffe-telle ton esprit ? Tin’est pas beau pour toi de laisser aller ton caeur & [poursuivre ceci ou cela, Tu n’as qu'un cecur, un Ami est assez pour toi. 20, Coran, XXXII, 4 21, Qebla, lit. : a direction de La Mecque, vers laquelle il faut se tourner pour accomplir Ia prigre rtwelle, aL Iaillissements de lumidre (33 dou I Sib OS Ly sac yl Thelen Fay NU Ley T ot pee Hite Seba ott Oe bal Cs Eo Le at ol 42 “i » feely by Jo oS oT 22 See S siay SF eae Silay daly taal 8 IST ve 1M IES al wl Bi ys LL WaLtil os jl J oybe si oe MISA a saat Hi bole is as oe & ts Gao whl LY Ciny el OL Jami Deuxiéme illumination La désunion (tafreqa), c'est de disperser son coeur en Vattachant & des objets multiples. L’union (jant'iyas) c'est de se servir de toute chose pour la contemplation de VUnique (r4hed). Certains s'imaginent que l'union consiste A réunir les choses® et ils restent éternellement dans la dispersion. D’autres, ayant acquis la certitude que la réu- nion des choses est une cause de dispersion, se sont déta- chés de tout. Quatrain 0 toi dont le coeur est plein de mille soucis divers Qu’il est difficile de satisfaire tous les désirs de ton [coeur ! Car tout ce qui en résulte, c’est la désunion du coeur. Ne livre plus ton coeur qu’a un seul désir et libére-toi de [tous les autres! Quatrain Tant que tu es tiraillé par les tentations Tun'es, pour les « gens de l'union »%, que le plus vil des (hommes. Par Diew! tu n'es méme plus un humain mais un {monstre! Et, dans ton ignorance, tu.es inconscient de ta [monstruosité !) 22, Asbab, pl, de sabab, a Je double sens de chose et de cause. 23. Alle jam’, les soufis. 43 Jailtissements de lumigre me dy pg pe Be et BES ul J Ss Se ee ll sy gat 44 ab MA KIL OY I et has Ley dt Ae pk ILE Clb es gt St pes le 3 eS Si pony Lyte Jami Quatrain 0 toi qui chemines sur la Voie, ne parle pas a tout (propos. N'emprunte que le chemin qui conduit & I’union avec le [Seigneur Supréme. Les choses de ce monde provoquent la désunion Ne cherche pas l'union du cceur dans 'accumulation [des choses. Quatrain © mon coeur, jusqu’a quand iras-tu chercher la [perfection dans les écoles ? Tusqu’a quand ces lecons sur les principes de la sagesse [et de la géométrie ? Toute pensée qui n'est pas remémoration de Dieu n'est [qu'un leurre. Aie la crainte de Dieu : jusqu’a quand ces vaines {sollicitations ? 45 Jaillissements de lumigre fe ow’) A bby abe de aay cul 5 299 cael pile be haa lat 7 hay 6 2th Sy alae SBI EES ip tly sl ld jlaasyg Sas be WES vey 5S wi Sealy ceti& ae Biter oh saad Se geet > aie Ja dT z PAS ott tl WS ey pores by ee 2 BL capt ee ne Ol 7 fh resis werden gery 2 file Ob nt JLe Se ie TN AE Aa dL On te 46 Jara Troisiéme illumination Le Vrai® —loué et exalté soit-Il!—est présent par- tout, et & tout moment Il a regard sur l'aspect apparent et la réalité cachée de toute chose. Quel dommage que tu détournes les yeux de la rencontre avec Lui pour regarder ailleurs! et qu’ainsi tu délaisses la Voie de Son contente- ‘ment pour parcourir un autre chemin. Quatrain Test venu al’aube ce Charmeur qui déchire les coeurs ‘« Quelle peine atroce j'endure & cause de toi! » dit-Il, «Quelle honte ! mon regard est toujours tourné Vers toi! et toi tu tournes les yeux vers un autre! » Quatrain Clest nous qui cheminons toute la vie sur la voie [d'amour Ft recherchons de toutes nos forces 'union avec Toi [toute la vie. Mieux vaut avoir de Toi la vision d'un éclair®* Que se délecter des beautés humaines toute la vie! 24, Hagg, la « Verlté eréatrce », c'est-adire Dieu. 28. Zaher va baten, le manifeste tle caché; ces deux concepts sont inséparables. Be. Litt. « Timaginer pendant un clin dct» 41 Jaillissements de lumiére ee poe uy Sol ple by NI saa e : Hes BG lel SANS Ayn 6 y Sls Ways 6 Gig yo oan set Soall Sogmye P ey SAN 6 ay ieee io (i AF als oe 5 ag olay Op ogg Cael Sage set sl do ‘ pie ete PEN 5 co ue Gull y JLT eh Sap Coe Saas! tig Shy LS han Fly fey last ya y S q 2 ELAS Bole get hE |) AI 1H BU Slip GI BOA ASE aS EK cup sanalaatiecaded > Cape pa Sealey Let ly sera blo Sao Fa boy doy - ft S37 le Ls ST Ci, fd gilaghe San Kia at phn ds oes Ge pm Tih as oe 48 Quatriéme illumination Tout autre que le Vrai (Hagg)—qu'll soit loug et exalté! est sujet au déclin et & l'anéantissement (aval va Jand) : il a pour réalité (hagigat) un idéat sans existence (ma'lumist ma‘dum), et pour forme un étant imaginaire. Hier, le monde contingent n’avait ni l'étre ni le paraitre, et aujourd'hui c'est une apparence sans étre. On voit avec évi dence ce qu'il en restera demain! Pourquoi te laisser gou- verner par les vains désirs (Amal va amaniy), et pourquoi tappuyer sur ces impostures évanescentes ? Arrache ton coeur a tout cela, et attache-le & Dieu. Libére-toi de tout, et lie-toi avec Dicu. C'est Lui qui a toujours été et qui sera toujours. Son visage d’éiernité n'a été égratigné par les épines d’aucune contingence. Quatrain La roue du destin arrachera bientét de ta vue ‘Tout visage charmant qui se manifeste & toi Va! donne ton coeur a Celui qui dans (tous) les modes Ide etre A toujours été avec toi — et Ie sera toujours... Quatrain C'est fini pour moi cette fascination des belles idoles” Et cette plaine que le chagrin gravait ensuite en mon {cceur. Je me tourne désormais vers la beauté éternelle : Je suis las de tout charme qui ne soit pas infini ! 27. Bot s idole, et, par extension, objet aimé charmeur, 49 Jaillissements de lumie ve Jami Hil ate a E PI ty Wp Gra LT sli th Ls. ab Quatrain HI AUN Fa ast 7 A 9 SS se Toute chose qui ne te plonge pas dans la perdurance Hee MA Fate Tbaqd) eee T'exposera pour finir aux fléches inexorables de Wanéantissement (fard), Ce dont tu seras séparé fatalement a la mort, Sépare-t-en plutot déja de ton vivant! Cod ee La fi, PAF is ay gt Quatrain Bblleyelis 2” Naty sh Bien-aimé! que ce soit les enfants ou l'argent, : Slee edo ls KT Hest clair que cela ne dure qu'un temps! oa : la ne oe Bienheureux celui qui s'attache au Charmeur Dont les liens sont ceux des « fideles du coeur »##! 50 28, Ahbe del, litt. les « gens de coeur », référence & Vamour spirituel, 51 Jaillissements de tumiére ory ey FILS 5 Dlr A ct JLB Uta ie Soe be ae eT coast ILS y Sue ae Aa tema! bile Be ls tL , feb wlll Sa ied UL SH CT 51 jl lho tee ently re : J PEAY IE 4 aie ISU cosy ys Sie HN Sd a 5 gla ileus JS Se obits Je coy HS SS pine ys yay Ss Mo aie ST SF 5) Gob ye wail ft Jb et TF sts i Oe GIF tal 52 Sy al als Se ae af eto yt Ia Jami Cinquiéme illumination Le Beau absolu est le Seigneur, maitre de l’éclat et des races. Toute beauté ou perfection qui se manifeste & tous les niveaux est une émanation de Sa beauté et de Sa per- fection rayonnantes. La beauté et la perfection de ceux qui possédent un « rang » élevé sont un reflet et ce rayonne- ment. Toute connaissance est un effet de Sa Connaissance. Partout of tu la découvres, l'intelligence visionnaire est le produit de Son intelligence. En un mot, ce sont tous des attributs qui Lui appartiennent, et qui se sont dégradés, en descendant des hauteurs de Vuniversalité et de 'absolu vers les abimes de la particularité et de la détermination, oi ils opérent une théophanie (tajalli) afin que tu puisses remonter du particulier & Vuniversel et du déterming & Pabsolu. De la sorte, on ne doit pas voir de separation entre le particulier et l'universel, ni arréter la pensée dans son mouvement du conditionné & l'ineonditionné (absolu). Quatrain Jiétais allé contempler les fleurs. Cette beauté du Turkestan”? Me vit dans la roseraie et me réprimanda jalousement : « C'est moi le principe originel, les fleurs du monde ne [sont que des rameaux. Pourquoi t’arrétes-tu aux copies sans remonter & original ? » 29, Litt: « luminaire de Tards », Tards (ou Talés) au Turkestan était ‘célebre pour ses femmes, comme du reste tout le Turkestan (les visages Sur les miniatures sont toujours asiatiques). L’Ami reproche au podte de Se tourner vers les floure de son jardin pour découvrir une exemplifica tion de la beauté, On peut comprendre aussi que c'est une fleur, compa ree A um brillant luminaire, qui est jalouse de Vattention portée aux autres. 53 Jaillissements de tumiore Jami Quatrain Qu’aije a faire de cette svelte silhouette, de ce gracieux [visage ? Qu’aije a faire de ces méches de cheveux bouclés ? De tout cété, c'est une beauté qui se love.. Insensé! qu’ai-je & faire de ces charmes soumis aux {conditions (de la finttude) ? 34 WS cies yea 55 Jaillisses te : laillissements de lumiére a + tr Sixiéme illumination sol it ' Fen 4s FT SF. Bien qu’au regard de sa corporéité l'homme soit dans eer ea C0 ey et Cid une extréme opacité matérielle, il est, de par sa spiritua- BE Gill 5 4 abl isa, ye hea c lité, au summum de la diaphanéité. Il est soumis & tout ce ee TS LSI ae : ak 523) 7 Be ash vers quoi il se tourne et prend la couleur de ce vers quoi eee ay iT re, a porte son regard. C’est pourquoi les philosophes ont dit Fle cape yu la! one PT ay capt Lees que lorsque l’ame raisonnable épiphanise (motajalli Savad) Shey ata Cay Se OM Hy ate oe Lit Jes formes correspondant aux réalités ontologiques ct PTH ye OS aus ote yp ti quielle réalise en elle leurs statuts (ahkam) véridiques, eet Sy yay Tlic celle devient comme la totalité de ce qui existe ». fall oe are Ome did cee oe Sayed BANS 5 ca Le commun des mortels ne peut, il est vrai, en raison des liens trop forts qui I'y enserrent, se distinguer de cette forme corporelle et de ce réceptacle matériel. C'est ce que dit auteur du Masnavi — que Dieu sanctifie son esprit — : Wg eects é Ae O frrére, ton étre est a l'image de ta pensée, SA heels ia Pour le'reste tu n’es que des os et des nerfs, ak Se ee + A a Fah at Si ta pensée est une fleur, tu es comme un parterre A SLs apy Seater lea el [leuri HU OIF Mais si elle est faite d’épines, tu n’es que ronces & 415 oF Stil gis BEE [brdler™! Hy cet 2p EIN opty ot at HEN a 9 tS the ny Il faut done que tu t’efforces de te dissimuler a ton es ety 22 Ca dee Slee ta liyeye Slee Hes propre regard, pour vapprocher de cette Essence — JMOL S Wendie Foccuper de cette Réalité ontologique (hagigat) — dont la 7 = Fo ales a! SUS Te ol beauté se manifeste & travers les étants (mowjuday) a leurs oe différents degrés, et dont la perfection se reflete comme en un miroir dans les différents niveaux des étres (mardiebe kayendy). Persévere dans cette mise en rapport des étres {avec Dieu) jusqu’a y insérer ton Ame et que ton étre s’éléve devant ton regard. Des lors, si tu te regardes toi-méme, 30.Jaliloddin Rumi, Masnavi, éd. Nicholson, I, 277-278, 56 57 Jaillisseme PRO 5 bol 4 59, esgl SS GelOly 298 alley te daly PIS Feo bra eee (AR ot 95 2 5 y ape iy PO Ft mi ban F Ghee ey Je eet FOL VA Nt LL so Boba sn 58 nis de lumigre S129 Fly 5g Je ig ok FD BUS NL pa ageS a) westet tc Are Slee g PSI FANS Seyissso) (oe stots Ole ta peti, 5 be oe Fs | ee bb FM ek AL Sy atts St al apd lp be yo Uy iy I SS hee ge Peel aay, eae Jami clest vers Lui que tu te tourneras : ce que tu voudras expri- mer de toi, c'est de Lui que tu l’exprimeras; ce qui était conditionné par la finitude (moqayyad) deviendra absolu (mortlag) et « Je suis le Vrai » (and 'I'Hagq) deviendra « 11 est le Vrai ». Quatrain $'l pose une fleur en ton coeur, sois fleur! Si c'est un rossignol passionné, sois rossignol ! Tues une partie — le Vrai est le Tout. Si pour quelques ours Ta pensée se concentre sur le Tout — sois Tout! Quatrain Ce mélange de mon Ame et de mon corps —c’est Toi [qui en es la raison ultime! Ma vie et ma mort — c'est Toi qui en es le but ultime! ‘Toi, vis longtemps! car « moi » j'ai déja disparu... Si je dis encore « moi » en parlant de moi —c'est Toi le [sens ultime! Quatrain ‘Quand déchirera-t-on enfin ce voile od I'Btre se cache ? La beauté du Visage absolu devenue resplendissante, (Mon) cceur se mourant dans la violence de Sa lumiere, Mon ame se noyant dans les conquétes de Son amour ? 31. Le oelebre aphorisme mystique cité ici est attribué & Mansur al- Hallaj, Massignon traduit : «Te suis la Vérité eréatrice » La suppression die fo» e dela dualite je Dieu permet de contourner les objections théo- fogiques qui voient dans {a formule hallajienne une vision incarnation- nite, condamnée par Tislam, Commentaire de Molla Emid, folio 17 : tt AnareHagg ne renvoie pas ick & la parole de Mansur (Hala), mais au ‘gens intuitif du moi” auquel sont rapportés les actes du fidéle quand il dit "mon esprit”, "mon cour”, etc. Ce sens intuitif, dans ordre naturel, rrevendique te degré divin par rapport aux autres facultés naturelles Lorsque apparalssent les attraits mystiques, et que disparait le moi, out ce qul se Fattachait au moi se rattache désormais au Vrai, » 59 Jaillissements de lumiere « Fl ayy 9 Ol 53 eA Se es Tt yt ° FA JE CS TYE gt Ss, Le os Land Ss ne ib Be tS Om Rar ys ay pi 5 Oust ys oo bly F nti Cail “ pee BME AE ods ily Sh ai Cie aay 4 NS hs i poe Sta a 3 7 5 See Se SL i ae z Hh he oy yi PB Saas Sw ble a de Pte ply 60 Jami Septiéme illumination Il faut t'entrainer & maintenir ce noble rapport”? de sorte qu’a aucun moment et dans aucune situation tu n'en, sois démuni : quand tu vas et que tu viens, quand tu manges et que tu dors, quand tu écoutes et que tu parles —en un mot, dans tous tes gestes et tes attitudes cette relation doit étre présente & chaque instant afin que ta vie ne dégénére pas en vanité, Surveille méme ton souffle pour ne pas le disperser. Quatrain Bien que, année aprés année, Tu ne montres toujours {pas Ta face Mon amour pour Toi est loin de souffrir un soupgon de {déclin. Jai, partout, avec tous et en toute circonstance, Dans le coeur l'espoir de Toi et dans les Yeux Ton Limage. 32.11 s'agit du rapport des étres @ I"Btre absolu évogué dans Ia sixiéme illumination, dans lequel lame est invitée & se redéfinit. "33, Allusion sux techniques de méditation par controle du souffle, permeitant une meilleure concentration par le ralentissement des fone: Hons organigues, Commentaire de Molla "Emd : « Certains disent qu faut prendre appa sur le souffle: chaque souffle est un joyau précieux dlont le Donateur du souffle connatt le prix. On ne peut obtentr la vie éter nelle si on laisse s"échapper le souffle dans la négligence. On appelle cela Ta “garde du soutfle” (pase anjés) ou la “conscience dans le souffle” (uk dar dem), X")a Naqiband était partisan de cetie méthode : de méme que {a plas importante eceupation du temps est de remémorer le passé et de penser at futur, Er il ne faut pas lnisser se perdre le souffle.» ‘Sur ce sujet, voir « Une technique soufie de la Priere du cceur », in Petite Philocalie de la Priére du cecur, Paris, 1953, réédition 1979, 6 Jnillissements de lumigre pie bey Sls Oy y Stil St pat om ay ee 1s SOM ose TTS Ope a se iss oS She ah ge at we PHT Sse ayes Fb oy A Oe oe ee 1 6 atl UI Coty : EM Sel diy HS shail gine oul 3 Fel le 2a (IE Pe ee aS I ie the ae cp UF ASHI gy bly ol 2D Pe Mapa te a yng Gaile Cray Ay chile 5 it Ae Site a coe 7 eae HF 6 Srp yt a ae H Pt 5 es ays a PAE Shas 9 sone HLS 62 Jami Huitiéme illumination De méme que l'extension & tous les instants ct & tous les, temps (de la vie) de ce rapport a l'absolu est une nécessité, de méme son approfondissement qualitatif, qui consiste & se défaire du vétement des étres créés (akvan) et & se gar- der de préter attention aux formes de la contingence (sovare emkan) — est impérative. Or ceci n'est réalisable que par un zéle inlassable et per un effort radical pour effacer de esprit les images fugitives et les fantasmes. Le rapport & 'absolu sera d’autant plus fort que ces images fugitives auront été mieux effacées et les tentations mieux dissipées. Il faut s’efforcer de faire en sorte que ces images dispersées aillent se loger en dehors de Ia poitrine™ et que la lumiere de l’apparition de I'étre du Vrai (Hag) —loué soitdl! —envoie ses rayons vers l'intérieur (baten) et te ravisse & toi-méme en te libérant des ennuis causés par tout autre que Lui, I] ne te restera ainsi ni conscience de toi, ni conscience de ton inconscience : « mais il ne restera qué Dieu Unique et I'Un » (al-Vahed al- Ahad}. Quatrain Seigneur, par ton secours je suis délivré de ma propre Tanimalité | Coupemoi du mauvais, délivre-moi de mon mal ! Dans Ton Etre, rends-mot inconscient de moi (az xod bi- [eod)! Pour me libérer de la conscience et de l'inconscience de moi. 24k I technique du soe & Ings septa lamination & {ait allusion. 35, Commentaire de ce passage dans Inutsu, Unicité de Uexistence, pp. 2021 63 Jaillissements de lumiere NB time oh sy 7 Hels SHY ET, Jami Quatrain Pour celui dont I’anéantissement est Ia méthode et la Tpauvreté la regle I n'y a plus ni vision ni certitude, ni mystique ni [religion. Celuila a disparu : ne reste que Dieu, Diew! Voill ce que veut dire « la pauvreté parfaite c'est [Dieu ! »¥ 36, Sentence classique du sougisme, présentée comme un hadith 65 Jaillissements de Lumiere pt eu She be Bb Be oe gh el Maly SOT onhe SF SS ates 9 dL yt Be 2b int oe cl g OE sll GI Sante Tay ST abd y tls yt gl LE tes ly feel code Li ya LS (FT Spey God ST oye a cats AHL Sle Tg yt PES Se es a AE ait iF hee He cle SOLS j ot Pe SU 66 Jami Neuviéme illumination L’anéantissement (fad) consiste en ceci : la conscience secréte (bdten) est envahie par la manifestation de l’Btre du Vrai, et il ne lui reste plus aucune conscience de ce qui est autre que Lui. L'anéantissement de I’anéantissement consiste en ce qu'il ne reste méme pas le sentiment de cette inconscience. Test clair que l'anéantissement de l'angantissement fait partie du processus de I'anéantissement. En effet, si celui qui s’anéantit garde conscience de son anéantissement, il n’accéde pas vraiment & l’anéantissement, car V'attribut « anéantissement » et « celui-qui-enest.affecté » font par- tie de la catégorie « autre que le Vrai » — loué soit Il! — et Ja conscience qu’on en a est contradictoire avec (la défini- tion de) 'anéantissement. Quatrain Si c'est ta propre perdurance (bagd) que tu recherches Comment videras-tu d'un seul grain le grenier de ton etre? Tant que tu gardes conscience d'une seule pointe de tes [cheveux, Situ te vantes de suivre la voie de l'anéantissement, tu [t’égares, 67 Jaillissements de lumiére we) Su eR hes ole pe I ats cel! phe Olgas faa y o3,F ah PAT Loe 245 hh coecy, oy Sib as 68 SENN as lS oe ol ds Oui? uk, ; eit ee ie Oe oe, StS oth Ssh wai eb LG yy ey Jb S37 AL Gla lols lal 9 OY gles Las jl gl abl y Cl M8 Tad Odie yl ey jl BLS at fh Jami Dixiéme illumination (Confesser) Vunicité (towhid)*? consiste & unifier le cocur, c'estavdire & le libérer et & le purifier, & la fois par la quéte et la volonté, par Ia connaissance et la mystique, de toute attache & ce qui n'est pas Dieu — loué soit Il! Cest-a- dire que (le soufi) doit détourner sa volonté et son désir de tout ce & quoi ils visaient, et que tout ce qu'il savait et intelligeait doit étre oté de son regard. Qu’il se détourne de tout et qu'il ne garde Ia conscience que du Vrai— lou soitII! 938 Quatrain Llunicité selon Je soufisme, 6 toi qui chemines, Cest de libérer son coeur de lattention qu'il porte & [d'autres (que Dieu) Je te livre ici un secret de haut degré dans la spiritualité [des oiseaux — A condition bien sar que tu comprennes Je « Langage [des Oiseaux». 31. Towhid désigne généralement la reconnaissance de l'unicité de dieu, selon la formule de la profession de foi musulmane : « Iln'y a de dew que Diew. » S38 Le ms. du British Museum Add, 16819 ajoute ict ce dit de X"Aja “Abdollah, Anshri : « Le towhid nest pas seulement de eroire qu'll est tunique, mais e'étre en tolméme un avec Lui, » (Whinfleld), 139.Cr. le Coran, XXVI, 16: « Salomon hérita de David et il dit : "6 vous les hommes! On nous a appris le langage des ojseaur..” » Le theme de ces versets a été développe par Faridoddin ‘Attar dans son poéme intl Ile Manteg alteyr,« Le langage des oiseaux », qui est le réclt rune quate mystique au terme de laquelle Tes olseaux du monde découvrent que leur Seigneur-toi est en euxmémes. Cf H. Corbin, Avicerme et le réett vision naire, Paris, 1979, p. 194 sq. Sur le syinbolisme traditionnel de ce theme, voir R. Guénon, « 'a langue das oiseaux », in Symboles fondamentaux dé la science sacrée, Paris, 1962 69 Jaillissements de lumiere pail dou a #1? Sl BE Sah yw ls g sd Bele hip tie lS yal cys aly 4% TS plate fey bbs She Toe UE cul ; Wy AS ale Tg Sig 39 Sy bb Gl ME eel I le T ties aul el, . le eas HM Ve OG y aailae bb 70 mn Se i etal Jami Onziéme illumination Tant que l'homme est pris au pitge de la concupiscence et du désir, son rapport (a l'absolu) peut difficilement se maintenir. Mais quand l'attrait de la grace (divine) agit sur ui, et repousse de sa conscience secrete (baten) 'accapare- ment des choses sensuelles et intelligibles, sa délectation domine ces plaisirs corporels et les délices spirituels. Les peines de leffort spirituel se dissipent alors et une délecta- tion contemplative envahit son Ame : lesprit se débarrasse des impédiments causés par d'autres (que Dieu) et, d’une Jangue inspirée, se met & chanter cette hymne : Quatrain © Toi que le rossignol de mon ame est ivre de [remémorer © Toi dont la remémoration fait disparaitre la cause de [ma nostalgie La ferveur qui m'étreint quand je Te remémore Renverse dans leur fondement tous les délices du Imonde, 40. Image de la poétique persane classique : le rossignol amoureux chante toute la nuit pour la rose de son cur. n BH OS oy cl Sis Sy oie es Sy hf I OA UU 5 pleas BE A hh 72 Jaillissements de tumiére (P2592 out Lee Gale ith Ope Se Foe ol Sh i : tee : Wb tL SL apt yo le YBa ne Sells FF als Oke y ao jb hy 4 sls Gly AE LS ST ap eel T Glee a Botha S ere TB. Cd - HH een | Sect ils age OSG. Fe iS Om ee il alpina elm potytde Jami Douziéme illumination ‘Quand le chercheur sincere aura ressenti*' les prémices de ce rapport mystique — de cette délectation — il trou- vera en lui le Vrai — loué soit-II) Il faut qu'il emploic tout son zéle & éduquer et a renforcer ce « rapport » et qu'il se garde de tout ce qui est en contradiction avec lui, Ainsi il Saura que s'il consacrait Ia vie éternelle & ce rapport (3 Pabsolu), i n’aurait encore rien fait; ce ne serait pas suffi- sant pour lui rendre ce qui lui est da. Quatrain Lamour a fredonné une mélodie sur le luth de mon [eceur. Et cet air m’a transformé en amour de la téte aux pieds. En vérité on ne s'acquitte pas, méme pendant des 7 [sitcles De la dette contractée pour un souffle d'amour! AL, Litt, + « remémoré 42, Nesbate jazaba, it. « ce rapport de séduction (spirituelle) », 2B Jaillissements de lumiere SN GS gk le ener 2 ie Lan NIRS y Sans Say ; ae Bi US PN GIT Ope yas tad DLs 2 6 anf le ya 6 ols lr batt pe ate Sy ae FL Hole! ft gly Sue gl g lag SUES Bien ay di gw - 5 : At est hss Sn geass @ isd 5U, EI Gs pes pe as dst ; & Us ite ail oe BO do shelton Ss, Fee, Lipo kes 7 primis | WEL ati | 74 pare Jami Treiziéme illumination La réalité ontologique du Vrai (hagigat-e Hagq)—loué soitIl—n'est autre que V'Btre (hasti), et Son Etre ne connait ni la décadence ni la vilenie. Tl est pur de toute qualification de changement ou d'évolution, ou de toute disgrace, comme la pluralité et la multiplicité. 1 est dépourvu de toute sorte de signe extérieur. II n'est contenu ni dans Ja connaissance ni dans la perception visuelle. Toutes les quantités et les qualités (les « combien » et les «comment ») sont comprises en Lui, et Luiméme n'a ni «combien » ni « comment ». Toutes choses sont percues par Lui, mais Lui-méme est inaccessible aux perceptions. L'czil est ébloui par la contemplation de Sa beauté, et la vision mystique” serait obscurcie sans la considération de Sa perfection. Quatrain 0 Celui pour l'amour de Qui je fais don de mon esprit » Tues & la fois en haut et en bas, ni en haut ni en bas. Leessence de toutes les choses est autre que leur existence, et subsiste par elle. Mais Ton essence est I’Existence pure et I'Btre par excellence. Quatrain Qu'Tl est incolore I’Aimé que tu cherches, 6 mon coeur! Ne te laisse pas surprendre par les couleurs, 6 mon [eceur! Le principe de toutes les couleurs, c'est cet Incolore. «Pas de meilleur coloriste que Dieu »** 6 mon coeur! 42: 3eu demote; Eine sr, al de a ute», Fl hysau ides sere «Feel des mnystéres» Invision mystighe “28 Gorda, th 132/138 D. Mason tradait "+ Lonction de Dieu! Qui peut tieur que Dieu donner cette oncton ?»,en indiguant en note le Bons Concrete sebgo, «teint» 75 Jaillissements de tumigre Page douy Seti bee ola, Dest eat PPE NE ae 15 HT Cal Ole se Oi Slee Ses ss yt oleh otal Sy EE Foe ay bs oe 31894 lage GU Gay et 2 tlss Ble Chipnye bs este, lS Tu ge elle 5 55) 8 el BB yee wedlaty le oes J : 2 IOS ee uF pyy kis WE 6 ay oe : So Ee S aly ees On ik Mg DD beans hs : MS sie OL] Pr iay 76 Beet Ke Sb ats Lal Es es sol Gh I Ale T Sins alge y USP Jami Quatorziéme illumination On donne & « Existence » (vojud)'* deux sens : —tantét le sens de « réalisation » et de acquisition » (tahagqog va hosul): il prend alors des acceptions de nom daction et de concepts relatifs; sous cet aspect, l'existence fait partie des intelligibles « seconds », qui n'ont pas de corrélat dans le monde extérieur : existence est alors « ajoutée » par une opération de l'intellect a des quiddités, comme l'ont expliqué savamment les philosophes et les théologiens; —tantét on emploie « existence » pour désigner une réalité ontologique (hagigati) dont l'étre est par son essence; et les autres étants existent également par elle : en réalité il n’y a pas d'autre étant qu'elle dans le monde extérieur, et l'ensemble des étants sont ses accidents qui subsistent par elle, ainsi que l’ont prouvé par intuition les grands mystiques et les plus avancés parmi les « hommes de certitude », On applique ce terme (« existence ») au Seigneur Vrai —qu'll soit loud et exalté! —dans le second sens, uni- quement. Quatrain Liexistence (hasti) ne serait, selon Vintellect des esprits [bornés, Qu’un accident des essences des réalités ontologiques Ua'yan-e hagdyeq).. Par contre, selon les révélations des mystiques, Les essences sont toutes des accidents, le substrat c'est existence (vojud) ir le Iexique. La critique faite ici par Jami de la premizre défi- intellectualiste, de Vexistence, est inspirée par le principe de de Tacte dexister » (vahdat alvojud) d’Bbn ‘Arabi, souvent 1 existentiel» nition Te appelé trompeusement « me 7 Jaillissements de tumigre Jami Quinziéme illumination Les attributs sont autre que l'essence (zat), selon ce que Vintellect comprend, mais ils sont I'Essence méme réelle- ment et ontologiquement*, Par exemple, « Celui q connait » est l'essence par rapport & lattribut « connais- sance », « Celui qui peut » par rapport & la « puissance », « Celui qui veut » par rapport & la volonté »... Aucun doute que, autant qu'lls sont différents entre eux quant au concept, ces attributs different aussi de l'essence. Mais, selon la réalité et Vétre, ils sont l'Essence méme, puisqu'ici, il n'y a pas plusieurs existences (vojudate mota'added), mais une unique Existence (vojudi-st vahed), et les Noms et les Attributs ne sont que des rapports & Elle et Ses aspects. Quatrain © Toi dont l'essence est pure de tout défaut A tous les {niveaux, Dans Ta réalité on ne peut trouver ni « comment » ni [ou ». Par l'abstraction de intellect, les attributs sont tout [autres que essence) ‘Mais avec Ton essence, en réalité, ils sont identiques. 46. Jami analyse ici Ie malentendu de la conscience naive qui tune multiplicite de existence : intellect décompose les differents atl: buts et les impute A des essences diverses, alors que la réalité est tout autre. En partant de la réalité d'une Essence unique, on peut déduire les différents rapports selon lesquels cette Essence se manifeste. '47. Comprendre ici lssence absolue, identique & V'Btre, dont on a parlé juste avant, 9 Aaillissemenes de lumiore paslt iegy OAD Shia Sitalt ys eisyeyey Sls i AS ghee bby Alb y aT ts sl aol : (EL Ce ly Sy | [ Jami Seizieme illumination L’Essence, en tant que telle, est exempte de tout nom ow tout attribut, et pure de toute relation ou proportion. On ne peut en effet I’en qualifier qu’a partir du moment ot elle se tourne vers le monde phénoménal (‘lanve oh) Dans la premiére épiphanie (iajaili), au cours de laquelle celle se révale A elle-méme, par elleméme, le rapport entre Ia connaissance, la lumiére, existence et la vision intui- tive Goltud) est ainsi posé dans la réalité : la connaissance nécessite un étre connaissant et un étre copnu, la lumiere a pour conséquence le Fait de se manifester (zdheriyat) et le fait de manifester (mazhariyat); existence et Ja « vision intuitive » (vojud va Sohud) sont dérivées du fait de « trou- ver » et d'« étre trouvé » (vdjediyat va mowjudiyal), ainsi que du fait d’x étre présent visionnaire » et d's étre objet dela-vision » Gahediyat va mashudiyat)" De la sorte, Papparition (zohur) qui est le concomitant de la lumiére, est précédée par l'occultation (botun), qui posséde donc Fantériorité ontologique et la primauté par rapport & Vapparition. Ainsi (dans la premiére épiphanie) le Nom divin est individué en « Premier » et « Dernier », « Appa- rent » et « Cache »®, 48, Cest dja dans Ia premigre épiphanie que "Essence absolue se revel tes tiributs et des relations. Comparer & illumination XXXVI 00 Sont décrites deux sortes d'épiphanies de Etre absolu 8 Soi-méme et tt monde. Voir eussl Kaséni, Esteldhde, p. 174, .v. alejall: i distingue trois sortes ’épiphanies; Ia premiére, de U'Bire & Somme; la seconde, calle des étres individués éternels; la troisieme, celle du Vrni sous la forme de Ses Noms dans les étres contingents (aiajaft al Sohal 19. Allusion au verset du Coran, LVI, 3: « Il est le Premier et le Der ser est apparent ts ox ach. conatparftement 81 Jaillissements de lumiere Peel el lis tayet JUL, ue OS eo sl iF oe es] ler Obs Pesala agent , Olas te g ! BL ORE tet lind OM nets HL Le ays & é wos, | we Dh ILS ss plot] Oss days 2! ie ws ola: OSs dy GL Obs Oey TL us weiss AG, rd PWG Se FAs Jami Et de méme, dans la deuxiéme épiphanie, et la troi- sitme,—etc., tant que Dieu le veut — les rapports et les relations doublent. Plus Ses relations et Ses noms s'afoutent, plus Sa manifestation et surtout Sa dissimula- tion (aja) augmentent. « Gloire a celui qui Se dissimule par les manifestations de Sa lumiére et Se manifeste en étendant devant Lui Ses voiles! » Sa dissimulation (xafé) est fonction de la pureté et de I'absoluite (serdfat va etldq) de Son Essence, et Sa manifestation fonction de Ses lieux de manifestation et de Ses individuations. Quatrain Jai parlé avec ma mie au visage de rose : « — 0 toi dont [la bouche est en bouton Ne cache pas tonjours ton visage comme les bouches Teoquettes ! » Elle éclata de rire : «—A lencontre des belles de ce [monde Dans les voiles je suis visible — et sans voiles cachée! » Quatrain On ne peut voir Tes traits sans voile. On ne peut découvrir Ton regard sans éeran. Pour auttant qu’on soit dans l'Orient le plus parfait On ne peut découvrir la source du Soleil. Quatrain Quand le Soleil projette sur le globe son étendard de Qumiére Son rayonnement nous aveugle a distance, Mais s'il se manifeste derriére un voile de nuées Le spectateur en est illuminé sans étre géné. 83 Jaillissements de lumiere posia fowy Sr bat, < : ame Saal Uy oe ct See Fay dil ota 2 tall calles eM ole a v3 I um NS at Sl UG Sha ae Ce Ee es jolie FE BSL Ce haat tet «| 43! Glatt eal ESWC 9 ee slyny uaa FT yb Cot gt tas ool £2 Sut FS aT 2 29 eh esol Loy cul Lal OS Gili an 5 cote Seely hie ob Le (Wet Cable ie Oo eee te al ae 7 BION s gle Sle Oy jess on le te ol oe : ‘ Dix-septiéme illumination La premiére individuation (ta’ayyon) est la pure unité (vahidat), la pure réceptivité (qdbeliyat) qui englobe toutes les réceptivités, que ce soit I'aptitude (gdbeliyat) a la priva- tion de tout atiribut ou aspect, ou bien l'aptitude a l'attri- bution de tout attribut. — En tant que dégagement (tajarrod) de tout aspect, qui inclut a la limite le dégagement de l’aptitude a ce dégage- ment, c'est le degré de I'e unitude divine » (ahadiyat)® : & cette unitude reviennent le secret (botun), la priorité onto- logique et la prééternité (azaliyat). — En tant qu’attribution a l’unité pure de tous les attri- buts et aspects, c'est le niveau de I'e unité seconde » (vahe. diyat) qui posséde la manifestation, la postériorité ontolo- gique, I'éternité (abadiyat). *Certains aspects du niveau de I's unité seconde » (véhediyai) sont tels qu’on peut en qualifier I'Essence sous Vaspect du niveau de la « totalisation » jam’) — quills soient sous la condition d'une réalisation actuelle, et de Vexistence de certaines réalités ontologiques du monde dit devenir (kowniya) comme I’état de ce qui crée, et nourrit, etc. — ou non, comme la Vie, la Connaissance, Ia Volonté, etc. Ce sont les Noms et les Attributs de la Divinité et de la Seigneurie. Alors la forme de I’étre-connu (ma‘Tumiyat) de VEssence est revétue de ces Noms et Attributs que sont les réalités ontologiques divines. Le fait que l'apparence de VBtre (there vojud) en soit revétue n’entraine pas une multiplicité de existence. 50, Ou « unitude fonciére #; nous empruntons cette terminologie & 1. Corbin, 85 Jaillissements de tumiere IF tye heel wT - Hele Te OI Guat hy g ain 9 LS jt Aly Obs! ole oot ie as ors ab oF a ee ; 3 NF Bi ola Dee : poe I Coyle weal sayy as a Ser 2h oe GT UT y (tS 2st ols Bah, 7 ea OL pe Be aS tie PU Coll ep ce sl Joe Al eae yl steele ais fe ote ey Tinos ty ‘Fas a gl! ll et le | YN apd y oly Ba aha eet ae Loli gee yo 19 PE Geer a clay Ne» 9 Ie ess oy Chui gle | weed 86 Jami *Certains autres (aspects) sont tels qu’en qualifier Essence revient & Lui attribuer les niveaux du monde du devenir (kowniya) : comme les différences spécifiques {fosul), les propriétés caractéristiques (xavdss), les indivi- duations (ta'ayyondt) — qui distinguent les unes des autres les essences individuelles (a'ydn) du monde extérieur. Les formes de I'étreconnu de I'Essence, revétues de ces aspects, sont les réalités ontologiques du monde du deve- nir, Or le fait que l'apparence de |'Etre soit revétue de leurs statuts (ahkdm) et de leurs effets entraine nécessaire- ment une multiplicité de l'existence (ta addod-e vojudi) Certains étres du monde du devenir, au cours de I'effu- ion en eux de l'existence (vojud) par I’« unitude de la tota- lisation » des niveaux de lexistence, et par la manifesta- tion, en elle, des effets et des statuts propres a ces niveaux, ont Vaptitude & manifester tous les Noms divins — sans avoir cependant la_nécessité ontologique (al-vojub al-zéti) — selon des différences de degré dans la manifesta- tion : plus ou moins intense, ou selon sa qualité de domi- nante ou de dominée*'. Ce sont les individus parfaits du genre humain, les Prophétes et les Saints. D’autres ont I'aptitude a la manifestation de certains (Noms) seulement, et exclusivement, selon les differences évoquées, comme pour les autres étants. La Présence de I'Essence Se diffuse par l'unitude fon- citre de la totalisation (ahadiyat-e jam’) des niveaux divins et du monde du devenir, dans la prééternité et la postéter- nité, dans toutes ces réalités ontologiques qui sont la parti- cularisation de I’étape de l'unité seconde (vahediyat); Elle S'y épiphanise, que ce soit dans le monde des Esprits (alarve arvéh) ou dans le « monde imaginal »* ou dans le monde des sens et de la vision intuitive @ahddat); que ce soit dans ce monde ou dans I'au-dela, 51. Ck Nagd alnosus, p. 93, L. 48. La difficulté de ce passage est accents parle madlange du persan ode Terabe, Sur ahadyate jm ‘oir le Lexique. 52. Alam atmesdl, trad, empruntés & H. Corbin; voir le Lexique. 87 Jaillissements de lumidre Jami Ce qui est visé tout au cours de ce processus est la réa- SF BEM pt ys lisation ontologique et Ja manifestation de la perfection ip cles rey oie des Noms, qui est la perfection de l'épiphanie (de I'Btre) au PB ab gis ach aes La shag monde et & Soi-méme (kamidl-e jald va estejla)* : la pertec- Sb oly css aurea de 24 5 yal tion de l’épiphanie au monde, c'est-i-dire Sa manifestation 4 of alse oe selon ces aspects Son épiphanie & Soi méme, c'est ive de Soi-méme, selon ces mémes aspects. Cette manifestation et cette vision pré- sentielle ont l’évidence d'une essence individuée (a'yani ‘eyni), telle 1a manifestation et la vision intuitive du Tout dans les parties. C'est inverse pour la perfection de VEssence (kamdle zdti) qui est la manifestation de VEssence & Soi-méme, en Soi-méme et pour Soi-méme, sans référence & autre que Soi ni A V'altruité; cette der- | fae nigre perfection est une manifestation accessible & la Cr ey eS or Z connaissance secréte (zohuri-st ‘elmi geybi), comme la Gralla manifestation des parties dans le Tout. Pain sal Ope cs 5 JUS Psi ot ae L’autosuffisance absolue (qand-ye motlag) est un conco- | mitant de la perfection de I'Essence. L/autosuffisance | absolue, cela veut dire que, quels que soient leurs statuts | et leurs concomitants, les niveaux, les états et les aspects i de VBssence, qui apparaissent tous ensemble d'une i maniére universelle et générale dans le secret de I'Essence a tous les niveaux des réalités ontologiques divines ou du monde du devenir, ont une existence visible et établie; et i de méme tout est inclus dans l'unité de l"Essence (fi vahida- tehd), Cela se manifeste, s'établit et se pergoit dans les dif- férents niveaux des réalités, pour la totalité de leurs for- mes et de leurs statuts*. En ce sens I'Essence n’éprouve pas le besoin de existence de tous les étants, comme I le dit —loué soit-l | « Dieu se suffit & Luieméme ; It n'a pas besoin de I'univers +, 53. Ch. Nagd almosus, p. 41, 1 24, €t 85, 1.13. 54, Malgré Ia construction compliquée da passage, le sens est clair: Vautosuffisance de Etre n'est pas un isolement, mais un englobement de toutes chases. 55. Coran, XXIX, 5 88 89

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