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BIOMASSE :

UN RÉEL POTENTIEL POUR


LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ?
WWF France, janvier 2022
WWF

Le WWF est l’une des toutes premières organisations indépendantes de protection de l’environnement dans le
monde. Avec un réseau actif dans plus de 100 pays et fort du soutien de près de 5 millions de membres, le WWF
œuvre pour mettre un frein à la dégradation de l’environnement naturel de la planète et construire un avenir où
les humains vivent en harmonie avec la nature, en conservant la diversité biologique mondiale, en assurant une
utilisation soutenable des ressources naturelles renouvelables, et en faisant la promotion de la réduction de la
pollution et du gaspillage.

Depuis 1973, le WWF France agit au quotidien afin d’offrir aux générations futures une planète vivante. Avec ses
bénévoles et le soutien de ses 202 000 donateurs, le WWF France mène des actions concrètes pour sauvegarder les
milieux naturels et leurs espèces, assurer la promotion de modes de vie durables, former les décideurs, accompagner
les entreprises dans la réduction de leur empreinte écologique, et éduquer les jeunes publics. Mais pour que le
changement soit acceptable, il ne peut passer que par le respect de chacune et de chacun. C’est la raison pour laquelle
la philosophie du WWF est fondée sur le dialogue et l’action.

Monique Barbut est présidente du WWF France et Véronique Andrieux en est la directrice générale.

Pour découvrir nos projets, rendez-vous sur : wwf.fr

Ensemble, nous sommes la solution.

Remerciements
Le document « Biomasse : un réel potentiel pour la transition énergétique ? » est issu d’une démarche collaborative,
menée conjointement par le WWF France et le bureau d’études Solagro.

Nous remercions chaleureusement les interlocuteurs, intervenants ou participants qui ont montré leur intérêt
pour cette approche et ont accepté de partager leur expérience pendant toute la démarche présentée dans
ce document. Leurs connaissances, pratiques et techniques, ont permis de faire vivre le cycle d’ateliers organisé
avec Solagro sur les conditions de prélèvement et de gestion des biomasses agricoles et forestières.
Nous remercions tout particulièrement les acteurs qui ont relu ce document et y ont apporté leur regard critique.

Merci aux équipes du WWF France pour leurs contributions et relectures : Bastien Alex, Ludovic Cuisinier,
Luce‑Éline Darteyron, Arnaud Gauffier, Manon Legeay, Isabelle Marx, Antoine Meunier, William Nait Mazi,
Laurine Ollivier, Thomas Uthayakumar, Daniel Vallauri.

Merci aux équipes de Solagro pour l’étude, la réalisation des simulations et la rédaction technique, notamment :
Christian Couturier (Solgaro), Sylvain Doublet (Solagro) et Florin Malafosse (Solagro).

Merci aux contributeurs et participants aux ateliers : ADEME, AgroParisTech, Alternatives économiques, Canopée,
CIBE, CNPF, ECOFOR, FNCCR, FNE, FSC, France Stratégie, GRDF, Humanité Biodiv, IDDRI, INRAE, ONF,
ONRB, POLE IAR, Réseau Alternatives Forestières, SER.

Rédaction du rapport
Florent Chardonnal (WWF France), Miora Frossard (WWF France) ;
Partie Agriculture : Manon Legeay (WWF France), Isabelle Marx (WWF France), Thomas Uthayakumar
(WWF France) ;
Partie Forêt : Laurine Ollivier (WWF France), Daniel Vallauri (WWF France).

Coordination de l’étude
Florent Chardonnal (WWF France), Marie Kazeroni (2020, WWF France).

Photos de couverture :
© Jan-Otto / istockphoto-157648683-612x612
Usine de Biogaz

© WWF-US / Zachary Bako


Copeaux de bois
2
Aboutage Technique d’assemblage de pièces de bois de bout en bout pour obtenir une pièce en
longueur
ADEME Agence française de la demande et la maîtrise de l’énergie
Agroécologie Ensemble des méthodes de production agricole respectueuses de l’environnement
Agroforesterie Mode d’exploitation des terres agricoles qui associe des arbres aux cultures ou à l’élevage
AIE Agence internationale de l’energie
Artificialisation des Selon le MTE, l’artificialisation des sols est la transformation d’un sol naturel, agricole ou
sols forestier pour de l’aménagement qui mène à une imperméabilité totale ou partielle des
sols
BE, bois énergie Bois utilisé pour la production d’énergie : chaleur ou électricité. Le bois bûche est souvent
utilisé par les particuliers, mais de nouveaux produits sont apparus comme la plaquette
forestière et les granulés bois (pellets)
BFT, bois fort tige Tige principale de l’arbre jusqu’au diamètre de 7 cm
BI, bois industrie Le bois d’industrie est en général du bois de petite dimension, inutilisable en bois d’œuvre
mais pouvant être valorisé selon d’autres utilisations industrielles (panneaux de particules,
papier et carton, chimie verte...)1
Biocarburants Carburant issu de la biomasse
Biogaz Gaz combustible issu des matières organiques, composé essentiellement de méthane et
de dioxyde de carbone
BO, bois d’œuvre Le bois d’œuvre est constitué de grumes destinées au sciage, déroulage, tranchage et
autres usages « nobles » de la filière bois. Après transformation, ces bois servent en
menuiserie, charpente, ameublement, caisserie.2
Bois rond Le bois rond comprend tout bois abattu et façonné, avant la première transformation
industrielle : grume (tronc coupé, ébranché et revêtu de son écorce), bille, rondin ou bûche
(INSEE)
Boulbène
Terre composée de sable, de limons argileux rougeâtres et de cailloux
Cogénération Production conjointe de chaleur et d’électricité
Connexes Résidus générés par la transformation du bois (sciures, chutes de bois…)
Cultures Cultures temporaires entre deux cultures principales ayant pour objectif d’améliorer la
intermédiaires fertilité des sols
Digestat Le digestat est un co-produit du processus de méthanisation dont les caractéristiques
dépendent de la nature des biomasses entrantes
Enquêtes annuelles
de branche, ou EAB Remontées d’informations des entreprises de travaux forestiers et de transformation
ENR Energies renouvelables
Futaie irrégulière La futaie irrégulière est un peuplement dans lequel diverses classes d’âge et de diamètre
sont représentées
GES Gaz à effet de serre
GRECO Grandes régions écologiques
Grume Tronc coupé, ébranché et revêtu de son écorce

1
https://draaf.grand-est.agriculture.gouv.fr/Bois-d-industrie.
2
https://draaf.grand-est.agriculture.gouv.fr/Bois-d-oeuvre.

3
IAE Infrastructure agro-écologique
IFN Inventaire forestier national
INRAE Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
Lamellage Assemblage de bois en lamelles pour fabriquer une pièce de grande dimension
Libre évolution Un espace naturel en libre évolution est un terrain pour lequel la volonté est de ne pas
intervenir. Cet espace évolue librement sans usage particulier pour l’homme, quelle que
soit son histoire agricole, forestière, industrielle ou autre. Ainsi, il peut désigner une friche
agricole vieille de cinq ans, un fourré humide de saules ou même une forêt non exploitée
depuis cinquante ans3
Liqueur noire Sous-produit de l’industrie de pâte à papier : solution aqueuse issue de la fabrication du
papier kraft, composée notamment de lignine et d’hémicellulose
LTECV Loi de Transition énergétique pour la croissance verte
Matière sèche Substance issue de matière organique qui reste après élimination de toute l’eau qu’elle
contient. Elle est la partie d’une denrée alimentaire ou d’une autre substance qui resterait
si toute sa teneur en eau était supprimée
Méthanisation Processus biologique de dégradation de la matière organique, appelé aussi digestion
anaérobie
Mm3 Millions de mètres cubes
Mm3eq Millions de mètres cubes équivalents bois rond
MOS Matière organique des sols
MTE Ministère de la Transition écologique
MtMS Millions de tonnes de matière sèche
Panneaux de bois Planches ou panneaux réalisés à partir de bois aggloméré
Plaquettes forestières (Pellet en anglais) Granulés obtenus en broyant du bois, sources d’alimentation des
chaudières bois
PPE Programmation pluriannuelle de l’énergie
Pyrogazéification Procédé de pyrolyse et gazéification qui consiste à chauffer la biomasse à température
très élevée pour en extraire du syngaz
Raison sanitaire Dépérissement trop important d’une forêt, qui mène au besoin d’une coupe rase suivi d’un
reboisement4
RED Renewable Energy Directive, directive de l’Union européenne relative à l’utilisation des
énergies d’origine renouvelable
SAU Surface agricole utile
SNBC Stratégie nationale bas carbone
SNMB Stratégie nationale de mobilisation de la biomasse
STEP Station d’épuration
TRL Technology Readiness Level. Échelle de 1 à 9 pour mesurer la maturité d’une technologie
ZAN Zéro artificialisation nette

3
Selon le Conservatoire des espaces naturels.
4
https://www.canopee-asso.org/coupes-rases.

4
La biomasse, littéralement la masse du vivant, représente l’ensemble de la matière organique
d’origine végétale ou animale présente sur terre et dans les océans. La biomasse terrestre se répartit
entre des zones à forte concentration comme les zones forestières jusqu’aux zones plus pauvres que
sont les déserts.

C’est la plus ancienne source d’énergie utilisée par les êtres humains et toujours la première
énergie renouvelable consommée en France aujourd’hui. Face à l’urgence climatique, la biomasse
est perçue comme une des solutions majeures de la transition énergétique. Elle peut être source de
différents vecteurs : gaz issu de la décomposition de la matière organique, carburants, énergie
thermique par combustion directe.... Il est crucial de comprendre quelle place elle pourrait occuper
dans le mix énergétique français selon un scénario de gestion agricole et forestière durable.

Le WWF France a initié en 2020 une étude avec l’association Solagro pour estimer la quantité de
biomasse mobilisable pour l’énergie en France métropolitaine en 2050. Dans cette analyse, nous
nous intéressons exclusivement à la biomasse collectée à partir des filières agricoles ou forestières. Les
déchets verts ménagers, les eaux usées, ainsi que les déchets verts urbains non-ligneux constituent
aussi des gisements de biomasse, non pris en compte dans la présente étude.

L’étude se base sur les travaux prospectifs d’alimentation et d’agriculture durables (scénario
WWF Pulse Fiction 2021) d’un côté, et de gestion forestière durable (scénario Fern Canopée 2020)
de l’autre. Dans le respect des Accords de Paris et du vivant, ces travaux permettent de fixer les besoins
prioritaires de production agricole pour l’alimentation et de définir une stratégie visant à optimiser le rôle
de la gestion forestière.

L’évolution des systèmes agricoles permet de dégager un volume de biomasse utilisable pour
l’énergie correspondant à presque 15 % de la consommation énergétique de la France en 20505.

Pour identifier la biomasse agricole mobilisable en 2050, il est nécessaire d’estimer les besoins
alimentaires des Français : c’est l’objet du scénario Pulse Fiction. En respectant les engagements
français pour la lutte contre le changement climatique, le scénario décrit les effets de l’évolution des
régimes alimentaires sur les systèmes agricoles. Tout en garantissant que les Français aient accès à
une alimentation répondant en qualité et quantité à leurs besoins nutritionnels, les systèmes agricoles
évoluent vers plus de durabilité. Passage à une agriculture plus durable (agroécologie, agriculture
biologique), développement des infrastructures agroécologiques, élevage en plein air et culture de
légumineuses permettent aux systèmes alimentaires de répondre aux enjeux climatiques et écologiques.
Sur le volet climatique par exemple, le scénario permet de diminuer de 55 % les émissions de gaz à
effet de serre du secteur, tout en abaissant de 45 % sa demande en énergie par rapport à 2010.

Cette image figée du système alimentaire permet de dégager les surplus de biomasse mobilisables
(ressources fourragères, fumier, résidus de culture et déchets de l’industrie agroalimentaire). Au total,
nous estimons entre 45 et 50 mégatonnes la quantité de biomasse (matière sèche) mobilisable
par an, soit environ un tiers du surplus produit.

Cette quantité peut être utilisée dans différents secteurs : énergie, construction, chimie, etc. L’estimation
des besoins relatifs à certains secteurs reste toutefois complexe et nous manquons à ce jour d’études
prospectives. La projection de la biomasse vers ces différents usages s’est donc faite selon les

5
Selon la Stratégie national bas carbone, la consommation énergétique en France en 2050 serait de 930 TWh/an.

5
connaissances existantes, ce qui peut conduire à favoriser la biomasse énergie, variable d’ajustement
des usages.

Nous considérons qu’en 2050, les biocarburants de première génération seront abandonnés, car non
durables. Les carburants de seconde génération, issus de biomasse agricole et estimés à 15 TWh/an,
seront principalement utilisés par le secteur aéronautique qui peine à trouver des alternatives aux
carburants fossiles.

La biomasse restante serait principalement fléchée vers le développement d’unités de


méthanisation (pour 100 à 110 TWh/an). Sous certaines conditions de durabilité que le WWF France
a étudiées en 20196, la méthanisation peut permettre la production d’une énergie renouvelable et
utilisable localement, s’insérant dans des systèmes de production compatibles avec une transition agro-
écologique.

Ces évolutions du système alimentaire et agricole induisent la libération d’une surface


importante de friches dans la continuité des boisements constatés au 20e siècle qui ne sont
toutefois pas considérés comme de la forêt exploitable à l’horizon 2050.

La gestion durable des forêts et la revalorisation des filières permettent de mobiliser un volume
de biomasse-solide pour l’énergie correspondant à 15 % de la consommation énergétique de la
France en 20507.

À cet horizon, 25 % des forêts sont laissées en libre évolution pérenne. En raison des difficultés
d’accessibilité à l’exploitation mécanisée et de choix volontaires de mise hors exploitation pour des
raisons sociales et écologiques, la surface forestière exploitée serait donc en moyenne de 75 % sur le
territoire.

Les taux de prélèvement sont équivalents à ceux constatés aujourd’hui, mais la qualité du bois exploité
est optimisée. Plus de 50 % des volumes de bois d’œuvre sont d’origine feuillue, soit le triple du
volume actuel. Le retour des haies en agriculture, l’agroforesterie, et le développement de l’arbre en
zone artificialisée permettent également de dégager des volumes exploitables de bois hors forêts.

D’ici à 2050, la gestion de la ressource de bois est optimisée et une relocalisation industrielle
importante est engagée. Les importations et les exportations, notamment en dehors de l’Europe, sont
fortement diminuées, voire stoppées, particulièrement pour le bois servant à des usages énergétiques.

La demande en bois se tourne vers plus de bois d’œuvre et de panneaux pour la construction,
mais dans un contexte de nouvelle construction en forte diminution, lié à la démarche de zéro
artificialisation nette. Le tissu industriel français, composé de petites et moyennes scieries, doit être
conservé ou re-développé et un accompagnement de l’aval de la filière est nécessaire : architectes,
menuisiers, charpentiers doivent être mobilisés autour des usages des bois feuillus pour répondre aux
exigences techniques de la construction basse énergie. Enfin, la substitution de l’ensemble des
emballages plastiques ne permet pas de baisser la demande dans la filière papier-carton malgré des
efforts de sobriété.

Le volume de bois-bûche autoconsommé diminue fortement et les usages énergétiques du bois ne


doivent pas représenter de pression supplémentaire sur la forêt. En dehors des usages domestiques et
du bois provenant de ressources hors forêts, seuls les résidus et déchets de bois issus des
transformations du bois d’œuvre et du bois industrie seront utilisés pour l’énergie. En 2050, le volume
de bois attribué à des usages énergétiques serait de 52 millions de mètres cubes équivalent bois
rond par an (13,2 Mm3 proviennent directement d’une exploitation en forêt dédiée à l’énergie ; 31,8 des
connexes des industries du bois et du papier-carton, et 7 du bois récolté hors forêt).

Lorsqu’il est utilisé pour produire de l’énergie, la consommation du bois émet du CO2 et crée une
« dette carbone » jusqu’à ce que ce carbone soit de nouveau absorbé par la forêt. Suivant la

6
WWF, 2020 : Méthanisation agricole : quelles conditions de durabilité de la filière en France ?
7
Selon la Stratégie national bas carbone, la consommation énergétique en France en 2050 serait de 930 TWh/an.

6
tendance actuelle, les réseaux de chaleur se développent et les usages du bois domestique
diminuent, ce qui permet de mieux valoriser les connexes et coproduits de la filière.

La biomasse possède un potentiel certain pour des usages énergétiques, mais son exploitation
ne sera durable qu’à certaines conditions

Selon les hypothèses prises en compte, en 2050, le potentiel pour la France métropolitaine serait
de 120 à 130 TWh/an pour la biomasse agricole et de 140 TWh/an pour la biomasse forestière.
Afin de participer à la lutte contre le changement climatique et à la transition écologique, de nombreuses
conditions de durabilité devront être respectées pour que ce potentiel énergétique soit bénéfique et
durable.

Notre étude nous permet de définir cinq conclusions relatives au prélèvement, à l’exploitation et à la
transformation de la biomasse agricole et forestière pour des vocations énergétiques 89.

 La mobilisation de la biomasse doit être au service de la lutte contre le réchauffement


climatique et de la préservation de la biodiversité

La combustion de la biomasse solide ou du biogaz émet du CO 2 et ne peut être considérée comme


neutre pour le climat que sur une échelle de temps qui prend en compte le cycle complet d’émission-
absorption.
Une agriculture ou une plantation forestière ayant pour seul objectif la production d’énergie ne peut
représenter une solution durable ou bas-carbone et répondre aux enjeux liés au dérèglement
climatique et à la préservation de la biodiversité. De plus, les usages énergétiques de la biomasse
doivent permettre, en s’y substituant, une diminution de l’utilisation d’énergie carbonée.
L’utilisation de la biomasse doit respecter les critères de durabilité de la Stratégie nationale de la
mobilisation de la biomasse et du WWF. Les stratégies d’usage énergétique doivent prendre en
compte les émissions directes comme indirectes associées, l’impact sur la biodiversité, les sols et le
climat ainsi que l’utilisation des terres, les pratiques agricoles ou le transport de la matière.

 La satisfaction de nos besoins alimentaires doit rester prioritaire sur l’usage de la


biomasse pour le secteur de l’énergie

La priorisation des usages de la biomasse, dans un ordre croissant, est la suivante : l’alimentation
(humaine puis animale) puis la bio-fertilisation (retour au sol), la production de matériaux (biens de
consommation d’équipements), et enfin, la production d’énergie (gaz, chaleur, électricité).
La biomasse qui sera valorisée énergétiquement ne doit pas concurrencer les besoins alimentaires
ni mettre en danger la capacité du système agricole à y répondre. La biomasse pour l’énergie produite
sur le territoire national ne doit pas induire une hausse des prix de la nourriture ou sa disponibilité, et
ne doit pas provoquer de concurrence d’usage des terres agricoles. En 2050, aucune culture
principale n’est dédiée à une valorisation énergétique. Enfin, les importations et exportations de
biomasse énergie provenant de l’agriculture seront à proscrire d’ici à 2050.

 Le déploiement des unités de valorisation énergétique de la biomasse agricole doit se


faire de manière adaptée aux ressources et aux contraintes des territoires

Nous favorisons la construction de méthaniseurs de taille modérée sous forme de projets collectifs
territoriaux regroupant quelques exploitations agricoles (y compris paysannes et familiales) et qui
respectent les critères de durabilité tels que le bilan carbone positif (effets directs avec les fuites de

8
Global Network Policy, 2012 : WWF Policy on Bioenergy
9
WWF, 2017 : EU Bioenergy Policy : Ensuring that the provisions on bioenergy in the recast EU Renewable Energy Directive
deliver genuine climate benefits.

7
méthane, effets indirects, transport de la matière et usages des sols), le bilan biodiversité positif et la
compatibilité avec la transition agro-écologique des systèmes de production.
Des études devront être menées au cas par cas selon les installations, les gisements et les territoires.
Ces unités de méthanisation pourront être opérées par des projets à gouvernance locale. Chaque
étape du projet, de son initiation à l’exploitation de l’unité de méthanisation, doit mobiliser l’ensemble
des parties prenantes concernées, des riverains aux experts techniques. Nous encourageons une
prise en compte globale des enjeux économiques et de tous les impacts du déploiement de
l’économie du biogaz dans les territoires et les campagnes. Enfin, le biogaz ainsi produit pourra être
injecté dans les réseaux de distribution, mais il ne doit pas être un prétexte au maintien de
l’exploitation des ressources en gaz fossile. Il pourra également être transformé en chaleur et en
électricité dans des unités de cogénération pour notamment assurer des services de flexibilité pour
le réseau électrique. De même, du bioGNL peut être produit à destination du secteur du transport
mais cela ne doit pas encourager l’utilisation du GNL.

 Les usages nobles du bois via une sylviculture raisonnée sont prioritaires sur l’utilisation
du bois pour l’énergie

Le WWF France est favorable à un usage énergétique du bois dans le seul cadre où il ne représente
pas une pression supplémentaire sur la forêt et n’utilise que les résidus et déchets de bois issus de
l’élagage ou des éclaircies. Une attention particulière doit être mise sur les émissions induites.
Les usages comme le bois d’œuvre qui permettent de stocker le carbone sur une longue durée
doivent toujours être privilégiés, et le bois ne doit pas représenter une ressource dédiée à l’énergie.
La filière de première transformation du bois est à renforcer afin notamment de limiter les imports-
exports et de valoriser les connexes de cette transformation sur le territoire national. La filière aval
du bois d’œuvre doit être mobilisée, et le bois feuillu, essences locales et résilientes, revalorisé dans
la construction.
Ensuite, le bois industrie, par la production de panneaux, de pâte à papier ou encore de chimie est
une seconde priorité d’usage du bois.
Enfin, les usages énergétiques permettent de valoriser les déchets produits par les transformations
successives ou la fin de vie de certains matériaux.

 Le déploiement de centrales à haut rendement, proches des massifs forestiers et des


filières aval du bois est à privilégier

L’utilisation pour l’énergie de la ressource doit être réalisée de manière à respecter les capacités des
gisements locaux (pas d’import/export du bois) et via des unités10 à haut rendement et taille
modérée11. Les possibilités de gestion au travers de projets à gouvernance locale (chaufferies
collectives) doivent être soutenues et mises en avant.
Enfin, les centrales devront répondre à des critères de durabilité et des analyses d’impact sur les
milieux et les capacités forestières environnantes en prenant en compte toutes les autres pressions
sur les ressources (autres centrales énergétiques, papetier, prélèvement de BO, etc.).

Les suites logiques de cette étude seront d’étudier comment utiliser le potentiel énergétique tout
en considérant l’impact sur le climat et la biodiversité, régionaliser les capacités et usages pour
mieux comprendre les conditions et moyens de développement, ajouter une évaluation du gisement des
déchets ménagers et boues issues du traitement des eaux usées, et enfin, de définir comment assurer
un déploiement de la méthanisation ou des centrales à bois de manière durable.

10
Les unités qui produisent uniquement de l’électricité ne sont pas soutenues.
11
Jusqu’à 20 à 25 MW maximum si on regarde la taille des centrales pouvant respecter les critères de durabilité.

8
Ce rapport présente une étude prospective réalisés par le WWF et Solagro et
basés sur deux scénarios existants et ambitieux pour la France métropolitaine
de 2050. L’étude présentée ci-après comportent par ailleurs de nombreuses
limites :

● Le diagnostic agricole suivant considère les problématiques et gisements à un


échelon national uniquement, sans régionalisation.
● Des hypothèses relatives aux modèles agricoles et aux pratiques de
production associées ont été prises en compte pour le travail prospectif et sont
détaillées dans la suite de l’analyse.
● Des hypothèses ont été prises en compte sur les modes de sylviculture, de
prélèvements forestiers ainsi que sur la demande, les exportations et
importations du bois et sont détaillées dans la suite du document.
● Les déchets ménagers12, les boues de STEP ainsi que les déchets verts non
ligneux des collectivités ne font pas partie des biomasses considérées dans
l’analyse. En effet, la contribution des déchets ménagers est aujourd'hui faible
pour des usages énergétiques ou autres, et le volume disponible en déchets
devrait être amené à réduire grâce notamment, aux politiques de réduction du
gaspillage. Par ailleurs, les déchets verts non ligneux sont très diffus et selon
les experts auditionnés, il semble difficile de les collecter pour les valoriser.
● Les émissions de gaz à effet de serre issues de la transformation de la
biomasse en énergie ne sont pas prises en compte dans cette étude. Elles
devront être étudiées dans une optique de priorisation des technologies de
valorisation de la biomasse en énergie. En effet, l’atteinte de la neutralité
carbone sur une échelle de temps donnée ne sera effective qu’en prenant en
compte les cycles complets de régénération des stocks de matières
organiques.
● Il reste beaucoup d’incertitudes et peu d’études sur les besoins en biomasse
non alimentaire, particulièrement pour le domaine du textile, de la chimie ou
autres produits biosourcés. Ainsi, comme nous l’avons précisé, la biomasse
énergie étant la variable d’ajustement des autres usages de la biomasse, la
quantité de matière disponible pour l’énergie est susceptible d’être réajustée
en fonction des nouvelles études à paraître prochainement13.

12
Le cadre législatif est en cours d’évolution : https://www.ecologie.gouv.fr/biodechets#scroll-nav__5.
13
L’usage des matériaux biosourcés est étudié par l’association NegaWatt dans son rapport NegaMat.

9
Les ressources fossiles (pétrole, gaz, charbon) sont presque
entièrement importées14 sur le territoire français et émettent une
importante quantité de gaz à effet de serre tout au long de leur cycle de
vie. Elles sont encore utilisées en 2019 en France à hauteur de 60 %15 de
l’énergie finale consommée, c’est-à-dire de l’énergie facturée aux
consommateurs finaux. Dans le monde, elles représentaient plus de 84 %16
de l’énergie consommée en 2019.

Les énergies fossiles proviennent de la transformation de la matière organique


fossilisée dont les stocks ont mis des millions d’années à se constituer et sont
présentes en quantités limitées. Les sources d’énergies renouvelables
exploitent pour leur part des éléments naturels qui ne s’épuisent pas ou
peuvent se reconstituer sur une échelle de temps plus réduite : le soleil, le
vent, le sol, le sous-sol, l’eau et les matières organiques.

Selon le triptyque NégaWatt que nous soutenons, la transition énergétique


consiste tout d’abord à diminuer nos consommations d’énergie finale,
améliorer l’efficacité énergétique, puis à substituer la consommation des
énergies fossiles par des énergies renouvelables qui sont moins
polluantes et permettent une décentralisation et une démonopolisation des
moyens de production de l’énergie.

Pour remplacer les énergies fossiles dans le mix énergétique français, nous
devons faire face à de nombreux défis qui demandent, pour les relever, du
temps, des investissements et la substitution de certains actifs existants.

14
https://www.ecologie.gouv.fr/ressources-en-hydrocarbures-france.
15
MTE, 2020 : Bilan énergétique France 2020.
16
AIE, 2020 : World Energy Outlook.

10
Figure 1 : Consommation d’énergie fossile par secteur en TWh (selon le Bilan Énergétique de la France
en 2019, MTE)

En 2019, le secteur du transport consomme la moitié des énergies fossiles


utilisées sur le territoire national.

Les principaux acteurs17 qui mènent des études prospectives


s’accordent sur l’importance du vecteur électrique pour décarboner nos
consommations d’énergies. En effet, les énergies renouvelables avec les
plus forts potentiels de développement se basent sur la transformation de
l’énergie solaire, éolienne ou hydraulique en électricité. Une électrification
massive de notre consommation est prévue et des alternatives au gaz et aux
carburants fossiles sont à mettre en place lorsque l’électrification n’est pas
possible : procédés industriels à haute température comme dans la filière
métallurgie ou besoin de stockage de grandes quantités d’énergie par
exemple.

Selon l’ADEME, la biomasse agricole se définit comme l’ensemble des


matières organiques produites et issues des systèmes agricoles : viande,
lait, cultures, herbe, résidus de culture, effluents d’élevage… et la biomasse
forestière comme les végétaux ligneux et la matière provenant de la forêt.
Elles peuvent être valorisées énergétiquement de différentes manières :
procédés de combustion, méthanisation, raffinage ou gazéification 18. Les
produits ainsi obtenus (biocarburants, biogaz…) sont des vecteurs
énergétiques qui pourront être ensuite transformés en chaleur ou en force
mécanique pour des applications multiples.

La biomasse est la plus ancienne source d’énergie maîtrisée par


l’homme et elle représente toujours aujourd’hui la première source

17
ADEME, Rte, Negawatt, Cired, AIE.
18
Ou pyrogazéification.

11
d’énergie renouvelable de France (plus de 50 % de la production d’énergie
renouvelable finale) avec le bois pour 33 % (2020)19.

Figure 2 : Données clés des énergies renouvelables en France en 2020 (source : MTE)

La biomasse agricole ou forestière (non-ligneuse et ligneuse) a de nombreux


usages énergétiques possibles :

● La décomposition de la matière organique émet un gaz inflammable


(méthane) qui est par ailleurs le même gaz que celui qui est utilisé dans les
réseaux publics de gaz naturel fossile. De l’huile peut également être extraite
de la matière organique puis transformée en carburants, elle pourra être
stockée sous forme liquide.

● La biomasse ligneuse, le bois et ses dérivés peuvent être utilisés


directement en tant que matière à brûler dans des centrales thermiques ou

19
Chiffres des énergies renouvelables du MTE 2021 (https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-des-
energies-renouvelables-edition-2021).

12
encore être transformés sous forme de gaz et de carburant via des procédés
de pyrogazéification.

Comme ceux issus des énergies fossiles, les gaz et les carburants issus de la
biomasse possèdent une grande capacité de stockage énergétique. Ils seront
utilisés dans les transports ou encore comme capacité de stockage pour
l’équilibrage d’un système électrique fonctionnant avec des sources d’énergie
variables comme le solaire et l’éolien.

Dans sa trajectoire de transition énergétique, la France suit notamment le


cadre réglementaire européen en perpétuelle évolution dans ce domaine : les
objectifs définis pour 2030 incluent l’accroissement de la part des
énergies renouvelables dans la consommation finale à un niveau d’au
moins 32 %20.

De plus, après la directive RED I relative aux énergies renouvelables déjà


adoptée en 2009 qui soumettait les biocarburants à des exigences de
durabilité et de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, le projet de
décret RED II s’applique aux installations de bioénergies (gaz, chaleur,
électricité, etc)21. L’objectif est de « définir un cadre commun pour la promotion
de la production d’énergie à partir de sources renouvelables » et de fixer un
objectif à 2030 pour la part de ces énergies dans la consommation énergétique
finale de l’UE. Cette directive aura des conséquences sur le développement
de ces filières puisqu'elle implique des processus de suivi et de vérification du
respect des critères de durabilité.

En France, la loi de Transition énergétique pour la croissance verte (LTECV)


adoptée en 2015 fixe un cadre pour la transition énergétique et l’essor des
énergies renouvelables. Selon les objectifs nationaux et les grands scénarios
pour 2050, le recours à la biomasse pour des usages énergétiques paraît
primordial pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Notamment, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2018-


2023)22 fixe pour 2023 un objectif d’augmentation de 50 % du rythme de
développement de la production de chaleur renouvelable par rapport à
2014.

Le gaz renouvelable devrait pour sa part représenter 10 % de la


consommation de gaz23 en 2030, d’après les objectifs fixés par la LTECV.

La filière bois énergie est fortement soutenue par les pouvoirs publics,
principalement par le biais d’aides à l’investissement. Entre 2009 et 2017,
1 124 installations de bois énergie et d’approvisionnement ont été soutenues
par le Fonds Chaleur pour 765 millions d’euros d’aide sur les opérations
d’investissement. Entre 2015 et 2017, 30 millions d’euros ont été alloués

20
Parlement européen https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20180614IPR05810/nouvel-objectif-de-32-d-
energies-renouvelables-d-ici-2030.
21
https://www.vie-publique.fr/consultations/279651-projet-de-decret-red-ii-durabilite-ges-bioenergie.
22
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) s’inscrit dans le plan d’action sur la mobilisation de la biomasse dans le
cadre de la Loi pour la transition énergétique et la croissance verte (LTECV). La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), Stratégie
nationale pour la mobilisation de la biomasse (SNMB) et sa déclinaison régionale en font également partie (ministère de la
Transition écologique, 2018).
23
Article L. 100-2. Pour information, la consommation de gaz était de 451 TWh en 2019 selon GRTGaz.

13
également au Fonds « air-bois », représentant un objectif de modernisation de
20 % du parc d’appareils de chauffage individuel bois. En 2015, les aides
apportées aux investissements concernaient pour 44,3 % les installations
BCIAT (Biomasse chaleur industrie, agriculture et tertiaire), avec un
approvisionnement basé majoritairement sur les plaquettes forestières, et pour
12,6 % la méthanisation (France Bois Forêt, 2019).

Parallèlement, la filière méthanisation est poussée par les politiques


publiques, notamment par le Plan énergie méthanisation autonomie azote
(EMAA) lancé en 2013. Ainsi, en 2018 il y avait près de 700 unités de
méthanisation sur le territoire, dont 442 avec des ressources agricoles, et les
projets sont de plus en plus nombreux.

Dans le contexte de la Stratégie nationale de mobilisation de la biomasse,


qui découle de la loi sur la transition énergétique, les interrogations sur la
disponibilité de la biomasse24 comme source d’énergie et les différents enjeux
associés sont au cœur de la problématique : les objectifs de développement
de la biomasse doivent être établis en se basant sur une réalité
environnementale et économique.

En 2016, l’ADEME a réalisé une étude prospective « Un mix de gaz 100 %


renouvelable en 2050 », avec des scénarios qui visent à atteindre cet objectif.
Cette même année, Solagro et NégaWatt ont également publié des scénarios
prospectifs Afterres 2050 et le scénario NégaWatt 2017-2050 qui comprend
une partie relative à l’usage de la biomasse pour produire du biogaz. En
octobre 2021, NégaWatt a mis à jour son scénario prospectif dans une version
2022-2050.

24
Selon la SNMB, la biomasse mobilisable en France comprend les déchets et résidus de bois de forêt et hors forêt, les résidus
de culture annuelle, les CIVE (Cultures intermédiaires à vocation énergétique), les déchets de l’industrie agro-alimentaire, les
biodéchets des ménages et de la restauration, les déchets verts, les effluents d’élevage et les boues de STEP.

14
contrib. biomas. biocarb. biogaz
éner. solide
Rapport ou Scénario
biomas.
(TWh) (TWh) (TWh) (TWh)

PPE25 2023 145 - 6

PPE 2028 157-169 - 14-22

SNBC AMS26 2050 430 dont 250 de biomasse agricole

SNMB27 : besoins 2050 319-416 244 59-70 16-102

ADEME Mix gaz 100 % Ren. 205028 276-361


(dont métha 100-
128)

Négawatt : scénario 22-5029 386 196 52 138


(scénario 17-5030) (418) (247) (37) (134)

Solagro : scénario Afterres 205031 371 23332 14 124

France Stratégie 205033 : scénario 155 dont 25 haies et agroforesterie, 30 biocarb


agroécologique (biomasse 1G, 89 métha et 10 non méthanisable
agricole seule)

Tableau 1 : Quantité de biomasse disponible pour des valorisations énergétiques selon les différents
acteurs et scénarios

À l’échelle mondiale, la dernière étude de l’AIE34 estime qu’en 2050, la


biomasse représentera 20 % de la production d’énergie mondiale, dont 55 %
issus de biomasse forestière. Cela impliquerait de passer de 330 à 410 millions
d’hectares de surface de production en 2050, dont 270 millions de forêts et
140 millions de terres agricoles. Cette augmentation de presque 25 % des
surfaces dédiées à la production de biomasse pour l’énergie peut
questionner quant à ses conséquences sur les systèmes alimentaires et
forestiers, ou encore les écosystèmes naturels.

25

https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20200422%20Programmation%20pluriannuelle%20de%20l%27e%CC%81nergie.
pdf
26
https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc.
27
Basés sur 2014 (E. Finale, Pouvoir Calorifique Inférieur biogaz et E. primaire chaleur et biocarb)
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Strat%C3%A9gie%20Nationale%20de%20Mobilisation%20de%20la%20Biomass
e.pdf.
28
ADEME, 2018 : Mix de gaz 100 % renouvelable en 2050 ?
29
https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2022.
30
https://negawatt.org/IMG/pdf/scenario-negawatt_2017-2050_hypotheses-et-resultats.pdf.
31
https://afterres2050.solagro.org/wp-content/uploads/2015/11/solagro_afterres2050_version2016.pdf.
32
Bois, pailles, autres produits dérivés du bois.
33
France Stratégie, 2021 : Biomasse agricole : quelles ressources pour quel potentiel ?
34
https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050.

15
Des associations environnementales se sont penchées sur la question
des conditions de durabilité et d’acceptabilité nécessaires au déploiement
des capacités de production de cette énergie renouvelable. Le WWF a publié
en 2020 une étude visant à établir un cadre de durabilité de la
méthanisation agricole : « Méthanisation agricole : quelles conditions de
durabilité de la filière en France ? » et France Nature Environnement a
également développé l’outil « Méthascope »35 qui est un outil d’aide à la
décision pour le dimensionnement et le déploiement pour les porteurs de
projets de méthanisation.

En effet, le nombre de sites injectant du biométhane dans les réseaux de


gaz naturel explose. En un peu plus d’un an, le parc d’installations a doublé.
Tous les acteurs sont engagés dans une course de vitesse, alimentée par
l’arrivée des principaux énergéticiens, pour massifier leur production et réduire
leurs coûts ce qui n’est pas sans impact sur les gisements, la qualité des
matières agricoles ingérées par les digesteurs et les réseaux de distribution
du gaz. La Commission de régulation de l’énergie anticipe plus de 500 M€
d’aides à l’injection de biométhane en 2021, soit le double de 2020.

D’autres études remettent aujourd’hui en question les objectifs quantitatifs pris


ces dernières années. À l’échelle européenne par exemple, l’organisation
Material Economics36 remet en question le scénario de neutralité carbone en
2050 de l’UE qui, selon eux, surestime de 40 à 100 % la quantité de biomasse
disponible pour des usages matériaux et énergétiques 37. À l’échelle de la
France, l’étude de France Stratégie38 révèle que les objectifs de la PPE
en termes de mobilisation de la biomasse pourront être atteints
uniquement si des changements structurels et profonds sont engagés
dans le système agricole et alimentaire français.

Dans ce contexte de transition énergétique, l’objectif de notre étude est


de quantifier les gisements de biomasse disponible en France
métropolitaine à l’horizon 2050 et selon des scénarios agricoles et
forestiers prenant en compte des critères de durabilité.

i. Critères de durabilité de la SNMB


La SNMB propose des critères de durabilité pour la mobilisation de la biomasse agricole.

● Hiérarchie des usages. Certains usages doivent être priorisés, selon l’ordre suivant : aliments,
biofertilisants, matériaux, énergie.
● Préservation de la qualité des sols : matières organiques des sols. La biomasse mobilisée ne doit
pas entraîner un « appauvrissement des stocks de MOS (Matière organique du sol) de la zone où elle est
prélevée ».
● Préservation de la qualité des sols : compactage et sanitaire. Un point de vigilance doit être mis sur
les passages d’engins lourds, les coproduits non-agricoles et les digestats.
● Préservation de la biodiversité des sols agricoles et de l’espace agricole. Elle est sensible au travail
du sol, aux pesticides et à la fertilisation.
● Préservation de la qualité paysagère. La non-artificialisation est un élément important et la gestion des
espaces agricoles implique des éléments positifs comme la plantation de haies.

35
https://fne.asso.fr/publications/methascope.
36
https://materialeconomics.com/publications/eu-biomass-use.
37
https://www.revolution-energetique.com/leurope-surestime-t-elle-le-potentiel-de-la-biomasse-energie.
38
https://www.strategie.gouv.fr/publications/biomasse-agricole-ressources-potentiel-energetique.

16
● Gestion durable de la ressource en eau. La pression sur la disponibilité de la ressource en eau ne doit
pas être accentuée et sa qualité ne doit pas être dégradée.
● Préservation de la qualité de l’air. Une attention particulière doit être portée au transport et à la
combustion de la biomasse.

1.5.1. Un scénario pour une agriculture et une alimentation sobre et


durable en 2050

En 2019, le WWF France a établi un scénario prospectif pour l’alimentation et


l’agriculture en France à l’horizon 2050 nommé Pulse Fiction. Il a pour objectif
d’identifier les évolutions nécessaires de notre système agricole pour répondre
à la demande alimentaire et aux objectifs climatiques d’ici 2050. Ce scénario
a été révisé en 2021 afin d’intégrer les dernières recherches sur le sujet ainsi
que les derniers travaux réalisés par le WWF.

L’alimentation est l’un des principaux contributeurs d’émissions de gaz à effet


de serre. En France, ce secteur représente 24 % des émissions des
ménages, dont deux tiers proviennent de l’amont agricole. Une large part de
ces émissions est due à l’utilisation d’engrais azotés sur les cultures et à
l’élevage, dont les modes de production ont des conséquences directes sur la
biodiversité ou les sols.

Par ailleurs, ces produits d’origine animale ainsi que les produits ultra-
transformés occupent une place prépondérante dans les régimes alimentaires
et sont responsables de nombreux problèmes de santé (maladies
cardiovasculaires, obésité). En parallèle du déploiement de système de
production agroécologique, il est donc nécessaire d’adopter une alimentation
plus durable d’un point de vue environnemental et de santé publique.

Dans le scénario Pulse Fiction, lors des prochaines décennies, les Français
se tournent vers des régimes alimentaires flexitarien, végétarien et végétalien
plus durables39 qui diminuent la consommation de protéines animales et de
produits industriels au profit des fruits et des légumes, des céréales complètes
et des légumineuses. En parallèle, la qualité prime sur la quantité, avec une
augmentation de la part de produits labellisés comme le bio. Concomitamment
à ces nouveaux besoins, la production agricole s’adapte pour y répondre : la
production animale diminue de moitié et se tourne vers plus de pâturage, de
plein-air et de bio. Les surfaces dédiées aux cultures fourragères diminuent
(en lien avec la diminution des besoins en alimentation pour les animaux) alors
que celles dédiées au maraîchage, à l’arboriculture et aux légumineuses
augmentent. Près d’un million d’hectares est alloué à la culture de légumes
secs et de protéagineux en 2050.

39
Selon le rapport Pulse Fiction : Régime flexitarien : mode de consommation qui consiste à réduire fortement la part de protéines
animales au profit des protéines végétales. Il se compose de 2/3 de protéines végétales contre 1/3 de protéines animales / Régime
végétarien : suppression de chair animale / Régime végétalien : éviction de toutes protéines animales.

17
Enfin, la part de l’agriculture biologique passe à 60 % des surfaces en grandes
cultures, et les infrastructures agroécologiques représentent 6,5 % de la SAU
en 2050.

Tout en permettant de nourrir la population française en 2050 (estimée à


72 millions de personnes40, 41), le secteur agricole a moins d’impacts
négatifs sur la biodiversité, causés notamment par les fuites de nitrates ou
l’utilisation de produits phytosanitaires de synthèse.

En complément des résultats du scénario Pulse Fiction, la présente étude se


base sur les travaux réalisés par Solagro : scénario Afterres2050, scénario
NégaWatt et les travaux de recherche Terracréa.

1.5.2. Un scénario de gestion forestière durable et réaliste en 2050

La méthode employée pour scénariser la gestion forestière en 2050 s’appuie


sur un modèle réalisé par l’INRAE, adapté et développé par Solagro avec les
données existantes de l’année 2017. Pour servir de base au scénario,
l’approche de l’Inventaire forestier national (IFN) ainsi que l’approche
développée par Fern-Canopée ont été étudiées.

L’IFN propose un taux de prélèvement statistique basé sur l’observation d’un


échantillon de parcelles exclusivement forestières dont une partie est
documentée chaque année (accroissement, prélèvement, mortalité). Les
données sont robustes statistiquement à l’échelle nationale, elles sont
exprimées en Bois Fort Tige (BFT)42.

Le rapport Fern Canopée croise les données IFN 2018 (45 Mm 3 de


prélèvements BFT observés en forêt) avec les données de consommation de
bois issues des remontées d’informations des entreprises de travaux forestiers
et de transformation (Enquêtes annuelles de branche, ou EAB) ainsi que dans
les évaluations de consommation domestique de 2018 (21,5 Mm3)43.

40
WWF, 2019 : Du champ à l’assiette, toutes les clés pour une alimentation durable
https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/du-champ-a-lassiette-toutes-les-cles-pour-une-alimentation-durable.
41
La population de la France métropolitaine atteindra 72 millions en 2050 contre 64,3 millions d’habitants en 2015, selon une
étude bisannuelle de l’Institut national d’études démographiques (Ined).
42
À l’issue des campagnes 2014-2018, soit une année moyenne 2016, les prélèvements observés en forêt représentaient 48 Mm3
BFT (+/- 2,4), sur production nette (mortalité déduite) de 80,6 Mm 3 BFT, soit 60 % de taux de prélèvement.
Ce volume comprend les pertes, qui n’apparaîtront pas dans le BFT récolté, qui doit donc être sensiblement inférieur.
43
Cette donnée dans le memento du FCBA 2018 est exprimée ainsi : « La récolte de bois de feu des ménages en forêt est estimée
à 21,5 Mm3 (hors vergers, haies et alignements). Étude IGN, ADEME, FCBA, 2016. Or cette étude mentionne bien 22 Mm 3 de
bois bûche, mais sans en préciser l’origine. Cette donnée a été reprise avec davantage de précisions dans le Memento 2020 qui
modifie l’approche en intégrant dans ce volume une grande place aux ressources bois domestique hors forêt : « La consommation
totale de bois énergie des ménages est estimée à 23 Mm 3/an pour 15 Mm3 issus de forêts, 5 Mm 3 issus de haies, alignements,
vergers et jardins, 3 Mm3 de PCS et bois de rebut auxquels s’ajoute 1,3 Mt de granulés ». Elle s’appuie sur l’étude « ADEME,
Solagro, Biomasse Normandie, BVA 2018, Étude sur le chauffage domestique au bois marché et approvisionnement 2018 » : «
D’après l’enquête ménages 2017, au niveau national : 64 % des volumes consommés par les utilisateurs de bûches proviennent
de la récolte d’une forêt, soit près de 15 millions de mètres cubes (63 % en 2012). 23 % proviennent de l’entretien des vergers ou
de haies, soit 5 millions de mètres cubes. 13 % est du bois de récupération ou de rebut, soit 3 millions de.

18
2.1.1. Baisse de la surface agricole utile française en 2050

Les modifications de régimes alimentaires du scénario Pulse Fiction


impliquent des changements dans l’utilisation des surfaces. En effet, la surface
agricole utile (SAU), aujourd’hui de 28,850 Mha, diminue de plus d’un million
d’hectares (passant à 27,573 Mha), principalement au profit d’une
augmentation de la surface de forêts et peupleraies. Le rythme
d’artificialisation des sols 44 est fortement réduit, avec une division par neuf du
rythme actuel. En phase avec la politique publique ZAN (Zéro
artificialisation nette) fixée par la loi Climat et Résilience 202145, le WWF
plaide pour une artificialisation nette égale à 0 à l’horizon 2050.

2.1.2. Biomasse rendue disponible à partir des évolutions des


systèmes et pratiques d’élevage

La baisse de la consommation de produits d’origine animale, ainsi que


l’évolution des modes d’élevage vers des systèmes plus extensifs
induisent des évolutions d’affectation des surfaces agricoles. Les modes
d’élevage sont davantage labellisés (AB...) et l’élevage hors sol disparaît,
avec notamment l’augmentation du pâturage pour les ruminants. Les
cheptels de vaches, chèvres, porcs et poulets de chair voient leur taille réduire
fortement. Les besoins en fourrages issus des prairies permanentes (avec le
choix de maintien des surfaces) et temporaires restent inférieurs à la
production des surfaces totales de prairies. Cela entraîne un surplus de
ressources fourragères, mobilisables pour des usages autres que
l’alimentation animale.

44
Selon le ministère de la Transition écologique (MTE), l’artificialisation des sols est la transformation d’un sol naturel, agricole ou
forestier pour de l’aménagement qui mène à une imperméabilité totale ou partielle des sols.
https://www.ecologie.gouv.fr/artificialisation-des-sols.
45
Elle demande aux territoires de baisser de 50 %, d’ici à la fin de la décennie, le rythme d’artificialisation et de consommation
des espaces naturels, agricoles et forestiers.

19
2.1.3. Biomasse rendue disponible à partir des évolutions des
pratiques de cultures et systèmes agroécologiques associés

Les systèmes de culture se transforment afin de répondre à l’évolution des


régimes alimentaires, tout en respectant les objectifs climatiques en 2050.

Les modes de production conventionnels disparaissent au profit de


l’agriculture biologique ou de conservation46, représentant
respectivement 60 et 40 % des surfaces en grandes cultures en 2050.

Figure 3 : Évolution des systèmes et surfaces de culture selon le scénario Pulse Fiction (chaque
pourcentage est relatif aux surfaces en grandes cultures, sauf pour la surface occupée par les IAE
dont la part est relative à la SAU totale)

Les conséquences de ces modifications sur les paysages et la production


agricoles sont variées :

 Le passage à l’agriculture biologique propose de nouveaux modes de


rotation dans les plaines et coteaux47 et induit une baisse des rendements
de 40 % par rapport à l’agriculture conventionnelle. L’agriculture de
conservation a des rendements intermédiaires entre l’agriculture biologique et
l’agriculture de type conventionnel.

 L’agriculture en 2050 donne une place importante à l’agroforesterie. Elle se


définit par une faible densité d’arbres à l’hectare (50 arbres, soit une emprise
au sol de 12 %48) qui permet de ne pas baisser le rendement de la culture
annuelle.

 Les infrastructures agroécologiques que sont les haies, bandes enherbées,


jachères, prairies fleuries, bosquets ou encore prés-vergers permettent de

46
Selon Afterres2050 : aussi appelée production intégrée : mode d’agriculture qui permet la mise en œuvre simultanée de trois
principes à l’échelle de la parcelle : le travail minimal du sol, les associations et les rotations culturales ainsi que la couverture
permanente du sol.
47
En agriculture biologique : les rotations irriguées (100 %) en plaine sur boulbènes deviendraient courtes (33 %) ; les rotations
courtes en sec sur coteaux argilo-calcaire deviendraient des rotations longues en sec avec prairies temporaires à base de
légumineuses ; les rotations très courtes en sec sur coteaux argilo-calcaire deviendraient longues (sans prairies). En agriculture
de conservation, ces mêmes rotations deviendraient : des rotations de 2 ans irriguées (100 %) en plaine sur boulbènes ; des
rotations de 3 ans irriguées (50 %) en plaine sur boulbènes ; des rotations longues en sec.
48
Si on considère que chaque arbre à une emprise au sol de 24 m2

20
créer des habitats semi-naturels et ne reçoivent aucun produit phytosanitaire
de synthèse.

Par ailleurs, ces modes de culture rendent différents services agroécologiques


: diversification des cultures, réduction de consommation de pesticides
ou encore baisse de la part de surfaces irriguées.

Figure 4 : Évolution de la SAU (kha) entre 2010 et 2050 selon le scénario Pulse Fiction et Répartition
des surfaces selon le scénario Pulse Fiction

21
2.1.4. Bilan : une quantité de biomasse mobilisable pour des usages
non alimentaires de 45 à 50 MtMS en 2050

Par son optimisation de la gestion des ressources, ce scénario permet de


dégager annuellement des surplus de ressources fourragères, du fumier,
des résidus de culture et des déchets de l’industrie agroalimentaire.
Concernant les prélèvements puis les usages de ces ressources, un ensemble
de critères de durabilité doivent être respectés.

Les différentes ressources biomasse ne sont pas mobilisées de la même


manière en 2050, selon les conditions réelles de prélèvement :

Déjections, fumier - lisier : le taux de mobilisation de 60 % tient compte


de la dispersion49.

Résidus de culture : le taux de mobilisation de 30 % correspond au « repère


» au-delà duquel (sans retour de la matière sur la parcelle sous une forme ou
une autre), il peut, en moyenne, y avoir des problèmes agronomiques liés à la
perte de matière organique en surface (érosion, carbone...) et une perte
probable de biodiversité microbiologique des sols (recherche MethaBioSol en
cours). Ce pourcentage permet un retour au sol de plus de 80 % de la matière
organique des résidus de cultures. En effet, les chaumes et les racines restent
au sol au moment du prélèvement.

Déchets des industries agro-alimentaires : le taux de mobilisation est


théoriquement de 100 %, mais le pourcentage proposé de 70 % tient compte
de la dispersion de certains gisements et d’éventuels problèmes sanitaires.

Cultures intermédiaires : le taux de 25 % est un pourcentage prudent


assurant un retour au sol de plus de 80 % de la matière organique fraîche
produite par les cultures intermédiaires (biomasse aérienne et racines).

Surplus d’herbes : le taux de mobilisation de 50 % tient compte de la


dispersion et de la difficulté d’accès de certaines zones. Le surplus d’herbe
restant servira à compenser les dommages liés aux années de forte crise
climatique.

La somme des biomasses non alimentaires produites et disponibles


représente un total entre 130 et 150 MtMS/an. En prenant en compte les
hypothèses, conditions et contraintes sur les ressources et leurs
prélèvements, le total de matière sèche mobilisée en 2050 est de 45 à 50
MtMS, soit un taux de mobilisation globale de l’ordre de 30 %.

49
Difficulté à atteindre la masse critique de récupération en zone de montagne ou dans les prairies permanentes

22
Ce scénario implique des changements importants d’ici 2050 dans les
pratiques agricoles, accompagnées par des politiques publiques
ambitieuses et cohérentes (PAC, SNBC, Plan protéines végétales, etc.).

Au-delà de fournir une biomasse mobilisable pour des usages non


alimentaires, le scénario Pulse Fiction induit aussi une baisse de la
consommation d’énergie de 45 % par rapport à 2010 et une baisse des
émissions GES nationales de 55 % par rapport à 2010 pour le secteur
agricole. Cela est en accord avec l’objectif de la SNBC pour 2050 de réduire
les émissions de GES agricoles de 46 % par rapport à 2015.

2.2.1. Évolution de la surface forestière en France

Comme décrit dans le chapitre précédent, les modifications des pratiques


agricoles dans ce scénario libèrent une surface importante de friches
dans la continuité des boisements constatés au 20e siècle. Cela concerne
principalement les secteurs de polyculture élevage, à commencer par les
régions montagneuses les plus difficiles d’accès (Pyrénées, Alpes, Massif
central, Vosges et Jura). Les estimations conduisent à environ 500 000 ha de
friches qui évoluent en forêt.

Même en comptabilisant l’ensemble de ces surfaces en forêt en 2050, la


trajectoire reste bien en dessous du rythme tendanciel des trente-cinq
dernières années50. Ces nouvelles surfaces ne sont pas considérées
comme exploitables à l’horizon 2050, car les peuplements resteront trop
jeunes51.

Figure 5 : Évolution des surfaces de forêts en France métropolitaine (Mha) entre 1909 et 2050 dans le
scénario tendanciel (source : mémento IGN 2019)

50
Les techniques culturales de bois énergie comme les taillis à courte rotation (TCR) ne sont pas développées dans ce scénario
51
La surface de forêts va globalement suivre la même tendance que ces dernières années, c’est-à-dire une augmentation de 70
000 ha par an

23
2.2.2. Des prélèvements constants, une mortalité forte, une part de
libre évolution

L’hypothèse principale est que le taux de prélèvement actuel est maintenu


en accord avec l’hypothèse du scénario R60 du rapport Fern Canopée
(2020)52. Le scénario se caractérise également par une mortalité plus forte
(9 % de taux de raison sanitaire53), ce qui est en adéquation avec les constats
actuels et en particulier avec les prévisions de RMT Aforce 54. Les études
INRA-IGN et Fern-Canopée proposent des taux de prélèvements calculés
avec une approche différente. Avec l’approche retenue ici, le taux de
prélèvement du bois en forêt calculé est de 53 Mm3 soit 44 % du volume
aérien total55.

Nous préconisons d’adopter une approche en volume aérien total pour


permettre de corréler les données EAB qui sont exprimées en bois rond (et
pas uniquement en bois fort tige) tout en retirant les volumes de bois
consommés par les ménages et issus de ressources hors forêt, ou de
recyclage.

Ce taux de prélèvement constant est également accompagné d’une


optimisation de la qualité du bois exploité et complété des ressources
hors forêt, sans intensification. Ce scénario est soutenu par le fait que les
forêts françaises découlent en grande partie d’un état boisé récent avec des
forêts constituées de peuplements jeunes dont 79 % ont moins de 100 ans56.

Figure 6 : Forêt ancienne et forêt récente. (source: IGN57)

Par ailleurs, l’impact du changement climatique implique un accompagnement


progressif vers une plus grande diversité des essences, des structures et des
âges, afin d’améliorer la résilience des forêts.

La surface forestière exploitée en 2050 atteint 75 % de la surface totale


de forêt. Ce taux découle en partie des difficultés d’accessibilité à l’exploitation
mécanisée et des choix volontaires de mise « hors exploitation » d’une partie
des forêts accessibles pour des raisons sociales et écologiques. Au final, une
part égale à 25 % des forêts est en libre évolution pérenne.

Les prélèvements sont exprimés par GRECO (Grandes Régions écologiques),


et reposent sur des constats et la connaissance des contextes régionaux ainsi
que des changements possibles des pratiques. Par exemple, dans les Alpes,
les prélèvements de feuillus vont augmenter de façon modérée, et dans les
Landes, la sylviculture actuelle n’étant pas durable, le taux de prélèvements

52
https://www.canopee-asso.org/wp-content/uploads/2020/03/LAISSER_VIEILLIR_LES_ARBRES_BD_3.pdf
53
Dépérissement trop important d’une forêt, qui mène au besoin d’une coupe rase suivi d’un reboisement
54
Réseau mixte technologique dédié au domaine forestier
55
Le résultat est le suivant : exploitation déclarée dans le cadre de l’EAB en 2017 : 38 Mm3, dont 5,5 Mm3 de bûches
Consommation domestique non déclarée à l’EAB : 19 Mm3, dont 8 Mm3 de bois hors forêt et de récupération, donc exploitation
forestière non déclarée à l’EAB = 11 Mm3. Exploitation forestière totale : 49 Mm3 hors pertes, soit 53 Mm3 avec les pertes (évaluées
à 8 %, conformément aux hypothèses du rapport Fern Canopée). Ces 53 Mm 3 rapportés à une production nette en volume aérien
total égale à 120 Mm3 amènent à un taux de prélèvement de 44 %
56
IFN 2018. https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/180906_publiff_bd.pdf. En France 70% des forêts sont à l’état récent.
57
Une « forêt ancienne » est un ensemble boisé n’ayant pas subi de défrichement la première moitié du 19e siècle. On considère
qu’entre ces deux dates, 1850 et aujourd’hui, il a existé une continuité de l’état boisé, sans changement d’affectation du sol.
Au contraire, une « forêt récente » est une forêt qui est établie sur un sol anciennement dévolu à un autre usage, le plus souvent
agricole (culture, prairie…) et qui n’était pas boisé à la date de référence choisie, celle des levés de la carte de l’État-major (soit
la moitié du 19e siècle). Il y a souvent confusion entre « forêt ancienne » et « vieille forêt » ou « forêt mature ». Alors que le concept
de forêt ancienne renvoie à l’ancienneté de l’usage forestier du sol, les deux autres se rapportent à l’âge des arbres ou des
peuplements, ou à la diversité en espèces ou au volume de bois mort.

24
des résineux est prévu à la baisse alors que le taux de prélèvement des feuillus
augmente légèrement58.

Figure 7 : Évolution des prélèvements GRECO par région en Mm3 BFT (Bois Fort Tige)

En 2050, les feuillus sont valorisés pour le bois d’œuvre notamment, et


une sylviculture de qualité est adoptée, y compris en futaie irrégulière.

58
Jura/Vosges : pas d’évolution significative.
Corse/Méditerranée : pas d’évolution significative, un peu plus de résineux en forêt méditerranéenne notamment pour des raisons
d’adaptation au changement climatique (pin d’Alep).
Alpes/Pyrénées/Massif central : augmentation de l’usage des feuillus, en forêt privée principalement (impliquant un soutien
proactif, ce sont les bois les moins valorisés aujourd’hui).
Forêts de plaine/Landes : extensification dans les secteurs de surexploitation de résineux, augmentation modérée de la
valorisation des feuillus hors forêts domaniales.

25
ii. Évolution de la sylviculture d’ici à 2050

Les évolutions en matière de sylviculture s’appuient sur le scénario R60 du rapport Fern Canopée et la part de
forêt gérée (exploitée ou non) augmente progressivement grâce à des efforts ciblés d’équipement et de
regroupement du foncier forestier.

Le rapport prévoit des traitements spécifiques que l’on peut regrouper dans trois situations type :

Libre évolution Sylviculture continue Impasses

Traitement Aucun Évolution vers la futaie Récolte du peuplement en


irrégulière mélangée place, puis futaie régulière
jusqu’en 2050

Composition Libre Maintien de la diversité, Renouvellement avec de


des essences mélange favorisé nouvelles essences

Nature des Sans Éclaircies seulement avec des Coupes rases par paquets
coupes trouées d’étendue adaptée à de 2 ha maximum
l’essence

Tableau 2 : Types de sylviculture proposés en fonction des modes de productions selon le rapport Fern Canopée (2020)

Les différents types de peuplement évoluent de manière assez marginale d’ici 2050, dans la plupart des cas les
essences principales en place sont maintenues tout en favorisant les mélanges pour obtenir des peuplements plus
diversifiés pour s’adapter aux changements climatiques.

La régénération naturelle est favorisée dans tous les types de peuplement hors impasses sanitaires (évaluées
aujourd’hui à 3 % des surfaces, 486 kha). Ces dernières font l’objet d’un plan de reboisement sur trente ans, en
favorisant également la mixité des plantations, avec pour moitié des feuillus (chênes sessiles et pédonculés, et
autres feuillus divers) et pour moitié des résineux.

En 2050, plus de 50 % des volumes de bois d’œuvre proviennent des


feuillus soit environ 13 Mm3, contre 5 Mm3 aujourd’hui. Le développement
de l’usage du bois d’œuvre est assez consensuel dans la filière, car il permet
une meilleure valeur ajoutée des produits bois, et un meilleur bilan carbone
grâce à la durabilité de ces usages. Le bois d’œuvre passe toutefois par la
mobilisation de bois résineux, dont des importations. En outre, la filière bois
d’œuvre (BO) génère des produits connexes valorisables et qui permettent de
répondre à une part de la demande locale en bois énergie (BE), sans recourir
à une exploitation dédiée.

La filière traditionnelle française de transformation des feuillus, basée sur de


petites et moyennes scieries, peine à être compétitive face à l’appétit de
certains pays étrangers, Chine en tête, notamment en chêne de qualité.
L’exportation de grumes entières est particulièrement contre-productive
pour la filière française, car la part la plus rémunératrice de la chaîne de
valeur échappe totalement à l’économie française, le bois nous revenant
complètement transformé. Les produits connexes ne sont pas non plus
valorisés en France. En 2050, la filière française aval du bois est remobilisée
autour de procédés utilisant les essences feuillues (voir encart iii. Filière
française de la transformation du bois).

Enfin, le bois hors forêts59 représentera, au-delà de 2050, des volumes


non négligeables, grâce au retour des haies en agriculture, à

59
Le bois hors forêts constitue tout le stock de bois qui ne provient pas directement des forêts : les haies, l’agroforesterie,
l’arboriculture fruitière et les arbres urbains.

26
l’agroforesterie et au développement de la place de l’arbre en zone
artificialisée. Cependant, ces solutions ne permettront pas de dégager des
volumes conséquents d’ici 2050, à moins de choisir des espèces à croissance
rapide, ce qui n’est pas dans l’intérêt de la biodiversité. Nos estimations nous
amènent à penser que nous pourrions exploiter en 2050 environ 7 Mm 3 de
bois hors forêts contre 6 Mm3 aujourd’hui.

2.2.3. Une demande forte dans le respect de la hiérarchie des


usages

L’évolution de la demande est une hypothèse importante de l’étude. La


demande en bois d’œuvre et en bois industrie (panneaux) augmente
fortement en parts de marché mais dans un marché global de la
construction neuve en forte diminution60. Malgré d’importants efforts sur la
sobriété des usages du papier et du carton, la substitution de l’ensemble
des emballages plastiques implique une demande constante dans la
filière papier-carton61.

La demande en bois énergie est ici la variable d’ajustement du scénario.


Ce dernier est en effet considéré comme un coproduit des industries de BO et
de BI et non comme un objectif de production au regard des critères
écologiques pris en compte ainsi que des paramètres économiques. Le bilan
carbone du bois énergie est le moins favorable des usages du bois et la
valorisation du bois d’œuvre est économiquement plus intéressante62.

Les rendements matières 63 pris en compte pour l’analyse sont inchangés par
rapport à aujourd’hui concernant la première et la seconde transformation du
bois. Les hypothèses de rendement de fabrication de la pâte à papier sont
également identiques aux moyennes constatées aujourd’hui.

En optimisant les procédés des filières bois industrie, les produits connexes
provenant de la première transformation du bois d’œuvre sont mieux valorisés
et les déchets sont réduits (6 % contre 10 % aujourd’hui).

Les usages du bois pour l’industrie sont aujourd’hui de :


● 53 % de panneaux agglomérés
● 43 % de pâte à papier
● 4 % de chimie
En 2050, nous estimons que les besoins seront de :
● 45 % de panneaux agglomérés
● 35 % de pâte à papier
● 20 % vers la chimie

En fin de vie, les arbres ayant servi comme bois d’œuvre dans la
construction par exemple sont réutilisés à 75 %. Cette valorisation est
d’abord orientée vers les usages industriels (ex. panneau) passant à 50 %

60
Les hypothèses sont donc très variables, entre des besoins potentiels en forte augmentation (Terracréa 2014) ou stagnants
(réflexions NégaMat, en cours). Nous retiendrons une augmentation modeste des besoins en sciage.
61
Transition industrielle - Prospective énergie matière : vers un outil de modélisation des niveaux de production, ADEME 2020.
On retrouve également des hypothèses similaires dans les études NégaWatt et Solagro.
62
Valeur ajoutée en euros et emplois.
63
Chiffres actuels selon l’étude ADEME prospective énergie matière 2020.

27
contre 40 % aujourd’hui. La part de valorisation en bois énergie passe ainsi de
35 % à 25 % en 2050.

Les panneaux en fin de vie sont orientés pour 50 % vers du bois-énergie,


comme c’est le cas aujourd’hui.

Le recyclage du papier-carton augmente également pour être utilisé


localement et diminuer les exportations. Cet aspect est fortement
problématique aujourd’hui, du fait de la fermeture de plusieurs usines de
recyclage64. Il mobilise les politiques et les acteurs de la filière pour trouver
des solutions rapidement. Nous considérons ici qu’elles seront déployées
rapidement et que le gaspillage de cette matière très bien collectée en France
(> 70 %) aura cessé.

iii. Filière française de la transformation du bois

Le tissu industriel français est composé de petites et moyennes scieries, dans un marché européen (panneau,
papier) ou globalisé (pâte à papier) où la taille des opérateurs est de plus en plus importante. Les outils de
transformation industriels peuvent conduire à une course au gigantisme. Il est nécessaire de rester vigilant pour
conserver ou redévelopper un tissu d’acteurs connecté à la ressource des massifs forestiers. Un accompagnement
de la filière avale est nécessaire et elle doit être organisée de façon que de l’amont à l’aval les maillons « fassent
filière » au lieu de se concurrencer mutuellement.

Plusieurs leviers sont indispensables au redéploiement de cette filière :

1. Mobiliser la filière aval : les bois feuillus doivent être revalorisés dans la construction notamment. Cet
usage s’appuie aujourd’hui largement sur la standardisation de bois de résineux, en important une part
de bois scandinaves notamment. Les architectes sont un maillon tout à fait important de la filière tout
comme les charpentiers et menuisiers, qui doivent réapprendre à utiliser des bois feuillus.

2. Développer des techniques et des unités d’aboutage et de lamellage : en utilisant du bois de hêtres
par exemple, cela permettrait d’augmenter la capacité d’usage des feuillus répondant à des exigences
techniques de la construction basse énergie.

64
Comme la Chapelle Darblay.

28
2.2.4. Une évolution de la stratégie import-export

La gestion de la ressource de bois est optimisée dans un cadre plus durable


et complétée par une relocalisation industrielle importante. Ainsi, il est prévu
une baisse globale des importations et des exportations.

Figure 8 : Evolution des imports exports en Mm3 entre 2017 et 2050

Les importations de bois rond65 provenant d’Europe restent stables, mais


les exportations diminuent de moitié de façon à valoriser en France la
production des forêts.66

La relocalisation des sciages permet la diminution des importations de


panneaux et les exportations sont diminuées jusqu’au même niveau. Ainsi, les
importations hors UE de panneaux disparaissent et les exportations
restent stables.

Les exportations de pâte à papier restent stables et les importations


diminuent et s’accompagnent de certification FSC systématique. Provenant
majoritairement de forêts ou de plantations industrielles exploitées
intensivement67, la pâte à papier importée notamment d’Amérique du Sud, doit
respecter un cahier des charges rigoureux comme le FSC le propose. Les
exportations de papier-cartons à recycler diminuent, ce qui permet de les
valoriser sur le territoire européen.

Le bois énergie (connexes, granulés, bois de chauffage) n’est plus


importé ni exporté.

65
Le bois rond comprend tout bois abattu et façonné, avant la première transformation industrielle : grume (tronc coupé, ébranché
et revêtu de son écorce), bille, rondin ou bûche (INSEE).
66
Afin de valoriser les connexes localement, il sera en effet préférable d’exporter des panneaux que du bois rond.
67
WWF, 2018 : Plantations industrielles d’arbres croissance rapide, https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2018-
07/20180702_Rapport-plantations-industrielles-arbres-croissance-rapide-min.pdf.

29
La biomasse, quelle que soit son origine, doit respecter une hiérarchie des
usages. Pour la biomasse agricole, selon les critères de la SNMB,
l’alimentation est prioritaire, et les usages suivants sont les bio-
fertilisants puis les matériaux et l’énergie.

Pour le bois, la biomasse respecte une hiérarchie entre le bois d’œuvre, le


bois d’industrie, et enfin, le bois énergie avec les résidus et déchets des
autres filières.

3.1.1. Le potentiel énergétique des biomasses non alimentaires mis


en avant

Pour l’usage des biomasses non alimentaires, il y a peu de certitudes et de


prospectives quant aux besoins de produits biosourcés : paille construction 68,
chanvre textile, chimie verte. Le taux d’utilisation des pailles en matériaux
augmenterait légèrement, mais sans représenter un usage important69.

En raison de ce manque d’information à disposition, nous avons considéré que


la totalité des prélèvements mentionnés de biomasse non alimentaire est
fléchée vers les usages énergétiques.

Ainsi, selon les hypothèses de l’étude, le potentiel énergétique de la


biomasse agricole est évalué en 2050 entre 120 et 130 TWh/an70, à
condition d’être associés à un déploiement durable 71 des moyens de
production énergétique à partir de biomasse.

68
Par exemple pour l’isolation.
69
Le scénario NégaMat devra permettre de fournir des informations supplémentaires sur les besoins en matériaux biosourcés.
Les autres études disponibles sont peu nombreuses (ex. : TERRACREA).
70
Correspondant aux 45 à 50 MtMS disponibles.
71
Voir définition de la SNMB, rapport WWF sur la méthanisation et encart i. Critères de durabilité de la SNMB
La SNMB propose des critères de durabilité pour la mobilisation de la biomasse agricole. .

30
3.1.2. Trois technologies matures pour une valorisation énergétique
de la matière disponible

Trois technologies semblent aujourd’hui matures et permettent de valoriser la


quantité de matière disponible pour des usages énergétiques. Nous
proposons ci-dessous une appréciation qualitative de chacune de ces
technologies. Une analyse plus poussée concernant les volets des émissions
directes et indirectes, une vision économique du développement des filières,
des conditions de durabilité pour chacune d’elles ainsi que de l’acceptabilité
serait nécessaire. Il s’avère qu’à ce jour, la méthanisation semble être la
technologie la plus utilisée et la plus mature pour valoriser la biomasse agricole
en énergie.

72
Tableau 3 : Comparatif des technologies pour valoriser la biomasse agricole

 Des biocarburants de seconde génération pour l’aéronautique

On estime qu’en 2050 les biocarburants de seconde génération représentent


une énergie de 15 TWh/an notamment issus des résidus de culture et des

72
TRL et maturités des technologies proviennent des sources :
https://www.bioenergie-promotion.fr/wp-content/uploads/2017/09/methanisation_fr_2017-bd.pdf.
https://www.etipbioenergy.eu/images/ETIP-B-
SABS2_WG2_Current_Status_of_Adv_Biofuels_Demonstrations_in_Europe_Mar2020_final.pdf.

31
déchets IAA. Cela représente une division par deux par rapport à ce qui est
produit sur le territoire national à ce jour (tous biocarburants compris)73. Ils sont
principalement fléchés vers le marché aéronautique, qui peine à trouver des
alternatives aux carburants liquides. La production de biocarburants nécessite
de grandes installations de raffinage pour les procédés de mise en œuvre et
la gestion des coproduits, comme notamment la synthèse Fischer-Tropsch qui
est un processus industriel lourd74.

Le WWF France considère que les biocarburants de première


génération ne sont pas durables pour le respect des enjeux climatiques et
environnementaux. Nous considérons qu’ils disparaîtront complètement en
France d’ici à 2050 et leurs surfaces associées également75.

iv. Les biocarburants de première génération

Les biocarburants de première génération sont des carburants produits à partir de cultures destinées généralement
à l’alimentation (colza, betterave, maïs, blé, palmier à huile et canne à sucre). Ce type de carburant n’est pas
forcément moins émetteur d’émissions de gaz à effet de serre que les carburants fossiles, en prenant en compte
le cycle de vie entier. En effet, les impacts de ces cultures sur le changement des sols ou encore la séquestration
carbone ne doivent pas être négligés. Ainsi, les cultures dédiées aux carburants ne permettent pas une bonne
utilisation des terres dans un contexte d’urgence climatique. En France, leur part d’incorporation dans les
carburants est limitée à 7 % en raison des effets directs et indirects liés au changement d’affectation des sols (CE,
2018).

La position du bureau européen du WWF76 :


● Seuls les carburants de deuxième génération (provenant des résidus et non de cultures dédiées) doivent
être considérés.
● La production de carburants ne doit pas induire une transformation des espaces naturels et menacer les
stocks de carbone et la biodiversité.
● Le remplacement des carburants conventionnels devrait se concentrer sur des carburants zéro ou faible
émission qui ne sont pas en compétition avec l’alimentation ou la séquestration carbone.

 Combustion directe de la matière sèche

La paille combustion représente quant à elle 5 TWh/an. La méthode a un


rendement faible et ne représente pas une solution à privilégier en raison de
la perte de matière organique associée.

 Méthanisation des matières organiques

La ressource restante disponible devrait représenter l’équivalent de 100


TWh à 110 TWh par an à partir de 2050 pour la méthanisation. Le gisement
global étant important, mais diffus, les unités de méthanisation à favoriser sont
des unités territoriales regroupant quelques exploitations et à gouvernance
locale. La méthanisation produit par ailleurs des digestats (matières
organiques digérées) qui peuvent se substituer aux engrais de synthèse sous
certaines conditions et précautions, notamment lors de l’épandage77.

73
Les biocarburants (9 %) sur 318 TWh (28,6 Twh) d’énergie primaire produite en 2019: bilan énergétique de la France (MTE)
https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2021-
01/datalab_84_bilan_energetique_de_la_france_pour_2019_janvier2021_0.pdf.
74
https://www.ecologie.gouv.fr/biocarburants.
75
La consommation de biocarburants s’établit à 3,5 Mtep en 2019 en France, dont 2,8 Mtep de biodiesel et 0,7 Mtep de bioéthanol.
(p. 79 du Bilan énergétique de la France pour 2019 du MTE : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-
numerique/bilan-energetique-2019/pdf/document.pdf).
Ils sont constitués à 35 % de blé et à 23 % de betterave pour l’éthanol et de 63 % de colza et de 23 % de soja pour le biodiesel
(MTE : https://www.ecologie.gouv.fr/biocarburants).
76
https://wwfeu.awsassets.panda.org/downloads/eu_bioenergy_policy___wwf_briefing_paper___final_4.pdf.
77
https://www.wwf.fr/champs-daction/climat-energie/transition-energetique/ENR/methanisation.

32
Figure 9 : Les atouts de la méthanisation (source : decrypterlenergie.org, NegaWatt, Solagro, Terre de
liens, Enercoop, Énergie Partagée)

Selon NégaWatt, Solagro, Terre de liens, Enercoop et Énergie Partagée78,


« La méthanisation est une technologie de dégradation contrôlée des matières
organiques qui produit de l’énergie renouvelable (le biogaz) et un résidu (le
digestat) possédant un caractère fertilisant et amendant. Elle est une des
solutions pour réduire nos importations de gaz naturel fossile, diversifier notre
mix énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre engendrées
par nos consommations d’énergie. »

Le potentiel méthanisable de 100 à 110 TWh/an est réparti entre différentes


sources de biomasse agricole.

Figure 10 : Quantité d’énergie méthanisable par source de biomasse mobilisable (TWh)

78
https://energie-partagee.org/ressource/comprendre-la-methanisation-agricole.

33
v. Définition de la durabilité de la méthanisation agricole

Afin que le développement de la méthanisation agricole soit compatible avec la transition agro-écologique des
systèmes de production, les conditions suivantes doivent être respectées quant à la
mobilisation de la biomasse79 :

● La mise en œuvre de pratiques agroécologiques à l’échelle de la parcelle


et de l’exploitation : en assurant la protection des sols, de l’air, de l’eau et de
la biodiversité, les systèmes de production intégrant la méthanisation agricole
et adaptés aux conditions pédoclimatiques spécifiques à chaque territoire
doivent préserver les ressources naturelles en assurant un revenu juste et
complémentaire pour l’agriculteur ;
● L’intégration territoriale : par leur caractère éminemment territorial, multi-
acteurs et multi-enjeux, les projets de méthanisation doivent intégrer : réflexion
sur les flux de biomasse et concurrence d’usage, gouvernance locale,
appropriation sociétale et création de valeur partagée locale ;
● La capacité à passer à l’échelle pour apporter une solution à la hauteur des défis sociétaux globaux
en permettant d’atteindre les objectifs nationaux en termes de réduction des émissions de gaz à effet
de serre et de résilience des systèmes agricoles notamment.

79
WWF France, 2020 : Méthanisation agricole : quelles conditions de durabilité de la filière en France ?

34
En tenant compte des scénarios et des hypothèses de gestion durable des
forêts à l’horizon 2050, la forêt française permet de fournir des volumes
de bois pour des usages énergétiques. Ces volumes proviennent en grande
partie des connexes des industries du bois, des sciages et autres industries
du papier-carton.

Les prélèvements de bois dans les forêts françaises exploitées sont stables
entre aujourd’hui et 2050.

Prélèvements forêts françaises


(Mm3)

2017 2050
BO 19,4 25
BI 10,5 10,5
BE 19,1 13,2
Prélèvements Totaux 49 48,7

Tableau 4 : Évolution des prélèvements et des usages bois d’œuvre, bois d’industrie, bois énergie
entre 2017 et 2050

13,2 Mm3 de bois énergie continuent de provenir directement d’une


exploitation forestière. Ce chiffre en baisse de plus de 30 % représente
l’autoconsommation et la coupe de bois bûche pour le chauffage des
particuliers, dont une grande partie est difficilement contrôlable.

Usages en France (importations incluses)

2017 2050
BO Consommation produits BO (Mm3) 7,1 7,2
Consommation panneaux (Mm3éq) 4,5 4,5
Chimie du bois, autre BI (Mt) 0,1 0,7
BI
Consommation papier carton (Mt) 7,8 7,6

Autres usages connexes (litières…) (Mm3éq) 1,2 1,1


Consommation BE ronds/plaquettes (Mm3) 18,8 13,2
BE autres connexes (liqueurs noires…) (Mm3éq) 26,4 31,8
BE
Bois hors forêts (Mm3éq) 6 7
Consommation totale BE (Mm3éq) 51,2 52

Tableau 5 : Résultats de la modélisation des usages du bois intégrant une augmentation de la


contribution du bois hors forêts

Les usages de bois énergie en France en 2050 sont ainsi répartis entre 13,2
Mm3 de bois rond80 prélevés et 31,8 Mm3 provenant des résidus, connexes et
liqueurs noires.

80
En confrontant les données de prélèvement observées en forêt (en mètres cubes BFT) et les usages de bois répertoriés par
l’EAB et les inventaires de chauffage au bois domestique, en mètres cubes bois rond, il est possible de déduire approximativement
la part de branches ou de menu-bois récoltée et utilisée. La demande pour l’année de référence étant de 49 Mm3, le bois-branche
ou menu-bois représente de l’ordre de 6 à 7 Mm3, soit 16 % de la récolte. Nous considérerons ce taux de prélèvement. Le rapport

35
Le volume de connexes exploités est plus important grâce notamment à
l’augmentation du bois d’œuvre, la diminution des exportations et l’usage de
feuillus qui ont un rendement de première transformation inférieur aux
résineux.

Le scénario suit la tendance du développement des réseaux de chaleur


et d’une réduction des usages de bois domestique, en s’orientant vers
davantage de valorisation de connexes et coproduits de la filière forêts-
bois.

Le bois hors forêts est estimé à environ 7 Mm3 en 205081 contre 6 Mm3
aujourd’hui. Cette légère augmentation est due au retour de l’arbre en
agriculture (plantations massives de haies, bandes boisées, agroforesterie,
sylvo pastoralisme), à une meilleure valorisation des vergers, ceps de vignes
et autres résidus solides (noyaux, sarments de vigne, etc.), et enfin, à un
développement massif de l’arbre en ville, et plus largement dans les zones
artificialisées (délaissés, bords de routes, zones artisanales, etc.). Toutefois,
la montée en puissance des actions de type plantation de haies n’aurait pas
d’effet significatif avant 2050. Nous considérons que 100 % de ces volumes
sont orientés vers du bois énergie.

Concernant les types de transformation du bois en énergie, la combustion


est aujourd’hui l’usage énergétique principal du bois. Ce procédé est très
différent entre les cheminées des particuliers à rendements très faibles et les
chaufferies industrielles qui atteignent des rendements de plus de 100 % dans
certains cas selon l’ADEME82.

Dans tous les cas, le développement de la combustion directe a un


impact négatif sur la qualité de l’air et sur les émissions de gaz à effet de
serre. Cela est, entre autres, appuyé par plusieurs centaines de scientifiques
qui appellent à cesser de brûler les forêts83 à travers une lettre ouverte aux
dirigeants datée de février 2021. Ils alertent à la fois sur les conséquences de
la coupe des arbres pour être brûlés, mais aussi sur la dette carbone que cela
crée. En effet, la combustion du bois libère dans l’atmosphère le carbone
absorbé par l’arbre lors de sa pousse. Cette « dette » durera jusqu’à ce que
ce carbone soit à nouveau absorbé, soit une période de minimum trente-cinq
ans voire pus d’un siècle84 dans certains cas. Ainsi, la combustion massive
du bois accentue le réchauffement climatique dans les dizaines d’années
qui suivent.

L’objet de ce rapport n’est pas de prendre un parti-pris technologique,


mais il ne nous semble pas cohérent, compte-tenu des volumes de bois-
énergie disponibles, d’envisager l’essor d’une filière industrielle pour la
pyrogazéification à partir de bois-énergie. En effet, il augmenterait
nécessairement la pression sur la ressource forestière, car les produits issus
de ce procédé ne viennent pas en substitution des produits issus du bois
énergie85. Ce procédé fut mis en œuvre dès le début du 19e siècle et il n’a pas

Fern-Canopée attribue au compartiment « Branches » des prélèvements bien plus importants (15,5 Mm3), liés à l’agrégation des
usages du bois domestique dans la récolte. Nous l’attribuons davantage au bois hors forêt, avec des données de consommation
à la baisse. Nous retiendrons un maintien du taux de prélèvement des branches au niveau actuel, la diminution de 0,3 Mm3 n’étant
pas significative sur les branches.
81
Estimation de la production supplémentaire dans les haies : scénario Afterres, Pulse Fiction et étude Carbocage de l’ADEME.
Estimation de la production supplémentaire en agroforesterie : en se basant sur les travaux de l’INRA et en prenant l’hypothèse
que 10 % des surfaces en agroforesterie sont consacrées à des taillis destinés au bois énergie.
Estimation de la production supplémentaire en arboriculture fruitière : selon l’ADEME.
Estimation de la production supplémentaire dans les arbres urbains : selon l’ADEME.
82
https://librairie.ademe.fr/cadic/1867/guide-pratique-poele-bois-chaudiere-insert.pdf
Page 12 : de 65 à 105 % si condensation / page 6 : rendement d’une cheminée est en moyenne de 15 %.
83
https://www.woodwellclimate.org/letter-regarding-use-of-forests-for-bioenergy.
84
Fern Canopée, 2020 : Gestion forestière et changement climatique : une nouvelle approche de la Stratégie nationale
d’atténuation ; p11.
85
Voir également le rapport « Transitions2050 » de l’ADEME, p381-382.

36
réussi à s’imposer comme une solution pertinente jusqu’à présent. La grande
diversité des intrants envisageables pour ce processus (notamment du côté
des « déchets ») et son impact modéré sur la qualité de l’air pourrait, pourtant,
lui donner une place singulière dans les années à venir, si les inconvénients
liés à la gestion de ces intrants diversifiés peuvent être surmontés et sa
pertinence économique démontrée.

Les chaudières industrielles (notamment destinées à l’alimentation des


réseaux de chaleur) et les centrales à rendement élevé, quant à elles,
devraient prendre une place plus importante pour soutenir l’essor du chauffage
urbain et remplacer les installations de combustion décentralisées (nettement
moins efficaces et contrôlables, au sens de la régulation de la combustion
comme de la réglementation)86.

vi. La pyrogazéification

La pyrogazéification repose sur la transformation de biomasse solide à travers deux grandes étapes qui sont la
pyrolyse et la gazéification, qui consistent à chauffer la biomasse avec peu d’oxygène à température élevée, entre
800 et 1 500 °C pour obtenir ce qu’on appelle du syngas. Ce syngas peut ensuite être valorisé pour la production
de chaleur, de biométhane, de biocarburants ou d’hydrogène.

La maturité des processus de pyrogazéification dépend du type de valorisation :


● La pyrogazéification avec cogénération est mature et éprouvée, mais a un essor plus important
dans les pays avec un tarif préférentiel de rachat de l’électricité.
● La production de biométhane pour l’injection dans les réseaux semble une voie exploitable en
France et son industrialisation devrait arriver prochainement, notamment avec le projet Gaya, et
soutenue, entre autres, par GRTgaz.
● La pyrogazéification pour la production de biocarburants ou d’hydrogène est beaucoup moins
avancée, les projets sont encore au stade du développement.

D’après les acteurs de la filière, le développement de la pyrogazéification permettrait de créer des emplois non
délocalisables et de participer à une indépendance énergétique des territoires, mais les aspects économiques
restent flous et la complexité du processus en fait une technologie difficile à démocratiser.

D’un point de vue environnemental et de santé publique, la pyrogazéification a un impact moindre sur la qualité de
l’air par rapport à la combustion directe du bois, car elle rejette moins de particules dans l’atmosphère.

La disponibilité de la ressource bois semble être un frein à un essor industriel et de grande ampleur de la
pyrogazéification, surtout si cela s’ajoute à un usage existant de la biomasse forestière pour les réseaux de chaleur.
Cependant, certains résidus de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire peuvent également être utilisés
comme intrants, tout comme les déchets bois et CSR. Plusieurs démonstrateurs et projets existent déjà ou sont
en projet en France (plateforme GAYA d’ENGIE par exemple) et dans le monde et permettront de tester le potentiel
d’industrialisation de la filière. Concernant les déchets, d’ici à 2050, le WWF prône une réduction globale.

L’ADEME se positionne87 en disant que les procédés pilotes doivent faire leurs preuves, et que la France doit
disposer d’un retour d’expérience sur le fonctionnement d’unités industrielles. Elle mentionne également que
l’Allemagne a beaucoup promu cette technologie dans les années 1980 mais, qu’elle n’a plus d’unités fonctionnant
avec des déchets ménagers ou CSR suite à des difficultés techniques et économiques. Concernant les usages
énergétiques de la biomasse, dans les scénarios « Transitions2050 »88, l’ADEME mentionne la pyrogazéification
dans le scénario S3 pour 8,5 % de la consommation globale de biomasse pour une valorisation énergétique.

86
TRL et maturités des technologies :
https://atee.fr/system/files/2019-11/Position-Paper-Fili%C3%A8re-Injection-de-biom%C3%A9thane-de-synth%C3%A8se-v21-
clean.pdf et https://www.mdpi.com/1996-1073/11/4/811.
87
Position de l’ADEME sur la pyrogazéification datée du 03/04/2019 : https://www.ademe.fr/expertises/dechets/passer-a-
laction/valorisation-energetique/dossier/pyrolyse-gazeification/position-lademe
88
Voir le rapport « Transitions2050 » de l’ADEME, https://transitions2050.ademe.fr, p600.

37
Nous estimons la quantité de biomasse disponible pour des usages
énergétiques en 2050 entre 45 et 50 MtMS/an provenant de l’agriculture et 52
Mm3/an (équivalent bois rond) provenant des forêts françaises et du bois hors
forêts.

Le potentiel est ainsi estimé entre 120 et 130 TWh/an pour la biomasse
agricole et 140 TWh/an89 pour la biomasse forestière, soit un total en France
de 260 à 270 TWh/an en 2050.

À cet horizon, la SNBC prévoit une consommation d’énergie finale en France


de l’ordre de 930 TWh/an. La biomasse pourrait y contribuer à hauteur d’un
tiers90. Ce potentiel se heurte néanmoins à de nombreuses conditions afin qu’il
soit exploité de manière durable.

Figure 11 : Quantité d’énergie (en Twh) issue de la biomasse dans les scénarios en 2050.

89
Ratio de 2,7 MWh PCS/m3. On a donc : 20,2 Mm3 54,54 TWh ; 13,2 Mm3 35,64 TWh ; 31,8 Mm 3eq 85,86 TWh Concernant
les connexes, il s’agit bien d’équivalents en mètres cubes de bois ronds et non de mètres cubes de connexes en tant que tel.
90
Nous comparons néanmoins ici un potentiel de production d’énergie avec un niveau de consommation d’énergie, il est à noter
que le potentiel de 260 à 270 TWh évoqué devra également prendre en compte la chaîne de transformation et de pertes
associées avant d’arriver à une énergie finale consommée et facturée.

38
Nos estimations, basées sur les disponibilités des modèles agricoles et
forestiers, sont en deçà des estimations de potentiel énergétique de la
biomasse annoncées par la SNBC, le scénario Afterres (2016) ou le scénario
NégaWatt 22-50.

Nous partageons l'alerte de France Stratégie91 et Material Economics92 sur


les quantités de biomasse mobilisables pour l'énergie (identifiées par la SNBC
ou par l’AIE), dont l'utilisation devra démontrer sa capacité de déploiement de
manière durable au sein des territoires.

Les estimations présentées dans ce rapport rejoignent les derniers scénarios


de l’ADEME93, notamment S1 et S2. Leurs dernières analyses concernant le
biogaz à partir de biomasse, donnent des chiffres inférieurs aux travaux de
2016, présentés en 2018 dans le rapport « Un mix de gaz 100% renouvelable
en 205094 ».

vii. Émissions carbone de la biomasse en usage énergétique

La comptabilité des émissions liées à la biomasse énergétique demeure incertaine et repose sur des hypothèses
différentes selon la durée prise en compte pour l’analyse, contrairement aux autres combustibles. Il y a des
incertitudes quant à l’impact réel et immédiat de la biomasse énergétique sur le changement climatique.
L’impact est calculé en prenant en compte notamment le CO2 absorbé par les plantes lors de leur croissance, le
sol, ou encore les émissions évitées comme dans le cas de la méthanisation (par capture des émissions qui
auraient été relâchées dans l’atmosphère autrement). Les émissions liées à l’utilisation des terres sont également
prises en compte.

Concernant la comptabilité des émissions pour la combustion du bois, une idée circule sur le fait que l’utilisation
du bois énergie implique un circuit carbone fermé, et que les émissions sont considérées comme nulles puisque
le CO2 émis est celui absorbé par l’arbre lors de sa croissance.
Ces hypothèses sont contestées95 car le CO2 émis crée ce qu’on appelle une dette carbone qui prendra minimum
trente-cinq ans voire plus d’un siècle96, dans certains cas, pour être remboursée si l’on considère le stockage du
carbone par l’arbre lui-même mais aussi par les sols et la biodiversité du milieu forestier. De plus, les sols, les
circuits racinaires et les souches laissées au sol à l’issue d’une coupe forestière continuent d’émettre des GES
notamment du CO2 et du méthane en se décomposant.

Dans un contexte d’urgence climatique, les émissions liées à la combustion du bois énergie ne peuvent être
considérées comme nulles. La combustion du bois relâche de grandes quantités de gaz à effet de serre et selon
800 scientifiques qui ont cosigné une tribune du WWF EU, en janvier 2018, plus que la combustion de ressources
fossiles si on ne considère que quelques décennies97.

91
France Stratégie, 2021 : La biomasse agricole : quelles ressources pour quel potentiel énergétique ?
92
https://materialeconomics.com/publications/eu-biomass-use.
93
https://transitions2050.ademe.fr.
94
Étude ADEME, 2018 : Un mix de gaz 100 % renouvelable en 2050 ?
95
https://www.canopee-asso.org/500-scientifiques-alertent-sur-le-bois-energie.
96
Fern Canopée, 2020 : Gestion forestière et changement climatique : une nouvelle approche de la Stratégie nationale
d’atténuation n ; p11
97
https://wwfeu.awsassets.panda.org/downloads/update_800_signatures_scientist_letter_on_eu_forest_biomass.pdf.

39
Afin de pouvoir mieux arbitrer entre les différents usages et de préciser
comment valoriser le potentiel de la biomasse pour l’énergie, des études
complémentaires pourront se consacrer à identifier l’ensemble des étapes du
processus (de la production de la biomasse à l’utilisation de l’énergie).

Nous pourrons ainsi traiter les sujets suivants :

● Définir comment utiliser le potentiel énergétique de la biomasse et comment


assurer un déploiement durable des technologies de valorisation.
● Affiner la grille d’analyse à une échelle régionale par exemple pour mieux
comprendre les conditions et moyens de développement des usages durables
de la biomasse au niveau de chaque territoire.
● Ajouter une évaluation du gisement des nombreux déchets qui peuvent être
valorisés par des technologies similaires (déchets verts urbains, boues de
STEP, déchets de l’IAA, CSR, etc.)98.

98
Les déchets verts bois sont pris en compte dans cette étude sous le bois hors forêts et les déchets de l’IAA sont également pris
en compte dans la partie agriculture.

40
41
NOTRE MISSION CONSISTE
À STOPPER LA DÉGRADATION
DE L’ENVIRONNEMENT
DANS LE MONDE ET
À CONSTRUIRE UN AVENIR
OÙ LES HOMMES VIVENT EN
HARMONIE AVEC LA NATURE.

Notre raison d'être


Arrêter la dégradation de l'environnement dans le monde et construire un avenir
où les êtres humains pourront vivre en harmonie avec la nature.

ensemble, nous sommes la solution www.wwf.fr

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