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Le renouvellement urbain de l’embouchure du Bouregreg :

Contexte d’aménagement et approche adoptée

Nawal Benabdallah
Docteur Architecte, Chercheur statutaire au Center for Global Studies
de l’Université Internationale de Rabat, Maroc
nawal.Benabdallah@uir.ac.ma

Résumé
A rabat, le développement urbain, mené lors de la dernière décennie, a pour but de promouvoir
la capitale administrative du Royaume au rang des métropoles les plus prestigieuses du
continent africain et de renforcer son image et son attractivité au niveau international. Le projet
d’aménagement de la vallée du Bouregreg (AVB) en cours fait partie de ces projets d’envergure
qui vont modifier en profondeur l’image des tissus urbains de la ville. Le renouvellement urbain
de l’embouchure du Bouregreg entamé en 2006 a permis de réhabiliter, requalifier et valoriser
les berges du fleuve Bouregreg. Cet article s’intéresse au contexte d’aménagement et à
l’approche adoptée du cas étudié, surtout la partie la plus avancée de l’aménagement de la vallée
du Bouregreg (AVB).

Mots clés : Géographie urbaine, Renouvellement urbain, Projet urbain durable, Fronts d’eau,
Rabat

Abstract
In rabat, the urban development, carried out during the last decade, aims to promote the
administrative capital of the Kingdom to the rank of the most prestigious metropolises of the
African continent and to strengthen its image and its attractiveness at the international level.
The current Bouregreg Valley Development Project (AVB) is considered one of these large-
scale projects in Morocco that will fundamentally change the image of Rabat city's urban fabric.
The urban renewal of the mouth of the Bouregreg, which began in 2006, allowed for
rehabilitating, requalifying, and enhancing the banks of the Bouregreg river. This article focuses
on the development context and the approach adopted in the case studied, especially the most
advanced part of the development of the Bouregreg valley (AVB).

Keywords: Urban geography, Urban renewal, Sustainable urban project, Waterfronts, Rabat

‫ملخص‬
‫تهدف التنمية العمرانية التي تم تنفيذها في الرباط خالل العقد الماضي إلى االرتقاء بالعاصمة اإلدارية‬
‫ مشروع‬.‫للمملكة إلى مرتبة أرقى مدن القارة األفريقية وتعزيز صورتها وجاذبيتها على المستوى الدولي‬
‫تطوير وادي أبي رقراق الجاري تنفيذه هو أحد هذه المشاريع الضخمة التي ستغير بشكل جذري صورة‬
‫ إعادة‬،2006 ‫ الذي بدأ في عام‬،‫ أتاح التجديد الحضري لمصب نهر أبي رقراق‬.‫النسيج الحضري للمدينة‬
‫ تركز هذه المقالة على سياق التنمية والنهج المتبع‬.‫تأهيل ضفاف نهر أبي رقراق وإعادة تأهيلها وتحسينها‬
.)‫ وخاصة الجزء األكثر تقدما من تطوير وادي أبي رقراق (مصب نهر أبي رقراق‬،‫في الحالة المدروسة‬

‫ الرباط‬،‫ جبهات مائية‬،‫ مشروع حضري مستدام‬،‫ إنعاش حضري‬،‫ جغرافيا حضرية‬:‫الكلمات الدالة‬

105
Introduction

Le lancement de plusieurs grands projets urbains structurants sur l’ensemble du territoire


national au Maroc a permis de passer d’un urbanisme purement « réglementaire » dit de normes,
qui a montré ses limites et ses défaillances caractérisées par des procédures complexes et des
résultats très limités, à un urbanisme dit de « projets » permettant entre autres, de simplifier la
réglementation en vue de faciliter l’émergence de grands projets urbains plus durables et plus
rayonnants aux niveaux national et international.

Dans ce contexte, le développement urbain, mené à Rabat lors de la dernière décennie, a pour
but de promouvoir la capitale administrative du Royaume au rang des métropoles les plus
prestigieuses du continent africain et de renforcer son image et son attractivité au niveau
international. Ce faisant, la concrétisation et la réalisation des opérations sont conçues autour
de nouvelles centralités urbaines qui viseraient à entrainer une redynamisation économique, des
mutations du tissu urbain, ainsi que la modernisation et l’amélioration de la qualité urbaine.
Les aménagements de la vallée du Bouregreg et de la corniche de Rabat en cours1 font partie
de ces projets d’envergure qui vont modifier en profondeur l’image des tissus urbains de
l’agglomération voire du pays dans les deux décennies à venir.

Le projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg constitue un cas d’études intéressant


compte tenu de son stade de réalisation assez avancé au niveau de la zone de l’embouchure, de
ses orientations se basant sur la notion du projet urbain et de la pertinence de son territoire
d’intervention. Ce projet d’aménagement concerne une zone aux valeurs patrimoniales
(paysagères et architecturales) incontestables, dont le périmètre urbain s’enchevêtre avec
d’anciens noyaux urbains paupérisés, à grandes densités de population et en manque de
réhabilitation urbaine et de redynamisation économique.

Basé sur la recherche bibliographique et un travail de terrain, cet article se propose d’étudier le
contexte d’aménagement en question et l’approche adoptée dans le renouvellement urbain de
la zone de l’embouchure de la vallée du Bouregreg, notamment la partie la plus avancée dudit
projet. Il s’intéresse également aux expérimentations internationales les plus novatrices et les
plus exemplaires qui s’inscrivent dans des approches d’aménagement similaires.

1. Un grand projet urbain qui adopte de nouvelles pratiques

Le projet d’aménagement de la vallée de Bouregreg a émergé dans les années 2000, après
plusieurs projets non aboutis et une servitude de non-constructibilité depuis 1954, et ce, grâce
à deux facteurs principaux, à savoir une forte volonté politique basée sur une initiative royale
et l’adoption de nouveaux outils de gestion. Le statut de projet royal a conféré à cette opération
une forte légitimité. Après des décennies de stagnation, la vallée du Bouregreg connut enfin les
débuts d’un projet d’aménagement au niveau de la zone de l’embouchure, qui n’a fait dans le
passé que l’objet des réalisations sporadiques d’équipements culturels et sportifs. En effet, que
ce soit avant, pendant ou après le protectorat, aucune action majeure d’aménagement ne découla
des orientations et des propositions d’aménagements, prévues au niveau des documents
d’urbanisme ou découlant d’études initiées par divers administrations et organismes.

1
Leur aire d’intervention s’étend le long du littoral, de l’embouchure jusqu’à la municipalité de Harhoura, et le
long du fleuve Bouregreg, de l’estuaire jusqu’au Barrage de Sidi Mohammed Benabdallah, permettant ainsi à
l’Agglomération de Rabat-Salé de se tourner, favorablement, vers son fleuve et son littoral.

106
En octobre 2001, une commission royale pour l’aménagement de la vallée du Bouregreg a été
constituée sous la présidence d’Abdelaziz Méziane Belfkih (conseiller du Roi à l’époque), et a
eu pour mission de soumettre la même année au Souverain un projet d’aménagement intégré de
la zone. Dans le même contexte, la Caisse de Dépôt et de Gestion en tant que maître d’ouvrage,
a alors créé la société d’Aménagement des Berges du Bouregreg (SABR), société filiale de la
Caisse de dépôt et de gestion (CDG), exclusivement dédiée à l’opération.
Le projet de loi relatif à l’aménagement et la mise en valeur des rives du Bouregreg a été
approuvé lors du conseil des ministres du 22 décembre 2004. Ce projet de loi a préconisé la
création d’une agence dédiée au pilotage de l’opération. Ainsi, les études préliminaires du projet
d’aménagement de la vallée du Bouregreg (AVB), qui ont été entamées en 2001, ont été
poursuivies par la commission royale et la SABR jusqu’à la création en 2005 de l’Agence pour
l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg (AAVB).

Le projet d’aménagement et de mise en valeur des deux rives du Bouregreg s’inscrit dans le
cadre d’une stratégie d’aménagement ambitieuse et volontariste, caractérisée par la
concrétisation des grands projets d’envergure nationale, voire internationale, dont bénéficie le
Maroc depuis les années 2000 (le projet “Marina Casablanca” et les projets structurants de
Tanger dont le port Tanger-Med et la marina de Tanger-ville, etc.). Il fait partie des grands
chantiers en matière d’aménagement du territoire, qui sont destinés aussi bien à améliorer
considérablement l’infrastructure et le tissu urbain du pays, qu’à constituer l’un des facteurs de
son développement socio-économique. Le lancement de plusieurs grands projets urbains
structurants sur l’ensemble du territoire national, a pour but de permettre aux villes marocaines
de rivaliser avec d’autres grandes villes. (Cattedra R., 2010)

Ces projets ont permis au Maroc le passage d’un urbanisme de normes purement réglementaire,
qui a montré ses limites et ses défaillances, caractérisées par des procédures complexes et des
résultats très limités (multiplication des acteurs, réglementation contraignante pour la
réalisation de grands projets urbains, etc.), à un urbanisme de projets.
L’urbanisme de projet, permet entre autres, de simplifier la réglementation en vue de faciliter
l’émergence de grands projets urbains. Il s’articule autour de deux axes principaux, à savoir
l’aménagement d’un territoire par le projet urbain public et le développement de partenariats
avec des investisseurs et des opérateurs privés.

Rabat, capitale administrative du Maroc et jouissant d’une situation géographique


exceptionnelle, se devait de tirer profit de ses importantes potentialités naturelles dont ses fronts
maritime et fluvial et ce, par des actions d’aménagement d’envergure.

A travers le renouvellement urbain de la vallée du Bouregreg, la ville de Rabat est en train


d’expérimenter le modèle « water front development », déjà entrepris dans d’autres villes
étrangères, notamment européennes. Ce modèle concerne la mise en projet des fronts d’eau à
travers des projets urbains visant une métamorphose urbaine spectaculaire en vue de créer une
centralité urbaine plus démonstrative et plus rayonnante aux niveaux national et international.
Les pratiques adoptées pour le renouvellement urbain de la vallée du Bouregreg s’apparentent
à celles initiées dans les projets structurants en urbanisme de projets au niveau international, et
plus particulièrement celles menées selon le modèle « waterfront », à travers notamment :

➢ Une gestion menée par une structure ad hoc


Le projet d’Aménagement de la vallée du Bouregreg a bénéficié d’un nouvel outil de gestion,
destiné à contourner les contraintes rencontrées auparavant (administratives, foncières,
financières, etc.) et qui risquaient d’entraver la concrétisation d’une opération globale couvrant

107
l’ensemble de l’aire de la vallée. Ce nouvel outil a consisté en la création d’une agence
spécialement en charge de l’Aménagement des berges du Bouregreg2.
En plus des opérations d’aménagement, cette agence est chargée, entre autres de la dépollution
du site, de la réalisation des travaux d’infrastructures visant la protection des berges et de la
facilitation de la navigation au niveau du fleuve et de la maitrise d’ouvrage des travaux du
tramway.

Ce statut particulier lui confère plusieurs atouts, dont la possibilité :


▪ D’aménager un grand territoire par l’adoption d’un aménagement par séquences 3, et par
contrats programmes. (Carte N°1) ;
▪ De dépasser la complexité des chevauchements des prérogatives des acteurs de l’urbain
(Agence urbaine de Rabat-Salé, communes, etc.) et la complexité du découpage administratif
(6 arrondissements urbains et 2 communes rurales des deux côtés du fleuve) 4 en évitant la
multiplication des acteurs. (Carte N°1) ;
▪ De dépasser la réglementation contraignante au niveau de l’urbanisme réglementaire rendant
la réalisation de grands projets urbains souvent difficile en menant à terme les opérations
d’aménagement dans un esprit dérogatoire par rapport aux documents et règlement d’urbanisme
(Adoption du Plan d’Aménagement spécial PAS, etc.) ;
▪ De créer des filiales et de participer au capital de sociétés de projet, notamment avec des
investisseurs privés. Plusieurs sociétés spécifiques ont vu le jour : « Bouregreg Marina »,
« Société du Tramway de Rabat-Salé (STRS) », « Bouregreg Culture ». L’Agence pour
l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg (AAVB) est également partenaire des sociétés « Bab
Al Bahr Development Company » et « Eagle Hills » au niveau de l’opération immobilière Bab
Al Bahr.

Le recours à une structure dédiée à l’opération a également permis l’acquisition du foncier


nécessaire à la concrétisation de cette opération d’aménagement. Grâce à son statut et au
caractère spécial de l’opération, l’Agence pour l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg
(AAVB) a pu dépasser la complexité des régimes fonciers des terrains concernés, dont près de
la moitié avait un statut privé et près du quart était composé de terrains Habous.
Ce statut a favorisé la réussite de la collaboration interinstitutionnelle, et par conséquent
l’acquisition du foncier public :
- 830 Ha de terrains Habous, représentant 25% de l’assiette foncière de la zone, et qui
sont en principe inaliénables, ont été mis à disposition par les Habous à l’aménageur dans le
cadre d’une approche innovante. L’équivalent de la valeur initiale de ces terrains sera rétrocédé
sous formes de nouvelles propriétés, à la fin des aménagements :

2 Cette entité nommée l’Agence pour l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg (AAVB), est un établissement
public, placé sous la tutelle de l'Etat et doté de la personnalité morale et d’une autonomie administrative et
financière avec des pouvoirs élargis. Elle a été instituée par la loi n° 16-04 relative à l'aménagement et à la mise
en valeur de la vallée du Bouregreg, promulguée par le dahir n° 1-05-70 du 20 chaoual 1426-23 novembre 2005.
(AAVB, 2005)
3
L’aménagement de la vallée du Bouregreg s’opère à travers six séquences, s’étendant sur 6000 ha le long du
front fluvial, dont la plus avancée est Bab Al Bahr (70 ha-Zone de l’embouchure-2009), suivie de Saha Al Kabira
(120 Ha), puis de Kasbat Abi Raqraq (200 ha urbanisable).
4
Découpage communal post charte communale de 2002 : Les arrondissements de Bab Lamrissa, Bettana, Hssaïne,
côté Salé, et Rabat Hassan, El Youssoufia et Souissi, côté Rabat. Les communes rurales d’Oum Azza au niveau
de Rabat et celle de Shoul au niveau de Salé.

108
CARTE N°1: La Zone d’Aménagement du Projet d’AAVB Conformément aux
Dispositions de la Loi N° 16-04

109
- 6 Ha correspondant à la caserne militaire de Salé ont été cédés par l’Agence de Logements et
d’Equipements Militaires (ALEM) ;
- Les biens des domaines privés de l’Etat, et qui représente 3,9 % de l’assiette foncière, ont été
transférés à l’Agence pour l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg (AAVB), et ce selon les
dispositions de l’article 46 du texte de loi N° 16-04 régissant sa création. (AAVB, 2005) ;
- Quant aux domaines publics maritime et fluvial, l’Agence pour l’Aménagement de la Vallée
du Bouregreg (AAVB) a conclu une convention d’occupation temporaire avec le ministère des
travaux publics, qui octroie à l’agence la possibilité de recourir à des aménagements légers dans
ces territoires.

L’article 47 du texte de loi N° 16-04, régissant la création de l’AAVB, a octroyé à ladite agence
la possibilité d’acquisition par expropriation de 56,6 % des terrains de particuliers, en
s’inscrivant dans une approche dérogatoire par rapport aux dispositions prévues dans la loi n°
7-81 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique5.

➢ Un montage financier basé sur les partenariats public-privé, notamment avec des
investisseurs étrangers
Le projet d’aménagement de la vallée du Bouregreg (AAVB) bénéficie de la politique
d’investissement des pays arabes du Golfe dans les grandes villes du Maghreb, motivée par leur
intérêt pour les projets implantés dans des sites à grande valeur naturelle, notamment ceux en
front d’eau. Ces partenaires issus des pays du Golfe, ne sont autres que Sama Dubaï et Al
Maâbar International Investment, et plus récemment la Société Whessal (au niveau de Saha Al
Kabira- Du pont Hassan II au pont Moulay Youssef) ainsi que la société Eagle Hills (au niveau
de Bab Al Bahr- de l’embouchure au pont Hassan II).

Le partenariat Public-Privé avec les investisseurs étrangers a connu un essoufflement, tel que
le retrait de la société Sama Dubai, gestionnaire et principal actionnaire de la joint-venture créée
spécialement pour la réalisation d’un projet phare du renouvellement urbain « le projet
Amwaj », lequel essoufflement serait dû à la crise économique.
Cependant, le renforcement du partenariat public-privé local a permis la concrétisation d’autres
projets, notamment le lancement des travaux de construction de la Tour Mohamed VI par le
groupe contrôlé par le magnat de la finance africaine Othman Benjelloun.

➢ Des pratiques publicitaires nouvelles


Des pratiques publicitaires plus courantes adoptées pour la promotion du projet (site web,
balisage de projets, création de manifestations dans le site du projet, envoi de SMS publicitaires,
etc.) sont alliées à des pratiques plus novatrices qui participent au rayonnement et à l’attractivité
du projet aux niveaux national et international, à travers de nouvelles techniques de
médiatisation.

5
Cet esprit dérogatoire a été qualifié dans la loi N° 16-04 régissant sa création, de procédure spéciale
d’expropriation, et a été décrit dans les articles 5, 7, 9, 10 et 11, 15 à 18 inclus au niveau de ladite loi. La loi N°
16-04 ne fait pas, à titre d’exemple, référence au droit des expropriés à faire valoir leur droit en justice. L’article
15 de cette même loi, a ramené la durée de l’enquête administrative relative à l’expropriation de deux mois à un
mois. L’article 25 y figurant, a aussi indiqué que les effets de la déclaration d'utilité publique cessent à l'expiration
d'un délai de 10 ans à compter de la date de publication au " Bulletin officiel " du décret approuvant le plan
d'aménagement, au lieu de deux ans. Aussi, conformément à l’article 35, l’indemnisation suite à l’expropriation
d’un bien, est calculée à partir de sa valeur au moment de la création de la loi N°16-04 (Novembre 2005), au lieu
de la calculer à partir de la date de la publication du décret d’approbation du PAS au bulletin officiel (Octobre
2009) conformément à la loi N° 7-81. (AAVB, 2005)

110
L’adoption de pratiques publicitaires nouvelles octroie un rayonnement à l’opération, à travers :
▪ Des procédés nouveaux de marketing valorisant l’approche adoptée pour l’aménagement de
l’opération, telle que la communication destinée au rayonnement de cette opération qui a été
adoptée par l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg (AAVB), orientée vers « l’approche
durable » de l’aménagement. Cette opération affiche dans sa stratégie officielle (discours tenu
au niveau de la presse, page Web, etc.) et dans ses communications à l’international, des
objectifs qui s’articulent autour de composantes essentielles de l’urbanisme durable, tels que la
citoyenneté, l’environnement, la mémoire du lieu et les transports. La labellisation fait partie
de ces outils qui participent incontestablement au rayonnement de l’opération : Le 24 mai 2015,
l’Union pour la méditerranée a attribué le label UpM à l’AAVB pour le projet de développement
de Kasbat Abi Raqraq, situé au niveau d’une grande plaine inondable d’environ 2280 ha et
s’étendant du pont de l’ONCF au pont Mohammed V. Cette labellisation a été accordée à la
suite de la considération de ce projet urbain comme l’un des projets urbains innovants, durables
et exemplaires en Méditerranée (prise en compte des dimensions environnementale,
économique et sociale) et un facteur de son développement urbain et socio-économique, ce qui
participe au rayonnement de l’aménagement de la vallée du Bouregreg dans la zone Euro-
Méditerranée. (AAVB, 2015) ;
▪ Le recours à une maîtrise d’œuvre internationale, notamment à des architectes de renommée
mondiale6, légitimé par un souci de création d’un aménagement « innovant » par une maîtrise
d’œuvre spécialisée, et parfois parce qu’elle est plus proche des investisseurs étrangers. En
effet, ces architectes étrangers participent à la promotion internationale du projet, à travers des
communications qu’ils font sur le projet, des articles qui leur sont destinés et des publications
sur leurs œuvres. Ce projet d’aménagement, à titre d’exemple, a été qualifié de projet pouvant
« offrir un point de référence durable pour des projets futurs au Maroc » par l’Architecte chef
de projet du cabinet Foster.7 Marc Miriam en étant lauréat du prix 2013 d’architecture d’Aga
Khan pour la réalisation du Pont Hassan II, a participé à la promotion de toute l’opération
d’aménagement.

➢ L’adoption d’une approche plus durable, à la fois sociale, environnementale et


économique
Au Maroc, les incidences négatives de la croissance du tissu urbain et des diverses activités
qu’il abrite, sur l’environnement et la qualité de vie des citadins (près de 60% des Marocains),
ont forcément créé une prise de conscience aussi bien des pouvoirs publics que de la société
civile, en faveur de l’adoption d’une approche durable en Urbanisme et en Architecture.

En urbanisme réglementaire, cette prise de conscience a évolué, allant de visions économiques,


sociales et environnementales, vers une logique de développement durable.
En urbanisme opérationnel, le Maroc bénéficie depuis les années 2000 d’une stratégie
d’aménagement ambitieuse et volontariste, caractérisée par la concrétisation de grands projets
d’envergure nationale, voire internationale. Ces projets sont destinés aussi bien à améliorer

6
L'architecte français Marc Mimram pour la conception du pont Hassan II, le cabinet Reichman pour la réalisation
du PAG du projet d’aménagement de la vallée, le cabinet anglais Foster&Partners pour la conception du plan
d’aménagement du projets immobiliers Bab Al Bahr, l’architecte Zaha Hadid pour la conception du grand théâtre
de Rabat, etc.
7
« Andy BOW, Architecte –Chef de Projet Foster et Partner :
« Nous sommes très enthousiasmés à l’idée de travailler sur ce projet, et notre approche est une réplique à la
singularité du climat, de la culture et du paysage maritime de Bab Al Bahr. Le site a un énorme potentiel en matière
de jonction des deux médinas historiques, avec l’implantation d’une communauté nouvelle et durable. Ce « portail
vers la mer » est conçu pour servir de standard au nouveau mode de développement le long de la vallée du fleuve
Bouregreg et, dans un sens plus large, offrir un point de référence durable pour des projets futurs au Maroc. »
(AAVB, 2009).

111
considérablement l’infrastructure et le tissu urbain du pays, qu’à renforcer son développement
socio-économique dans une approche de Développement Urbain Durable (DUD).

Sur les plans social et environnemental, l’aménagement de la vallée du Bouregreg (AVB) a


orienté les principaux objectifs du parti d’aménagement de la vallée vers des impératifs de
développement urbain durable, à savoir :
▪ Développer une urbanisation protégée des risques d’inondation ;
▪ Protéger un environnement fragile et mettre en valeur le patrimoine paysager de la vallée ;
▪ Eriger le patrimoine historique de la vallée en bien commun vivant ;
▪ Promouvoir les mixités urbaine et sociale ;
▪ Garantir une urbanisation durable dans le respect des traditions et de la culture Marocaines,
en gérant les eaux de pluie et en s’inspirant de la composition urbaine et architecture locale, etc.
(PAS AVB, 2009)

Sur le plan économique, l’Aménagement de la Vallée du Bouregreg (AVB) a opté pour une
opération de renouvellement urbain basé sur une régénération économique orientée vers le
tourisme et la culture. Parmi les actions qui ont été entreprises, peuvent être citées :
▪ Le lancement du « Programme Rabat, ville lumière, capitale marocaine de la Culture » en
Mai 2014 ;
▪ La création de la Société Rabat Région Aménagements en novembre 2014 ayant pour
principale mission d'assurer la maitrise d’Ouvrage Déléguée du programme de développement
de la ville de Rabat 2014-2018 baptisé «Rabat ville lumière, capitale Marocaine de la culture» ;
▪ La création d’une société filiale de l’AAVB « Bouregreg Culture » en Avril 2015, laquelle
a la charge de la réalisation et de l’exploitation des équipements culturels ;
▪ Le lancement d’un ambitieux projet intégré pour la culture en 2016 « Wessal Bouregreg »,
comprenant des infrastructures culturelles (le Grand Théâtre de Rabat, la Maison des arts et de
la culture, la Bibliothèque des archives nationales du Maroc, etc.), des promenades thématisées
le long des deux rives du fleuve, des programmes résidentiels, tertiaires et hôteliers.

2. Le développement urbain durable (DUD) du renouvellement urbain de la zone de


l’embouchure du Bouregreg basé sur une approche plutôt latine

Les rives du Bouregreg, longtemps délaissées, consistaient, par le passé, un territoire sans usage
et une fracture urbaine entre les deux villes de Rabat et de Salé. Aujourd’hui, le lien entre les
deux côtés du fleuve, au niveau de la zone de l’embouchure, a été renforcé. Le renouvellement
urbain de l’embouchure du Bouregreg entamé en 2006 a permis le passage des berges de zone
en marge de l’urbanisation en zone réaménagée avec de nouveaux ponts, une marina, des quais,
des promenades, etc. Il a réussi à produire un aménagement tourné vers le fleuve, à mettre en
valeur le site, à développer de nouveaux usages et à réaménager les circulations.

Les problèmes de mobilité, au niveau de la zone de l’embouchure, sont principalement dus au


contexte socio-économique des deux villes de Rabat et de Salé, dont la première est la ville
principale (problématique de la polarisation urbaine). Ces problèmes ont été atténués grâce à
l’amélioration des infrastructures de la ville (mise en service du tramway, trémies, etc.) et à la
réalisation de nouvelles infrastructures de franchissement. Toutefois, la traversée fluviale des
deux roues et la réalisation d’un pont piétonnier sont des actions qui n’ont pas été menées, ce
qui représentent incontestablement un handicap à la promotion de la mobilité douce et à
l’amélioration de la qualité urbaine de l’aménagement et de la sécurité des usagers.

112
En ce qui concerne la gestion des risques, certaines zones urbanisables seraient également
situées dans des zones à risques de submersion marine, tels que les terrains longeant la plage
de Salé ou situés au niveau du nouveau port de pêche. (Banque mondiale, 2011). Ce nouveau
port est très vulnérable à la houle et à ses dangers probablement, du fait de sa conception et de
sa situation actuelle sur la façade atlantique. Les digues sensées protéger le port et créer un plan
d’eau calme, les vestiaires fortement exposés du fait de leur implantation en position avancée,
ainsi que le matériel ont été endommagés par la houle.

Les espaces ouverts de la zone souffrent de plusieurs handicaps et dégradations qui altèrent
considérablement la qualité urbaine de l’aménagement et la qualité de vie et de bien être des
usagers. Des mutations d’usage, des comportements inappropriés, des coupures urbaines, une
qualité urbaine contrastée entre espace ouvert situé dans la composante immobilière haut
standing et les autres espaces ouverts de la zone, un manque de structures d’accompagnement
(toilettes publiques, structures assurant l’amélioration des activités permanentes, etc.), etc. sont
autant de manquements qui sont dus notamment au retard dans la réalisation de certaines
composantes de l’aménagement, du comportement des usagers et d’une gestion contrastée d’un
espace ouvert géré par la composante immobilière haut standing et les autres espaces publics
de la zone. (Benabdallah N., 2020)

Sur le plan environnemental, l’aménageur a mené, entre autres, des études environnementales
qui identifient les contraintes environnementales et des études spécifiques qui concernent le
patrimoine historique.

Les actions qui ont été menées en faveur du patrimoine naturel sont plutôt des actions
ponctuelles qui visent principalement la mise à niveau du site, telles que les actions de
dépollution du site permettant notamment la valorisation des nouveaux espaces urbanisables.
Certaines actions, qui auraient pu jouer un rôle environnemental, n’ont pas été prévues telle que
l’intégration des énergies renouvelables dans la construction, alors que d’autres n’ont pas été
prioritaires, tel que l’aménagement des Zones humides permettant de favoriser les continuités
écologiques et de préserver les zones fragiles.
Les aménagements menés au niveau de la zone de l’embouchure, des deux côtés du fleuve,
n’ont pas été orientés vers un aménagement paysager, l’aménagement côté Salé étant plus dense
et côté Rabat plus aéré.
Le choix d’aménagement, côté Salé, répondant beaucoup plus aux attentes des investisseurs
(Aménagement non paysager, marina, opérations immobilières Haut standing aux « densités
perçues » importantes, dont les espaces ouverts sont sécurisés et privatisés en partie), risque de
de générer à termes un impact environnemental irréversible sur la zone.

L’analyse du règlement du PAS montre également que l’application du ratio de végétalisation


concerne l’ensemble du territoire d’aménagement, soit sur les 6 séquences, et que les grands
espaces verts sont prévus en fonction des opportunités foncières (la végétalisation des zones
inondables au niveau des séquences 3 et 4). (PAS, 2009)
L’analyse du paysage urbain confirme ce constat. La végétalisation de la zone de l’embouchure,
une zone abritant des noyaux anciens denses et enclavés, n’a pas été pensée à l’échelle de
cohérence territoriale.
En effet, cette zone n’a connu, à ce jour, que la concrétisation d’actions ponctuelles de
verdissement. Les espaces publics, les plus importants de la zone, n’ont connu qu’un
aménagement, très peu boisé, à dominance minérale. Le verdissement de la zone se limite à de
petits espaces verts et à la végétalisation d’espaces impropres à la construction, aussi ces
espaces verts ne sont pas tous reliés entre eux.

113
Les actions menées en faveur des patrimoines historique et architectural au niveau des zones de
restructuration sont plutôt des actions ponctuelles qui ont été menées par l’Agence de
l’aménagement de la vallée du Bouregreg (AAVB) et la société Rabat Région Aménagement.
D’un point de vue patrimonial, la priorité a été donnée aux nouveaux aménagements (travaux
d’infrastructures et nouvelles composantes immobilière Bab Al Bahr) au détriment d’une
réhabilitation globale et profonde des tissus anciens qui surplombent l’embouchure (les
médinas de Rabat et de Salé et leurs Mellah, ainsi que la Kasbah des Oudayas). Parmi les actions
ponctuelles menées en faveur du patrimoine de la zone, peuvent être citées la réhabilitation des
murailles et des monuments historiques en l’absence de préservation ou de valorisation globale
de l’ensemble des noyaux anciens (Manque de sécurisation, manque de structures
d’accompagnement et d’animations touristiques, actions de restitution de l’aspect originel des
noyaux anciens non prioritaires, etc.). Depuis, la mise à niveau globale des noyaux anciens a
été priorisée, notamment au niveau du site historique de la Kasbah des Oudayas qui sera
récemment doté d’un plan d’aménagement spécial et de sauvegarde.

D’un point de vue social, des actions d’insertion et de solidarités sociales ont été menées en
faveur des barcassiers, poissonniers et pêcheurs de la zone. Ces actions ponctuelles laissent
présager qu’elles n’ont eu pour but que la libération des zones urbanisables et aucun objectif de
renforcement de l’équité sociale, étant donné qu’elles ont été dépourvues d’une action effective
d’accompagnement social.
Aussi, l’instauration d’une mixité sociale au niveau de la zone de l’embouchure risque d’être
compromise, à termes, par l’orientation de la nouvelle composante immobilière (Bab Al Bahr)
vers le Haut standing et l’absence de composantes sociales au niveau de Bab Al Bahr. Elle
risque également d’être compromise, à cause de la privatisation des nouvelles composantes
immobilières développées par le nouveau partenaire de l’aménageur, en l’occurrence Eagle
Hills, pouvant causer une ghettoïsation de cette composante de l’aménagement.

Les inégalités urbaines, existantes entre noyaux anciens en manque de réhabilitation et les
nouveaux aménagements de Haut standing, creusent davantage le fossé entre les différentes
catégories sociales. La mise à niveau globale des noyaux anciens limitrophes, et dont l’urgence
n’est guère à démontrer, n’a pas eu lieu en amont ou parallèlement aux aménagements urbains
entrepris au niveau de la zone d’embouchure, ce qui pourrait compromettre le renforcement de
l'équité territoriale et la cohésion sociale.

La participation citoyenne n’a pas été, quant à elle, engagée en amont du projet, en tant qu’outil
d’aide à la conception permettant à l’aménageur de mieux répondre aux attentes et aspirations
des personnes concernées, et à mieux les convaincre à adhérer à ses idées. L’absence de
participation citoyenne effective se traduit par les constats suivants :
▪ Les actions d’informations ont été menées à des fins de sensibilisation des populations
concernées, sans réel aspect de consultation avec elles ;
▪ Les actions de concertation ont été engagées par l’aménageur avec certains acteurs, tels que
les Barcassiers ou les poissonniers, en vue de libérer les lieux pour entamer les aménagements;
▪ Les actions de consultation citoyenne menées lors de la procédure de l’enquête publique en
2009, ont été engagées après le lancement de l’opération en 2006. (Mouloudi H., 2013) ;
▪ La forte mobilisation des populations concernées, menée dans le cadre de plusieurs
associations et comités de quartiers déjà existants, est le résultat de leur rejet et de leur
mécontentement vis-à-vis de certaines dispositions de la loi N°16-04 relative à l’aménagement
et à la mise en valeur de la vallée du Bouregreg(mesures dérogatoire d’expropriation) et du
projet du PAS soumis à l’enquête publique. (Mouloudi H., 2010) (Mouloudi H., 2013).

114
Cette manifestation de rejet a conduit le maître d’ouvrage à reléguer l’expropriation comme
une action de dernier recours et d’engager les négociations avec les populations concernées.
Certains quartiers, à l’instar du quartier Rmel, n’ont pas été soumis à l’expropriation, la mesure
d’expropriation n’ayant pratiquement concerné que le quartier Cardona, qui était au niveau du
tracé du Tramway. Aussi, au niveau de la zone de Sidi Ben Acher, les populations locales seront
maintenues sur place, et leurs habitations bénéficieront d’une opération de mise à niveau, et ce
conformément à l’article 18.1 du PAS : Zones de Restructuration (PAS AVB, 2009).

Les négociations ouvertes ont également conduit l’aménageur à limiter l’intervention de


l’AAVB au niveau de la Kasbah des Oudayas, conformément à l’article 18.1 du PAS : Zones
de Restructuration (PAS AVB, 2009). En ce qui concerne, les constructions existantes au sein
de ce tissu ancien, qui s’appuient au rempart, et qui étaient grevées d’une servitude non
aedificandi, ont bénéficié d’une servitude non Altius Tollendi, conformément à l’article 8.4 du
PAS : Servitudes liées à la protection du patrimoine historique et Archéologique (PAS AVB,
2009). L’aménageur a dû faire des concessions, allant jusqu’à l’abandon de certaines
dispositions qui auraient pu valoriser ce projet, dont la restitution de l’aspect originel de la
Kasbah des Oudayas, ce noyau ancien notamment par la restitution du chemin de « ronde » qui
existait le long des remparts, etc.

▪ La forte mobilisation a probablement influencé la décision des acteurs locaux, mis à l’écart
par l’AAVB. La commune urbaine Salé a émis un avis défavorable au projet du PAS, lors des
délibérations communales du 28/10/2008. (Mouloudi H., 2013)
Sur le plan économique, les retombées du recours à la culture et au tourisme culturel comme
levier économique du renouvellement urbain restent incertaines compte tenu de l’état
d’avancement du projet.

La redynamisation économique de la zone reste tributaire de la redynamisation économique des


noyaux anciens qui nécessite la mise à niveau globale des noyaux anciens. Le développement
du tourisme notamment culturel et l’élargissement des types d’usagers sont compromis à cause
du manque de valorisation du patrimoine historique, de la qualité urbaine insatisfaisante des
aménagements et les retards dans le lancement ou l’achèvement de composantes importantes
de l’aménagement. (Nawal Benabdallah, 2020)

Ces retards, qui altèrent le rayonnement de l’opération, dont ceux déplorés dans la réalisation
certaines composantes culturelles et touristiques (Le théâtre de Rabat-Retard de 3 ans), ne
permettent pas d’affirmer si le renouvellement urbain de l’embouchure permettrait à termes
l’émergence d’une centralité urbaine forte au niveau de l’agglomération de Rabat-Salé, et si le
tourisme et la culture pourraient être un levier important du développement urbain de cette
opération de renouvellement urbain et de la ville de Rabat.

L’approche adoptée dans ledit-projet n’est pas une approche globale, à l’image des diverses
approches de développement urbain durable (DUD), menées par le monde. En effet, les
approches adoptées dans les projets urbains favorisent plus des démarches plutôt sociales,
environnementales ou économiques. Toutefois, les retours d’expériences montrent que les
projets les plus exemplaires se sont distingués par leurs caractères novateurs, surtout ceux qui
ont adopté une approche basée sur l’adéquation entre biodiversité et densité urbaine, ceux qui
ont ouvert la voie à des innovations significatives, ceux qui ont adopté une approche citoyenne,
et ceux qui ont adopté une approche basée sur une démarche de régénération économique du
territoire, etc. (N. Benabdallah, 2016)

115
Le développement urbain durable (DUD) du renouvellement urbain de la zone de l’embouchure
du Bouregreg est basé sur une approche plutôt latine. La régénération économique des
opérations de renouvellement urbain des villes latines, qu’elles soient orientées vers la culture
et le tourisme, a montré les retombées positives de l’utilisation d’un tel concept sur leur
développement économique et sur celui de l’ensemble de la ville.
Cependant, la réussite de ces opérations ne dépend pas uniquement de l’adoption d’une
approche tournée vers le tourisme culturel, les régénérations urbaines de ces villes latines se
sont inscrites dans des démarches lourdes de renouvellement urbain. Octroyer un rayonnement
à l’opération, améliorer la qualité des espaces publics et établir un partenariat public privé, ont
été les clés du rayonnement et du succès de ces opérations d’aménagement.

Les approches des renouvellements urbains de Barcelone et de Bilbao ont été orientées vers une
durabilité urbaine, traduite principalement par la valorisation de la production architecturale et
de l’espace public. L’amélioration de la qualité des compositions urbaines, de l’environnement
et des modes de déplacements, etc. a permis de rehausser la qualité de vie des populations et le
bien être des usagers de ces zones urbaines en reconversion. Bilbao a en plus adopté des
pratiques originales, telle qu’une démarche de marketing urbain tournée vers l’architecture et
le design urbain.

Ces modèles sont des opérations qui se sont également inscrites dans des participations
citoyennes basées sur la contestation. Toutefois, au cours du renouvellement urbain du quartier
industriel Poblenou (le quartier 22@bcn) à Barcelone, la participation citoyenne basée sur le
conflit, n’a pas compromis la réussite du renouvellement urbain de Barcelone.
Au niveau du renouvellement urbain de Poblenou, le mouvement de revendication s’est soldé
par une expulsion mouvementée et une solution de compromis, malgré le fait que la
mobilisation des citoyens ait permis la sauvegarde d’un certain nombre d’édifices qui
témoignent du passé industriel du quartier. Le quartier qui comportait plus de 250 ateliers
d’artistes en 2000, à la date de lancement de l’opération, ne comportait plus que 7 ateliers en
2010/2011. (Ballester P., 2013)

Grâce au partenariat incitatif envers le privé, la qualité des espaces et de leurs usages n’a pas
incombé uniquement aux gestionnaires au niveau de ces renouvellements latins.
L’Augmentation du COS en contrepartie de la réalisation d’infrastructures ou d’équipements
au niveau des renouvellements fait partie des mesures incitatives qui ont été adoptées en faveur
du secteur privé. Les résultats encourageants du partenariat public-privé dans ces projets latins
sont dus à plusieurs facteurs dont les mesures attractives par l’amélioration en amont des
infrastructures de la ville (Port, aéroport, routes, etc.) et la réalisation d’une première opération
démonstrative en un temps réduit (mesure encourageante pour fédérer les investisseurs et les
promoteurs fonciers et immobiliers).

Ces projets latins ont montré que les volets social et environnemental devraient être davantage
renforcés. En effet, davantage d’efforts doivent donc être déployés pour que les projets urbains
durables deviennent des quartiers pour tous, à l’instar d’opérations d’aménagement qui ont
réussi à renforcer l’équité sociale, en améliorant la diversité de la population, des fonctions,
etc., et à promouvoir le lien social, en renforçant l’équité sociale et la participation de la
population.

L’analyse de divers retours d’expériences montre que les approches de développement urbain
durable DUD, menées par le monde, montre en effet que la mixité sociale et l’équité urbaine

116
sont des objectifs difficilement atteints et le renforcement de la biodiversité est un objectif
rarement pris en compte.8

Le renouvellement urbain de l’embouchure du Bouregreg s’inscrit dans une régénération


urbaine orientée vers la culture et le tourisme culturel et visant un développement urbain plus
durable, s’apparentant à l’approche expérimentée dans les cas de renouvellement urbain de
Barcelone et de Bilbao. La régénération urbaine de la zone de l’embouchure a également été
basée sur l’amélioration de la qualité urbaine qui a permis d’améliorer le bien-être des usagers
et l’attractivité de ces cas latins.

Le renouvellement urbain de la zone de l’embouchure du Bouregreg et les renouvellements


urbains latins ont offert aux résidents et visiteurs des villes l’occasion de renouer avec leurs
fronts d’eau et ont permis l’amélioration de la qualité urbaine de l’aménagement (mise à niveau
du site, valorisation et restauration de site historique, réalisation de nouvelles infrastructures et
aménagement de plusieurs espaces ouverts publics, etc.).
Toutefois, la protection de l’environnement, la consolidation des biens et des personnes,
l’atténuation des inégalités urbaines et socio-économiques, l’amélioration de la qualité de
certains espaces ouverts et l’achèvement de l’aménagement de la première séquence à titre
démonstrateur, la mise à niveau globale du patrimoine historique, l’élargissement du partenariat
public-privé, etc. qui ont été les clés du rayonnement et du succès de ces renouvellements
urbains latins, sont autant d’actions à promouvoir davantage au niveau du renouvellement
urbain de la vallée du Bouregreg.

Aussi bien dans le renouvellement urbain de la zone de l’embouchure de la vallée du Bouregreg


que dans le renouvellement urbain de Barcelone, une participation citoyenne basée sur le
conflit, a certes contraint l’aménageur, à faire certains compromis aux désavantages de

8
Plusieurs projets urbains modèles ont tous produits des opérations Haut Standing, n’assurant aucune mixité
sociale au niveau de l’opération, et développant parfois même un système de « Ghettoïsation », facteur d’une
fragmentation urbaine et sociale, surtout au niveau de quartiers fermés ou isolés.
Pour éviter la ségrégation sociale, la ghettoïsation, les écarts urbains, etc., les aménagements de développement
durable devraient s’inspirer de cas internationaux qui ont réussi à les dépasser, à l’image du quartier Vauban et de
l’opération Haram City en Egypte.
Bien que mener une opération dans un cadre participatif ou consultatif soit une tâche ardue, non souhaitée par
nombre d’aménageurs, les résultats obtenus en termes d’adhésion, d’acceptation et d’appropriation des
aménagements dans les opérations qui se sont inscrites dans une approche participative, comme le cas du quartier
Kronsberg à Hanovre (Allemagne), sont probants.
En ce qui concerne le volet environnemental, au-delà de l’amélioration de la qualité de l’environnement local
largement prise en compte par le biais de la dépollution du site et du choix d’un aménagement paysager, le volet
de la biodiversité a été rarement pris en compte dans les projets urbains de DD, menés aussi bien en Amérique du
Nord qu’en Europe.
Bien que le renforcement de la biodiversité soit rarement pris en compte, certains cas, à l’image du quartier Bo01
à Malmö (Suède), ont expérimenté une approche basée sur l’introduction de l’eau et de la biodiversité dans
l’aménagement, en visant leur préservation et leur renforcement.
Au niveau de l’aménagement paysager dudit quartier Bo01, la végétation est abondante et l’eau est omniprésente
jusqu’au cœur de l’îlot, ce qui rapproche les habitants de l’élément aquatique. Des espaces verts et des zones
humides, de véritables « corridors biologiques » ont été prévus, grâce à l’adoption d’une trentaine de mesures
prises en vue de créer une grande variété de biotopes qui accueilleraient les oiseaux, les batraciens et d’autres
animaux, et qui permettraient la circulation et la survie de diverses espèces animales et végétales.
Aussi, certaines villes nord-américaines, comme la ville de Portland, ont été précurseurs dans l’adoption d’une
approche qui viserait à inviter la campagne en ville, en y intégrant la nature et la biodiversité dans l’objectif
d’améliorer et de régénérer la biodiversité. Ainsi, le Quartier South Waterfront à Portland a développé, en plus de
parcs et d’espaces verts, des rues vertes et une centaine de jardins communautaires destinés à l’agriculture urbaine;
ces espaces verts ayant la particularité d’être reliés entre eux et connectés avec les autres espaces verts de la ville.
(Benabdallah N., 2016)

117
l’aménagement, mais sans toutefois répondre à l’ensemble des attentes et revendications des
populations concernées.

Conclusion

L’analyse du contexte d’aménagement du renouvellement de la zone de l’embouchure de la


vallée du Bouregreg confirme un constat fait à l’international. Celui-ci a adopté de nouvelles
pratiques s’apparentant à celles adoptées dans les projets urbains de développement durable
menés au niveau international dans le cadre d’urbanisme de projet, et plus particulièrement ceux
en fronts d’eau « water front », dont le recours à une structure Ad’hoc qui permet d’éviter la
multiplication des acteurs et la réglementation contraignante au niveau de l’urbanisme
réglementaire rendant la réalisation de grands projets urbains souvent difficile. La création
d’une structure Ad Hoc pour la conduite d’un projet urbain au Maroc a depuis été reconduite
dans d’autres projets urbains, à l’instar de la création de l’Agence pour l'Aménagement du Site
de la Lagune de Marchica.

Le renouvellement de la zone de l’embouchure de la vallée du Bouregreg a également confirmé


certaines constatations faites à l’international. Il apparait également qu’être un projet
exemplaire dans un effort de renouvellement des pratiques a permis à certain projet urbain
d’être un levier et une vitrine pour la mise en œuvre d’approche plus durable. A l’instar des
opérations, menées dans certaines villes nord-américaines ou nord-européennes, qui devancent
parfois même la législation en initiant, par exemple, une opération pilote de tri d’ordures et de
gestion durable de l’eau et de l’énergie (adoption de systèmes de jardins filtrants pour la gestion
de l’eau, autonomie d’énergie et recours aux énergies renouvelables). Mais, il apparait
également que le renouvellement des pratiques n’est pas une condition sine qua none de
l’adoption d’approches novatrices et exemplaires au niveau des volets sociaux et
environnementaux.

Le renouvellement urbain de l’embouchure de la vallée du Bouregreg a certes favorisé


l’orientation de la ville vers son front fluvial, a amélioré la liaison urbaine entre les deux rives
et a créé une nouvelle centralité urbaine au niveau de la zone de l’embouchure ; la question qui
se pose alors : Est-ce que cet aménagement constituera-t-il à termes un cas de greffe urbaine
réussie des points de vue urbanistique, environnemental, social et économique ?

Références bibliographiques

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Officiel n° 5374 du Jeudi 1 Décembre 2005), 2005, 29 P.

AAVB. Vallée du Bouregreg : Un chantier en action. Bouregreg News, 2009, 66 P.

AAVB. LabellisationUpM de la Séquence 3 du projet Bouregreg. Communiqué de presse,


2015, 2 P.

Ballester P., « Quartier d’artistes versus cluster numérique. Entre conflit foncier et production
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Revue de géographie et aménagement, 17-18 | 2013. 90p.

118
Banque mondiale. Adaptation au changement climatique et aux désastres naturels des villes
côtières d’Afrique du Nord. Rapport, Mai 2011, 125 P.

Benabdallah N., Le renouvellement urbain de la zone de l’embouchure du Bouregreg: quelle


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Benabdallah N., « Appropriation de l’espace public urbain par les usagers : Les quais de Rabat
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Cattedra R., « Chapitre I. Les grands projets urbains à la conquête des périphéries », Les Cahiers
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Bouregreg. Document technique, Janvier 2009, 91p.

119

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