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Les Masques Arrachés, Histoire Secrete Des Révolutions Et ... Tome I & II - J.le Sueur
Les Masques Arrachés, Histoire Secrete Des Révolutions Et ... Tome I & II - J.le Sueur
Les Masques Arrachés, Histoire Secrete Des Révolutions Et ... Tome I & II - J.le Sueur
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H 27/4
· L E S
MASQUES ARRACHÉS,
HISTO I R E S E C R E T E
DEs RÉvoLUTIoNs ET coNTRE-RÉvo
LUTIONS DU BRABANT ET DE LIEGE,
Contenant les vies privées de Vander
Noot , Van Eupen, le Cardinal de
1Malines, la Pineau , l'Evêque d'An
vers, Madame Cognau, & autres
perſonnages fameux.
Jacques le Sueur ,
Par
•.
«xxxxxxx…. º,'º,'º,'º,'º,'º,)º
P R E F A C E
JD E L ' A U T E U R.
- - ( 12 ) '1
vue du criminel, les aſſociant à ſon ſort,
leur font perdre toute l'horreur du crime.
Qu'on me pardonne donc ſi je m'appeſan
tis ſur cette malheureuſe circonſtance de
me jeuneſſe, & quand j'écris cet ouvra
' ge entièr pour mon lecteur ; qu'il ne
trouve pas mauvais que j'écrive quel
ques pages pour moi ; c'eſt un ſoulage
| ment que je ne connaiſſais pas, & dont
j'ai beſoin pour me conſoler d'être ce que
je ſuis ! c'eſt votre faute, ô mon pere !
fi je ſuis devenu l'objet du mépris & de
la haine des hommes , & je ſuis en
même terns l'effroi du fripon & l horreur
de l'honnête homme. ·
Je fus donc renfermé à l'âge de douze
ans, avec tout ce que la nature a jamais
formé de plus vil & de plus vicieux ; ce
fut là que je puiſai le goût " de tous les
vices que je poſſede à un dégré qui m'a
mis dans le cas de figurer au milieu des
plus grands feigneurs, & d'y tenir mon
coin ſans ſaire tache : ſix mois de bicê
tre me formerent autant qu'autrefois trois
années de mouſquetaire formaient un che
valier français. -
( 13 ) .
paraître à volonté boîteux, borgne, aveu
gle, manchot, muet, à rappetiſſer ma
i taille de plus de ſix pouces, à contre
faire toutes fcrtes d'écritures, à eſcamo- .
ter un dez plus adroitement que le duc de
Fitz..., à filer une carte auſſi fubtilement
que le duc d'Orl..., à vuider la poche la
mieux fermée & le gouſſet le plus ſerré ;
je devins enfin un garçon unique , & mes
compagnons même rendaient juſtice à la
ſupériorité de mes talens.
M. Receveur vint un jour nous viſiter
avec M. le Noir ; 1'éloge qu'on leur fit
de moi les frappa, ils furent curieux de
voir ſi je ne démentais pas une ſi haute
réputation; ils me firent venir dans une
chambre particuliere, & m'y firent ſubir
un examen très plaiſant : ma phyfionomie
quoique laide & groteſque leur plut ;je
reſſemble beaucoup à Volange , ſi fameux
fous le nom de Janot ; je ſuis, comme
lui, maître de varier à l'infini tous les
muſcles de ma figure , & m'étant,un jour
· amuſé à faire aſſaut de grimaces avec lui,
il ſinit par s'avouer vaincu ; j'ai de plus
que lui le talent de varier ma voix &
d'être ventriſoque. . . . , *. !
Tonie I. - B
• - ' ( 14 )
· M. le Noir, au lieu de prendre avec
moi le ton ſérieux d'un juge & º ma-'
giſtrat, m'interrogea en riant ; il n'en fal
me mettre à mon aiſe ;
lait pas tant pour
jamais page, jamais abbé , jamais gaſ
con ne fut plus effronté que "º per
ſonne au monde n'a jamais Pº m'en im
poſer, pas même M. de Croſne avee ſa
- phyſionomie ſeche , plate & ſévere, pas
même le baron de Breteuil ºVºº ſon air
impudent, pas même M. Necker avec
ſon ton dur, ſon œil mépriº * ſa tête
infolente; je répondis donc à ºº Noir
ſur le ton qu'il m'interrogeait , je lui
volai ſa bourſe, ſa montre , fºº º"
choir , un fort beau brillant qu'il avait
à ſon doigt ; je lui montrai ººº talent
· à eſcamoter un dez, à filer º° carte, &
| mon adreſſe à imiter ſur le champ toutes .
les écritures. Ayant Vº la ſignature de
· M. le Noir & l'écriture de Receveur , je
| fis ſur le champ mon ordre de ſortie que
je ſignai le Noir,
& que j'écrivis à faire
douter Receveur lui-même de la ºººº
" faction ; cette maniere adroite plut tel
lement au magiſtrat, qu'il mit ºº bas de
, men erdre, en éclatant de rire ! approuvé |
| f .
( 15 )
l'écriture, qu'il me donna douze franes «
· & me recrommanda à Receveur comme
# un ſujet précieux qu'il ne fallait pas lui
laiſſer perdre de vue.
Receveur me donna un ordre pour me
rendre chez lui le ſoir même, & je n'eus
garde d'y manquer. -
*
( 1s )
- l'ir ſurrection belgique, & avee tous fes *
adhérens ; ne vous mêlez en rien des
aflaires politiques ; M. le : chevalier
des Gravieres & Ruel ont re u, ſur cet
objet , ſes ordres particuliers. Vos ap
, pointemens, tant que la préſente com
miſſion durera, ſeront comme en Hol- .
lande , de I 5oo livres par mois ; ſi
, elle ett prolongée au delà de fix mois,
le miniſtre vous accordera une gratifi
cation de mille écus. Quant aux frais
, imprêvus, comme à l'ordinaire ; je vous
| recommande cependant la plus grande
, êconomie ſur cet article , la caiſſe de
mon département ſe trouvant très -
chargée , & n'ayant dans ce moment
aucune eſpérance de ſupplément.
» Je ſuis avec une parfaite conſidé
»? ration. ,
On va voir ſi je n'ai pas bien rempli
ma commiſſion , & s'il n'y a pas l'injuſ
tice la plus criante à me refuſer le paye
ment d'une choſe qui m'a été expreſſément
erdonnée & ſpécialement recommandée.
#
( 19 )
•• •s-ºººººººeeººs-4e-º»ºr,ºn # #
LEs MASQUES ARRACHEs
Histoir E secr sre
DE LA REVOLUTION ET DE LA CONTRE
REVOLUTION BELGIQUE.
P R E M IE R R A P P O R T.
Mo N SE IG NEU R, .
EN conformité de vos ordres que j'ai .
reçus à la Haye le 6, je me ſuis renº
( 2e )
-
-
"…)
ſ.(\'\'')
\,\!|ſ'.
-\!\!\!\!\!\!\!|
"W",
\!
,
ſiſ
||
!1
· · ·* * ,
( 23 ) -
C 2.
( 28 )
une gravité noble, une nobleſſe douee &
ſans morgue , ce talent rare & néceſſaire
de tout voir , de tout juger , de tout
exécuter ſans paſſion, ce reſpect pour
les mœurs qui augmente encore la con
ſidération , tout eût concouru à rendre
fa perſonne chere & ſacrée à un peuple
naturellement bon, aimant & peut-être
trop confiant : aimé des gouverneurs-gé
néraux, attaché à leurs perſonnes, rien
n'eût jamais troublé leur heureuſe har
monie. Enfin, les vertus, l'eſprit, le
caractere , le grand uſage du monde ,
l'affabilité , la bienfaiſance , le goût ex
quis de ſon épouſe, auraient encore ſe
condé fon eſprit conciliateur ; ſon hôtel
eût été tout à la fois le temple des mœurs,
de la juſtice , des arts & du bonheur ,
tandis que je l'ai vu , celui des vices, de
l'impudence , de l'intrigue, du machia
veliſme, de la fourberie & des ſoupçons,
digne cortege de la méfiance.
Le comte de Trautmanfdorffme don
na rendez-vous pour le ſoir dans ſa loge
à la comédie, que les affaires les plus
importantes ne lui font jamais manquer.
L'abbé Sabbatier me mena énſuite
-
-
- ( 29 )
chez le général d'Alton ; j'en avais en
tendu parler comme d'une bête féroce :
ſes cruautés en Hongrie firent ſeules ſa
réputation militaire ; il n'eſt point au
deſſous de cette réputation ; mais je lus
dans ſes yeux, que, s'il avait la rage
du tigre, il avait la timidité du daim :
il eſt impoſſible que deux hommes comme
Iui & le Trautmanſdorff ne faſſe pas per -
*,
( 38 )
dans le Parc ; il en promena long-tems
la lumiere autour de lui, & ſans une
des ſtatues derriere laquelle je me tapis
· promptement, il m'eût certainement dé
couvert ; après avoir reſté une grande
minute en obſervation, il referma ſa
lanterne & marcha à grands pas vers le
boſquet dans lequel j'avais vu entrer la
Dame à la grande faye ; je I'y ſuivis,
faiſant le moins de bruit poſſible , &
tenant à ma main un de mes piſtolets
armé , bien réſolu de lui brûler la cervelle
ſi le moindre bruit m'eût trahi ; heureu
ſement pour lui & pour moi , le bruit
qu'il faiſait en marehant , l'empêchait
d'entendre celui que je faiſais en le ſui
vant. A l'entrée du boſquet il frappa trois
fois dans ſes mains, la belle répondit
par un pareil ſignal , alors il ſe précipita
rapidement dans le fond du boſquet qui,
COmme On ſait, eſt creuſé ; je le ſuivis
( 39 )
& voici ee que j'entendis ; je ne perdis
pas un ſeul mot, ni un ſeul geſte de
eette tendre & intéreſſante converſation.
Le Miniſtre en s'avançant vers la
Comteſſè.
Vous êtes donc devenue raiſonnable,
ma chere Comteſſe , & je vous vois enfin.
La Comteſſé reſtant aſſiſe ſans ſe dé
ranger. ·
, Oh / vous êtes un monſtre , & je
vous abhorre. -
La Comt. D'artifice.
· Le Min. Ah ! méchante, des épi
grammes ! ce baiſer me vengera.
La Comt. Mais je crois d'honneur
· que vous oubliez que je vous boude.
J,e Min. Tu t'en ſouviens encore.
, La Comt. Certainement, j'ai mon ma
nifeſte.
- Le Min. A la Vander Noot. -
Ia Comt. Certaincment.
, ' Le Miniſtre chantonnant :
Ah, qu'on pourrait bien mieux , cruelle,
Employer des momens fi doux.
, La Comt. Toujours le même ! Quoi !
vous ne pouvez pas parler raiſon un
quart d'heure ? - -
I.
Le Mîn. r # un quart d'heu
re.. .. auprès de vous. ... .. mais c'eſt
une éternité, Comteſſe.
La Comt. Eh bien ! dix minutes...
Le Min. Impoſſible.
La Comt. Cinq ? -
La Comt. Oui. -
S E C O N D R A P P O R T.
( 62 )
je répondis à tous ſes ſignes , mais il
m'en fit un dernier, qui fut pour moi
le nec plus ultra. Vous êtes, me dit-il,
un frere voyageur. --- Oui , fage maître,
lui répondis je , je ſuis envoyé par le
cercle de Berlin , à celui de Weimar ,
où je dois, m'a-t-on dit , trouver la Pa
role : vous n'irez peut-être pas la cher
eher ſi loin, me dit-il; l'eſprit m'a parlé
cette nuit, vous êtes appellé ; je vous
connais peu par moi-même , & beaucoup
par ceux que vous ne connaiſſez pas , &
que vous connaîtrez un jour : vous de
viendrez le récipient céleſte dans lequel
découleront les vérités ſurnaturelles ;
vous êtes l'homme dont je ferai un vafe
d'élection, & que je remplirai de la cé- .
leſte roſée que j'ai ramaſſée dans la ter
re promiſe. -
( 64 )
ſecrets myſteres , mais vous venez de
vous en rendre digne. Paſſez deux jours
entiers dans le jeûne & la priere, ne
buvez chaque jour que ſept onces d'eau,
ne mangez que cinq onces de pain ,
& le troiſieme jour , quand vous enten
drez, ſonner trois heures du matin , ren
dez - vous à la porte de Breda qui re
garde le ſoleil levant : vous y trouverez
un vieillard occupé à graver ſur une
pierre blanche la lettre G. Il briſera ſa
pierre en vous voyant, ſuivez-le, même
malgré lui, mais ne proferez pas un ſeul
mot : pendant ces deux jours, je conſul
terai l'eſprit, & j'apprendrai de lui ce
que je dois faire de vous. M'ayant dit
ces mots , il m'embraſſa plus étroite
ment qu'il n'avait fait encore, & il me
congédia.
Je m'enfermai bien exactement chez
moi pendant deux jours : je ne les paſ
ſai ni en jeûnes , ni en prieres. J'avais
pour hôteſſes deux très jolies filles , qui
daignerent me tenir compagnie , & me
· ſirent paſſer rapidement les heures de ma
retraite. -
( 65 )
Le troiſieme jour j'étais à trois heu
rcs préciſes à la porte de Breda , j'y
trouvai le vieillard occupé à graver ſur
une pierre la lettre G. Sitôt qu'il me vit,
il la briſa , & ſe mit à marcher fort vîte :
je le ſuivis comme Van-Eupen me l'a
vait preſcrit ; il s'avança dans la cam
pagne , & voyant que je m'attachais ſur
ſes pas , il me menaça d'un bâton qu'il
tenait à ſa main, & dont il me frappa
rudement à pluſieurs repriſes ; j'avoue
que la plaiſanterie ne me plaiſait pas iu
finiment , & que pluſieurs fois je fus tenté
de lui arracher ſon bâton & de l'en frot
ter comme il faut ; mais j'étais trop avan
cé pour reculer ; je m'armai de patien
· ce, & au bout d'une demi-heure, tou
jours bâtonné, nous trouvâmes un ca
brioiet attelé de deux ſuperbes chevaux
qui piétinaient d'ardeur , & que rete
nait avec peine un petit negre : mon
guide s'élança dans le cabriolet avec
une légéreté qui démentait ſa feinte vieil
leſſe ; je me diſpoſai à l'imiter , mais
alors il me préſenta un mouchair blanc :
je le pris, je me bandai • la
| ( 66 ) -
( 7o
fantômes, montés ſur des échaſſes que
cachâient des draps dégoûtans de ſang ,
dont ils étaient couverts , & armés de
larges glaives compoſés de lames d'acier
& de verre, s'avancerent vers moi ; ils
me firent coucher la face contre terre ,
& reciterent ſur moi à haute voix les
prieres des morts, après leſquelles cha
cun me jetta ſur la tête une poignée
de terre : eette fatigante & ennuyeuſe
cérémonie finie , des accens plaintifs ſe
firent entendrc : le bûcher s'alluma , &
une figure coloſſalle & preſque tranſpa
rente , s'éleva du bûcher : à ſon aſpect ,
· mes cinq fantômes entrerent en convul
ſions, & pouſſerent des cris horribles.
Alors le tonnerre gronda, la foudre
· ſillonna la voûte qui s'ouvrit. Un nuage
de feu en deſcendit, & du milieu du
nuage ſertit une voix forte & ſonore
eui me dit dans un cornet d'airain :
Mortel, prononce le ferment qui peut
ſeul unir l'homme & Dieu, le corps &
l'efprit, le fini & l'infini. , Il va le
» répéter , grand Gehova , s'écrierent
» les cinq fantômes. » En même tems,
-
( 7I )
ils m'appuyerent #.les cinq la pointe
de leurs glaives ſur la poitrine , en me
diſant d'une voix ménaçante : Repete ou
17lellrS, -
|
- ( 94 ) . • " ..
T R o Is I E M E R A P P 9 R T.
MoN sEI G N E U R,
JE ſuis arrivé à la Haye le 2 de ce
mois, & ſuis deſcendu chez Mourand,
perruquier parfumeur, où loge Vander
Noot qui eft ſon ami intime : il était
allé à Amſterdam, d'où il devait reve
,
( 1o4 )
nir le lendemain. Je ne crus pas devoir
l'y aller ehercher, & je reſtai chez
Mourand Cet homme eſt une eſpece de
favori, j'en avais beaucoup entendu par
ler pendant mon ſéjour en Hollande ,
je ſavais qu'il avait fon franc-parler à
la cour du Stathouder, & je ne fus pas,
fâché de le connaître plus particuliére
ment ; c'eſt ce qui m'engagea à ſouper
avec lui & ſa familie. Je le fis boire plus
qu'à ſon ordinaire , & le voyant un peu
échauffé je fis tomber la converſation
ſur la derniere révolution de la Hollan
de : auſſitôt ſes yeux s'enflammerent , &
bientôt il me fut impoſſible d'arrêter un
torrent de paroles, dont'j'avais impru
demment briſé moi-même la digue.
Si les princes, me dit-il , n'étaient
pas tous des ingrats , je ſerais aujour
d'hui bourguemaître ou directeur de la
compagnie des Indes ; mais les particu
liers ſont bien fous de ſe ſacrifier à
J'ambition des grands , qui les careſſent
tant qu'ils en ont beſoin , & les ou
Blient ſitôt qu'ils ne peuvent plus en ti
rer parti : tel que vous me voyez, j'ai
· été condamné à être pendu comme par
( Io5 ) -
Note ſeconde.
Du 21 août 1758.
( I4I )
témoin de mon évaſion , ſort de ehez
lui armé d'une canne longue & ſlexible ,
il frappe en magiſtrat chez Mad. de
Bellem, ſe fait ouvrir d'autorité, monte
droit à ſa chambre , en enfonce la porte
& nous trouve dans les bras l'un de l'au
tre , dans le même état que le jaloux
Vulcain ſurprit ſa belle épouſe & le
Dieu Mars.
Mon pere ne me 'donne pas le tems
de reprendre aucun habillement, & me
reconduit chez lui en m'appliquant d'un
bras encore nerveux force coups de canne
ſur mes reins découverts, au travers
d'un foule curieuſe de voiſins réveillés
& raſſemblés par les ſoins charitables
du bon curé. -
--
,
- · ( 142 ) - -
$ Paºzºººººººººººeºeºeeº & ra
•° · QUAT R I EME RAPPoRT.
Jacques le Sueur arrive à Bruxelles ſous
' le nom du R. P. Clémens de Sanč#a
Crux. Il voit Walckiers qui le con
· duit dans un taudis où il trouve le
· eardinal de Malines. Walckiers lui
ébauche l'hiſtoire amoureuſe du car
· dinal. J. le Sueur eſt admis au comité
' ſecret qui ſe tient chez le carroffier
, Simons. Quelles perſonnes compoſent
ce comité. J. le Sueur & Walckiers
rendent viſite à la Pineau Inſurrec
tion de Bruxelles. Célebre journée du
I I de décembre. Walckiers ſauve ,
Bruxelles par un faux avis donné à
d'Alton. Les troupes Autrichiennes
évacuent Bruxelles.
' \ '
De Bruxelles le 13 décembre 1789.
M ON SEIGN EUR,
( I 54 ) -
( 166 ) · -
( 174 )
- favoir ; il eſt banquier de la cour, hé
ritier & même chef actif de la maiſon
de commerce connue ſous le nom de
, Nettine, maiſon liée de très près par
le ſang à celle de nos La Borde : par
· des alliances plus éloignées aux Calonne,
& à preſque toute la haute finance de
| France, enfin pour les relations de la
banque, au commerce d'argent de toute
'I'Europe»; on porte ſes revenus à des mil
· lions, il les mange crapuleuſement avec
# des fifles : il a cependant une femme
charmante, mais il ne la voit plus ſous
prétexte qu'elle pue de la bouche : beau
coup de perſonnes cependant qui s'en
approchent de plus près que lui, pré
tendent ne s'en être jamais apperçues ; il
eſt vrai qu'un amant voit & ſent autre
ment qu'un mari. Il a une ſœur qui eſt
pucelle, dit-on , ſans être chaſte ; elle
eſt publiquement tribade, d'une inſolen
· ce ſans bornes , & en état de joûter
d'impudence & d'effronterie avee notre
impudique Raucourt.
Aufſitôt que nous fûmes entrés dans
le jardin de St. Georges, Walckiers
monte avec moi dans une eſpece de tri
( 175 )
- bune élevée au milieu du jardin : auſſi
- tôt on ſe raſſemble, on ſe pretie autour de
- lu
i, il éleve ſa voix & dit : » Généreux
j» Bruxellois, qu'attendons - nous donc
^ yy pour | nous déclarer libres ? qu'atten
· 32 dons - nous pour purger Bruxelles
º»» d'un Trautmansdorff , d'un d'Alton , .
| > », d'une poignée de brigands autri
35
chiens à demi vaineus par la crainte ?
" »» qu'attendons-nous pour ſuivre l'exem
53 ple des braves Gantois, des coura
' 3»
geux Anverſois # voyez leurs villes
" 32 domirées par une citadelle effrayante ;
2» cette citadelle eſt eouverte de ſoldats
32 menaçans , cent bouches de feu ſont
· 32
". prêtes à vomir ſur eux la mort &
3y
' l'incendie ; le cri de la liberté ſe pro
º » nonce , il eſt répété par mille voix ;
7» à l'inſtant, hommes, femmes, enfans ,
y2 prêtres, vieillards, tout s'arme ; en
5»
vain le ſoldat fait rouler ſur eux des
' 3)
º
torrens de feu : ces bouches de feu
3) ſont bravées, ces ſoldats abandonnent
22 honteuſement ces fortereſſes qui s'é
5»
croulent fous les efforts des héros ci
32
| toyens : quel exemple pour nous ! &
32 nous ſommes encore à le ſuivre ! & le
( 176 ) .
le d'Alton tremblant, laiſſe nos en
3yº fans briſer ces chevaux de friſe , com
2»
bler ces foſſés, réparer ces coupures
2 qui atteſtaient à la fois votre foree &
ſa faibleſſe ! attendez - vous que les
3» Gantois & les Anverſois viennent bri
2» ſer des fers que vous n'oſez rompre ?
2y ſouffrirez-vous qu'ils diſent à la Bel
22
gique : Bruxelles nous attendoit pour
AX être libre, & ce ſont nos mains
· qui ont planté ſur ſes remparts l'é
2y tendard de la liberté ! non , braves
Bruxellois , non, vous ne ſouffrirez
| 32 pas un pareil affront ! vous allez prou
32
ver au Brabant, à la Belgique, à
22 l'Europe, que Bruxelles eſt digne
2» d'être la premiere ville des Pays-bas. » »
» Eh !, quel plus heureux moment
pouvez-vous choiſir pour briſer le joug
de vos tyrans ? voyez les troupes au
trichiennes à peine raſſurées par une
treve que vous leur avez accordée ,
ſouffrir ſans oſer ſe venger les inſul
tes de vos femmes & de vos enfans :
--voulez-vous leur donner le tems de
ſe raſſembler , de ſe réunir dans vos
murs, de s'y fortifier, de faire de
( 177 )
3y · Bruxelles leur place d'armes, pour
ſe répandre comme un torrent deve
»» nu plus furieux par les digues mê
. »» mes, qui l'ont arrêté quelque tems,
32 · & rcnverſer les fondemens encore mal
2) aſſurés de notre indépendance ; de
» vançons ce ralliement funeſte, atta
3»
quons-les dans l'inſtant où ils ſe re
»» poſent ſur une vaine treve ! on ne
», doit pas de fidélité à des brigands :
3»
montrez-vous ſeulement, & vous ver
rez bientôt ces vils ſoldats allemands
tomber à vos pieds & vous offrir
3» leurs armes pour prix de la vie que
32
vous dédaignerez de leur arracher. Au
39 cun de ces ſoldats ne combat pour
32
la gloire, c'eſt un ſentiment inconnu
4 (.
à des eſclaves. Eh bien ! offrons-leur
3 de l'argent , achetons-les, ces ſoldats
3 mercénaires : ma fortune eſt toute à la
2 patrie, heureux de pouvoir la lui ſa
31> crifier ! Heureux de la faire ſervir à
39 votre liberté! Tenez, citoyens , voilà
3) de l'or : répandez-le : que Bruxelles
2» ſoit libre ! que les Gantois & les An
3 verſois , lorſqu'ils viendront pour nous
ſecourir , nous trouvent vainqueurs &
| ( 17s ) .
a libres comme eux ! qu'ils voyent le
», lion du Brabant flotter ſur nos éten
2, dards. » . ' · · • ·
( 182 )
avec d'autant plus de réſignation, que
ce ſera peut être un moyen certain de
nuériter votre confiance , en lui arrachant
tous les ſecrets de Vander Noot.
MValckiers lui annonça le ſujet de no
tre vifite, & combien il était important
qu'elle ſe montrât au peuple, qu'elle le
ſoulevât, qu'elle ameutât les capons du ri
vage, & qu'elle leur fît prendre la cocarde
brabançonne ; en même tems il lui remit
une trentaine de louis , qu'elle envoya
Marianne changer contre des eſcalins ;
je ne vous rapporterai pas ſa converſation
qui ne fut qu'une ſuite continuelle d'im
préeations contre l'Empereur, contre ſes
miniſtres , coxtre les de Reuſs, les Crum
Pipen, les Leclerc, les Vieilleuſes &
autres conſeillers du gouvernement dont,
en termes très énergiques , elle nous pei
gnit les déprédations & les friponneries,
qui malheureuſement n'étaient que trop
vraies ; le Vieilleuſe ſurtout eſt impu
demment coquin; c'eſt un compoſé de tous
les vices , & connu pour un ſcélérat par
le miniſtre même qui m'en avait parlé
ſur ce ton , & qui le regardait comme un
traître ; cnfin cet homme était parvenu à
( 183 )
ſe rendre également odieux & mépriſable
aux deux partis ; mais je ne laiſſai pas
tomber un propos qu'elle tint à Walc
kiers , & qui me donna le clef de toute
ſa conduite & de ſa générofité. -
Telle
( 2o5 )
Telle fut cette fameuſe nuit du 11 ;
c'eſt ainſi que fut emportée la grande
place, après un combat de trois heures, le
plus bruyant qu'on n'ait jamais entendu.
Je le répete encore, ce ne furent ni les
bourgeois, ni les volontaires, ni le peu
ple même de Bruxelles qui attaquerent la
place, ce furent 5oo garçons perru
quiers & domeſtiques français, liegeois ,
lorrains & flamands ; les patriotes étaient
barricadés dans lcurs maiſons , & trem
blaient comme la feuille. Je vais, entre
mille , vous en citer un exemple.
Pendant l'attaque de la grande place ,
je me promenais avec Walckiers & van
der Hague ſur celle de la monnoie ; à
l'entrée de la rue longue demeure un
comédien nommé du Queſnoy , le pre
mier chanteur de Bruxelles ; il était alors
à la Haye, où je l'avais vu ; je ſavais
que ſa femme était reſtée à Bruxelles ;
I'idée me vint qu'une femme ſeule, avec
deux jeunes filles , pouvait être effrayée ,
& comme du Queſnoy me l'avait re
commandée, je me préſentai chez elle
pour Ia raſſurer , mais ce n'était pas
elle qui avait beſoin de mon ſecours 3,
Tome I. S
( 2o6 )
prefque toutes les comédiénnes s'étaient
réunies chez elle, comme chez la plus
brave de la troupe, elles étaient d'a
· bord mourantes de peur , mais quelques
verres de liqueurs , & les propos gail
lards de la du Queſnoy avaient telle
ment fait diſparaître leurs craintes, que
lorſque j'entrais , elles étouffaient de
rire ; & de quoi ? de voir deux grands
patriotes qui , pâles comme la mort ,
étaient venus fe réfugier chez elle : ils
avaient caché leurs futils, leurs ſabres ,
& juſqu'à leurs ceinturons ſous le ma
telas d'un ſopha , à chaque décharge ,
tout leur corps tremblait , S. ils s'é
criaient piteuſement : ah ! nous ſommes
' trahis, on nous a fait attaquer les Aſu
trichiens trop tôt , . c'eſt une ruſe du
d'Alton pour nous égorger tous , que
n'attendions-nous l'armée des patriotes
qui doit arriver dans trois jours, nous
euffions été en fbrce. Nous ſommes tra
his. | -
• ( 211 )
que je leur ai envoyées , ſeront de
5 vant la porte de Louvain. A une
32
heure , je ferai tirer trois coups de
32
canon , & je forcerai la porte de
2
Namur, Les Louvanilies attaqueront
celle de Louvain : mes cinq mille
hommes entreront par celle de Ma
» lines , vous ferez révolter le peuple ,
2) nous entourerons les Autrichiens, &
22 pas un, ne nous échappera ; il faut
21 en exterminer la race : entretenez ce
pcndant toujours la déſertion , mon
32 cher Edouard , & tâchez à force d'ar
22 gent de vous aſſurer la garde des
- 5» | portes de Malines & de Louvain, je
32 me charge de celle de Namur , afin
92
que nous puiffions pénétrer tous à la
72 fois, & au même inſtant dans la
35 ville : je n'amene que ſix pieces de
5 canon , j'en laiſſerai deux pour l'at
2» taque de la porte de Malines, & j'en
garderai quatre pour forcer celle de
Namur. Je ne ſais pas ſi les Louva
*3 » | niſtes en auront , mais en cas de be
foin, je leur en ſerai paſſer deux de
mes quatre.
» Je vous préviens que nous ne fe
" .
( Ir2 ) "
P rofis point de quartier , il faut ven
7» ger le ſac de Gand. ,,
» Adieu, mon cher Edouard, de
» main à une heure & demie, j'eſpere
» vous embraſſer dans l'hôtel-de-ville
»1 de Bruxelles. ,,
» De l'argent ; vicomte , de l'argent.
» C'eſt avec de l'or qu'il faut nous graiſ
»» ſer les gonds des portes de Louvain
' » & de Malines. Mes complimens à vos
» Meſſieurs du comité ſecret : je ne ſuis
» pas content de celui de Breda. De
2, main nous boirons avec le vin dus
» Bohémien à la liberté belgique. Tout
» à vous , Vander Meſch. »
» De Gand ce 11 Décembre à 6 heu
res du ſoir. ,, -
MASQUES ARRACHÉS,
HISTO I R E S ECR E T E
DEs RÉvoLUTIoNs ET coNTRE-RÉvo
LUTIONS DU BRABANT ET DE LIEGE,
Contenant les vies privées de Vander
Noot , Van Eupen, le Cardinal de
Malines, la Pineau, l'Evêque d'Aa
vers, Madame Cognau, & autres
perſonnages fameux.
Par Jacques le Sueur,
AEſpion honoraire de la Police de Paris,
& ci devant employé du miniſtere
de France en qualité de clairvoyant
dans les Pays-Bas autrichiens.
N O U V E LLE É DIT IO N,
Revue, corrigée & augmentée de deux rapport4,
T O M E S E C Q N O,
A N V E R S.
ammmmmmm
I 7 9 4.
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|
·
- ( 3 )
• ºººººººººººeeºeºzººººººººººººº
LES MASQUES ARRACHÉS
HisroiRE SECRETE
DE LA REVOLUTION ET DE LA CONTRE
- REVOLUTlON Bc.LGlQUE.
| cINQUIEME RAPPoRT.
Jacques le Sueur rend viſite au capitaine
Monval. Il ſe lie intimement avec
la Pineau ; récit de ſes premieres
· années. Retour de Vander Noot à
Bruxelles ; réception qu'on lui fait.
Orgie chez la Pineau. Double com
bat, double vidoire de le Sueur à la
table & au lit. -
M O N S EI G N E U R ,
- t « , . ).
· f 6 . "
ART. II.
L'anéantiſſement du ſéminaire de Lou
vain; la diſcipline cccléſiaſtique rendue
aux évêques dans leur dioccſe, ainti que
l'adminiſtration de la caiſſe de religion.
ART. III. -
ART. IV.
L'Empereur , comme chef de l'empire
d'Allemagne, ſera déclaré & reconnu
protecteur de la république Belgique, &
tenu, en cette qualité, de lui porter ſe
| cours toutes les fois qu'elle l'en requer
ra : il ne pourra cependant pour aucune
· eauſe demeurer dans les provinces, ni y
avoir aucun miniſtre : ſauf ſon ambaſſa
- deur. | -
4 - - ART. V.
| Il ſera payé annuellement à l'Empe
| reur, à titre de chef de l'empire d'Al
lemagne, & de protecteur de la répu
blique Belgique, une ſomme de cinq
millions de $florins.
ART. VI.
Il ſera accordé un oubli général à tous
les Belges qui ont ſervi juſqu'à ce jour
•ontre leur patrie, ſoit dans les conſeils
-
| ( I5 •
( 15 )
la premiere de vos demandes ; retournez
à Vienne ; allez dire à votre maître que
vous avez vu un peuple libre & vainqueur,
qu'il peut tenter d'égorger, mais qu'i1
, ne pourra jamais ſoumettre. Quant à no
tre réponſe , la voici :
· En même tems il lui remit une copie
du manifei e de Vander Noot ,. par le
quel , au nom de la nation , il déclare
- l'Empereur déchu de ſa ſouveraineté.
MM. de Ferraii & de Lilien , après
· s'être engagés, par écrit, de ne point
, ſervir cont1e la nation Belgique, ob
, tinrent leurs paſſepots, & ſortirent de
Bruxelles le jour même, très mécontens.
Auſſitôt que les Autrichiens eurent
évacué Bruxelles, je dé, êchai un courier
à 1 an Eup en pour lui en donner l'avis ;
- il me le renvoya ſur le champ . en m'an
noncant que ie 18 Vander Noot & lui
· ſe rendraient à Bruxelies. Je fus ſur le
champ porter cette nouvelle à la Pineau,
| qui me baiſa bien amoureuſement, ce
qui me fit reu de plaiſir ; mais ce qui
, m'en fit beaucoup, ce fut l'ordre qu'elle
donna à Marianne, de venir auſû m'em
( t- )
braſſer pour l'amour de Varider Noor,:
elle obéit en rougiſſant , mais comme
je ſuis naturellement hardi, & même ef
fronté avec les femmes , que je m'en
ſuis toujours aſſez bien trouvé, que je
connaiſſais la Pineau pour ce qu'elle
était , au lieu d'appliquer mon baiſer ſur
la joue de Marianne, j'en appliquai un
dc feu ſur ſes levres que le plaiſir ou
1'étonnement lui ſit entr'ouvrir , & qui
produifit ſur elle le même effet que le
premier baiſer que St Prcux recut de
l'amoureuſe Julie. Marianne ſe laiſſa
preſque tomber dans mes bras , & en la
ſoutenant, je poſai fermement la main
ſur ſon cœur, dont ie battement préci
pité repouſſa contre ma main un ſein de
marbre : mon révérend pere , me dit le
Pineau , à demi piquée , je vous en ferai
des filles pour me les baiſes de la ſorte ;
ne te fâche pas, lui dis-je , maman , car
je ſerais homme à te baiſer de même. --
Parbleu, je voudrais bien voir cela ! -
Eh bien ! vois-le ; en même tems je m'é
lançai ſur el'e , mais ce fut moi qui re
çus le baiſer de cette vieille #º,
- B
- ( 18 )
qui, m'ayant fortement empoigné la tête,
laiſſa plus de vingt ſecondes ſa bouche
eôllée ſur la mienne ; il fallut tOut mOrt
eourage pour ſupporter ce long embraſ
ſement, mais dans le moment je me com
parai aux iſraélites qui furent obligés de
paſſer la mer rouge pour arriver à la
terre promiſe, & l'efpérance de rendre
à Marianne les careſſes de ſa mere, me
les fit ſupporter. - - -'
Hiſtoire de la Pineau. .
• Je ſuis née à Namur, je ne puis dire
( 19 )
aujuſte l'année, mais ce fut en r741 où
I742 (a). " , ,
- : , :
Tome II. · C ·
( 26 ) ,
dc voir des voleurs eſcalader les miIrs
du couvent des carmes. M. Vander Noot,
le pere de mon Vander Noot , ſe leve,
auſſitôt , il fait entourer le couvent par
toute la garde municipale , & fait faire
dans la maiſon la perquiſition la plus
exacte : j'étais alors dans la cellule du
pere Vicior, qui me faiſait une démonſ
tration de phyſique; nous entendons le
bruit que font les perquifiteurs : le R. P.
ne voulait ni pour lui, ni pour moi que
je fuſſe trouvée dans ſa cellule : pour
éviter le ſcandale , nous deſcendons dans
l'égliſe, nous nous blotiſſons dans la
chaire, car comme je tremblais de tous
mon corps , il eut la complaiſance pour
me rafſurer , de ſe cacher avec moi. Mais
nous comptions en vain échapper à la
recherche des inquiſiteurs ; après avoir
viſité tous les coins de la maiſon, ils
viennent dans l'égliſe, & nous trouvent
le pere Victor & moi cachés dans la
chaire (a) ; jugez de notre confufion ;
" (a) Vous ne dîtes pas, Madame Pineau, dans
quel état on vous y trouva ; vous ne dites pas
que vous étiez dans les bras l'un de l'autre.,
que vous étiez tous | es deux nuds en chemifes,
oº qui auuonce que le démonſtration de la phy.
( 27 ) .
Vander Noot pere était l'homme le plus
dur & le plus méchant qui ait jamais
exiſté ; j'eus beau me jetter à ſes pieds,
les baigner de mes larmss, il fut inexo
rable , & m'envoya dans un couvent (a)
où je reſtai trois mois ſans voir perſon
ne , pour le pere Viāor, il fut livré à
ſes moines; je ne ſais pas comment ils
le traiterent , car j'ai eu beau faire toutes
les perquiſitions poſſibles, jamais je n'ai
pu en ſavoir aucune nouvelle, , peut
être eſt-il mort dans un de leurs cachots
ſacrés. - - -
2»
igneurie de Hoogſtráatcn, l'on me fit
>>
une réception ſolennelle comme au
2)
ſouverain du pays. Nous dinâmes
- *
( 35 )
3 · tous à Sourſel, & nous paſſerons ſa
2 , nuit à l'abbaye des religieuſes de Na
25 zareth près de la ville de Lier ; demain
22 nous nous remettrons de - bonne heure
en route pour arriver avant midi à
Bruxelles. En quittant la ville de Bré
da , j'ai témoigné aux habitans toute
ma reconnaiſſance , & le militaire ar
mé nous a rendu à notre départ tous
les honneurs dûs à une aſſemblée
ſouveraine. A
T E M P L E
D E L' H O N N E U R
E T
D E L A L I B E R T É.
x ;….<xxxx
SIX I E ME R A P P O R T°
M O N S E I G N E U R,
- -
( 54 )
à une pareille folie, dont tout le ridi
cule retomberait ſur eux ; Vander Nooe
vaincu par ces raiſons, remercie le peu
pie, commence par le prier doucement
de ſe retirer , lui déclare qu'il ne don
nera pas le ſpectacle de la ſervitude la
plus abjecte dans une ville libre, &
voyant que le peuple ne l'écoute pas ,
extrême en tout & colere , il deſcend
de voiture , donne un coup de poing
dans l'eſtomac d'un de ces trop obligeans
·ſatellites, & lachant des f. & des b., il
écarte le peuple qui reſte la bouche béan
te, incertain s'il doit applaudir ou huer
cette groſſiereté républicaine , & très
étonné du genre d'éloquence de ſon dé
moſthene. #
La Pineau, préſidente. N
Vander Noot. ,
Van Eupen.
• J. le Sueur, ſous le nom du baron de
Bamberg.
L'Archevêque de Malines.
Son ſecrétaire l'abbé du Vivier.
L'Evêque d'Anvers.
Les abbés de Tongerloo ,
de S. Michel,
du Parc,
de Grimbergh ,
de S. Bernard , ·
de Gembloux , · · ·
|
( 56 ) - !
| Le comte de Lîmminghe. ,
Le comte de Loretan.
M. Baillet Gewes.
, La Pineau avait fait entrer à ce co
mité ſecret trois ſcélérats ſubalternes,
qui lui font tout dévoués , & prêts à
commettre indifféremment toutes les baſ
feſſes ou tous les crimes pour un mor- .
ceau de pain ; c étaient Françuen, Van
Hamme & Deslondes ; on arrêta dans, *
ce conſeil ſecret. 1°. De retenir l'au
torité dans les mains du clergé 2°. D'é
craſer les maiſons de Ligne, d'Arem
berg & Durſel, les ſeules qui euſſent
des droits ou des prétentions à la ſou--
veraineté ; 3°. De maintenir l'ancienne
conſtitution dans tous les les points; 4°.
De ne pas ſouffrir l'adjonction du tiers
Etat ; 5°. D'empêcher toute innovation .
& ſurtout ce qui pourrait ſe rapprocher
de l'aſſemblée nationale de France ; 6v.
Enfin d'anéantir le comité ſecret de
Bruxelles, de lui reprendre tout pou
voir, & de proſcrire toute aſſemblée
-,
*, ' ( 57 )
particuliere , ſous quelque dénomination
qu'elle fût formée, -
M o N s E 1 G N E U R,
-
!
Peu s'en eſt fallu que, grace à moi,
le peuple brabançon n'ait joué hier à la
lanterne, & que LL.EE. Henri Vander
Noot & Van Eupen n'en aient été les
premiers acteurs : cette nouvelle ne vous
ſurprendrait pas beaucoup, mais ce qui
vous eût étonné, c'eût été d'apprendre
que c'était Jacques le Sueur qui avait
filé leur corde; c'eſt cependant la vérité
pure , j'avais tout préparé pour un ſi
beau coup de théâtre, mais Walckiers
l'a fait manquer ; prêt de toucher le
but , il s'eſt trouvé ſans énergie , il a
perdu le fruit de deux mois de travaux
employés à ourdir ſa trame, & Vander
Noot & Van Eupen ſont ſanvés,
( 69 )
Bruxelles eſt dans un moment d'anar
chie & de déchirement ; il eſt preſqu'im
poſſible de deviner quel ſera le dénoue
ment de la farce qui s'y joue : hier les
démocrates ont triomphé ; mais ils n'ont
pas ſu écraſer leurs ennemis : ſix pintes
de ſang ſuffiſaient pour changer la face
des provinces belgiques ; les démagogues
n'ont pas oſé les répandre, & peut-être
avant quinze jours s'en repentiront ils ,
& m'entraîneront ils dans leur chûte.
- La guerre eſt ouverte entre les ariſto
crates & les démocrates ; Vander Noot ,
les Prêtres & les Etats combattent pour
l'ancienne conſtitution ; la nobleſſe &
tous les citoyens éclairés en demandent
une nouvelle & l'aſſemblée nationale à
l'inſtar de celle de France ; Vander
Noot ſolde tous les journaliſtes & écri
vains des pays bas , calotins de profeſ
ſion , pour décrier toutes les opérations
françaiſes ; ils ne ceſſent de répéter au
peuple : plutôt mille fois le deſpotiſme,
Jyeph II, d'Alton , Trautmansdorff,
que la philoſophie des Mirabeau, des
Barnave & des Robertspierre. Vander
Noot ne marche plus qu'entouré de cha
#
O N
noines & d'abbés # il entre dans
une égliſe, le doyen, la mître en tête,
vient le recevoir à la porte, lui pré
ſente l'eau bénite, & le conduit au chœur,
où il lui donne la bénédiction excluſive
du ſaint Sacrement des miracles. Il ap
pelle l'évêque d'Anvers l'Auguſtin, le
Tertulien de ſoi, ſiecle; & le ſaint Pré
lat ne manque pas de lui ripoſter ſa ſa
lutation en le nonmant le Brutus bel
gique : ce Brutus cependant , n'eſt rien
moins que populairc ; il s'eſt déclaré
ouvertement contre le tiers Etat , & cet
avocat - trouve la Joyeuſe Entrée bien
| ſupérieure à notre déclaration des droits
de l'homme & notre conſtitution. .
| - La mort de l'Empereur que nous ve
nons d'apprendre, a été pour les deux
partis le ſignal du combat; cette mort
, a produit ici deux effets bien contraires ;
Vander Noot & les moines, en la re
gardant comme une punition de Dieu,
ne ſont que plus déterminés à conſerver
leur ſouveraineté ; la nobleſſe au con
traire, regardant les fautes comme per
ſonnelles, dit que Joſeph FI emporte
au tombeau & ſes crimes & ſa punition P ,
- | ( 71 ) * .. • -
- --
---
· ( 75
vers, Madame Cognau l,
maîtreſſe , fem
me de quarante ans , encore fraiche &
aimable , Madenoiſelle Julie ſa fille,
âgée de ſeize ans , jeune perſonne char
mante, & déjà initiée au culte de l'a
-|
mour, l'abbé de Tongerloo, la Pineau,
Marianne, vander Noot, van Eupen &
moi ; nous étions au deſſert , le cham
pagne écumait , tantôt ſous la main po
telée de Madame Cognau, tantôt ſous
les doigts bénis de Monſeigneur l'évê
que d'Anvers, déjà le Vander Noot en
tonnait ſes chanſons érotiques coupées
par ſes hoquets bacchiques, déjà les
mains libertines commen aient à s'éga
rer, lorſqu'on nous annonça un jeune
cordelier qui venait faire la quête pour
ſon couvent ; on le fit entrer pour s'en
amuſer, car c'eſt une remarque que j'ai
faite partout, ce ſont toujours les pré
lats ou les riches bénéficiers qui ſe font
un plaifir d'humilier la robe monacale »
& de lui inſulter ; ce fut auſſi l'évêque
d'Anvers qui inſiſta pour.qu'on le fît en
trer afin de le griſer. Nous applaudî
mes tous à ſon idée , en nous préparant
à bafouer le petit frere-lai ; mais en le
- G 2,
( 76 )
voyant un tcrdre intérêt changea nos
diſpoſitions à ſon égard ; je n'ai rien vu
de ma vie de plus doux , de plus char
mant que ce petit frere, il ſemblait réa
liſer la fable de l'Amour Quêteur. C'é
tait ce dieu charmant ſous le froc d'un
cordelier ; nous pouſſâmes tous en Ie
voyant le même cri d'étonnement , nos
femmes ne ſe laſſaicnt pas de l'admirer,
de flatter le duvet de ſes joues, d'ad
mirer la blancheur de ſa peau, d'en tâ
ter la douceur ; le petit frere ſe prêtait
à leurs careſfes d'une maniere à nous
faire juger qu'elles ne lui étaient point
étrangeres. Parbleu , dit la Pineau, nous
ne ſommes que quatre femmes, vous êtes
cinq hommes , la partie n'eſt pas égale ;
il me vient une idée : habillons le petit
frere en fille , je gage qu'il ſera char
mant, nous le donnerons à van Eupen,
qui ſeul n'a point de compagnie ; effec
tivement hors van Eupen nous étions
tous appareillés ; ſa ſainteté l'évêque
d'Anvers avec Madame de Cognau, l'abbé
de Tongerloo avec Mademoiſelle Julie ſa
fille , vander Noot avec ſa vieille Pi
#eau, & moi toujours fidele à ma petite
»
( 77 )
Marianne, que toute la compagnie con
naiſſait pour ma maîtreſſe, & regardait
comme ma prétendue. Van Eupen ſeul
reſtait les mains vuides. -
|
-
\ ( 78 )
tre deux levres brûlantes, le champagne
& le tckai. --
9 )
Mad. Cognau. Savez-vous dans quel
mois, à quelle date ? A- #
, ( 1oz )
Reine , & je crus témoigner une eon-,
fiance ſans bornes en remettant ce tréſor
à M. Cognau : il s'apperçut de mon
idée ; pour la rectifier & m'en donner
une plus juſte de mon prétendu tré
ſor, il accepta ma bourſe , en me diſant,
mon enfant , nous ne compterons pas
enſemble, & nous ferons bourſe commune
en même tems il ouvrit un tiroir de
ſon ſecrétaire dans lequel je vis plus de
mil e pieces d'or, il vuida dedans ma
bourſe, & mes pauvres pieces s'y mêle
rent comme l'onde d'un petit ruiffcau
vient ſe perdre dans l'Efcaut.
Dès le lendemain M. Cogºau fut à
la ville, pour s'informer de - l'effet qu'a
vait produit mon évaſion , il fallut qu'il
s'introduiſit dans la maiſon même de ma
mere pour en ſavoir des nouvelles, tant
on y avait mis peu d'importance ; cette
indifférence de ma mere me tranquilliſa,
& je me livrai toute entiere à l'étude ;
M. Cognau avait une bibliotheque choi
ſie , il était beaucoup plus inſtruit que
ne le font ordinairement les militaires
français, il ſe plaiſait à réparer le dé
faut de mon éducation, & il me donna
( 1o3 ) ,
une legere teînture de toutes les eon
naiſſances agréables : je l'aimais comme
un pere , il m'adorait comme ſon enfant ;
enfin, il me demanda un jour fi je ſe
rais fâchée de changer ce titre de pere
contre celui d'époux , me déclarant qu'il
n'en aurait jamais que le titre, ſans pou
voir faire uſage des droits, par une
ſuite malheureuſe - d'une aventure ga
lante qu'il avait eue dans ſa jeuneſſe, &s
qui l'avait mis hors d'état de jamais rem
plir les devoirs phyſiques d'un époux :
cette raiſon fut celle qui me détermina
le plus à accepter ſa main : le jour de
notre mariage fut arrêté , mais comme
nous ne voulions ni. l'un ni l'autre y
donner aucune publicité , nous convîn
mes que nous le célebrerions clandettine
ment dans l'abbaye , dont l'abbé nouvel
lement nommé ferait tout pour lui.
En effet il fut le trouver, il convint
avec lui que nous arriverions à minuit
à l'abbaye , que nous ſerions ſur le champ
introduits dans l'égliſe , qu'il s'y trou
verait avec deux de ſes moines qui nous
ſerviraient de témoins , qu'il nous don
merait la bénédiction nuptiale, & que
( 1e4 )
nous nous en retournerions ſur le champ :
tout s'exécuta comme l'abbé l'avait pref
crit, nous nous rendîmes M. Cognau &
moi à l'abbaye comme minuit ſonnaient ;
on nous introduiſit dans l'égliſe qui n'é
tait éclairée que par deux cierges qui
ne ſervaient qu'à mieux faire voir les
ténebres qui nous enveloppaient : nous
étions aux pieds des autels , le prêtre
paraît , il célebre la meſſe. Le cœur me
battait, j'avais toujours tenu les yeux
baiſſés , arrive enfin l'inſtant de la céré
monie, le prêtre defeend de l'autel pour
nous unir, , il me demande ſi je jure
fidélité à mon futur époux , ſa voix
me fait treſſaillir , je leve les yeux,
je reconnais mon cher comte Francois,
le pere de mon Aleris, mon amant ;
je pouſſe un cri , & je tombe évanouie
fur les marches mêmes de l'autel , on
fit de vains efforts pour me rendre l'uſage
de mes ſens ; M. Cognau me ramena
ſans connaiſſance à la ferme , & quand
j'ouvris les yeux , je me trouvai dans
mon lit, auprès duquel était aſſis mon
époux , qui tenait une de mes mains
dans les fiennes & l'arrofait de ſes larmes.
( 1o5 )
Je crus ſortir d'un ſommeil profond , je
lui demandai pluſieurs fois ſi tout ce que
je me rappellais n'était pas un ſonge ,
il me confirma tout ; alors, comme mon
cœur ne pouvait avoir un ſecret pour
un ſi digne époux , je lui expliquai la
cauſe de ma pamoiſon , en lui avouant
que ce prêtre qui allait nous marier,
était le comte François, mon ancien
a maIlt, - " .
^.
( II.4 )
ser du côté des démocrates , fut l'arti
vée de Vander-Meijch à Bruxelles.
Tous les volontaires ſortirent , au
devant de lui à cheval & ſous les armes,
& lui ſervirent de cortege ; il entra par
la porte de Louvain , il était entouré
d'un grand nombre d'officiers étrangers
que l'amour de la gloire a raſſemblés
ſous ſes drapeaux. Sa femme & ſes enfans
le ſuivaient dans une des voitures qui
fermaient cette marchè triomphale.
Il ſe rendit à l'églife collégiale de
ſainte Gudule pour y dépoſer aux pieds
du Dieu des armées les lauriers cueillis
à Turnhout, à Dieſt , à Termonde. Au
ſortir de l'égliſe le même cortege l'ac
eompagna & le conduifit au travers d'un
peuple immenſe, qui lui témoignait toute
ſa reconnaiſſance , chez M. le baron de
Peuty, où il dina au ſein de ſa fa
mille.
Le ſoir il ſe rendit à la ſalle de la
«omédie ; le Brabançon jaloux de voir
ſon héros, s'y était porté en foule, &
ba ſalle, quoiqu'immenſe , ne ſe trouvant
pas aſſez grande pour contenir tous eeux
qu'une curioſité reconnaiſſante y avaie
1
( II 5 )
sttirés, les corridors , les couliſſes, le
théâtre ſe trouverent inondés de ſpecta
teurs: loin d'imiter l'impudence de Van
der Noot , qui s'était inſolemment placé
dans la loge de LL.AA. R R., Vander
Merſch parut modeſtement dans la loge
du baron de Peut y au milieu de toute
ſa famille : à ſon arrivée l'orcheſtre joua
une fanfare que le public fit recommen
cer. Alors une nuée de vers patriotiques
dictés par l'enthouſiaſme & le ſentiment
tombât du cintre ſur tous les ſpectateurs.
Tous ces applaudiſſemens , tous ces
hommages étaient autant de coups de
poignard pour l'envieux Vander-Noot,
il penſa en crever de rage, mais Van
Eupen plus adroit que lui, le força de
diffimuler ſa , jalouſie , & lui fit ſentir la
néceſſité d'attirer Vander-Merſch dans
le parti des Etats ; mais leurs efforts fu
rent vains , les démocrates s'en étaient
emparés , & en quittant Bruxelles , il ſe
déclara ouvertement pour le peuple con
tre la ſouvcraineté des Etats.
Chaque jour ébranlait le trône de.
Vander Noot : le duç d'Aremberg mal
sré ſa cécité fut élu chcf des cinq ſer-,
( II6 )
mens ; il devait jurer fidélité aux Etats,
le duc refuſa nettement.
- Le refus formel du duc d'Arember
de prêter le ſerment aux Etats, fut le
ſignal de i'inſurrection démocratique ;
Je comité ſecret de Bruxelles n'avait
changé que de titre , il exiſtait toujours
ſous ceiui de Societé patriotique, & tous
les jours il acquérait de nouveaux mem
bres & un nouveau crédit ſur l'eſprit du
peuple ; Vander Noot ſe voyait arrachet
les rênes du gouvernement , & jurait
comme un enragé, Van Eupen plus fin,
prévoyant ſa culbute, la prépara, & fit
paſſer 7oo mille florins en Hollande, il
acheta une maiſon ſuperbe à Berg-op
zoom, & y dépenſa en meubles ſeuls
15o mille florins : la Pineau ſuivit ſon
exemple, elle fit comprendre à Vander
Noot que, s'il avait le malheur d'être
culbuté ; il ſe trouverait dans la der
niere miſere, tandis que Van Eupen,
• de ſon palais d'Hollande , inſulterait à
leurs beſoins, & ne leur offrirait pas un
verre d'eau ; des-lors il renonça pour
un moment à ſes idées de grandeur &
de ſouveraineté, pour ne s'occuper que
( 117 )
de fa retraite ; ce fut à Londres qu'il .
la choiſit, & ſur les trois millions de
florins que prêta Anvers pour les frais
de la guerre, Vander Noot & Van
Eupen s'en partagerent un : il y eut huit
· cent mille florins pour Vander Noot ,
qu'il plaça ſous differens noms à la ban
que de Londres, & 2co mille pour Van
Eupen.Je puis répondre de cette opéra
tion, puiſque c'eſt moi qui en fus chargé.
Quand la Pineau qui , de ſon côté,
grapillait en ſe faiſant payer tous les
brevets d'oſſiciers qu'elle vendait publi
quement , eut aſſuré ſon ſort & celui .
de Vander Noot, elle l'excita à faire
un dernier effort pour regagner l'auto
rité ſouveraine : il était clair que le parti
qui aurait l'armée dans ſes intérêts,
finirait par écraſer l'autre ; Vander
Merſch qui avait la confiance du ſoldat,
était parti de Bruxelles en ſe déclarant
pour les démocrates, mais il n'avait en
, core rien fait pour eux : nous tinmes
un comité ſecret chez la Pineau, où
aſſiſterent les chefs du parti ariſtocrati
que ; le cardinal de Malines, l'évêque
( 118 )
d'Anvers, 1 abbé de Tongerloo, étaient
à la tête : on forma une ſoumiſſion de
trois cent mille florins, que Vander
Noot fut chargé d'offrir au général , s'il
voulait faire prêter à l'armée le ſerment
d'obéiſſance aux Etats, & en faire re
eonnaître la ſouveraineté. -
- | ( 129 ) , , ,
# ment des Eſcrimeurs, & qui eſt bon pa
· triote, lui a rendu lui-même la grande
garde de la grande place , & en la lui
: rendant, il l'a embraſſé les larmes aux
yeux , aux applaudiſſemens de tout le
peuple , & après lui avoir rendu le poſte ,
il s'eſt mis à côté de lui comme fim
ple volontaire. Le ſoir Walckiers a
paru au ſpeclacle dans la loge du duc
· Durſel, & a reçu du public l'accueil
#
lc plus flatteur.
Enfin, Monſeigneur, le triomphe des
démocrates eſt complet, j'ai ſoupé hier
au ſoir chez la Pineau , & Vander Noot
ne s'eſt pas même griſé ; je ne ſais pas
. ſi l'on ſe méſie de moi , mais pendant
tout le repas on n'a pas dit quatre mots :
j'ai ſu qu'on avait paſſé la nuit à brûler
des papiers & à faire des paquets; mais
/Valckiers eſt déterminé à s'emparer des
perſonnes de vander Noot & de van
Eupen ; je lui en ai même répondu ſur
ma tête, & certainement ils ne m'échap
peront pas ; je me ſuis chargé de les
arrêter , & j'en attends l'ordre. Je ne
ſais encore qui oſera me le donner.
J'attends également les vôtres..
le ſuis avec reſpect, &c.
( 13c )
P. S. Voilà trois mois paſſés que je
ſuis employé par le gouvernement dans
les Pays-bas , je ſupplie Monſeigneur de
ſe reſſouvenir qu'il m'a été promis une
gratification de 3ooo livres , fi ma miſ
fion durait plus de trois mois ; je vous
prie de m'en faire expédier l'ordonnan
ce , ainſi que le rembourſement de mes
faux frais , montant à 4ooo livres, dont
je joins l'état à ce rapport. .
se3-.»+,»+ eºc'麻+ »+.# > -- ºhºº , -5« » 3º
| HUITIEME R A P P O R T.
MON S EIG N EU R ,
',- -
\ -
( 13o )
Franquin joint la valeur aux plus douces vertus ;
Daigne accepter ce faible hommage
De tes amis , de tes eufans,
Et puiſſent tes longs jours égaler ton courage ;
Ce ſont là nos deſirs, ce ſont là nos ſermens.
( I42 )
faibleſſe de ſe mettre au devant du coup,
& de le ſauver; dans le moment Mont
clergeon propoſe une autre formule de
ſerment, il cſt adopté par les quatre
compagnies qui deſcendent alors ſur la
grande place , entourent les deux com
pagnies de Chaſſeurs & des Francs-co
quins , prêtes à les hacher, s'ils ſe re
fuſent au ferment patriotique ; les trai
tres & les ſcélérats ſont toujours lâches ;
les deux compagnies ſe réuniſſent aux
autres volontaires , & le van der Hague
eſt encore obligé, au centre des fix com
pagnies, en préſence de Vander Noot,
qui écume de rage, de Van Eupen, qui
fe mord les levres, du duc d'Aremberg,
de Walckiers , du baron de Löen & de
Montclergeon qui triomphent , du baron
d'Houes & de Françuin qui tremblent
de peur , de lire à haute voix ce ſer
MlleIlt : - -
( 144 ) -
( 1 51 )
Tendu par l'ancien conſeil ſupérieur de
1'Empereur : leſquels ſont votés par les
Etats pour venger la religion, & l'an
cienne conſtitution. \
M oN c H E R L E C T E U R,
( 174 )
» la patrie, de s'armer pour la dé
» fenſe du pays , & de ſe réſoudre à
» mourir plutôt que de retomber au pou
» voir de leurs ennemis. »
· A cette imbécille déclaration , on joi
gnit pour le peuple la farce ſuivante ,
plutôt faite pour le I2eme que pour le
I8eme ſiecle.
» Le chapitre d'Anderlecht, le curé &
les gens de loi , avec plus de I 5oo vil
lageois armés, arriverent à Bruxelles au
bruit d'une muſique militaire : un char
de triomphe attelé de fix chevaux était
placé au centre de la troupe : des en
ſans ſuperbement vêtus portaient diffé
rens emblêmes ; l'un au milieu du char,
tenait un bâton , au bout duquel était le
chapeau de la liberté: un autre élevait
le portrait- de Vander Noot : un troi
ſieme portait les armes du Brabant. Mais
le principal ornement du char était un
· Chriſt qui en dominait la partie fupé
rieure : il était préſenté par une char
mante perſonne qui repréſentait la re
· Jigion , & montrait au peuple ce géné
ral crucifié ſous la protxction duqucl
ils combattent : (Je te préviens, moa
( 175 )
eher le 7eur, que dans cette pompeuſs
deſcription, je copie mot pour mot la
relation qu'en donna le lendemain la
ſpirituelle gazette de Biuxelles. ) Qua
tre petits canons de carton doré , étaient
au bord du char, & quatre enfans ha
billés en voiontaires , ayant mis le feu
au canon , une pluie de louis d'or en
eſt ſortie au lieu de boulets ; c'eſt un .
don que fait la ville pour l'acquiſition
de quatre canons.
» Les villageois d'Ohïn , de Houille
berg , de Duysbourg & de Tervueren .
avec ceux de Voſſem & de Nereyfſehe,
au nombre de quatre mille hommes.
tous bien armés & exercés , ont égale
ment mérité les applaudiſſemens de toute
la ville. - -
Et profànant le facerdoce , »
· ( 2o4 )
'& qu'en époufant Mile Charlier il ne
fongeait qu'à la fortune qu'elle pouvait
avoir, il fermait les yeux ſur ſes amours
nocturnes. Mais il crut trouver dans
Van Kriecken un rival d'autant plus
dangereux , qu'il était honnête , & qu'il
pouvait lui diſputer avec avantage la
main de ſa maîtreſſe. \
( 2 To )
à bras ouverts , ſes innoeentes eareffes
ont une teinte plus vive ; le fcélérat s'en
apperçoit : depuis longtems il couvait
dans ſon ſein le funeſte projet de ſé
duire Babet; l'occaſion ſe préfente, il
la faiſit. Sous le maſque hypocrite de
la religion , il defcend dans ce cœur
innocent & confiant , il en ſonde tous
les replis , il en arrache enfin juſqu'au
ſecret terrible de ſa faibleſſe : alors fier
d'une pareille découverte , il leve le
mafque , le moine difparait, l'homme,
ou plutôt le monſtre ſe découvre : il
déclare à Babet , qu'il ne confentira à
ſon union avee Van Kriecken, qu'au
tant qu'elle lui aceordera les mêmes fa
veurs. C'eſt à ce prix ſeul qu'elle peut
mériter ſon pardon, & obtenir fon époux:
fans attendre : ſon conſentement , il ſe
met en devoir de ravir la roſe qu'il
exige : Babet ſe défend avec courage,
mais ſes forces s'épuiſent; elte a recours
aux cris, fes cris attirent ſon hôteſſe
qui eft la boulangere qui demeure au
coin de la rue de l'hôpital. O crime !
& honte de l'humanîté ! .. Cette ſcélérate
était gagnée par le pere Hugues. Babet
:
211 )
an ta voyant s'élance dans ſes bras com
me dans.l'aſile que lui offre le ciel. Le
monſtre l'y reçoit , mais e'eſt pour l'é
touffer : forte & vigoureuſe , elle renver
ſe Babet ſur elle, lui aſſujettit les
mains, tandis que le pere Hugues , lui
, met dans la bouche ſon mouchoir de
col : Babet épuiſée, étouffée , perd
connaiſſance , le pere Hugues proſite
de ſa faibleſſe pour l'immoler à ſa lu
bricité , & ſans remords , ſans pitié , il
triomphe de fa malheureufe niece; il
achevait à peine ce ſacrifice horrible ,
ſa malheureuſe victime était encore
étendue fans connaiſſance ſur le car
reau, qu'il entend monter Van Krie
eken, il vole au devant de lui ſans ſe
déconcerter, lui dit que Babet vient de
ſe trouver mal , la lui recommande &
s'eſquive.
Van Kriecken ſe précipite dans la
chambre de Babet ; la Boulangere
cherchaºt à la ranimer , ce malheureux
amant ſeconde ſes ſoins perfides , Ba
bet revient à la vie , mais ſes ycux éga
rés ſe troublcnt aux objets qu'elle ap
-*
#
perçoit : elle croit voir encore dans
( : I2 )
fon amant le moine ſcélérat , elle 1ui
reproche fon crime, & par ſes repro
ches découvre à Van Kriecken toute
l'horreur de la ſcene affreuſe qui vient
de ſe paſſer : la Boulangere ne peut ſe
ſouſtraire à fa fureur que par une promp
te fuite : Babet reſiée ſeule avee
Van Kriecken le reconnait, tombe dans
ſes bras , & ſe fent aſſez de courage
pour lui dévoiler toute l'horreur du P.
Hugues. -
- T 2,
( 22o
Le ſouſſigné déclare ſur ſa parole *
d'honneur, que la reddition de Namur |
*,
| {.22 )
Je ſeur dénonce comme conjurés tous
les membres du ci - devant congrès &
Etat.
Je leur dénonce comme conjurés tous
ceux qui ont porté l'habit de volontai
res, & notamment ceux qui , à Bruxel
· les , formaient la compagnie des ehaſſeurs
commandée par le comte de Liminghe
& celle des francs-coquins commandée
par l'archi-coquin Franquen.
Je leur dénonce enfin comme conju
rés, forcenés & enragés , les gardes-du
corps de ſon Excellence H. Vander
Noot, les aſſaſſins de M. Van Schelle,
de Mad. du Buiſſon , de M. le duc
Durſel & de l'infortuné Van Krieckee
" c
#
*
( 226 )
XA%'º'º'º'º'º'º'º'º.P.'º,'º.88.8.8.8.a.x
· DIXI EME R A P P O R T.
• . De Liege le 12 janvier-17gr. .
-- -
( 229 )
me payer ce rapport, je le fais pour
mon plaifir, & pour celui de mon lec
teur tel qu'il foit.
Un prélat croſſé, mitré , a une grande .
· diſpute avec un peuple plein d'énergie,
dont il ſe trouve par haſard fouverain ,
parce qu'il a plu à ſes confreres les no
bles chanoines du noble chapitre de
Liege de le choifir pour évêque de
Liege ; autant vaut cette maniere de
monter ſur un trône , que de s'y trou
ver porté , parce qu'on a eu le bonheur
| de naître fils ou petit fils de Roi.
On s'imagine peut-être que cettte dif
pute entre un peuple dévot, mais ſans
_ Prétromanie, & un ſaint évêque fouve
rain, vient ſur quelque dogme de re
ligion, quelque rite d'cffice , ou quelque
droit ſpirituel ; point du tout : il n'y a
rien de ſpirituel dans toute cette diſpute,
ce n'eſt ni pour Dieu, ni pour ſes ſaints,
ni pour une égliſe qu'elle s'eſt élevée :
mais pour un Wauxhall, un Biribi , &
deux banquiers de pharaon dont l'un tail
lait pour le profit de S. A., l'autre vou
lait tailler pour ſon profit.
- Le village de Spa eſt le plus beau
( 23o )
fleuron de la couronne de S. A. Mgr,
l'évêque-prince de Liege : toute l'Europe
connait Spa, toute l'Europe y a verſé
des pleurs & de l'or ; les Princes-évê
ques de Liege avaient accordé à une
compagnie de ſociétaires redeutables , le
droit exelufif-d'y dépouiller toutes les
dupes de l'univers, moyennant une pe
tite rétribution de 72 mille florins par
an : la compagnie exerçait à merveille
ſon privilege , il n'y avait aucun repro
che à lui faire : jamais Mandrin ni Car
touche n'ont mieux fait leur métier , que
M. de Laux , propriétaire privilégié de
la redoute de Spa. Ce qui lui valut
même ce calembour que lui fit M. le
chevalier de Fagan en préſence de deux
cents perſonnes : Savez-vous M. de Laur,
ce que les honnêtes gens dijènt & répe
tent, c'eſt que ſi Sodome a péri par de
feu, Spa périra par de l'eau.
Cependant les flots d'or qu'apportaient
en. tribut à la redoute tous les joueurs
de l'Europe exciterent des envieux au trop
heureux de Laux. M. Levoz s'étant aſſocié
un brave chevalier français nommé le
eomte de Rice, qui ſe fit fon Don Qui :
( 231S)
°hotte, éleva en dépit de de Laux &
de ſon protecteur le prince évêque, &
de ſon privilege excluſif, & de ſa ſo
ciété redoutable , un Wauxhall à Spa.
| Ce comte de Rice, joueur comme Cha
pelier, roué comme Mirabeau, fameux
| dans les tripots, célebre dans : les bou
doirs , venait de donner un nouveau luſtre
à ſon nom en tuant- en duel, on ne ſait
pas trop comment, le vicomte du Barry,
fils de l'illuſtre comte Jean.
Le prince-évêque & de Laux d'un cô
té, Devoz S. le comte de Rice de l'au
tre, porterent leur procès à la ſacrée
chambre de Wezlaer arbitre ſouveraine
des mille & un ſouverains de l'Empire
germanique tant grands que petits , il
y eut,comme on s'en doute bien , grand
nombre d'incidens tantôt favorables , tan
tôt contraires au prince évêque, & Levot
& de Laux , las de, ſe faire une guerre
inutile , finirent par partager à l'amia
ble l'or de leurs nombreuſes dupes. - ;
( 132 )
tentions que ſur un privilege exclufif
qu'il tenait du ſouverain ; Levoz eut la
méchanceté d'avertir le peuple que ſon
Souverain n'avait pas le droit de don
ner des privileges exclufifs, & qu'il por
tait atteinte à ſes droits, à ſa conſtitu
tion, à ſa liberté : eette étincelle tomba
fur un baril de poudre : les Liegeois ont
1a tête aufſi chaude que le cœur , & les
Allemands les peignent par ce Dičton: le
Liegeois eſt monté ſur un cheval en -
rage. -
- | ( 234)
Ture & à reſpecter les droits des Belges
& des Liegeois ; mais Leopold va pren
dre à Francfort la couronne impériale,
les Electeurs ne la poſent ſur ſa tête qu'à
la condition de ſoumettre les Liegeois
après qu'il aura vaincu les Belges. Léo
pold promet, tout ; . Frédérie retire aux
Belges & aux Liegeois ſon bras protec
teur : l'aigle d'autriche s'élance ſur la
Belgique, les Belges tombent aux pieds
de Léopold, les Liégeois ſe jettent dans
ſes bras, & la paix replante enfin l'olive
ſur les rives fortunées de la Meuſe &
de l'Eſcaut. Le bonnet de la liberté diſ
· parait, les peuples reprennent leurs fers,
S& les ſouverains leur deſpotiſme.
T'elle eſt l'hiſtoire dc la révolution
belgique & liégeoiſe : mais le Lapon gla
cé eſt moins différent de l'Africain brû
lant que le Liegcois ne l'eſt du -Bra
bançon : ce Brabançon eſt fait pour l'eſ
clavage, le Liegeois eſt digne d'être li
bre ; l'Europe a vu avec indignation les
convulſions fanatiques du Belge, & les
ennemis même de l'Eburon ont applaudi
à ſon énergie & à ſon courage : pendant
ºes courts inſtans d'indépendance de ſes
( 235 ) - - -
F I N.
-
,
****